Observations finales concernant le septième rapport périodique de l’Argentine

Additif

* La version originale du présent document n’a pas été revue par les services d’édition.

Renseignements reçus de l’Argentine au sujet de la suite donnée aux observations finales

[Date de réception : 23 novembre 2018]

Sur le plan institutionnel, la principale mesure prise par le Gouvernement argentin, 25 ans après la création du Conseil national des femmes (Consejo Nacional de las Mujeres) et afin de concrétiser son engagement ferme à protéger les femmes contre toutes les formes de discrimination et de violence, a été de créer, par le décret no°698/2017, l’Institut national des femmes (Instituto Nacional de las Mujeres – INAM). Cette entité décentralisée (en termes de juridiction) du Ministère de la santé et du développement social, qui reprend les fonctions du Conseil national des femmes, a pour objet de renforcer les politiques globales d’autonomisation des femmes et d’élimination de la violence.

Le Comité recommande à l’État partie d’approuver les projets de loi visant à assurer la parité des sexes au sein du pouvoir exécutif (projet de loi no°485/15), à la Cour suprême (projets de loi nos474-D-2015, 169-D-2016, 403-D-2016, 905-D-2016 et 1091-D-2016) et aux postes soumis à élection (projets de loi nos1655-D-2015, 1198/16, 1192/16, 1063/16, 1032/16 et 488/16) [voir CEDAW/C/ARG/CO/7, par. 27 a)].

L’Argentine informe le Comité qu’afin de donner suite à sa recommandation relative à la parité des sexes et à la participation des femmes à la vie publique, elle s’efforce de concrétiser son « engagement national en faveur de l’égalité des genres ». À cet effet, l’INAM dirige actuellement l’élaboration du premier Plan national pour l’égalité des chances et des droits, qui bénéficie de l’appui de tous les organismes publics nationaux et sera lancé prochainement. Ce plan est étroitement lié au Programme 2030 (en particulier l’objectif de développement durable no°5), aux recommandations issues du Programme d’action de Beijing, à la Stratégie de Montevideo adoptée par la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) et au Plan national de mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité de l’ONU sur les femmes, la paix et la sécurité. De plus, il est harmonisé avec le point 53 des 100 objectifs que s’est fixés le Gouvernement argentin et avec l’Initiative de parité des genres lancée par la Banque interaméricaine de développement et le Forum économique mondial, à laquelle l’Argentine a adhéré en avril 2017 et qui sera intégrée dans le Plan. Enfin, conformément à la politique de gouvernement ouvert, le Plan est élaboré de manière participative, avec la contribution de la société civile. Il a pour objet d’instaurer des conditions propices à l’égalité réelle entre les femmes et les hommes en Argentine, dans une perspective intersectorielle.

Sur le plan normatif, en particulier, l’Argentine informe le Comité que la participation des femmes et des hommes à la vie politique sur un pied d’égalité est un droit fondamental reconnu dans les sociétés démocratiques, représentatives, participatives et inclusives, en vertu des principes d’égalité et de non-discrimination. Ce droit est énoncé à l’article 37 et aux paragraphes 22 et 23 de l’article 75 de la Constitution, dans la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, qui a rang constitutionnel, et dans les autres instruments signés par l’Argentine aux conférences de l’Organisation des Nations Unies tenues à Quito (2007) et à Brasilia (2010).

En novembre 2017, l’Argentine a fait œuvre de pionnière en adoptant la loi sur la parité des sexes (loi no°27.412), qui dispose que, à compter de 2019, les listes de candidats à des postes au Parlement national et dans les partis politiques devront être composées à 50 % de femmes et agencées de sorte que les noms de femmes et d’hommes figurent en alternance.

Pour ce qui est du système judiciaire, les femmes représentent 44 % du personnel de la Cour suprême, soit 33 % des magistrats, 50 % des fonctionnaires, 52 % du personnel administratif et 12 % du personnel de service. La Haute cour se compose actuellement de 4 hommes et 1 femme et les services du Procureur général de la nation (Procuración General de la Nación) sont constitués à 49 % de femmes.

Sept projets de loi relatifs à la composition de la Cour suprême sont actuellement inscrits sur le rôle des dépôts de documents parlementaires : trois seront examinés par la Chambre des députés et quatre par le Sénat.

Enfin, l’Argentine a le plaisir d’informer le Comité que, en vue de promouvoir l’égalité des genres au niveau régional, elle a facilité l’établissement du bureau d’ONU-Femmes, qui collabore avec l’INAM dans le cadre de la mise en œuvre du programme « País por la Igualdad ».

