Quarante-troisième session

19 janvier-6 février 2009

Observations finales du Comité pour l’éliminationde la discrimination à l’égard des femmes

Arménie

Le Comité a examiné le rapport unique valant troisième et quatrième rapports périodiques de l’Arménie (CEDAW/C/ARM/4) à ses 870eet 871eséances, le 23 janvier 2009. La liste des questions suscitées par ce rapport est parue sous la cote CEDAW/C/ARM/Q/4 et les réponses du Gouvernement arménien à ces questions sous la cote CEDAW/C/ARM/Q/ 4/Add.1.

Introduction

Le Comité remercie l’État partie pour son rapport unique (valant troisième et quatrième rapports périodiques).

Il le remercie en outre pour ses réponses écrites aux questions soulevées par le groupe de travail présession et pour son exposé oral et les précisions apportées en réponse à ses questions orales.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir dépêché une délégation dirigée par le Vice-Ministre des affaires étrangères, comprenant des représentants de différents ministères et organismes.

Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie d’avoir adhéré, en mai 2006, au Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Il le félicite également de la révision constitutionnelle de 2005 (par référendum), notamment de l’adoption de l’article 14.1 qui garantit l’égalité des citoyens devant la loi.

Le Comité se félicite de la création, en 2004, du poste de défenseur des droits de l’homme (Médiateur) et de l’adoption d’un ensemble de plans et de programmes nationaux, notamment, en 2007, du « Plan de lutte contre l’exploitation d’êtres humains (traite) dans la République d’Arménie en 2007-2009 ».

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Tout en rappelant à l’État partie qu’il est tenu d’appliquer toutes les dispositions de la Convention systématiquement et en permanence, le Comité fait observer que les préoccupations et les recommandations formulées dans les présentes observations finales nécessiteront qu’il leur accorde une attention prioritaire jusqu’à la présentation de son prochain rapport périodique. Il lui demande, en conséquence, de privilégier les domaines d’activité correspondants dans ses activités de mise en œuvre et de rendre compte dans son prochain rapport périodique des mesures qu’il aura prises et des résultats qu’il aura obtenus. Il lui demande en outre de soumettre les présentes observations finales à tous les ministères concernés et au Parlement de façon à en assurer la pleine application.

Parlement

Tout en réaffirmant que le Gouvernement assume la responsabilité principale et est notamment comptable de l’exécution intégrale des obligations contractées par l’État partie aux termes de la Convention, le Comité souligne que cet instrument a force obligatoire pour toutes les branches du Gouvernement et invite l’État partie, le cas échéant, à encourager son parlement, suivant ses procédures, à prendre les mesures requises en ce qui concerne la suite à donner à ses observations finales et le prochain processus de présentation de rapport par le Gouvernement au titre de la Convention.

Importance accordée à la Convention et au Protocole facultatif

Tout en félicitant l’État partie d’avoir diffusé des brochures d’information sur le Protocole facultatif à la Convention, le Comité constate avec préoccupation que l’administration dans son ensemble, y compris les magistrats, les fonctionnaires chargés de faire appliquer la loi et les femmes elles-mêmes ne connaissent pas suffisamment les dispositions de la Convention et de son protocole facultatif, ainsi que ses propres recommandations générales, les vues adoptées concernant les diverses communications et les enquêtes. Il se préoccupe en outre de l’inexistence de jurisprudence s’appuyant sur la Convention et qu’aucune affaire judiciaire en relation avec l’élimination de la discrimination fondée sur le sexe n’ait été portée à son attention.

Le Comité engage l’État partie à promouvoir la connaissance et la compréhension de la Convention et de la question de l’égalité des sexes dans les programmes de formation sur la Convention et son protocole facultatif, ainsi que de ses propres recommandations générales, des vues adoptées concernant les diverses communications et des enquêtes, notamment auprès des magistrats, de la police et des autres fonctionnaires chargés de faire appliquer la loi, y compris les responsables gouvernementaux et les partis politiques. Le Comité recommande également de concevoir et de mettre en œuvre des campagnes de sensibilisation à l’intention des femmes, de sorte que celles-ci soient davantage conscientes des droits qui leur sont reconnus par la Convention et la procédure de communication et d’enquête prévue par son protocole facultatif, et ainsi, d’être mieux à même de les faire respecter.

