* Adoptées par le Comité à sa soixante-deuxième session (26 octobre-20 novembre 2015).

Observations finales concernant les deuxième et troisième rapports périodiques (présentés en un seul document) des Émirats arabes unis*

Le Comité a examiné les deuxième et troisième rapports combinés (présentés en un seul document) des Émirats arabes unis (CEDAW/C/ARE/2-3) à ses 1349e et 1350e séances, le 5 novembre 2015 (voir CEDAW/C/SR.1349 et 1350). La liste de points et de questions figure dans le document CEDAW/C/ARE/Q/2-3 et les réponses des Émirats arabes unis dans le document CEDAW/C/ARE/Q/2-3/Add.1.

A. Introduction

Le Comité apprécie le fait que l’État partie ait soumis dans les délais impartis ses deuxième et troisième rapports périodiques présentés en un seul document. Il apprécie également les réponses écrites que l’État partie a fournies concernant la liste de points et de questions soulevés par le groupe de travail de présession. Il salue l’exposé oral de la délégation et les précisions orales complémentaires fournies en réponse aux questions posées oralement par le Comité dans le cadre du dialogue. Le Comité regrette toutefois que certaines questions figurant dans sa liste de points n’aient pas reçu de réponse ou une réponse partielle seulement.

Le Comité félicite l’État partie pour sa délégation, dirigée par Mme Maitha Salem Al-Shamsi, Ministre d’État, et composée de représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministère du travail, d’autres organes et fondations de l’État et de la Mission permanente des Émirats arabes unis auprès de l’Office des Nations Unies à Genève.

B. Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis depuis l’examen, en 2010, du rapport initial de l’État partie (CEDAW/C/ARE/1) dans les réformes législatives opérées, en particulier les modifications apportées en 2012 et 2015 à la loi fédérale n° 51 de 2006 sur la lutte contre la traite des êtres humains et l’arrêté ministériel n° 319/15F/22 de 2012 sur la promotion de la participation des femmes aux conseils d’administration des autorités, sociétés et institutions fédérales.

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie en vue d’améliorer son cadre institutionnel et de politique visant à accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, notamment l’adoption ou la création :

a)De la Stratégie nationale pour l’autonomisation et la promotion des femmes des Émirats arabes unis, qui couvre la période 2015- 2021;

b)Du Conseil pour l’équilibre entre les sexes, en mai 2015, en vue de promouvoir le rôle des femmes dans tous les secteurs d’emploi.

Le Comité se félicite du fait qu’au cours de la période qui a suivi l’examen du rapport précédent, l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants ou y a adhéré:

a)La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2012;

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2010.

Le Comité se félicite également du soutien financier que l’État partie a apporté aux campagnes internationales lancées par les Nations Unies en vue de mettre fin aux violences sexuelles dans les conflits et de promouvoir l’éducation des filles.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Conseil national fédéral

Le Comité insiste sur le rôle essentiel du pouvoir législatif, s’agissant d’assurer la mise en œuvre intégrale de la Convention (voir la déclaration du Comité relative à ses relations avec les parlementaires, adoptée à sa quarante-cinquième session, en 2010). Il invite le Conseil national fédéral, conformément à son mandat, à adopter, entre aujourd’hui et la prochaine présentation des rapports au titre de la Convention, les mesures nécessaires à la mise en œuvre des présentes observations finales.

Réserves

Le Comité note l’information selon laquelle l’État partie examine actuellement la possibilité de réduire la portée de ses réserves aux articles 2 f), 9, 15 (2), 16 et 29 (1) de la Convention. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait qu’aucune de ces réserves, qui constituent un obstacle à la mise en œuvre de la Convention dans son intégralité, n’a été retirée jusqu’à présent et qu’aucun calendrier n’a été fixé pour ce retrait.

Le Comité rappelle à l’État partie que les réserves aux articles 2 et 16 sont incompatibles avec l’objet et le but de la Convention (voir la déclaration du Comité relative aux réserves, adoptée à la quatre-vingt-dixième session en 1998). Le Comité répète sa recommandation, à savoir que l’État partie réduise la portée de ses réserves à la Convention en vue de les retirer complètement ( CEDAW/C/ARE/CO/1 , par. 17). Ce faisant, l’État partie devrait tenir compte des pratiques de pays au contexte culturel et au système juridique similaires qui ont réussi à aligner leur législation nationale sur leurs obligations internationales dans le domaine des droits de l’homme, en particulier celles prévues par la Convention. L’État partie devrait assurer la consultation de la société civile, en particulier des organisations féminines, sur ce processus.

