Nations Unies

CAT/OP/CHE/CSPRO/1

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

23 mars 2021

Original : français

Anglais, espagnol et français seulement

Sous-Comité pour la p révention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Commentaires de la Suisse sur les recommandations et observations qui lui ont été adressées par le Sous-Comité comme suite à sa visite du 27 janvier au 7 février 2019 * , **

[Date de réception : 5 mars 2021]

Table des matières

Page

Liste des abréviations3

I.Remarques préliminaires4

II.Coopération4

III.Le mécanisme national de prévention5

A.Structure et indépendance5

B.Budget et ressources financières5

C.Membres et Secrétariat6

IV.Cadre juridique et institutionnel - Compétence fédérale en matière de procédure pénaleet de garanties juridiques7

A.Définition et incrimination de la torture7

B.Garanties fondamentales8

C.Mécanismes de plainte (internes et externes)9

V.Visites de lieux de privation de liberté10

A.Aperçu de la situation carcérale10

B.Etablissements de police10

C.Etablissements pénitentiaires13

VI.Mesures de traitement thérapeutique institutionnel et internement22

A.Cadre juridique22

B.Visites de terrain : Clinique psychiatrique de Rheinau23

VII.Autres questions24

A.Actes délégués à des sociétés privées24

B.Frais de santé des personnes détenues25

Liste des abréviations

AFFAdministration fédérale des finances

AGCanton d’Argovie

ATFArrêt du Tribunal fédéral

CATComité contre la torture des Nations Unies

CCCode civil suisse du 10 décembre 1907 (RS 210)

CCDJPConférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police

CNPTCommission nationale de prévention de la torture

consid.considérant(s)

CourEDHCour européenne des droits de l’homme

CPCode pénal suisse du 21 décembre 1937 (RS 311.0)

CPPCode de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (RS 312.0)

CSCSPCentre suisse de compétences en matière d’exécution des sanctions pénales

Cst.Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101)

DFJPDépartement fédéral de justice et police

EIMPLoi fédérale sur l’entraide internationale en matière pénale (RS 351.1)

FFFeuille fédérale

GECanton de Genève

GRCanton des Grisons

HCRHaut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés

JVA Justizvollzugsanstalt

LEILoi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (RS 142.20)

LF-CNPTLoi fédérale sur la Commission de prévention de la torture (RS 150.1)

MNPMécanisme national de prévention

OFSOffice fédéral de la statistique

RSRecueil systématique du droit fédéral

SEMSecrétariat d’État aux migrations

SGCanton de Saint-Gall

SPTSous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

TFTribunal fédéral

TGCanton de Thurgovie

VDCanton de Vaud

VSCanton du Valais

ZHCanton de Zurich

I.Remarques préliminaires

1.Du 27 janvier au 7 février 2019, une délégation du Sous-Comité des Nations Unies pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (SPT ou « Sous-Comité ») a effectué sa première visite en Suisse.

2.Le 26 mai 2020, le SPT a fait parvenir à la Suisse, à titre confidentiel, le rapport relatif à sa visite (CAT/OP/CHE/ROSP/1/R.1). Le Sous-Comité a demandé à la Suisse de bien vouloir répondre aux recommandations et demandes de renseignements complémentaires formulées dans le rapport ainsi que d’indiquer les mesures déjà prises ou prévues en ce sens.

3.Le Conseil fédéral a ainsi l’honneur de transmettre au Sous-Comité sa prise de position. Celle-ci reprend la structure du rapport du SPT. Ainsi, les réponses sont regroupées par thème et se rapportent à une ou plusieurs recommandations, respectivement demandes de renseignements complémentaires, rappelées au début de chaque réponse.

4.Le rapport du SPT ainsi que la présente réponse seront communiqués aux cantons et à la CNPT afin que ceux-ci prennent connaissance des recommandations du SPT.

5.Le Conseil fédéral remercie le Sous-Comité de son rapport et de ses recommandations. Il se réjouit, par la présente prise de position, de poursuivre le dialogue constructif avec le SPT et de l’excellente collaboration entre les représentants suisses et la délégation du Sous-Comité durant sa visite en hiver 2019.

II.Coopération

6.Chiffre 14 : Le SPT recommande que des statistiques officielles soient systématiquement recueillies par canton, puis centralisées et publiées par l’Office fédéral de la statistique. Ces statistiques devraient être analysées et mises à la disposition de toutes les parties prenantes concernées.

7.L’OFS récolte déjà les données essentielles et les publie sur son site internet. Les cantons ont toutefois reconnu la nécessité d’avoir une meilleure base de données. À cette fin, ils examinent la possibilité de mettre en place un système d’information sur l’exécution des sanctions pénales en collaboration avec l’OFS. Le projet préliminaire a été achevé l’année dernière et une étude de faisabilité est prévue cette année.

8.Plus particulièrement, concernant les statistiques relatives à la mesure thérapeutique institutionnelle de l’article 59 CP et à l’internement de l’article 64 CP, des chiffres sont récoltés par l’OFS et différentes études permettent d’obtenir des indications sur l’évolution de ces mesures.

9.Par rapport aux statistiques concernant les plaintes, il convient de mentionner que la responsabilité de traiter les plaintes incombe aux cantons ; celles-ci sont alors consignées au niveau cantonal. Sur ce point, la valeur ajoutée et la nécessité d’un système centralisé est difficilement perceptible.

III.Le mécanisme national de prévention

A.Structure et indépendance

10.Chiffre 24 : Le Sous-Comité recommande à l’État partie de mettre fin au rattachement de la CNPT au Département fédéral de justice et police pour que la CNPT puisse fonctionner de manière totalement indépendante, aussi bien institutionnellement qu’opérationnellement, et ainsi exercer toutes ses activités et fonctions de manière différenciée de celles du Département fédéral de justice et police, grâce à une structure propre.

11.La LF-CNPT prévoit que la CNPT s’acquitte de ses tâches en toute indépendance, se constitue elle-même et fixe son organisation ainsi que ses méthodes de travail dans un règlement. La loi indique en outre que la CNPT doit disposer des ressources financières nécessaires pour mener à bien ses travaux, pour lesquels elle peut disposer d’un Secrétariat permanent. La loi fédérale concrétise ainsi deux aspects essentiels du protocole facultatif.

12.La loi laisse ouverte la question de la structure institutionnelle de la CNPT. Dans le contexte où la mise en œuvre nationale des obligations en matière des droits de l’homme relève en grande partie de la responsabilité du DFJP, le rattachement administratif de la CNPT au DFJP semblait la solution la plus sensée.

13.La question de l’indépendance a été abordée, à plusieurs reprises, avec la CNPT ces dernières années. Grâce à son rattachement administratif au DFJP, la CNPT peut profiter des ressources administratives et en personnel existantes, sans avoir à verser de compensation ; ceci est un avantage pour la CNPT du point de vue économique. Si elle ne devait plus être rattachée à l’administration fédérale, elle devrait assumer elle-même ces coûts.

14.Dans son dernier rapport d’activité, la CNPT a indiqué que tant qu’il n’existerait pas d’institution nationale des droits de l’homme (INDH), elle ne pourrait trouver aucun autre rattachement institutionnel indépendant de l’administration fédérale.

15.Par ailleurs, l’expertise du 31 juillet 2017 sur les « aspects juridiques de l’indépendance de la CNPT », mentionnée au chiffre 19 du rapport du SPT, indique que le rattachement administratif de la CNPT au sein du Secrétariat général du DFJP n’a pas entraîné de problèmes de mauvaise application du droit. Dans le passé, le Secrétariat général du DFJP n’a reçu aucune indication de la part de la CNPT selon laquelle le rattachement administratif au DFJP compromettrait son indépendance matérielle. Dans ce contexte, le Conseil fédéral ne voit pas la nécessité de modifier le rattachement actuel.

B.Budget et ressources financières

16.Chiffres 27 et 32 : Le Sous-Comité recommande ainsi à l’État Partie de doter la CNPT d’un budget distinct de celui alloué au DFJP, afin qu’elle jouisse d’une autonomie financière et par conséquent, d’une indépendance opérationnelle.

17.Le Sous-Comité recommande à l’État partie de doter la CNPT d’un budget adéquat, afin de garantir son indépendance opérationnelle et le bon exercice de son mandat, conformément aux articles 17, 18, 19 et 20 du Protocole. Dans cette optique, il encourage l’État partie à reconsidérer le budget alloué au mécanisme, en prenant dûment en compte les besoins exprimés par le mécanisme lui-même, pour lui permettre de réaliser de manière adéquate son programme annuel de visites sur l’ensemble du territoire national ; de recourir en tant que de besoin aux services d’experts externes et d’interprètes dans diverses langues ; de conduire ses activités de suivi ; de travailler en partenariat avec les acteurs concernés par la prévention de la torture et de couvrir tous les besoins logistiques indispensables à son bon fonctionnement.

18.Dans le message du Conseil fédéral relatif à la LF-CNPT, on supposait que la CNPT effectuerait chaque année vingt à trente visites dans des lieux de privation de liberté. À l’époque, le Conseil fédéral avait estimé le coût de ces visites à un maximum de 184 000 CHF. Lors de sa création, la CNPT s’est vu attribuer un Secrétariat permanent avec un total de 130 % de postes et son budget était de 360 000 CHF par an jusqu’en 2012.

19.Le budget de la CNPT a été augmenté au cours des années suivantes. Les augmentations ont été effectuées en relation avec de nouvelles tâches, telles que le contrôle de l’exécution des renvois en vertu du droit des étrangers, des activités de contrôle dans le domaine des centres d’asile fédéraux ou le projet « Examen des standards en matière de droits de l’homme et de la prise en charge médicale des personnes détenues dans les établissements de privation de liberté ». Aujourd’hui, le Secrétariat dispose de 340 % de postes (état au 01.09.2020) et d’un budget global de 960 600 CHF. En outre, le Secrétariat général du DFJP finance une stagiaire d’une Haute Ecole pour le Secrétariat de la CNPT. De même, les dépenses pour le loyer et l’assistance informatique ne sont pas facturées à la CNPT. Dans le cas d’un déménagement hors de l’administration fédérale, la CNPT devrait couvrir ces coûts avec le budget existant.

20.La CNPT décide de manière autonome de l’utilisation des ressources financières et du nombre de visites qu’elle peut effectuer dans le cadre du budget. Depuis l’introduction du nouveau modèle de gestion de l’administration fédérale (NMG), le budget de la CNPT doit être géré dans le cadre du budget global du Secrétariat général du DFJP.

