Nations Unies

CAT/OP/CHL/1/Add.1

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

16 mai 2017

Français

Original : espagnol

Anglais, espagnol et français seulement

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Visite au Chili du 4 au 13 avril 2016 : observations et recommandations adressées à l’État partie

Rapport établi par le Sous-Comité *

Additif

Réponses du Chili **

Table des matières

Page

Abréviations3

Chapitre 1Introduction et méthodologie4

1.1Méthodologie et plan du rapport5

1.2Groupe de travail Justice6

Chapitre 2Recommandations au niveau ministériel7

2.1Mesures d’ordre législatif7

2.1.1Mécanisme national de prévention de la torture7

2.1.2Incrimination de la torture8

2.1.3Juridiction d’exécution des peines10

2.1.4Législation pénitentiaire11

2.15Modification de la compétence militaire12

2.1.6Recours à une législation d’exception contre les personnes appartenant au peuple mapuche13

2.1.7Loi relative à l’identité de genre14

2.2Mesures administratives14

2.2.1Justice pénale concernant les adolescents14

2.2.2Politique publique en matière carcérale16

Chapitre 3Mesures administratives prises par les services19

3.1Administration de la justice19

3.1.1Entretien avec la personne privée de liberté avant l’audience19

3.1.2Protocoles d’action en matière de torture19

3.1.3Formations au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul)20

3.1.4Recours aux procédures reposant sur l’auto-incrimination20

3.1.5Recours au dispositif d’appui au Bureau du Procureur général21

3.1.6Usage restrictif de la privation de liberté à des fins d’évaluation psychiatrique21

3.2Santé21

3.3Conditions de détention25

3.3.1Infrastructures25

3.3.2Alimentation et produits de première nécessité26

3.4Groupes privés de liberté particulièrement vulnérables27

3.4.1Femmes27

3.4.2Enfants et adolescents en conflit avec la loi31

3.4.3Peuple mapuche32

3.4.4Personnes LGBTI34

3.5Répercussions de la visite35

Suivi36

Abréviations

EPUExamen périodique universel

INDHInstitut national des droits de l’homme

LGBTIPersonnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées

Chapitre 1Introduction et méthodologie

1.La torture constitue une pratique dont le rejet est absolu et dont aucun contexte ne saurait justifier l’emploi. Divers instruments internationaux ont consacré cette interdiction, tant en droit international humanitaire qu’en droit international des droits de l’homme, afin de contraindre les États à adopter toutes les mesures nécessaires pour enquêter sur les actes de torture et les sanctionner. Or, non seulement ces traités internationaux établissent des obligations d’intervention pour l’État, mais ils insistent également sur l’obligation d’agir en amont pour identifier les points critiques qui constituent des foyers de torture, afin de s’y attaquer et de prévenir ce type d’actes. Ces deux aspects sont essentiels si l’on entend éradiquer un acte qui est le plus désapprouvé par la communauté internationale.

2.C’est d’ailleurs en matière de prévention qu’ont été franchies ces dernières années des étapes importantes en droit international, les États étant convenus de l’intérêt d’une institutionnalisation tant interne qu’externe dans ce domaine. À la différence du système judiciaire, l’institutionnalisation vise à accompagner l’État dans l’élimination des pratiques de torture, dans le cadre d’une démarche collaborative et non accusatrice. De même, ces actes ont généralement lieu, pour la plupart, dans le secret.

3.Un exemple en la matière est le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (le Sous-Comité), organe créé par le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui a pour mandat de visiter sans restriction tout lieu où les personnes sont ou peuvent être privées de liberté, ainsi que ses installations et services, et d’accéder aux informations pertinentes à l’accomplissement de son mandat. Le Sous-Comité est également chargé d’évaluer la mise en place, la désignation et le fonctionnement des mécanismes nationaux de prévention, de fournir des interprétations du Protocole facultatif et de passer en revue les mesures législatives, administratives, judiciaires ou autres de prévention que chaque État peut adopter en fonction de son contexte national.

4.C’est dans l’exercice des compétences précitées que le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en date du 14 décembre 2015, a notifié à l’État chilien sa visite de pays du 4 au 13 avril 2016. Dès cette notification, l’État chilien a préparé la visite du Sous-Comité, par la création d’un groupe interministériel de travail coordonné par le Ministère des affaires étrangères et composé du Ministère de l’intérieur et de la sécurité publique, du Ministère de la santé, du Ministère de la défense, du Ministère du développement social et du Ministère de la justice et des droits de l’homme. Le groupe de travail s’est vu fixer comme objectif de coordonner l’action étatique afin que la visite du Sous-Comité se déroule dans les conditions exigées par ce dernier, par exemple, par la délivrance d’autorisations d’accès à des lieux de privation de liberté, à des données statistiques concernant les lieux de détention, au droit interne en matière de torture et à toute information utile à la réalisation de son mandat.

5.Suite à sa visite, le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a remis le 27 juin 2016 à l’État chilien son rapport d’observations et de recommandations, fixant un délai de six mois au pays pour répondre aux recommandations formulées par le Sous-Comité. Afin d’établir la réponse demandée, l’État a continué de travailler dans le cadre du dispositif interministériel établi en préparation de la visite du mois d’avril, en convoquant à nouveau des réunions des points de contact des différents ministères qui le composaient.

1.1Méthodologie et plan du rapport

6.La préparation d’un rapport de l’État en réponse au Sous-Comité, compte tenu de la diversité de ses recommandations et de la multiplicité des acteurs étatiques concernés, a exigé un travail organisé, doté d’une méthodologie claire permettant de systématiser les informations recueillies et d’harmoniser les actions qui seraient adoptées pour satisfaire aux recommandations. À cet égard, les recommandations ont été classifiées selon trois critères : l’organisme responsable (ministère ou service), le type de recommandation (mesures législatives ou administratives) et enfin, le délai accordé pour sa mise en œuvre, sous-divisé en court terme, moyen terme, ou long terme (voir tableau).

Tableau 1

Classification des recommandations (Tableau établi en interne)

Organisme

Type

Délai

Juridique

Ministère

Court terme

Administrative

Recommandation

Moyen terme

Service

Administrative

Long terme

subordonné

7.Le présent rapport constitue ainsi un programme de travail qui systématise les actions actuellement mises en œuvre par l’État afin de se conformer aux recommandations du Sous-Comité. Les mesures étant appliquées à court, à moyen ou à long terme, les travaux ne s’arrêtent pas avec le présent rapport. En effet, le Comité interministériel poursuivra sa démarche de mise en place d’une instance de suivi des actions auxquelles l’État s’est engagé, principalement les mesures à long terme.

8.Les chapitres suivants du présent rapport portent, pour l’un, sur les recommandations formulées par le Sous-Comité dont l’application requiert des mesures juridiques (deuxième chapitre) et, pour l’autre, sur les mesures dont l’application exige principalement l’adoption de mesures administratives (troisième chapitre). Il convient de mentionner que l’une des difficultés rencontrées par le Comité interministériel lors de l’analyse des recommandations du Sous-Comité a été, compte tenu du caractère général de leur formulation, de déterminer le Ministère ou le service compétent pour sa mise en œuvre. Étant entendu qu’il s’agit de recommandations relatives aux droits de l’homme et qu’à ce titre, elles doivent être comprises à la lumière du principe pro persona, il a fallu distinguer les recommandations qui, compte tenu de leur caractère général, devaient être mises en œuvre par plusieurs services de celles relevant d’un seul service, à la lumière du contexte dans lequel elles étaient formulées ou de la mention expresse du service auquel elles étaient destinées.

9.Une deuxième difficulté est apparue du fait que les recommandations concernent des situations exigeant des réponses multidisciplinaires : de façon générale, les compétences d’un seul service ou ministère ne suffisent pas et il convient donc d’agir au niveau interministériel. Ainsi, à titre d’exemple, il convient de signaler le caractère positif des travaux communs menés par le Ministère de la santé, le Ministère de la justice et des droits de l’homme et les services relevant de ce dernier dans la mise en œuvre de plusieurs mesures.

10.Les efforts entrepris par l’État dans le cadre de ces diverses instances sont une preuve de son engagement à faire appliquer les recommandations du Sous-Comité et constituent une nouvelle avancée en matière de prévention de la torture. Dans le cadre de ces efforts, les autorités ont cherché à répondre à la majeure partie des recommandations, ce qui ne signifie pas nécessairement que toutes les recommandations ont été résolues. Le rapport du Sous-Comité formule des enjeux importants et souvent complexes et les autorités y voient un premier pas vers la résolution des problèmes faisant l’objet des recommandations susmentionnées. En ce sens, l’État chilien partage la recommandation formulée par le Sous-Comité dans son rapport en ce que cela marque « le début d’un dialogue constructif avec le Chili en vue d’aider l’État partie à s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du Protocole facultatif, afin d’atteindre l’objectif commun de prévention de la torture et des mauvais traitements ».

11.De même, ces efforts s’inscrivent dans un contexte international au sein duquel le Chili joue un rôle de premier plan en matière de prévention de la torture. S’agissant de l’incrimination de la torture (loi no 20968) et de la création de protocoles d’intervention dans ce domaine dans certains services, l’État chilien est l’un des cinq pays chefs de file de l’Initiative sur la Convention contre la torture. Il convient d’y ajouter la présentation du projet de loi désignant l’Institut national des droits de l’homme (INDH) en tant que mécanisme national de prévention contre la torture, la réforme du règlement des établissements pénitentiaires et la décision de l’État de rendre public le rapport du Sous‑Comité, ainsi que celui-ci le lui demandait dans ses recommandations.

1.2Groupe de travail Justice

12.Compte tenu du rôle du Ministère de la justice et des droits de l’homme dans différents domaines en relation directe avec le mandat du Sous-Comité, c’est ce ministère qui a constitué et coordonné le Groupe de travail Justice, composé du Service de la défense pénale publique, de l’administration pénitentiaire chilienne et du Service national pour la protection des mineurs. Plus particulièrement, le Ministère de la justice et des droits de l’homme et ses services devaient fournir une réponse à une trentaine de recommandations formulées par le Sous-Comité. Le Groupe de travail Justice a donc été coordonné par ce ministère, en particulier par son Unité des droits de l’homme ; y ont également participé la Division de la réinsertion sociale du Ministère, le Service national pour la protection des mineurs, l’administration pénitentiaire et le Service de la défense pénale publique.

13.Le Groupe de travail Justice a organisé trois réunions de coordination et de suivi en octobre et novembre de l’année concernée, qui ont permis d’établir un plan de travail, précisant les délais et les responsables des actions à mettre en place par les services. Parallèlement, l’Unité des droits de l’homme a rencontré chaque service et il en est ressorti la nécessité de coordonner la mise en œuvre de certaines recommandations conjointement avec le Ministère de la santé, ce qui a conduit à la création d’une sous-commission Santé réunissant le Ministère de la justice et des droits de l’homme, le Ministère de la santé, le Service national pour la protection des mineurs et l’administration pénitentiaire. Ainsi, les instances de coordination peuvent être représentées par le schéma suivant :

Schéma 1Instances de coordination(Schéma établi en interne)

Réunions de la sous-commission Santé(Ministère de la justice et des droits de l’homme, administration pénitentiaire, Service national pour la protection des mineurset Ministère de la santé) Réunions par servicea) Administration pénitentiaireb) Service national pour la protection des mineursc) Service de la défense pénale publique Réunions du Groupe de travail Justice Réunion de la Commission interministérielle

14.Afin de faciliter le recueil d’informations par chaque service du Groupe de travail Justice, une fiche d’information sur les actions à mener pour satisfaire aux recommandations du Sous-Comité a été établie. Elle permettait à chaque service d’identifier la recommandation idoine, la mesure concrète à mettre en place, les entités responsables de sa mise en œuvre au sein de chaque service, ainsi que son délai d’exécution.

Chapitre 2Recommandations au niveau ministériel

2.1Mesures d’ordre législatif

15.Certaines des recommandations formulées par le Sous-Comité font expressément référence à des réformes législatives ayant une incidence directe en matière de prévention de la torture. À cet égard, les progrès accomplis et les engagements pris en la matière sont présentés ci-après.

2.1.1Mécanisme national de prévention de la torture

16.Paragraphe 20 : Le Sous-Comité demande instamment à l ’ État partie de s ’ acquitter rapidement de son obligation internationale d ’ établir un mécanisme national de prévention, qui présente les garanties spécifiques exigées des mécanismes nationaux. Il est important en particulier que l ’ État partie prévoie dans son budget 2017 les fonds nécessaires à cette fin. Le Sous-Comité répète qu ’ il est pleinement disposé à coopérer avec l ’ État partie en lui fournissant les conseils et l ’ appui voulus en ce qui concerne le projet de loi sur le mécanisme national de prévention à propos duquel le Gouvernement s ’ est engagé au cours de la visite.

17.Paragraphe 17 : En vue de garantir l ’ autonomie fonctionnelle du mécanisme national de prévention, le Sous-Comité recommande que le mécanisme ne soit subordonné en aucune manière à l ’ Institut national des droits de l ’ homme. L ’ organigramme de l ’ Institut devrait refléter les exigences du Protocole facultatif, qui précisent que le mécanisme national de prévention doit jouir d ’ une autonomie de fonctionnement en ce qui concerne ses ressources, son programme de travail, ses conclusions et ses recommandations et avoir un contact direct et confidentiel avec le Sous-Comité.

18.Paragraphe 110 : Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que tous les centres de privation de liberté et de protection de remplacement pour mineurs soient soumis à un système de visites de contrôle régulières et inopinées.

