* La version originale du présent document n’a pas été revue par les services d’édition.

Renseignements reçus de la Malaisie au sujet de la suite donnée aux observations finales concernant son rapport valant troisième à cinquième rapports périodiques *

[Date de réception : 30 décembre 2020]

I.Introduction

Le 20 février 2018, à la soixante-neuvième session du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes de l’Organisation des Nations Unies (ONU), la Malaisie a été entendue par le Comité à l’occasion de l’examen de son rapport unique valant troisième à cinquième rapports périodiques, présenté au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Dans le document intitulé « Observations finales concernant le rapport de la Malaisie valant troisième à cinquième rapports périodiques » (CEDAW/C/MYS/CO/3-5), publié le 14 mars 2018, le Comité a prié la Malaisie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu’elle aurait prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 12 b) (Cadre constitutionnel et législatif), 22 b) (Mutilations génitales féminines), 46 b) (Femmes réfugiées et demandeuses d’asile) et 54 a) (Mariage et rapports familiaux) de ce document.

II.Questions spécifiques

Égalité des genres

En réponse à la recommandation énoncée au paragraphe 12 b), le Ministère de la promotion de la femme, de la famille et du développement communautaire a constitué une équipe spéciale en charge du projet de loi sur l’égalité des genres, qui comprend des spécialistes de l’égalité des genres issus d’organismes publics, d’universités et d’organisations non gouvernementales (ONG) ainsi que des expertes et experts indépendants initialement engagés pour aider le Gouvernement à élaborer le projet de loi. Ces spécialistes se sont penchés sur plusieurs questions, notamment la nécessité de s’accorder sur une définition institutionnelle précise de la discrimination directe et indirecte et les droits et les responsabilités qui entrent en ligne de compte s’agissant de garantir à toutes et à tous l’égalité des chances et l’égalité d’accès aux ressources et aux prestations sociales. Ces considérations interviennent également dans les recommandations formulées dans le cadre du projet d’intégration des questions de genre intitulé « Strengthening and Enhancing the Inclusiveness of Women Towards an Equitable Society in the 11th Malaysia Plan (2016-2020) » [Renforcer et promouvoir l’inclusion des femmes en vue d’une société équitable dans la perspective du onzième Plan de la Malaisie (2016-2020)], créé par le Ministère en coopération avec le Programme des Nations Unies pour le développement. À l’issue d’une série de consultations menées avec les parties prenantes (notamment des parlementaires et des conseillères et conseillers locaux) sur les moyens de parvenir à une participation sans exclusive de tous les niveaux de la société malaise, il a été décidé qu’une autre équipe spéciale, qui travaillerait sur le thème du harcèlement sexuel et aurait pour objectif d’améliorer la législation à ce sujet, serait créée. Le Gouvernement considère que le harcèlement sexuel est une forme de discrimination fondée sur le genre et que s’occuper en priorité de cette question lui permettra de disposer ensuite d’un solide ancrage pratique pour la rédaction du projet de loi sur l’égalité des genres. Dans ce qui sera fait pour améliorer les lois en vigueur sur le harcèlement sexuel et l’égalité des genres, il sera tenu compte des questions relatives à la discrimination à l’égard des femmes énoncées à l’Article premier de la Convention et dans la cible 5.1 des objectifs de développement durable, dans le respect de la Constitution fédérale du pays. Au deuxième semestre de 2021, le Ministère devrait soumettre à l’approbation du Conseil des ministres une proposition visant à améliorer les lois sur le harcèlement sexuel, qu’il déposera ensuite au Parlement avant la fin de l’année. La rédaction du projet de loi sur l’égalité des genres devrait reprendre ensuite.

En parallèle des travaux menés pour faire progresser la législation dans ces deux domaines, le cadre législatif existant fait l’objet d’un réexamen dans le contexte de la lutte contre les inégalités de genre. Ainsi, le Ministère des ressources humaines revoit actuellement la loi de 1955 sur l’emploi (Loi no 265) à la lumière des besoins actuels et futurs de la population active. L’une des principales améliorations consiste à ajouter un article interdisant toute discrimination, qui tienne compte de la discrimination fondée sur le genre et garantisse une protection et des avantages sociaux aux personnes salariées.