21.La CNPT a jusqu’à présent été exemptée de toute obligation d’épargne mais, comme toutes les unités administratives fédérales, elle doit organiser sa planification financière de manière à respecter le cadre financier. Il a été clarifié avec l’AFF si un crédit individuel au sens de l’article 30a, alinéa 5, de la Loi sur les finances constituerait également une possibilité d’autonomie accrue comme alternative au budget global du Secrétariat général du DFJP, auquel la CNPT est rattachée administrativement. L’AFF s’est prononcée contre la création d’un crédit individuel pour la CNPT. Selon l’article 30a, alinéa 5, de la Loi sur les finances, un tel crédit n’est destiné qu’à des mesures et projets individuels importants.

22.En 2019, la CNPT a effectué 23 visites de contrôle dans des lieux de privation de liberté. Le Conseil fédéral estime que la CNPT et le Secrétariat disposent aujourd’hui de ressources financières et humaines suffisantes pour remplir les tâches prévues par la loi. La CNPT a la souplesse nécessaire pour utiliser ses ressources, mais elle est également tenue de fixer des priorités.

C.Membres et Secrétariat

23.Chiffres 35, 39 et 40 : Le Sous-Comité recommande à l’État partie de revoir le mode de fonctionnement des membres de la CNPT afin de leur permettre de se consacrer pleinement aux activités du mécanisme, notamment en prévoyant la possibilité d’un exercice à temps plein pour certains d’entre eux et l’allocation de ressources financières nécessaires à leur rémunération.

24.Le Sous-Comité recommande à l’État Partie de garantir l’indépendance de son MNP (en accord avec l’article 18.1 du Protocole) et son opérationnalité, en augmentant de manière significative les effectifs du secrétariat de la CNPT, en s’assurant que tous les personnels du secrétariat lui soient dédiés exclusivement, et soient sous son contrôle direct.

25.Plus généralement, le SPT est d’avis qu’un secrétariat permanent étoffé et dédié ainsi que des membres disponibles, exerçant à temps plein au profit du mécanisme national de prévention sont plus à même de définir et conduire une stratégie opérationnelle efficace.

26.En vertu de l’article 7, alinéas 1 et 2, LF-CNPT, la CNPT est responsable de sa constitution, de l’organisation et des méthodes de travail. Cela lui permet de choisir comment exécuter au mieux ses tâches et de décider de manière indépendante de l’utilisation des moyens financiers. La CNPT est composée de douze membres possédant une expertise dans les domaines des droits de l’homme, de la justice, de l’exécution des peines et mesures, de la médecine, de la psychiatrie et de la police. Leur travail pour la CNPT à titre accessoire leur permet de maintenir leur expertise par le biais d’autres activités. Les membres reçoivent une indemnité journalière pour leur travail. La loi prévoit également que l’on puisse faire appel à des experts externes dont l’expérience est nécessaire dans certains domaines plus spécifiques.

27.Le pourcentage de postes au sein du Secrétariat de la CNPT a été augmenté ces dernières années pour atteindre aujourd’hui 340 % (état au 01.09.2020).

28.Le Conseil fédéral estime que l’organisation de la CNPT a fait ses preuves car elle lui offre suffisamment de souplesse pour nommer les membres et les experts adéquats en fonction du type de visites de contrôle. Le Conseil fédéral est également d’avis que le modèle actuel, comptant douze membres exerçant cette activité à titre accessoire, a fait ses preuves.

IV.Cadre juridique et institutionnel - Compétence fédérale en matière de procédure pénale et de garanties juridiques

A.Définition et incrimination de la torture

29.Chiffre 43 : Tout en rappelant les recommandations du Comité contre la torture et du Comité des droits de l’homme, et afin de mettre en œuvre l’article 4 de la Convention, le SPT recommande à l’État partie d’introduire, au sein de son Code pénal, une incrimination spécifique du crime de torture, définie conformément à l’article premier de la Convention.

30.Comme le rappelle à juste titre le SPT, et conformément à l’article 4, alinéa 1, de la Convention : « Tout État partie veille à ce que tous les actes de torture constituent des infractions au regard de son droit pénal ». L’article 1 de la Convention définit les actes de torture comme le fait, pour un organe public, d’infliger une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, à une personne afin notamment d’obtenir d’elle des renseignements ou des aveux, de la punir ou de l’intimider. Ce qui est donc demandé aux États n’est pas d’incriminer spécifiquement la torture, mais bien d’incriminer l’ensemble des comportements couverts par ces deux dispositions, ce qui est le cas en Suisse.

31.Dans le contexte des crimes contre l’humanité tout d’abord, il faut souligner que la torture est expressément réprimée par l’article 264a CP. En effet, la lettre f de l’alinéa 1 de cette disposition punit d’une peine privative de liberté de cinq ans au moins celui qui, dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre la population civile, inflige à une personne se trouvant sous sa garde ou sous son contrôle de grandes souffrances ou porte gravement atteinte à son intégrité corporelle ou à sa santé physique ou psychique.

32.Les infractions de droit commun répriment quant à elles les atteintes à la vie, à l’intégrité physique, sexuelle et psychique et à la liberté (menace, contrainte, séquestration ou enlèvement), les abus d’autorité ou encore les actes d’entrave à l’action pénale. Les comportements de mise en danger de la vie ou de la santé sont également sévèrement réprimés. Quiconque commet l’une de ces infractions est punissable, y compris les fonctionnaire ou autorités. L’instigation et la complicité sont également punissables (art. 24 et 25 CP), de même que la tentative (art. 22 CP), ce qui permet de poursuivre non seulement les auteurs directs des comportements répréhensibles, mais également les supérieurs hiérarchiques par exemple. Ainsi, l’affirmation du SPT selon laquelle « des actes de torture commis durant l’arrestation, la garde à vue, ou durant l’exécution d’une peine ou dans tout autre cadre de privation de liberté (…) ne seraient pas incriminés » n’est pas exacte.

33.En ce qui concerne les peines prévues pour les infractions précitées, elles revêtent un caractère proportionné et dissuasif et sont en parfaite adéquation avec l’ensemble des peines prévues par le Code pénal. En cas de concours entre plusieurs infractions, le plafond de la peine prévue pour l’infraction la plus grave peut être multiplié par 1.5 (art. 49 CP). Les délais de prescription sont, en outre, suffisamment longs pour permettre aux autorités pénales d’effectuer leur travail sans pression, tout en respectant le principe de célérité (art. 5 CPP). Ces délais, qui oscillent entre sept et trente ans selon la gravité de l’infraction, ont d’ailleurs été prolongés lors de la révision de la partie générale du CP et ils cessent de courir dès que le jugement de première instance a été rendu (art. 97 CP). Dans le contexte des crimes contre l’humanité, la torture est même imprescriptible (art. 101 CP).

34.Il est finalement à noter, pour souligner à quel point la Suisse applique une tolérance zéro à l’encontre des actes de torture, que les moyens de contrainte, le recours à la force, les menaces, les promesses, la tromperie et les moyens susceptibles de restreindre les facultés intellectuelles ou le libre arbitre sont interdits dans l’administration des preuves (art. 140 CPP). Les éventuelles preuves obtenues par le biais de telles méthodes seraient absolument inexploitables (art. 141, al. 1, CPP).

35.À la lumière de ces éléments, l’affirmation du SPT selon laquelle : « […] les seuls actes de torture réprimés sont ceux commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique contre la population civile […] » est fausse. Tous les actes assimilables à des actes de torture en Suisse sont réprimés, quel que soit le contexte dans lequel ils ont été commis. La création d’une norme pénale réprimant spécifiquement la torture n’est pas exigée par les articles 1 et 4 de la Convention, de sorte que la Suisse respecte ses engagements découlant de ces deux dispositions.

B.Garanties fondamentales

36.Chiffre 45 : Le SPT invite l’État partie à s’assurer que toute personne privée de liberté dispose, dès le début de la privation de liberté, c’est-à-dire dès le moment où elle est privée de sa liberté d’aller et de venir par la police, de toutes les garanties juridiques fondamentales, à savoir, le droit d’accès à un avocat, de prévenir ses proches, et de bénéficier d’un examen médical indépendant (y compris par un médecin de son choix).

37.Contrairement à ce que soutient le SPT, l’accès aux garanties juridiques ne commence pas lorsque le processus d’audition est amorcé. Au contraire, l’ordre juridique prévoit que cet accès est déjà garanti au stade de l’arrestation provisoire (art. 219 CPP). En effet, dès l’instant où un soupçon apparaît, la police doit informer immédiatement le prévenu de son droit de faire appel à un avocat (art. 219, al. 1, CPP, en relation avec l’art. 158 CPP). Le Code de procédure pénale ne fait aucune allusion à un délai de trois heures durant lequel le suspect n’aurait pas le droit de faire appel à un avocat. La législation suisse va ainsi plus loin que les principes développés par la CourEDH selon lesquels « il faut, en règle générale, que l’accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d’un suspect par la police ». Il est toutefois possible dans le cas où la personne arrêtée ne parle pas une langue officielle que celle-ci ne puisse avoir accès aux garanties juridiques de manière absolument immédiate (nécessité de disposer d’informations traduites ou d’une interprète).

38.De la même manière, le cadre légal garantit à la personne arrêtée provisoirement ou mise en détention provisoire ou en détention pour des motifs de sûreté le droit d’informer ses proches dès son arrestation, ainsi que son employeur ou la représentation diplomatique étrangère dont il relève (art. 214 CPP).

39.En ce qui concerne l’examen médical, l’ordre juridique suisse garantit à toute personne appréhendée le droit de se faire examiner par un médecin indépendant dès son arrestation et à chaque fois qu’elle le demande, ceci dans le respect du choix du médecin effectué par la personne appréhendée, sous réserve des cas d’indisponibilité du médecin choisi et du risque de collusion.

40.À noter encore que le droit à l’information revêt une importance fondamentale en Suisse. L’information sur les droits est dès lors considérée comme une règle de validité et non comme une simple prescription d’ordre. Ainsi, et conformément à l’article 158, alinéa 2, CPP, les preuves obtenues sans que l’information ait été donnée sont purement et simplement inexploitables, quelle que soit l’infraction commise et sa gravité.

