Nations Unies

CAT/OP/MRT/2

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

24 septembre 2018

Original : français

Anglais, arabe, espagnol et français seulement

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Visite en Mauritanie du 24 au 28 octobre 2016 : observations et recommandations adressées au mécanisme national de prévention

Rapport établi par le Sous-Comité * , **

Table des matières

Page

I.Introduction3

II.Déroulement de la visite de conseil3

III.Établissement du Mécanisme national de prévention de la torture de la Mauritanie4

IV.Recommandations à l’intention du Mécanisme national de prévention de la torture5

A.Recommandations d’ordre normatif5

B.Recommandations d’ordre institutionnel6

C.Recommandations d’ordre méthodologique8

V.Recommandations finales10

Annexe

Liste des interlocuteurs du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants11

I.Introduction

1.Conformément au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants s’est rendu en Mauritanie du 24 au 28 octobre 2016.

2.Le Sous-Comité était représenté par les membres suivants : Catherine Paulet (chef de la délégation), Hans-Jörg Viktor Bannwart et Gnambi Garba Kodjo.

3.Le Sous-Comité était assisté de deux spécialistes des droits de l’homme et d’un agent de la sécurité du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), ainsi que d’interprètes locaux.

4.L’objectif principal de la visite était de fournir des conseils et une assistance technique au Mécanisme national de prévention de la torture de la Mauritanie, conformément aux dispositions de l’article 11 b) du Protocole facultatif.

5.Dans le cadre de sa mission de conseil et d’assistance technique, le Sous-Comité a eu plusieurs réunions privées avec le Mécanisme et l’a accompagné lors d’une visite de la prison civile de Nouakchott.

6.Le présent rapport contient un ensemble de recommandations à l’intention du Mécanisme. Ces recommandations sont faites dans le cadre du mandat établi aux alinéas ii) et iii) du paragraphe b) de l’article 11 du Protocole facultatif, qui prévoient que le Sous-Comité doit offrir aux mécanismes nationaux de prévention une formation et une assistance technique en vue de renforcer leurs capacités, ainsi que des avis et une assistance pour évaluer les besoins et les moyens nécessaires afin de renforcer la protection des personnes privées de liberté contre la torture et d’autres mauvais traitements.

7.Lors de sa mission, la délégation du Sous-Comité s’est entretenue avec le Premier Ministre, le Ministre de la justice, le Ministre de la défense nationale, le Ministre de l’intérieur et de la décentralisation, la Ministre des affaires sociales, de l’enfance et de la famille, le Secrétaire d’État à la santé, le Commissaire aux droits de l’homme, le Vice-Président de la Cour suprême, le Procureur général près la Cour suprême et le Procureur de la Républiquede Nouakchott Ouest, ainsi qu’avec des représentants de l’ordre national des avocats, de la Commission nationale des droits de l’homme, de la société civile et des organisations des Nations Unies présentes en Mauritanie (voir annexe).

8.Le Sous-Comité tient à remercier le Mécanisme pour sa coopération, sa contribution au bon déroulement de la visite et son engagement. Il tient également à remercier le Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme en Mauritanie, dont l’appui a permis l’organisation efficace de la visite.

9.Le présent rapport est transmis au Mécanisme à titre confidentiel, et la décision de le rendre public est laissée à sa discrétion. Toutefois, le Sous-Comité en recommande la publication et souhaite être informé de la décision que le Mécanisme prendra à cet égard.

10.Le Sous-Comité adresse également aux autorités de l’État partie des recommandations dans un rapport confidentiel distinct.

II.Déroulement de la visite de conseil

11.La visite consultative a été planifiée conjointement par le Sous-Comité et le Mécanisme, avec l’appui du Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme en Mauritanie, qui a agi comme bureau de liaison pour la préparation de la mission. Plusieurs réunions privées ont été organisées avec le Mécanisme, au cours desquelles ont été abordées des questions de mise en œuvre, de fonctionnement, de méthodes de travail et d’indépendance, y compris les modalités de visites et les recommandations formulées à l’issue de celles-ci. La délégation du Sous-Comité a également accompagné le Mécanisme lors d’une visite de la prison civile de Nouakchott, afin que le Sous-Comité puisse observer le Mécanisme en action et effectuer un compte rendu pédagogique après la visite.