Statut juridique de la Convention, définition de l’égalité,lois discriminatoires

Tout en notant que, conformément à l’article 6 de la Constitution de l’État partie, les instruments internationaux que celui-ci a acceptés font partie intégrante de son droit national, le Comité regrette l’absence dans la législation de l’État partie d’une définition explicite et détaillée de la discrimination à l’égard des femmes, qui englobe les formes directes et indirectes de ce phénomène, comme cela est prévu à l’article 1 de la Convention. Le Comité constate avec préoccupation que le principe de l’égalité des femmes et des hommes n’a pas été expressément inscrit dans la législation de l’État partie conformément à l’alinéa a) de l’article 2 de la Convention. Il regrette que l’État partie n’ait pas expressément interdit la discrimination à l’égard des femmes et qu’il ait opté pour des lois, des politiques et des programmes neutres, qui pourraient laisser les femmes sans véritable protection contre la discrimination directe et indirecte, entraver la réalisation de l’égalité, de droit comme de fait, entre les femmes et les hommes et aboutir à une reconnaissance et une application inégales des droits fondamentaux des femmes.

Le Comité engage l’État partie à adopter une législation appropriée interdisant la discrimination à l’égard des femmes conformément à l’article 1 et à l’alinéa b) de l’article 2 de la Convention, que cette discrimination soit directe ou indirecte. Il l’engage également à accélérer l’adoption du projet de loi relatif à l’égalité des sexes et à consacrer dans ce texte le principe de l’égalité des femmes et des hommes conformément à l’alinéa a) de l’article 2 de la Convention. Il encourage en outre l’État partie à sensibiliser les hauts fonctionnaires, les magistrats et le public en général à la nature de la discrimination indirecte et au principe de l’égalité réelle énoncé dans la Convention. Il recommande aussi à l’État partie de tenir compte des spécificités de la femme dans les lois, politiques et programmes qu’il met en œuvre.

Comme il l’a dit dans ses observations finales précédentes (A/57/38) et comme l’a indiqué le Comité des droits de l’enfant dans ses observations finales (CRC/C/15/Add.225), le Comité s’inquiète du fait que l’âge légal minimum du mariage soit de 18 ans pour les hommes et de 17 ans pour les femmes, ce qui constitue une discrimination à l’égard des femmes.

Le Comité engage l’État partie à relever à 18 ans l’âge légal du mariage pour les filles et à supprimer les exceptions à cet âge minimum conformément à l’article 16 de la Convention et à sa recommandation générale n o  21.

Mesures temporaires spéciales

Tout en se félicitant des modifications introduites dans le Code électoral, avec la mise en place d’un quota de 15 % de sièges réservés aux femmes et l’obligation d’avoir au moins une candidature féminine sur 10, le Comité s’inquiète de l’inefficacité de cette mesure. Il se dit également préoccupé que l’État partie n’ait pas pris de mesure temporaire spéciale dans le cadre d’une politique générale visant à accélérer la réalisation de l’égalité de fait entre les hommes et les femmes dans tous les domaines couverts par la Convention ou à améliorer les droits de la femme, notamment en ce qui concerne l’emploi et la participation à la vie politique. Le Comité s’inquiète en outre de ce que l’État partie ne semble pas comprendre le concept de mesures temporaires spéciales tel qu’il est énoncé à l’alinéa 1 de l’article 4 de la Convention et expliqué plus en détail dans sa recommandation générale no25.

Le Comité encourage l’État partie à prévoir une législation spécifique relative à la mise en œuvre de mesures temporaires spéciales conformément à l’alinéa 1 de l’article 4 de la Convention et de sa recommandation générale n o  25 afin d’accélérer la réalisation de l’égalité, de droit comme de fait, entre les femmes et les hommes. Il engage en outre l’État partie à accélérer le processus d’amendement du Code électoral afin de relever le quota de 15 % et d’envisager de le porter à un niveau supérieur aux 20 % qui sont proposés.