19.Le Chili a ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en 2008, s’imposant ainsi l’obligation internationale, dans un délai d’un an, d’administrer, de désigner ou de mettre en place un ou plusieurs mécanismes nationaux de prévention indépendants en vue de prévenir la torture à l’échelon national. Après la ratification, l’État a fait savoir que l’INDH serait l’entité désignée pour faire office de mécanisme national de prévention de la torture. Le Ministère de la justice et des droits de l’homme vient donc de rédiger un avant‑projet de loi visant à faire respecter l’obligation ainsi imposée, par la désignation de l’INDH comme mécanisme national de prévention de la torture. Lors de la rédaction, il a été tenu particulièrement compte des recommandations formulées par le Sous-Comité quant à l’assurance de l’indépendance fonctionnelle et financière du mécanisme, des méthodes employées pour remplir ses missions conformément à son propre programme de travail, en toute confidentialité, et avec une dotation en personnel distincte de celle de l’INDH. Parmi les missions du mécanisme national de prévention de la torture, il convient de s’attarder sur sa capacité à effectuer des visites inopinées dans des lieux où se trouvent ou peuvent se trouver des personnes privées de liberté.

20.Selon l’avant-projet de loi, le mécanisme national de prévention serait mis en place progressivement et bénéficierait chaque année d’un budget répondant à ses besoins. Le Ministère de la justice et le Ministère-Secrétariat général de la présidence s’attellent actuellement à la version finale du texte, qui sera communiquée à la Direction du budget du Ministère des finances, ainsi qu’à l’INDH lui-même, afin que le projet de loi soit présenté devant le Congrès national dans les prochaines semaines.

2.1.2Incrimination de la torture

21.Paragraphe 24 : Le Sous-Comité fait siennes les recommandations du Comité contre la torture (2009) ainsi que les recommandations issues du second Examen périodique universel concernant le Chili (2014) et demande instamment à l ’ État partie de rendre les dispositions incriminant la torture pleinement conformes au droit international, en particulier à l ’ article premier de la Convention contre la torture. Il prie également l ’ État partie d ’ harmoniser sa législation et, en particulier, d ’ abroger les articles 150 A et B du Code pénal ainsi que l ’ article 19 du décret-loi n o  2460. Pour finir, le Sous-Comité recommande de prévoir dans la loi des sanctions pour les traitements cruels, inhumains et dégradants qui ne sont pas constitutifs de torture.

22.Grâce à la promulgation le 22 novembre 2016 de la loi no 20968 qui érige en infraction pénale la torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants, l’État chilien a satisfait à son obligation de rendre son droit interne conforme aux normes internationales en la matière. Ainsi, il satisfait non seulement aux recommandations du Sous-Comité, mais également à celles du Comité contre la torture (2009) et de l’Examen périodique universel (2014). L’infraction de torture, telle qu’elle est formulée, se substitue à l’ancienne infraction de contraintes ou mauvais traitements illégitimes et alourdit la peine encourue par rapport aux anciens articles 150 A et B du Code pénal.

23.La nouvelle loi modifie le paragraphe 4 du titre III du Livre II du Code pénal, qui régit désormais la torture, les traitements cruels, inhumains ou dégradants et autres préjudices infligés par des fonctionnaires, conformément aux droits garantis par la Constitution, unifiant ainsi cette règle de droit dans un même paragraphe. Par ailleurs, les peines encourues ont été considérablement alourdies par rapport à la législation antérieure.

24.La nouvelle infraction de torture tient compte des éléments par lesquels elle est définie dans les conventions internationales, et en particulier à l’article premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants : i) il doit s’agir d’un acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës sont intentionnellement infligées ; ii) il doit s’agir d’un acte ayant une finalité ou un objectif concrets (coercition, sanction ou discrimination) ; iii) il doit y avoir intervention d’un fonctionnaire, s’il ou elle pratique, ordonne ou autorise l’acte de torture. La loi étend aussi ces éléments à la personne qui, dans l’exercice de ses fonctions officielles, sur incitation d’un agent de l’État, ou avec le consentement tacite ou non de celui-ci, se livre à des actes de torture.

25.En outre, cette nouvelle qualification pénale est innovante en ce qu’elle intègre dans la définition de la torture les douleurs ou souffrances aiguës « de nature sexuelle ». Par cet ajout, l’incrimination tient compte des questions de genre, considérant en outre qu’à l’échelle internationale, il a été relevé que les violences sexuelles présentaient des caractéristiques particulières qui ne sont pas purement physiques ou psychiques, et qu’elles s’exerçaient habituellement contre les femmes.

26.Enfin, la loi fixe une peine plus lourde pour cette infraction, considérée par la communauté internationale comme l’une des plus graves, et allonge les délais de prescription, satisfaisant ainsi aux recommandations adressées par le Comité contre la torture à l’État chilien. Par conséquent, il a été estimé que l’imprescriptibilité et l’impossibilité d’amnistie ne devaient continuer à s’appliquer qu’à la torture relevant du crime contre l’humanité ou du crime de guerre, comme c’est aujourd’hui le cas dans la loi no 20357, sans s’étendre aux infractions de droit commun.

27.Par ailleurs, le nouvel article 150 B intègre l’infraction de torture accompagnée de circonstances aggravantes, lorsqu’elle est commise concomitamment avec les infractions d’homicide, de viol, de violences aggravées, de castration, de mutilations et de blessures graves, voire gravissimes, et d’actes quasi délictuels, échelonnant les peines en fonction de la gravité des autres infractions.

28.En outre, les alinéas D, E et F de l’article 150, qui ont trait aux infractions de contraintes illégitimes ou autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, sont regroupés. Ainsi, la loi entend également sanctionner les complices de ces infractions et considère la vulnérabilité particulière des personnes comme une circonstance aggravante. La loi modifie également l’article 255 du Code pénal, en supprimant les références aux contraintes illégitimes, évitant ainsi toute confusion quant à la définition des infractions.

29.Compte tenu de la recommandation du Sous-Comité à ce sujet, un autre point à signaler est la modification apportée par la loi no 20968 au second alinéa de l’article 19 du décret-loi no 2460 (loi organique relative à la police judiciaire chilienne), qui établit que la nouvelle législation s’applique également aux fonctionnaires de police. Cette évolution résout à la fois les problèmes d’interprétation et l’incertitude juridique de cette règle de droit par rapport à d’autres dispositions similaires du droit pénal général, tout en évitant un éparpillement réglementaire et une différenciation de statut entre les fonctionnaires de la police judiciaire et les autres agents publics du pays.

30.Enfin, les évolutions législatives vont au-delà de la recommandation du Sous‑Comité, par la restriction de la compétence des juridictions militaires à connaître des affaires judiciaires ayant trait à la torture. La loi no 20968 intègre au premier alinéa de l’article premier de la loi no 20477 portant modification de la compétence des juridictions militaires, la locution « ayant la qualité de victimes ou d’accusés », excluant ainsi de la compétence de la justice militaire les affaires dans lesquelles des civils ou des mineurs sont impliqués, quel que soit leur rôle dans la procédure. Ces affaires sont donc systématiquement du ressort des juridictions de droit commun ayant compétence en matière pénale. Ces évolutions constituent une avancée considérable dans la modernisation de la justice militaire au Chili. Le Gouvernement poursuit ses travaux concernant les autres évolutions nécessaires dans ce domaine.

2.1.3Juridiction d’exécution des peines

31.Paragraphe 38 : Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place un système dans lequel le contrôle et la surveillance de l ’ exécution des peines de privation de liberté sont assurés par un organe juridictionnel spécialisé.

32.Au Chili, s’il n’existe pas de juridiction d’exécution des peines, l’article 567 (et suiv.) du Code organique des tribunaux autorise au juge et lui garantit la possibilité de visiter « la cellule ou l’établissement dans lequel se trouvent les détenus et prisonniers afin de savoir s’ils subissent des traitements indus, si leur liberté de se défendre est restreinte ou si les démarches relatives à leur procès sont prolongées de façon illégale ». De même, l’article 569 précise que, « lors de la visite, tous les détenus et prisonniers doivent être présentés sur ordre du juge, ainsi que ceux dont la détention n’avait pas été communiquée à une quelconque juridiction ».

33.Les règles établies par le Code organique des tribunaux, ainsi que d’autres règles dans le Code de procédure pénale, ont fait l’objet de critiques de la part d’organisations internationales et nationales de défense des droits de l’homme, mais également d’expert(e)s du secteur pénitentiaire.

2.1.4Législation pénitentiaire

34.Paragraphe 40 : Le Sous-Comité recommande l ’ adoption d ’ une législation complète sur le système pénitentiaire, qui soit conforme aux normes internationales, notamment à l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) et aux Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l ’ imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok), afin de régir, entre autres, l ’ usage de la force et les sanctions disciplinaires appliquées par l ’ administration pénitentiaire. De même, le cadre réglementaire devrait garantir la possibilité de bénéficier d ’ une remise de peine effective et d ’ avoir accès à la libération conditionnelle.

35.Paragraphe 42 : Le Sous-Comité recommande de prévoir dans le cadre de la réforme de la législation pénitentiaire la possibilité d ’ obtenir des aménagements de peine, dont la libération conditionnelle, conformément à la Règle 95 des Règles Nelson Mandela et au principe d ’ humanité, de sorte que les peines les plus lourdes ne deviennent pas une sorte de peine de mort anticipée.

36.Paragraphe 89 : Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ intégrer les questions de genre dans sa politique pénitentiaire et de réinsertion, selon une approche transversale.

37.Paragraphe 93 : Le Sous-Comité rappelle à l ’ État partie que, selon la règle 23 des Règles de Bangkok, les sanctions disciplinaires applicables aux détenues ne doivent pas comporter l ’ interdiction des contacts familiaux, en particulier avec les enfants.

38.Lors de la promulgation de la loi no 20968 qui prévoit l’incrimination de la torture, la Présidente de la République a chargé le Secrétariat d’État aux droits de l’homme de réformer le décret no 518 établissant le règlement des établissements pénitentiaires en y intégrant la problématique des droits de l’homme, notamment suite aux faits survenus en octobre 2016, alors que Lorenza Cayuhán Llebul, femme autochtone privée de liberté, avait été menottée à plusieurs reprises pendant son accouchement.

39.Ces faits ont poussé la Cour suprême à connaître d’un recours en amparo en décembre 2016, dans le cadre duquel la Cour a jugé que « l’administration pénitentiaire chilienne devra[it] revoir ses protocoles en matière de transferts vers des hôpitaux externes et les rendre conformes aux normes internationales qui s’imposent au Chili concernant les femmes privées de liberté, enceintes ou allaitantes, ainsi que celles relatives à l’éradication de toutes les formes de violence et de discrimination contre les femmes ».

40.Afin de satisfaire aux décisions de la Présidente de la République comme de la Cour suprême, un nouveau règlement intégrant la perspective des droits de l’homme est en cours d’élaboration. L’État doit assumer son devoir de garant de la liberté et placer la personne qui en est privée au cœur de la démarche, pour que la privation de liberté ne constitue pas une restriction illégitime de l’exercice d’autres droits fondamentaux. Cette démarche suppose aussi nécessairement d’intégrer les questions de genre, non seulement s’agissant des règles applicables en milieu pénitentiaire, mais également pour faire évoluer dans le bon sens les pratiques au sein des établissements pénitentiaires. Il a également fallu expliciter un ensemble de principes qui s’appliquent de manière transversale au règlement des établissements pénitentiaires, tel le respect du droit à l’égalité et du principe de non‑discrimination, ainsi que le respect des spécificités culturelles.

41.S’agissant des sanctions disciplinaires, le Chili est en mesure d’annoncer que la version révisée du règlement des établissements pénitentiaires proposera une nouvelle procédure disciplinaire, visant à réduire les possibilités d’arbitraire, ainsi qu’une révision et une modification des sanctions applicables, afin de donner effet au principe de proportionnalité et de limiter le recours à la peine de mise à l’isolement en cellule disciplinaire. Le nouveau règlement devrait entrer en vigueur dans le courant du premier semestre 2017.

42.Néanmoins, consciente de l’importance du maintien du lien entre les mères privées de liberté et leurs enfants, l’administration pénitentiaire travaille, dans le cadre de l’unité des procédures de la sous-direction opérationnelle, à l’élaboration d’une proposition détaillée intégrant les normes en matière de droits de l’homme dans les règles et protocoles internes, afin d’interdire la privation de contact avec la famille comme sanction disciplinaire infligée aux personnes privées de liberté. À cet égard, les responsables des unités du régime de détention fermé disposeront d’une marge de manœuvre restreinte pour sanctionner les infractions au règlement intérieur, qui sera précisée dans la résolution relative aux visites aux personnes privées de liberté, dont l’entrée en vigueur est prévue pour le mois de juillet 2017.

43.Par ailleurs, le Service national pour la protection des mineurs, conscient de l’importance du renforcement des liens affectifs entre les mères adolescentes et leurs enfants, dispose depuis 2007 de règles en la matière, qui sont pleinement appliquées. Elles portent sur l’interdiction d’empêcher le contact des adolescents délinquants avec leur famille et précisent que les adolescents séparés de leurs enfants ont le droit de recevoir la visite de leurs enfants quotidiennement.

44.Parallèlement, le système de protection des mineurs dispose de sept foyers résidentiels qui accueillent les mères adolescentes et leurs enfants, ainsi que les adolescentes enceintes, dont les droits ont été lésés. Ces foyers, situés dans six régions du pays et dotés de 230 places, ont pour but d’éviter la séparation des enfants et de leurs mères et, à terme, de contribuer à renforcer les liens affectifs qui les unissent.

