Quarante-sixième session

12-30 juillet 2010

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

Argentine

Le Comité a examiné le sixième rapport périodique de l’Argentine (CEDAW/C/ARG/6) à ses 926e et 927e séances, le 13 juillet 2010. Sa liste de questions figure dans le document CEDAW/C/ARG/Q/6, et les réponses du Gouvernement argentin, dans le document CEDAW/C/ARG/Q/6/Add.1.

Introduction

Le Comité remercie l’État partie d’avoir présenté son sixième rapport périodique dans les délais et le félicite de sa volonté politique déclarée d’améliorer la condition de la femme en Argentine et de ce qu’il fait pour y parvenir.

Le Comité remercie également l’État partie du dialogue constructif qu’il a eu avec sa délégation, dirigée par le Représentant permanent de l’Argentine auprès de l’Organisation, accompagné de la Présidente du Conseil national de la femme, et des efforts qu’elle a faits pour répondre à ses questions. Il note cependant que la délégation n’a pas fourni de réponses succinctes, claires et directes sur quelques-uns des sujets examinés et a laissé sans réponse certaines questions qu’il avait soulevées au cours du dialogue, en particulier sur la première partie de la Convention.

Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie de la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention et des mesures législatives spécifiques adoptées, sans oublier les politiques et programmes sociaux mis en place depuis 2004, et en particulier les mesures de réduction de la pauvreté, d’octroi de droits à pension et autres mesures de sécurité sociale qui ont amélioré la situation des femmes de même que leur accès à l’éducation, dans le but d’atténuer les effets de la crise économique mondiale qui a frappé le pays en 2001. Le Comité salue également l’action menée en vue de neutraliser les conséquences de la crise économique et financière de 2008‑2009, et notamment les mesures prises en faveur de l’égalité entre hommes et femmes, conformément à la Convention. Il a relevé la hausse impressionnante de 176 % de l’investissement, la baisse des taux de pauvreté chez les femmes et les filles et la priorité accordée à celles-ci dans les politiques de sécurité sociale.

Le Comité rend hommage à l’État partie pour les dispositions qu’il a adoptées en vue d’accroître la participation des femmes à la vie publique et son action positive destinée à leur assurer l’égalité des chances et de traitement. Il salue en particulier le fait que, pour la première fois, une femme a été élue Présidente, que deux femmes ont été nommées juges à la Cour suprême fédérale et qu’en décembre 2007, 38,5 % des postes de responsabilité au sein du Gouvernement national étaient occupés par des femmes.

Le Comité salue également l’adoption de la loi générale sur la prévention, la répression et l’élimination de la violence à l’égard des femmes dans leurs relations interpersonnelles (loi 26 485/2009), qui vise toutes les formes de violence à leur encontre, notamment physiques, psychologiques, sexuelles, économiques et patrimoniales, qui institue l’obligation de mettre en place des mesures préventives pour aider les femmes qui en sont victimes et porte création de l’Observatoire de la violence. Il se félicite de l’établissement au sein de la Cour suprême fédérale de justice d’un bureau des affaires de violence domestique.

Le Comité note avec satisfaction que le Gouvernement s’efforce de s’attaquer au crime de la traite des êtres humains et d’éviter la revictimisation des victimes, et en particulier qu’il a ratifié en novembre 2002 la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée ainsi que les deux Protocoles additionnels de Palerme à travers la loi 26 632, et a adopté le 20 avril 2008 la loi sur la prévention et la répression de la traite des personnes (loi 26 364/2008), qui modifie le Code pénal et le Code de procédure pénale et interdit et réprime toutes les formes de traite des personnes. Le Comité note que cette loi sera mise en œuvre dans le cadre du Programme national de prévention et répression de la traite des personnes et d’assistance aux victimes.