Statut juridique de la Convention

Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie en ce qui concerne le statut de la Convention dans son contexte juridique interne. Il regrette toutefois que la Convention n’ait toujours pas préséance sur la législation nationale. Le Comité regrette les mesures limitées prises par l’État partie pour incorporer les dispositions de la Convention dans la législation interne et le manque d’informations sur les décisions judiciaires qui se réfèrent directement aux dispositions de la Convention.

Le Comité réitère sa recommandation visant à ce que l’État partie assure la prééminence de la Convention par rapport aux lois nationales ( CEDAW/C/ARE/CO/ , par.13). Le Comité invite par ailleurs l’État partie à accélérer le processus d’incorporation de la Convention dans son système juridique national en vue de rendre ses dispositions directement applicables devant les tribunaux nationaux.

Définition de l’égalité et de la non-discrimination

Le Comité est préoccupé par le fait qu’en dépit de ses recommandations précédentes (CEDAW/C/ARE/CO/1, par. 15), le principe de l’égalité des femmes et des hommes ne soit toujours pas consacré par la Constitution de l’État partie et par sa législation interne, et que la discrimination à l’égard des femmes n’ait toujours pas été définie conformément à l’article premier de la Convention ni interdite par la loi. Le Comité est aussi préoccupé par le maintien de dispositions discriminatoires dans la législation de l’État partie, comme la notion de l’homme‑tuteur et l’obligation faite aux femmes d’obéir à leur époux (article 56 de la loi relative au statut personnel), qui sont incompatibles avec les obligations de l’État partie au titre de la Convention.

Le Comité invite l’État partie à intégrer sans plus tarder le principe de l’égalité des femmes et des hommes dans sa Constitution, conformément à l’engagement pris au cours du deuxième cycle de l’Examen périodique universel (EPU) ( A/HRC/23/13 , par. 128.85), et à interdire et réprimer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, y compris la discrimination directe et indirecte dans les sphères publiques et privées, conformément à ses obligations au titre des articles 1 et 2 de la Convention. Le Comité invite instamment l’État partie à abroger en priorité toutes les dispositions juridiques qui restent discriminatoires à l’égard des femmes, y compris celles du Code pénal et de la loi relative au statut personnel.

Accès à la justice

Le Comité est préoccupé par le fait que l’accès des femmes et des filles à la justice, y compris aux recours en justice, est fortement entravé par la répugnance à enregistrer les plaintes et par les attitudes négatives des responsables de l’application des lois à l’égard des femmes qui dénoncent les actes de violence dont elles ont été victimes. Le Comité s’inquiète du traitement discriminatoire des femmes devant les tribunaux, en particulier des femmes étrangères, de l’absence de services d’interprétation et d’assistance juridique à leur intention, ainsi que des condamnations disproportionnellement sévères dont font l’objet les étrangères dans le cadre des procédures devant les juridictions pénales.

Conformément à la recommandation générale n° 33 du Comité relative à l’accès des femmes à la justice, le Comité recommande que l’État partie respecte son engagement de veiller à ce que les femmes aient pleinement accès à la justice, obtiennent une capacité juridique égale et soient traitées sur pied d’égalité en justice (voir A/HRC/23/13 , par. 128.81). Pour ce faire, il conviendrait que l’État lève tous les obstacles à l’accès des femmes à la justice. Il recommande aussi que l’État partie élabore des politiques, des stratégies et des programmes globalement favorables à l’égalité des sexes, visant à faciliter l’accès des femmes à la justice, y compris pour les étrangères et les employées de maison migrantes, tout en assurant le respect des garanties d’un procès équitable. Le Comité recommande en outre que l’État partie établisse et évalue l’incidence des programmes de développement de capacités relatifs aux droits des femmes pour les avocats, les juges, les procureurs et les policiers, en portant une attention particulière à l’accès à la justice pour les employés de maison migrants.

Mécanisme national pour la promotion des femmes

Le Comité, tout en reconnaissant le rôle positif joué par l’Union générale des femmes, réitère ses inquiétudes au sujet de l’absence d’informations sur le cadre juridique définissant son mandat et sa compétence en tant que mécanisme pour la progression des femmes dans l’État partie et régissant ses relations avec les ministères concernés et diverses institutions de femmes, ainsi qu’au sujet des ressources humaines, techniques et financières du budget national allouées à son fonctionnement. Le Comité est aussi préoccupé par le fait que le contenu, la mise en œuvre concrète, le suivi et les modalités d’évaluation de la stratégie nationale pour l’autonomisation et la promotion des femmes des Émirats arabes unis ainsi que les ressources affectées à cette stratégie demeurent vagues. Il constate avec inquiétude qu’en dépit de ses engagements pris pendant le premier Examen périodique universel en 2008, l’État partie n’a toujours pas mis en place une institution nationale pour les droits de l’homme, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales (les Principes de Paris [voir A/RES/48/134]) ou un mécanisme indépendant de plaintes pour les femmes invoquant des violations de leurs droits humains [A/HRC/10/75 par. 91 29)].