2.1.5Modification de la compétence militaire

45.Paragraphe 26 : Le Sous-Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ adapter son ordre juridique pour faire en sorte que la compétence militaire soit restrictive et qu ’ elle s ’ applique uniquement aux membres des forces armées qui agissent d ’ une manière contraire à la discipline et à l ’ ordre militaire, sans qu ’ elle ne puisse en aucun cas s ’ étendre aux infractions de droit commun, au détriment des civils.

46. De même, il faudrait garantir que les enquêtes et les procès dans les affaires impliquant des fonctionnaires du corps des carabiniers se déroulent devant les juridictions de droit commun. L ’ État partie devrait veiller à ce que les victimes de violations des droits de l ’ homme aient accès, dans le cadre de la justice ordinaire, à un recours effectif, qui inclue des mesures de réparation intégrales et de réadaptation, ainsi que des mesures de satisfaction et des garanties de non-répétition.

47.La loi no 20968 du 22 novembre 2016, qui prévoit l’incrimination de la torture et des traitements cruels, inhumains et dégradants, a entraîné une modification du Code de justice militaire en vue de priver les juridictions militaires de toute compétence à l’égard des civils et des mineurs ayant qualité de victimes ou d’accusés. L’État partie s’est ainsi conformé à la recommandation formulée par le Sous-Comité tendant à restreindre la compétence des juridictions militaires en matière de torture aux seuls membres des forces armées.

48.S’agissant de la modification structurelle du système de justice militaire, le pouvoir exécutif poursuit son étude d’un nouvel ensemble de règles de droit qui serait conforme aux normes fixées par le Sous-Comité en la matière.

2.1.6Recours à une législation d’exception contre les personnes appartenant au peuple mapuche

49.Paragraphe 119 : Le Sous-Comité recommande de mettre immédiatement fin à l ’ utilisation de lois pénales spéciales contre des personnes appartenant au peuple mapuche, de n ’ avoir recours à la loi antiterroriste que dans le cas d ’ infractions terroristes, sur la base d ’ une interprétation restrictive de ce type d ’ infractions, et d ’ éviter l ’ application de la loi antiterroriste à des mouvements de protestation sociale organisés par un groupe, quel qu ’ il soit, notamment le peuple mapuche.

50.Les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ont poussé l’État chilien à faire un usage restrictif de la législation antiterroriste, principalement à l’égard de membres du peuple mapuche dans le cadre d’actes de protestation sociale. Ainsi, dans son programme de Gouvernement, la Présidente de la République Michelle Bachelet Jeria s’est engagée « résolument à ne pas appliquer la loi antiterroriste aux membres des peuples autochtones au titre d’actes de revendication sociale ».

51.Pour ce qui est de l’application de la loi antiterroriste et d’autres lois d’exception, selon les renseignements fournis par le Ministère de l’intérieur et de la sécurité publique, depuis le 11 mars 2014, 18 plaintes au titre d’infractions visées par la loi antiterroriste et 50 autres au titre d’infractions visées par la loi relative à la sécurité de l’État ont été déposées. Aucune d’entre elles ne concernait des revendications de droits de la part de peuples autochtones. Il convient de mentionner qu’au mois de novembre 2014, un projet de loi (bulletin no 9692-07) a été présenté afin de réformer la législation actuelle régissant les infractions terroristes pour la mettre en conformité avec les normes internationales en la matière. Ce projet en est au stade de la première lecture devant le Sénat de la République.

52.D’ailleurs, l’un des sujets abordés par le Sous-Comité dans le rapport qu’il a adressé à l’État chilien concerne les plaintes pour torture par les forces de l’ordre dans le cadre de leurs fonctions. Il convient de préciser que des mesures ont été prises afin de prévenir et d’éradiquer les violences policières et de souligner que les procédures d’application générale destinées au maintien de l’ordre public ont fait l’objet d’une réglementation et ont donné lieu à la rédaction des procédures de maintien de l’ordre public, à destination des carabiniers chiliens, et à l’intégration de normes internationales en matière de droits de l’homme dans la formation et le perfectionnement des fonctionnaires des deux polices. Sur ce dernier point, il convient de signaler la participation en 2014 de carabiniers chiliens au Réseau latino-américain pour la prévention du génocide et des atrocités criminelles. Dans ce cadre, avec l’appui de l’Auschwitz Institute for Peace and Reconciliation, et en tenant compte des recommandations formulées par le Sous-Comité dans son rapport, un ensemble d’actions de formation destinées à la prévention de la torture et d’autres violations des droits de l’homme a été organisé en 2016. On peut notamment citer la tenue, le 27 juillet 2016, d’un séminaire sur le rôle de la police dans la prévention des violations des droits de l’homme, ainsi que l’organisation au cours du mois d’octobre 2016 d’un module de prévention de la torture et des atrocités de masse dans le cadre de la matière « Droits de l’homme applicables aux fonctions de maintien de l’ordre » enseignée à 22 officiers et sous-officiers stagiaires de la sixième formation de formateurs dans le domaine des droits de l’homme.

53.L’État porte à l’attention du Sous-Comité que, s’agissant des situations de recours excessif à la force à l’encontre de personnes appartenant au peuple mapuche dans le contexte de revendications territoriales, le Protocole de maintien de l’ordre public destiné aux carabiniers prévoit, à son tour, un protocole spécifique consacré au traitement des enfants et adolescents autochtones en infraction avec la loi. Les protocoles en question sont publics, ce qui permet un plus grand contrôle de la part des citoyens.

54.Outre ce qui précède, le corps des carabiniers chiliens a explicitement qualifié la torture et les autres traitements inhumains, cruels et dégradants de violences contraires à la loi et à la déontologie policière (Protocole 4.5 de l’ordonnance générale no 2287 du 14 août 2014). Par ailleurs, l’institution a identifié des techniques certifiées d’immobilisation, de comptabilisation et de transport des détenus, adaptées au modèle établi par le corps des carabiniers concernant l’emploi de la force par les policiers (circulaire no 1756 du 13 mars 2013).

55.De surcroît, une série de mesures a été adoptée afin de poursuivre et de sanctionner les auteurs de violences policières susceptibles de relever de la torture ou d’autres mauvais traitements. Le Ministère de l’intérieur et de la sécurité publique, dans les cas de plainte pour recours excessif à la force (violences inutiles, contraintes illégitimes ou tout autre traitement cruel, inhumain et dégradant) dont ont été victimes des enfants ou adolescents, des personnes appartenant au peuple mapuche dans le cadre de revendications territoriales ou des groupes vulnérables dans le cadre de poursuites pénales, a exigé tant du corps des carabiniers chiliens que de la police judiciaire, des renseignements concernant la rédaction de rapports ou d’enquêtes administratives, afin d’établir la véracité des faits en cause et de décider de l’application de sanctions dans les cas qui le justifient.

56.L’État chilien est conscient des défis importants qu’il doit relever dans ce domaine et qui exigent un véritable travail de fond. Ils ne doivent toutefois pas faire oublier tout le mérite des efforts et des actions menés jusqu’à présent dans ce domaine, parmi lesquels l’incrimination de la torture et la révision des protocoles de conduite du corps des carabiniers pour les rendre conformes aux normes en matière de droits de l’homme.

2.1.7 Loi relative à l’identité de genre

57.Paragraphe 130 : Le Sous-Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ adopter la loi qui reconnaît et protège le droit à l ’ identité de genre, conformément aux normes internationales.

58.En mai 2013, un projet de loi « tendant à reconnaître et à protéger le droit à l’identité de genre » a été soumis au Congrès national (bulletin no 8924-07). Ce projet est actuellement en première lecture constitutionnelle devant le Sénat. Il a fait l’objet de nombreuses avancées législatives, le Gouvernement souhaitant son adoption rapide, mais également, compte tenu de sa nature même, d’intenses débats inhérents à toute démocratie délibérative.

59.En substance, selon les toutes dernières indications fournies par le Gouvernement au deuxième semestre 2016, le projet de loi, en plus de définir l’identité de genre, établit un catalogue de droits et les modalités d’exercice du droit à être identifié(e) conformément à son identité de genre, créant des procédures administratives et judiciaires, selon que le demandeur ou la demandeuse est majeur(e) ou mineur(e).

2.2Mesures administratives

2.2.1Justice pénale concernant les adolescents

60.Paragraphe 113 : Le Sous-Comité recommande de garder à l ’ esprit le fait que la formation et la réinsertion sociale du délinquant doivent être privilégiées dans la justice pénale pour mineurs, ce qui implique de mettre en place des procédures rapides et de disposer de mesures socioéducatives . De plus, il faut chercher à atténuer les conséquences stigmatisantes du procès et de la sanction pénale. L ’ audience doit donc se dérouler à huis clos, et l ’ identité de l ’ adolescent en conflit avec la loi ne doit pas être divulguée.

61.Sur le plan juridique, la loi no 20084, dans son article 20, indique que « les sanctions et les répercussions établies par la présente loi ont pour objet de responsabiliser efficacement les adolescents à l’égard des délits qu’ils ont commis, afin que la sanction s’inscrive dans une intervention socioéducative plus large et visant la pleine intégration sociale de l’intéressé(e) ». Ainsi, la loi, dans le cadre même des sanctions qu’elle fixe, qu’elles soient ou non privatives de liberté, signale clairement la prise en compte des aspects socioéducatifs. Sur ce point, parmi les sanctions sans privation de liberté, l’article 11 précise, concernant les travaux d’intérêt général, qu’ils « consistent en la réalisation d’activités non rémunérées au service de la collectivité ou au bénéfice de personnes en situation de précarité ».

62.Pour mettre en œuvre les dispositions prévues par la loi, le Service national pour la protection des mineurs, organisme chargé de l’exécution des sanctions directement ou par l’intermédiaire de partenaires agréés, assure la coordination et la mise en place de l’intervention socioéducative. En outre, au cours de l’année qui vient de s’écouler, dans le cadre du Comité interministériel sur la responsabilité pénale des adolescents, coordonné par le Ministère de l’intérieur et de la sécurité publique et le Ministère de la justice et des droits de l’homme, plusieurs actions destinées à favoriser l’accès des adolescents délinquants à une offre socioéducative plus large ont été menées de façon intersectorielle avec le Ministère de l’éducation, le Ministère du travail, le Ministère des sports et le Ministère du développement social.

63.S’agissant de la stigmatisation de la sanction pénale, l’article 59 de la loi précitée introduit une modification du décret-loi no 645 de 1925, qui avait créé le registre national des condamnations, en disposant que « les antécédents relatifs aux procès ou aux condamnations de mineurs peuvent être consignés uniquement dans les certificats délivrés pour intégrer l’armée, le corps des carabiniers, l’administration pénitentiaire et la police judiciaire, ou aux fins visées au premier alinéa du présent article ».

64.Par ailleurs, une proposition de modification du règlement d’application de la loi no 20032 (sur les subventions accordées au Service national pour la protection des mineurs) est en cours d’examen. Elle vise à élargir aux adolescents libres le centre d’appels de prise en charge socioéducative, actuellement réservé aux jeunes privés de liberté. Il sera ainsi possible de mieux traiter le problème du niveau scolaire des jeunes : en effet, l’absence de parcours éducatifs, l’illettrisme faute de pratique et l’abandon du système scolaire sont des problématiques qui doivent être prises en charge par une intervention socioéducative et pédagogique, au-delà des aspects psychosociaux déjà traités dans le cadre de l’exécution des peines prévue par la loi no 20084. Ces modifications, de nature réglementaire et ne nécessitant donc pas de réforme législative, entreront en vigueur en juillet 2017.

65.S’agissant des adolescents souffrant de graves troubles mentaux, le Ministère de la santé a établi des conventions avec différents établissements relevant soit du système de protection des enfants et adolescents, soit du système de responsabilité pénale pour les adolescents. On peut notamment citer :

1)La convention passée entre le Service national pour la prévention et la prise en charge de la toxicomanie et de l’alcoolisme (SENDA), le Ministère de la santé, le Service national pour la protection des mineurs et l’administration pénitentiaire : elle a pour but de favoriser le développement du Programme de santé mentale du Ministère de la santé, par la voie des services de santé et des centres de prise en charge publics et privés sous tutelle de ce ministère, afin de proposer traitement et réinsertion aux jeunes toxicomanes qui ont enfreint la loi ;

2)La convention passée entre le Ministère de la santé et le Service national pour la protection des mineurs : elle vise à établir des voies de communication mutuelle afin que les enfants et adolescents accueillis dans des centres sous gestion directe du Service national pour la protection des mineurs puissent accéder rapidement à toutes les prestations de santé nécessaires à leur développement normal et intégral. C’est dans le cadre de cette convention, concernant la situation actuelle des enfants et adolescents suivis par le Service national pour la protection des mineurs, qu’ont été adoptées les mesures suivantes :

i)La mise en place d’une coordination interinstitutionnelle afin de faire suivre par des professionnels de la santé mentale 182 enfants ou adolescents repérés par les équipes des résidences du Service national pour la protection des mineurs, qui ont ensuite été pris en charge, soignés et accueillis dans des établissements de santé publique pour leur hospitalisation. De ce nombre, 44 enfants ou adolescents sont hospitalisés et 123 autres sont suivis par des professionnels spécialisés ;

ii)Une coordination permanente entre les résidences du Service national pour la protection des mineurs et les centres de soins de santé primaires du territoire dont ils relèvent et la fourniture de services de santé générale et de surveillance de la morbidité aux enfants et adolescents accueillis dans des résidences du Service national pour la protection des mineurs. Afin de renforcer les liens et de disposer d’informations à jour, les 161 résidences, qu’elles soient gérées directement ou sous contrat, font l’objet de visites pour faire le point sur l’état de santé de 8 377 enfants et adolescents, soit 98,06 % des jeunes accueillis ;

iii)Grâce aux informations de prise en charge et au croisement des données avec le registre des délais d’attente du Ministère de la santé, 2 011 enfants et adolescents ont été identifiés comme nécessitant l’attention de différents spécialistes et sont devenus prioritaires dans les files actives de chacun des 29 services de santé du pays. Il est procédé à une vérification hebdomadaire de la prise en charge en nouvelle consultation spécialisée et en chirurgie par un professionnel de la prise en charge sanitaire des enfants et adolescents relevant du Service national pour la protection des mineurs ;

iv)Le budget prévoit également de nouvelles ressources pour l’année 2017, dans le but d’améliorer la prise en charge sanitaire intégrée, et en priorité la santé mentale, dans six services de santé.