Le Comité est également satisfait de constater que, pour l’établissement de son sixième rapport périodique, l’État partie a adopté une démarche intégratrice et participative et il note que le Conseil national de la femme a bénéficié de larges contributions de la part de divers services et organes de l’exécutif. S’y sont ajoutées celles du Conseil fédéral des femmes, qui représente les provinces dans le mécanisme national de promotion de la femme. Enfin, les organes du pouvoir législatif et du pouvoir judiciaire ont aussi apporté des contributions.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité rappelle à l’État partie son obligation de mettre méthodiquement et continuellement en œuvre toutes les dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et considère que les préoccupations et les recommandations exposées dans les présentes observations finales exigent de retenir en priorité son attention à dater de ce jour et jusqu’à la présentation de son prochain rapport périodique. Aussi le Comité l’invite-t-il instamment à centrer ses efforts sur ces questions dans ses activités de mise en œuvre et à rendre compte dans ce rapport des mesures qu’il aura prises et des résultats qu’il aura obtenus. Il demande à l’État partie de transmettre les présentes observations finales à tous les ministères compétents, au Parlement et à l’appareil judiciaire, afin qu’elles soient intégralement mises en œuvre.

Parlement

Tout en réaffirmant que c’est au Gouvernement qu’il incombe au premier chef d’assurer intégralement l’exécution des obligations que la Convention impose à l’État partie, et tout particulièrement d’en répondre, le Comité souligne cependant que la Convention lie les trois pouvoirs de l’État et invite l’État partie à inciter son Parlement, suivant ses propres procédures et s’il y a lieu, à prendre les dispositions nécessaires à la mise en œuvre des présentes observations finales et à l’établissement du prochain rapport que le Gouvernement présentera en application de la Convention.

Responsabilité du Gouvernement fédéral

Sans pour autant ignorer la complexité des structures constitutionnelles fédérales de l’État partie, le Comité souligne que le Gouvernement fédéral est chargé d’assurer la mise en œuvre de la Convention et de donner l’exemple à cet égard aux administrations provinciales et territoriales. Le Comité est inquiet de constater que le Gouvernement fédéral n’est pas doté du mécanisme efficient dont il aurait besoin pour veiller à ce que les gouvernements provinciaux instituent des mesures juridiques et autres en vue de mettre pleinement en œuvre la Convention d’une manière cohérente et constante.

Le Comité, tenant compte du fait que le Gouvernement fédéral est responsable de la mise en œuvre de la Convention, demande instamment à l’État partie de mettre en place un mécanisme efficace pour faire respecter l’obligation de rendre des comptes et assurer une mise en œuvre transparente, cohérente et constante de la Convention sur tout le territoire, à laquelle participent tous les échelons du pouvoir – national, provincial et municipal.

Rang dans l’ordre juridique interne et visibilité de la Convention

Tout en félicitant l’État partie d’accorder à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard de femmes et autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme la valeur de textes constitutionnels dans son système juridique national, le Comité note toutefois que leur mise en œuvre effective demeure limitée, comme le sont l’action de sensibilisation générale aux dispositions et l’adoption de lois et d’autres mesures proscrivant toutes les discriminations à l’encontre des femmes. Le Comité est préoccupé par l’ignorance où l’on est généralement en Argentine de la Convention et de son Protocole facultatif, et en particulier au sein du personnel de l’appareil judiciaire et des forces de l’ordre. Il s’inquiète surtout de ce que les femmes elles-mêmes ne sont pas au courant des droits que leur reconnaît la Convention, ni de la procédure de recours, en application du Protocole facultatif notamment, et ne sont donc pas en mesure de faire valoir la promotion, la protection et la réalisation de tous leurs droits à égalité avec les hommes.

Le Comité engage vivement l’État partie à adopter des mesures, législatives et autres, et notamment, s’il y a lieu, des sanctions, pour proscrire toute forme de discrimination à l’égard des femmes et promouvoir leur égalité avec les hommes, ainsi qu’à appliquer des mesures destinées à faire prendre conscience et à assurer correctement la diffusion de la Convention, de son Protocole facultatif et des recommandations générales du Comité auprès de tous les acteurs – fonctionnaires des ministères, parlementaires, personnel de l’appareil judiciaire et des forces de l’ordre –, afin de les sensibiliser aux droits fondamentaux des femmes. De même, le Comité engage vivement l’État partie à mettre sur pied des campagnes d’information ciblant les femmes pour leur faire mieux connaître leurs droits élémentaires et faire en sorte qu’elles puissent utiliser les procédures et voies de recours prévues par la Convention en cas de violations de ces droits.

