Nations Unies

CAT/C/KEN/CO/2

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

19 juin 2013

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le deuxième rapport périodique du Kenya, adoptées par le Comitéà sa cinquantième session (6‑31 mai 2013)

Le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport du Kenya (CAT/C/KEN/2) à ses 1146e et 1149e séances, les 15 et 16 mai 2013 (CAT/C/SR.1146 et 1149), et adopté lesobservations finales ci‑après à ses 1164e et 1165e séances (CAT/C/SR.1164 et 1165), le29 mai 2013.

A.Introduction

Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir accepté de soumettre son rapport périodique conformément à la nouvelle procédure facultative, car celle‑ci améliore la coopération entre le Comité et l’État partie et permet d’orienter avec précision l’examen du rapport et le dialogue avec la délégation. Le Comité accueille également avec satisfaction la soumission, en 2011, du document de base de l’État partie (HRI/CORE/KEN/2011).

Le Comité se félicite du dialogue franc qui s’est tenu avec la délégation de haut niveau de l’État partie sur de nombreux sujets intéressant la Convention.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour renforcer son cadre juridique et institutionnel visant à garantir la protection universelle des droits de l’homme, notamment les mesures suivantes:

a)L’adoption en 2010 de la Constitution, qui consacre spécialement:

i)Une Charte des droits prévoyant le droit intangible de «ne pas être soumis à la torture ou à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants» (art. 25 a));

ii)Le principe de l’applicabilité directe des instruments internationaux (art. 2, par. 6) et des règles générales du droit international (art. 2, par. 6), y compris du droit coutumier, dans l’ordre juridique interne de l’État partie;

b)L’adoption en 2012 du projet de loi relatif à la ratification des traités;

c)L’adoption en 2011 de la loi portant création du Conseil de la magistrature, et la réforme judiciaire en cours, qui prévoit la création d’un bureau du directeur du parquet;

d)L’adoption en 2011 de la loi portant création de la Commission nationale pour l’égalité des sexes;

e)L’adoption en 2011 de la loi portant création de la Commission indépendante chargée des élections et de la délimitation des circonscriptions électorales.

Le Comité salue en outre l’engagement pris par la délégation d’inviter le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants à se rendre au Kenya.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture et peines appropriées pour les actes de torture

Le Comité note que la loi de 2011 sur le service national de police érige en infractions les actes de torture et les mauvais traitements commis par des policiers et définit des peines appropriées, mais il demeure vivement préoccupé par le fait que le projet de loi de 2011 sur la prévention de la torture n’a pas encore été adopté (art. 1er et 4).

Considérant que l ’ État partie a ratifié la Convention en 1997, le Comité l ’ engage à déposer d’urgence le projet de loi de 2011 sur la prévention de la torture devant le Parlement afin que ce texte , qui contient une définition générale de la torture conforme à l ’ article p remier de la Convention et rend tous les actes de torture passibles de peines appropriées , devienne le droit applicable .

Le Comité est préoccupé par la déclaration de la délégation qui a indiqué que bien que les dispositions de la Convention soient incorporées dans l’ordre juridique interne et que les droits qu’elles consacrent soient opposables au Kenya, dans la pratique, les policiers ayant commis des actes de torture sont généralement inculpés d’autres chefs que la torture, par exemple de meurtre, de violence ou de viol (art. 4).

L’État partie devrait faire en sorte que , lorsqu’il existe des preuves démontrant que des actes de torture ont été commis, les fonctionnaires en cause soient obligatoirement poursuivis du chef de torture , conformément à la définition de la torture énoncée à l’article premier de la Convention.

Le Comité accueille avec satisfaction les informations que l’État partie a fournies au sujet des modifications qu’il est proposé d’apporter aux dispositions du projet de loi sur la justice des mineurs (2011) relatives aux peines applicables aux actes de torture et aux mauvais traitements à l’égard d’enfants, mais il demeure vivement préoccupé par le fait que la loi sur l’enfance (2001) actuellement en vigueur punit ces mêmes actes «d’un emprisonnement d’une durée maximum de douze mois et/ou d’une amende de 50 000 shillings kényans», ce qui n’est pas proportionné à la gravité de ces infractions (art. 1er et 4).

Le Comité invite instamment l ’ État partie à adopter le projet de loi de 2011 portant modification de la loi sur l ’ enfance ainsi que le projet de loi sur la justice des mineurs (2011), afin que la législation nationale sanctionne les actes de torture et les mauvais traitements à l ’ égard d ’ enfants par des peines appropriées qui tiennent compte de la gravité de ce s actes .

Exécutions extrajudiciaires et emploi disproportionné de la force

Le Comité demeure préoccupé par le fait que des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées et des cas d’usage excessif de la force imputés à des policiers, en particulier au cours d’«opérations spéciales», continuent d’être dénoncés, et par le nombre limité d’enquêtes et de poursuites auxquelles ces actes donnent lieu. Le Comité est en outre particulièrement préoccupé par les informations qu’il a reçues au sujet d’un jeune homme qui aurait été tué par balle par des policiers à Nairobi en avril 2013 après avoir volé un téléphone portable (art. 11 et 12).