3)La convention-cadre de collaboration entre le Ministère de la justice et des droits de l’homme, le Ministère de la santé, l’administration pénitentiaire, le Fonds national de la santé (FONASA) et de la Direction de la santé (Superintendencia de Salud) : le Ministère de la santé vient de conclure cette convention pour garantir l’exercice du droit à la protection de la santé des personnes privées de liberté détenues dans des établissements pénitentiaires.

66.Il convient d’ajouter qu’au cours de l’année 2017 a débuté la mise en œuvre d’un programme de prise en charge en santé intégrale, axé en priorité sur la santé mentale, destiné aux enfants et adolescents dont les droits ont été lésés ou qui relèvent de la loi relative à la responsabilité pénale des adolescents. Il sera d’abord mis en place dans sixservices de santé du pays et devrait progressivement être déployé au cours des prochaines années dans l’ensemble du réseau public de santé (à savoir les 23 autres services).

2.2.2Politique publique en matière carcérale

67.Paragraphe 76 : Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prendre de toute urgence des mesures pour s ’ attaquer au problème de surpopulation, notamment par des peines de substitution à l ’ emprisonnement, conformément aux Règles minima des Nations Unies pour l ’ élaboration de mesures non privati ves de liberté (Règles de Tokyo).

68.Paragraphe 68 : Le Sous-Comité recommande d ’ apporter, dans les plus brefs délais, des modifications à la politique de poursuites pénales et à l ’ administration de la justice, afin de réduire le nombre de personnes privées de liberté et d ’ inverser la tendance à l ’ augmentation de la population carcérale.

69.Suite à l’incendie de la prison de San Miguel en 2010, l’État a pris conscience de la nécessité d’agir face à la réalité pénitentiaire du Chili et a entamé un processus qui a notamment entraîné des réformes juridiques et administratives dans ce domaine. Six ans après cette tragédie, certaines évolutions suivent l’orientation recommandée par le Sous‑Comité.

70.La promulgation de la loi no 20587 en est l’illustration : en effet, elle modifie le régime de libération conditionnelle et rend possible le remplacement d’une peine de privation de liberté en cas de non-exécution d’une peine d’amende par une peine de travaux d’intérêt général. De même, s’agissant de l’octroi de la libération conditionnelle, la décision reste entre les mains, selon des critères objectifs, de la Commission de libération conditionnelle composée de membres du pouvoir judiciaire. On observe ainsi des évolutions importantes depuis l’entrée en vigueur de la loi en juin 2012 :

Tableau 1 Nombre total de libérations conditionnelles octroyées (2010-2016)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016 *

795

1 204

2 276

3 561

3 352

2 276

2 258

Source  : Service du contrôle pénitentiaire de l ’ administration pénitentiaire chilienne .

* Premier semestre 2016 uniquement.

71.Il convient également d’y ajouter la loi no 20588, dans le cadre de laquelle a été accordée une amnistie générale aux personnes privées de liberté ayant purgé une partie de leur peine, dans la mesure où leur remise en liberté ne mettait pas en péril la sécurité publique. À ce titre, 4 008 personnes (460 femmes et 3 584 hommes) ont été amnistiées. Enfin, la loi no 20603, promulguée en juin 2012, qui fixe les nouvelles peines de substitution aux peines privatives de liberté, a établi un système d’observation des peines effectuées en liberté, pour les personnes condamnées qui, sans représenter un danger pour la société, se soumettent à des programmes de réinsertion et qui, à terme, feront l’objet d’une surveillance électronique grâce à des technologies adoptées par les pays développés.

72.La politique pénitentiaire menée ces dernières années a permis d’obtenir l’un des effets souhaités, sur le plan des droits de l’homme, à savoir la diminution de la population carcérale en régime fermé et l’augmentation du nombre de personnes bénéficiant de peines de substitution à la privation de liberté.

Tableau 2 Population condamnée en régime fermé et en régime ouvert (2010-2016)

Catégorie de population

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016 *

Population condamnée en régime fermé

42 868

43 006

40 734

37 059

34 180

32 406

27 877

Population condamnée en régime ouvert

54 872

53 434

51 420

50 150

50 773

56 060

58 946

Source  : Administration pénitentiaire chilienne .

* Données 2016 arrêtées au 31 octobre .

73.Ainsi, comme le Sous-Comité en avait exprimé le souhait, la tendance à l’augmentation du nombre de personnes privées de liberté en régime fermé s’est inversée à partir de 2010, grâce aux mesures précitées. Toutefois, l’État chilien est conscient qu’il s’agit de processus dynamiques, dans lesquels interviennent un ensemble d’acteurs : par conséquent, le pouvoir exécutif s’engage à assurer un suivi permanent des statistiques en la matière, principalement afin d’étudier les effets potentiels que la loi no 20931, qui facilite l’exécution effective des peines fixées pour les délits de vol et de vol qualifié, ainsi que de non-dénonciation, et renforce les poursuites pénales à l’égard de ces infractions, pourrait avoir en matière pénitentiaire.

74.De son côté, le Service national pour la protection des mineurs met en place diverses actions pour lutter contre la surpopulation liée à l’augmentation du nombre d’enfants et d’adolescents pris en charge, dans le cadre de la justice pour mineurs ou de dispositifs de protection. D’une part, et s’agissant de la région métropolitaine, il a été procédé à une harmonisation du système d’orientation vers les différents centres indépendants du Service, afin de désengorger le centre d’accueil provisoire de San Joaquín, actuellement surpeuplé. Ainsi, le centre de San Bernardo peut désormais accueillir des adolescents adressés par les tribunaux de garantie dans le cadre d’une mesure provisoire d’hébergement temporaire.

75.D’autre part, s’agissant du département de la protection des droits, les mesures stratégiques suivantes ont été adoptées :

La mise en place du programme de familles d’accueil en gestion directe dans la région métropolitaine et les régions de Biobío et Valparaíso : le département dispose ainsi d’un nouveau dispositif de désinstitutionnalisation des enfants de moins de 3 ans orientés vers les centres de traitement spécialisés sous gestion directe (CREAD) des mères allaitantes et des enfants en bas âge des régions concernées, qui leur permet de vivre dans un cadre familial, parallèlement à des interventions auprès de la famille d’origine en prévision du retour de l’enfant ;

La décision technique de réduire le nombre de places dans les nouveaux centres sous gestion directe par rapport aux centres existants (20 garçons et 20 filles) ;

L’élaboration de nouvelles orientations techniques pour le modèle des CREAD, en cours de révision ; et

L’amélioration de la conception des infrastructures, outre leurs aspects techniques, selon un nouveau modèle.

76.S’agissant des centres résidentiels gérés par des organismes partenaires, les autorités chiliennes les encouragent à prendre en charge un nombre plus faible d’enfants et d’adolescents, au sein d’installations qui leur offrent des conditions de vie familiale, évitant ainsi un hébergement de masse. La diminution soutenue du nombre d’enfants accueillis en foyers a entraîné une réduction progressive du recours à ces établissements, accompagnée d’une généralisation du modèle des familles d’accueil, dans le cadre d’un plan d’action.

Chapitre 3Mesures administratives prises par les services

3.1Administration de la justice

3.1.1Entretien avec la personne privée de liberté avant l’audience

77.Paragraphe 28, alinéa a) : Étant donné que le Sous-Comité considère la défense publique et le Bureau du Procureur général comme des institutions cl ef s pour la détection de la torture et des mauvais traitements, il recommande à l ’ État partie : de veiller à ce que le Service de la défense pénale publique fournisse une assistance efficace et adéquate dès les premières heures de la détention, en s ’ assurant que les entretiens avec les personnes privées de liberté ont toujours lieu avant les audiences et qu ’ ils respectent une durée et un contenu minimums propres à garantir l ’ exercice du droit à la défense et la détection systématique des cas de torture et de mauvais traitements.

78.Pour donner effet à cette recommandation, le Service de la défense pénale publique a effectué, au dernier trimestre 2016, une enquête de satisfaction auprès des personnes privées de liberté dont ses membres ont assuré la défense, afin d’évaluer la perception des détenus quant au travail des avocats lors de la première audience. Le but de l’enquête est notamment de savoir si les prévenus détenus, à l’issue de l’audience de contrôle de leur détention, estiment que l’assistance fournie par l’avocat a été satisfaisante. Les questions portent notamment sur la qualité des informations reçues de la part de l’avocat, du temps de transfèrement entre le lieu de privation de liberté et le tribunal, du traitement dont la personne a fait l’objet et sur la question de savoir si les requêtes formées par l’avocat auprès du tribunal correspondaient aux exigences des prévenus.

79.Les résultats de cette enquête permettront au Service de la défense pénale publique d’analyser, grâce à des données fiables, les mesures à prendre dans ce domaine, lorsqu’il est possible de solliciter la collaboration d’autres institutions (par exemple, les carabiniers ou l’administration pénitentiaire), afin que les échanges avec les prévenus détenus aient lieu au moment opportun.

3.1.2Protocoles d’action en matière de torture

80.Paragraphe 28, alinéa b) : Étant donné que le Sous-Comité considère la défense publique et le Bureau du Procureur général comme des institutions cl ef s pour la détection de la torture et des mauvais traitements, il recommande à l ’ État partie : d ’ établir des protocoles d ’ action pour le Service de la défense pénale publique et le Bureau du Procureur général afin de garantir que les actes de torture et les mauvais traitements soient dûment décelés et signalés et que leurs auteurs soient sanctionnés, conformément aux compétences respectives de ces institutions. Ces protocoles devraient également prévoir la tenue de registres de tous les cas recensés ou signalés par les victimes et des cas qui ont donné lieu à des poursuites et à des sanctions.

81.L’incrimination de la torture oblige les acteurs judiciaires à relever plusieurs défis, parmi lesquels l’adaptation de leurs procédures d’enquête et de défense sur ce type d’infractions, ainsi que la création de systèmes d’information permettant d’en effectuer un suivi statistique.

82.À cet égard, le Service de la défense pénale publique comme le Bureau du Procureur général font partie du Groupe de travail pour la prévention de la torture, mis en place par l’INDH en octobre 2016, qui se veut un moyen de faciliter le respect par différents acteurs institutionnels publics des obligations internationales du Chili dans ce domaine. L’un des sous-groupes s’intéresse aux cas de torture, ce qui suppose l’élaboration de procédures opérationnelles destinées aux deux institutions dans les cas de torture. Outre ce qui précède, le Service de la défense pénale publique, le Bureau du Procureur général et le Ministère de la justice et des droits de l’homme vont organiser des réunions afin d’identifier les différents aspects, s’agissant de la torture, qui exigent la mise en place d’instruments communs, tels que les protocoles. Ces documents opérationnels seront en vigueur à l’été 2017.

3.1.3Formations au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul)

83.Paragraphe 28, alinéa c) : Étant donné que le Sous-Comité considère la défense publique et le Bureau du Procureur général comme des institutions cl ef s pour la détection de la torture et des mauvais traitements, il recommande à l ’ État partie : de doter tous les acteurs judiciaires concernés des capacités suffisantes pour appliquer convenablement le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul) dans le cadre de toutes leurs interventions et à tous les stades de la procédure pénale.

84.Pour ce qui est de la recommandation concernant la formation des acteurs judiciaires au Protocole d’Istanbul, le Ministère de la justice et des droits de l’homme estime qu’elle ne doit pas concerner uniquement les fonctionnaires de la justice, mais également ceux du Service de la défense pénale publique, qui relève du secteur de la justice.

85.À cet égard, le Service de la défense pénale publique a décidé d’intégrer à son plan annuel de formation 2017 des formations spécifiques sur cette thématique. Chaque année, le Service organise, outre les formations régionales et/ou thématiques, 4 « séminaires » réservés aux avocats sur des domaines généraux de la défense pénale, 2 séminaires généraux, 1 séminaire sur la défense pénale des délinquants juvénile, 1 sur la défense pénitentiaire et 1 sur la défense des prévenus autochtones. Ainsi, pour l’année 2017, chacun des séminaires inscrits au programme annuel de formation comptera au moins un module sur l’origine, les fondements, le fonctionnement et les procédures du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul). Les dates exactes de ces formations pour 2017 seront fixées dans le plan annuel de formation.

86.Afin de mettre en place ces modules et en tant que de besoin, le Service de la défense pénale publique n’écarte pas la possibilité de solliciter la collaboration d’autres services du secteur de la justice, tels que le Service médico-légal, institution qui applique le Protocole d’Istanbul et en assure la gestion.

3.1.4Recours aux procédures reposant sur l’auto-incrimination

87.Paragraphe 31 : Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de dresser un bilan complet de l ’ utilisation qui est faite des procédures reposant sur l ’ auto-incrimination, de veiller à ce que les droits à la défense et à une procédure régulière soient respectés dans la pratique et de garantir qu ’ aucune pression d ’ aucune sorte ne soit exercée pour que les accusés optent pour ces procédures.