12.Outre les réunions et la visite effectuée avec le Mécanisme, le Sous-Comité s’est entretenu avec des représentants du Gouvernement mauritanien et des membres del’ordre national des avocats, de la Commission nationale des droits de l’homme, de la société civile et de certaines organisations des Nations Unies présentes en Mauritanie.

III.Établissement du Mécanisme national de prévention de la torture de la Mauritanie

13.La Mauritanie a signé le Protocole facultatif le 27 septembre 2011 et l’a ratifié le 3 octobre 2012.

14.L’idée initiale était de rattacher le Mécanisme à la Commission nationale des droits de l’homme, qui est l’institution nationale consultative responsable de la promotion et de la protection des droits de l’homme en Mauritanie et qui bénéficie du statut A auprès de l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme depuis mai 2011. Le mandat de la Commission inclut le pouvoir de visiter de manière inopinée tous les établissements pénitentiaires et les lieux de garde à vue.

15.L’idée de rattachement du Mécanisme à la Commission a par la suite été abandonnée au profit de celle d’un mécanisme autonome, et la loi no 2015-034 instituant le Mécanisme a été promulguée le 10 septembre 2015.

16.En vertu de cette loi, le Mécanisme est constitué d’un président et de 12 membres, à savoir deux représentants de l’ordre national des médecins, deux représentants de l’ordre national des avocats, deux personnalités indépendantes publiques, cinq représentants d’organisations de la société civile travaillant dans le domaine des droits de l’homme et un membre du corps universitaire. Les membres sont choisis par une Commission de sélection créée par arrêté ministériel en janvier 2016 et composée de neuf membres issus de divers ministères (Premier Ministère, Ministère de la justice, Ministère de l’intérieur et de la décentralisation et Ministèrede la culture, de l’artisanat et des r elations avec le Parlement) et des catégories socioprofessionnelles des membres du Mécanisme (médecins, avocats, universitaires, organisations non gouvernementales et personnalités indépendantes) et placés sous la présidence du Commissaire aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile de la Mauritanie.

17.Un appel à candidature ouvert pendant 15 jours a été publié au journal officiel et diffusé à la radio et sur les quatre chaînes de télévision. Une fois établie la liste des candidatures recevables, la Commission a dû sélectionner à la majorité absolue le double du nombre de membres requis par la loi pour le Mécanisme, c’est-à-dire 24 candidats, et soumettre leur candidature au Président de la République, qui a choisi parmi eux les membres et le Président du Mécanisme. Selon la loi, le Mécanisme doit comprendre au minimum un tiers de femmes.

18.L’Association pour la prévention de la torture, en coopération avec le Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme en Mauritanie et le Commissaire aux droits de l’homme, à l’action humanitaire humanitaire et aux relations avec la société civile de la Mauritanie, a organisé un atelier de travail le 29 février 2016 avec les membres de la Commission de sélection sur les aspects juridiques et opérationnels du mandat du Mécanisme. Un deuxième atelier de travail a eu lieu le 1er mars à l’attention des représentants de la société civile, de l’ordre national des médecins, de l’ordre national des avocats et du corps universitaire.

19.Le 20 avril 2016, le Président de la République a publié le décret no 105-2016 nommant le Président et les 12 membres du Mécanisme. Le Président du Mécanisme est Mohamed Lemine Ould Haless, Président du Réseau des droits de l’homme.

20.Le 14 juin 2016, le Premier Ministre a promulgué le décret no 2016-110 fixant les primes et privilèges du Mécanisme, donnant au Président le rang de ministre et à son Secrétaire général le rang de secrétaire général de ministère. Il y est également stipulé que les membres du Bureau du Mécanisme perçoivent chacun une prime trimestrielle de 400 000 ouguiya et que les membres du Mécanisme perçoivent chacun une prime trimestrielle de 300 000 ouguiya. Le décret ne précise pas si cette prime représente un salaire ou une indemnité fixe s’ajoutant au salaire des membres en fonction de la modalité de leur travail à plein temps ou à mi-temps, ou par mission.