Mécanisme national de promotion de la femme

Tout en se félicitant de la création, en 2002, du Département des questions de la femme, de la famille et de l’enfant (au sein du Ministère du travail et des affaires sociales), le Comité regrette que le mécanisme national pour la promotion de la femme ne soit pas adéquatement structuré. Il se préoccupe de l’absence de visibilité et de reconnaissance politique de ce mécanisme et notamment de ses capacités limitées en matière de promotion, de coordination, de suivi et d’évaluation des programmes et politiques nationaux en faveur des femmes. Il note également avec préoccupation que le Défenseur des droits de l’homme (Médiateur) ne dispose pas d’une division spécialement chargée de l’égalité des sexes.

Conformément à ses précédentes recommandations (A/57/38), le Comité rappelle à l’État partie qu’il lui incombe de s’assurer pleinement de la responsabilité du Gouvernement pour ce qui est de l’égalité entre les sexes et du plein exercice par les femmes de leurs droits en tant que personnes dans l’application de la Convention. À cet égard, le Comité se réfère à la directive figurant dans sa recommandation générale n o  6 et dans le Programme d’action de Beijing sur le mécanisme national pour la promotion de la femme et engage l’État partie à faire adopter une loi sur l’égalité des sexes, qui créerait un mécanisme national de promotion de la femme doté des ressources financières et humaines nécessaires lui permettant de coordonner l’application de la Convention et l’exécution du Programme national d’action pour l’amélioration de la situation des femmes et le renforcement de leur rôle dans la société pour la période 2004-2010 dans la République arménienne, mais aussi de mettre en œuvre une stratégie de promotion de l’égalité des sexes dans tous les domaines d’action du Gouvernement, y compris au cours du processus d’examen des nouvelles lois par la Cour constitutionnelle et du processus budgétaire. Le Comité demande également à l’État partie de créer, au sein du bureau du Défenseur des droits de l’homme (Médiateur) un poste spécifique chargé de l’égalité des sexes.

Stéréotypes et pratiques culturelles

Le Comité se déclare à nouveau préoccupé par les attitudes patriarcales subordonnant les femmes et les stéréotypes profondément enracinés concernant leurs rôles et responsabilités au sein de la famille et de la société, qu’il avait abordés dans ses précédentes observations finales (A/57/38). Ces attitudes et stéréotypes constituent un frein puissant à l’application de la Convention et une cause profonde du handicap qui désavantage les femmes dans la vie politique, sur le marché du travail, dans l’enseignement et dans d’autres domaines.

Le Comité demande à l’État partie de mettre en œuvre d’urgence des mesures, notamment dans les zones rurales, pour engager des changements dans la situation de subordination largement acceptée des femmes et dans l’attribution de rôles stéréotypés aux deux sexes. Il s’agit notamment d’organiser des campagnes de sensibilisation et d’éducation à l’intention des responsables locaux, des pères et mères de famille, des enseignants et des autorités publiques ainsi que des jeunes, garçons et filles, conformément à l’alinéa f) de l’article 2 et à l’alinéa a) de l’article 5 de la Convention. Il recommande également à l’État partie de préciser le rôle des médias dans l’élimination de tels stéréotypes, notamment par la promotion d’images de femmes bannissant les stéréotypes et positives et de l’importance de l’égalité des sexes pour la société dans son ensemble.