Accès à la justice et mécanismes de recours judiciaire

Le Comité constate avec inquiétude que si l’accès des femmes à la justice est prévu par la législation, elles ne sont guère en mesure dans la pratique d’exercer ce droit et de porter les cas de discrimination devant les tribunaux, en raison de facteurs tels que le manque d’information sur ledit droit, les barrières linguistiques, surtout chez les femmes autochtones, et d’autres difficultés concrètes à saisir les tribunaux. Le Comité est également préoccupé par les stéréotypes sexistes qui ont cours dans le système judiciaire et par sa méconnaissance de la discrimination et de la violence sexistes dont les femmes sont victimes.

Le Comité invite l’État partie à prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer les entraves qui peuvent empêcher les femmes de saisir la justice et mettre en place des dispositifs destinés à leur assurer l’accès des juridictions civiles. Il lui recommande expressément de mieux informer les femmes de leurs droits, surtout lorsqu’elles vivent en milieu rural ou appartiennent aux groupes les plus défavorisés, et notamment aux communautés autochtones, par des programmes d’initiation au droit et une assistance juridique, afin qu’elles puissent connaître les voies de recours disponibles contre la discrimination et les sévices et faire valoir tous les droits que leur reconnaît la Convention. Il demande en outre instamment à l’État partie de veiller à ce que le monde judiciaire, c’est-à-dire les juges, conseils, procureurs et avocats commis d’office, soit bien au fait des dispositions de la Convention et des obligations de l’État partie. Le Comité l’encourage également à offrir des formations axées sur l’égalité des sexes à tous les membres de l’appareil de la justice, y compris les forces de l’ordre, et à suivre les résultats de ces actions.

Mécanisme national et intégration du souci de l’égalité des sexes dans les politiques et programmes nationaux

Tout en se félicitant de ce que fait l’État partie, le Comité craint que, malgré l’augmentation récente des ressources financières et humaines qui lui sont allouées, le Conseil national de la femme n’ait pas encore entièrement réglé les problèmes structurels auxquels il doit faire face depuis son entrée en activité en 1992. De ce fait, le mécanisme national ne semble pas vraiment capable de favoriser efficacement la promotion de la femme et l’égalité des sexes, ni d’élaborer et d’appliquer des politiques publiques dans tout le pays. On constate des disparités importantes dans la mise en œuvre de la Convention entre les différentes provinces et municipalités, et des obstacles sociaux demeurent.

Le Comité recommande à l’État partie de continuer à renforcer le mécanisme national existant en s’attaquant aux faiblesses structurelles qui entravent son bon fonctionnement et en le dotant de ressources financières et humaines suffisantes, en vue de le rendre plus efficace, plus visible et plus capable d’agir sur la formulation, la conception et l’application des politiques publiques, ainsi que de renforcer son rôle de coordonnateur aux niveaux national, provincial et municipal. Il demande aussi à l’État partie d’investir davantage dans l’élaboration d’un système très complet d’indicateurs différenciés par sexe, en vue d’améliorer la collecte de données ventilées pour évaluer l’incidence et l’efficacité des politiques et programmes destinés à intégrer l’égalité des sexes et mieux permettre aux femmes d’exercer leurs droits fondamentaux. Le Comité souligne également la nécessité d’un plan très complet pour s’attaquer aux obstacles sociaux ainsi qu’aux stéréotypes et aux idées fausses qui ont cours dans la société, de manière à faire évoluer les mentalités et à appliquer effectivement la loi.

Tout en saluant la mise en œuvre de plusieurs programmes de transferts sociaux destinés à réduire la pauvreté et à remédier au manque de logements, y compris l’extension du régime d’allocations familiales par l’instauration d’un système d’allocation familiale universelle, le Comité note que ces mesures n’intègrent pas pleinement l’objectif de l’égalité des sexes tant dans leur conception que dans leur mise en œuvre.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que le souci de l’égalité des sexes soit intégré à tous les programmes et politiques.

Mesures spéciales temporaires

Tout en prenant note de la présence de mesures spéciales temporaires dans la législation nationale de l’État partie, s’agissant en particulier des secteurs politique et syndical, le Comité relève que celles-ci ne sont guère applicables dans d’autres domaines tant en termes de conceptualisation que de mise en œuvre.

Le Comité prie instamment l’État partie de lancer un ample débat sur le premier paragraphe de l’article 4 de la Convention et la Recommandation générale n o  25 du Comité et de mettre en place dans tous les domaines – civil, politique, économique, social et culturel – des mesures temporaires spéciales visant à instaurer à l’égalité de fait, surtout pour les femmes qui subissent de multiples formes de discrimination.

