Nations Unies

CAT/C/ECU/CO/4-6

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. restreinte

20 janvier 2011

Français

Original: espagnol

Comité contre la torture Quarante-cinquième session1er-19 novembre 2010

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

Observations finales du Comité contre la torture

Équateur

1.Le Comité contre la torture a examiné les quatrième, cinquième et sixième rapports périodiques de l’Équateur, réunis en un seul document (CAT/C/ECU/4-6), à ses 965e et 966e séances (CAT/C/SR.965 et 966), les 8 et 9 novembre 2010, et a adopté à ses 978eet 979e séances (CAT/C/SR.978 et 979) les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le document soumis par l’Équateur réunissant ses quatrième, cinquième et sixième rapports périodiques, élaboré en réponse à la liste des points à traiter établie avant la soumission des rapports (CAT/C/ECU/Q/4).

3.Le Comité se félicite de ce que l’État partie ait accepté la nouvelle procédure pour la soumission des rapports périodiques, qui facilite la coopération entre l’État partie et lui-même. Il remercie également l’État partie d’avoir donné des renseignements sur les différentes mesures adoptées pour donner suite aux préoccupations exprimées dans les précédentes observations finales (CAT/C/ECU/CO/3) et d’avoir répondu à la lettre adressée par la Rapporteuse du Comité chargée du suivi des observations finales en date du 11 mai 2009.

4.Le Comité apprécie également le dialogue franc et ouvert qu’il a eu avec la délégation équatorienne et les renseignements complémentaires que celle-ci a apportés pendant l’examen du rapport.

B.Aspects positifs

5.Le Comité note avec satisfaction que depuis l’examen du troisième rapport périodique l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants:

a)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (20 juillet 2010);

b)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (20 octobre 2009);

c)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif (3 avril 2008).

6.Le Comité prend note des efforts consentis par l’État partie pour réviser sa législation de façon à donner effet aux recommandations du Comité et à améliorer l’application des instruments internationaux, notamment:

a)L’entrée en vigueur, le 20 octobre 2008, de la nouvelle Constitution de la République de l’Équateur, qui établit le cadre général de la protection des droits de l’homme, principalement en son Titre II (Des droits), dont le respect est renforcé par l’article 11, paragraphe 3, prévoyant l’applicabilité directe et immédiate des droits et garanties établis dans la Constitution et dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. En particulier, le Comité accueille avec satisfaction les dispositions portant sur les points suivants:

i)L’interdiction de la torture, des disparitions forcées et des peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants (art. 66, par. 3 c));

ii)L’irrecevabilité des preuves obtenues en violation des droits fondamentaux (art. 76, par. 4);

iii)L’introduction de nouvelles figures juridiques visant à assurer la protection des droits de l’homme, comme le recours en protection (art. 88), l’habeas corpus (art. 89) et le recours extraordinaire en protection (art. 94);

iv)La possibilité de faire juger les membres des forces armées et de la Police nationale par des organes de l’ordre judiciaire (art. 160);

v)L’institution du Bureau du défenseur public en tant qu’organe autonome de l’appareil judiciaire, chargé de garantir l’assistance gratuite d’un avocat aux personnes qui n’ont pas les ressources nécessaires pour engager un avocat à titre privé (art. 191);

b)L’arrêt no 0002-2005-TC du Tribunal constitutionnel (aujourd’hui Cour constitutionnelle) publié au Journal officiel no 382-S, daté du 23 octobre 2006, déclarant inconstitutionnelle la détention avant mise en accusation;

c)L’arrêt no 0042-2007-TC du Tribunal constitutionnel, publié au Journal officiel no 371, daté du 1er juillet 2008, déclarant inconstitutionnels les articles 145 et 147 de la loi sur la sécurité nationale, qui permettaient de faire juger des civils par la juridiction militaire pour des actes commis pendant l’état d’urgence; enfin la déclaration interprétative no 001-08-SI-CC de la nouvelle Cour constitutionnelle, publiée au Journal officiel no 479, datée du 2 décembre 2008, par laquelle la Cour confirme que «les anciens tribunaux militaire et policiers ont cessé d’exister avec l’entrée en vigueur de la Constitution de 2008».