41.Enfin et de manière générale, le prévenu peut faire vérifier la régularité de la procédure en déposant un recours, auprès de l’autorité de recours compétente, contre les décisions et les actes de procédure de la police et du ministère public (art. 393 ss CPP). Il peut également se plaindre de la façon dont il a été traité durant la procédure devant le juge du fond, puis dans le cadre d’un appel à l’autorité supérieure (art. 398 CPP). Toutes les mesures présentées ici garantissent au prévenu une procédure équitable.

C.Mécanismes de plainte (internes et externes)

42.Chiffres 47 et 48 : Le Sous-Comité recommande à l’État partie de garantir l’existence de mécanismes de dépôt de plainte visant des actes ou omissions des autorités en charge de leur traitement. De tels mécanismes devraient être disponibles au sein de tous les lieux de privation de liberté, et les informations les concernant, transparentes et largement diffusées, en plusieurs langues. L’État partie devrait également veiller à ce que toutes les allégations ou plaintes relatives à des actes de torture et de mauvais traitements soient communiquées sans délai et de manière impartiale aux autorités compétentes, qu’elles fassent l’objet d’une enquête et que, si nécessaire, des sanctions dissuasives soient appliquées.

43.Conformément à l’article 301 CPP, chacun a le droit de dénoncer des infractions à une autorité de poursuite pénale, par écrit ou oralement. Les autorités de poursuite pénale sont en particulier le ministère public et la police (art. 12 CPP). Ces autorités sont indépendantes (art. 4 CPP), soumises à la maxime de l’instruction (art. 6 CPP) et tenues d’ouvrir et de conduire sans délai une procédure, lorsqu’elles ont connaissance d’infractions ou d’indices laissant présumer l’existence d’infractions (art. 5 et 7 CPP). De plus, la personne prétendument lésée peut adresser à la direction de la procédure une demande de récusation à l’encontre d’une personne exerçant une fonction au sein d’une autorité pénale si certains motifs sont de nature à la rendre suspecte de prévention (art. 56 ss CPP). En cas d’opposition à la demande de récusation, le litige est tranché par le ministère public lorsque la police est concernée (art. 59, al. 1, let. a, CPP). La personne prétendument lésée peut adresser sa plainte directement au ministère public (art. 301 CPP). Aucun dénonciateur n’est ainsi tenu de passer par la police. Dans les autres cas où une plainte est déposée contre une autorité impliquée, les règles relatives à la procédure en cas de récusation s’appliquent (art. 59 CPP). Les autorités pénales (y compris les policiers) qui constatent des infractions dans l’exercice de leurs fonctions ont l’obligation de les dénoncer aux autorités compétentes (art. 302 CPP). Les parties peuvent faire recours contre les décisions et les actes de procédure de la police et du ministère public (art. 393 CPP). L’ensemble de ces dispositions garantit à toute personne lésée par un agent de l’État une procédure équitable, menée par une autorité indépendante. Le Tribunal fédéral a d’ailleurs confirmé que toute personne qui prétend de manière défendable avoir été traitée de façon inhumaine ou dégradante par un fonctionnaire de police a droit à une enquête officielle effective et approfondie.

44.Si la plupart des cantons ont laissé au ministère public le soin de poursuivre les infractions commises par des représentants des agents de l’État (y compris des policiers), certains ont instauré des mesures supplémentaires pour renforcer les garanties (déjà solides) prévues par le Code de procédure pénale. Parmi ces mesures, on peut, par exemple, mentionner le fait de confier les auditions exclusivement à des représentants du ministère public, à un officier d’un autre corps de police que celui concerné par l’affaire ou encore, comme dans le canton de Genève, à un corps de police spécialement affecté à ce type d’affaires (Inspection générale des services). Enfin, d’autres cantons ont mis sur pied des mécanismes alternatifs à ceux prévus par le Code de procédure pénale pour gérer les plaintes dirigées contre les fonctionnaires de police. Ainsi, par exemple, les cantons de Zurich, Vaud, Bâle-Ville, Bâle-Campagne et Zoug disposent d’un bureau de médiation. De même, dans les villes de Berne, Lucerne, Saint-Gall, Rapperswil-Jona, Wallisellen, Winterthur et Zurich, il existe des services d’ombudsman communaux.

V.Visites de lieux de privation de liberté

A.Aperçu de la situation carcérale

45.Chiffre 52 : Le SPT rappelle que la privation de liberté avant jugement ne devrait être utilisée qu’en dernier ressort, et être limitée à des circonstances exceptionnelles et pour des périodes limitées, eu égard au principe de nécessité et de proportionnalité.

46.La Suisse prend note de cette recommandation du Sous-Comité, tout en rappelant que le Code de procédure pénale ne prévoit pas autre chose. En effet, il ressort clairement des articles 197, al. 1, et 237, al. 1, CPP, que la détention provisoire est subsidiaire à toutes les autres mesures. Par ailleurs, et conformément à l’article 221, al. 1, CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée qu’à des conditions restrictives (existence d’un risque de fuite, de récidive ou de collusion) et en présence de forts soupçons de commission d’une infraction d’une certaine gravité, soit un délit ou un crime au sens de l’article 10 CP. Il s’agit donc bien d’une ultima ratio en droit suisse.

B.Etablissements de police

1.Allégations de mauvais traitements

47.Chiffre 55 : Le SPT recommande qu’il soit fermement rappelé aux agents de police, et a fortiori aux agents privés exerçant des tâches de surveillance contractuellement déléguées par les autorités, de respecter en tout temps les droits et la dignité des personnes privées de liberté sous leur garde.

48.Selon les informations du canton de Zurich, les personnes détenues au sein de la prison de police sont principalement prises en charge par des membres de l’assistance à la sécurité appartenant à une section de la prison de police ; ils sont parfois assistés par des policiers de la police cantonale zurichoise. Ils reçoivent régulièrement une formation sur la manière de traiter les personnes détenues correctement et avec respect. Une grande importance est accordée à ce sujet dans le cadre des cours de formation et de formation continue. Si des prestataires de services privés sont impliqués (en particulier lors de transports intercantonaux), il est souligné que le traitement des personnes détenues doit être respectueux et conforme à la loi.

49.Le canton de Vaud mentionne qu’un rappel aux droits et à la dignité des personnes privées de liberté est régulièrement fait tant auprès du personnel policier qu’aux agents de sociétés de sécurité privées. Les autorités vaudoises poursuivront ces rappels et ne toléreront aucun abus.

50.D’après le canton de Genève, chaque usage de contrainte effectué par la police genevoise est consigné en détail dans les rapports de police, spécifiquement dans la rubrique idoine. Tous ces usages de la force sont scrupuleusement monitorés et analysés par les autorités compétentes pour s’assurer de leur conformité. Les résultats de ces analyses sont systématiquement transmis à la chancellerie de la Commandante. Par ailleurs, les policiers sont formés (formation de base - théorie et pratique) aux usages de la force et des formations continues sont régulièrement organisées. Quant à l’entreprise Securitas, dont l’action se limite essentiellement aux transports cantonaux et intercantonaux ou aux gardes en milieu hospitalier, aucune doléance n’a été communiquée au Service des commissaires, qui mandate généralement cette entreprise pour diverses missions de surveillance. D’éventuels manquements constatés par la police seraient, selon leur gravité, rapportés à la hiérarchie ou transmis à l’Inspection générale des services.

2.Garanties fondamentales

51.Chiffre 60 : Le Sous-Comité recommande que toutes les personnes détenues soient dûment informées de leurs droits dans une langue qu’elles comprennent, bénéficient de services d’interprétation le cas échéant et se voient assigner un avocat avec lequel elles puissent s’entretenir.

52.Voir la réponse au chiffre 45.

53.Le canton de Zurich indique qu’à l’occasion de l’interrogatoire suivant leur arrestation, les personnes détenues sont informées du motif de leur détention. En outre, elles reçoivent une brochure (disponible en 31 langues) décrivant leurs droits et obligations ainsi que la suite de la procédure. Si la personne détenue ne parle pas l’allemand, on recourt à un∙einterprète pour toutes les auditions avec la police et le ministère public. Si la personne prévenue le souhaite, un∙e avocat∙e de la première heure sera désigné∙e avant le premier interrogatoire de police.

54.La Law Clinic sur les droits des personnes vulnérables de l’Université de Genève a publié une brochure détaillée relative aux droits des personnes en détention provisoire à la prison de Champ-Dollon. Une law clinic ou clinique juridique dans le cadre universitaire réunit des étudiants autour de membres du corps académique afin qu’ils effectuent des travaux juridiques pro bono au service de l’intérêt public, notamment dans le domaine de la justice sociale.

55.Chiffre 62 : Le SPT réitère sa recommandation d’accorder à toute personne privée de liberté les garanties fondamentales, dès le moment de la privation de liberté. L’État partie devrait, en outre, veiller à ce que les informations sur les droits des personnes privées de liberté soient affichées dans les postes de police à des endroits où elles peuvent être lues aisément, et dans les langues appropriées.

56.Voir la réponse au chiffre 45.

57.Le canton de Genève précise que l’appréhension est réglée, au niveau cantonal, par la directive D4 édictée par le Ministère public genevois. Il convient de rappeler que cette phase se veut la plus brève possible et que la suite de la procédure se fonde sur les éléments recueillis. Il n’est dès lors pas prévu de procéder à la communication de ces informations à ce moment-là. Quant aux supports proposés, la communication personnelle et spécifique lors de l’audition semble davantage appropriée.

58.Chiffre 67 : Le SPT recommande à l’État partie de transférer sans délai les personnes placées en détention provisoire et les détenus purgeant une peine dans les établissements appropriés à une détention de plus longue durée, les commissariats devant impérativement retrouver leur vocation de locaux de garde à vue n’excédant pas les 48 heures comme prévu par le CPP.