Le Comité recommande que l’État partie :

a) Fournisse dans ses prochains rapports périodiques des informations détaillées concernant le mandat de l’Union générale des femmes, son statut, sa compétence, sa relation avec les ministères concernés et les institutions féminines, et les ressources humaines, techniques et financières du budget national qui lui sont allouées, afin de permettre au Comité d’évaluer son efficacité en tant que mécanisme pour la promotion des femmes;

b) S’assure que la stratégie nationale pour l’autonomisation et la promotion de femmes des Émirats arabes unis (2015-2021) comporte des mesures, des indicateurs et des objectifs assortis de délais ainsi qu’un cadre de suivi approprié et régulier;

c) Crée sans tarder une institution nationale indépendante pour les droits de l’homme, conformément aux Principes de Paris, et veille à ce que cette institution soit dotée d’un mandat spécifique en matière de droits des femmes et d’égalité entre les sexes, et d’un mécanisme efficace pour recevoir et traiter les plaintes de toutes les femmes et les filles d’une manière axée sur l’égalité hommes ‑femmes ( CEDAW/C/ARE/CO/1 , par. 21).

Organisations non gouvernementales et défenseurs des droits humains des femmes

Le Comité reste préoccupé par l’absence de société civile robuste dans l’État partie, comme le montre l’absence de rapports alternatifs rédigés par des organisations non gouvernementales nationales concernant la mise en œuvre de la Convention. Le Comité déplore aussi l’absence d’informations sur les conditions légales pour d’enregistrement et de fonctionnement des ONG dans l’État partie. Il s’inquiète aussi du fait que les défenseurs des droits humains des femmes et des membres de leur famille auraient été victimes de diverses formes de harcèlement.

Le Comité réitère sa recommandation engageant l’État partie à prendre des mesures concrètes, y compris par des amendements législatifs, afin d’instaurer et de garantir un environnement favorable à la création de groupes de la société civile et de défense des droits des femmes qui puissent mener librement leurs programmes et activités ( CEDAW/C/ARE/CO/1 , par. 31). Le Comité recommande aussi que l’État partie s’abstienne de tout acte de représailles à l’encontre des défenseurs des droits humains des femmes ou d’élever d’autres obstacles pour eux ou leur famille.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité prend note de la volonté politique, au plus haut niveau, d’augmenter le pourcentage de femmes occupant des postes de décision et salue la décision ministérielle n° 319/15F/22 portant sur la promotion de la participation des femmes aux conseils de direction des autorités, des sociétés et des institutions du pays. Le Comité est toutefois préoccupé par l’absence de stratégie claire en vue de traduire la volonté politique dans la réalité, en particulier de mesures temporaires spéciales pour promouvoir l’égalité de droit des femmes et des hommes.

Le Comité recommande que l’État partie adopte et mette effectivement en œuvre des mesures temporaires spéciales, conformément au premier paragraphe de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o  25 (2004) portant sur les mesures temporaires spéciales, notamment des objectifs et des quotas assortis de délais dans les secteurs tant public que privé, visant à atteindre l’égalité de droit ou de fait des femmes et des hommes dans les domaines dans lesquels les femmes sont sous ‑représentées ou défavorisées, y compris dans la vie politique et publique et en matière d’emploi.

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

Le Comité prend note de l’engagement de l’État partie de modifier les profils socioculturels et les attitudes patriarcales discriminatoires à l’égard des femmes dans la société. Il reste toutefois préoccupé par le fait que l’État partie conserve des stéréotypes discriminatoires en ce qui concerne le rôle des femmes et des hommes dans la société et dans la famille, axés principalement sur les rôles des femmes en tant que mère et que ménagères et qui ne considèrent pas les femmes comme détentrices de droits à part entière. Le Comité s’inquiète aussi des nombreuses dispositions contenues dans la législation de l’État partie qui soulignent la subordination des femmes à leur époux et aux autres membres masculins de la famille et portent atteinte aux droits des femmes et des filles et à leur possibilité de développer leurs capacités personnelles et de choisir en toute liberté leur vie et leurs projets de vie.