Violence à l’égard des femmes

Tout en prenant note avec satisfaction de la loi générale sur la prévention, la répression et l’élimination de la violence à l’égard des femmes dans leurs relations interpersonnelles (loi no 25 485/2009), le Comité se déclare préoccupé par le fait qu’un an après son adoption, il n’y a toujours pas de texte d’application ni de ressources financières suffisantes allouées pour appliquer la loi.

Le Comité invite instamment l’État partie à accélérer l’adoption et la mise en œuvre, de manière cohérente et dans toutes les provinces, du texte d’application et l’octroi des ressources financières pour donner pleinement effet à la loi générale sur la prévention, la répression et l’élimination de la violence à l’égard des femmes dans leurs relations interpersonnelles, sans oublier la mise en œuvre effective de la législation qui existe déjà, aux échelons national, provincial et municipal, pour combattre toutes les formes de violence à l’égard des femmes, et notamment la violence domestique. Le Comité encourage par ailleurs l’État partie à renforcer son système de collecte de données en ce qui concerne toutes les formes de violence à l’égard des femmes et à faire figurer l’information ainsi recueillie dans son prochain rapport au titre de la procédure de suivi visée au paragraphe 51 des présentes observations finales. En ce qui concerne plus précisément le viol conjugal, le Comité engage vivement l’État partie à mettre en place un système propre à encourager les femmes à le déclarer, ainsi qu’un ensemble d’indicateurs permettant d’évaluer les tendances d’évolution tant des déclarations que de la fréquence de ce crime.

Le Comité félicite l’État partie de ses efforts pour traduire en justice les auteurs de crimes contre l’humanité commis durant la dernière dictature. Il regrette néanmoins que les auteurs des violences sexuelles commises à l’encontre des femmes durant cette période dans les centres de détention clandestins soient restés impunis.

Le Comité recommande que des mesures spéciales soient prises pour faire publiquement connaître les actes de violence sexuelle commis durant la dernière dictature, que leurs auteurs soient poursuivis et punis dans le cadre de procès pour crimes contre l’humanité, conformément à la résolution 1820 (2008) du Conseil de sécurité, et que des réparations soient accordées aux victimes.

Femmes détenues

Le Comité se déclare préoccupé par les renseignements reçus qui indiquent la présence d’un grand nombre de femmes en prison, où elles continuent d’être victimes de violences, subissent des fouilles corporelles et investigations vaginales, sont parfois tuées et se trouvent, dans l’ensemble, dans des conditions de détention difficiles. Le Comité note aussi que les mesures destinées à empêcher que de tels actes ne se reproduisent et à mieux protéger les femmes détenues, ainsi qu’à poursuivre les auteurs de violences sexuelles contre les prisonnières, demeurent limitées.

Le Comité recommande de répondre à la situation des femmes détenues par la mise en place de mesures, stratégies et programmes très complets en faveur des femmes, et en particulier, il demande instamment à l’État partie de veiller à ce que les femmes qui se trouvent en détention soient surveillées par un personnel pénitentiaire sensibilisé à la question des femmes et à ce que des gardiens ne soient pas employés comme personnel d’exécution dans les établissements pour femmes. Il lui demande également de prendre les dispositions voulues pour garantir le plein respect de la dignité et des droits fondamentaux de toutes les personnes subissant une fouille corporelle, dans le respect scrupuleux des normes internationales, et d’instituer pour les prisonnières un mécanisme externe de recours et de contrôle qui soit indépendant, global et accessible.

Traite et exploitation de la prostitution

Tout en félicitant l’État partie d’avoir entrepris d’inscrire la traite des êtres humains au nombre des enjeux prioritaires du pays, le Comité est préoccupé par le caractère transnational du crime de traite et d’exploitation de la prostitution, dont on trouve l’exemple dans le réseau transfrontière d’agents recruteurs impliqués dans la traite, et par la réinsertion des victimes dans les pays d’origine. De plus, il note qu’il est nécessaire de travailler avec le dispositif en place aux échelons provincial et municipal, surtout dans le nord de l’Argentine et dans les régions du nord-est, où l’on compte davantage de groupes vulnérables.