Compte tenu de s es précédentes recommandations ( CAT/C/KEN/CO/1, par.  20), le Comité prie instamment l ’ État partie de prendre des mesures pour faire en sorte que tous les cas de recours à la force meurtrière et d’usage excessif de la force par les forces de sécurité, notamment ceux qui se sont produits dans les districts de Mandera et du fleuve Tana, fassent promptement l ’ objet d ’ une enquête diligente et i ndépendante, et que les auteurs présumés soient traduits en justice et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes. En outre, l ’ État partie devrait:

a) Veiller à ce que le mandat de l ’ organe indépendant de contrôle de la police ne fasse l’objet d’aucun changement qui puisse altérer l’ obligation lui incombant de signaler les décès imputables aux forces de police;

b) Réglementer comme il se doit l ’ usage des armes à feu par la police de manière à garantir le respect des Principes de base sur le recours à la force et l ’ utilisation des armes à feu par les responsables de l ’ application des lois (1990) ;

c) Dispenser à l’ensemble des personnels des forces de l’ordre, en particulier à la police, une formation appropriée sur l ’ usage de la force;

d) Rendre publics les résultats de toute s les enquêtes menées sur les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées et les cas d’usage excessif de la force imputés à des policiers, en particulier dans les affaires susmentionnées .

Garanties juridiques fondamentales

Le Comité prend note avec satisfaction des informations communiquées au sujet des garanties juridiques accordées aux personnes placées en garde à vue, mais est préoccupé par le fait que ces garanties − notamment le droit de consulter un avocat et d’être examiné par un médecin, de contacter un membre de la famille et d’être présenté à une autorité judiciaire dans les meilleurs délais − ne sont pas pleinement respectées dans la pratique (art. 2 et 11).

L ’ État partie devrait veiller à ce que tous les détenus bénéficient dès leur arrestation , en droit et en pratique, des garanties fondamentales prévues par la loi, y compris du droit de consulter un avocat, d ’ informer un proche, de demander à être examiné par un médecin indépendant et d ’ être présenté à une autorité judiciaire dans les vingt ‑quatre  heures suivant l’arrestation, ainsi que le prévoit l’article 49, paragraphe 1, alinéa s  f et i , de la Constitution . À cet effet, le Comité renvoie l ’ État partie à son Observation générale n o 2 (2008) relative à l’application de l’article 2 par les États parties et aux mesures qui y sont préconisées pour prévenir efficacement la torture et les mauvais traitements. En outre, l ’ État partie devrait faire en sorte que le projet de loi de 2012 relatif aux personnes privées de liberté co ntien ne toutes les garanties juridiques nécessaires et s oit déposé devant le Parlement.

Réforme de la police et enquêtes

S’il prend note avec satisfaction des réformes en cours au sein de la police, en particulier de l’adoption en 2011 de la loi sur le service national de police, de la mise en place de l’organe indépendant de surveillance de la police et de l’adoption d’un code de conduite de la police, le Comité reste néanmoins vivement préoccupé par le fait que l’État partie persiste à ne pas ouvrir d’enquêtes immédiates, impartiales et effectives sur tous les actes de torture et les mauvais traitements imputés à des policiers et à ne pas poursuivre les auteurs présumés (art. 12 et 13).

Le Comité invite instamment l ’ État partie à prendre toutes les mesures nécessaire s pour que la loi relative au service national de police de 2011 soit effectivement mise en œuvre, que tou s les actes de torture ou les mauvais traitements imputés à des policiers fassent sans délai l ’ objet d ’ enquêtes diligentes et impartiales, et que les auteurs soient dûment poursuivis du chef de torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées . L’ État partie devrait en particulier faire en sorte :

a) Que l’ organe indépendant de surveillance de la police dispose de moyens financiers et humains suffisants pour s ’ acquitter efficacement de son mandat, y compris pour collecter des données indépendantes sur les plaintes dénonçant des actes de torture ou des mauvais traitements imputés à des représentants des forces de l’ordre, sur les enquêtes auxquelles elles ont donné lieu , les poursuites engagées ainsi que les condamn ations et les peines prononcées ;

b) Que l a Commission du service de police nationale dispose de ressources financières suffisantes et se fixe comme priorité l’application d’un système de contrôle qui permette de suspendre de leurs fonctions les agents mis en cause pendant la durée de l’enquête , et de les poursuivre des chefs appropriés ;

c) Que l e projet de loi sur le service d u coroner de 2011 soit adopté et que le service de médecins indépendants qu ’ il prévoit soit rapidement mis en place.