Le Comité recommande que l’État partie s’engage activement, en collaboration avec la société civile et les médias, dans la définition d’une stratégie globale visant à éliminer les stéréotypes discriminatoires relatifs aux rôles et aux responsabilités des femmes et des hommes dans la société et dans la famille. Cette stratégie doit inclure des campagnes d’éducation et de sensibilisation du public aux incidences négatives des stéréotypes discriminatoires sur l’exercice de leurs droits humains par les femmes, associés comme ils le sont aux rôles traditionnels des deux sexes dans la famille et dans la société. Elle doit être ciblée sur les femmes et les hommes, et sur les filles et les garçons. Le Comité recommande en outre que l’État partie utilise le système éducatif pour donner une image plus positive et non stéréotypée des femmes en tant que participantes à la vie politique, sociale et économique, et pour assurer comme il se doit l’intégration des droits des femmes dans les programmes et manuels scolaires et créer un environnement favorable à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Bien que la délégation ait assuré qu’il n’existait pas de mariages précoces, le Comité note avec préoccupation les signalements de la persistance des mariages d’enfants et des mariages forcés, et du recours par les juges aux dérogations à la règle de l’âge minimum de 18 ans pour le mariage lorsque les époux ont atteint l’âge de la puberté. Le Comité s’inquiète aussi de constater que la polygamie, qui est contraire à la dignité des femmes et des filles et enfreint leurs droits et libertés en tant qu’êtres humains comme l’indique la recommandation générale conjointe no 31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et no 18 du Comité des droits de l’enfant sur les droits de l’enfant sur les pratiques préjudiciables (2014), demeure permise dans le droit de l’État partie.

Le Comité invite instamment l’État partie à appliquer rigoureusement l’âge minimum légal du mariage à 18 ans à la fois pour les filles et les garçons et à veiller à ce que des peines soient prononcées à l’encontre de ceux qui sont responsables des mariages précoces. Il recommande en outre que l’État partie décourage et interdise la polygamie et prévoit pour le pouvoir judiciaire des programmes de développement des capacités concernant les conséquences négatives des mariages d’enfants sur les droits humains des filles.

Violence à l’égard des femmes, en particulier la violence sexuelle

Le Comité craint que les mesures prises par l’État partie en réponse à la violence domestique risquent d’être inefficaces dans un contexte tant que les châtiments corporels infligés aux épouses et aux enfants resteront autorisés par l’article 53 du Code pénal. Le Comité note sa vive préoccupation face au fait qu’en 2010, la Cour suprême fédérale a rendu une décision confirmant ce droit et qu’en 2013, l’État partie n’a pas accepté la recommandation faite dans le cadre du deuxième cycle de l’Examen périodique universel, à savoir l’abrogation de l’article 53 (voir A/HRC/23/13 par. 128.92). Le Comité s’inquiète aussi de la lenteur de l’avancement de l’adoption d’une législation exhaustive sur la violence à l’égard des femmes et des nombreux obstacles que rencontrent les femmes et les filles victimes de violences domestiques, en particulier les étrangères et les employées de maison migrantes, lorsqu’elles tentent de dénoncer des actes de violence.

Le Comité prie instamment l’État partie :

a) D’abroger immédiatement l’article 53 du Code pénal ainsi que toute disposition législative qui pourrait être utilisée pour imposer la violence aux femmes et aux filles, en ce compris la violence sexuelle, et entraîner un traitement cruel, inhumain ou dégradant;

b) De s’employer activement à établir une stratégie globale de prévention et de traitement de toutes les formes de violence à l’égard des femmes, y compris la violence sexuelle et familiale. Cette stratégie devrait inclure l’adoption rapide d’une législation interdisant toutes les formes de violence à l’égard des femmes, y compris le viol conjugal, ainsi que des campagnes de sensibilisation et des mesures préventives s’attaquant aux racines de la violence, notamment au statut de subordination, au sein de la famille, des femmes et des filles des Émirats arabes unis;

c) De veiller à ce que les femmes victimes de violence aient accès à des mécanismes de déclaration efficaces et tenant compte des sexospécificités, à ce que les cas de violence à l’égard des femmes fassent l’objet d’une enquête approfondie et à ce que les auteurs soient poursuivis et, s’ils sont condamnés, que des sanctions appropriées leurs soient infligées, et à ce que les victimes bénéficient du soutien approprié pour leur rétablissement physique et psychologique ainsi que de réparations, y compris l’indemnisation;

d) D’assurer la formation appropriée des juges, des procureurs et de la police aux protocoles et aux directives concernant le traitement des cas de violence, d’une manière qui tienne compte des sexospécificités.