21.Le 15 juin 2016, le Président et les membres du Mécanisme ont prêté serment devant le Président de la Cour suprême. Lors d’une assemblée plénière qui s’est tenue le 16 juillet 2016, le Mécanisme s’est en outre doté d’un règlement intérieur.

22.Le Mécanisme dispose de locaux à Nouakchott, au sein d’une bâtisse récente, vaste et bien signalisée. Il ne dispose pas de véhicules, ni de locaux dans les différentes wilayas (provinces).

23.Au moment de la rédaction du présent rapport, le Sous-Comité a appris que le Mécanisme avait récemment reçu sa dotation budgétaire pour 2016 et que son budget pour 2017 figurait sousune rubriquespécifique du budget de l’Étatpour 2017 voté par le Parlement.Le Sous-Comité a également été informé que le Mécanisme avait reçu pour l’année 2017 un budget de 112 200 000 ouguiya, réparti en quatre tranches versées trimestriellement sur un compte ouvert au Trésor public. Le Sous-Comité a en outre été informé de l’adoption en février 2017 d’un décret dont l’article 4 bis autorise l’Assemblée générale à procéder à des amendements, affectations et allocations dans le budget du Mécanisme en cas de besoin.

24.Au moment de la visite du Sous-Comité en Mauritanie, le Mécanisme n’avait encore jamais mené de visite de détention. Sa première visite, effectuéele 26 octobre 2016à la prison civile de Nouakchott, fut accompagnée et observée par la délégation du Sous-Comité.

IV.Recommandations à l’intention du Mécanisme national de prévention de la torture

A.Recommandations d’ordre normatif

25.Le Sous-Comité se félicite en premier lieu de ce que les principales missions dévolues au Mécanisme, telles que définies à l’article 3 de la loi no 2015-034, soient conformes aux dispositions de l’article 19 du Protocole facultatif. Le Mécanisme est chargé, entre autres, d’effectuer des visites régulières et inopinées dans tous les lieux de détention, de recevoir des plaintes et allégations de torture, de rendre des avis concernant le texte de projets de lois et de règlements relatifs à la prévention de la torture, de formuler des recommandations afin de prévenir la torture, de mener des campagnes de sensibilisation, d’organiser des programmes de formation, de réaliser et de publier des recherches, études et rapports relatifs à son domaine de compétence, et de coopérer avec la société civile et les institutions de lutte contre la torture.

26.En second lieu, le Sous-Comité tient à souligner sa satisfaction quant à la création du Mécanisme par voie législative, ce qui confère au Mécanisme une certaine garantie de stabilité et d’indépendance.

27.Nonobstant ce qui précède, le Sous-Comité a observé certaines lacunes d’ordre normatif à même de remettre en cause l’indépendance du Mécanisme, telle que prévue à l’article 18 du Protocole facultatif. Le Sous-Comité relève notamment les points suivants.

28.En vertu de l’article 11 de la loi no 2015-034, le Président du Mécanisme est nommé par décret par le Président de la République, ce qui suggère que le Président du Mécanisme n’en est pas membre et soulève des questions d’indépendance perçue et, potentiellement, réelle.

29.En outre, en vertu de l’article 30 de la loi, le Secrétaire général du Mécanisme est nommé par décret adopté en Conseil des ministres, ce qui est en contradiction apparente avec l’article 29 de la loi, qui stipule que le Mécanisme recrute son propre personnel. Par ailleurs, une telle nomination est à même de nuire à l’indépendance du Mécanisme.

30.L’article 14 de la loi est conforme aux exigences du paragraphe 1 de l’article 18 du Protocole facultatif. Le Sous-Comité relève toutefois la difficulté de réunir des membres qui aient l’expertise requise tout en remplissant les conditions strictes édictées à l’article 14. Le Sous-Comité constate également que, dans la pratique, certains membres du Mécanisme continuent à exercer leur profession principale.