Conditions de détention

S’il prend acte des mesures prises par l’État partie pour améliorer la situation dans tous les lieux de détention, notamment de l’adoption de la loi relative à l’exercice du droit de grâce de 2011, l’attribution de ressources financières supplémentaires, et les mesures visant à réduire la surpopulation carcérale, le Comité demeure toutefois profondément préoccupé par les conditions de détention, en particulier la persistance de la surpopulation, le manque de services de santé appropriés, l’ampleur de la violence, notamment la violence entre détenus et la violence sexuelle, et la pratique consistant à incarcérer les enfants de moins de 4 ans avec leur mère détenue (art. 2, 11 et 16).

Rappelant s es précédentes recommandations ( CAT/C/KEN/CO/1, par.  15), le Comité prie instamment l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour mettre les conditions de détention en conformité avec l ’ Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, et notamment:

a) D e p rendre les mesures voulues pour réduire le niveau élevé de la violence dans les prisons, y compris la violence sexuelle, prévenir l’exploitation sexuelle des détenus et punir les personnes reconnues responsables de tels actes ;

b) D e réduire encore la surpopulation carcérale en faisant un plus grand usage des mesures non privatives de liberté et des ordonnances relatives aux travaux d ’ intérêt général , en particulier pour les infractions mineures;

c) D ’a dopter le projet de politique carcérale, en vue d ’ apporter de réelles améliorations aux conditions dans tous les lieux de détention et d’y garantir l’accès à des services de santé appropriés;

En outre, l’État partie devrait limiter la pratique consistant à incarcérer des enfants avec leur mère, en faisant un plus grand usage des m esures non privatives de liberté et, lorsque la détention est inévitable , veiller à ce que les conditions de détention soient conformes aux Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l ’ imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes ( R ègles de Bangkok ) (résolution 65/229 de l ’ Assemblée générale , annexe).

Le Comité prend note avec satisfaction des informations données par la délégation au sujet des mesures prises pour faire face au problème du VIH dans les prisons, mais il demeure préoccupé par la prévalence du VIH dans les lieux de détention et par le fait que le virus se transmettrait entre détenus (art. 16).

Le Comité engage l’État partie à prendre toutes les mesures voulues pour p rotéger les détenus contre l ’ infection par le VIH, en menant notamment des campagnes de sensibilisation et, le cas échéant, en mettant des pr éservatifs à la disposition des  détenus.

Institution nationale des droits de l’homme

Le Comité salue la restructuration en 2011 de la Commission nationale des droits de l’homme du Kenya suite à l’adoption la même année de la loi portant création de cette commission, et se félicite du travail que celle‑ci accomplit en surveillant la situation dans les prisons et les centres de détention; il reste néanmoins préoccupé par le fait que l’État partie ne manifeste pas une volonté absolue de doter la Commission des ressources financières nécessaires pour lui permettre de s’acquitter de son mandat. Le Comité regrette en outre de ne pas disposer d’informations sur la diffusion des rapports établis par la Commission à l’issue de ses visites dans les lieux de privation de liberté (art. 2).

L ’ État partie devrait manifester sa volonté sans réserve de doter la Commission nationale des droits de l ’ homme du Kenya d es ressources financières dont elle a besoin pour s ’ acquitter de son mandat conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales (Principes de Paris) (résolution 48/134 de l’Assemblée générale, annexe). En outre, l es rapports que la Commission établit à l ’ issue de ses visit es dans les lieux de détention devraient être rendus publics.

Détention avant jugement

Le Comité accueille avec satisfaction les informations communiquées par l’État partie au sujet des mesures prises pour réduire la durée de la détention avant jugement, mais il demeure préoccupé par le nombre élevé de personnes détenues en attente de jugement et par la durée de la détention avant jugement, qui peut aller jusqu’à quatre ans. Le Comité prend acte des améliorations qui ont été apportées au système de libération sous caution, mais il note avec préoccupation que la libération sous caution est toujours assortie de conditions trop prohibitives pour avoir un effet concret (art. 2, 11 et 16).

L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour réduire la surpopulation dans les lieux de détention , et notamment :

a) Redoubl er d ’ efforts pour diminuer l ’ arriéré d ’ affaires en souffrance, par exemple en augmentant la capacité du système judiciaire et en revoyant la politique en vigueur en matière de justice pénale ;

b) Adopt er le projet de loi de 2011 relatif à la collecte de données sur la liberté sous caution et à la surveillance de cette mesure;

c) Prévoir l ’ application de peines non privatives de liberté et sensibiliser le personnel judiciaire concerné à l’utilisation de ces mesures, conformément aux Règles minima des Nations Unies pour l ’ élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) (ré solution 45/110 de l’Assemblée générale, annexe).

Arrestations arbitraires et corruption au sein de la police

Le Comité note avec préoccupation que de très nombreux cas de détention arbitraire par la police continuent d’être dénoncés, qu’ils s’accompagnent souvent de faits d’extorsion, et que cette pratique serait particulièrement répandue dans les quartiers défavorisés (art. 2, 11 et 16).