88.Le Service de la défense pénale publique va mettre en place une procédure de recueil d’informations afin d’établir un diagnostic concernant les procédures reposant sur l’auto-incrimination. Il s’agira principalement de compléter les informations statistiques dont dispose déjà le Service par des renseignements demandés au pouvoir judiciaire, pour établir un diagnostic de l’éventail complet des dossiers clos dans le cadre de ce type de procédure. Le croisement des informations susmentionnées permettra au Service de la défense pénale publique d’établir un plan de travail en fonction des axes ainsi identifiés.

3.1.5Recours au dispositif d’appui au Bureau du Procureur général

89.Paragraphe 34 : Le Sous-Comité recommande au Bureau du Procureur général de donner instruction aux procureurs de ne pas utiliser les données du système d ’ appui pour des usages contraires au droit à une procédure régulière.

90.Étant donné que ce point relève de la compétence exclusive du Bureau du Procureur général, la recommandation lui a été transmise afin que cet organe, dans la limite de ses capacités et de son autonomie, en analyse le mérite. Le Gouvernement réaffirme que le fait que les obligations internationales en matière de droits de l’homme incombent à l’État partie n’empêche pas que celui-ci s’organise, dans le but d’y satisfaire, dans le respect de la séparation des pouvoirs et de l’autonomie dont jouit le Bureau du Procureur général, en l’espèce, en vertu de la Constitution.

3.1.6Usage restrictif de la privation de liberté à des fins d’évaluation psychiatrique

91.Paragraphe 36 : Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prier instamment tous les acteurs de la justice de n ’ avoir recours à la privation de liberté aux fins de l ’ évaluation psychiatrique que de manière restrictive et de garantir le strict respect des délais légaux lorsqu ’ il est statué sur la nécessité de la privation de liberté à cette fin.

92.S’agissant des observations et de la recommandation du Sous-Comité quant à l’importance des antécédents psychiatriques dans l’évaluation de l’irresponsabilité et à la demande faite à tous les fonctionnaires chargés de l’administration de la justice de limiter le recours à la privation de liberté, l’État partie indique que des mesures visant à assouplir les procédures d’expertise et à limiter autant que possible la restriction de liberté pour évaluation psychiatrique aux seules fins d’établir la responsabilité de l’intéressé seront adoptées.

93.Cette recommandation a été officiellement portée à la connaissance du pouvoir judiciaire, étant entendu que bien que l’obligation de satisfaire aux recommandations incombe à l’État partie, son organisation interne à cette fin s’effectue dans le cadre d’une structure politico-juridique fondée sur la séparation des pouvoirs. À ce titre, c’est le pouvoir judiciaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, analysera le mérite de cette recommandation, le pouvoir exécutif n’ayant pas à s’immiscer dans pareilles décisions.

3.2Santé

94.En vertu du droit international des droits de l’homme, le rôle de garant qu’exerce l’État vis-à-vis des personnes privées de liberté lui impose notamment de leur garantir l’exercice de leurs droits fondamentaux, parmi lesquels le droit à la santé. L’État doit donc adopter toutes les mesures nécessaires : à ce titre, il convient de mentionner la convention-cadre de collaboration passée au mois d’août dernier entre le Ministère de la justice et des droits de l’homme, le Ministère de la santé, l’administration pénitentiaire, le Fonds national de la santé (FONASA) et de la Direction de la santé, qui vise à proposer un cadre général de coordination et de travail interinstitutionnel afin d’améliorer progressivement les conditions sanitaires des établissements pénitentiaires et l’état de santé des personnes privées de liberté. Pour assurer sa mise en œuvre, la convention a établi un groupe de travail technique, composé d’un(e) représentant(e) de chacune des parties signataires.

95.Le groupe de travail a notamment pour objectifs : a) de promouvoir la communication interinstitutionnelle nécessaire à l’application de la convention ; b) d’informer sur la nécessité d’établir et d’actualiser les données de référence sur la base desquelles devront être coordonnées les mesures adoptées par chaque institution signataire dans le cadre de ses missions et attributions ; c) de proposer aux autorités concernées les mesures et programmes d’action jugés nécessaires ; d) d’informer les autorités des institutions signataires de tout élément présentant un intérêt pour l’application de la convention ; et e) de rédiger et de présenter aux parties un rapport annuel sur l’état d’avancement des mesures mises en œuvre et leurs résultats.

96.Paragraphe 53 : Le Sous-Comité recommande que tous les détenus aient systématiquement accès à un contrôle médical dans un établissement de santé public après leur arrestation, que ce contrôle se déroule dans les conditions voulues de confidentialité, et que le formulaire sur l ’ état de santé soit rempli par le personnel de santé. Il recommande aussi qu ’ un protocole soit établi pour l ’ intervention des médecins, en vue en particulier de la détection proactive des lésions éventuelles, conformément au Protocole d ’ Istanbul, que le détenu-patient certifie l ’ exactitude des éléments du dossier et que, compte dûment tenu du principe de confidentialité, le rapport soit remis sous pli cacheté au juge des garanties. Il recommande en outre que soit tenu au sein du système de santé un registre dans lequel seraient consignées les lésions susceptibles d ’ avoir été causées par des actes de torture ou des mauvais traitements ainsi que les allégations portées par les personnes privées de liberté examinées.

97.Dans le cadre de la convention précitée, une procédure codifiée de constatation des lésions sur les personnes privées de liberté est en cours d’élaboration, sur le fondement du Protocole d’Istanbul. Elle régit la procédure dès le transfert par les forces de l’ordre des personnes privées de liberté vers des établissements de santé, jusqu’à leur départ des établissements concernés et leur mise à disposition de l’administration pénitentiaire pour la poursuite de la procédure pénale. La rédaction de cette procédure viendra compléter le protocole interinstitutionnel de constatation de l’état de santé de détenus dans la procédure pénale, en vigueur depuis 2013, qui régit actuellement l’évaluation de l’état de santé.

98.En outre, la convention-cadre rend possible la création de groupes de travail visant à promouvoir des mesures de protection du droit à l’intimité et à la confidentialité sur le plan médical, mais également de limitation des délais de constatation des lésions et, partant, d’éviter des situations risquant de nuire à l’intégrité de la personne privée de liberté.

99.Paragraphe 58 : Le Sous-Comité recommande de veiller à ce que les documents médicaux soient correctement remplis dans tous les cas. De plus, l ’ hôpital pénitentiaire devrait pouvoir proposer toutes les spécialités mentionnées plus haut, entre autres, et dans le cas contraire l ’ État devrait faire en sorte qu ’ une coordination rapide et efficace soit mise en place, en fonction des différentes pathologies. Le Sous-Comité estime en outre qu ’ un observateur indépendant, tel qu ’ un mécanisme national de prévention, serait à même de suivre de telles situations de manière appropriée.

100.Dans le cadre de la convention précitée, les institutions signataires, dans la limite de leurs compétences respectives, reconnaissent l’importance et la nécessité de renforcer le développement de politiques intersectorielles tendant à garantir l’exercice du droit à la protection sanitaire. Ainsi, la convention se propose de coordonner l’action interinstitutionnelle entre les entités concernées, dans le but d’améliorer progressivement les conditions sanitaires des établissements pénitentiaires et l’état de santé général des personnes privées de liberté.

101.S’agissant plus particulièrement de la recommandation du Sous-Comité, les unités gérées directement par l’administration pénitentiaire disposent d’un centre de prise en charge des spécialités médicales, en l’occurrence l’hôpital pénitentiaire de Santiago, qui propose dans son enceinte des services de soins dentaires, de psychiatrie, de traumatologie, de chirurgie, de médecine interne, de nutrition et de kinésithérapie. En outre, les unités pénitentiaires accueillant des femmes bénéficient des services d’une sage-femme. Il convient de signaler que depuis le mois de novembre, le temps de prise en charge psychiatrique a été augmenté, pour passer à 33 heures.

102.D’autre part, au sein des unités sous délégation, les spécialités suivantes sont proposées : traumatologie, psychiatrie, soins dentaires et médecine interne. Les unités accueillant des femmes disposent de gynécologues et d’une sage-femme et proposent une prise en charge pédiatrique.

103.Néanmoins, une fiche unique de santé a été mise en place à l’échelle nationale pour centraliser les informations médicales de l’ensemble des personnes privées de liberté. Pour le moment, seul le centre de détention provisoire de Santiago Sud dispose d’un dossier médical électronique. Un projet pilote de déploiement à l’hôpital pénitentiaire est en cours de lancement, dans l’optique d’une généralisation à l’ensemble du pays.

104.De son côté, le Service national pour la protection des mineurs va établir une convention de collaboration avec le Ministère de la santé, qui intégrera la prise en charge des spécialités et le traitement des maladies dépistées. Le Service va travailler à la rédaction de la convention, afin qu’elle soit finalisée à l’issue du premier semestre 2017.

105.Paragraphe 61 : Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place un registre permettant de convoquer les détenus de manière programmée et de veiller à ce qu ’ ils ne subissent aucune discrimination pour quelque motif que ce soit, ni de la part des fonctionnaires ni de la part des dentistes eux-mêmes.

106.S’agissant de la préoccupation exprimée par le Sous-Comité concernant la prise en charge dentaire des personnes privées de liberté, l’administration pénitentiaire indique disposer de 45 dispensaires qui proposent des soins dentaires au sein des unités pénitentiaires, ceux-ci étant considérés comme prioritaires. D’autre part, l’hôpital pénitentiaire propose une prise en charge des spécialités d’orthodontie et de chirurgie maxillo-faciale. Certains équipements radiologiques permettent aussi, dès l’entrée dans l’unité pénitentiaire, de procéder à un diagnostic dentaire, qui sert également à l’identification des personnes. Les équipements sont réparés et changés périodiquement afin d’être en bon état pour effectuer les traitements requis. Le nombre d’équipements devrait progressivement augmenter dans différentes régions du pays, afin de couvrir l’ensemble du territoire national. Une autre solution consisterait à mettre en place les dispositifs de coordination nécessaires avec les services de santé concernés.

107.Pour donner suite à la recommandation formulée par le Sous-Comité, l’administration pénitentiaire a fait savoir que tout soin de santé serait évalué au regard de son caractère d’urgence et de la continuité des soins dentaires, dans le cadre du dispositif d’enregistrement qui garde trace des convocations et de l’assistance apportée ou non aux patient(e)s.

108.Par ailleurs, bien que la recommandation soit expressément adressée à l’administration pénitentiaire, le Service national pour la protection des mineurs, dans le cadre de la convention en cours d’élaboration avec le Ministère de la santé, intégrera les soins dentaires et la prise en charge spécifique des enfants et adolescents relevant des secteurs de la protection et de la responsabilité pénale des adolescents, afin qu’ils puissent bénéficier de soins dentaires en temps utile et sans discrimination.

109.Paragraphe 63 : [L]e Sous-Comité recommande d ’ accorder une attention toute particulière à la délivrance des médicaments aux détenus atteints du VIH et d ’ autres maladies chroniques, ainsi qu ’ aux patients ayant besoin de traitements ponctuels, et de tenir dans tous les cas un registre dans lequel chaque détenu doit attester qu ’ il a reçu son médicament. Il recommande aussi aux services de santé des établissements pénitentiaires de procéder aux aménagements nécessaires dans leurs protocoles et leurs installations pour que les détenus qui le souhaitent puissent avoir utiliser les connaissances et les médecines traditionnelles, en remplacement ou en complément des traitements habituels.

110.En avril 2016, une convention de coopération a été signée entre l’administration pénitentiaire et le Ministère de la santé pour favoriser la prévention et la prise en charge globale des personnes privées de liberté vivant avec le VIH/sida. Cette convention leur donne accès à des thérapies antirétrovirales et prévoit également des programmes d’éducation à la prévention du virus à destination des fonctionnaires et des personnes privées de liberté, remise de préservatifs incluse.

111.Outre ce qui précède, en vue de proposer une prise en charge opportune aux personnes privées de liberté vivant avec le VIH/sida, la réglementation prévoyant la réalisation d’un examen de dépistage du virus de l’immunodéficience humaine au sein de cette population a été publiée en mars 2016. Ce texte, en plus de régir la procédure de prélèvement d’échantillons, interdit la discrimination ou la ségrégation, dans l’enceinte des établissements pénitentiaires, des personnes privées de liberté dont le test est positif, établit le caractère confidentiel du résultat, consacre le principe de volontariat de la soumission au test et fixe les conditions dans lesquelles il doit se dérouler.

112.S’agissant de la délivrance de médicaments, un contrôle existe déjà sur les produits pharmaceutiques apportés dans l’enceinte de la prison par les membres de la famille. Parallèlement, les médicaments fournis par l’administration pénitentiaire sont enregistrés dans la carte BINCARD. Un projet pilote de registre automatisé du stock de produits pharmaceutiques est en cours d’élaboration : il fonctionnera grâce à un logiciel installé dans la pharmacie centrale et sera généralisé à l’ensemble du pays une fois déployé le système d’appui informatique nécessaire.

113.Bien que la recommandation concerne en priorité les établissements de l’administration pénitentiaire, il convient d’ajouter qu’une convention de collaboration interinstitutionnelle est en vigueur entre le Service national pour la protection des mineurs et le Ministère de la santé, afin de promouvoir la santé sexuelle, la prévention et le contrôle du VIH/sida et des infections sexuellement transmissibles, dans le respect du principe de non-discrimination. Dans ce domaine, les deux institutions œuvrent à la réalisation des objectifs de santé en matière de promotion de la santé sexuelle, de prévention et de contrôle du VIH/sida et des IST, en garantissant, par la voie de cette convention, l’accès rapide à l’offre de soins du réseau de prise en charge sanitaire des enfants et adolescents relevant du Service national pour la protection des mineurs.