59.Les autorités vaudoises rappellent la surpopulation dont font l’objet trois de ses six établissements accueillant des personnes en détention avant jugement. En effet, pour ces trois sites, le taux d’occupation varie entre 120 et 170 %. Il convient également de relever que les sites accueillant des personnes en exécution de peines sont exploités à 100 % de leur capacité. En réponse à cette problématique, le canton de Vaud a pris toutes les mesures qui s’imposent, à savoir qu’il a procédé à une planification de développement de nouvelles infrastructures pénitentiaires qui permettra, à l’horizon 2030, de répondre à la recommandation 67 par la création d’environ 400 nouvelles places de détention. La construction d’un nouvel établissement de cette envergure prend toutefois du temps, les délais étant liés aux processus d’acceptation des crédits et de réalisation des nouvelles infrastructures. Dans l’attente de ces nouvelles cellules, l’usage de moyens alternatifs à la détention a été largement développé par le Service pénitentiaire. À titre d’exemple, en matière de travail d’intérêt général (TIG), on est passé de 29 en 2017 à 249 exécutions sous cette forme en 2019. Enfin, il convient de préciser que le taux d’occupation des cellules de police a connu une baisse importante depuis juin 2019. Ainsi, si la moyenne des heures de détention dans les cellules de police était de l’ordre de 215 heures en 2019, elle se situe autour des 41 heures en 2020 (état au 2 juillet 2020).

3.Conditions matérielles

60.Chiffre 73 : Comme indiqué précédemment, le SPT recommande à l’État partie de transférer sans délai les personnes actuellement placées en détention provisoire, et purgeant une peine dans les commissariats de police de Lausanne vers des établissements pénitentiaires appropriés.

61.Voir la réponse des autorités vaudoises à la recommandation figurant au chiffre 67.

62.Chiffre 75 : Le Sous-Comité recommande que des mesures appropriées soient prises pour améliorer les conditions matérielles de l’hôtel de police de Zurich, notamment mettre en place des systèmes d’éclairage naturel, de chauffage, d’accès à l’eau chaude et à une ventilation adéquate.

63.Chaque cellule de la prison de policedispose de toilettes et d’un lavabo avec de l’eau courante froide potable. Les douches ont de l’eau chaude. En outre, toutes les cellules sont équipées d’un grand radiateur réglable individuellement. Comme les fenêtres sont fermées, chaque cellule possède un système de ventilation apportant de l’air frais. L’éclairage des cellules est actuellement optimisé par le remplacement des lampes à économie d’énergie existantes par des lampes LED plus brillantes. De grandes transformations ne seraient plus économiquement viables étant donné que l’actuelle prison de police devrait être remplacée, en avril 2022, par une nouvelle prison située dans le Centre de police et de justice.

4.Examen médical

64.Chiffre 77 : Le SPT recommande que toute personne appréhendée/arrêtée provisoirement ait un droit effectif, dès le début de la privation de liberté, d’être examinée par un médecin indépendant (le cas échéant de son choix). Les résultats de tout examen doivent être consignés et mis à la disposition de la personne détenue et de son avocat.

65.Le Conseil fédéral considère qu’il n’est pas nécessaire que le droit à être examiné par un médecin – y compris un médecin choisi – soit formellement garanti au tout début de la privation de liberté. À cet égard, il faut rappeler que cette question ne relève pas de la procédure pénale à proprement parler mais du droit à la liberté personnelle consacré à l’article 10, alinéa 2, Cst.. Par conséquent, il ne paraît pas opportun de prévoir une disposition spécifique dans le Code de procédure pénale ou ailleurs. S’agissant du libre choix du médecin, celui-ci ne peut être absolument garanti (risque de collusion, accord et disponibilité du médecin, etc.). Voir également la réponse au chiffre 45 sur ce point.

66.Chiffre 81 : Le SPT est d’avis que les traitements médicamenteux devraient être, dans toute la mesure du possible, préparés et distribués par un personnel soignant qualifié.

67.De manière générale et autant que les ressources le permettent, la préparation et la distribution des médicaments sont effectuées par le personnel spécialisé, généralement les membres du service médical de l’établissement de privation de liberté.

68.Le canton de Vaud indique que la préparation des traitements médicamenteux et la gestion du stock (pharmacie) sont de la responsabilité du personnel de santé. Ce même personnel confie au personnel non médical des zones carcérales les médicaments dont la distribution lui sera déléguée ; les infirmiers∙ères s’assurent que le personnel non médical dispose des informations sur le nom des médicaments, les indications génériques, les effets attendus et les effets secondaires possibles. Les infirmiers∙ères veillent également à ce que les médicaments soient accompagnés d’une indication précise et détaillée de l’identité du patient ou de la patiente et du numéro de sa cellule. La procédure est règlementée de manière précise dans un document de délégation élaboré par le Service de médecine et de psychiatrie pénitentiaires.

69.Chiffre 83 : L’hôtel de police de Zurich devrait s’assurer que la cellule d’attente dédiée à l’accueil de détenus malades, a fortiori lors de passages réguliers, donc prévisibles,soit équipée d’un fauteuil, d’un lit, de lumière suffisante, et avoir une température ambiante adéquate.

70.Selon le canton de Zurich, cette recommandation a déjà été mise en œuvre. Dans la prison de police, deux cellules spécialement séparées sont conçues comme salles d’attente.

C.Etablissements pénitentiaires

1.Etablissements dédiés à l’exécution de peines

Régime de vie

71.Chiffre 89 : Rappelant les Règles Mandela, le SPT invite l’État partie à reconsidérer sa position selon laquelle un refus de travail entraîne des sanctions disciplinaires.

72.Le Conseil fédéral rappelle tout d’abord que l’astreinte au travail est limitée, par la loi, aux personnes détenues déjà condamnées exécutant une peine ou une mesure (art. 81 et 90, al. 3, CP) ou en exécution anticipée (art. 236 CPP). La détention provisoire (226 CPP), la détention en vue de l’extradition (art. 47ss EIMP) et la détention administrative (art. 75, 76 et 78 LEI) n’impliquent pas d’obligation de travailler.

73.L’exécution de la peine privative de liberté a notamment pour but général d’améliorer le comportement social de la personne détenue, en particulier sa capacité à respecter la loi (art. 75, al. 1, CP). L’astreinte au travail permet plus spécifiquement de renforcer ses capacités de réinsertion après la libération, notamment dans la vie professionnelle. La personne détenue peut ainsi acquérir des connaissances spécifiques qui pourront lui être utiles dans un cadre professionnel. L’astreinte au travail permet également d’offrir un programme d’occupation, de structurer le quotidien et d’assurer le bon fonctionnement de l’établissement. Selon l’article 81 CP, le travail doit correspondre, autant que possible, aux aptitudes, à la formation et aux intérêts de la personne détenue. L’astreinte au travail existe donc seulement s’il s’agit d’un travail adapté aux capacités physiques et intellectuelles de la personne concernée. Les personnes détenues souffrant d’un handicap physique ou mental peuvent se voir offrir une activité occupationnelle adaptée.

74.Par conséquent, le travail en détention n’a pas de fonction punitive mais prépare et favorise la réinsertion de la personne condamnée de manière adaptée à ses intérêts et aptitudes, au sens des Règles Mandela 96 et 97. Il existe différents types de sanctions disciplinaires, à commencer par l’avertissement (art. 91, al. 2, CP). Dans ce contexte et en rappelant que les compétences dans ce domaine appartiennent aux cantons (art. 91, al. 3, CP et art. 123, al. 2, Cst.), le Conseil fédéral n’envisage pas d’édicter de disposition spécifique dans le Code pénal à ce sujet.

Contacts avec l‘extérieur

75.Chiffre 91 : Le SPT souhaiterait être informé des mesures prises pour améliorer l’accès au téléphone.

76.Pour ce qui est de l’accès au téléphone au JVA Pöschwies, la durée limitée de dix minutes (selon un système de roulement) s’explique pour garantir un accès équitable au seul téléphone d’un groupe résidentiel (24 à 30 personnes détenues). Ce système sera remplacé et permettra d’augmenter le nombre de téléphones à trois dans chaque groupe résidentiel. En conséquence, la durée d’accès au téléphone sera plus importante. Ce projet devrait être réalisé au plus tard durant le premier trimestre 2021.

Quartiers de haute sécurité

77.Chiffre 94 : Le SPT recommande à l’État partie d’envisager d’harmoniser la procédure de placement à l’isolement, si possible par voie législative. Il recommande en outre de garantir que toute décision de mise à l’isolement soit légale, nécessaire, proportionnelle et non discriminatoire. Elle devrait en outre être assortie de garanties juridiques notamment offrir des possibilités de recours, et de réexamen périodique.

78.L’isolement (détention cellulaire) intervient dans trois cas: pour une période d’une semaine au plus au début de la peine et pour en préparer l’exécution ; pour protéger la personne détenue ou des tiers ; ou à titre de sanction disciplinaire (art. 78 CP). Lorsque la mise en détention cellulaire intervient pour des raisons de sécurité (art. 78, let. b, CP) ou en tant que sanction disciplinaire (art. 78, let. c, CP), elle fait l’objet d’une décision susceptible de recours. Une telle décision restreignant les droits fondamentaux, elle doit répondre aux critères de l’article 36 Cst. qui sont l’existence d’une base légale formelle, l’existence d’un intérêt public prépondérant ou la protection d’un droit fondamental d’autrui, le respect du principe de proportionnalité et l’inviolabilité de l’essence des droits fondamentaux.

79.À noter que la feuille d’informations du Concordat de la Suisse centrale et du Nord-Ouest mentionne la procédure et les garanties juridiques (droit d’être entendu, voies de droit, etc.) des personnes placées dans une section sécurisée.

80.Eu égard aux compétences conférées aux cantons en matière d’exécution des peines et mesures (art. 123, al. 2, Cst.), le Conseil fédéral ne prévoit pas de légiférer expressément sur cette question.

Discipline

81.Chiffre 96 : Le SPT souhaite rappeler que la durée maximale d’isolement disciplinaire ne devrait pas excéder 14 jours, qu’il devrait être utilisé uniquement en dernier ressort dans des cas exceptionnels, pour une durée aussi brève que possible, sous contrôle indépendant et uniquement avec l’autorisation d’une autorité compétente. En outre, la sanction disciplinaire ne devrait pas comporter de restrictions concernant les contacts avec les proches (sauf infraction impliquant ces proches).

82.Le canton de Zurich indique que la durée maximale de 20 jours pour les arrêts se fonde sur des bases légales cantonales et concordataires. Il précise à cet égard qu’en pratique, des arrêts allant jusqu’à 20 jours maximum ne sont ordonnés qu’avec beaucoup de retenue et uniquement lors d’infractions disciplinaires très graves et/ou répétées. Dans ce contexte et au vu des bases légales claires, le canton de Zurich ne prévoit pas de changer sa pratique. Les arrêts ont pour but que la personne concernée ne puisse quitter sa cellule que pour la promenade quotidienne et ne bénéficie pas de contacts avec l’extérieur tels que des visites et des congés. Les relations avec les autorités et les défenseurs sont réservées. De même, une prise en charge médicale et sociale est garantie. En outre, des allégements du régime des arrêts peuvent être accordés, si nécessaire, dans des cas particuliers.