31.En ce qui concerne la question de l’exercice à plein temps de la fonction de membre du Mécanisme, consacrée à l’article 24 de la loi, le Sous-Comité relève que cette obligation ne correspond pas à la pratique constatée par le Sous-Comité. En outre, le Sous-Comité relève que cette disposition est susceptible dans la pratique d’écarter du Mécanisme des candidats potentiels à l’expertise pertinente, tels des médecins ou des avocats, qui ne pourraient se consacrer à plein temps au Mécanisme.

32.Le Sous-Comité a fait part de ces préoccupations oralement au Mécanisme et au Gouvernement, et les a également reflétées dans le rapport de la visite adressé au Gouvernement mauritanien.

33. Le Sous-Comité encourage le Mécanisme à plaider activement en faveur du renforcement du cadre juridique de l’institution en faisant de s recommandations à cet égard , comme ce l a lui est perm is au paragraphe 5 de l’article 3 de sa loi habilitante. Il  s’agirait en particulier pour le Mécanisme de formuler des recommandations pour que : a) l’article 11 de la l oi soit amendé, de sorte que le Président du Mécanisme soit désigné à l’issue d’un processus transparent, inclusif et participatif ; b) les membres du Mécanisme soient totalement détachés de leurs fonctions ordinaires pour la période de leur mandat au sein du Mécanisme , c eci devant s’appliquer non seulement aux fonctionnaires mais également à tout membre dont les activités ou fonctions pourraient être en conflit avec la fonction de membre du Mécanisme  ; et c) l’article 30 de la loi soit également mis en conformité avec l’article 18 du Protocole facultatif, afin que le Secrétaire général soit nommé par le Mécanisme ou, à tout le moins, sur sa proposition.

34. Conscient que l’exigence de l’exercice de membre à plein temps vise à assurer l’indépendance et la disponibilité des membres, le Sous-Comité recommande de ne pas rendre cette règle exigible, hormis dans les situations où les fonctions ou activités ordinaires des membres placent ces derniers dans un conflit d’intérêt direct vis-à-vis de leur profession ordinaire. Dans les autres cas, cette condition devrait être optionnelle.

B.Recommandations d’ordre institutionnel

35.Les préoccupations du Sous-Comité concernent la nécessité pour le Mécanisme de se doter des conditions nécessaires le rendant apte à s’acquitter des différentes fonctions et attributions qui lui sont conférées à l’article 19 du Protocole facultatif. À cet égard, le Sous-Comité relève notamment l’absence d’une stratégie et d’un plan de travail pour que le Mécanisme puisse s’acquitter de son mandat ; le besoin de coordination avec les différents acteurs existants, notamment en ce qui concerne le traitement et la gestion des plaintes et allégations ; le besoin de formation des membres du Mécanisme ; et le manque de clarté actuel quant aux ressources financières du Mécanisme.

36. Le Mécanisme devrait effectuer un état des lieux des lacunes en matière de prévention de la torture en Mauritanie. Il sera également essentiel pour le Mécanisme d’effectuer un suivi périodique rigoureux de la situation dans les lieux de privation de liberté, et de formuler une stratégie corollaire. Cette stratégie devrait identifier les lieux de privation de liberté qui feront l’objet de visites périodiques en priorité, en fonction du type et de la taille des établissements, de l’importance des défaillances en matière de droits de l’homme dont le Mécanisme aura été informé et de l’accessibilité des établissements par d’autres mécanismes de surveillance.

37. Sur la base de cette stratégie, il incombera au Mécanisme d’établir promptement un programme de travail qui couvre progressivement tous les lieux de privation de liberté du pays, ainsi que les lieux où pourraient se trouver des personnes privées de liberté, conformément aux articles 4 et 19 du Protocole facultatif, tout en s’assurant qu’aucun e zone géographique ou qu’aucun type d’établissement ne soit exclu. Le Sous-Comité fait ici référence à la compilation des avis qu’il a formulés en réponse aux demandes des mécanismes nationaux de prévention ( voir CAT/C/57/4, a nnexe , et CAT/C/57/4 /Corr.1 ).