114.Par ailleurs, allant plus loin que la recommandation formulée par le Sous-Comité, les deux institutions vont travailler, dans le cadre de la sous-commission Santé mise en place pour l’élaboration du présent rapport, à un règlement relatif au dépistage du VIH/sida chez les adolescent(e)s de moins de 18 ans relevant du Système de responsabilité pénale des adolescents. Elles élaboreront également un protocole de prise en charge des patients vivant avec le VIH/sida et des IST, qui interdira explicitement toute discrimination au sein des centres sous gestion directe du Service national pour la protection des mineurs. Ces deux textes devraient entrer en vigueur au deuxième semestre de l’année 2017.

115.Paragraphe 66 : Le Sous-Comité recommande qu ’ une attention toute particulière soit prêtée à l ’ examen des patients qui présentent des lésions, et que des spécialistes soient formés à cet effet.

116.Sur ce point en particulier, l’État partie est en mesure d’indiquer que la mise à jour de la réglementation relative aux hospitalisations en psychiatrie prévoit l’obligation de procéder à un examen physique, consigné dans le dossier médical, des personnes hospitalisées sous contrainte afin de repérer des lésions. En outre, le Ministère de la santé va adresser une circulaire visant à assouplir les procédures d’évaluation permettant à l’autorité judiciaire de suspendre au plus tôt l’hospitalisation d’office dans les services de psychiatrie, au plus tard le 30 mars 2017.

3.3Conditions de détention

3.3.1Infrastructures

117.S’agissant des infrastructures pénitentiaires, l’État chilien s’est donné pour priorité d’améliorer les conditions de vie dans les centres de détention. Sur ce point, l’administration pénitentiaire a des propositions à faire en ce sens, qui répondent aux recommandations du Sous-Comité.

118.Paragraphe 78 : Le Sous-Comité recommande d ’ adopter d ’ urgence les mesures nécessaires pour améliorer les conditions inacceptables dans la prison de Valparaíso et dans le centre de détention provisoire de Santiago Sud. Dans le cas de ce dernier, il est recommandé de déplacer les détenus, en tenant compte du fait que ce sont des primo-délinquants, et de démonter la structure précaire qui fait office d ’ annexe au vu des conditions inhumaines qui y règnent.

119.S’agissant des infrastructures des lieux de privation de liberté, l’administration pénitentiaire prend actuellement des mesures concrètes d’amélioration de leur état, principalement des travaux de modernisation et d’agrandissement des ateliers de travail. Afin de recueillir les informations nécessaires, le service a rédigé une série de rapports techniques grâce auxquels a pu être établi un diagnostic général de l’état des infrastructures de la prison de Valparaíso et du centre de détention provisoire de Santiago Sud.

120.Dans ce domaine, le complexe pénitentiaire de Valparaíso a procédé à des investissements d’un montant total de 859 049 930 pesos chiliens, suite à la visite du Sous-Comité en avril 2016, afin d’effectuer les réparations et les travaux suivants :

Agrandissement des ateliers de travail : il s’agissait d’agrandir par la pose de deux mezzanines de travail créant des espaces pour des ateliers spécialisés et des bureaux ;

Réparation du module 109 : réparation sanitaire de salles de bains communes à plusieurs cellules, réparation des canalisations d’évacuation réparations électriques et peinture ;

Réparation du module 113 ;

Réparations électriques dans les modules 104-114 et 115 : remplacement de prises électriques et d’éclairages de quartiers, d’éclairages de couloirs et de cages d’escalier (travaux réalisés par des détenus de l’unité pénitentiaire) ;

Remplacement de toilettes de cellules : remplacement de cuvettes de toilettes dans les cellules des différents modules de l’établissement, réalisé par les détenus eux‑mêmes.

121.Par ailleurs, dans le centre de détention provisoire de Santiago Sud, l’administration pénitentiaire a rédigé un rapport technique sur l’état actuel de l’établissement et les interventions urgentes à réaliser. D’un coût de 12 413 248 pesos, les travaux seront effectués par le service d’entretien de l’établissement, avec la collaboration des détenus. Les crédits nécessaires aux réparations de la galerie no 9 de la prison sont d’ores et déjà approuvés et les matériaux ont été achetés. Les travaux en question consistent en la réfection des sols, des murs du couloir central et des cellules, ainsi que des salles de bains de la galerie.

122.Enfin, entre les mois d’octobre et de novembre de l’année 2016, plus de 1 600 détenus du centre de détention provisoire Santiago Sud ont été réinstallés dans de nouvelles cellules, dans le but d’optimiser la séparation entre les détenus et, partant, d’améliorer les conditions de vie des personnes privées de liberté pour la première fois.

3.3.2 Alimentation et produits de première nécessité

123.S’agissant de l’alimentation et de la fourniture de produits de première nécessité, l’État partie doit encore remédier à certaines lacunes. À ce sujet et afin de répondre aux observations formulées par le Sous-Comité, les services ont pris plusieurs mesures, présentées ci-après.

124.Paragraphe 81 : Étant donné qu ’ une bonne alimentation est essentielle pour la santé, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les établissements pénitentiaires offrent, aux heures usuelles des repas, une alimentation de bonne qualité, convenablement préparée et ayant une valeur nutritive suffisante. De même, il convient de garantir que l ’ équipe sanitaire joue le rôle d ’ observateur dans toutes les étapes de l ’ élaboration des repas et de leur distribution aux détenus et utilise des registres à cette fin.

125.Paragraphe 83 : Le Sous-Comité recommande que, conformément aux Règles Nelson Mandela (règle 22), l ’ État partie garantisse que tout détenu reçoive de l ’ administration pénitentiaire aux heures habituelles une alimentation de bonne qualité, bien préparée et servie, ayant une valeur nutritive suffisant au maintien de sa santé. De la même manière, aucune personne privée de liberté ne devrait dépendre de tiers pour obtenir de la nourriture. À cet égard, le Sous-Comité recommande d ’ allouer au système pénitentiaire le budget nécessaire pour fournir une alimentation suffisante aux personnes privées de liberté, y compris dans les prisons sous contrat. S ’ agissant de la réception et de la distribution des aliments, des médicaments, des articles de toilette et des vêtements, il a été recommandé d ’ appliquer des procédures régulières pour garantir qu ’ ils parviennent à leurs destinataires, dans le respect des Règles Nelson Mandela (règles 18 et 19).

126.S’agissant des deux recommandations relatives à l’alimentation fournie aux détenu(e)s, l’administration pénitentiaire dispose de nutritionnistes professionnels qui planifient les quatre repas journaliers fournis dans les prisons traditionnelles, selon les critères suivants :

L’apport nutritionnel des aliments fournis par l’administration pénitentiaire, calculé sur la base des recommandations nutritionnelles pour la population chilienne, conformément aux lignes directrices fixées par le Ministère de la santé ;

Le tableau de fréquence de consommation hebdomadaire, établi conformément aux guides sur l’alimentation saine du Ministère de la santé ;

La disponibilité des ressources pour l’élaboration et la distribution des repas ;

Les dispositions de sécurité de l’unité/l’établissement pénitentiaire concerné.

127.L’apport nutritionnel est réglementé par la normalisation du poids des aliments pour chaque préparation (manuel de planification alimentaire et d’alimentation saine, et instructions complémentaires), sous la responsabilité du chef de l’unité, du chef de l’administration ou du nutritionniste professionnel chargé de l’unité concernée.

128.La préparation des repas est assurée par des détenus de l’établissement, sélectionnés par le conseil technique et formés à cet effet par les professionnels chargés du service de restauration. La distribution s’effectue majoritairement en grandes quantités, par transport des aliments dans des récipients isothermes, selon des portions définies par le règlement intérieur de l’établissement. Dans les établissements équipés de réfectoires, les repas sont servis en plateaux individuels comprenant les portions d’aliments correspondant à chaque personne privée de liberté.

129.D’un autre côté, les prisons sous contrat sont régies par des contrats de marchés publics qui fixent les critères relatifs à l’apport nutritionnel, à la fréquence et au mode de distribution.

130.S’agissant des articles d’hygiène, aucune allocation budgétaire n’est prévue pour en distribuer aux détenus. Les ressources disponibles pour cette ligne budgétaire servent à l’acquisition d’équipements et d’articles d’hygiène nécessaires aux établissements pénitentiaires. Face à cette réalité, le département de la logistique de l’administration pénitentiaire, afin d’apporter une réponse concrète à la recommandation, va ordonner la mise en place et l’intégration d’un registre de réception confirmant la livraison de repas et de médicaments, qui permettra de garantir dans les faits la réception des articles de première nécessité par les personnes privées de liberté. Ce registre sera en vigueur à partir du mois de juillet 2017.

131.Parallèlement, le Service national pour la protection des mineurs entend mettre en place deux mesures concrètes en réponse aux recommandations formulées par le Sous‑Comité, à savoir :

L’unité nationale de santé va œuvrer à la rédaction de lignes directrices pour l’élaboration de menus dans les centres sous gestion directe, pour le système de protection comme pour celui de la justice des mineurs. Ces menus alimentaires devraient normalement être disponibles et en vigueur dans les centres à partir du deuxième semestre 2017 ;

Le Service va élaborer un guide opérationnel et un protocole pour la fourniture d’articles d’hygiène qui permettra de créer un registre de réception. La mise en application du guide et du protocole est envisagée pour le second semestre 2017.

3.4Groupes privés de liberté particulièrement vulnérables

132.La réalité des personnes privées de liberté n’est pas homogène. Bien que la privation de liberté ait tendance à être source de vulnérabilité, au sein des lieux de privation de liberté cohabitent des groupes divers aux vulnérabilités distinctes et auxquelles l’État se doit de répondre de façon ciblée. Le Sous-Comité en a fait le constat lors de ses différentes visites. Par conséquent, l’administration pénitentiaire et le Service national pour la protection des mineurs proposent des mesures susceptibles de répondre aux recommandations du Sous‑Comité et, à terme, d’améliorer la dignité de tous et toutes au sein des lieux de privation de liberté.

3.4.1Femmes

133.Au Chili, environ 3 050 femmes sont privées de liberté, dans 38 établissements pénitentiaires du pays. La population féminine ne dépasse donc pas 10 % des personnes privées de liberté en régime fermé. Leur faible pourcentage dans la population carcérale ne signifie pas qu’elles ne font pas l’objet de discriminations ou de stéréotypes sexistes qui existent hors des établissements pénitentiaires. L’État doit s’efforcer d’améliorer leurs conditions de vie et la mise en place de services et de programmes correspondant à leurs demandes.

134.Paragraphe 85 : Le Sous-Comité rappelle à l ’ État le principe de l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant et la règle 58 des Règles de Bangkok sur les mesures de substitution à la détention provisoire et les peines de substitution qui doivent être appliquées aux femmes.

135.Pour ce qui est de cette recommandation, l’administration pénitentiaire se préoccupe constamment de l’intérieur supérieur de l’enfant. Le programme PAMEHL a ainsi été créé, afin de contribuer au développement du lien et de l’affection entre la mère et l’enfant, dans un espace réservé et spécialement prévu à cet effet. Dans le cadre de ce programme, les femmes, pendant leur grossesse et jusqu’aux 2 ans de leur enfant, bénéficient d’une prise en charge exclusive par des professionnels afin de répondre à leurs besoins sur le plan criminologique et de limiter la récidive, tandis que les besoins de protection de l’enfant sont assurés. En 2016, 181 femmes réparties dans les différentes unités mère-enfant du pays ont ainsi été prises en charge.

136.Par ailleurs, depuis 2004, l’administration pénitentiaire a mis en place le programme « Connaître son enfant », qui vise à renforcer les processus d’apprentissage chez les pères et les mères privés de liberté vis-à-vis de leurs enfants, qui favorise la stimulation des apprentissages et le développement des enfants participant au programme, afin de leur offrir de meilleures chances de s’épanouir pleinement, tout en renforçant les liens affectifs du parent privé de liberté avec sa famille.

137.Paragraphe 91 : Le Sous-Comité recommande l ’ élaboration et l ’ application de stratégies, en consultation avec les services de soins de santé mentale et de protection sociale, pour prévenir le suicide et l ’ automutilation chez les détenues, conformément à la règle 16 des Règles de Bangkok.

138.S’agissant de la prévention du suicide et de l’automutilation, l’administration pénitentiaire a mis à jour les orientations pratiques générales pour la prévention du suicide des détenu(e)s, dans toute la population carcérale, par l’adoption des mesures suivantes :

I.Actions d’évaluation :

a)Examen médical à l’entrée ;

b)Suivi préventif permanent des incidents ;

c)Évaluation du risque suicidaire ;

d)Orientation vers une prise en charge professionnelle.

II.Coordination technique opérationnelle

a.Formation aux signes avant-coureurs du suicide

139.Ainsi, les « orientations opérationnelles en matière de prévention du suicide des personnes privées de liberté en régime fermé » ont été élaborées au cours de l’année 2016 et regroupent des consignes figurant dans des documents antérieurs, tout en intégrant les expériences menées dans les régions. Elles incluent également un ensemble de mesures de nature opérationnelle grâce auxquelles les personnes privées de liberté qui ont tenté de se suicider peuvent bénéficier de soins adaptés ou qui visent à prévenir les tentatives de suicide pendant leur détention.

140.Par ailleurs, le département de la santé a mis en œuvre au mois de mars 2016 un programme pilote de soins de santé mentale dans la prison de Colina I et dans le centre de détention provisoire de Santiago Sud. Ce programme est constitué d’ateliers de psychothérapie de groupe (726 personnes sont actuellement suivies) et se termine au mois de décembre. Parallèlement, une aide psychologique individuelle est proposée. La prise en charge psychologique individuelle a également été mise en place au centre de détention provisoire Puente Alto, à la prison de Colina I, au centre de détention provisoire de Santiago Sud et à Punta Peuco. Ce programme doit être généralisé à l’ensemble de la région métropolitaine, ainsi qu’aux autres régions.