7.Le Comité relève également avec satisfaction les efforts déployés par l’État partie pour modifier ses politiques et procédures de façon à assurer une plus grande protection des droits de l’homme et à appliquer la Convention, en particulier:

a)L’adoption, le 8 mai 2008, de la politique en matière d’asile par laquelle l’État partie s’engage à s’acquitter des obligations découlant de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, de son Protocole de 1967, de la Déclaration de Carthagène de 1984 et de la Déclaration et Plan d’action de Mexico de 2004;

b)L’adoption en 2006 du Plan national de lutte contre la traite des êtres humains, le trafic illégal de migrants, l’exploitation sexuelle, l’exploitation du travail et d’autres formes d’exploitation et de prostitution des femmes, des enfants et des adolescents, la pornographie mettant en scène les enfants et la corruption de mineurs;

c)L’adoption de la loi portant réforme du Code pénal (loi no 2005-2, Journal officiel no 45, datée du 23 juin 2005), qui qualifie et réprime l’exploitation sexuelle des mineurs;

d)La publication, le 7 juin 2010, du rapport final de la Commission Vérité contenant les résultats de ses enquêtes sur les violations des droits de l’homme commises en Équateur, principalement pendant la période comprise entre 1984 et 1988.

8.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie accueille des dizaines de milliers de réfugiés et de demandeurs d’asile, dans la grande majorité des Colombiens fuyant le conflit armé qui fait rage dans leur pays. L’État partie estime à 135 000 environ le nombre de personnes présentes sur son territoire qui ont besoin d’une protection internationale et à la date du 26 novembre 2009 il avait accordé le statut de réfugié à plus de 45 000 d’entre elles.

9.Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir lancé une invitation permanente à tous les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Depuis l’examen du précédent rapport périodique, l’Équateur a reçu la visite de sept rapporteurs spéciaux et groupes de travail du Conseil.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition et délit de torture

10.Le Comité note que la Constitution de 2008 établit, en son article 66, paragraphe 3 c), l’interdiction de la torture et des peines et traitements cruels, inhumains et dégradants mais il regrette que le délit de torture tel qu’il est défini à l’article premier de la Convention n’ait pas encore été introduit dans le Code pénal (art. 1er et 4).

Le Comité recommande de nouveau à l ’ État partie, comme il l ’ a fait précédemment (CAT/C/ECU/CO/3, par. 14), d ’ introduire la qualification de torture dans son droit interne et d ’ adopter une définition de la torture qui couvre tous les éléments figurant à l ’ article premier de la Convention. L ’ État partie devrait également veiller à ce que les faits de torture soient punis de peines appropriées, à la mesure de leur gravité, conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l ’ article 4 de la Convention.

Garanties de procédure fondamentales

11.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures adoptées par l’État partie pour garantir le respect des garanties de procédure fondamentales, conformément aux dispositions de l’article 77 de la Constitution. Les principes directeurs qui ont été adoptés prévoient notamment le droit pour le détenu d’avoir immédiatement accès aux services d’un avocat et d’être examiné par un médecin, de prendre contact avec un membre de sa famille ou avec toute personne désignée par lui, d’être informé de ses droits dès le moment de l’arrestation ainsi que d’être déféré devant un juge dans le délai fixé par la loi. À ce sujet, le Comité est préoccupé de lire dans le rapport de l’État partie (par. 85) que «tout détenu, avant d’être placé dans un centre pénitentiaire ou en cellule, reçoit la visite d’un médecin de garde d’un centre de santé ou de quiconque en tient lieu, qui peut appartenir à la Police nationale ou au parquet». Le Comité prend note de l’explication de la délégation de l’État partie qui a indiqué qu’il y avait peu de médecins légistes indépendants (art. 2 et 11).

L ’ État partie doit garantir aux personnes en garde à vue le droit de se faire examiner par un médecin indépendant.

