Observations finales concernant le rapport de la Malaisie valant troisième à cinquième rapports périodiques *

* Adoptées par le Comité à sa soixante-neuvième session (19 février-9 mars 2018).

Le Comité a examiné le rapport valant troisième à cinquième rapports périodiques de la Malaisie (CEDAW/C/MYS/3-5) à ses 1 572e et 1 573e séances (voir CEDAW/C/SR.1572 et CEDAW/C/SR.1573), le 20 février 2018. La liste de points établie par le Comité figure dans le document CEDAW/C/MYS/Q/3-5 et les réponses de la Malaisie, dans le document CEDAW/C/MYS/Q/3-5/Add.1.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport valant troisième à cinquième rapports périodiques de l’État partie, regrettant toutefois qu’il ait été soumis avec huit ans de retard. Il le remercie des réponses écrites apportées à la liste de points établie par le groupe de travail d’avant-session, complétées oralement par la délégation, et des éclaircissements complémentaires donnés en réponse aux questions orales posées par le Comité pendant le dialogue.

Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation étoffée et multisectorielle conduite par la Secrétaire générale du Ministère de la promotion de la femme, de la famille et du développement communautaire, Mme Suriani Ahmad. La délégation comprenait aussi des représentants du Ministère de l’intérieur, du Ministère de la justice, du Ministère de l’éducation, du Ministère de la santé, du Ministère du développement rural et régional, du Ministère des ressources humaines et de la Mission permanente de la Malaisie auprès de l’Organisation des Nations Unies ainsi que d’autres organisations internationales à Genève.

Le Comité se félicite du dialogue ouvert et constructif qui s’est tenu entre la délégation et les membres du Comité, 12 ans après le dernier dialogue, en 2006. Il regrette cependant que la délégation n’ait pas fourni suffisamment d’informations pertinentes en réponse à la plupart des questions qu’il a posées pendant le dialogue.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis depuis l’examen, en 2006, du rapport initial et du deuxième rapport périodique de l’État partie (CEDAW/C/MYS/CO/2) au regard des réformes législatives, en particulier :

a)Modifications du Code pénal visant à renforcer les sanctions en cas d’infractions relatives au viol et à l’inceste, en 2006 ;

b)Loi de 2007 sur la traite des personnes, modifiée en 2010 en loi de 2007 contre la traite des personnes et le trafic des migrants, de nouveau modifiée en 2015 ;

c)Modifications de la loi de 1994 relative à la violence familiale visant à englober dans la définition de la violence familiale les formes affectives, mentales et psychologiques de la violence, en 2011, et à améliorer la protection des personnes qui ont subi des violences, en 2017 ;

d)Modifications de la loi de 1955 sur l’emploi visant à interdire le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et à étendre le droit au congé maternité à toutes les employées, en 2012.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié les instruments internationaux suivants, ou d’y avoir adhéré, au cours de la période écoulée depuis l’examen du précédent rapport :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2010 ;

b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en 2012 ;

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2012.

Le Comité se félicite par ailleurs des initiatives prises par l’État partie pour favoriser l’égalité des femmes et des hommes, comme l’adoption de la politique et du plan d’action nationaux en faveur des femmes (2009-2015), l’objectif de politique générale d’atteindre un taux de représentation des femmes d’au moins 30 % aux postes de décision tant dans le secteur privé que public, et les efforts visant à encourager le secteur privé à mettre en place des modalités de travail aménagées afin de permettre aux femmes de renforcer leur taux d’activité.

C.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s ’ agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir la déclaration faite par le Comité sur ses relations avec les parlem entaires, adoptée à la quarante ‑ cinquième session, en 2010). Il invite le Parlement, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Réserves

Le Comité se félicite de ce que l’État partie ait levé ses réserves aux articles 5 a), 7 b) et 16-2 de la Convention, en juillet 2010. Cependant, il note avec préoccupation qu’il maintient ses réserves aux alinéas a), c), f) et g) du paragraphe 1 de l’article 16 alors qu’elles sont incompatibles avec l’objet et le but de la Convention, au motif que ces dispositions ne sont pas compatibles avec la Constitution fédérale et la loi islamique (charia). Il s’inquiète également du fait que l’État partie n’a pris aucune mesure pour lever sa réserve au paragraphe 2 de l’article 9 de la Convention ou pour donner effet au retrait de sa réserve au paragraphe 2 de l’article 16.

Le Comité renouvelle la recommandation qu ’ il avait formulée à l ’ intention de l ’ État partie (voir CEDAW/C/MYS/CO/2, par. 10) tendant à démontrer son attachement à l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes en retirant l ’ ensemble de ses réserves restantes aux articles 9 et 16 selon un calendrier précis, de façon à garantir la pleine applicabilité de la Convention dans l ’ État partie.

Cadre constitutionnel et législatif

Le Comité note de nouveau avec inquiétude que la Convention n’est pas encore intégrée dans l’ordre juridique national et que ses dispositions ne sont donc pas applicables par les tribunaux nationaux. Il est également toujours préoccupé par l’absence persistante d’une définition, dans la législation de l’État partie, de la discrimination à l’égard des femmes conformément à l’article premier de la Convention, et par l’interprétation restrictive que font les tribunaux de l’interdiction de la discrimination sexiste telle qu’elle est prévue au paragraphe 2 de l’article 8 de la Constitution fédérale, la limitant aux actes commis par les autorités sans toutefois protéger les femmes des discriminations qui sont du fait d’acteurs privés, comme les employeurs privés. Bien que le Comité prenne acte de l’intention exprimée par l’État partie depuis 2006 d’adopter une loi relative à l’égalité des femmes et des hommes qui intègre les dispositions de la Convention, il regrette l’absence de progrès à cet égard. Il s’inquiète en outre du manque de clarté juridique et de rigueur dans l’application de la Convention, qui est exacerbé par la structure fédérale de l’État partie. Il est également préoccupé par l’existence d’un système juridique où le droit civil côtoie de multiples versions de la charia, qui n’ont pas été harmonisées conformément aux dispositions de la Convention, comme il l’avait recommandé (voir CEDAW/C/MYS/CO/2, par. 14), ce qui crée des disparités en matière de protection des femmes contre les discriminations, notamment en raison de leur religion. Il regrette également que des mesures n’aient pas été prises en vue de ratifier le Protocole facultatif à la Convention.