Le Comité engage vivement le Gouvernement argentin à redoubler d’efforts dans ce domaine, en vue de s’attaquer réellement à tous les aspects complexes d’un crime qui est par nature international. Il invite également l’État partie à compléter la loi n o  26 364 d’avril 2008 par des mesures offrant, conformément au droit international, une protection suffisante à toutes les femmes, quel que soit leur âge, ainsi qu’aux victimes de trafic et aux personnes qui craignent d’être l’objet de persécutions à leur retour dans leur pays d’origine, conformément aux normes internationales.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité se félicite que le nombre de femmes participant à la vie politique ait nettement augmenté, que, pour la première fois, une femme ait été élue à la présidence et que les candidates à l’élection présidentielle aient obtenu, au total, plus de 78 % des suffrages exprimés; qu’un quart des ministres soient des femmes, de même que, à ce jour, 22 % des secrétaires d’État et 23 % des sous-secrétaires d’État. Il note aussi que les femmes occupent un nombre important de postes de direction ou de responsabilité dans d’autres organismes ou services de l’État et des provinces, du pouvoir législatif national, de certains parlements de province, de l’appareil judiciaire et, dans une certaine mesure, du secteur privé. Toutefois, il constate également qu’il existe des différences notables d’une province à l’autre.

Le Comité invite instamment l’État partie à répondre aux disparités importantes qui existent entre les provinces sur le plan de la participation et de la représentation politiques des femmes, notamment en lançant des campagnes d’information et de sensibilisation visant à éliminer les obstacles sociaux et à venir à bout des mentalités et stéréotypes sexistes qui continuent de prévaloir dans certaines régions.

Education

Le Comité salue les signes de progrès constatés dans le domaine de l’éducation, notamment par la réalisation de l’objectif du Millénaire pour le développement no 2 et l’élaboration puis la mise en œuvre d’une législation en matière d’éducation comprenant la loi nationale no 26 058 sur l’enseignement technique et professionnel (2005), la loi nationale no 26 150 instaurant le Programme national d’éducation sexuelle intégrée , dont l’application est obligatoire dans l’ensemble du pays à tous les niveaux éducatifs à partir de l’âge de 5 ans , et la loi nationale no 26 206 qui prévoit explicitement d’incorporer la question de l’égalité des sexes dans l’enseignement. Il constate également avec satisfaction que le Gouvernement a fait de la formation des enseignants et de la modernisation des manuels scolaires une priorité. Toutefois, il craint que les stéréotypes sexistes et l’influence des médias ne conduisent les femmes à choisir des métiers traditionnels du secteur social et à occuper une position peu favorable sur le marché du travail, même si elles suivent des études plus longues que les hommes et sont plus qualifiées.

Le Comité invite instamment l’État partie à diffuser largement des informations sur les possibilités éducatives offertes aux femmes, notamment en matière d’enseignement professionnel, afin de davantage diversifier les choix de carrière des femmes et en particulier de leur donner accès à des emplois mieux rémunérés. De plus, le Comité recommande que les enseignants suivent un programme obligatoire de sensibilisation à la question de l’égalité des sexes, à tous les niveaux du système éducatif et dans tout le pays, afin de faire disparaître les stéréotypes sexistes des programmes officiels comme des programmes non officiels. Des stratégies spécifiques devraient être mises en place pour en finir avec la culture patriarcale dominante.

Emploi

Le Comité salue les mesures visant à faire baisser le taux de chômage des femmes, ainsi que le rôle joué par la Commission tripartite pour l’égalité de traitement et l’égalité des chances entre hommes et femmes dans le monde du travail. Il trouve préoccupant que, dans le secteur formel et informel, les femmes soient confrontées à l’inégalité des conditions de travail, que la ségrégation se poursuive en matière d’emploi, que les femmes occupent principalement des emplois peu rémunérés, qu’il existe des disparités de rémunération entre les hommes et les femmes dans le secteur public comme dans le secteur privé, qu’il n’y ait pas suffisamment de services de garde d’enfants et qu’aucun texte de loi ne réprime le harcèlement sexuel au travail. De plus, même si quelques mesures de protection des employées de maison ont été prises, le Comité s’inquiète de leur situation qui reste précaire.