38. La stratégie adoptée devra impérativement aborder la question de la duplication possible du mandat et des activités menées par d’autres acteurs, tels la Commission nationale des droits de l’homme et les organisations de la société civile. Tout en rappelant qu ’un mécanisme national de prévention devrait compléter plutôt que remplacer les systèmes de surveillance déjà existants (voir CAT/OP/12/5 ) , le Sous-Comité encourage vivement le Mécanisme à formuler des propositions concrètes pour que les fonctions de tous les acteurs du secteur soient clairement identifiées, comprises et diffusées.

39.Le Sous-Comité a fait part aux autorités mauritaniennes de la nécessité pour le Mécanisme d’être doté d’un budget stable et adéquat. Le Sous-Comité se félicite de ce que, en 2017, le budget du Mécanismefigurait sous une rubriquespécifique du budget annuel de l’État.

40. Le Sous-Comité recommande au Mécanisme de développer un budget détaillé des dépenses nécessaires à la mise en œuvre du programme de travail sus mentionné. Ce  budget devrait distinguer les coûts liés à son installation en cours, les dépenses fixes nécessaires au fonctionnement de l’institution et celles variables qui dépendent des activités spécifiques à mener, telles que les visites de li eux de privation de liberté. Le  Mécanisme devrait également mettre à profit la possibilité de faire recours aux dons et legs, comme i l y autoris é à l’article 23 de la l oi, tout en notant que cette disposition n’absout en aucun cas l’ É tat partie, au titre du paragraphe 3 de l’article 18 du Protocole facultatif, de sa responsabilité de garantir les ressources financières nécessaire s au fonctionnement du Mécanisme .

41.Après sa visite en Mauritanie, le Sous-Comité a été informé de l’adoption, en février 2017, d’un décret modifiant et complétant certaines dispositions du décret no 2016-110 fixant les primes et privilèges du Président, des membres et du Secrétaire général du Mécanisme. L’article 4 bis du nouveau décret stipule que l’assemblée plénière peut procéder à des amendements, affectations et allocations dans le budget du Mécanisme en cas de besoin.

42.Suite aux allocations approuvées par l’assemblée plénière du Mécanisme en application de l’article 4 bisdu d écret de février 2017 , le Sous-Comité demande instamment au Mécanisme de l’informer du détail de son budget, y compris les rubriques budgétaires spécifiques allouées aux indemnités des membres du Mécanisme , aux coûts du personnel, coûts fixes du siège, coût des missions et visites , et à toute autre dépense envisagée. À ce titre, le Sous-Comité rappelle que le budget du Mécanisme doit lui permettre d’avoir un programme de visites robustes et efficaces afin de mettre en œuvre son mandat de prévention de la torture dans le pays.

43.Le Sous-Comité note avec satisfaction la grande diversité d’expertise des membres du Mécanisme et le fait que les membres ont déjà bénéficié de sessions de formation organisées par l’Association pour la prévention de la torture. Le Sous-Comité relève toutefois le besoin important de formation initiale et continue, afin que les membres développent rapidement une identité commune et les compétences et habilités techniques et normatives qui leur permettent de fonctionner de manière efficace, individuellement et collectivement. Le Sous-Comité relève également la contradiction entre l’exigence, prévue par la loi, que les membres servent à plein temps (art. 24), et la réalité des faits, qui est que les membres se consacrent à leurs fonctions à temps partiel.

44. Le Sous-Comité invite le Mécanisme à prévoir, en coopération avec les acteurs de la société civile déjà impliqués, le renforce ment de la compétence et d es connaissances de son personnel, à travers des programmes de formation institutionnalisés et ad hoc, des stage s ou encore des partenariats avec des universités et des organisations de la société civile.

45.Le Sous-Comité se félicite de ce que le Mécanisme ait pu effectuer sa première visite d’un lieu de privation de liberté lors de la visite du Sous-Comité, et qu’il ait depuis visité plusieurs lieux de détention, y compris la prison de Dar Naim, ainsi que la prison des femmes, des postes de gendarmerie et de police et les commissariats de Nouakchott, de manière inopinée. Le Mécanisme a également visité un centre de réinsertion d’enfants en conflit avec la loi.