Rappelant ses précédentes recomman dations (CEDAW/C/MYS/CO/2, par.  8 et 12) et sa recommandation générale n o 28 (2010) sur les obligations fondamentales des États parties découlant de l ’ article 2 de la Convention, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre sans délai des mesures pour incorporer les dispositions de la Convention dans sa législation nationale et les faire appliquer intégralement par le système juridique national ;

b) D ’ adopter un calendrier concret en vue de l ’ adoption d ’ une loi sur l ’ égalité des femmes et des hommes définissant et interdisant toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes, et englobant la discrimination directe et indirecte dans les sphères privée et publique et les formes conjuguées de discrimination à l ’ égard des femmes, conformément à l ’ article premier de la Convention et la cible 5.1 des objectifs de développement durable ;

c) De prendre des mesures concrètes pour que le droit civil et la charia soient en conformité totale avec les dispositions de la Convention aux niveaux local et fédéral et dans les États, afin que les droits de toutes les femmes soient garantis par la loi de manière uniforme sur l ’ ensemble du territoire de l ’ État partie. Le Comité rappelle à l ’ État partie que les dispositions de son droit interne ne sauraient être invoquées pour justifier le non-respect des obligations qui lui incombent au titre de la Convention ;

d) D ’ adopter un calendrier concret en vue de la ratification du Protocole facultatif à la Convention.

Accès à la justice

Le Comité salue les efforts menés par l’État partie pour améliorer l’accès à l’aide juridictionnelle par l’adoption de la loi de 2017 portant modification de la loi relative à l’aide juridictionnelle, qui vise à simplifier les critères utilisés pour déterminer si une personne peut bénéficier d’une telle aide. Néanmoins, le Comité demeure préoccupé par l’existence de plusieurs obstacles à l’accès des femmes et des filles à la justice et à des recours utiles en cas d’atteintes à leurs droits, notamment les stéréotypes discriminatoires et préjugés sexistes parmi les employés du système judiciaire et le fait que les non-ressortissants sont exclus de l’accès aux services d’aide juridictionnelle offerts par l’État, sauf dans les cas où la peine capitale peut être infligée. Le Comité s’inquiète des effets néfastes que peuvent avoir ces obstacles sur les femmes qui se trouvent déjà en situation de précarité, comme les migrantes, en particulier celles en situation irrégulière, celles placées en centre de rétention, les demandeuses d’asile et les réfugiées.

Rappelant sa recommandation générale n o 33 (2015) sur l ’ accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De simplifier la procédure d ’ accès à l ’ aide juridictionnelle et de veiller à ce qu ’ elle soit disponible et accessible pour toutes les femmes, sans distinction de nationalité, dans toutes les affaires relevant du droit pénal, civil, social, administratif et constitutionnel et du droit de la famille ;

b) De repérer et d ’ éliminer les obstacles auxquels se heurtent particulièrement les femmes défavorisées, notamment les migrantes, et en particulier celles qui sont en situation irrégulière, celles placées en centre de rétention, les demandeuses d ’ asile et les réfugiées, afin de veiller à ce qu ’ elles aient accès à la justice et à des recours utiles ;

c) De faire en sorte que le système judiciaire prenne mieux en compte la problématique femmes-hommes et de le sensibiliser davantage aux comportements sexistes, notamment en augmentant le nombre de femmes dans le système judiciaire et en assurant le renforcement systématique des capacités des juges, des procureurs, des avocats, des agents de police et des autres responsables de l ’ application des lois en ce qui concerne la Convention et la jurisprudence du Comité et ses recommandations générales ;

d) De lui présenter, dans son prochain rapport périodique, des données ventilées par sexe, âge, nationalité et d ’ autres facteurs utiles sur le nombre de personnes demandant à bénéficier de l ’ aide juridictionnelle, le nombre de personnes ayant reçu une aide et le nombre d ’ affaires dont l ’ issue a été favorable au demandeur.

Politiques et mécanismes nationaux de promotion de la femme

Le Comité salue les efforts faits par le Ministère de la promotion de la femme, de la famille et du développement communautaire, mécanisme national de promotion des femmes, pour adopter des politiques et stratégies contribuant à promouvoir les droits des femmes, comme la politique nationale en faveur de la femme et le plan d’action y afférent, les programmes tenant compte de la problématique femmes-hommes et la prise en compte de cette problématique dans l’établissement des budgets. Cependant, le Comité s’inquiète de leurs limites que l’État partie a lui-même reconnues et qui tiennent au fait que les organismes publics comprennent mal les questions liées à l’égalité des femmes et des hommes et font preuve d’un manque de volonté politique à cet égard, et qu’il n’existe pas d’outils institutionnels, notamment de capacités leur permettant de bénéficier de conseils et de suivre, contrôler et évaluer les politiques et programmes en la matière. Il regrette en outre l’absence de données ventilées par sexe qui pourraient être utiles pour déterminer dans quels domaines l’égalité entre femmes et hommes n’a pas été atteinte et pour évaluer les effets des mesures prises pour remédier à la situation.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que l ’ ensemble des politiques, stratégies et plans d ’ action visant à promouvoir les femmes, comme la politique nationale en faveur de la femme et le plan d ’ action y afférent ainsi que les programmes et la budgétisation tenant compte de la problématique femmes-hommes, soient assortis d ’ objectifs, indicateurs et échéances clairs et de mécanismes efficaces de coordination, de suivi et d ’ évaluation ;