Eu égard aux recommandations formulées au paragraphe 11 d es présent es observations finales , l ’ État partie devrait prendre toutes les mesures voulues pour identifier les situations dans lesquelles des personnes vulnérables sont susceptible s d’être arrêtées arbitrairement , prévenir de tels actes et mettre en place des systèmes qui permettent d’ouvrir sans délai des enquêtes diligentes et impartiales sur les affaires de corruption au sein de la police . Les responsables devraient être suspendus de leurs fonctions pendant la durée de l’enquête et être traduits en justice.

Lynchages

Le Comité note avec préoccupation que des cas de lynchage, notamment de femmes âgées accusées de sorcellerie, ont été signalés et que ces actes ne donneraient lieu à aucune enquête, poursuite ou condamnation, même dans les cas où les faits de lynchage sont attestés par des enregistrements vidéo (art. 2 et 12).

Le Comité invite instamment l ’ État partie à modifier la loi relative à la sorcellerie de 1925 de manière à la rendre conforme à la Constitution et aux normes internationales relatives aux droits de l ’ homme, en vue de mettre fin à la pratique du lynchage. L’État partie devrait veiller à ce que de tels actes donnent lieu à une enquête et à ce que les auteurs soient poursuivis et condamnés à des peines appropriées afin d ’ assurer la sécurité de tou s .

Enquêtes sur les violences postélectorales

Le Comité accueille avec satisfaction l’information communiquée par la délégation selon laquelle le rapport de la Commission vérité, justice et réconciliation a été soumis au Président et publié, mais il note avec préoccupation que le Gouvernement ne l’a pas encore examiné et que l’on ignore de ce fait quelles en seront les suites. Le Comité regrette que le rapport final du groupe de travail interinstitutions ne soit pas rendu public. Il est également préoccupé par le retard pris dans la réalisation d’enquêtes diligentes et impartiales sur les violences postélectorales de 2007 et 2008, dont les auteurs sont par conséquent toujours en liberté (art. 11, 12 et 14).

Rappelant ses précédentes recommandations ( CAT/C/KEN/CO/1, par.  19 et  20), le Comité invite instamment l ’ État partie à:

a) Redoubler d ’ efforts pour que tous les cas d’usage excessif de la force, de torture et d ’ exécutions extrajudiciaires imputés à la police et à l ’ armée dans le contexte des violences postélectorales donnent lieu sans délai à une enquête impartiale et diligente et que les auteurs soient poursuivis et condamnés à des peines appropriées . Toutes les victimes devraient obtenir une réparation adéquate;

b) Poursuivre sa coopération avec le Procureur de la Cour pénale internationale;

c) Rendre public le rapport du group e de travail interinstitutions;

d ) Veiller à ce que le rapport de la Commission v érité, j ustice et r éconciliation soit examiné sans délai et publié et à ce que les recommandations qu i y sont formulées soient mises en œuvre.

Réfugiés et mesures antiterroristes

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour offrir l’asile à plus de 600 000réfugiés et reconnaît la légitimité des préoccupations de l’État partie en matière de sécurité nationale, en particulier en ce qui concerne sa frontière avec la Somalie, mais il demeure préoccupé par les violences policières, y compris des meurtres, dont les réfugiés seraient victimes et par l’ampleur de la violence sexuelle et sexiste dans les camps de réfugiés. Il note également avec préoccupation que les actes commis par les forces de sécurité au cours des «opérations spéciales» menées à Mandera en octobre 2008, dans les camps de réfugiés de Dadaab entre 2008 et 2010, et à Eastleigh entre la mi‑novembre 2012 et la fin janvier 2013 n’ont pas fait l’objet d’enquêtes et que les responsables n’ont pas été traduits en justice ni condamnés. Le Comité est particulièrement préoccupé par l’absence d’enquête diligente sur le meurtre, imputé à la police, de deux réfugiés dans le camp de Daghaley en juin 2011 (art. 2, 11 et 12).

Le Comité prie instamment l ’ État partie de veiller à ce que toutes les opérations policières et militaires, y compris les activités antiterroriste s , soient menées dans le plein respect de la Convention et des obligations qui incombent à l ’ État partie en vertu du droit international. L ’ État partie devrait faire en sorte que toute allégation de torture ou de mauvais traitements à l’égard de Somaliens de souche mettant en cause des membres de la police fasse rapidement l ’ objet d ’ une enquête diligente et impartiale et que les auteurs soient poursuivis et condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes. L ’ État partie devrait rassembler et publier des donn ées sur les enquêtes menées , y compris par des commissions d ’ enquête établies à cette fin , et sur leurs résultats .

Non-refoulement

Le Comité prend note des informations données par la délégation selon lesquelles l’État partie applique à l’égard de la Somalie une politique d’ouverture des frontières et accorde à tous les demandeurs d’asile un traitement conforme aux obligations qui lui incombent en vertu des instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme et aux réfugiés. Rappelant toutefois ses précédentes recommandations (CAT/C/KEN/CO/1, par. 16 et 17), le Comité prend note avec préoccupation des informations indiquant que des personnes seraient expulsées de façon irrégulière et des demandeurs d’asile somaliens reconduits à la frontière pour des raisons liées à la sécurité nationale (art. 3).