Le Comité s’inquiète de la violence à l’égard des femmes résultant de l’incrimination des relations sexuelles consenties entre adultes en dehors du mariage, selon l’article 365 du Code pénal, ainsi que du recours à cet article pour criminaliser les travailleuses du sexe et les femmes victimes de la traite, de l’exploitation et de la violence à des fins sexuelles. Le Comité est préoccupé par le fait que, dans tous ces cas, les femmes risquent de lourdes peines comme l’emprisonnement, la torture ou la mort, ou des peines inhumaines, cruelles ou dégradantes comme la lapidation ou la flagellation, et par le signalement de centaines de femmes de l’État partie qui purgeraient des peines pour avoir eu des relations sexuelles hors mariage (zina).

Le Comité invite l’État partie à abroger l’article 356 du Code pénal et à libérer sans tarder les femmes étrangères victimes de violence et d’abus sexuels.

Traite et exploitation sexuelle

Le Comité se réjouit des amendements apportés en 2012 et 2015 à la loi fédérale no 51 de 2006 sur la traite des êtres humains, de la stratégie nationale adoptée par le Comité national de lutte contre la traite des êtres humains, et de l’existence d’un numéro d’urgence et de refuges pour les femmes et les filles victimes de la traite. Il est toutefois préoccupé par le fait que l’État partie demeure un pays de destination et de transit pour les femmes victimes de la traite, essentiellement en provenance d’Asie du Sud, d’Asie du Sud‑Est et d’Asie centrale, aux fins de travail forcé et d’exploitation sexuelle. Il s’inquiète aussi du fait que les peines prévues par la loi fédérale n° 51 ne sont pas à la hauteur de la gravité du délit et que les efforts déployés pour poursuivre et condamner les trafiquants demeurent insuffisants, en particulier dans les cas de traite aux fins de travail forcé et d’exploitation sexuelle. Le Comité s’inquiète aussi des cas de déportation forcée de victimes de la traite, au lieu que leur soit fourni le soutien nécessaire.

Le Comité recommande que l’État partie renforce ses efforts pour éliminer la traite des femmes et des filles, notamment l’application intégrale des peines prévues par la loi fédérale n o  51 et le renforcement de la capacité de détection de ces cas par les inspecteurs du travail et les autorités chargées de l’immigration. Le Comité recommande aussi que l’État partie s’assure que les auteurs de la traite et leurs complices soient poursuivis et, s’ils sont condamnés, que soient prononcées à leur encontre des peines à hauteur de la gravité de leurs délits. Le Comité invite par ailleurs l’État partie à s’abstenir de déporter les victimes de la traite, en particulier celles nécessitant un degré élevé de protection, et à envisager de leur accorder un permis de résidence temporaire, qu’elles soient ou non en mesure ou d’accord de coopérer avec les autorités chargées des poursuites.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité apprécie le fait que 30 % des postes de direction au sein du gouvernement sont occupés par des femmes. Il note toutefois qu’en dépit de ces progrès, les femmes demeurent sous‑représentées au sein du Conseil national fédéral et du pouvoir judiciaire, et qu’à l’université, les femmes constituent 71,6 % des étudiants, mais 15 % seulement du personnel enseignant.

Le Comité recommande que l’État partie adopte des mesures ciblées, en ce compris des mesures temporaires spéciales, conformément à l’article 4 paragraphe 1 de la Convention et à la recommandation générale n o  25 (2004) relative aux mesures temporaires, afin d’aboutir à l’égalité de fait avec les hommes dans la vie politique et publique, y compris au sein du pouvoir judiciaire et des universités. Le Comité recommande à cette fin de fixer des objectifs assortis d’un délai pour la mise en œuvre de stratégies, tels que des quotas réglementaires et un soutien financier ainsi que des programmes de renforcement des capacités d’encadrement et des campagnes politiques pour les éventuelles candidates aux élections. Le Comité prie l’État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations exhaustives sur le recours à ces mesures temporaires spéciales et leurs résultats.