Protection des médecins légistes et des défenseurs des droits de l’homme

12.Le Comité exprime sa profonde réprobation et sa plus énergique condamnation pour l’assassinat, le 6 juillet 2010, du docteur Germán Antonio Ramírez Herrera, médecin légiste spécialisé dans les enquêtes sur les affaires de torture et d’exécutions sommaires. D’après les renseignements reçus, le docteur Ramírez Herrera aurait reçu des menaces après avoir attesté que des tortures et des mauvais traitements avaient eu lieu dans le Centre de réadaptation sociale de Quevedo. Parallèlement, le Comité demande à l’État partie d’assurer une protection suffisante aux membres du réseau national de médecins légistes ainsi qu’à tous les défenseurs des droits de l’homme qui luttent contre la pratique de la torture et contre l’impunité en Équateur (art. 2, 12, 13 et 16).

L ’ État partie doit:

a) Communiquer au Comité les résultats des enquêtes conduites sur l ’ assassinat du docteur Ramírez Herrera quand l ’ instruction aura été rendue publique;

b) Adopter un programme pour la protection des professionnels dont les enquêtes permettent d ’ élucider les faits en ce qui concerne les cas présumés de torture et de mauvais traitements.

Principe du non‑refoulement et accès à une procédure d’asile équitable et rapide

13.Le Comité accueille avec satisfaction les efforts déployés par l’État partie pour répondre efficacement à l’augmentation considérable du nombre de personnes ayant besoin d’une protection internationale présentes sur son territoire (voir par. 8). Il salue en particulier les initiatives telles que l’enregistrement étendu, qui a permis à des dizaines de milliers de Colombiens présents dans les zones frontalières les plus reculées d’accéder rapidement aux procédures de détermination du statut de réfugié. Toutefois, le Comité note avec préoccupation que le décret exécutif no1471, du 3 décembre 2008, impose à titre de condition préalable à l’entrée des citoyens colombiens sur le territoire équatorien l’obligation de produire un extrait de casier judiciaire ou «certificat de passé judiciaire», délivré par le Département administratif de la sécurité (DAS), qui est le service du renseignement de Colombie, relevant du pouvoir exécutif. Le caractère discriminatoire de cette disposition a été dénoncé par le Bureau du défenseur du peuple ainsi que par plusieurs organismes internationaux et le texte a été partiellement modifié par le décret exécutif no 1522 du 7 janvier 2009, dispensant de cette obligation «les mineurs, les réfugiés légalement reconnus comme tels par l’Équateur, les membres d’équipage des compagnies aériennes, les autorités gouvernementales ou régionales, les agents du corps diplomatique et les membres d’organisations internationales». Le Comité estime qu’exiger cette condition de demandeurs d’asile aurait pour résultat de mettre en danger la sécurité de nombreuses personnes qui ont besoin d’une protection internationale (art. 3).

Face à l ’ augmentation considérable du nombre de demandeurs d ’ asile en Équateur au cours des dernières années, le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De poursuivre les efforts réalisés en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) visant à identifier les réfugiés et demandeurs d ’ asile et à leur assurer une protection;

b) D ’ examiner la législation en vigueur en matière d ’ asile et d ’ immigration pour vérifier si elle est conforme aux normes et aux principes du droit international des droits de l ’ homme, en particulier au principe de la non-discrimination. L ’ État partie devrait également envisager de supprimer complètement l ’ obligation de produire un certificat de «passé judiciaire» dans les demandes d ’ asile qui, de l ’ avis du Comité, n ’ est pas compatible avec les principes du non-refoulement et de la confidentialité en matière de droit s des réfugiés.