Le Comité prie instamment l’État Partie de mettre en place des dispositifs d’application du principe de responsabilité pour garantir que toutes les provinces adoptent des protocoles relatifs à l’avortement non punissable, conformément à la décision prise par la Cour suprême en 2012 et au Protocole national pour la prise en charge intégrale des personnes ayant droit à l’interruption légale de grossesse [voir CEDAW/C/ARG/CO/7, par. 33 b)]. Il le prie également d’accélérer l’adoption du projet de loi relatif à l’interruption volontaire de grossesse, qui vise à légaliser l’avortement non seulement dans les cas où la grossesse résulte d’un viol ou met la vie ou la santé de la mère en danger, mais aussi en cas d’inceste et lorsque le fœtus présente une malformation grave faisant peser un risque élevé, entre autres circonstances [voir CEDAW/C/ARG/CO/7, par. 33 d)].

L’Argentine informe le Comité que, à l’heure actuelle, dix provinces ont adhéré au protocole national visant à garantir l’interruption légale de grossesse (Jujuy, Salta, Chaco, Santa Fe, La Rioja, Entre Ríos, Misiones, La Pampa, Santa Cruz et Tierra del Fuego), six ont adopté leurs propres protocoles (Chubut, Río Negro, Neuquén, Buenos Aires, ville autonome de Buenos Aires et Catamarca), quatre n’ont pas adhéré au protocole mais appliquent la réglementation nationale (Mendoza, San Luis, San Juan et Formosa) et quatre seulement n’ont pas adhéré au protocole et n’appliquent pas la réglementation nationale (Córdoba, Santiago del Estero, Tucumán et Corrientes). Cela signifie que, au mois de novembre 2018, des protocoles pour la pratique d’un avortement non punissable étaient appliqués sur plus de 80 % du territoire national.

L’Argentine tient à souligner que, afin d’atteindre les objectifs fixés et de donner suite aux recommandations du Comité, elle a adopté le Plan national de prévention et de réduction des cas de grossesse précoce non désirée, qui est mis en œuvre de manière coordonnée par les ministères de la santé, de l’éducation et du développement social. Ce plan stratégique comporte quatre volets : 1) sensibiliser la population à l’ampleur du problème de la grossesse précoce ; 2) assurer une éducation sexuelle complète dès l’école primaire et, essentiellement, à l’école secondaire, en renforçant les services de conseil ; 3) distribuer des moyens de contraception (contraceptifs oraux, dispositifs intra-utérins et implants sous-cutanés) ; 4) garantir l’accès à un avortement légal et sécurisé en cas d’atteintes sexuelles. Le plan est pleinement mis en œuvre depuis novembre 2017. Pour 2019, un budget de 489 millions de pesos (environ 13 millions de dollars des États-Unis) a été alloué à sa mise en œuvre.

En ce qui concerne la réduction du nombre de cas de grossesse précoce non désirée, l’Argentine informe le Comité qu’elle entend étendre au maximum la distribution de contraceptifs, en mettant l’accent sur les écoles et les communautés des provinces et départements prioritaires, afin de toucher le plus d’adolescentes possible. Pendant le dernier trimestre de 2018, une évaluation de la couverture effective par province et du taux de grossesse précoce non désirée sera réalisée pour déterminer de quelle manière et dans quelle mesure il convient d’intensifier le Plan national en 2019. Ces données seront disponibles pour l’élaboration du rapport national périodique de 2020.

Sur le plan normatif, l’Argentine informe le Comité qu’en 2018, pour la première fois, un projet de loi sur l’interruption volontaire de grossesse a été examiné par le Parlement, où il a été adopté par la Chambre des députés. Plus de 1 000 intervenants ont pris part au débat historique tenu en séances plénières par les deux chambres. Le projet de loi est enregistré sur le rôle des dépôts de documents parlementaires et devrait être réexaminé en 2019/2020.

En vue de garantir et de faciliter l’accès à l’avortement non punissable, en octobre 2018, l’Administration nationale des médicaments, des aliments et des technologies (Administración Nacional de Medicamentos, Alimentos y Tecnología – ANMAT) a adopté la décision 946/2018 par laquelle elle a autorisé la commercialisation du Misoprostol en pharmacie à des fins gynécologiques et son achat dans les cas prévus par la législation en vigueur. Cette décision vient s’ajouter à celle prise en août 2018, par laquelle la production du Misoprostol avait été autorisée en Argentine.