b) D ’ assurer la formation systématique et régulière des responsables chargés de la planification et de l ’ exécution des politiques, stratégies et plans d ’ action visant à promouvoir les femmes, afin de développer leur sensibilité, leurs connaissances et leurs capacités non seulement sur le plan technique, mais aussi à l ’ égard des questions relatives à l ’ égalité femmes-hommes ;

c) De veiller à ce que la problématique femmes-hommes soit systématiquement prise en compte dans l ’ élaboration et l ’ application de l ’ ensemble des lois, politiques et programmes, dans tous les ministères et toutes les structures législatives, notamment en renforçant les programmes de formation et le rôle de responsable de la coordination des questions d ’ égalité des sexes et en créant un comité de coordination interinstitutions ;

d) De faire en sorte que la budgétisation tenant compte de la problématique femmes-hommes soit intégrée dans les cadres de budgétisation axée sur les résultats et qu ’ elle soit instaurée dans tous les organismes publics aux niveaux fédéral et local et dans les États, selon une feuille de route détaillée  ;

e) De mettre en place un système intégré de collecte, d ’ analyse et de publication des données relatives à tous les domaines couverts par la Convention, ventilées par sexe, âge, incapacité, origine ethnique, religion et autres facteurs utiles, afin que ces données et analyses puissent servir à l ’ élaboration de lois, politiques et plans et au suivi et à l ’ évaluation de leur application et de la réalisation des objectifs de développement durable.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité salue les initiatives prises par l’État partie pour accroître le taux d’activité des femmes et leur nombre aux postes de décision, ce dont témoignent notamment les objectifs définis dans le onzième plan de la Malaisie (2016-2020). Il s’inquiète cependant du recours limité au mesures temporaires spéciales et du manque de directives précises et de mécanismes d’exécution, de suivi et d’évaluation pour les mesures adoptées jusqu’à présent.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que les mesures temporaires spéciales soient assorties de directives précises et de mécanismes assurant leur bonne exécution et leur suivi et évaluation conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o 25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales ;

b) D ’ étendre l ’ utilisation des mesures temporaires spéciales, comme les programmes de solidarité ou d ’ assistance, l ’ affectation ou la redistribution de ressources, le recrutement, l ’ embauche et la promotion ciblés, les objectifs chiffrés assortis de délais, et les contingentements, afin d ’ accélérer l ’ instauration d ’ une égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines où celles-ci demeurent sous-représentées ou défavorisées, et en particulier en ciblant les femmes qui se heurtent à des formes multiples et conjuguées de discrimination.

Stéréotypes

Le Comité se déclare de nouveau préoccupé (voir CEDAW/C/MYS/CO/2, par. 15) par la persistance des comportements patriarcaux et des stéréotypes tenaces concernant le rôle et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, qui constituent un obstacle important à l’application de la Convention et sont l’une des principales causes de la position défavorisée qu’occupent les femmes dans un certain nombre de domaines, notamment sur le marché de l’emploi, sur la scène politique et dans la vie publique. En outre, même si les propos injurieux ou sexistes ont été interdits au Parlement suite à la modification du paragraphe 4 de l’article 36 du règlement intérieur de la Chambre des représentants en novembre 2012, il note avec préoccupation que des députés continuent de tenir des propos sexistes et condescendants à l’égard des femmes sans qu’ils aient à répondre de leurs actes. Il se dit également préoccupé par la « surveillance morale » qui serait exercée par des particuliers et par les autorités religieuses à l’égard des femmes pour leur imposer des codes vestimentaires.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter une stratégie globale comportant des mesures préventives à long terme visant les femmes et les hommes à tous les échelons de la société, y compris les chefs religieux et coutumiers, afin de venir à bout des stéréotypes discriminatoires et des attitudes patriarcales concernant les rôles et responsabilités des femmes et des hommes au sein de la famille et de la société ;

b) D ’ adopter des mesures visant à encourager les hommes à partager les responsabilités liées à l ’ éducation des enfants et aux tâches ménagères à égalité avec les femmes, notamment en instaurant le congé de paternité dans les secteurs public et privé et des modalités de travail aménagées tant pour les pères que pour les mères ;

c) D ’ adopter des mesures novatrices visant les médias afin de mieux faire comprendre ce qu ’ est l ’ égalité réelle des femmes et des hommes, et d ’ utiliser le système éducatif pour mettre en avant des représentations positives et non stéréotypées des femmes ;

d) De faire en sorte que les députés répondent des propos sexistes ou condescendants qu ’ ils tiennent à l ’ égard des femmes, par l ’ application effective du paragraphe 4 de l ’ article 36 du règlement intérieur de la Chambre des représentants, tel que modifié en 2012 ;

e) De surveiller et d ’ examiner les mesures prises pour lutter contre les stéréotypes afin d ’ évaluer leur impact, et de les réviser selon que de besoin.

Mutilations génitales féminines

Le Comité s’inquiète vivement de la fatwa prononcée en avril 2009 par le Conseil national malaisien des affaires religieuses islamiques rendant l’excision obligatoire pour les musulmanes. Il note également avec préoccupation que le Ministère de la santé a mis au point en 2012 des directives requalifiant l’excision comme pratique médicale, autorisant de fait cette pratique dans les établissements de santé et contribuant à la faire accepter comme étant médicalement sûre et bénéfique.