Demandeurs d’asile et réfugiés: mauvais traitements et refoulement

14.Le Comité constate avec une vive inquiétude la dégradation de la situation à la frontière nord avec la Colombie du fait du conflit interne dans le pays voisin et de la présence de groupes qui se livrent au crime organisé, situation qui a conduit l’État partie à renforcer sa présence militaire dans cette zone. S’il ne méconnaît pas les sérieuses difficultés auxquelles doit faire face l’État partie pour maintenir l’ordre public dans les provinces frontalières, le Comité est gravement préoccupé par des informations qu’il a reçues faisant état d’exactions et d’actes de violence continus contre la population civile, en particulier les demandeurs d’asile et les réfugiés de nationalité colombienne, commis par des groupes armés illégaux et des membres des forces de sécurité équatoriennes et colombiennes (art. 1er à 3, 10 et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De prendre les mesures nécessaires pour garantir l ’ intégrité physique de la population civile dans les provinces frontalières avec la Colombie, y compris des réfugiés et des demandeurs d ’ asile placés sous sa juridiction;

b) De faire en sorte que les homicides et toutes les exactions perpétrés dans cette région fassent l ’ objet d ’ une enquête et que les auteurs soient traduits en justice;

c) De poursuivre les programmes de formation continue obligatoire à l ’ intention des membres des forces armées et des forces de sécurité de l ’ État, en matière de droits de l ’ homme, d ’ asile et de migration, en donnant la priorité aux membres des forces de police et des forces armées qui accomplissent leur service ou qui vont être affectés dans des zones frontalières;

d) De procéder périodiquement à une révision du contenu du Guide des droits de l ’ homme et de la mobilité humaine à l ’ intention des membres des forces armées et des agents des forces de sécurité de l ’ État.

15.Le Comité note avec une vive préoccupation les nombreux documents reçus faisant état de mauvais traitements et d’agressions sexuelles contre des requérantes d’asile qui seraient imputables à des membres des forces de sécurité de l’État et des forces armées équatoriennes. Des informations indiquent que des femmes et des filles, pour la plupart de nationalité colombienne, sont harcelées sexuellement ou obligées d’avoir des relations sexuelles sous peine d’expulsion. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur les cas récents de refoulement de demandeurs d’asile colombiens, en juin 2010, et l’expulsion sommaire d’un autre demandeur d’asile, en octobre 2010, qui ont eu lieu avant que ne soit adoptée une décision concernant les recours formés (art. 1er à 4 et 16).

L ’ État partie doit:

a) Veiller à ce que les mauvais traitements contre des réfugiés et des demandeurs d ’ asile, en particulier des femmes et des filles, donnent lieu à une enquête approfondie;

b) Faire en sorte que de tels faits ne restent pas impunis et que les responsabilités pénales, civiles et administratives soient établies;

c) Adopter les mesures nécessaires pour garantir à toute personne relevant de sa juridiction un traitement juste dans toutes les phases de la procédure d ’ asile et, en particulier, un réexamen effectif, impartial et indépendant de la décision d ’ expulsion, de refoulement ou de renvoi;

d) Veiller à ce que les fonctionnaires ( Intendentes ) de la Direction provinciale de la police et les chefs des directions provinciales de la police des migrations respectent et appliquent correctement le Protocole relatif aux procédures d ’ expulsion et, si tel n ’ est pas le cas, imposer des sanctions appropriées;

e) Adopter les mesures législatives ou autres nécessaires pour faciliter l ’ intégration des réfugiés et des demandeurs d ’ asile;

f) Renforcer les campagnes de sensibilisation à la question du conflit en Colombie et à la situation des personnes qui arrivent en Équateur pour y chercher refuge, ainsi que mettre au point des mesures de sensibilisation qui contribuent à éliminer les attitudes discriminatoires et xénophobes.