Violence à l’égard des femmes

Le Comité constate une nouvelle fois avec préoccupation, comme il l’a déjà indiqué dans ses précédentes observations finales (A/57/38), l’absence de compréhension et de reconnaissance du fait que la violence sexiste à l’égard des femmes, notamment la violence dans la famille, reste un problème important dans l’État partie. Il regrette également profondément que l’État partie ne fasse pas mention de ce phénomène dans ses rapports. Il est en outre préoccupé par l’absence de lois spécifiques réprimant la violence à l’égard des femmes et par le fait que le Code pénal de l’État partie ne définit pas la violence dans la famille et ne l’érige pas en infraction en tant que telle. En outre, il n’existe pas d’organe gouvernemental ou de coordination chargé d’appliquer les mesures de lutte contre toutes les formes de violence sexiste à l’égard des femmes. Tout en notant que le Centre pour les droits des femmes a créé en 2002 un foyer d’accueil, en collaboration avec la police, le Comité s’inquiète de l’insuffisance des centres d’accueil de victimes de la violence. En outre, le Comité est gravement préoccupé par l’absence de données concernant les affaires judiciaires de violence dans la famille et par le nombre très réduit d’affaires judiciaires de violences sexuelles et d’autres formes de violence à l’égard des femmes. Le Comité s’inquiète également du manque de statistiques sur l’incidence des diverses formes de violence à l’égard des femmes, notamment sur le nombre de femmes assassinées par leur mari, compagnon ou ancien compagnon, ainsi que sur l’existence de services d’appui aux victimes.

Le Comité engage l’État p artie à accorder en priorité l’attention à l’élimination de toutes les formes de violence dirigées contre les femmes, notamment la violence dans la famille, et à adopter des mesures d’ensemble destinées à combattre toutes les formes de violence visant les femmes, conformément à sa recommandation générale n o  19. Il demande à l’État partie d’adopter sans tarder une loi sur la violence familiale à l’encontre des femmes. Cette loi devrait ériger la violence faite aux femmes et aux filles en infraction pénale et en délit civil; permettre de poursuivre en justice et condamner les auteurs et donner aux femmes et aux filles victimes de violences un accès immédiat à des moyens de recours et à une protection, y compris par des ordonnances conservatoires, ainsi qu’à un nombre suffisant de foyers d’accueil dans toutes les régions, notamment pour faire face aux besoins des femmes vivant dans les zones rurales, des femmes handicapées, des réfugiées et des femmes appartenant à des minorités. Le Comité recommande en outre d’assurer la formation des magistrats et des fonctionnaires, notamment le personnel chargé de l’application des lois, ainsi que des agents des services de santé, de sorte qu’ils soient sensibilisés à toutes les formes de violence à l’égard des femmes, notamment la violence familiale, et qu’ils puissent apporter un appui approprié aux victimes. Il recommande également à l’État partie de lancer d’autres campagnes d’information et des campagnes « tolérance zéro » de la violence à l’égard des femmes.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité salue les mesures prises par l’État partie aux fins de lutter contre la traite des personnes, notamment les modifications apportées au Code pénal de manière à ériger en infraction la traite de personnes à des fins d’exploitation servile ou sexuelle et l’adoption du plan national de lutte contre la traite des personnes pour la période 2007-2009, mais il s’inquiète de la progression de ce phénomène et de l’insuffisance des mesures destinées à lutter contre les principales causes de ce fléau, à savoir : les difficultés économiques, la prévalence de rôles stéréotypés assignés aux femmes et aux hommes et les inégalités entre les sexes. Il déplore en outre le manque de protection offerte aux femmes exposées à ce danger, l’aide limitée qui leur est apportée et l’absence de centres d’hébergement destinés aux victimes, ainsi que les préjugés dont ces femmes font l’objet, ce qui les empêche de se réinsérer dans la société. Le Comité regrette que l’État partie ait fourni très peu de données sur la traite des femmes et des adolescentes à des fins d’exploitation servile ou sexuelle et s’inquiète en particulier de l’absence de renseignements sur les résultats des diverses mesures adoptées à cet égard.

Le Comité recommande à l’État partie de mettre effectivement en œuvre son plan national de lutte contre la traite des personnes pour la période 2007-2009, de faire en sorte que l’article 132 du Code pénal soit réellement appliqué et d’adopter des mesures visant à lutter contre les principales causes de la traite afin d’enrayer ce phénomène. Il lui recommande en outre d’accroître le financement des centres d’hébergement destinés aux victimes de violences sexuelles ou de la traite, qui ont commencé à être mis en place en 2009, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour faciliter la réadaptation et la réinsertion sociale des victimes de la traite.