L’État partie devrait modifier sa législation, en vigueur ou en projet −  notamment le projet de loi sur les réfugiés de 2006, la loi sur l’extradition (pays voisins et autres États) de 2010, la loi sur l’extradition (États du Commonwealth) de 2010, la loi sur la nationalité et l’immigration de 2011 et le projet de loi sur le s réfugiés de 2012  − afin de la mettre en conformité avec l’obligation de non-refoulement qui lu i incombe en vertu de l’article  3 de la Convention. L’État partie devrait adopter le projet de loi révisé de 2012 sur les réfugiés ainsi que le projet de politique nationale sur les réfugiés (2012) pour faire en sorte que tous les demandeurs d’asile bénéficient des garanties d’une procédure régulière. L’État partie devrait également veiller à ce que, dans la pratique, aucune circonstance ne puisse justifier l’expulsion, le renvoi ou l’extradition d’étrangers vers un pays où il existe des motifs sérieux de croire qu’ils risquent d’être soumis à la torture.

Protection des témoins

Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la loi (modifiée) de 2010 relative à la protection des témoins et la création, en 2011, du Service de protection des témoins. Il est toutefois préoccupé par le fait que, selon certaines informations, les témoins et leur famille sont encore la cible de menaces et de représailles de la part d’agents des forces de l’ordre qui cherchent à éliminer des preuves susceptibles d’être utilisées contre eux en application de ladite loi. Le Comité note avec préoccupation que les coûts administratifs occupent une place prédominante dans le budget du Service et que les ressources allouées à la protection des témoins sont insuffisantes (art. 2, 13 et 16).

L’État partie devrait prendre sans délai des mesures efficaces pour garantir l’application effective des dispositions de la loi relative à la protection des témoins afin d’assurer une véritable protection aux témoins et à leurs familles, et faire en sorte que toute allégation de violation fasse immédiatement l’objet d’une enquête diligente et impartiale et que les auteurs présumés soient poursuivis et condamnés s’ils sont jugés coupables. L’État partie devrait allouer au Service de protection des témoins des ressources suffisantes pour lui permett re de fonctionner efficacement.

Mécanismes de plainte

Le Comité prend acte des mesures prises par l’État partie pour améliorer la qualité du formulaire «P3» et en faciliter l’obtention, mais il demeure préoccupé par les obstacles qui empêchent les victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements de l’utiliser, notamment les honoraires élevés facturés par les professionnels de santé pour compléter le formulaire et l’obligation faite aux victimes de remplir le formulaire de dépôt de plainte dans un commissariat de police (art. 13).

Rappelant ses précédentes recommandations (CAT/C/KEN/CO/1, par. 24), le Comité invite instamment l’État partie à prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que toutes les personnes victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements aient effectivement accès aux mécanismes de plainte et que leur cas fasse sans délai l’objet d’une enquête véritable et impartiale. L’État partie devrait en particulier:

a) Réviser le formulaire « P3 » pour le mettre en conformité avec les normes établies par le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) et faire en sorte qu’il puisse être obtenu gratuitement dans tous les hôpitaux publics;

b) Veiller à ce que les professionnels de santé qui remplissent le formulaire « P3 » soient correctement rémunérés, y compris pour témoigner devant un tribunal, afin que le droit de porter plainte ne soit pas subordonné à la situation économique de l’intéressé;

c) Prendre des mesures, telles que des activités de formation à l’intention des professionnels de santé, pour intégrer les services médico-légaux dans le cadre des services généraux de santé ;

d) Prendre des mesures efficaces pour garantir aux personnes victimes de mauvais traitements en détention la possibilité de déposer plainte auprès d’une institution indépendante et impartiale .

Indemnisation adéquate

Le Comité prend acte des renseignements concernant les modalités d’indemnisation, des décisions des tribunaux civils par lesquelles une indemnisation a été accordée à des victimes d’actes de torture et de mauvais traitements ou à leur famille et du projet de loi relative aux victimes d’infractions, mais il regrette qu’il n’existe toujours pas de cadre législatif complet garantissant le droit des victimes d’actes de torture et de mauvais traitements à une réparation effective, et que les dépenses de santé des victimes de torture ne soient pas prises en charge par le Fonds national d’assurance maladie. Le Comité note également avec préoccupation que les victimes sont orientées vers des procédures civiles longues et onéreuses pour faire valoir leurs droits. Il est particulièrement préoccupé par le fait que la plupart des victimes des violences postélectorales de 2007 et 2008 et des «opérations spéciales de sécurité» n’ont toujours pas obtenu de mesures de réparation ni d’indemnisation (art. 14).

Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur l’Observation générale n o 3 (2012) relati ve à l’application de l’article  14 de la Convention, qu’il a adoptée récemment, dans laquelle sont expliqués le contenu et la portée de l’obligation qui incombe aux États parties d’assurer une réparation complète aux victimes d’actes de torture. Il y est notamment précisé qu’on entend par «victimes» les personnes qui, individuellement ou collectivement, ont subi un préjudice, notamment une atteinte à leur intégrité physique ou mentale, une souffrance morale, une perte matérielle ou une atteinte grave à leurs droits fondamentaux, en raison d’actes ou d’omissions constituant des violations de la Convention, et qu’une personne devrait être considérée comme étant une victime, que l’auteur de la violation ait été ou non identifié, appréhendé, poursuivi et reconnu coupable ( par. 3).

Le Comité engage vivement l’État partie à:

a) Supprimer d’urgence la prescription d’un an applicable aux plaintes en responsabilité civile contre des agents de l’État;

b) Intensifier ses efforts pour accélérer la procédure en ce qui concerne les actions en dommages-intérêts engagées au civil;

c) Adopter le projet de loi relative aux victimes d’infractions en vue d’établir un cadre législatif complet qui donne effet au droit des victimes à une réparation, notamment sous la forme d’une indemnisation et d’une réadaptation médicale;

d) Engager dans les meilleurs délais des consultations avec les parties prenantes intéressées en vue de réglementer de façon adéquate et efficace le fonctionnement du Fonds national d’assistance aux victimes de la torture;

e) Veiller à ce que le droit à la réadaptation soit inscrit dans le projet de loi sur la prévention de la torture (2011), à ce que des ressources suffisantes soient allouées pour garantir l’efficacité des traitements et des programmes de réadaptation, notamment des programmes de soins médicaux et psychologiques, y compris ceux qui sont dispensés par des organismes privés. Les dépenses liées aux services de réadaptation devraient être dûment prises en charge par le Fonds national d’assurance maladie.

Formation

Le Comité note avec satisfaction que le budget de formation de la police a augmenté de 50 % et que plus de 25 000 policiers ont été formés, mais il demeure préoccupé par la portée limitée du programme ainsi que par le fait qu’il ne fait l’objet d’aucune évaluation et qu’il n’existe pas de formation pour le personnel militaire et le personnel médical concerné (art. 10).

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour former les forces de police au respect des droits de l’homme, en particulier aux dispositions de la Convention, étendre le programme de formation à l’ensemble du personnel des forces de police et des forces armées, et procéder à une évaluation concrète de l’impact du programme de formation. Le Comité recommande en outre à l’État partie de faire en sorte que l’ensemble du personnel médical concerné et des forces de police soit formé aux principes du Protocole d’Istanbul de 2004 et que ces principes soient dûment appliqués dans les faits.

Accès à la justice

Le Comité prend acte du Système national d’aide juridictionnelle de l’État partie et accueille avec satisfaction l’information selon laquelle le projet de loi relative à l’aide juridictionnelle (2012) sera «adopté dans un délai d’un an», mais demeure préoccupé par le fait que l’accès à la justice reste difficile, en particulier pour les personnes sans ressources (art. 2).

L’État partie devrait sans attendre déposer devant le Parlement le projet de loi relative à l’aide juridictionnelle (2012) ainsi que la politique nationale de l’aide juridictionnelle et veiller à ce que cette aide soit accessible dans tout le pays et à ce que des ressources suffisantes soient allouées pour en assurer le bon fonctionnement de sorte que nul ne soit empêché d’accéder à la justice en raison de la faiblesse de ses revenus. En outre, l’État partie devrait poursuivre ses efforts pour accroître le nombre d’avocats dans le pays.

Mutilations génitales féminines

Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption en 2011 de la loi sur les mutilations génitales féminines et les activités de sensibilisation menées par le Ministère de l’égalité des sexes, de l’enfance et du développement social pour encourager l’abandon de cette pratique, mais demeure préoccupé par le fait que celle-ci reste répandue. Le Comité note avec préoccupation que les dispositions de la loi qui autorisent «les chefs et les fonctionnaires des services chargés de l’enfance» d’entrer dans n’importe quel lieu sans mandat ne sont pas assorties de garanties juridiques (art. 2, 11 et 12).

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour mettre fin aux mutilations génitales féminines, notamment en menant des campagnes de sensibilisation et en faisant en sorte que les auteurs de tels actes soient poursuivis et condamnés. L’État partie devrait veiller à ce que toutes les mesures prises pour lutter contre cette pratique respectent les garanties juridiques.

Mauvais traitements infligés dans des services de santé de la procréation

Le Comité accueille avec satisfaction l’exonération des frais de maternité dans les hôpitaux publics, mais demeure préoccupé par les mauvais traitements infligés aux femmes qui tentent d’accéder à des services de santé de la procréation, en particulier par le fait que des femmes continuent d’être placées en détention après leur accouchement lorsqu’elles n’ont pas les moyens de payer les frais médicaux, y compris dans des services de santé privés. Le Comité est également préoccupé par les cas de stérilisation forcée ou sous contrainte de femmes séropositives et de femmes handicapées (art. 2, 12 et 16).