Le Comité souligne qu ’ aucun motif religieux ne saurait justifier les mutilations génitales féminines, l ’ excision ou les ablations génitales, dans la mesure où elles constituent des pratiques traditionnelles néfastes visant à exercer un contrôle sur le corps et la sexualité des femmes et des filles et contreviennent à la Convention, quelle que soit l ’ ampleur de la mutilation ou de l ’ ablation des organes génitaux féminins et que l ’ intervention soit réalisée dans un établissement médical ou ailleurs. Il recommande donc à l ’ État partie :

a) D ’ inscrire dans son Code pénal l ’ interdiction de toutes les formes de mutilations génitales féminines, en veillant à ce qu ’ elle ait préséance sur toute fatwa ou autre décision rendue par une autorité religieuse ou cléricale et qu ’ elle soit appliquée dans les faits, conformément à la recommandation générale/observation générale conjointe n o 31 du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes et n o 18 du Comité des droits de l ’ enfant sur les pratiques préjudiciables (2014) , à la cible 5.3 associée aux objectifs de développement durable et à la résolution 69/150 de l ’ Assemblée générale relative à l ’ intensification de l ’ action mondiale visant à éliminer les mutilations génitales féminines ;

b) D ’ entretenir un dialogue constructif avec les autorités religieuses, les organisations non gouvernementales féminines et les citoyens afin de faire comprendre que les mutilations génitales féminines ne sauraient être justifiées par des motifs religieux ;

c) De mener des activités informatives et éducatives visant à établir un consensus sur l ’ élimination des mutilations génitales féminines, notamment en luttant contre l ’ idée reçue selon laquelle l ’ excision serait acceptable au motif de ses prétendus bienfaits pour la santé et l ’ hygiène.

Violence sexiste à l’égard des femmes

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour renforcer la protection juridique des femmes contre la violence sexiste, notamment la modification, en 2017, de la loi relative à la violence familiale. Cependant, il demeure préoccupé par ce qui suit :

a)Le manque de données disponibles concernant la prévalence de toutes les formes de violence sexiste à l’égard des femmes dans l’État partie et le nombre de plaintes déposées ayant donné lieu à des enquêtes, des poursuites et des condamnations ;

b)L’absence d’une législation incriminant le viol conjugal, étant donné que l’article 375 du Code pénal dispose qu’un viol commis dans le cadre d’un mariage ne constitue pas un viol ;

c)L’absence de dispositions concernant la violence au sein du couple dans la loi relative à la violence familiale, privant ainsi les femmes non mariées de l’accès aux ordonnances de protection et des indemnisations prévues par ladite loi ;

d)Le fait que les auteurs de viols échappent aux poursuites en épousant leurs victimes mineures ;

e)La peine de flagellation que peuvent prononcer les tribunaux de la charia, alors même que le Code de procédure pénale interdit ce genre de peine à l’encontre des femmes.

Rappelant sa recommandation générale n o 35 (2017) sur la violence sexiste à l ’ égard des femmes, portant actualisation de la recommandation générale n o 19, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De mettre en place un système de collecte, d ’ analyse et de publication régulières des données statistiques sur le nombre de plaintes impliquant toute forme de violence sexiste à l ’ égard des femmes, ventilées par sexe, âge, origine ethnique, situation géographique et relation entre la victime et l ’ auteur de l ’ infraction, sur le nombre et les types d ’ ordonnances de protection prises, sur les taux de non-lieu et de retrait de plaintes, sur les taux de poursuites et de condamnation ainsi que sur le délai de règlement des affaires ;

b) D ’ inscrire dans la législation nationale l ’ incrimination du viol conjugal, de sorte que la définition du viol soit fondée sur l ’ absence du libre consentement de la femme ;

c) De veiller à ce que les victimes de violences au sein du couple aient accès aux ordonnances de protection et aux indemnisations sur un pied d ’ égalité avec les femmes mariées ;

d) De prendre des mesures concrètes pour veiller à ce que les auteurs d ’ un viol, y compris dans les cas de viol commis à l ’ aide d ’ un objet ou de viol incestueux, soient dûment sanctionnés et qu ’ ils n ’ échappent pas aux sanctions pénales en épousant leur victime ;

e) D ’ aligner la charia sur l ’ article 289 du Code de procédure pénale afin d ’ interdire les peines de flagellation à l ’ encontre des femmes ;

f) D ’ adopter des mesures concrètes pour lutter contre la violence sexiste à l ’ égard des femmes et des filles, notamment en prévoyant un renforcement des capacités, une éducation et une formation obligatoires, réguli e rs et appropriés pour le personnel judiciaire, les avocats et les agents des services de répression, ainsi que des campagnes d ’ information ciblant les hommes et les garçons.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité prend acte des efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la traite, notamment avec l’adoption de la loi contre la traite des personnes et le trafic de migrants (2007) et ses modifications successives, ainsi que du Plan d’action national de lutte contre la traite des êtres humains (2016-2020). Néanmoins, il demeure profondément préoccupé par le fait que l’État partie reste un pays de destination de la traite des femmes et des filles, y compris les demandeuses d’asile et les réfugiées, à des fins d’exploitation sexuelle, de mendicité, de travail forcé ou de mariage forcé. Il est particulièrement préoccupé par ce qui suit :

a)L’absence d’une procédure formelle et uniforme d’identification des victimes, qui peut conduire à punir les femmes et les filles victimes de la traite pour violation des lois sur l’immigration ;

b)La complicité des agents de la force publique, notamment ceux qui accepteraient des pots-de-vin pour permettre le franchissement des frontières sans papiers, et l’impunité des responsables, y compris les fonctionnaires qui ont été complices de crimes liés à la création de fosses communes et de camps abandonnés par les trafiquants d’êtres humains le long de la frontière entre la Malaisie et la Thaïlande, découverts en mai 2015 ;

c)Le caractère inadéquat de l’assistance fournie aux victimes de la traite, la surpopulation et le manque de personnel dans les centres d’hébergement, ainsi que les restrictions au droit à la liberté de circulation et au droit au travail de ces victimes, liées à des exigences et des procédures bureaucratiques excessivement lourdes ;