Comme dans ses précédentes conclusions (A/57/38), le Comité estime qu’il existe trop peu de données sur l’ampleur de la prostitution et juge insuffisants les efforts faits pour lutter contre la demande dans ce domaine et pour venir en aide aux femmes qui souhaitent abandonner cette activité. Il constate par ailleurs avec regret que les femmes qui s’adonnent à la prostitution font l’objet de tracasseries administratives et sont notamment soumises à des amendes, ce qui revient à victimiser une seconde fois la victime.

Le Comité prie instamment l’État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des données et des informations sur l’exploitation de la prostitution, qui soient ventilées par sexe. Il l’invite à renforcer les mesures visant à améliorer la situation socioéconomique très difficile des femmes, en particulier les jeunes, les adolescentes et les filles, et à mettre en place des services destinés à faciliter la réadaptation et la réinsertion sociale des prostituées et à apporter une aide à celles qui souhaitent abandonner ce type d’activité. Il lui demande par ailleurs de supprimer les mesures administratives prises à l’encontre des prostituées.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité demeure vivement préoccupé par la très faible participation des femmes à la vie politique et publique, en particulier s’agissant de leur représentation dans les organes décisionnels tels que l’Assemblée nationale, le Gouvernement, les services diplomatiques, les administrations régionales et locales et l’appareil judiciaire aux échelons élevés. Il prend note avec inquiétude des actes de violence commis contre les femmes journalistes et en particulier, contre celles qui jouent un rôle actif lors des campagnes électorales, notamment parce que ces actes visent à les dissuader de participer activement à la vie publique.

Le Comité invite l’État partie à organiser des campagnes nationales de sensibilisation pour souligner l’importance que revêt la participation des femmes à la vie publique et politique, notamment dans les zones rurales. Il le prie instamment d’accroître la représentation des femmes dans la vie politique et publique, notamment au niveau international. Il l’encourage à envisager de recourir aux mesures temporaires prévues au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et visées dans ses recommandations générales n os  25 et 23. Ces mesures, qui visent à accroître la représentation politique des femmes, devraient s’accompagner d’objectifs assortis de délais ou d’une augmentation des quotas. Le Comité engage par ailleurs l’État partie à garantir la sécurité des femmes qui s’impliquent dans la vie politique et à encourager leur participation aux affaires publiques.

Éducation

Le Comité relève que l’enseignement primaire et secondaire dans les établissements d’enseignement publics est gratuit, mais il déplore qu’en raison de plusieurs facteurs tels que la pauvreté et les stéréotypes culturels concernant le rôle et les responsabilités des femmes, un nombre relativement élevé de filles, en particulier celles qui vivent dans les zones rurales ou qui appartiennent à des minorités ethniques, abandonnent leurs études et sont sous-représentées dans les établissements d’enseignement supérieur au niveau du doctorat. Il est en outre préoccupé par le faible nombre de femmes occupant des postes de professeur, de maître de conférence ou de chercheur dans les universités ou des postes à responsabilité dans le domaine de l’éducation.

Le Comité demande instamment à l’État partie de s’attaquer aux obstacles qui empêchent les filles de poursuivre leurs études. Il lui recommande d’organiser des séminaires et des campagnes de sensibilisation pour aider les parents à comprendre l’importance que revêt l’éducation des filles et de prendre des mesures spéciales pour permettre aux filles et aux femmes qui ont quitté l’école de réintégrer le système d’enseignement dans des classes adaptées à leur âge. Il lui demande par ailleurs de continuer de passer en revue tous les manuels scolaires afin d’éliminer les stéréotypes concernant le rôle des deux sexes et de mettre en œuvre des programmes encourageant les filles à suivre des cours extrascolaires. Le Comité prie instamment l’État partie d’adopter des mesures visant à accroître le nombre de femmes occupant des postes au niveau du doctorat, à l’université au niveau le plus élevé ou dans la recherche, en particulier dans les domaines scientifiques, ou des postes à responsabilité à tous les niveaux de l’éducation.