Le Comité recommande à l’État Partie de remédier aux manquements dans le traitement des plaintes déposées par des femmes autochtones devant le Ministère de la santé pour dommages causés par l’utilisation de pesticides, d’engrais et de produits agrochimiques, et de veiller à ce que ces plaintes soient traitées de manière rapide et adéquate, conformément à la recommandation générale no°34 (2015) du Comité concernant les droits des femmes rurales [voir CEDAW/C/ARG/CO/7, par. 41 d)].

Conformément au paragraphe 14 de la recommandation générale no°34, dans laquelle il est énoncé que les États parties devraient adopter des lois, des politiques, des règlements, des programmes, des procédures administratives et des structures institutionnelles efficaces pour assurer le développement intégral et l’amélioration de la condition des femmes rurales, le Gouvernement a pour mandat constitutionnel et conventionnel de réaliser et de garantir le droit à la préservation de la santé, y compris la protection et la préservation de l’environnement, sur l’ensemble du territoire national, et de promouvoir ce droit au moyen de mesures positives (art. 75, par. 23 de la Constitution).

L’article 43 de la Constitution argentine dispose que les citoyens lésés peuvent, par l’intermédiaire du Défenseur du peuple (art. 86) et des associations de défense des droits collectifs, introduire légitimement une procédure d’amparo en cas de discrimination, de violation des droits relatifs à la protection de l’environnement, à la concurrence et à la défense des utilisateurs et des consommateurs et de violation des droits collectifs en général. Il va sans dire que cet article, comme toutes les dispositions constitutionnelles, prend directement effet.

En ce qui concerne les plaintes déposées pour des problèmes de santé causés par l’utilisation de pesticides, d’agrotoxiques et de produits apparentés, en particulier chez les femmes rurales, le paragraphe 12 de la recommandation générale no°34 dispose que les États parties doivent prendre des mesures pour faire face à ces conséquences.

À cet égard, avant tout, l’Argentine informe le Comité que le Ministère de la santé a créé le Programme national de prévention et de contrôle des intoxications dues à des pesticides (PRECOTOX) le 9 février 2010, par la résolution 276/10, afin de surveiller les conséquences sur la santé publique de l’utilisation croissante de pesticides dans le secteur agricole. Il convient de noter, cependant, qu’aucune loi nationale ne régit l’utilisation et le contrôle des produits agrochimiques. La majorité des provinces se sont dotées de lois homogènes en la matière, mais il existe de graves lacunes en termes d’application et de suivi et de mise en œuvre des bonnes pratiques agricoles. Par conséquent, en 2015, il a été décidé que les plaintes relatives à l’utilisation nocive de pesticides et de produits agrochimiques seraient déposées devant les autorités provinciales, qui devraient rendre compte de la suite donnée.

Dans son rapport de 2016, le Vérificateur général des comptes a constaté, sur la base des dossiers du Ministère de la santé auxquels il a eu accès, que les plaintes déposées faisaient l’objet d’un suivi, que les autorités municipales et communales s’entretenaient avec les plaignants et que des conclusions et des recommandations étaient formulées. Le Vérificateur général a pu consulter 41 dossiers relatifs à des plaintes pour utilisation nocive de produits agrochimiques. Les plaintes en question avaient été déposées devant la Direction nationale des déterminants de la santé et des investigations (Dirección Nacional de Determinantes de la Salud e Investigación) entre 2009 et 2014, en grande partie comme suite à la création de la Commission nationale d’enquête sur les produits agrochimiques (Comisión Nacional de Investigación sobre Agroquímicos). Aucune n’émanait de femmes autochtones.

En ce qui concerne le traitement des plaintes dans le système judiciaire argentin, la pratique dominante consiste à condamner les activités qui affectent la santé de la population en raison de l’utilisation inadaptée de pesticides et de produits agrochimiques. À cet égard, il convient de mettre en relief l’affaire portée devant la Cour suprême par des habitants de Malvinas Argentinas (Córdoba), où les mères du quartier d’Ituzaingó ont commencé à se mobiliser il y a plus de dix ans face au décès de leurs enfants des suites de cancers. Dans cette affaire, la Cour suprême a confirmé la condamnation à trois ans d’emprisonnement avec sursis de l’agriculteur et de l’exploitant de l’épandeur aérien, accusés de « contamination malveillante de l’environnement » en août 2012.

Du fait qu’il existe de nombreux arrêtés municipaux de teneurs diverses et de nombreuses décisions de justice fondées sur des critères variés, il est impossible d’établir un rapport global sur la situation. Cela étant, en vue de modifier les règles régissant l’application des produits agrochimiques et des pesticides, l’utilisation et même la commercialisation du glyphosate ont été interdites dans un nombre croissant de villes fortement rurales.