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De mettre en place une procédure formelle appliquée de manière uniforme dans tout le pays, afin d ’ identifier rapidement les victimes de la traite et de les aiguiller vers les services de protection appropriés, y compris par l ’ évaluation de leurs besoins en matière de protection internationale, et de dispenser systématiquement à tous les agents de la force publique concernés une formation sur les procédures d ’ interaction avec les victimes de la traite tenant compte des questions de genre ;

b) De veiller à ce que les victimes de la traite ne soient pas punies pour violation des lois sur l ’ immigration et à ce qu ’ elles obtiennent une protection effective, notamment sous la forme d ’ un permis de séjour temporaire, quelle que soit leur capacité ou leur volonté de coopérer avec les services répressifs, ainsi que des réparations, y compris des mesures de réadaptation et une indemnisation ;

c) De lutter contre l ’ impunité en enquêtant sur tous les cas de traite de personnes, en particulier de femmes et de filles, y compris ceux dans lesquels sont impliqués des agents de la force publique, en poursuivant les auteurs et en veillant à ce que les peines prononcées à l ’ encontre de ceux-ci soient à la mesure de la gravité des infractions commises ;

d) D ’ allouer des ressources suffisantes à la mise en œuvre effective et durable des services existants et de l ’ assistance offerte aux victimes de la traite, et d ’ éliminer tous les obstacles bureaucratiques afin de garantir en pratique le droit de ces personnes à la liberté de circulation et leur droit au travail ;

e) De renforcer la coopération internationale, régionale et bilatérale avec les pays d ’ origine, de transit et de destination afin de prévenir la traite, notamment par l ’ échange d ’ informations et l ’ harmonisation des procédures permettant de poursuivre les trafiquants avec ces pays, en particulier ceux de la région ;

Le Comité déplore que l’État partie n’ait pas fourni d’informations concernant la prévalence de l’exploitation des femmes et des filles dans le contexte de la prostitution et qu’il n’ait pas instauré de politiques et de mesures visant à lutter contre ce phénomène, y compris au moyen de programmes de soutien pour les femmes et les filles qui souhaitent abandonner la prostitution.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De recueillir et d ’ analyser des données sur l ’ exploitation des femmes et des filles dans le contexte de la prostitution ;

b) D ’ adopter des mesures ciblées pour offrir des programmes d ’ assistance, de réadaptation et de réinsertion aux victimes d ’ exploitation dans le contexte de la prostitution ;

c) De mettre en place des programmes de soutien visant à aider celles qui souhaitent sortir de la prostitution, notamment en leur donnant accès à d ’ autres sources de revenus.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité se félicite de l’annonce faite par le Premier Ministre de la Malaisie en décembre 2017 concernant l’adoption, par l’État partie, d’un quota minimum de 30 % pour la représentation des femmes en tant que sénatrices à la Chambre haute du Parlement. Il note toutefois avec préoccupation que les femmes continuent d’être sous-représentées dans tous les domaines de la vie politique et publique, notamment au Parlement, au Conseil des ministres, dans l’administration locale, dans la magistrature et dans le service diplomatique, en particulier aux postes de décision. Il regrette également la sous-représentation des femmes appartenant à des groupes marginalisés, notamment des femmes handicapées, des femmes autochtones et des femmes appartenant à une minorité ethnique, dans tous les domaines de la vie politique et publique.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter des mesures, y compris des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à ses recommandations générales n o  23 (1997) sur les femmes dans la vie politique et publique et n o  25, afin de garantir et d ’ accélérer la participation pleine et égale des femmes à tous les niveaux, notamment au sein des organes législatifs, aux postes ministériels et dans les administrations locales, ainsi que dans la magistrature et la diplomatie ;

b) De faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les mesures concrètes, comme les quotas, mises en œuvre pour accroître la représentation des femmes, y compris les femmes handicapées, les femmes autochtones et les femmes appartenant à une minorité ethnique, aux postes de décision dans les sphères politique et publique.

Les femmes et la paix et la sécurité

Le Comité se félicite du rôle actif que joue l’État partie dans les instances internationales sur les questions relatives à la prévention des conflits et au règlement pacifique des conflits, et reconnaît qu’il contribue de manière notable aux missions de maintien de la paix des Nations Unies en fournissant du personnel militaire et de police. Il regrette toutefois que l’État partie n’ait pas encore adopté de plan d’action national pour l’application de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes et la paix et la sécurité, ni ratifié le Traité sur le commerce des armes.

Compte tenu de sa recommandation générale n o  30 (2013) sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et les situations d ’ après conflit ainsi que de la cible 16.4 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter un plan d ’ action national pour la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) et de ratifier le Traité sur le commerce des armes.

Nationalité

Le Comité demeure préoccupé par les dispositions discriminatoires de la Constitution fédérale en ce qui concerne la nationalité, notamment l’impossibilité pour les malaisiennes mariées à des étrangers de transmettre leur nationalité à leurs enfants nés à l’étranger et de conférer leur nationalité à leur conjoint, au même titre que les hommes malaisiens.

Le Comité recommande à l ’ État partie de modifier toutes les dispositions de la Constitution fédérale qui refusent aux femmes l ’ égalité des droits en ce qui concerne la transmission de leur nationalité à leurs enfants et à leur conjoint étranger. Il lui recommande également de ratifier la Convention relative au statut des apatrides et la Convention sur la réduction des cas d ’ apatridie.