Mutilations génitales féminines

En application de la recommandation du paragraphe 22 (b), le Gouvernement a joué un rôle actif dans l’instauration de dialogues au sujet de l’excision, en organisant depuis 2018 des concertations constructives entre organismes publics, autorités religieuses, organisations de la société civile, spécialistes et praticiens de la médecine et universitaires. Ces concertations ont fait intervenir des dirigeantes et des dirigeants au niveau ministériel, ce qui témoigne de la volonté du Gouvernement de trouver des solutions. En principe, il a été convenu que toute fatwa prononcée à ce sujet relevait de la compétence des États et devait donc être respectée conformément au paragraphe 2 de l’article 74 de la Constitution fédérale et au premier point de la liste II de sa neuvième annexe.

Chacun des États de la Malaisie se dote de ses propres lois dans l’ordre juridique découlant de la charia et dispose de son propre Comité des fatwas. La Commission des fatwas du Conseil national malaisien des affaires religieuses islamiques ne lance pas de fatwas, mais donne son avis sur toutes les questions relatives au droit islamique qui lui sont soumises.

En avril 2009, la Commission a rendu un avis selon lequel l’excision faisait partie des enseignements de l’islam et les musulmanes devaient donc la pratiquer, sauf lorsqu’elle était jugée préjudiciable, auquel cas elle devait être évitée. Cet avis n’a aucun caractère contraignant : seules les fatwas prononcées par le Comité des fatwas d’un État et publiées au Journal officiel ont force obligatoire pour les musulmanes et musulmans vivant dans cet État. Le Gouvernement souhaite informer le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes que jusque-là, aucune fatwa sur l’excision n’a été lancée par les Comités des fatwas ni publiée dans les journaux officiels des États.

Néanmoins, le Ministère de la promotion de la femme, de la famille et du développement communautaire a régulièrement mené des discussions, des consultations et des dialogues approfondis avec le Service malaisien du développement de l’islam (JAKIM) et les parties prenantes, comme le prévoit la Constitution fédérale, et ce dans l’optique de rapprocher les points de vue et de trouver un terrain d’entente concernant cette question.

Demandeuses d’asile et personnes réfugiées

En réponse à la recommandation formulée au paragraphe 46 b), le Gouvernement rappelle que même si la Malaisie n’est pas partie à la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (Convention de 1951) ni au Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés, elle a adopté des mesures administratives nationales visant à encadrer l’arrivée des personnes réfugiées et demandeuses d’asile et à leur accorder l’asile temporaire pour raisons humanitaires, conformément à la directive de son conseil national de sécurité, et a continué de coopérer avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés concernant leur prise en charge.

Les personnes réfugiées titulaires d’une carte délivrée par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés peuvent bénéficier d’une prise en charge à hauteur de 50 % des soins médicaux prodigués dans les hôpitaux et centres de soins publics et peuvent scolariser leurs enfants dans des centres d’enseignement gérés par des ONG.

Au cours de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19), le Gouvernement a travaillé en étroite coordination avec le Haut-Commissariat et les ONG pour tendre la main aux communautés de personnes réfugiées et demandeuses d’asile présentes dans tout le pays, veillant ainsi à ce qu’elles soient incluses dans les mesures nationales de riposte face à la COVID-19 et à éviter que le virus ne se propage d’une communauté à l’autre. Il a également pris la décision importante de fournir gratuitement des tests et des traitements aux personnes réfugiées et demandeuses d’asile présentant des symptômes de la COVID-19 tout en leur garantissant qu’elles ne seraient pas arrêtées pour infraction à la législation relative à l’immigration pendant la période de suivi.

La Malaisie a également coopéré avec le Gouvernement qatarien par le biais du Fonds du Qatar pour le développement (QFFD), qui œuvre en faveur de l’aide humanitaire dans le monde entier. En décembre 2019, un projet de centres de soins à vocation humanitaire intitulé « QFFD Clinic » a été lancé grâce à la collaboration de trois éminentes ONG médicales, Mercy Malaysia, l’Islamic Medical Association of Malaysia et la Malaysian Relief Agency. Ce projet triennal a permis d’aider environ 180 000 personnes réfugiées dans le pays. Dans le premier de ces centres, situé dans le quartier d’Ampang à Kuala Lumpur, les enfants réfugiés ont pu bénéficier de soins médicaux de base et être vaccinés à faible coût (10,00 ringgit par visite, consultation, traitement et médicaments compris).

D’une manière générale, la Malaisie a intégré les besoins spécifiques des femmes, des filles et des enfants à la manière dont elle prend en charge des personnes réfugiées. Ainsi, tous les enfants de moins de 12 ans restent placés avec leur mère et femmes et hommes sont hébergés séparément. En outre, les femmes enceintes ont accès aux soins prénatals et postnatals essentiels.