Emploi

Tout en se félicitant des modifications apportées au Code du travail, qui établit notamment l’égalité des droits indépendamment du sexe et interdit le travail forcé et l’emploi des enfants âgés de moins de 14 ans, le Comité se déclare vivement préoccupé par la persistance de la ségrégation sexuelle verticale et horizontale sur le marché du travail et le manque de mesures législatives concrètes et précises visant à donner effet au principe général de l’égalité. Il constate que le taux de chômage chez les femmes est élevé et qu’elles tendent à être concentrées dans les emplois à temps partiel et les activités peu rémunérées, notamment les soins de santé, l’éducation, l’agriculture et le secteur informel. Il se dit particulièrement inquiet face à la persistance des différences de salaire et au manque de compréhension du principe de l’égalité de rémunération, et déplore qu’elles soient si peu nombreuses à occuper des postes de direction et à siéger dans les conseils d’administration des sociétés privées. Il regrette par ailleurs que l’État partie n’ait pas adopté de mesures systématiques et efficaces en vue d’empêcher le harcèlement sexuel sur le lieu du travail.

Le Comité recommande vivement à l’État partie d’adopter une politique et des mesures législatives concrètes en vue d’éliminer la discrimination à l’encontre des femmes en matière d’emploi et de s’employer à garantir aux femmes sur le lieu du travail une réelle égalité des chances à tous les niveaux. Il l’invite en outre instamment à veiller à la mise en place de systèmes d’évaluation du travail fondés sur des critères tenant compte de l’égalité entre les sexes, l’objectif étant de réduire les écarts de salaire entre hommes et femmes et d’assurer l’égalité de rémunération (à salaire égal, travail égal) comme suite à sa recommandation générale n o  13 et à la Convention de l’OIT concernant l’égalité de rémunération. Le Comité encourage l’État partie à poursuivre ses efforts en vue de relever les salaires dans les secteurs de l’économie d’État où les femmes prédominent. Il lui recommande par ailleurs de recourir davantage aux mesures temporaires spéciales prévues au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et visées dans sa recommandation générale n o  25, en appliquant des objectifs numériques assortis de délais ou des quotas concernant l’accès des femmes à une formation professionnelle et la poursuite de leur formation, y compris pour les emplois non traditionnels, et la promotion des femmes aux échelons les plus élevés dans le secteur public.

Soins de santé destinés aux femmes

Tout en constatant avec satisfaction que l’accès aux soins est gratuit et en se félicitant des autres initiatives prises aux fins d’améliorer les soins en matière de procréation pour les femmes, le Comité déplore l’inefficacité des plans et des stratégies mis en œuvre. Il note avec inquiétude que les femmes, notamment celles qui vivent dans des zones rurales reculées, se heurtent à des difficultés pour accéder à des services de médecine générale et de médecine procréative, et que les taux d’avortement sont en réalité en augmentation, l’avortement semblant être l’une des méthodes de planification familiale les plus répandues dans l’État partie. Le Comité est par ailleurs préoccupé par le taux élevé de grossesses chez les adolescentes et déplore le manque de données concernant le nombre de décès provoqués par des avortements illégaux.

Le Comité recommande à l’État partie de continuer à prendre des mesures aux fins de faciliter l’accès des femmes aux services de médecine générale et de médecine procréative, en particulier. Il l’invite à redoubler d’efforts en vue d’améliorer l’accès à ces services, y compris aux services de planification familiale, à mobiliser des ressources à cette fin et à s’assurer que les femmes peuvent réellement bénéficier de ces services. Il recommande par ailleurs d’organiser à l’échelle nationale des campagnes d’information sur la planification familiale et la médecine procréative à l’intention des filles et des garçons, en accordant une attention particulière à la prévention des grossesses précoces et à la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles et le VIH/sida.

Groupes de femmes vulnérables

Le Comité remarque que peu de données et de statistiques ont été recueillies concernant les groupes de femmes vulnérables, en particulier les femmes rurales, les mères célibataires, les femmes handicapées, les réfugiées et les femmes appartenant à des minorités ethniques ou religieuses, qui font souvent l’objet de la discrimination sous diverses formes, notamment en matière d’accès à l’emploi, aux soins de santé, à un système d’enseignement et aux prestations sociales. Il constate par ailleurs avec regret que l’État partie continue de mettre en œuvre des programmes supposément non sexistes qui, en réalité, ne répondent pas aux besoins particuliers des femmes réfugiées et des femmes handicapées.