Éducation

Le Comité félicite l’État partie des progrès accomplis dans l’accès des filles et des femmes à l’éducation, dont témoignent le fort taux d’alphabétisation et le niveau élevé de réussite scolaire. Il relève toutefois que les femmes demeurent sous-représentées dans les filières universitaires traditionnellement masculines, comme l’ingénierie, les mathématiques et la physique. Il note aussi avec préoccupation l’écart important entre le pourcentage d’hommes et le pourcentage de femmes occupant des postes de direction dans les établissements d’enseignement supérieur. Il note en outre avec inquiétude que l’éducation sexuelle dans les écoles publiques est influencée par la morale religieuse et axée sur l’abstinence au lieu de reposer sur une approche fondée sur les droits de l’homme. De plus, il regrette que l’État partie n’ait pas fourni d’informations concernant le niveau d’instruction des filles qui se sont mariées avant l’âge de 18 ans, ainsi que le pourcentage de filles qui ont poursuivi leurs études pendant et après leur grossesse. Il déplore par ailleurs le harcèlement dont sont victimes des étudiantes, notamment des lesbiennes, des femmes bisexuelles et transgenres et des personnes intersexuées, et le manque d’informations sur la politique consistant à punir les auteurs de harcèlement en les envoyant dans des institutions militaires pour suivre un programme de formation, ainsi que sur les incidences de cette politique sur le droit des filles à l’éducation.

Rappelant sa recommandation générale n o  36 (2017) sur le droit des filles et des femmes à l ’ éducation, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre des mesures pour encourager les filles à choisir des filières et des domaines d ’ étude inhabituels pour elles tels que l ’ ingénierie, les mathématiques et la physique, et pour éliminer les stéréotypes hérités du passé et les obstacles structurels susceptibles de dissuader les filles de faire ce type d ’ études ;

b) D ’ identifier les causes sous-jacentes de la sous-représentation des femmes aux postes de direction dans les établissements d ’ enseignement supérieur, et de recourir à des mesures temporaires spéciales et d ’ autres mesures concrètes pour remédier à cette situation ;

c) D ’ introduire dans les programmes scolaires une éducation sexuelle globale, adaptée à l ’ âge et fondée sur les droits de l ’ homme, qui comprenne des informations sur la santé sexuelle et procréative et les comportements sexuels responsables et sur l ’ importance de notions telles que le consentement et la violence sexiste ;

d) De recueillir et publier des données sur le niveau d ’ instruction des filles qui se sont mariées avant l ’ âge de 18 ans, ainsi que sur le nombre et le pourcentage de filles qui ont poursuivi leurs études pendant et après la grossesse, et de faire figurer ces informations dans son prochain rapport périodique ;

e) D ’ adopter des politiques de lutte contre le harcèlement reposant sur d ’ autres stratégies, comme les services d ’ appui socio-psychologique et la discipline positive, et de prendre des mesures de sensibilisation pour favoriser l ’ égalité des droits des lesbiennes, des femmes bisexuelles et transgenres et des personnes intersexuées qui suivent des études.

Emploi

Le Comité accueille avec satisfaction les efforts déployés par l’État partie pour accroître le taux d’activité des femmes, notamment l’objectif énoncé dans le onzième plan de la Malaisie (2016‑2020), et pour accroître la représentation des femmes aux postes de décision dans le secteur privé, notamment par l’établissement d’un objectif de 30 % et le lancement, en juillet 2017, d’une initiative visant à publier les noms des sociétés cotées en bourse ne comptant aucune femme dans leur conseil d’administration. Il demeure toutefois préoccupé par la persistance des écarts de rémunération dans la plupart des catégories professionnelles et par le fait que les femmes sont peu représentées aux postes de décision dans le secteur privé en dépit de leur niveau élevé d’instruction et de qualification professionnelle. En outre, il regrette l’absence de sanctions en cas de licenciement pour cause de grossesse, et l’absence d’une loi générale sur le harcèlement sexuel dans l’État partie.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ examiner systématiquement les obstacles à l ’ accès des femmes aux postes de décision dans le secteur privé et d ’ adopter des mesures globales pour éliminer ces obstacles, comme les stéréotypes discriminatoires, les préjugés sexistes sur le lieu de travail et les pressions exercées par la famille sur les femmes pour qu ’ elles assument les responsabilités domestiques ;

b) De veiller à ce que les objectifs et les initiatives visant à accroître la représentation des femmes aux postes de décision dans le secteur privé s ’ accompagnent de directives et de mécanismes précis pour garantir une application, un suivi et une évaluation efficaces ;

c) De réduire l ’ écart de rémunération entre hommes et femmes en revoyant régulièrement les salaires dans les secteurs où les femmes sont les plus nombreuses et en mettant en place des mécanismes efficaces de contrôle et de réglementation de l ’ emploi et des pratiques de recrutement appropriées afin de garantir que le principe de l ’ égalité de rémunération pour un travail de valeur égale soit consacré dans la législation nationale et respecté dans tous les secteurs ;

d) De veiller à ce que des sanctions adéquates soit prévues par la loi et appliquées en pratique en cas de licenciement pour cause de grossesse ;

e) D ’ adopter une loi générale sur le harcèlement sexuel, qui permette de demander réparation sans être soumis à la durée, au coût et au caractère public d ’ une action en justice.