83.Les autorités vaudoises sont conscientes de la limite fixée à 14 jours pour l’isolement disciplinaire et des conséquences de son utilisation sur la santé psychique des personnes détenues. D’ailleurs, le Règlement sur le droit disciplinaire du canton de Vaud prévoit une consultation du service médical concernant l’aptitude à purger la sanction d’arrêt prononcée. Il faut toutefois relever que la question de la durée maximale de l’isolement disciplinaire est largement débattue au sein du Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) et du Conseil européen de coopération pénologique (PC-CP). En tous les cas, les très rares situations ayant conduit au prononcé d’une sanction disciplinaire de plus de 14 jours l’ont été suite à des faits très graves. Les sanctions prononcées ne le sont toujours qu’après un examen rigoureux. Par ailleurs, ces rares cas d’application n’ont jamais concerné des personnes souffrant de troubles psychiques préexistants.

84.Chiffres 99 et 100 : Le SPT recommande l’instauration, dans chaque établissement pénitentiaire, d’un registre des sanctions disciplinaires, d’un registre des isolements pour motif de protection, d’un registre des plaintes et recours formés par les détenus qui indique le suivi qui a été accordé à ces plaintes.

85.Le SPT recommande en outre la mise en place d’un système d’analyse statistique à partir des registres informatisés existants, pour permettre un suivi et une analyse systémique des mesures prises.

86.Une majorité des cantons tient un registre des sanctions disciplinaires (voir aussi : Huitième rapport périodique de la Suisse au CAT [CAT/C/CHE/8 ; chiffre 121]).

Détenus sous mesures thérapeutiques (art. 59 CP)

87.Chiffre 102 : Le SPT est d’avis qu’une personne souffrant de troubles psychiatriques, et pour laquelle un traitement institutionnel a été ordonné, devrait être placée et prise en charge dans une structure médicale adaptée, dotée de personnel qualifié.

88.De manière générale, les personnes condamnées à la mesure thérapeutique institutionnelle de l’article 59 CP sont placées dans un cadre spécialisé : centre d’exécution de mesures, clinique de psychiatrie forensique, section spécialisée d’un établissement pénitentiaire, institution ou foyer spécialisés. Concernant le manque de places dans ces structures spécifiques, plusieurs projets d’agrandissement de cliniques forensiques et d’établissements pouvant accueillir des personnes sous le coup d’une mesure sont à l’examen sur les sites de Rheinau (ZH), Wil (SG), Königsfelden (AG), Realta (GR) et Bâle. En ce qui concerne l’exécution dans un cadre fermé (selon l’art. 59, al. 3, CP), des places supplémentaires sont prévues sur le site de Cery (VD), à Curabilis (GE) et en VS (dans le cadre du projet « Vision 2030 »). En outre, un total de 39 places avec un setting sécuritaire léger sont prévues à la clinique Münsterlingen (TG) (19 places) et à la clinique de Wil (SG) (20 places).

89.Au total, plus de 100 places devraient être créées d’ici 2024-2025 ce qui devrait porter, lorsque les projets seront réalisés, à plus de 400 places affectées exclusivement aux besoins des personnes atteintes de troubles psychiques.

90.Lorsque les personnes condamnées à une mesure au sens de l’article 59 CP sont placées dans la section spécifique d’un établissement fermé (en présence d’un risque de fuite ou de récidive), le Code pénal indique expressément que le traitement thérapeutique nécessaire doit être assuré par du personnel qualifié (art. 59, al. 3, CP).

2.Etablissements mixtes dédiés à l’exécution de peines et à la détention préventive

Conditions matérielles

91.Chiffre 106 : Le SPT recommande de s’assurer que :

•Les conditions d’aération et de ventilation de l’ensemble des cellules soient adéquates ;

•Les cellules disciplinaires soient toutes dotées d’un point d’eau, et que l’intimité des détenus soit préservée en excluant les toilettes du champ des caméras de surveillance.

92.S’agissant des conditions matérielles de détention à la prison régionale de Berne, le canton de Berne indique que la construction de nouveaux établissements et les rénovations font partie d’une stratégie globale pour les quinze prochaines années. Au total, le canton a l’intention d’investir 580 millions de francs dans la modernisation des infrastructures du système pénitentiaire. L’entretien et l’adaptation de la prison régionale de Berne, en réduisant le nombre de places de détention de 126 à 70, sont estimés à environ 13 millions de francs et devront être réalisés dans la phase 2. Tant que les mesures d’entretien n’auront pas été mises en œuvre, aucun changement majeur ne sera apporté à la structure du bâtiment.

93.Concernant la qualité de l’air, divers travaux de transformation ont été entrepris. Ainsi, le système de ventilation a été complété par un système d’humidification. En outre, tous les clapets de ventilation ont été remplacés afin d’obtenir une meilleure circulation de l’air. Par ailleurs, la situation est suivie par les responsables de la prison et il est constamment évalué si des mesures à court terme doivent être prises.

94.Pour ce qui est de l’absence d’accès direct à l’eau et du manque d’intimité dans les cellules disciplinaires, un changement n’est pas prévu avant les mesures d’entretien planifiées. En outre, la situation actuelle s’explique par des considérations sécuritaires. En effet, les zones verrouillables dans une cellule peuvent, par exemple, ralentir l’intervention du personnel en cas de tentative de suicide. Cela étant, la vue vidéo de la zone sanitaire dans les cellules disciplinaires de la prison régionale de Berne est pixélisée. De même, s’il y avait un raccordement à l’eau dans la cellule, il existerait un risque élevé que les canalisations soient bouchées et que les cellules soient inondées, ce qui pourrait mettre en danger la personne détenue. Les personnes se trouvant dans les cellules disciplinaires peuvent toutefois, en tout temps, demander de l’eau et en recevoir en quantité suffisante.

Régime de vie

Détenus en application du droit pénal

95.Chiffre 108 : Le SPT recommande qu’à moins qu’une autorité judiciaire n’ait, dans un cas individuel, prononcé, en application du principe de nécessité et de proportionnalité, une interdiction spécifique pour une période donnée, les prévenus puissent recevoir des visites et être autorisés à communiquer avec leur famille et d’autres personnes dans les mêmes conditions que les détenus condamnés. Le SPT est d’avis que le respect du droit d’avoir des contacts avec leurs proches est particulièrement important pour les prévenus au regard du principe de la présomption d’innocence, ainsi que du droit à la liberté privée, et à la vie de famille.

96.L’article 235 CPP règle les aspects relatifs aux contacts avec l’extérieur des personnes prévenues. Cette disposition prévoit notamment que « la liberté des prévenus en détention ne peut être restreinte que dans la mesure requise par le but de la détention et par le respect de l’ordre et de la sécurité dans l’établissement » (al. 1). Selon l’alinéa 2, « tout contact entre le prévenu en détention et des tiers est soumis à l’autorisation de la direction de la procédure. Les visites sont surveillées si nécessaire ». De manière générale, sauf en cas de non-respect de l’ordre et la sécurité du lieu de détention ainsi que l’existence d’un risque pour la procédure (notamment risque de collusion), les personnes prévenues bénéficient de visites ou peuvent communiquer (téléphone, Skype, courrier) avec leurs proches. D’après la jurisprudence du Tribunal fédéral, il existe un droit pour les personnes en détention provisoire de bénéficier de ces visites pour autant que les circonstances le permettent (absence de risque de collusion entre autres ; si nécessaire au moyen de visites surveillées).

Détenus en application du droit administratif (droit des étrangers)

97.Chiffre 109 : Le SPT est très préoccupé par la détention dans des établissements pénitentiaires de ressortissants étrangers faisant l’objet de mesures de contrainte pour des durées relativement longues.

98.Dans les années 2017 à 2019, la durée moyenne de la détention administrative faisant l’objet de mesures relevant du droit des étrangers était inférieure à un mois (28 jours). Les personnes détenues pendant six mois ou plus étaient l’exception (moins de 3 % des cas).

99.Chiffre 110 : À la prison régionale de Berne, les détenus administratifs devaient en principe être exclusivement hébergés dans un étage dédié, mais certains étaient placés dans les étages dédiés à la détention pénale.

100.Le canton de Berne a reconnu la nécessité d’agir dans le domaine de la détention administrative et prévu ou déjà mis en œuvre des mesures appropriées en collaboration avec les autorités responsables. Depuis le 1er juillet 2018, l’Office de l’exécution judiciaire gère la prison régionale de Moutier en tant qu’établissement spécialisé dans l’exécution des mesures de contrainte relevant du droit des étrangers ; la prison compte 28 places. Depuis le 1er septembre 2019, la prison régionale de Berne sert exclusivement d’unité d’accueil et de transit dans le domaine de la détention administrative. Le séjour y est limité à quatre jours au maximum. Les onze places de détention de la prison de Berne forment un groupe d’habitation avec des heures d’ouverture plus longues des cellules.

101.Chiffre 111 : Les détenus administratifs avaient un régime « porte ouverte » limité entre 7h30 et 11h, puis de 18h30 à 20h, et seulement une heure de promenade par jour. En zone de détention pénale, ils étaient soumis à un régime « porte fermée ». Une occupation leur était proposée (emballage, aide en cuisine, et diverses tâches internes).

102.Parmi ses priorités, le canton de Berne travaille à la mise en œuvre de la séparation des types de détention. Il a institué l’instrument de coordination nécessaire à cet effet début 2019, sous la forme de la Centrale de coordination de la détention. La désimbrication des types de détention dans toutes les prisons régionales du canton de Berne offre à la prison régionale de Berne de nouvelles options. Elle lui permettra d’allonger les heures d’ouverture des cellules et par conséquent de réduire la durée du régime fermé et d’augmenter la liberté de mouvement des détenus.