Impunité pour les auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements

16.Le Comité constate avec préoccupation que, d’après les informations fournies par l’État partie dans son rapport périodique (par. 181), le Bureau des affaires internes de la Police nationale n’aurait transmis aux tribunaux de droit commun et aux tribunaux de police que 59 des 299 plaintes pour mauvais traitements, actes de torture ou agressions physiques reçues par ses services entre mai 2005 et décembre 2008. Le rapport périodique de l’État partie indique en outre (par. 164 à 166) qu’entre 2003 et 2008 seulement deux affaires d’atteinte à la liberté individuelle et d’actes de torture ont donné lieu à une condamnation. Le Comité s’inquiète également de ce que, d’après les informations communiquées par la délégation de l’État partie, seulement cinq plaintes pour mauvais traitements ont été déposées pendant l’année en cours dans le réseau d’établissements pénitentiaires de l’État partie, toutes dans des centres pour adolescents en conflit avec la loi. Le Comité considère que ces données contredisent les informations persistantes et les nombreux documents émanant d’autres sources faisant état d’actes de torture et de mauvais traitements infligés à des personnes privées de liberté. Néanmoins, le Comité prend note avec intérêt de l’arrêté no 1435 du Ministère de l’intérieur en date du 9 juin 2010, demandant au Bureau des affaires internes «de rouvrir, même lorsque la phase d’instruction est achevée, l’examen de toutes les affaires de violations des droits de l’homme dont il est constaté qu’elles ont été closes ou classées sans qu’il n’y ait eu d’enquête appropriée ou à propos desquelles il apparaît de nouveaux éléments qui pourraient permettre d’établir d’éventuelles responsabilités civiles, pénales et administratives de membres de la police, en vue de les renvoyer aux autorités compétentes» (art. 2, 12, 13 et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) D ’ adopter des mesures appropriées pour veiller à ce que toutes les plaintes pour torture ou mauvais traitements donnent lieu rapidement à une enquête impartiale. En particulier, de telles enquêtes doivent être conduites par un organe indépendant et non sous l ’ autorité de la police;

b) D ’ examiner l ’ efficacité du mécanisme interne de plaintes à la disposition des détenus et d ’ envisager d ’ établir un mécanisme de plaintes indépendant accessible à toutes les personnes privées de liberté;

c) De traduire dûment en justice les auteurs présumés d ’ actes de torture ou de mauvais traitements et, si elles sont reconnues coupables, de les condamner à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes;

d) D ’ assurer aux victimes une indemnisation adéquate et de s ’ employer à leur offrir une réadaptation la plus complète possible.

Commission Vérité

17.Le Comité prend note avec satisfaction du rapport final de la Commission Vérité (voir supra, par. 7 d)), en particulier des conclusions et recommandations formulées à l’issue des enquêtes menées sur 118 cas de violations des droits de l’homme survenus en Équateur entre 1984 et 2008, dont plusieurs sont collectifs et qui représentent en tout 456 victimes reconnues. Le rapport final indique que 269 personnes ont été privées illégalement de leur liberté; 365 ont été torturées; 86 ont subi des violences sexuelles; 17 ont été victimes de disparition forcée; 68 ont été exécutées sommairement; et 26 autres ont été victimes d’«atteinte à la vie». Le 8 juin 2010, la Commission Vérité a présenté, avec le soutien du Défenseur du peuple et en application de l’article 6 du décret exécutif no 305 en date du 3 mai 2007, une proposition relative à la création de mécanismes de suivi de ses recommandations contenue dans le projet de loi visant à assurer réparation aux victimes et à traduire en justice les auteurs de graves violations des droits de l’homme et de crimes contre l’humanité commis en Équateur entre le 4 octobre 1983 et le 31 décembre 2008. Le Comité prend note également de la création, par le Bureau du Procureur général de l’État, d’une unité spécialisée chargée d’examiner les 118 cas sur lesquels la Commission Vérité a enquêté en vue de les renvoyer devant les tribunaux (art. 2, 4, 12, 14 et 16).

Le Comité demande à l ’ État partie de fournir des informations complètes concernant:

a) La suite donnée aux 115 recommandations formulées dans le rapport final de la Commission Vérité en termes de satisfaction, restitution, réadaptation, indemnisation et garanties de non-répétition;

b) Le résultat de l ’ examen, par la Commission de la justice et de la structure de l ’ État de l ’ Assemblée nationale, du projet de loi visant à assurer réparation aux victimes proposé par la Commission Vérité, et l ’ issue de la procédure d ’ approbation;

c) Le résultat des enquêtes et procédures pénales, y compris les condamnations prononcées, dont on peut considérer qu ’ elles découlent des informations communiquées par la Commission Vérité au Bureau du Procureur général de l ’ État.