Nationalité

Le Comité prend note du décret de 2011 accordant la nationalité dès l’âge de leur majorité aux enfants nés d’Émiriennes et de pères étrangers. Il reste préoccupé par le fait que les femmes des Émirats se voient encore refuser l’égalité en termes de nationalité, contrairement aux droits garantis aux hommes, une discrimination qui peut entraîner un statut d’apatride pour leurs enfants. Le Comité s’inquiète aussi de l’absence de progrès accomplis s’agissant de la situation des milliers de Bédouines qui demeurent privées de leurs droits élémentaires à la nationalité des Émirats arabes unis et de leurs droits connexes.

Le comité répète sa recommandation précédente, à savoir que l’État partie accorde aux Émiriennes des droits égaux à ceux dont jouissent les hommes en matière d’acquisition, de modification et de maintien de leur nationalité et confère ce droit à leurs enfants et au conjoint étranger. À cet égard, il recommande que l’État partie revoie son droit national, retire sa réserve à l’article 9 de la Convention et ratifie la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et son Protocole de 1967, la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie ( CEDAW/C/ARE/CO/1 par. 33). Le Comité recommande par ailleurs que l’État partie régularise la situation des familles apatrides et garantisse leur droit à une nationalité sans discrimination.

Éducation

Le Comité salue les réalisations de l’État partie dans le domaine de l’éducation et note avec satisfaction la proportion élevée de femmes et de filles inscrites dans les universités publiques et privées, tout en notant que les données demandées par le Comité ont été fournies sous une forme qui ne lui permet pas d’évaluer le nombre de filles qui ne sont pas inscrites à l’école. Le Comité félicite l’État partie pour avoir instauré depuis 2012 l’enseignement obligatoire jusqu’à 18 ans, au lieu de 15 ans, mais regrette de ne pas avoir pu vérifier quelles sont les mesures mises en place pour accroître la capacité d’accueil pour les élèves qui, précédemment, ne relevaient pas de cette réglementation. Le Comité s’inquiète en outre de l’absence de mesures prises pour encourager les femmes et les filles à choisir des domaines d’études non dominés par les filles au niveau postsecondaire.

Le Comité recommande que l’État partie augmente sa capacité d’accueil face à la hausse de la fréquentation résultant de l’allongement à 18 ans de l’enseignement obligatoire, en particulier afin de permettre aux filles de poursuivre leur éducation au niveau secondaire. L’État partie devrait aussi prendre des mesures effectives pour encourager les femmes et les hommes à choisir des domaines d’études non traditionnels, comme les sciences et les technologies pour les femmes.

Emploi

Le Comité salue les mesures prises pour encourager la participation des femmes à la population active, mesures qui ont débouché sur d’importantes réalisations, en particulier la création du Conseil pour l’équilibre entre les sexes destiné à promouvoir le rôle des femmes des Émirats arabes unis dans toutes les sphères de l’emploi. Il note par ailleurs la déclaration positive de la délégation de l’État partie indiquant que les employeurs ne demandent plus l’autorisation du mari pour embaucher une femme. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait qu’il reste possible, pour un mari, d’interdire à son épouse de travailler et de limiter sa liberté de mouvement, selon les articles 71 et 72 de la loi relative au statut personnel, et qu’aucune information n’a été fournie sur l’intention d’abroger ces dispositions.

Le Comité prie instamment l’État partie, conformément à son engagement pris dans le contexte de l’Examen périodique universel ( A/HRC/23/13 , par. 128.78, 128.96 et 128.100) concernant l’accès des femmes à l’éducation et à l’emploi, de combler l’écart existant entre les dispositions de la loi relative au statut personnel et la réalité du travail et de la vie des femmes sur le terrain telle quelle est amplement décrite par la délégation de l’État partie, d’abroger sans tarder les articles 71 et 72 de la loi relative au statut personnel et de revoir toutes autres dispositions qui font obstacle au libre choix de la profession et de l’emploi pour les femmes . L’État partie devrait veiller par ailleurs à ce que le Conseil pour l’égalité entre les sexes obtienne le mandat, la compétence et les ressources nécessaires pour assurer le suivi régulier de l’atteinte des objectifs fixés.

Santé

Le Comité salue les réalisations de l’État partie dans le domaine de la mortalité maternelle et infantile et note les informations qu’a fournies la délégation de l’État partie quant au fait que toutes les travailleuses migrantes sont couvertes par l’assurance soins de santé. Le Comité note toutefois avec préoccupation :

a)Les informations limitées sur l’éducation aux droits dans le domaine de la santé sexuelle et génésique dans l’État partie;

b)L’incrimination de l’avortement, sauf dans un nombre très limité de cas qui n’incluent pas l’inceste, le viol et les menaces pour la santé de la femme enceinte;

c)Le fait que des femmes qui auraient été accusées d’avortement illégal suite à des fausses couches ont fait l’objet de procédures pénales; et

d)Le fait que des employées de maison qui ont tenté de se faire soigner après avoir été victimes de violences par leur employeur ont été attachées à leur lit par le personnel hospitalier de crainte qu’elles n’échappent au système de parrainage (kafala).