Le Comité invite instamment l’État partie à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour assurer un meilleur respect de sa législation du travail, résoudre le problème des disparités de rémunération, inciter les femmes à occuper des emplois dans des domaines non traditionnels, adopter une loi contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail public ou privé, y compris des sanctions effectives, et assurer une protection complète aux employées de maison. Il l’encourage également à mettre en place des services de garde d’enfants abordables et faciles d’accès, afin de permettre aux femmes d’assumer à la fois leurs responsabilités professionnelles et familiales.

Santé

Tout en saluant la mise en place du Programme national de santé sexuelle et de procréation responsable et la publication, dans le cadre de ce programme, d’un guide technique de l’avortement légal destiné à éclaircir certains aspects de l’article 86 du Code pénal, le Comité note que l’accès aux soins de santé sexuelle et procréative continue de représenter un problème important pour les Argentines, et il s’alarme du pourcentage élevé d’adolescentes enceintes ainsi que du taux de mortalité maternelle, dont un tiers est dû aux avortements illégaux.

Le Comité invite instamment l’État partie à assurer aux femmes adultes et aux adolescentes l’accès aux services de santé, et notamment aux services de santé sexuelle et génésique, et à veiller à ce qu’une éducation à la santé en matière de sexualité et de procréation soit assuré, selon qu’il conviendra, dans tous les établissements scolaires et à tous les niveaux éducatifs. Il le prie également d’adopter toutes les mesures qui s’imposent pour faire baisser encore le taux de mortalité maternelle, qui reste élevé. De plus, il l’encourage à réexaminer sa législation actuelle, qui fait de l’avortement une infraction pénale, ce qui est lourd de conséquences pour la santé et la vie des femmes. L’État partie doit assurer que le guide technique de l’avortement légal soit applicable d’une manière uniforme sur tout le territoire, de sorte que l’accès aux services d’interruption de grossesse soit bien réel et identique pour toutes.

Le Comité s’inquiète du tabagisme important des Argentines, qui affecte gravement leur santé. Il s’inquiète tout particulièrement du fait que les femmes constituent souvent la cible des campagnes publicitaires pour le tabac, qui les incitent à fumer ou à fumer davantage, entraînant des maladies et des décès liés au tabac.

Le Comité invite instamment l’État partie à ratifier et à mettre en œuvre la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac et à mettre en place un dispositif législatif visant à interdire de fumer dans les lieux publics et à restreindre la publicité pour le tabac.

Femmes rurales

Tout en prenant note du processus de décentralisation en cours et des mesures prises pour proposer des formations, des soins de santé relativement complets et des crédits importants, notamment aux familles rurales, le Comité reste préoccupé par la situation des femmes rurales et, notamment, des femmes âgées et autochtones, qui vivent dans la misère, sont marginalisées et, souvent, n’ont pas accès aux soins de santé, à l’éducation, au crédit et aux services de proximité.

Le Comité invite instamment l’État partie à continuer d’accorder une attention particulière aux besoins des femmes rurales, notamment des femmes âgées ou autochtones, afin de leur permettre de participer aux processus de décision et d’avoir pleinement accès à l’éducation, aux services de santé et au crédit.

Populations féminines défavorisées

L’État partie reconnaît que les droits des femmes âgées, migrantes ou handicapées ne sont pas pleinement respectés et que ces populations sont souvent victimes de discriminations. Il reconnaît aussi que les droits des lesbiennes, des bisexuelles et des transsexuelles ne sont pas réellement reconnus et que ces femmes sont parfois la cible de discriminations et de violences.

Le Comité invite instamment l’État partie à faire en sorte que les droits des femmes âgées, migrantes, handicapées ainsi que des lesbiennes, des bisexuelles et des transsexuelles, entre autres, soient pleinement protégés. Toutes ces femmes doivent être en mesure de vivre à l’abri de toute discrimination et de toute violence et de jouir de l’ensemble de leurs droits, y compris leurs droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux et leurs droits en matière de sexualité et de procréation.

Femmes réfugiées et demandeuses d’asile

Le Comité s’inquiète que malgré l’adoption de la loi sur les réfugiés (loi no 26 165), la création de la Commission nationale pour les réfugiés (CONARE) et la participation de l’État partie au programme régional du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, l’Argentine n’ait pas encore adopté toutes les dispositions réglementaires internes propres à faciliter l’application de la loi et à combler certaines lacunes en matière de protection, notamment concernant les demandeurs d’asile en situation de vulnérabilité, soit, tout particulièrement, les femmes, les filles et les enfants non accompagnés.