141.En outre, il convient de souligner la diminution du taux annuel de suicide en régime fermé au cours de l’année 2016. En effet, en 2015, le taux de suicide était de 16,58 %, contre 4,62 % entre janvier et septembre 2016. Pour autant, il est nécessaire de procéder à une analyse plus approfondie et avec plus de recul dans le temps des résultats obtenus grâce aux nouvelles lignes directrices en matière de prévention du suicide et à des soins de santé mentale fournis en temps utile.

142.De son côté, le Service national pour la protection des mineurs œuvre à l’élaboration de programmes et de cursus de formation à l’échelle nationale destinés aux fonctionnaires des centres sous gestion directe et des directions régionales du réseau du Service national pour la protection des mineurs, concernant la prévention du suicide, dans le cadre d’une approche tenant compte des questions de genre et axée particulièrement sur les personnes LGBTI. En décembre 2016, l’Unité de santé nationale va mettre en place une formation nationale destinée aux professionnels/fonctionnaires des centres sous gestion directe et des directions régionales du réseau du Service national pour la protection des mineurs, concernant la prévention du suicide, dans le cadre d’une approche tenant compte des questions de genre et en mettant particulièrement l’accent sur les personnes LGBTI.

143.En outre, le Service national pour la protection des mineurs va intégrer, aux côtés du Ministère de la santé, un groupe de travail axé sur la prévention du suicide, dont l’objectif est de produire un protocole en la matière, destiné aux centres sous gestion directe. Le Service œuvrera à l’élaboration du protocole au cours du premier semestre 2017.

144.Paragraphe 96 : Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de garantir que de vastes programmes de soins de santé mentale et de réadaptation personnalisés tenant compte des différences entre les sexes soient offerts aux détenues nécessitant des soins de santé mentale, conformément à la règle 12 des Règles de Bangkok.

145.Compte tenu de la nécessité de proposer des soins de santé mentale et de vastes programmes de soins de santé aux femmes, tenant compte des différences entre les sexes, l’administration pénitentiaire va travailler avec le Ministère de la santé à l’élaboration de plans visant à répondre à la recommandation du Sous-Comité. Les soins et les programmes en question devraient être prêts après le deuxième semestre 2017.

146.L’administration pénitentiaire a également mis en place des mesures visant à améliorer la santé des femmes privées de liberté. Ainsi, les prisons sous contrat qui accueillent des femmes ont désormais, en vertu de leurs contrats respectifs, l’obligation de disposer d’installations sanitaires adaptées aux soins prodigués aux femmes, tels que les soins gynécologiques. Parallèlement, les autres prisons doivent proposer des soins spécifiques aux femmes dans le cadre des dispositifs de consultation.

147.Par ailleurs, la convention passée entre le Ministère de la justice et des droits de l’homme et le Ministère de la santé prévoit la fourniture de soins de santé mentale aux personnes privées de liberté ayant la qualité de prévenu(e)s et nécessitant une évaluation psychiatrique, qui doit être effectuée par des équipes spécialisées du Ministère de la santé au sein des unités psychiatriques médico-légales de transit. Une fois le rapport d’expert remis, le tribunal établit la responsabilité ou l’irresponsabilité de la personne concernée dans la commission de l’infraction.

148.Parallèlement, le Service national pour la protection des mineurs va intégrer dans la convention en cours de rédaction avec le Ministère de la santé un alinéa sur les soins de santé mentale destinés aux enfants et aux adolescents se trouvant en centres de détention pour adolescents. Selon le Service national pour la protection des mineurs, une telle mesure suppose une mise en œuvre à long terme, et son application est donc attendue au cours du second semestre 2017.

149.Paragraphe 98 : Dans l ’ esprit des Règles de Bangkok, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les mères allaitantes et leurs enfants, y compris dans la prison d ’ Antofagasta, disposent d ’ un espace suffisant, d ’ un temps quotidien d ’ exposition à la lumière naturelle, et d ’ une ventilation et d ’ un chauffage appropriés, adaptés aux conditions climatiques du lieu de privation de liberté.

150.S’agissant de cette recommandation, l’administration pénitentiaire s’est engagée dans une démarche d’amélioration des conditions de vie de l’ensemble des prisons accueillant des mères allaitantes à l’échelle nationale, dans le cadre du Programme de prise en charge des femmes enceintes et allaitantes (PAMEHL). Le diagnostic a révélé que, de façon générale, les conditions de vie dans les prisons destinées à l’accueil de femmes enceintes et allaitantes au niveau national étaient régulières et bonnes, ce qui ne justifiait pas d’intervention immédiate.

151.Pour autant, il est apparu que certaines régions ont des besoins en infrastructures plus importants, qui ont principalement trait à la modernisation des installations : l’assainissement (mauvais état des équipements sanitaires, eaux de pluie), problèmes voire absence de chauffage, absence ou insuffisance d’espaces de loisirs et insuffisance d’espaces satisfaisant aux conditions de vie de base. Il en ressort que les prisons nécessitant des interventions urgentes sont les suivantes :

Le centre de détention provisoire de Vallenar (région d’Atacama) ;

La prison de Valparaíso (région de Valparaíso) ;

La prison de Rancagua (région du Libertador Bernardo O’Higgins) ;

Le centre de détention de Coyhaique (région d’Aysén) ;

Le centre d’éducation et de travail de Valdivia (région de Los Ríos) ;

Le centre de détention pour femmes de Santiago (région métropolitaine) ;

Le centre de détention pour femmes de San Miguel (région métropolitaine) ;

Le centre de détention d’Antofagasta (région d’Antofagasta).

152.Une mesure concrète va être prise afin d’améliorer les conditions de vie dans les établissements relevant du PAMEHL : la rédaction d’une instruction adressée officiellement par la Direction nationale de l’administration pénitentiaire aux directions régionales afin que dans leurs portefeuilles de projets figure en priorité la garantie de l’amélioration des espaces destinés aux mères allaitantes et à leurs enfants et de la mise à leur disposition d’espaces suffisants, d’une exposition à la lumière naturelle et de dispositifs d’aération et de chauffage en fonction de la situation géographique de l’établissement.

153.Parallèlement, des chantiers sont en cours dans les centres de détention pour femmes de la région métropolitaine afin d’améliorer les conditions d’accueil dans le cadre du PAMEHL. À cet égard, le centre de San Miguel va bénéficier d’investissements d’un montant total de 51 168 207 pesos chiliens pour effectuer des réparations et moderniser les sanitaires dans le quartier mère-enfant. Ces travaux sont en cours et devraient être terminés en février 2017. S’agissant du Centre de détention pour femmes de Santiago, environ 993 680 000 pesos vont être investis dans l’agrandissement et la rénovation du quartier. Les travaux devraient commencer en février et se terminer en décembre 2017.

154.Paragraphe 100 : Conformément aux règles 19 et 20 des Règles de Bangkok, le Sous-Comité engage vivement l ’ État partie à prendre des mesures efficaces pour garantir la protection de la dignité et de la vie privée des femmes détenues pendant les fouilles corporelles, et à utiliser d ’ autres méthodes de contrôle, par exemple le scanner, dont l ’ usage pourrait être généralisé pour remplacer les fouilles à nu et les fouilles corporelles invasives.

155.S’agissant des méthodes de détection non invasives, l’administration pénitentiaire tient à faire savoir que trois établissements du régime fermé possèdent des scanners corporels, qui sont installés dans les centres suivants :

Le centre de détention de Colina I ;

Le centre de détention provisoire de Santiago Sud ;

L’unité spéciale de haute sécurité.

156.La Direction régionale d’Arica et Parinacota est en train d’attribuer un marché d’équipements, financés par le Fonds national de développement régional, pour l’établissement pénitentiaire situé dans cette région. Elle envisage en outre l’acquisition de nouveaux équipements afin d’augmenter le nombre d’appareils spécialisés dans la réalisation de détections corporelles non invasives. De surcroît, les nouveaux établissements pénitentiaires construits au Chili ont l’obligation d’intégrer, dans leur conception, ce type de technologies, qui évite de porter atteinte aux droits des personnes privées de liberté et des membres de leur famille. L’ensemble de ces mesures doit être mis en place en juillet 2017.

157.Par ailleurs, le Service national pour la protection des mineurs fait savoir que, si le contrôle des entrées dans les centres de responsabilité pénale pour adolescents relevant du Service est de la compétence de l’administration pénitentiaire, le Service dispose des technologies permettant de procéder à des détections non invasives. Il a été établi que, pour ces centres, le contrôle et l’examen des visiteurs doivent être effectués au moyen de détecteurs de métaux portatifs ou de portiques de détection. La fouille manuelle n’est prévue que dans des cas exceptionnels, par un ou une fonctionnaire du même sexe que la personne qui souhaite pénétrer dans le centre.

3.4.2Enfants et adolescents en conflit avec la loi

158.Il est inutile de rappeler que s’est installée dans le débat public la question de la promotion et de la protection des droits des enfants et des adolescents. Dans ce domaine, des institutions comme le Service national pour la protection des mineurs jouent un rôle prépondérant et ont fait l’objet de critiques tant de la part de responsables politiques que d’organisations de la société civile œuvrant dans le domaine de l’enfance. Ce débat public a poussé l’État à prendre un ensemble de mesures visant à améliorer la situation des droits des enfants et des adolescents sur plusieurs points, de la promotion de leurs droits à leur protection, afin de garantir que les faits déplorables que le pays a connus ne se reproduisent pas.

159.De même, en octobre 2016, la Présidente de la République a communiqué le Plan d’action du Service national pour la protection des mineurs, dans lequel il convient de signaler les points suivants : i) l’augmentation des ressources budgétaires (2,5 milliards de pesos en 2016 et 16,5 milliards en 2017) ; ii) la modernisation des infrastructures, notamment grâce à des cessions de biens ; iii) la division du Service en deux entités : le Service de la responsabilité pénale des adolescents et le Service de protection de l’enfance ; iv) un suivi permanent des centres relevant du Service national pour la protection des mineurs ; v) la mise en place d’une politique de déjudiciarisation, entre autres.

160.Paragraphe 108 : Le Sous-Comité note avec une profonde préoccupation que l ’ ancienne directrice du centre a fait l ’ objet d ’ une sanction disciplinaire de révocation de ses fonctions en 2014, qui aurait été prononcée comme suite à des mauvais traitements à l ’ égard des mineurs détenus. Le Sous-Comité exhorte l ’ État partie à mener une enquête indépendante et impartiale et à protéger les témoins et les victimes.

161.S’agissant de la préoccupation exprimée par le Sous-Comité quant au licenciement disciplinaire en 2014 de l’ancienne directrice du centre de détention provisoire de San Joaquín et la conduite d’une enquête sur les faits dénoncés, le Service national pour la protection des mineurs confirme qu’une instruction préliminaire est toujours en cours et qu’il est en attente de ses conclusions quant aux plaintes en question. En fonction de l’issue de l’instruction préliminaire, les mesures administratives et disciplinaires qui s’imposent seront prises pour déterminer, le cas échéant, les responsabilités administratives dans cette affaire.

3.4.3Peuple mapuche

162.Un état de droit conforme aux normes internationales en matière de droits de l’homme se doit notamment de traiter avec dignité les personnes privées de liberté. Cet enjeu est encore plus grand en cas de discrimination structurelle, dans laquelle une multiplicité de facteurs convergent et rendent encore plus vulnérables une personne ou un groupe. Tel est le cas des personnes privées de liberté appartenant au peuple mapuche, qui n’a pas manqué d’être abordé dans le débat public. Certaines mesures concrètes ont donc été prises afin d’éviter que pareilles situations de vulnérabilité ne se reproduisent. À cet égard, et suite au cas de Lorenza Cayuhan, la Présidente Michelle Bachelet Jeria a ordonné au Sous-Secrétariat aux droits de l’homme de modifier la réglementation applicable aux établissements pénitentiaires du point de vue des droits de l’homme.

163.Le Sous-Comité est au fait de cette situation et sont donc présentées ci-après les mesures visant à répondre aux recommandations qu’il a formulées.

164.Paragraphe 121 : Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour que les personnes privées de liberté appartenant au peuple mapuche aient le droit d ’ observer leurs traditions et coutumes culturelles, conformément aux normes internationales en la matière, de la même manière qu ’ on permet à d ’ autres groupes spécifiques de personnes privées de liberté de pratiquer librement leur religion.

165.S’agissant des personnes privées de liberté appartenant au peuple mapuche, l’administration pénitentiaire dispose d’une convention de collaboration avec l’université catholique de Temuco pour la mise à disposition de trousses de soins mapuche dans les établissements pénitentiaires de la région de La Araucanía. Pour le moment, ces trousses sont disponibles dans les prisons de Nueva Imperial et de Collipulli et ont pour but de proposer un accès aux soins médicaux conforme à la vision du monde mapuche, en prodiguant conseils et techniques de méthodes thérapeutiques ancestrales aux personnes privées de liberté et aux fonctionnaires de l’administration pénitentiaire. Cette démarche est complémentaire aux actions intersectorielles de santé : en effet, une fois l’évaluation sanitaire initiale effectuée et sur demande de l’intéressé(e), la personne est orientée vers les établissements de santé d’Araucanía Sud ou Araucanía Nord, qui disposent d’un programme de santé mapuche. Certains établissements sont également spécialisés dans ce domaine, notamment l’hôpital interculturel de Nueva Imperial et l’hôpital Makewe, qui prennent en charge les personnes privées de liberté appartenant au peuple mapuche. Ces mesures bénéficient à l’ensemble des Mapuche privés de liberté, en particulier dans les prisons qui accueillent un grand nombre de Mapuche, comme c’est le cas du centre de détention de Nueva Imperial, du centre de détention de Temuco, du centre de détention provisoire d’Angol et du centre de détention provisoire de Villarrica.