Dans le cadre de sa politique nationale, la Malaisie a le droit de décider de l’applicabilité du principe du non-refoulement à sa législation interne. La politique nationale est élaborée conformément au droit interne du pays, et toutes les mesures prises à ce sujet ont tenu compte de la responsabilité souveraine de la Malaisie sur son propre territoire, telle qu’elle est reconnue par le droit international : cette responsabilité englobe la protection de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la moralité, ainsi que des droits et des libertés des citoyennes et citoyens malaisiens et des personnes étrangères.

Mariage et rapports familiaux

En ce qui concerne la recommandation formulée au paragraphe 54 a), la Malaisie demeure déterminée à protéger les femmes contre les violations de leurs droits humains dans les affaires matrimoniales et familiales. L’arrêt rendu par la Cour fédérale dans l’affaire Indira Gandhi a/p Mutho c. Pengarah Jabatan Agama Islam Perak & autres et autres appels, 1 MLJ 545 [2018]montre que la Malaisie est un pays où toutes les femmes jouissent de l’égalité en ce qui concerne les droits et l’accès à la justice, et ce quelle que soit leur religion, leur identité ethnique ou leur communauté. Cet arrêt n’a pas pour objectif de permettre à la Cour d’examiner toutes les décisions et dispositions découlant de la charia. Dans cette affaire, la Cour avait autorisé un contrôle juridictionnel des actions entreprises par le Greffier des Muallafs en tant que représentant de l’autorité publique chargé de délivrer les certificats de conversion à l’islam, au motif que les certificats qu’il avait délivrés aux enfants de l’appelante étaient ultra vires (contraires à certaines dispositions des lois existant sur le sujet ou à la Constitution fédérale, ou bien incompatibles avec celles-ci).

La Cour fédérale a estimé que seuls les tribunaux civils avaient compétence pour contrôler les actions des pouvoirs publics et interpréter la législation étatique ou fédérale et la Constitution.

La Cour fédérale a également décidé que le consentement des deux parents (celui de l’appelante, non convertie à l’islam, et celui de son mari, qui s’y était converti) était requis pour que des certificats de conversion de leurs enfants à l’islam puissent être délivrés. Par conséquent, les certificats en question sont invalides et devront être annulés car ils ont été délivrés sans le consentement de l’appelante, ce qui est contraire au paragraphe 4 de l’article 12 de la Constitution fédérale et aux articles 5 et 11 de la loi de 1961 relative à la tutelle des enfants (Loi no 351).

La Malaisie a également pris des mesures juridiques pour renforcer les dispositions visant à garantir les femmes de la violation de leurs droits humains dans les affaires matrimoniales et familiales : il s’agit des dernières modifications de la loi de 1976 portant réforme du mariage et du divorce (Loi no 164), qui sont entrées en vigueur le 15 décembre 2018. Ces modifications sont destinées à garantir la protection des droits des conjoints dont le mariage a été célébré sous le régime du droit civil même en cas de conversion de l’un d’eux à l’islam.

La version modifiée de l’article 51 de la Loi no 164 permet à l’un des époux, qu’il ou elle soit musulman(e) ou non, ou aux deux, de demander le divorce en vertu du droit civil ; ce sont les tribunaux civils qui sont compétents pour toutes les questions relatives au divorce, y compris le versement d’une pension alimentaire à l’épouse ou à l’époux et la garde des enfants issus du mariage civil. Si une femme s’est mariée sous ce régime, les affaires matrimoniales peuvent désormais être réglées en droit civil et elle ne perdra pas le bénéfice de ses droits en cas de conversion à l’islam.

De même, le nouvel article 51 A qui a été incorporé à la Loi no 164 prévoit que les biens matrimoniaux d’un conjoint ou d’une conjointe décédé(e) qui s’était converti(e) à l’islam avant la dissolution du mariage civil seront répartis entre les parties intéressées du mariage civil conformément à la loi de 1958 sur la répartition (Loi no 300). Cela permettra de garantir les droits d’une épouse non musulmane sur ses biens matrimoniaux en cas de conversion de son mari à l’islam.

Les modifications apportées à la Loi no 164 soulignent l’importance suprême que le Gouvernement accorde progressivement aux femmes, puisqu’il œuvre à la protection de leurs droits conjugaux et familiaux contre d’éventuelles violations en s’employant à renforcer et améliorer la loi existante et à la mettre en conformité avec la Constitution fédérale et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. La décision prise par la Cour fédérale dans l’affaire Indira Gandhi montre également que le Gouvernement s’efforce inlassablement de garantir l’indépendance, l’impartialité, l’intégrité et la crédibilité des régimes judiciaires pour ce qui est de la protection des droits des femmes en Malaisie.