Le Comité rappelle à l’État partie que les pratiques d’avortement non médicalisé insalubres sont une des principales causes de mortalité et de morbidité maternelles. Le Comité invite instamment l’État partie :

a) À légaliser l’avortement, tout au moins dans les cas de viol, d’inceste, ou de menaces pour la santé de la femme enceinte, et à assurer aux femmes l’accès à des soins de qualité après un viol, en particulier dans les cas de complications dues à des avortements non médicalisés ou de fausse couche, et à supprimer les mesures punitives pour les femmes qui subissent un avortement ou une fausse couche;

b) À assurer effectivement que les adolescents aient bien accès, dans le cadre de leurs programmes scolaires, à une éducation adaptée à leur âge aux droits en matière de santé sexuelle et génésique, y compris en matière de comportement sexuel responsable, et de prévention des grossesses précoces et de maladies sexuellement transmissibles;

c) À assurer que les employées de maison migrantes soient traitées avec dignité et dans le respect de la confidentialité par le personnel soignant, et à prévoir une formation spécifique à cet effet.

Employées de maison migrantes

Le Comité note avec satisfaction les modifications apportées en 2014 au contrat‑type régissant les relations d’emploi entre les employées de maison migrantes et leurs employeurs, les assurances données par la délégation que les étrangères travaillant comme employées de maison peuvent changer d’employeur et le fait que l’État partie élabore actuellement un projet de loi sur les employés de maison. Le Comité regrette toutefois qu’en vertu des nouveaux contrats de 2014, les employées de maison puissent toujours être tenues d’effectuer des journées de travail de 16 heures, n’aient pas de salaire minimum garanti, restent exclues de l’application du Code du travail et, dès lors, de l’accès aux tribunaux du travail, et ne puissent toujours pas changer d’employeur sans courir le risque d’accusations de « désertion ». Le Comité s’inquiète aussi fortement des conditions de travail confinant à l’exploitation de bon nombre de ces femmes, des nombreux cas de violence, y compris de violence sexuelle, qu’elles subissent, et de la détention d’employées de maison qui tombent enceintes après avoir été violées par leurs employeurs qui, eux, bénéficient la plupart du temps de l’impunité pour ces crimes. Le Comité s’inquiète en outre que, bien que la confiscation des passeports par les employeurs ait été interdite, elle reste très répandue en pratique et empêche les femmes d’échapper aux situations de violence.

Le Comité invite instamment l’État partie :

a) À mettre fin au système de parrainage kafala , à accélérer l’adoption du projet de loi sur les employés de maison et à veiller à ce que les employées de maison migrantes bénéficient de la protection offerte par le Code du travail;

b) À ratifier la Convention n° 189 (2011) de l’Organisation internationale du travail et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, et à s’assurer que la loi sur les employés de maison soit conforme aux dispositions de ladite Convention, en particulier en ce qui concerne le droit des employées de maison migrantes de changer librement d’employeur;

c) À lancer des campagnes de sensibilisation centrées sur les employés de maison migrants et leurs employeurs et à veiller à ce que ces employés soient informés de leurs droits au regard de la nouvelle loi, des recours en justice possibles et des refuges disponibles afin d’être protégés contre les conditions de travail abusives;

d) À poursuivre et à sanctionner effectivement les employeurs abusifs et à veiller à ce que les employées de maison victimes de violence sexuelle ne soient pas poursuivies pour des délits au titre de la zina;

e) À faire respecter rigoureusement l’interdiction de la confiscation des passeports et à faire effectuer des inspections de travail régulières dans les ménages privés où travaillent des employées de maison migrantes;

f) À renforcer la coopération internationale et l’échange d’informations avec les pays d’origine.