103.Chiffre 112 : À la prison de l’aéroport de Zurich, les détenus administratifs (principalement des étrangers en attente d’un renvoi) avaient un régime porte ouverte de 8h à 17h les lundi, mardi, jeudi et vendredi, et seulement de 9h30 à 11h30 et de 13h30 à 15h30 les week-ends et jours fériés. Le mercredi, les portes restaient fermées. Seules 60 places de travail étaient disponibles, occupées à tour de rôle (blanchisserie). Une salle de sport était accessible deux fois par semaine, pendant une heure. Aucune visite n’était possible les week-ends et jours fériés.

104.La division dédiée à l’exécution des mesures de contrainte relevant du droit des étrangers, à la prison de l’aéroport, accueille exclusivement des personnes frappées par ces mesures. Elle ne les mélange pas avec les personnes exécutant une peine, en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, qui se trouvent dans une division complètement séparée.

105.Au moment de la visite du SPT, de gros travaux de transformation étaient réalisés dans la division d’exécution des peines, de sorte qu’un étage de la division de détention administrative était occupé par des personnes purgeant une peine. Les différentes formes de détention étaient toutefois bien séparées (les promenades des personnes incarcérées avaient par exemple lieu dans la cour de la division d’exécution pénale). Ces travaux sont maintenant terminés depuis longtemps et les différentes formes de détention bénéficient de bâtiments séparés comme par le passé.

106.Grâce à la séparation claire des formes de détention, les personnes en détention administrative relevant du droit des étrangers jouissent d’un régime d’exécution nettement plus libéral que les autres détenus. Le canton de Zurich reconnaît toutefois qu’il existe un potentiel d’optimisation et prend très au sérieux la demande d’une institution spéciale pour la détention administrative. En conséquence, le Conseil d’État zurichois a approuvé une stratégie d’implantation qui prévoit notamment la suppression de la division d’exécution pénale et la réalisation d’un centre dédié exclusivement à la détention administrative. L’utilisation de la prison de l’aéroport de Zurich pour la seule détention administrative augmente l’offre de places et permet de libéraliser et d’affiner plus encore le régime de détention. La réalisation du centre dédié exclusivement à la détention administrative relevant du droit des étrangers est prévue pour la fin du premier semestre de 2021.

107.Chiffre 113 : Le Sous-Comité rappelle que :

•La détention en attente de renvoi ne peut être qu’une mesure de dernier ressort, et devrait être proportionnelle ;

•Les personnes faisant l’objet de mesures de contrainte en matière de droit sur les étrangers ne devraient pas être hébergées en milieu carcéral mais dans des centres spécifiquement conçus à cet effet ;

•Les personnes placées en détention administrative ne devraient pas être soumises à des restrictions plus importantes que ne le justifie leur statut ; l’article 81 al. 2 de laLoi sur les étrangers et l’intégration (« LEI ») précise que les personnes placées en détention administrative ne doivent pas, dans la mesure du possible, être regroupées avec des personnes en détention avant jugement ou des personnes emprisonnées pour des raisons pénales.

108.Ad point 1 : Les mesures de contrainte ordonnées en vertu du droit des étrangers relèvent de la compétence des cantons. Ce sont eux qui décident, au cas par cas, de l’adéquation, de la nécessité et de l’exigibilité des mesures en question. La détention doit ce faisant être considérée comme une mesure de dernier ressort et elle doit être proportionnée. Les tribunaux cantonaux des mesures de contrainte, compétents en la matière, examinent la légalité et l’adéquation de la détention administrative relevant du droit des étrangers conformément aux dispositions des articles 80 et 80a LEI.

109.Ad points 2 et 3 : L’article 81, alinéa 2, LEI a été modifié au 1er juin 2019 et prévoit depuis que la détention a lieu dans un établissement servant à l’exécution de la détention administrative relevant du droit des étrangers. Quand ce n’est exceptionnellement pas possible, notamment pour des raisons de capacités, les étrangers doivent être détenus séparément des personnes en détention préventive ou purgeant une peine. L’article 82, alinéa 1, LEI permet à la Confédération de financer tout ou partie de la construction et de l’aménagement des établissements cantonaux de détention, à condition qu’ils servent exclusivement à l’exécution de mesures administratives relevant du droit des étrangers.

3.Soins de santé dans les établissements pénitentiaires

110.Chiffre 119 : Le SPT recommande :

•La tenue d’un registre des constats lésionnels et des allégations de violences pour permettre une analyse systémique du phénomène ;

•Que la distribution des traitements médicamenteux soit assurée dans toute la mesure du possible par un personnel soignant ;

•D’établir des protocoles de prise en charge individualisée et de réhabilitation psycho-sociale pour tous les détenus souffrant de troubles mentaux, a fortiori s’ils sont placés en isolement.

111.Pour ce qui est des registres, comme déjà indiqué aux chiffres 99 et 100, les pratiques cantonales peuvent différer. De manière générale, en présence d’allégations de mauvais traitements ou de violence, la personne détenue peut être soumise à un examen médical dont les résultats seront documentés et donneront lieu, en cas de violence avérée, à une plainte.

112.S’agissant de la distribution des médicaments, le Conseil fédéral renvoie à la réponse qu’il a donnée au chiffre 81.

113.Un plan d’exécution de la sanction pénale (art. 75, al. 3, et 90, al. 2, CP) est rédigé pour chaque personne exécutant une sanction pénale, c’est-à-dire y compris pour les personnes souffrant d’un trouble mental, qu’elles se trouvent en exécution d’une peine ou d’une mesure et également si elles sont placées en isolement. Le plan est établi en collaboration avec la personne concernée et porte sur différents points liés à l’exécution : assistance, prise en charge thérapeutique, possibilités de formation, préparation à la libération, etc. Il comporte également les objectifs et conditions des différentes phases vers des ouvertures progressives avant la libération. Ce plan est adapté de manière régulière afin de tenir compte de l’évolution de la personne. De plus, concernant les personnes condamnées à une mesure thérapeutique ou à un internement (art. 59, 60, 61, 63 et 64 CP), le Code pénal prévoit un examen régulier de leur situation (libération conditionnelle ou levée de mesure), au moins une fois par année (art. 62d, al. 1, 63a, al. 1, et 64b, al. 1, CP). Le plan d’exécution de la sanction pénale tout comme les examens en vue de la libération conditionnelle ou de la levée de la mesure permettent de tenir compte des changements intervenus chez la personne détenue.

4.Etablissements de détention administrative (centres de rétention pour migrants) – Centre concordataire de Frambois et établissement fermé de Favra (canton de Genève)

Garanties

114.Chiffre 125 : Le SPT souhaite obtenir des clarifications de la part de l’État partie, concernant la prise en compte, dans l’imposition de peines d’emprisonnement, des périodes de détention précédentes de nature administrative ou pénale. Il souhaiterait également obtenir des clarifications de l’État partie, concernant les mesures éventuelles prises afin d’éviter le cumul des détentions.

115.La durée maximale de la détention administrative relevant du droit des étrangers est de six mois en vertu de l’article 79, alinéa 1, LEI. L’article 79, alinéa 2, LEI permet de la prolonger de douze mois au plus à certaines conditions et avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale. Cela correspond aux consignes de la directive européenne sur le retour. La durée maximale de détention de 18 mois concerne exclusivement la détention administrative relevant du droit des étrangers. Elle n’englobe pas la détention au titre de l’exécution d’une peine, par exemple à la suite d’une condamnation pour infraction aux dispositions de l’article 115 LEI. Cela s’explique par le fait qu’une condamnation pénale poursuit d’autres buts que la détention administrative. Le droit pénal vise à protéger la société des auteurs d’infraction, tandis que la détention administrative relevant du droit des étrangers est ordonnée en vue de l’exécution de la procédure de renvoi ou pour garantir l’exécution du renvoi ou de l’expulsion. La législation suisse n’exclut en principe pas le cumul d’une détention administrative et d’une détention dans le cadre de l’exécution d’une peine.

116.Chiffre 126 : Le SPT rappelle que la détention des migrants en situation irrégulière ne devrait être qu’une mesure de dernier recours.

117.L’article 115 LEI a été modifié au 1er juin 2019 afin qu’une peine privative de liberté ne puisse plus être prononcée ou exécutée seulement en raison d’un séjour illégal, lorsqu’une procédure de renvoi est en cours ou doit être ouverte. Cette modification s’explique par la jurisprudence du Tribunal fédéral sur la poursuite pénale pour séjour illégal d’étrangers dont la procédure de renvoi est en cours. La jurisprudence du Tribunal fédéral repose sur celle de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) concernant la directive sur le retour. Selon elle, « la ‘directive retour’ s’oppose à une législation nationale qui impose une peine d’emprisonnement à un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier au cours de la procédure de retour ». Une procédure de renvoi en cours ne devrait pas être empêchée par une peine privative de liberté prononcée et exécutée uniquement en raison d’un séjour illégal. C’est pourquoi l’autorité compétente est en droit, depuis, de renoncer à une poursuite pénale, un renvoi devant le juge ou le prononcé d’une peine à l’encontre des personnes qui sont entrées en Suisse ou en sont sorties ou qui y séjournent illégalement lorsqu’une procédure de renvoi ou d’expulsion est pendante (art. 115, al. 4, LEI). Le prononcé et l’exécution d’une peine privative de liberté ne sont possibles – conformément à la jurisprudence de la CJUE – que lorsque la personne concernée est à nouveau entrée en Suisse en violation d’une interdiction d’entrée ou lorsque, par son comportement, elle a empêché l’exécution du renvoi ou de l’expulsion (art. 115, al. 6, LEI). Une incarcération en vertu de l’article 115 LEI n’est depuis plus possible que dans des cas exceptionnels.

Régime de vie

118.Chiffre 131 : Le SPT recommande d’accorder aux détenus un large accès à un espace extérieur en plein air, et d’élargir et diversifier la palette d’activités proposées.

119.Le canton de Genève indique que l’heure de promenade est a minima une heure par jour. Elle est cependant souvent prolongée en fonction de la météo et de la disponibilité du personnel. C’est le manque de disponibilité du personnel qui a par ailleurs conduit les autorités à limiter, dans la mesure du possible, les séjours à Favra à trente jours (la moyenne d’un séjour en 2019 était de 18 jours).

Soins de santé

120.Chiffre 136 : Le SPT est d’avis que la présence régulière d’un psychologue dans chacun des établissements apporterait un soutien psychologique utile.