Le Comité prie l’État partie de fournir, dans son prochain rapport, une description détaillée de la situation réelle des groupes de femmes vulnérables dans tous les domaines sur lesquels porte la Convention, ainsi que des renseignements sur des programmes et des résultats précis. Il lui recommande d’adopter des politiques et des programmes qui visent à répondre aux besoins particuliers des groupes de femmes vulnérables.

Le mariage et la vie familiale

Le Comité est préoccupé par le fait que bien que le Code de la famille prévoit que les biens acquis pendant le mariage sont considérés comme des biens communs devant faire l’objet d’une répartition équitable au moment du divorce, des actifs incorporels, notamment les prestations liées à l’emploi, ne font pas partie de ces biens. Le Comité constate également avec préoccupation qu’il n’existe aucune disposition prévoyant une pension alimentaire pour le conjoint après le divorce.

Le Comité appelle l’État partie à prendre les mesures juridiques qui s’imposent pour inclure les actifs incorporels (par exemple, les pensions, les indemnités de licenciement, les assurances) accumulés tout au long de la relation dans les biens communs devant faire l’objet d’une répartition équitable au moment de la dissolution de ladite relation. Le Comité appelle également l’État partie à mener des travaux de recherche sur les conséquences économiques du divorce sur les deux conjoints, en fonction de la durée du mariage et du nombre d’enfants, et à adopter toutes mesures nécessaires pour remédier aux éventuelles disparités économiques entre les hommes et les femmes lors de la dissolution de la relation.

Élaboration du prochain rapport

Le Comité encourage l’État partie à mettre en place un mécanisme suivi de consultation et de collaboration avec les ONG sur les questions relatives à la mise en œuvre de la Convention. Il recommande également que des consultations régulières et systématiques se tiennent avec toute une gamme d’ONG de femmes sur toutes les questions relatives à la promotion de l’égalité des sexes, notamment pour ce qui est de la suite donnée aux observations finales du Comité et de l’élaboration des futurs rapports.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité demande instamment à l’État partie d’utiliser pleinement, pour s’acquitter de ses obligations au titre de la Convention, la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et le prie de faire figurer des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Objectifs du Millénaire pour le développement

Le Comité souligne également qu’une mise en œuvre intégrale et effective de la Convention est indispensable à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Il appelle à la prise en compte des sexospécificités, demande que les dispositions de la Convention se retrouvent explicitement dans toutes les initiatives visant à réaliser ces objectifs et prie l’État partie de faire figurer des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Ratification d’autres traités

Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié six grands instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme dont la mise en œuvre permet aux femmes de mieux jouir de leurs droits et libertés fondamentaux à tous égards. Le Comité encourage l’État partie à ratifier les instruments auxquels il n’est pas partie, à savoir : la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention relative aux droits des personnes handicapées et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Diffusion des observations finales

Le Comité prie l’État partie de largement diffuser les présentes observations finales afin de faire connaître aux responsables gouvernementaux et politiques, aux parlementaires et aux organisations de femmes et de défense des droits de l’homme les mesures qui ont été prises pour assurer l’égalité de jure et de facto des femmes ainsi que les autres mesures qui sont nécessaires à cet égard. Le Comité prie l’État partie de continuer à diffuser largement, en particulier auprès des organisations de femmes et de défense des droits de l’homme, la Convention, son Protocole facultatif, les recommandations générales du Comité, la Déclaration et le Programme d’action de Beijing et les textes issus de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale intitulée « Les femmes en l’an 2000 : égalité des sexes, développement et paix pour le XXI e  siècle ».

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l’État partie de fournir, dans un délai de deux ans, des informations écrites sur les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations figurant aux paragraphes 19 et 23.

Date du prochain rapport

Le Comité prie l’État partie de donner suite aux préoccupations mentionnées dans les présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’il doit présenter au titre de l’article 18 de la Convention. Il l’invite à soumettre ses cinquième et sixième rapports périodiques sous forme de rapport combiné en 2013.