Le Comité engage l’État partie à favoriser la mise en œuvre pleine et effective de la loi sur les réfugiés (loi n o  26 165), et en particulier de ses dispositions relatives à la protection des femmes demandeuses d’asile et réfugiées et des enfants non accompagnés, notamment en adoptant toutes les dispositions réglementaires internes nécessaires. Il prie également l’État partie de continuer à former les agents de la police des frontières, des services de l’immigration et des services chargés des demandes d’asile pour qu’ils adoptent une démarche soucieuse de l’équité des sexes, de veiller à la mise en œuvre effective d’un système d’identification adéquat et d’intégrer des mesures tenant compte des sexospécificités dans la procédure de détermination du statut de réfugié, s’agissant en particulier des demandes d’asile fondées sur la violence sexiste. Le Comité invite également l’État partie à compléter la loi n o  26 364 d’avril 2008 par des mesures offrant, conformément au droit international, une protection suffisante à toutes les femmes, quel que soit leur âge, ainsi qu’aux victimes de la traite et aux personnes qui craignent d’être l’objet de persécutions à leur retour dans leur pays d’origine. L’État partie devrait en outre adopter des mesures destinées à empêcher les femmes et les filles réfugiées et demandeuses d’asile de tomber dans les mailles des réseaux de traite et de trafic, à mettre sur pied un mécanisme permettant de repérer rapidement les victimes et à garantir que les personnes susceptibles d’avoir besoin de protection soient orientées vers les structures de demande d’asile.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité exhorte l’État partie à tenir pleinement compte, dans le cadre de ses obligations au titre de la Convention, de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et le prie d’inclure des renseignements à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Objectifs du Millénaire pour le développement

Le Comité souligne que la mise en œuvre pleine et effective de la Convention est une condition sine qua non de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Il demande que le principe de l’égalité des sexes et les dispositions de la Convention soient expressément pris en considération dans toute action visant la réalisation des objectifs, et prie l’État partie d’inclure des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Diffusion des observations finales

Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées en Argentine afin que la population du pays, et en particulier les agents de l’État, les responsables politiques, les parlementaires et les organisations de femmes et de défense des droits de l’homme, soient informés des mesures prises en vue de garantir l’égalité de droit et de fait entre les sexes et des dispositions qui restent à prendre à cet égard. Il recommande que ces observations soient également disséminées au niveau local et invite l’État partie à organiser une série de réunions pour débattre des progrès accomplis dans leur mise en œuvre. Il prie en outre celui-ci de continuer de diffuser largement, notamment auprès des organisations de femmes et de défense des droits de l’homme, le texte de ses propres recommandations générales et de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing et les textes issus de la vingt-troisième session spéciale de l’Assemblée générale, intitulée « Les femmes en l’an 2000: égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIe siècle ».

Ratification d’autres traités

Le Comité souligne que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribuerait à promouvoir l’exercice effectif des droits individuels et des libertés fondamentales des femmes dans tous les aspects de la vie. Il se félicite que l’État partie ait ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l’État partie de lui communiquer, dans un délai de deux ans, des informations par écrit sur les mesures qu’il aura prises pour appliquer les recommandations figurant aux paragraphes 24 et 38 ci-dessus.

Etablissement du prochain rapport

Le Comité prie l’État partie de veiller à ce que l’ensemble des ministères et des organes publics participent largement à l’établissement de son prochain rapport, et de consulter à cette occasion diverses organisations de femmes et de défense des droits de l’homme.

Le Comité prie l’État partie de répondre aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’il établira en application de l’article 18 de la Convention. Il l’invite à le présenter en juillet 2014.

Le Comité invite l’État partie à suivre les « Directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument  » , approuvées lors de la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, qui s’est tenue en juin 2006 (voir HRI/MC/2006/3 et Corr.1). Les directives concernant l’établissement de documents propres à chaque instrument, adoptées par le Comité à sa quarantième session, en janvier 2008, doivent être mises en œuvre concurremment avec les directives harmonisées concernant l’établissement de documents de base communs. Prises ensemble, elles constituent les directives harmonisées concernant l’établissement de rapports au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Le document propre à cet instrument ne devrait pas dépasser 40 pages, et le document de base commun actualisé ne devrait pas en compter plus de 80.