Santé

Le Comité est préoccupé par les obstacles auxquels se heurtent certains groupes de femmes pour accéder aux services de soins de santé dans l’État partie, notamment les demandeuses d’asile et les réfugiées, les travailleuses migrantes, les femmes rurales, les femmes transgenres et les femmes autochtones. Il constate avec une préoccupation particulière que les non-citoyennes sont tenues de verser une caution avant de pouvoir être admises dans les hôpitaux et qu’en vertu de la loi de 1951 relative aux honoraires (médicaux) applicables aux étrangers, les soins de santé dispensés dans les hôpitaux publics leur sont facturés plus cher qu’aux Malaisiens pour des prestations identiques, ce qui limite considérablement l’accès aux soins de santé des femmes qui ont de faibles revenus, comme c’est le cas des demandeuses d’asile et des réfugiées, ainsi que des migrantes employées comme travailleuses domestiques. Le Comité est également préoccupé par une directive du Gouvernement qui impose aux hôpitaux publics d’adresser les demandeurs d’asile et les migrants sans papiers cherchant à se faire soigner au Département de l’immigration, ce qui a de graves répercussions du point de vue de la morbidité et de la mortalité maternelles, fœtales et infantiles, dans la mesure où les femmes hésitent à faire appel aux services de soins de santé essentiels de peur d’être arrêtées et placées en détention.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De faire en sorte que toutes les femmes, indépendamment de leur nationalité et de leurs revenus, aient effectivement accès à des services de soins de santé abordables, notamment en ce qui concerne la maternité, la planification familiale et la santé de la procréation ;

b) De prendre des mesures visant à rendre les services de soins de santé plus abordables pour les non-citoyens, notamment en exonérant totalement les demandeuses d ’ asile et les réfugiées du versement de cautions et de l ’ acquittement d ’ honoraires plus élevés que ceux appliqués aux Malaisiennes pour les mêmes soins de santé ;

c) D ’ abroger sans délai la directive imposant aux hôpitaux publics d ’ adresser les demandeurs d ’ asile et les migrants sans papiers au Département de l ’ immigration.

Femmes rurales

Le Comité salue les mesures que l’État partie a prises pour améliorer la qualité de vie des peuples aborigènes et des minorités ethniques dans les zones rurales. Il constate cependant avec préoccupation qu’aucune mesure ne vise spécifiquement les femmes et les filles de ces populations, que les femmes sont peu représentées dans les comités de village et que le taux d’abandon scolaire est élevé chez les filles rurales.

Se référant à sa recommandation générale n o  34 (2016) sur les droits des femmes rurales, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De développer les programmes visant à faciliter l ’ accès des femmes et des filles à l ’ éducation, à l ’ emploi et aux soins de santé, notamment par l ’ adoption de mesures temporaires spéciales ;

b) De lever tous les obstacles limitant la participation des femmes rurales aux comités de village et de veiller à l ’ intégration et à la prise en compte d ’ une perspective de genre dans l ’ ensemble des politiques, stratégies, plans et programmes de développement agricole et rural, et de permettre ainsi aux femmes rurales d ’ agir et d ’ être visibles en tant que parties prenantes, décisionnaires et bénéficiaires ;

c) De ratifier la Convention de 1989 relative aux peuples indigènes et tribaux (n o  169) de l ’ Organisation internationale du Travail (OIT) .

Migrantes employées comme travailleuses domestiques

Le Comité exprime de nouveau sa préoccupation (voir CEDAW/C/MYS/CO/2, par. 25) quant à la situation des migrantes employées comme travailleuses domestiques qui, en application de la législation du travail de l’État partie, se voient refuser l’égalité de droits en matière d’emploi en ce sens qu’elles ne jouissent pas des même garanties juridiques que les autres travailleurs migrants, notamment en ce qui concerne le salaire minimum, les horaires de travail, les jours de repos, les congés, la liberté d’association et la couverture sociale. Il note avec préoccupation que cette situation rend ces femmes vulnérables à l’exploitation et aux abus. Il est en outre préoccupé de ce que les migrantes employées comme travailleuses domestiques n’ont pas le droit d’être enceintes pendant la durée de leur contrat et de ce que les honoraires qui leur sont facturés pour des soins reçus dans les hôpitaux ou dispensaires publics sont majorés.

Rappelant la recommandation qu ’ il a formulée précédemment (voir CEDAW/C/MYS/CO/2, par. 26), le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que les migrantes employées comme travailleuses domestiques bénéficient du même degré de protection et des mêmes avantages que les autres travailleurs migrants, en droit et en fait, et à ce qu ’ elles aient accès à des recours utiles et à une réparation effective en cas de mauvais traitement de la part de leurs employeurs ;

b) D ’ abroger la politique interdisant aux migrantes employées comme travailleuses domestiques d ’ être enceintes au motif que leur contrat de travail est normalement limité à deux ans ;

c) De faire en sorte que les travailleuses migrantes aient accès à des services de soins de santé abordables ;

d) De ratifier la Convention de 1958 concernant la discrimination (emploi et profession) (n o 111) et la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (n o 189) de l ’ OIT.

Réfugiées et demandeuses d’asile

Le Comité constate une nouvelle fois avec préoccupation (voir CEDAW/C/MYS/CO/2, par. 27) que l’État partie n’a adopté ni loi, ni règlement sur le statut des demandeurs d’asile et des réfugiés et que ceux-ci, notamment les femmes et les filles, font l’objet de poursuites pour des infractions à la législation relative à l’immigration et peuvent être expulsés ou détenus indéfiniment dans des centres de rétention pour migrants. S’il prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle celui-ci respecte le principe du non-refoulement, le Comité est néanmoins vivement préoccupé par les informations portant à croire le contraire, notamment les informations récentes selon lesquelles des individus, parmi lesquels des femmes, auraient été refoulés, en dépit du fait qu’ils avaient été enregistrés auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que l’État partie ne dispose pas d’un cadre législatif et administratif visant à protéger les demandeurs d’asile et les réfugiés et à régulariser leur situation, ce qui limite l’accès des femmes et des filles demandeuses d’asile et réfugiées au marché du travail organisé, à l’enseignement public, à la santé, aux services sociaux et à l’assistance juridique et les expose à toute une série de violations des droits de l’homme, au nombre desquelles les arrestations et détentions arbitraires, l’exploitation et la violence sexuelle et sexiste, notamment dans les centres de rétention.