Violence contre des enfants, mauvais traitements et violence sexuelle sur mineurs

18.Le Comité exprime sa plus profonde consternation devant les nombreuses informations concordantes indiquant l’ampleur du problème des mauvais traitements et de la violence sexuelle sur mineurs dans les centres éducatifs de l’Équateur. Tout en prenant note de l’existence d’un plan pour l’élimination des infractions sexuelles dans les établissements éducatifs, le Comité considère que l’État partie n’a pas encore donné de réponse institutionnelle appropriée, ce qui contribue au fait que les victimes préfèrent fréquemment ne pas dénoncer ces abus. Il y a lieu de se préoccuper particulièrement des informations indiquant que les victimes auraient parfois identifié leur agresseur parmi le personnel enseignant. À ce sujet, le Comité suit avec attention l’affaire Paola Guzmán c. Équateur, que la Commission interaméricaine des droits de l’homme a déclarée recevable le 17 octobre 2008 (rapport no 76/18) après avoir examiné la plainte présentée pour violation présumée des articles 4, 5, 8, 19, 24 et 25 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme. Le Comité s’inquiète également de ce que les châtiments corporels soient autorisés dans la famille (art. 1er, 2, 4 et 16).

Le Comité demande instamment à l ’ État partie, compte tenu de la gravité des faits dénoncés:

a) D ’ intensifier ses efforts pour éliminer les mauvais traitements et la violence sexuelle sur mineurs dans les écoles;

b) De prendre toutes les mesures nécessaires pour enquêter sur de tels actes, juger et punir les responsables;

c) De veiller à ce que des recours soient accessibles afin d’éliminer le climat persistant de mauvais traitements et de violence sexuelle sur mineurs dans les centres éducatifs;

d) D ’ établir des mécanismes de plaintes accessibles aux victimes et à leurs proches dans les centres d ’ enseignement et d ’ autres établissements;

e) De renforcer les programmes de sensibilisation et de formation continue en la matière à l ’ intention du personnel enseignant;

f) De garantir pleinement l ’ accès des victimes aux services d ’ assistance sanitaire spécialisés dans la planification familiale ainsi que la prévention et le diagnostic des maladies sexuellement transmissibles. De plus, l ’ État partie devra redoubler d ’ efforts pour fournir réparation aux victimes, y compris une indemnisation juste et appropriée, et la réadaptation la plus complète possible;

g) De c réer un mécanisme de consultation qui bénéficie de la participation de la société civile, y compris des associations de parents d ’ élèves;

h) D ’ interdire expressément les châtiments corporels à l ’ encontre des enfants dans la famille.

Lynchages et comportement des groupes de défense des paysans

19.Tout en prenant note des informations communiquées par la délégation de l’État partie précisant que l’État équatorien n’encourage, ne couvre ni ne cautionne les agissements des groupes de défense des paysans, le Comité est préoccupé par les informations faisant état de la participation active de ces groupes à la protection de la sécurité des zones rurales et des exactions commises par certains de leurs membres. Le Comité condamne les lynchages perpétrés récemment dans les provinces Pinchincha, Los Ríos, Guayas, Azuay, Cotopaxi et Chimborazo (art. 2 et 16).

L ’ État partie doit:

a) Prendre les mesures nécessaires pour améliorer la sécurité dans les zones rurales en veillant à ce que les forces et corps de sécurité de l ’ État soient présents sur tout le territoire national;

b) Faire en sorte que les faits en question donnent lieu à des enquêtes et que les responsables soient traduits en justice.

Justice autochtone

20.Le Comité prend note de l’information fournie par l’État partie au sujet de l’élaboration de l’avant-projet de loi de coordination et de coopération entre la justice autochtone et la justice de droit commun, qui prévoit le principe du contrôle constitutionnel en ses articles 4 et 19. Cependant, le Comité est préoccupé par le fait que ni le rapport périodique ni la délégation de l’État partie n’ont fourni d’informations suffisantes sur les modalités selon lesquelles seront réglés les conflits de compétence entre la justice de droit commun et la justice autochtone (art. 2 et 16).