46. Le Sous-Comité recommande au Mécanisme d’entreprendre des visites de suivi des établissements déjà visités, afin d’observer l’application des recommandations formulées. Le Sous-Comité engage le Mécanisme à poursuivre ses visites régulières, sur la base de son plan de travail établi préalablement, en utilisant de manière efficace et rationnelle les ressources à sa disposition . L e Sous-Comité exhorte également le Mécanisme à remettre systématiquement un rapport de visite compréhensif aux autorités mauritaniennes, assorti de recommandations concrètes .

47.Le Sous-Comité a pu relever durant sa visite que les différents acteurs du secteur sont au courant de l’existence et du mandat du Mécanisme. Toutefois, le Sous-Comité a constaté que des incertitudes demeurent quant aux attributions de l’institution, en particulier quant à la coordination de ses activités et prérogatives avec les autres parties prenantes.

48. Le Sous-Comité recommande au Mécanisme de mener des activités de sensibilisation et de communication visant à accroître sa visibilité et à faire connaître son mandat et son travail au public. Le Mécanisme devrait en outre accro î tre ses contacts avec les partenaires nationaux, sa participation aux programmes de formation des magistrats, des officiers de police, des gendarmes, des agents pénitentiaires, des agents de la santé et des membres des forces armées. Il devrait également constituer une plateforme participative qui regroupe rait périodiquement les différentes parties prenantes impliquées dans la prévention de la torture.

49. Le Mécanisme devrait prendre des mesures pour que ses rapports annuels publics puissent être présentés et débattus au Parlement, en plus de leur présentation au Président de la République.

50. Eu égard à l’article  29 de son Règlement intérieur, qui stipule qu’un organigramme consacré au personnel est annexé au Règlement intérieur, le Sous-Comité invite le Mécanisme à lui fournir des informations sur son processus de recrutement et à publier la liste de son personnel .

C.Recommandations d’ordre méthodologique

51.Bien que la visite de la prison civile de Nouakchott, effectuée conjointement avec le Mécanisme, ne permette pas de commentaires méthodologiques approfondis, le Sous-Comité exprime néanmoins sa préoccupation quant au manque de préparation et de méthodologie constaté lors de cette visite, et présente ci-dessous un certain nombre de recommandations méthodologiques qui font suite à cette visite initiale.

52. Le Mécanisme devrait élaborer une méthodologie rigoureuse pour les visites effectuées dans le cadre de son mandat . En outre, il devrait concevoir une base de données où seront consignées les informations relatives aux caractéristiques de chaque lieu de privation de liberté en Mauritanie, tels que le plan des quartiers , l’agencement des lieux et la dimension des locaux, cours et cellules. La base de données devrait être maintenue et mise à jour périodiquement au moyen des informations recueillies au fur et à mesure des visites.

53. Le Sous-Comité attire l’attention du Mécanisme sur la nécessité d’entreprendre des visites complètes, qui s’échelonnent au besoin sur plusieurs jours. L’équipe visit ante devrait effectuer la visite en suivant un programme défini au préalable en fonction de l’objectif de la visite. Une attention particulière devrait être accordée à la répartition des groupes au sein de l’équipe , eu égard aux objectifs préalablement définis.

54. Un soin particulier devrait être accordé aux entretiens sans témoin, avec le souci constant de n’exposer en aucun cas un détenu à un risque quelconque de représailles. Dans ce sens, le nom d’un détenu ne devrait être sollicité et répertorié que dans des cas particuliers, et avec un but précis.

55. Le Mécanisme devrait rapidement adopter, dans le cadre de sa méthodologie, une stratégie et des mesures particulières relatives à la protection des personnes ayant collaboré avec lui et , de manière générale, toutes les personnes privées de liberté, ainsi que les membres de leur famille.