121.Selon le canton de Genève, les personnes détenues ont accès à un soutien psychologique à leur demande ou selon l’estimation du personnel et/ou des médecins. La demande reste cependant très sporadique. Sans en minimiser la gravité, il convient par ailleurs de préciser que le personnel met tout en œuvre pour prévenir les actes auto-agressifs, entre autres au travers de la qualité des relations relevée par le SPT. La survenance et la gravité de certains actes auto-agressifs doivent cependant être pondérées à la lumière de la volonté de plusieurs personnes détenues de se soustraire au renvoi de Suisse.

Personnel

122.Chiffre 138 : Le SPT rappelle à l’État partie que le personnel de surveillance des centres de détention administrative doit faire l’objet d’une sélection particulièrement rigoureuse, et bénéficier de formations adéquates, vu la nature sensible des tâches qui leur incombe.

123.La Direction générale de l’Office cantonal de la détention du canton de Genève a mis en œuvre une politique de recrutement et de formation ambitieuse sur le moyen et long terme, y compris en matière de formation continue. En outre, les agents de Frambois sont intégrés progressivement dans la formation de base et initiale, le but étant qu’ils suivent les cours pour acquérir le brevet fédéral d’agent de détention. Le rappel du SPT soutient cette démarche.

124.La formation de base en vue de l’obtention du brevet fédéral d’« Agent∙e de détention » a pour but de transmettre les compétences opérationnelles essentielles à l’exercice d’une activité professionnelle dans les établissements de privation de liberté. Les cantons sont compétents pour le recrutement du personnel et pour décider de l’inscription à la formation de base. La Formation de base n’est pas spécifique pour le personnel travaillant dans des centres de détention administrative mais transmet toutes compétences nécessaires pour y travailler. Cette formation se structure autour de cinq thèmes généraux : personnel en privation de liberté (compétences transversales) ; de l’appréhension à la libération ; accompagnement et encadrement : en unité de vie et de travail ; groupes spéciaux de personnes détenues avec des besoins spécifiques ; sécurité et prévention ; santé et prévention.

125.Dans le cadre de la formation, les principaux traités internationaux pertinents tout comme les différentes bases légales nationales sont régulièrement abordés. Plus spécifiquement s’agissant de la situation des personnes en détention administrative, un module de la formation de base traite spécifiquement de cette thématique sous les angles suivants : aspects juridiques spécifiques ; spécificités, vulnérabilités (somatiques et psychologiques) et besoins correspondants des personnes en détention administrative ; principaux sujets de stress d’une personne en détention administrative ; offres d’accompagnement et de prise en charge ; compétences de l’agent∙e de détention pour pouvoir travailler avec des personnes en détention administrative ; comportements et attitudes à adopter pour pouvoir travailler avec des personnes en détention administrative. Une autre thématique concernant les personnes étrangères détenues est également travaillée avec des sujets centraux comme les compétences interculturelles, les préjugés, les stéréotypes, le racisme et la religion.

126.Chiffre 139 : Le SPT est également d’avis que la présence d’un assistant social au Centre de Favra, de la même manière qu’il en existe un au Centre de Frambois, serait utile afin d’informer les résidents sur leur situation juridico-administrative.

127.Le canton de Genèvre indique que la recommandation du SPT est dûment notée, en précisant que la Directrice adjointe de l’établissement est au bénéfice d’un diplôme d’assistante sociale et qu’elle a exercé cette activité durant de nombreuses années dans le domaine pénitentiaire. Les personnes détenues ne sont donc pas dénuées de tout soutien social à Favra.

5.Question des renvois forcés

128.Chiffre 140 : Les renvois de niveau 4 (vols spéciaux) sont monitorés par la CNPT. De l’avis du SPT, c’est une bonne pratique et qui devrait être maintenue.

129.Le Conseil fédéral est également d’avis que le monitoring de l’exécution des renvois en vertu de la législation sur les étrangers par la CNPT et le dialogue que les autorités entretiennent avec la CNPT à ce sujet contribuent grandement à l’optimisation des rapatriements forcés. Dans son dernier rapport public, datant de juillet 2020, la CNPT a attesté du comportement professionnel et respectueux des autorités d’exécution à l’égard des personnes rapatriées.

130.Chiffres 141 et 142 : En revanche, concernant les renvois de niveau 3 (renvois forcés sur vol de ligne) qui ne sont pas monitorés par la CNPT, la délégation a reçu plusieurs allégations d’usage disproportionné de la force et de la contrainte, notamment des entraves trop serrées, attachées dans le dos, ainsi qu’une technique visant à appuyer fortement sur la pomme d’Adam pour empêcher le détenu de crier. Les personnes y seraient davantage exposées lors de renvois successifs infructueux.

131.Le SPT considère que les pratiques décrites pour le niveau 3, si elles sont avérées, ne sont pas acceptables et pourraient être apparentées à des mauvais traitements.

132.Le Conseil fédéral signale qu’en vertu de l’article 28 de l’ordonnance relative à l’usage de la contrainte et de mesures policières dans les domaines relevant de la compétence de la Confédération, les moyens de contrainte prévus pour les rapatriements de niveau 3 sont les mêmes que pour les rapatriements de niveau 4 (vols spéciaux). Aussi lors de rapatriements escortés par la police à bord des vols de ligne, l’éventuel recours à des moyens de contrainte dépend toujours du comportement des personnes rapatriées et des circonstances concrètes. Toutes les techniques lourdement préjudiciables à la santé des personnes concernées, en particulier celles qui entravent les voies respiratoires, sont interdites.

133.Chiffre 143 : Le SPT recommande à l’État partie de considérer le monitoring des renvois de niveau 3 par des observateurs tels que la CNPT.

134.La CNPT a décidé en octobre 2019 d’observer aussi ponctuellement les rapatriements escortés par la police à bord de vols de ligne. Dans ce cadre, elle entend mettre l’accent sur les transports entre les cantons et l’aéroport et l’organisation au sol à l’aéroport. La recommandation du SPT a donc déjà été mise en œuvre.

6.Centres fédéraux pour requérants d’asile

135.Chiffre 146 : Le SPT ne juge pas ici opportun de se prononcer sur la question de savoir si les séjours dans de tels centres constituent une restriction à la liberté de mouvement, ou une privation de liberté, au sens de l’article 4, alinéa 2 du Protocole facultatif. Toutefois, le SPT souligne que les demandeurs d’asile ne sauraient être hébergés dans un environnement assimilable à une détention, et recommande que les centres pour requérants d’asile soient visités périodiquement par des mécanismes indépendants, y compris la CNPT.

136.Pour pouvoir conduire la procédure d’asile à la fois rapidement et équitablement, il est indispensable que les requérants d’asile, pendant la durée de leur séjour dans les centres de la Confédération, soient à la disposition des autorités pour les différentes étapes de ladite procédure (auditions par exemple). Ces centres ne sont pas des établissements fermés et le séjour dans ces centres ne consiste pas en une privation de liberté. Lorsque la présence des requérants d’asile n’est pas requise par la procédure, ils peuvent les quitter durant les heures de sortie (art. 17 de l’ordonnance du DFJP relative à l’exploitation des centres de la Confédération et des logements dans les aéroports). Les heures de sortie doivent être réglementées pour assurer la bonne cohabitation dans les centres de la Confédération et dans les communes où ils sont situés. Elles sont convenues entre les acteurs concernés, à savoir les communes d’implantation, les cantons et les représentants de la société civile. À la suite de la restructuration du domaine de l’asile, entrée en vigueur le 1er mars 2019, l’ordonnance du DFJP a été entièrement remaniée. Depuis, le SEM peut autoriser des heures de sortie plus longues lorsque des raisons majeures le justifient. Il peut aussi convenir d’heures de sortie plus longues avec les communes où les centres de la Confédération sont situés. Cette possibilité est utilisée dans la pratique.

137.Il faut signaler enfin que l’accès à une assistance spirituelle et à des conseils juridiques et une représentation légale est garanti dans les centres de la Confédération. Il s’agit d’acteurs indépendants qui peuvent à tout moment communiquer leurs observations critiques au SEM. De plus, la CNPT rend visite régulièrement et de manière inopinée aux centres fédéraux pour s’assurer qu’ils respectent les droits de l’homme. Le HCR visite lui aussi les centres de la Confédération régulièrement et leur fait des recommandations.

VI.Mesures de traitement thérapeutique institutionnel et internement

A.Cadre juridique

138.Chiffres 156 à 159 : S’agissant spécifiquement de l’article 64 al. 1bis du CP, le SPT :

•Rappelle que pour qu’une peine à perpétuité demeure compatible avec l’article 5 CEDH, il doit exister à la fois une réelle perspective de libération et une possibilité de réexamen approfondi ;

•Émet de sérieux doutes quant à la possibilité d’établir un pronostic médical d’incurabilité à vie et de dangerosité psychiatrique, criminologique et sociale permanente. S’agissant du comportement à venir d’un condamné, la prédiction est par nature aléatoire et incertaine avec un important risque d’erreur. Priver de liberté à vie, sur des bases aussi peu consistantes, pourrait poser de sérieux problèmes de légalité.

139.En conséquence, le SPT recommande à l’État partie de revoir l’art 64 al. 1bis à la lumière de ces observations et d’examiner l’opportunité de son abrogation.

140.L’initiative populaire « Internement à vie pour les délinquants sexuels ou violents jugés très dangereux et non amendables » a été introduite à l’article 123a Cst. et concrétisée à l’article 64, alinéa 1bis, CP. Ces deux dispositions prévoient que seuls des délinquants extrêmement dangereux, présentant un risque très élevé de récidive et non amendables peuvent être internés à vie. Il est, en outre, nécessaire que deux expertises psychiatriques concluent à la dangerosité et à la non-amendabilité durable de l’auteur. L’internement à vie est ainsi destiné à des auteurs très dangereux. Cela explique que le législateur ait prévu cette sanction pénale comme ultima ratio et qu’aujourd’hui, une seule personne purge cette sanction. Par ailleurs, la jurisprudence récente du Tribunal fédéral en la matière confirme que cette disposition pénale ne peut être appliquée que dans un nombre très limité de cas. Le Tribunal fédéral a déterminé que seules les personnes qui ne sont pas accessibles à un traitement de leur vivant peuvent être internées à vie.

B.Visites de terrain : Clinique psychiatrique de Rheinau

141.Chiffre 175 : Le SPT souhaite souligner en préambule que les détenus souffrant de troubles psychiatriques devraient en toutes circonstances être pris en charge par un personnel qualifié et en nombre suffisant pour leur apporter l’assistance et les soins requis, dans un environnement adapté, qu’il s’agisse d’unités spécialisées au sein d’un établissement hospitalier ou pénitentiaire.