L ’ État partie prendra les mesures nécessaires pour faire en sorte que les conflits de juridiction et de compétence entre la justice de droit commun et la justice autochtone soient réglés conformément aux procédures prévues par la loi, dans le respect des droits et libertés fondamentaux, notamment l ’ interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Formation

21.Le Comité prend note des renseignements figurant dans le rapport de l’État partie (par. 82 à 88) sur les programmes de formation à l’intention des agents de la Police nationale, mais il regrette l’insuffisance des informations disponibles sur l’évaluation des programmes en question et leur efficacité s’agissant de réduire les cas de torture et de mauvais traitements. L’État partie précise dans son rapport (par. 206) que la Commission permanente d’évaluation, de suivi et d’ajustement des plans opérationnels relatifs aux droits de l’homme de l’Équateur, en collaboration avec des organisations non gouvernementales internationales, a mis en œuvre entre février 2007 et 2008 un projet portant sur l’utilisation du Protocole d’Istanbul. Selon les informations reçues par le Comité, il s’agit d’un projet du Conseil international de réadaptation pour les victimes de la torture (IRCT) élaboré et exécuté par la Fondation pour la réadaptation intégrale des victimes de la violence (PRIVA) avec des fonds de l’Union européenne, qui a bénéficié de l’appui de la Commission permanente d’évaluation (art. 10).

L ’ État partie doit:

a) Poursuivre les programmes de formation afin que tous les fonctionnaires, et en particulier les agents de police et les autres membres des forces de l ’ ordre, soient pleinement conscients des dispositions de la Convention, et s ’ assurer que les infractions ne sont pas tolérées, qu ’ elles donnent lieu à des enquêtes et que leurs auteurs sont traduits en justice;

b) Évaluer l ’ efficacité et les effets des programmes de formation et d ’ éducation en ce qui concerne la réduction des cas de torture et de mauvais traitements;

c) Continuer à appuyer les activités de formation relatives au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul).

Conditions de détention

22.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie sur la réduction notable de la population carcérale, ainsi que sur les mesures adoptées pour régler le problème du surpeuplement dans les prisons, parmi lesquelles il convient de souligner l’adoption d’un nouveau système de calcul des avantages pénitentiaires moyennant la réforme du Code d’exécution des peines. Par ailleurs, il prend note des grâces accordées en 2008 à 2 228 personnes qui avaient été privées de liberté parce qu’elles étaient en possession de petites quantités de stupéfiants et de substances psychotropes, ainsi qu’à 13 détenus malades en phase terminale. Le Comité observe également que depuis 2006 des crédits budgétaires supplémentaires ont été dégagés pour la construction, l’agrandissement et la remise en état d’établissements pénitentiaires et de centres de détention provisoire. Cependant, le Comité demeure préoccupé par les taux élevés d’occupation enregistrés dans la majorité des centres de détention, principalement dus à la lenteur des procédures judiciaires, et réaffirme son inquiétude au sujet des plaintes persistantes concernant les conditions d’hygiène déplorables, l’absence de personnel, le caractère inadapté des services d’assistance sanitaire et l’insuffisance de l’eau potable et de l’alimentation (art. 11).

L ’ État partie devrait:

a) Redoubler d ’ efforts pour réduire le surpeuplement dans les prisons, en particulier en ayant recours à des peines de substitution à la privation de liberté, afin d ’ atteindre l ’ objectif qu ’ il s ’ est assigné, à savoir régler le problème du surpeuplement dans les prisons dans un délai de dix-huit mois;

b) Poursuivre l ’ exécution des travaux projetés destinés à améliorer et à agrandir les infrastructures pénitentiaires;

c) Adopter des mesures destinées à accroître la dotation en personnel en général, et le nombre de fonctionnaires pénitentiaires, en particulier;

d) Renforcer les ressources en matière de soins de santé existants dans les établissements pénitentiaires et améliorer la qualité de l ’ assistance médicale fournie aux détenus.