56.Le Sous-Comité estime que les visites inopinées ou annoncées peu de temps à l’avance permettent de se faire une idée plus proche de la réalité des conditions des lieux de privation de liberté et du traitement des personnes détenues.

57. Le Sous-Comité exhorte le Mécanisme à entreprendre des visites inopinées et à maintenir confidentiel le programme de ses visites.

58. Le Sous-Comité souligne l’intérêt de maintenir l’entretien initial avec les autorités pénitentiaires aussi court que possible afin de pouvoir consacrer une attention et un temps prépondérants aux conditions de détention. L’entretien initial devrait être suivi d’un tour général de l’établissement. Les lieux identifiés comme sensibles doivent faire l’objet d’une visite plus approfondie.

59. L’équipe visit ante devrait accorder un soin particulier à s a façon de se présenter et d’expliquer son travail, avec le souci d’expliciter et de diffuser le mandat du Mécanisme , en mettant en exergue son objectif de prévention et le but de s visite s et de s entretien s.

60. Le Sous-Comité recommande au Mécanisme de produire des brochures à l’intention des personnes privées de liberté et de leurs proches, présentant son mandat, les normes internationa les en vigueur en matière de prévention de la torture, ses méthodes de travail et les moyens de le contacter. La brochure devrait également expliquer ce qu’est le consentement éclairé et préciser que toute forme de représailles devrait être portée à son attention.

61. L’entretien final avec les responsables de l’établissement visité devrait être consacré à la présentation des principales observations et, le cas échéant, des recommandations, notamment celles qui peuvent être immédiatement mises en œuvre . Le Mécanisme devrait également rappeler aux autorités leur responsabilité de prévenir tout acte de représailles contre les détenu s, ou toute autre personne, y compris les fonctionnaires , pour s’être entretenu s avec le Mécanisme .

62.Le Sous-Comité recommande au Mécanisme d’établir ses rapports de visite promptement après chaque visite . Outre d es informations générales sur la visite et les problèmes observés, le rapport devrait inclure des informations qui permettent aux lecteurs, y compris ceux qui ne connaissent pas les établissements visités, de se représenter concrètement l a situation. L a dimension des cellules, la description de l’éclairage, la présence de sanitaires et l’état de la ventilation devraient notamment y être soigneusement consignés.

63. Les constatations et recommandations devraient mettre l’accent sur la prévention, fournir une liste d es causes systémiques des problèmes constatés dans les lieux de détention, et formuler des recommandations pratiques et des propositions de mesures correctives qui puissent faire l’objet de suivi et de vérification .

64.Les recommandations du Mécanisme devraient se baser sur les normes internationales en matière de droits de l’homme, en particulier les normes pertinentes de l’Organisation des Nations Unies en matière de prévention de la torture et autres mauvais traitements, notamment les Lignes directrices et mesures d’interdiction et de prévention de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en Afrique , les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté et les Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l ’ imposition de mesures non privativ es de liberté aux délinquantes.

V.Recommandations finales

65. Le Sous-Comité estime que le mandat robuste du Mécanisme lui confère un potentiel important en tant que mécanisme national de prévention. Dès lors, le Sous-Comité encourage le M écanisme à établir promptement des méthodes de travail, une stratégie et un plan de travail, et à renforcer sa capacité à s’acquitter de ses responsabilités , conformément au Protocole facultatif, au moyen d’ une formation continue.

66. Le Sous-Comité encourage le Mécanisme à solliciter l’assistance du HCDH dans le suivi des présentes recommandations. Le Sous-Comité encourage également le Mécanisme à entreprendre des démarches pour se mettre en contact avec d’autres mécanismes nationaux de prévention de la torture afin d’identifier les bonnes pratiques en la matière.

67. Le présent rapport est transmis au Mécanisme à titre confidentiel, conformément au paragraphe 1 de l’article 16 du Protocole facultatif, et la décision de le rendre public est laissée à sa discrétion. Toutefois, le Sous-Comité en recommande la publication et souhaite être informé de la décision que le M écanisme prendra à cet égard.