166.En outre, une convention est en cours d’élaboration avec l’Académie de la langue mapuche, afin de former les fonctionnaires et les personnes privées de liberté à la culture et à la médecine mapuche dans le contexte urbain. Cette convention devrait normalement entrer en vigueur d’ici au mois de juillet 2017. Elle aura pour but la mise en place de cours sur la langue et la vision du monde mapuche dans les prisons de Santiago, destinés aux fonctionnaires en contact direct avec les détenus, en particulier ceux qui sont d’origine autochtone, afin de renforcer l’importance de la célébration des fêtes de la culture mapuche et le respect de ses traditions.

167.De son côté, le Service national pour la protection des mineurs a mené en 2009 une étude dont il est ressorti l’absence d’expérience ou de connaissances en matière d’interculturalité et de respect des droits culturels des enfants et adolescents autochtones. En réponse, le Service a intégré dans ses orientations techniques, tant pour les centres sous administration directe que pour les organismes collaborateurs, des aspects relatifs à l’exercice de la liberté de culte et à la conduite de pratiques traditionnelles dans le cadre des procédures d’intervention auprès des enfants et des adolescents, qui font partie des éléments à prendre en compte dans la réinsertion sociale. Ces orientations sont également intégrées dans les procédures de marchés publics et d’adjudication des centres résidentiels tenus par des organismes collaborateurs, en vertu de la loi no 20032 de 2005, qui fait part de recommandations techniques à l’égard du respect de la vision du monde et de l’identité des enfants et des adolescents issus de peuples autochtones.

168.Paragraphe 122 : De plus, le Sous-Comité recommande aux services de santé des établissements pénitentiaires d ’ adapter leurs protocoles et leurs installations afin que les personnes privées de liberté qui le souhaitent puissent utiliser leurs connaissances ancestrales et leur pharmacopée traditionnelle à la place ou en plus des traitements normalement dispensés.

169.La convention passée entre l’administration pénitentiaire et l’université catholique de Temuco, mentionnée plus haut, intègre le thème de la santé chez les personnes privées de liberté appartenant au peuple mapuche. À cet égard, les deux institutions doivent convenir d’activités spécifiques de collaboration dans le domaine de la santé qui favorisent l’intégration de la santé interculturelle mapuche ou des thérapies complémentaires, dans le cadre du modèle de travail et des activités à développer dans les établissements pénitentiaires de la région de la Araucanía.

170.Dans cette optique, l’université catholique de Temuco a remis une trousse ou une valise comprenant des fournitures médicales mapuche. Elle s’est engagée à en assurer le réapprovisionnement, ainsi qu’à délivrer des formations au personnel de santé des prisons concernées par la convention.

171.S’agissant du Service national pour la protection des mineurs, il va mettre en place, avec le Ministère de la santé, un groupe de travail chargé d’élaborer le protocole d’intégration de la médecine ancestrale dans les procédures d’intervention des unités de santé des centres sous administration directe. En outre, les fonctionnaires des régions devraient être formés sur la norme-cadre administrative no 16 concernant l’interculturalité dans les services de santé (résolution spéciale no 261 de 2006). Ces deux actions devraient être mises en place après le second semestre 2017.

3.4.4Personnes LGBTI

172.Les personnes privées de liberté qui font l’objet de discrimination en raison soit de leur orientation sexuelle soit de leur identité de genre constituent un groupe dont se préoccupe tout particulièrement le Sous-Comité. Des démarches ont donc été engagées par les services de la justice afin de répondre aux recommandations du Sous-Comité et, partant, de traiter avec dignité les personnes LGBTI privées de liberté.

173.Paragraphe 126 : Le Sous-Comité rappelle que l ’ isolement, la mise au secret et la ségrégation administrative ne sont pas des moyens appropriés d ’ assurer la sécurité des personnes, et que ces mesures ne peuvent être justifiées que si elles s ’ appliquent en dernier recours, à titre exceptionnel, pour une durée aussi brève que possible et dans le respect des garanties juridiques fondamentales.

174.Il convient de rappeler qu’un nouveau règlement des établissements pénitentiaires est en cours d’élaboration, sur demande de la Présidente de la République. L’un des objectifs vise justement à limiter le régime des sanctions conformément aux normes internationales en matière de droits de l’homme.

175.En outre, en octobre 2016, l’administration pénitentiaire a procédé à un recueil d’informations afin de recenser le nombre de personnes LGBTI placées à l’isolement. Il en est ressorti que 6 personnes se trouvaient dans les régions suivantes :

Arica et Parinacota : 1 personne ;

Région métropolitaine : 2 personnes ;

Maule : 2 personnes ;

La Araucanía : 1 personne.

176.Les motifs exposés par les personnes LGBTI et par l’administration pénitentiaire pour justifier cette mesure sont, d’une part, le souhait de ne pas être transféré hors de l’établissement compte tenu de l’enracinement de la personne privée de liberté et de l’autre, le manque d’espaces réservés aux personnes LGBTI à l’échelle régionale.

177.Sur ce point, deux mesures concrètes ont été prises pour mettre fin à cette situation. En premier lieu, l’administration pénitentiaire a ordonné la fin immédiate du placement des personnes concernées à l’isolement et, en second lieu, les conditions dans lesquelles elles vivent vont être améliorées. La première mesure a déjà été mise en place, tandis que la seconde devrait l’être d’ici au mois de juillet 2017.

178.Parallèlement, le Service national pour la protection des mineurs, dans une optique de modernisation de la réglementation interne et à titre de mesure spécifique, va procéder à une modification de son règlement pour y faire figurer expressément les personnes LGBTI et les mesures prises pour assurer leur protection. Le Service national pour la protection des mineurs va également former les fonctionnaires à la bienveillance et à la prévention du suicide chez les personnes LGBTI, dans le cadre de son Unité de santé. Ces mesures devraient être mises en place au premier semestre 2017.

179.Paragraphe 130 : Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prévenir les mauvais traitements et la marginalisation des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués privés de liberté, en veillant en particulier à ce qu ’ ils aient accès sans discrimination à l ’ éducation, à des ateliers, à l ’ emploi et à des activités récréatives. Il recommande également l ’ organisation de formations à l ’ intention du personnel pénitentiaire et des agents des forces de l ’ ordre, non seulement pour leur donner des indications sur la manière de communiquer efficacement et professionnellement avec les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués détenus, mais également pour les sensibiliser aux normes et principes internationaux relatifs aux droits de l ’ homme qui concernent l ’ égalité et la non-discrimination, y compris l ’ orientation sexuelle et l ’ identité de genre.

180.De son côté, le 30 mars 2016, l’administration pénitentiaire a publié le Plan stratégique et fonctionnel en matière de droits de l’homme, qui vise la mise en place d’actions de promotion des normes internationales en matière de droits de l’homme, dans le cadre du travail en prison, aux fonctionnaires qui sont en contact direct avec les personnes privées de liberté.

181.Les formations sont orientées en fonction du public et abordent des thèmes tels que la diversité sexuelle et les groupes vulnérables dans le cadre du travail en prison, afin d’améliorer le traitement des personnes privées de liberté par les fonctionnaires.

182.Dans ce cadre, 1 147 fonctionnaires de 43 établissements pénitentiaires ont été formés en 2016.

183.En complément, il convient de préciser qu’une convention de collaboration avec le Mouvement de libération homosexuelle (MOVILH) est toujours en vigueur, grâce à laquelle ont été développées des actions visant à établir un cadre de coopération mutuelle dans le domaine universitaire et de formation des fonctionnaires, ainsi que la réalisation d’actions d’intérêt commun, telles que des projets, des formations, des ateliers, des cursus, des séminaires, des enquêtes universitaires et des activités allant dans ce sens.

184.De son côté, le Service national pour la protection des mineurs a programmé des formations pour les fonctionnaires des centres sous administration directe chargés de la justice pour mineurs et de la protection sur la prise en charge des enfants et des adolescents LGBTI. Ces formations devraient avoir lieu dans le courant du premier semestre 2017.

3.5Répercussions de la visite

185.Paragraphe 131 : Conformément à l ’ article 15 du Protocole facultatif et au document de travail du Sous-Comité concernant les représailles, le Sous-Comité demande aux autorités compétentes chiliennes de veiller à ce qu ’ aucunes représailles ne soient exercées après sa visite. Il demande à l ’ État partie de lui donner, dans sa réponse, des informations détaillées sur les mesures prises pour empêcher que les personnes qu ’ il a rencontrées, avec lesquelles il s ’ est entretenu ou qui lui ont donné des renseignements durant sa visite soient victimes de représailles.

186.Concernant l’article 15 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui interdit les représailles à l’égard des personnes qui entrent en contact avec le Sous-Comité, le Directeur national de l’administration pénitentiaire a adressé des instructions à toutes les directions régionales, par la voie de la note officielle no 85 du 4 février 2016, ayant trait aux visites des établissements relevant de l’administration pénitentiaire qu’allait mener le Sous‑Comité. Au paragraphe 5 du document précité, il est fait mention de l’interdiction de sanctions ou de représailles, en référence à l’article 4 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La diffusion de cette note a été confiée aux directeurs régionaux, au moyen de visites dans les différentes prisons de la région.

187.Les instructions déjà fournies ont été réitérées par la note officielle no 118 du 24 mars 2016, précisant les caractéristiques de la visite du Sous-Comité et le fait qu’en cas d’entretien avec des personnes privées de liberté ou des fonctionnaires, les intéressés ne pourraient pour aucune raison, aucun motif ou prétexte subir de représailles ou aucune mesure impliquant des châtiments, des punitions ou des menaces.

188.Les instructions figurant dans les deux notes ont également été exposées aux directeurs régionaux, afin de les réitérer, d’éclaircir les doutes et de répondre aux éventuelles questions. Cette vidéoconférence a été animée par le Sous-Directeur opérationnel, le colonel Maurice Grimald, et le Chef de l’unité de protection et de promotion des droits de l’homme, M. Pedro Pablo Parodi.

189.De son côté, le Service national pour la protection des mineurs a pris des mesures similaires en adressant à tous les directeurs régionaux et aux centres sous administration directe le mémorandum no 229. Ce document avait pour objet d’informer de la conduite de la visite du Sous-Comité, de son contexte juridique et des points spécifiques suivants :

La définition de la torture figurant dans la Convention ;

Le mandat du Sous-Comité ;

L’interdiction des sanctions et des représailles, dans les termes suivants : « Il demeure strictement interdit à tou(te)s les fonctionnaires du Service national pour la protection des mineurs et des organismes collaborateurs relevant du Service national pour la protection des mineurs d’exercer tout type de représailles à l’encontre des personnes qui collaborent avec le Sous-Comité dans les termes auxquels il est fait référence dans la présente instruction. Le cas échéant, les autorités compétentes devront prendre des mesures urgentes pour protéger tous les intéressés, ainsi que des mesures disciplinaires afin de déterminer l’éventuelle responsabilité des fonctionnaires concernés » ;

Les privilèges et immunités à accorder aux membres du Sous-Comité ;

Les obligations du Chili en tant qu’État partie au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Suivi

190.Le rapport du Sous-Comité nous rappelle à nouveau les obligations qui incombent au Chili en tant qu’État en matière de prévention de la torture. Par conséquent, le travail mené par l’État suite à la réception dudit rapport ne s’arrête pas à la rédaction de la présente réponse, mais suppose un véritable suivi des procédures engagées pour améliorer les conditions de vie des personnes privées de liberté.

191.La fixation par les services des lieux de réalisation des actions détaillées dans le présent rapport a pour objet, d’une part, de donner un sentiment de réalité aux mesures qu’ils vont adopter et, d’autre part, d’offrir une continuité au Comité interministériel en tant qu’instance de coordination et de suivi du respect du plan de travail établi de façon collective pour satisfaire aux recommandations.

192.À cet égard, la sous-commission Santé va poursuivre ses travaux afin d’élaborer, dans le courant de l’année 2017, une convention-cadre avec le Service national pour la protection des mineurs, dont les termes seront similaires à celle conclue avec le Ministère de la justice et des droits de l’homme, le Ministère de la santé, l’administration pénitentiaire, le Fonds national de la santé et la Direction de la santé. Cette convention permettra d’engager tous les efforts nécessaires pour prodiguer des soins de santés aux enfants et aux adolescents les plus vulnérables.

193.En outre, il convient de tenir compte de la prise de fonctions, depuis janvier 2017, du Sous-Secrétariat aux droits de l’homme, chargé de la préparation du Plan national en matière de droits de l’homme, dans lequel doit figurer, a minima, la promotion de l’éducation et de la formation aux droits de l’homme pour l’ensemble des agents de la fonction publique. Ces programmes de renforcement des compétences et de formation sont d’une importance vitale pour faire évoluer les cultures institutionnelles enracinées au cœur de l’État et chez ses fonctionnaires, en supprimant les obstacles qui empêchent les personnes privées de liberté d’exercer leurs droits.

194.Enfin, il convient de mentionner que le présent rapport s’inscrit dans les efforts déployés par l’État pour satisfaire à ses obligations internationales en matière de droits de l’homme. Comme tout État, il lui est difficile de répondre en intégralité à toutes les recommandations formulées par le Sous-Comité ; toutefois, ces efforts sont engagés avec sérieux et rigueur, étant entendu que les défis à relever sont bien plus grands. Un État qui se construit du point de vue des droits de l’homme comprend que ces recommandations ne sont pas une fin en soi, mais qu’elles constituent des horizons dynamiques qui imposent chaque jour à l’État de nouveaux défis. La prévention de la torture est justement l’un d’entre eux.