142.Par rapport aux personnes condamnées à une mesure, notamment l’article 59 CP, voir la réponse au chiffre 102.

143.Pour les personnes souffrant de troubles mentaux en exécution d’une peine privative de liberté, celles-ci disposent des mêmes droits que les autres patients si ce n’est le libre-choix du médecin. Les établissements pénitentiaires ont notamment le devoir de régler la prise en charge thérapeutique des personnes détenues et de prévoir des solutions pour le cas où une hospitalisation psychiatrique s’avèrerait nécessaire. Il est, en particulier, conseillé d’assurer une prise en charge par du personnel spécialisé et formé spécifiquement en psychiatrie/psychothérapie.

144.Chiffre 177 : Le SPT encourage l’État partie à augmenter le nombre de places dédiées à la prise en charge des condamnés sous mesure thérapeutique au sein d’infrastructures adaptées et souhaite être informé des décisions prises à cet égard.

145.Comme indiqué dans la réponse au chiffre 102, différents projets sont en cours afin d’augmenter le nombre de places dédiées aux personnes condamnées à une mesure.

146.Chiffre 179 : Le SPT, ayant à l’esprit la règle Mandela n° 109 al. 1 considère que l’État partie devrait revoir la situation des internés en profondeur et adapter la législation et les réponses institutionnelles en conséquence.

147.À la lumière de la règle Mandela 109 ch. 1, il sied de rappeler que les personnes internées peuvent également tomber sous le coup de cette sanction sans présenter de troubles mentaux ou être irresponsables mais présenter un risque de récidive élevé pour des infractions particulièrement graves (art. 64, al. 1, let. a, CP). Les personnes internées peuvent recevoir des soins psychothérapeutiques et exécuter leur sanction dans un hôpital psychiatrique ou une institution spécialisée comme le prévoit l’article 64, alinéa 4, CP, pour autant que la sécurité publique soit garantie.

148.Chiffres 181 et 182 : Le SPT recommande que la reconduite d’une mesure thérapeutique soit fondée sur un examen approfondi de sa nécessité et de sa proportionnalité, en prenant dûment en compte les progrès thérapeutiques réalisés par l’intéressé(e). Le SPT recommande en outre qu’aux fins de la procédure, les détenus soient systématiquement entendus par les autorités cantonales pertinentes avant la reconduction de la mesure; et qu’ils soient systématiquement assistés d’un avocat.

149.La même recommandation vaut pour le réexamen des internements.

150.La prolongation d’une mesure thérapeutique institutionnelle est limitée dans le cas des articles 60 et 61 CP. S’agissant de la mesure thérapeutique institutionnelle de l’article 59 CP, celle-ci peut, en théorie, être reconduite indéfiniment (art. 59, al. 4, CP). Cette possibilité existe quand la personne condamnée ne remplit pas les conditions d’une libération conditionnelle au terme de la durée légale de la mesure. Lors de l’examen de la libération conditionnelle, la personne concernée est entendue, un rapport thérapeutique est demandé au thérapeute, une expertise psychiatrique peut être requise et une commission spécialisée interdisciplinaire peut être consultée (art. 62d CP). Par ailleurs, en cas de prolongation de la mesure, cette décision est prise par un tribunal et non par l’autorité d’exécution. On peut partir du principe que dans une telle procédure, l’audition de la personne par le juge s’impose.

151.Pour ce qui est de l’internement, celui-ci n’est pas limité dans le temps. De ce fait, on ne peut pas parler de prolongation puisque l’internement dure tant qu’il n’y a pas été mis fin par la libération conditionnelle ou le prononcé d’une mesure thérapeutique institutionnelle (art. 64a et 64b CP). L’examen de la libération conditionnelle implique l’audition de l’auteur, un rapport de l’établissement, le préavis de la commission spécialisée et une expertise psychiatrique (art. 64b, al. 2, CP). Dans le cas du prononcé d’une nouvelle mesure thérapeutique institutionnelle, le tribunal doit fonder sa décision sur une expertise psychiatrique préconisant le prononcé de cette mesure. La CourEDH a, par ailleurs, récemment indiqué, dans une affaire touchant la Suisse, que les expertises doivent être actuelles sans pour autant fixer une « durée de validité ».

152.À noter encore que dans le cadre du Train de mesures « Exécution des sanctions », dont la consultation s’est terminée en automne 2020, le Conseil fédéral propose que le rôle des tribunaux soit renforcé dans le cadre de la prolongation, la levée ou le changement d’une mesure.

153.Chiffres 184 et 185 : Le SPT estime, par principe, et comme le prévoit le Code civil suisse, qu’un traitement médicamenteux, hors circonstances exceptionnelles ne devrait être administré que sur une base volontaire explicite et dûment documentée

154.Le SPT est d’avis qu’en application du principe d’équivalence des soins, il n’y a pas de raison de s’affranchir de telles conditions, cumulativement, pour ce qui est des personnes détenues, y compris celles condamnées à des mesures thérapeutiques.

155.En effet, en vertu du principe d’équivalence, les personnes incarcérées doivent bénéficier de conditions de vie aussi proches que possible des conditions de vie ordinaires (art. 75, al. 1, CP). S’agissant de la médication forcée, par exemple pour des personnes détenues souffrant de graves troubles mentaux, l’Académie Suisse des Sciences Médicales a rappelé que l’application de mesures de contraintes médicalement indiquées en milieu pénitentiaire obéit aux mêmes principes que ceux en vigueur pour le reste de la population.

156.Chiffre 187 : Le SPT est d’avis que les règles applicables au traitement sans consentement et du Code civil pourraient être appliquées aux détenus sous mesures thérapeutiques, par analogie; Le SPT serait très intéressé par les commentaires de l’État partie à ce sujet.

157.Le Conseil fédéral renvoie à sa réponse aux chiffres 184 et 185. S’agissant du traitement sans consentement, on rappellera qu’en tant que limitation des droits fondamentaux, il est impératif que celui-ci remplisse les conditions de l’article 36 Cst. (existence d’une base légale formelle et d’un intérêt public prépondérant ou protection d’un droit fondamental d’autrui, respect du principe de proportionnalité et inviolabilité de l’essence des droits fondamentaux). L’article 434, alinéa 1, CC reprend ces conditions (présence d’un intérêt prépondérant, respect du principe de proportionnalité) et prévoit celle de l’absence de capacité de discernement.

VII.Autres questions

A.Actes délégués à des sociétés privées

158.Chiffre 190 : Le SPT rappelle que, lorsque des situations liées à l’encadrement ou au convoyage de détenus sont contractées, ou autrement déléguées à des acteurs privés, les obligations qui incombent à l’État partie au titre du Protocole facultatif continuent de produire leurs effets, si bien que celui-ci serait responsable de tout manquement au Protocole facultatif, qui serait commis contre des personnes privées de leur liberté à son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite.

159.Les cantons ont délégué certaines tâches relatives au transport de personnes détenues à un prestataire de services de sécurité privée. Le transport est effectué selon des règles strictes et se limite aux personnes qui ne présentent pas de risque connu pour elles-mêmes ou pour autrui. L’autorité cantonale qui mandate le transport est responsable de l’évaluation du risque. Les personnes présentant un danger potentiel sont soit accompagnées par la police dans le cadre d’un transport spécial, soit transportées par la police elle-même.

160.Le prestataire de services de sécurité privée ne transporte que des personnes dont la liberté a été préalablement restreinte par les autorités. De plus, il est également interdit au prestataire de services de recourir à la violence. À cet égard, les organes de sécurité de l’État continuent à disposer des compétences exclusives qui leur sont conférées et il n’y a pas de délégations de celles-ci au prestataire de services de transport.

161.L’hébergement des requérants d’asile et la sécurité régnant dans les centres de la Confédération relèvent de la responsabilité du SEM. Les entreprises qui s’occupent de l’encadrement et de la sécurité travaillent sur mandat du SEM et sont placées sous sa surveillance. En cas de dommage, c’est la loi sur la responsabilité qui s’applique (responsabilité causale). Les tiers lésés par des collaborateurs des entreprises chargées de l’encadrement et de la sécurité (par exemple des requérants d’asile) ne subissent donc aucun inconvénient du fait que le SEM recourt à pareilles entreprises, dont les collaborateurs ont les mêmes devoirs que les employés de la Confédération.

162.Les collaborateurs des entreprises chargées de l’encadrement et de la sécurité sont formés, surveillés et contrôlés par le SEM. Une formation professionnelle, une expérience et la fréquentation de cours de formation continue sont des critères décisifs pour le recours à ce personnel. Les collaborateurs assurant la sécurité ne peuvent en outre être engagés qu’avec l’approbation du SEM.

163.Enfin, les entreprises qui s’occupent de l’encadrement des requérants d’asile dans les centres de la Confédération et qui y assurent la sécurité (services de conciergerie et de surveillance en particulier) n’exercent aucune fonction régalienne. L’usage de la contrainte ne leur est autorisé qu’en cas de légitime défense ou d’urgence et dans le cadre du règlement intérieur. Les collaborateurs de ces entreprises n’ont pas plus de droits que le citoyen lambda.

B.Frais de santé des personnes détenues

164.Chiffre 196 : Le SPT souhaite recevoir des informations complémentaires de l’État partie sur cette question et l’engage à garantir à la population pénale sur l’ensemble du territoire, un accès aux soins et aux services nécessaires sans frais.

165.Le Centre suisse de compétence pour les droits humains et la CNPT ont tous deux traité cette thématique. Ni les obligations de la Suisse en vertu du droit international ni les dispositions constitutionnelles n’empêchent une participation aux coûts de la santé de manière modérée pour les personnes détenues. La participation aux coûts doit être proportionnée et l’accès à des soins adéquats ne doit pas être retardé ou rendu impossible. Une participation aux coûts de la santé adaptée aux circonstances financières spécifiques, dénuée d’effet prohibitif et donc fondamentalement indépendante des événements, semble admissible. Au niveau politique, une discussion est actuellement en cours sur l’opportunité d’introduire une obligation de couverture à l’assurance maladie pour les personnes détenues et sur la manière dont leur participation aux coûts peut être définie, en tenant compte du principe de normalisation et du principe d’égalité de traitement.