68. Le Sous-Comité demande au Mécanisme de lui rendre pleinement compte, dans les six mois qui suivront la transmission du présent rapport, des mesures qui auront été prises pour donner suite aux recommandations formulées.

69. Enfin, l e Sous-Comité encourage le Mécanisme à lui transmettre ses rapports annuels et confirme sa disponibilité pour apporter son assistance, dans la mesure de ses possibilités, en vue de la réalisation de l’objectif commun de prévention de la torture et des mauvais traitements et afin que les engagements pris se traduisent en actions concrètes .

Annexe

Liste des interlocuteurs du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

I.Mécanisme national de prévention de la torture

Mohamed Lemine Ould Haless , Président

Sall Ousmane

Mohamed Ould Boubacar

Ly Saïdou

Ejwedna Ould el- Hadrami

Tahra Himbara

Bismillah Elih Ahmed Saleh

Toutou Mint Ahmed Jedou

Ahmed Vall Ould Bounouzouma

Zeinebou Mint Taleb Moussa

Khadijetou Sakho

Boubacar Ould Messoud

Mohamedou Ould Mohamed el- Moctar

II.Gouvernement

Commissariat aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile

Cheikh Tourad Ould Abdel Maleck, Commissaire

Rassoul Ould el Khal, Commissaire adjoint

Khalifa Hamza, Conseillère au Ministère des affaires étrangères

Ministère de l’intérieur et de la décentralisation

Ahmedou Ould Abdalla, Ministre de l’intérieur et de la décentralisation

Mohamed Lemine Ould Tiyeb, Directeur général adjoint de la police

Mohamed Moustapha Mohamed Vall, Directeur des affaires politiques

Mohammed Salem Ould Meme, Colonel en charge des prisons

Ministère de la défense nationale

Diallo Mamadou Bathia, Ministre de la défense nationale

Hanena Ould Henoune, Secrétaire général

Cour suprême

Moctar Touley Ba, Président par intérim

Sidi Mohamed Mohamed Lemine, Procureur général

Khalil Ahmedou, Procureur de la République de Nouakchott Ouest

Abdallah Abdel Fettah, Secrétaire général

Ministère de la santé

Ahmed Oud Sid Ahmed Ould Die, Secrétaire général du Ministère de la santé

Abderrahmane Ould Jiddou, Directeur de la santé de base

Mohamed Lemine Ould Sidi, membre du Service de surveillance à la Direction de la lutte contre la maladie

Ministère des affaires sociales, de l’enfance et de la famille

Fatimetou Habib, Ministre des affaires sociales, de l’enfance et de la famille

Mohamed Mahmoud Ould Sidi Yahya, Secrétaire général

Zeina Mint Mohamed, Directrice du Centre de protection et d’intégration sociale des enfants

III.Commission nationale des droits de l’homme

Irabiha Mint Abdel Wedoud, Présidente

Mohamed Brahim, Secrétaire général

Mohamed Lemine Ould Cheikh Abdellah

Bâ Bocar

Mohamed Vall Ould Youssef

Abderrahmane Ould Boubou

Mohamed Mahmoud Ould Zoubeir

Izidbih Day

N’gaïdé Alioune Moctar

Mohamed Lemine Ahmed Seyfer

Hawa Djibril Ba

Tambo Camara

Kane Moktar

Moctar Maïssara

Mohamed Ould Mohamed Saleck

Mohamed Salem Macire

Ahmedou Ould Khteir

Binta N’Diaga Diouf

Mohamed Saleck

IV.Société civile

Sidi Abdallahi (Action pour la protection des droits de l’homme)

Aïchetou Ahmed (Association des femmes chefs de famille)

Oumoul Kheir Kane (RECTID)

Brahim Ramdane (IRA)

Diagana Abass (Touche pas à ma nationalité)

Sektou Mohamed Vall (AMANE)

Mamadou Sarr (Forum des organisations nationales des droits humains)

Sall Amadou Cledor (Fondation Noura)

Mbaye Fatimata (Association mauritanienne des droits de l’homme)

Sy Abou Bocar (Collectif des victimes de la répression)