Assistance juridique gratuite

23.Le Comité prend note du fait que l’activité du Bureau du défenseur public a permis de réduire le nombre de personnes en détention provisoire, qui était de 501 au 31 août 2010. Conformément aux dispositions de l’article 191, in fine, de la Constitution, le Bureau du défenseur public «bénéficiera de ressources humaines et matérielles, et de conditions de travail équivalentes à celles des services du Procureur général de l’État» (art. 2 et 11).

L ’ État partie doit doter le Bureau du défenseur public des ressources humaines, financières et matérielles nécessaires à l ’ accomplissement de sa mission, afin de renforcer son domaine d ’ action et d ’ accroître l ’ efficacité du système.

Réparations, y compris l’indemnisation et la réhabilitation

24.Le Comité prend note du décret no 1317, du 9 septembre 2008, qui confie au Ministère de la justice et des droits de l’homme la responsabilité «de coordonner l’exécution des peines, des mesures conservatoires, des mesures provisoires, des accords amiables, des recommandations et résolutions adoptées par le système interaméricain des droits de l’homme et le système universel des droits de l’homme». Cependant, le Comité regrette la lenteur avec laquelle l’État partie met en œuvre les règlements amiables et les décisions adoptées dans le cadre du système interaméricain des droits de l’homme, ainsi que l’insuffisance des renseignements relatifs aux réparations et aux indemnisations accordées aux victimes de violation des droits de l’homme, y compris la réhabilitation.

L ’ État partie doit veiller à ce que les mesures appropriées soient prises pour fournir réparation aux victimes de torture et de mauvais traitements, y compris une indemnisation juste et adéquate, et la réadaptation la plus complète possible.

Le Comité demande à l ’ État partie de lui fournir, dans son prochain rapport périodique, des données statistiques et des informations complètes sur les cas dans lesquels des victimes ont bénéficié d ’ une réparation intégrale, ayant notamment donné lieu à une enquête et au châtiment des responsables, à une indemnisation et à une réhabilitation.

Protocole facultatif et mécanisme national de prévention

25.Le Comité prend note des formalités légales et constitutionnelles que vont susciter la mise en place ou la désignation du mécanisme national de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conformément aux dispositions du Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

L ’ État partie devrait accélérer le processus de désignation du mécanisme national de prévention, et veiller à ce que ledit mécanisme dispose des ressources nécessaires pour qu ’ il puisse s ’ acquitter efficacement et de manière indépendante de son mandat sur l ’ ensemble du territoire.

26. Le Comité recommande également à l ’ État partie de fournir, dans son prochain rapport, des renseignements sur la manière dont les forces armées équatoriennes déployées à l ’ étranger se sont acquittées des obligations qui leur incombent en vertu de la Convention.

27. L ’ État partie est encouragé à diffuser largement le rapport présenté au Comité ainsi que les observations finales de ce dernier, par l ’ intermédiaire des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

28. Le Comité invite l ’ État partie à fournir, dans un délai d ’ un an, des informations sur la suite qu ’ il aura donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 12, 14, 15, 18 et 22 du présent document.

29. Le Comité invite l ’ État partie à présenter son prochain rapport périodique en suivant les directives pertinentes et à respecter la limite de 40 pages fixée pour le document relatif à l ’ application de la Convention. Le Comité invite également l ’ État partie à présenter un document de base commun en suivant les instructions figurant dans les directives harmonisées pour l ’ établissement des rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme (HRI/GEN/2/Rev.6), approuvées à la réunion intercomités des organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, en respectant la limite de 80 pages fixée pour ce type de document. Le rapport relatif à l ’ application de la Convention, ainsi que le document de base commun, constitue le rapport que l ’ État partie doit présenter périodiquement, conformément à l ’ article 19 de la Convention.

30. L ’ État partie est invité à présenter son septième rapport périodique d ’ ici le 19 novembre 2014 au plus tard.