Le Comité prie instamment l’État partie d’intensifier ses efforts pour mettre fin à la détention forcée des femmes venant d’accoucher qui ne peuvent pas payer les frais médicaux, y compris dan s les services de santé privés.

L’État partie devrait faire en sorte que des enquêtes soient ouvertes sur les allégations de stérilisation forcée ou d’autres actes préjudiciables ayant trait à la santé de la procréation et que les personnes impliquées dans de telles pratiques so ient identifiées et condamnées.

L’État partie devrait adopter le projet de loi sur la protection de la famille pour donner effet au droit à la santé, conformément aux dispositions de l’article 43 de sa Constitution. La Commission de la justice administrative (Bureau de médiation) devrait publier des données détaillées sur les plaintes déposées, les suites données à celles-ci et les résultats obtenus. L’État partie devrait veiller à ce que la Commission nationale pour l’égalité des sexes assure un suivi effectif de la situation dans les services de santé de la procréation en pub liant des rapports périodiques.

Droit à l’avortement en cas de viol ou d’inceste

Le Comité prend acte des informations fournies par l’État partie selon lesquelles, dans la pratique, les médecins consentent parfois à pratiquer un avortement lorsque la grossesse résulte d’un inceste ou d’un viol, mais il est préoccupé par le fait que la loi ne prévoit pas de droit à l’avortement en pareils cas et que, par conséquent, le sort des femmes est indûment laissé à la discrétion des médecins, ce qui crée une incertitude susceptible d’avoir de graves répercussions sur la santé des patientes (art. 2 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie de modifier sa législation afin que les femmes enceintes à la suite d’un viol ou d’un inceste aient le droit d’avorter , sans dépendre du pouvoir discrétionnaire d’un professionne l de la santé, quel qu’il soit.

Le Comité recommande à l’État partie d’évaluer les effets sur la santé des femmes de sa législation restrictive concernant l’avortement en vue de réglementer cette question avec toute la clarté voulue.

Justice des mineurs et âge de la responsabilité pénale

Le Comité prend note des informations selon lesquelles le projet de loi de 2011 portant modification de la loi sur l’enfance et le projet de loi de 2011 sur la justice des mineurs portent à 12 ans l’âge de la responsabilité pénale, mais demeure préoccupé par le fait que ni l’un ni l’autre n’ont été adoptés et que l’âge de la responsabilité pénale reste fixé à 8 ans (art. 2).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter les projets de loi susmentionnés relatifs aux enfants pour relever l’âge de la responsabilité pénale et le mettre en conformité avec les normes internationales généralement acceptées, comme le prévoit l’Observation générale n o 10 (2007) du Comité des droits de l’enfant sur les droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs (par. 32 et  33). L’État partie devrait garantir la pleine mise en œuvre de l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing) (résolutio n  40/33 de l’Assemblée générale), des Principes directeu rs des Nations  Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes d irecteurs de Riyad) (résolution 45/112 de l’Assemblée générale, an nexe) et des Règles des Nations  Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (résolution  45/113 de l’ Assemblée générale).

Violence à l’égard des enfants

Le Comité est préoccupé par l’absence de mécanisme efficace de surveillance de la violence à l’égard des enfants dans les écoles et dans les institutions publiques. Il accueille avec satisfaction la création de 14 unités de protection de l’enfance dans les commissariats de police, mais note avec préoccupation que ces unités sont concentrées dans les centres urbains et que les enfants des zones rurales ne bénéficient donc pas de leur protection (art. 2 et 11).

L’État partie devrait renforcer ses mécanismes de plainte, ses procédures de suivi et ses services d’aide aux enfants victimes d’actes de torture et de mauvais traitements, notamment en créant des unités de protection de l’enfance dans les commissariats de police de l’ensemble du pays et en ouvrant sur tout le territoire des permanences téléphoniques d’aide aux enfants. L’État partie devrait également renforcer l’inspection et la surveillance des établissements caritatifs qui accueillent des enfants afin de s’assurer que les enfants n’y séjournent pas pendant de longues périodes, sauf cas particulier. L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour faire en sorte que tous les enfants soient toujours protégés contre la violence et autres formes de mauvais traitements dans les établissements scolaires et les institutions qui les accueillent .

Les conclusions que la Commission nationale pour l’égalité des sexes a formulées à la suite des inspections qu’elle a effectuées dans les institutions accueillant des enfants devraient être rendues publiques et ses recommandations mises en œuvre.

Établissements psychiatriques

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de conditions déplorables dans les établissements psychiatriques et d’autres lieux de privation de liberté et regrette que l’État partie n’ait pas donné de renseignements concernant la situation dans ces établissements (art. 16).

L’État partie devrait faire en sorte que tous les lieux de privation de liberté, y compris les hôpitaux psychiatriques, fassent l’objet d’une surveillance appropriée et que les garanties voulues soient appliquées pour protéger les personnes séjournant dans ces établissements contre toute forme de mauvais traitement s . L’État partie est instamment prié de fournir des informations détaillées sur le lieu, la date et la fréquence des visites, y compris inopinées, effectuées dans les établissements psychiatriques et d’autres lieux de privation de liberté, ainsi que sur les conclusions formulées à l’issue de ces visites et la suite qui leur aura été donnée.