Dans le même ordre d’idées, le Gouvernement a décidé, dans le décret 934/2017, de centraliser les fonctions d’évaluation de l’impact environnemental et d’évaluation environnementale stratégique de l’administration publique et de les attribuer au Ministère de l’environnement et du développement durable. Cette mesure revêt une grande importance pour la gestion de l’environnement. Jusque-là, au sein de l’administration publique, l’évaluation de l’impact environnemental relevait de la compétence de plusieurs entités sectorielles. Depuis l’adoption du décret 934/2017, cette fonction est centrée exclusivement sur le domaine environnemental.

Le Secrétaire en charge de l’environnement et du développement durable a établi le Rapport national sur l’environnement de 2017, dans lequel il analyse la situation de l’Argentine en matière d’environnement, en tenant compte des dimensions sociales, économiques, culturelles et écologiques et des incidences potentielles des activités productives sur l’environnement.

Le rapport de 2017 est le troisième rapport annuel présenté à la population, conformément à la loi générale sur l’environnement (loi no°25.675). Il convient de noter que l’Argentine est, après l’Australie, le pays ayant la plus grande superficie en production biologique. On estime que 3 millions d’hectares étaient en production biologique en 2016 : 2,6 millions d’hectares (93 %) étaient consacrés à la culture de céréales et 224 mille (7 %) à la production de fruits et de légumes.

Par l’article 52 de la loi no°27.431 (portant approbation du budget 2018), et dans le cadre de l’article 34 de la loi no°25.675, l’Argentine a créé le Fonds d’affectation spéciale de compensation administrative et financière des dommages environnementaux (Fondo Fiduciario de Compensación Ambiental de Administración y Financiero). Ce fonds, qui est administré par le Ministère de l’environnement et du développement social, a pour objet de garantir la qualité de l’environnement, la prévention et l’atténuation des risques et effets nocifs sur l’environnement et l’intervention face aux crises environnementales, ainsi que la protection, la préservation, la conservation, la restauration et la réparation des systèmes écologiques et de l’environnement. Il s’agit d’un grand pas en avant sur le plan normatif. En effet, la loi adoptée – qui, en prime, instaure un outil économique et financier – favorise considérablement la gestion de l’environnement en facilitant le financement de nombreuses stratégies et activités liées à l’environnement.

En vertu de la Stratégie nationale sur la biodiversité et du Plan d’action 2016-2020 et du décret no°1347/97, la Commission nationale consultative pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique (Comisión Nacional Asesora para la Conservación y Utilización Sostenible de la Diversidad Biológica), créée par le décret susmentionné, a compétence pour élaborer une stratégie nationale sur la biodiversité biologique qu’elle proposera à l’autorité chargée de l’application pour adoption.

Dans le domaine de l’agro-industrie, le Ministère de l’environnement et du développement durable a créé le Réseau fédéral de protection de l’environnement (Red Federal de Control Ambiental) par la résolution 249-E/2017. Dans cette résolution, le Ministère souligne que le contrôle de la pollution est la responsabilité première de la police de l’environnement au niveau des provinces, les autorités nationales ayant pour mission, quant à elles, de promouvoir l’application de politiques publiques durables fondées sur la concertation, la collaboration et l’assistance mutuelle en vue de renforcer les capacités locales de protection de l’environnement. Dans ce contexte, la résolution vise à offrir un cadre institutionnel propice à la concertation, au dialogue entre pairs et à la collaboration en vue de renforcer les capacités de protection de l’environnement de tous les acteurs nationaux concernés. C’est la raison pour laquelle a été créé le Réseau fédéral de protection de l’environnement, qui relève du Secrétaire en charge de la protection et du suivi de l’environnement du Ministère de l’environnement et du développement durable.

La loi no°25.675 (loi générale relative à l’environnement) dispose que les autorités nationales doivent tenir des consultations ou des audiences publiques avant d’autoriser des activités susceptibles d’avoir des effets néfastes non négligeables sur l’environnement et tenir compte des études épidémiologiques locales et des travaux des chercheurs et experts universitaires sur l’impact de ces activités (art. 4).

30.L’Argentine informera le Comité, dans son rapport national périodique de 2020, des événements majeurs survenus concernant les recommandations formulées, à la lumière des changements normatifs et institutionnels et de la mise en œuvre prochaine du Plan national pour l’égalité des chances et des droits, qui instaurera un dispositif de coordination et de suivi des politiques publiques relatives à la mise en œuvre des droits de la femme.