Discrimination à l’égard des femmes dans le mariage et les relations familiales

Le Comité note avec préoccupation les nombreuses dispositions de la loi relative au statut personnel qui sont discriminatoires à l’égard des femmes et des filles, et le rejet par l’État partie des recommandations faites dans le contexte de l’Examen périodique universel en 2013, qui consistaient à assurer l’égalité des femmes et des hommes dans les relations familiales (A/HRC/23/13, paragraphes 128.87, 128.95 et 128.101). Le Comité est particulièrement préoccupé par le maintien de fait de la tutelle des hommes sur les femmes et les filles, par l’impossibilité pour les femmes des Émirats arabes unis de signer leur propre contrat de mariage, de la persistance de la pratique de la dot, de l’obligation faite aux femmes d’obéir à leur époux, y compris sur le plan sexuel, et de la persistance de la polygamie et des motifs limités que peuvent invoquer les femmes pour demander le divorce, alors que les hommes peuvent le faire de manière unilatérale pour n’importe quel motif. Le Comité est profondément préoccupé par fait que les divorcées perdent la garde de leurs filles lorsque celles‑ci atteignent l’âge de 13 ans et de leurs garçons lorsque ceux-ci atteignent l’âge de 11 ans, et plus tôt encore lorsque la femme se remarie.

Le Comité réitère sa recommandation visant à ce que l’État partie retire sa réserve à l’article 16 de la Convention et procède à une révision législative globale de sa loi relative au statut personnel en tenant compte de l’expérience d’autres pays au contexte culturel et aux normes juridiques similaires, et à ce qu’il dote les femmes de droits égaux en matière de relations de mariage, de divorce, de propriété et en ce qui concerne la garde des enfants. Il invite l’État partie à mettre fin à la pratique de la dot et à décourager et interdire la polygamie, conformément la recommandation générale n o  21 (1994) du Comité relative à l’égalité dans le mariage et les relations familiales et à la recommandation générale n° 29 (2013) relative à l’article 16 de la Convention, qui porte sur les conséquences économiques du mariage, les relations familiales et leur dissolution (voir CEDAW/C/ARE/CO/1 par. 48).

Collecte et analyse des données

Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie concernant les efforts déployés actuellement pour créer une base de données sur les femmes ainsi que des données communiquées par écrit après le dialogue, mais regrette que les données ventilées par sexe soient insuffisantes pour permettre un suivi correct dans tous les domaines couverts par la Convention.

Le Comité encourage l’État partie à poursuivre ses efforts en vue de mettre en place un système pour la collecte régulière de données statistiques ventilées par sexe sur tous les domaines couverts par la Convention.

Protocole facultatif et modification du premier paragraphe de l’article 20 de la Convention

Le Comité encourage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif de la Convention et à accepter dès que possible la modification du premier paragraphe de l’article 20 de la Convention concernant la fréquence des réunions du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l’État partie à utiliser la Déclaration et Programme d’action de Beijing dans ses initiatives de mise en œuvre des dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

Le Comité appelle à la réalisation de l’égalité effective entre les sexes, conformément aux dispositions de la Convention, tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Diffusion

Le Comité rappelle l’obligation de l’État partie de mettre en œuvre les dispositions de la Convention de manière systématique et permanente. Il presse l’État partie d’accorder en priorité son attention à la mise en œuvre des présentes observations et recommandations finales entre aujourd’hui et la soumission du prochain rapport périodique. Le Comité demande donc la diffusion au plus tôt des observations finales, dans la ou les langues officielles de l’État partie, aux institutions de l’État à tous les niveaux (national, régional, local), en particulier au gouvernement, aux ministères, au Conseil national fédéral et au pouvoir judiciaire, afin de permettre leur mise en œuvre intégrale. Il encourage l’État partie à collaborer avec toutes les parties prenantes concernées, telles que les associations d’employeurs, les syndicats, les organisations des droits de l’homme et les organisations féminines, les universités et les institutions de recherche, les médias, etc. Il recommande en outre que les observations finales soient diffusées sous une forme appropriée au niveau des communautés locales, en vue de permettre leur mise en œuvre. De plus, le Comité demande à l’État partie de poursuivre la diffusion de la Convention, de son Protocole facultatif et de sa jurisprudence ainsi que celle des recommandations générales du Comité à toutes les parties prenantes .

Ratification d’autres traités

Le Comité note que l’adhésion de l’État partie aux neuf grands instruments internationaux dans le domaine des droits de l’homme renforcerait l’exercice, par les femmes, de leurs droits humains et libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. Le Comité encourage dès lors l’État partie à ratifier les traités auxquels il n’est pas encore partie, à savoir le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Suivi des observations finales

Le Comité demande à l’État partie de fournir dans un délai de deux ans des informations écrites sur les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations des paragraphes 36 et 44 a), d) et e) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l’État partie à soumettre son quatrième rapport périodique en novembre 2019.

Le Comité demande à l’État partie de respecter les Directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument ( Rev. 6) .