Défenseurs des droits de l’homme

Le Comité est préoccupé par le fait que les défenseurs des droits de l’homme continuent de dénoncer des actes d’intimidation, de harcèlement et de mauvais traitements de la part de la police. Il est préoccupé par l’incapacité de l’État partie à soutenir efficacement les défenseurs des droits de l’homme, à enquêter sans délai et de manière efficace et impartiale sur les violences et les actes d’intimidation dont ceux-ci sont victimes et à poursuivre et punir les auteurs de tels actes. Le Comité regrette de ne pas avoir obtenu d’informations au sujet de l’enquête concernant l’agression commise le 9 novembre 2012 contre le Directeur exécutif de l’ONG Kenyans for Justice and Development (art. 2, 12, 13 et 16).

Compte tenu des précédentes recommandations du Comité (CAT/C/KEN/CO/1, par.  28), l’État partie devrait prendre des mesures effectives pour veiller à ce que toutes les personnes qui signalent des actes de torture et des mauvais traitements soient protégées contre toute forme d’intimidation et de représailles. L’État partie devrait faire en sorte que toutes les allégations dénonçant des violences et des actes d’intimidation à l’égard de défenseurs des droits de l’ho mme, y compris l’agression du 9  novembre 2012, fassent sans délai l’objet d’enquête s diligentes et impartiales. Le  Comité encourage l’État partie à collaborer plus étroitement avec la société civile à la défense des droits de l’homme, notamment en protégeant les défenseurs des droits de l’homme contre les actes d’intimidation, les représail les et les mauvais traitements.

Peine de mort

Le Comité note que la peine de mort n’a pas été appliquée dans l’État partie depuis 1987, qu’il existe un moratoire de facto sur les exécutions et que le Président de la République a décidé de commuer 4 000 condamnations à mort en 2009. Il demeure toutefois préoccupé par l’incertitude juridique créée par les jugements rendus par la High Court, par le nombre élevé de condamnations à mort prononcées, y compris pour des infractions mineures, et par le traitement réservé aux 1 600 personnes qui sont toujours sous le coup d’une condamnation à mort (art. 2 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie d’envisager la possibilité de revoir sa politique en vue d’abolir la peine de mort. L’État partie devrait veiller à ce que toutes les personnes condamnées à mort bénéficient de la protection prévue par la Convention et soient traitées avec humanité. Il devrait soutenir le travail d’enquête et de sensibilisation mené par la Commission nationale des droits de l’homme auprès de l’opinion publique au sujet de la peine de mort.

Décès de policiers

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’un nombre élevé de policiers décédés pendant leur service, notamment dans le contexte des «opérations spéciales» menées dans les districts de Mandera et du fleuve Tana (art. 2, 10 et 16).

L’État partie devrait faire en sorte que les policiers soient dûment formés et équipés de façon à être bien préparés aux missions qui leur incombent. L’État partie devrait améliorer les conditions d’emploi des fonctionnaires de police afin que celles ‑ ci soient aussi favorables que dans les autres secteurs des forces de sécurité et prendre des mesures efficaces pour protéger la vie des agents.

Collecte de données

L’État partie devrait mettre en place un système national de collecte de données statistiques et devrait fournir des données utiles au suivi de l’application de la Convention au niveau national, notamment au sujet des plaintes relatives à des cas d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées, de violence au foyer et de violence sexuelle, des enquêtes, des poursuites et des condamnations auxquelles elles ont donné lieu, et des mesures de réparation, y compris sous forme d’indemnisation et de moyens de réadaptation, accordées aux victimes.

Coopération avec les mécanismes des droits de l’homme de l’ONU

Le Comité recommande à l’État partie de renforcer sa coopération avec les mécanismes de protection des droits de l’homme de l’ONU, notamment en invitant les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales dont le domaine de compétence a un rapport avec les présentes observations finales à effectuer une visite dans le pays.

Autres questions

Rappelant l’engagement pris par l’État partie lors de l’Examen périodique universel de 2010 (A/HRC/15/8, par. 101.3), le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

Le Comité invite l’État partie à ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et les Protocoles facultatifs se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, à la Convention relative aux droits de l’enfant (concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants ) et à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, d’ici au 31 mai 2014, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 9, 10, 17 et 18 du présent document, dans lesquels il est encouragé à: a) adopter des garanties juridiques pour protéger les personnes privées de liberté ou renforcer les garanties existantes; b) mener rapidement des enquêtes impartiales et efficaces; et c) poursuivre les personnes soupçonnées et punir les responsables d’actes de torture ou de mauvais traitements.

L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le troisième, le 31 mai 2017 au plus tard. À cette fin, le Comité adressera en temps voulu à l’État partie une liste préalable de points à traiter puisque l’État partie a accepté d’établir son rapport conformément à la procédure facultative.