Se référant à sa recommandation générale n o  32 (2014) sur les femmes et les situations de réfugiés, d ’ asile, de nationalité et d ’ apatridie, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De ratifier sans plus tarder la Convention relative au statut des réfugiés et le Protocole s ’ y rapportant ;

b) De se doter d ’ une législation et de procédures nationales relatives à l ’ asile et aux réfugiés, qui soient conformes aux normes internationales, afin de garantir que les besoins particuliers des femmes et des filles soient pris en compte et de codifier le principe du non-refoulement ;

c) De respecter pleinement le principe du non-refoulement et de veiller à ce qu ’ aucun individu enregistré auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ne soit expulsé ;

d) De faire en sorte que les personnes demandant l ’ asile dans l ’ État partie, notamment les femmes et les filles, aient pleinement accès aux procédures d ’ asile ;

e) De mettre en place des solutions de substitution au placement en détention des femmes et des filles demandeuses d ’ asile ou réfugiées et, parallèlement, de prendre des mesures concrètes pour faire en sorte que les femmes et les filles détenues aient accès à des installations sanitaires adéquates et aux produits de base et qu ’ elles soient protégées contre toutes les formes de violence sexiste, notamment en veillant à ce que toutes les plaintes donnent lieu à des enquêtes effectives, à ce que les auteurs de tels actes soient poursuivis et dûment sanctionnés et à ce que les victimes aient accès à des recours utiles ;

f) De faire en sorte que les femmes et les filles demandeuses d ’ asile et réfugiées aient accès en pratique à des sources de revenus, à l ’ éducation, aux soins de santé et à d ’ autres services sociaux de base qui soient adaptés à leurs besoins particuliers, ainsi qu ’ à une assistance juridique.

Lesbiennes, femmes bisexuelles et transgenres et personnes intersexuées

Le Comité est préoccupé par le harcèlement, la discrimination et les prises à partie dont les lesbiennes, les femmes bisexuelles et transgenres et les personnes intersexuées feraient l’objet de la part des autorités de l’État, notamment des policiers, des membres des institutions religieuses et des particuliers. Il note avec préoccupation que leur situation est exacerbée par les lois et politiques discriminatoires de l’État partie.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures de sensibilisation pour mettre fin à la discrimination et aux stéréotypes négatifs à l ’ égard des lesbiennes, des femmes bisexuelles et transgenres et des personnes intersexuées. Il lui recommande en particulier :

a) De modifier toutes les lois qui sont de nature discriminatoire à l ’ égard des lesbiennes, des femmes bisexuelles et transgenres et des personnes intersexuées, notamment les dispositions du Code pénal et de la charia qui incriminent les relations homosexuelles entre femmes et le travestissement ;

b) D ’ appliquer une politique de tolérance zéro à la discrimination et à la violence à l ’ égard des lesbiennes, des femmes bisexuelles et transgenres et des personnes intersexuées, notamment en traduisant en justice les auteurs de ces actes afin qu ’ ils soient dûment sanctionnés ;

c) De faire le nécessaire pour éliminer toutes les politiques et activités visant à « corriger » ou « réadapter  » les lesbiennes, les femmes bisexuelles et transgenres et les personnes intersexuées.

Défenseuses des droits de l’homme

Le Comité est préoccupé par des informations selon lesquelles des défenseuses des droits de l’homme, en particulier celles qui militent pour les droits des musulmanes et les droits des lesbiennes, des femmes bisexuelles et transgenres et des personnes intersexuées, ainsi que pour l’adoption de réformes démocratiques, ont été l’objet d’arrestations arbitraires, de harcèlement et d’intimidations de la part des autorités de l’État et de membres d’institutions religieuses, notamment par l’adoption de fatwas ciblant des organisations de femmes travaillant sur ces sujets.

Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que les défenseuses des droits de l ’ homme puissent mener librement leur important travail sans crainte ni menace d ’ arrestations arbitraires, de harcèlement ou d ’ intimidation, notamment à travers l ’ adoption de fatwas par des institutions religieuses, en garantissant pleinement leurs droits à la liberté d ’ expression, de réunion et d ’ association. Il recommande également à l ’ État partie de renforcer les capacités des responsables de l ’ application des lois, du personnel judiciaire et des membres des institutions religieuses en matière de droits des femmes et d ’ égalité femmes-hommes.

Épouses étrangères

Le Comité est préoccupé par le fait que les femmes étrangères mariées à des citoyens malaisiens dépendent de leur mari pour conserver leur statut juridique dans le pays, ce qui les rend vulnérables, en particulier dans les cas de violence familiale. Il note également avec préoccupation que les épouses étrangères disposant d’un titre de séjour social de longue durée ont l’interdiction d’exercer une quelconque activité professionnelle, ce qui accroît leur dépendance à l’égard de leur mari.

Le Comité recommande à l ’ État partie de réviser ses lois et politiques afin de simplifier les procédures de régularisation des femmes étrangères qui sont mariées à des citoyens malaisiens, notamment en abrogeant l ’ obligation faite au mari d ’ être présent quand son épouse fait une demande de renouvellement de son titre de séjour social de longue durée, et de simplifier la procédure d ’ obtention du statut de résident permanent. Il recommande également à l ’ État partie de modifier ses lois et politiques afin que les épouses étrangères soient autorisées à travailler.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité salue les modifications apportées au droit civil de l’État partie afin d’éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux ainsi que la décision du 29 janvier 2018 de la Cour fédérale concernant l’affaire Indira Gandhi, par laquelle celle-ci a notamment reconnu la compétence des tribunaux civils sur les questions relevant du droit islamique et les décisions des autorités islamiques. Le Comité demeure toutefois préoccupé par ce qui suit :

a)Pour les musulmans, qui représentent 60 % de la population de l’État partie, les questions familiales sont régies par le droit islamique de la famille, qui est de plus en plus discriminatoire à l’égard des femmes ;

b)Les musulmanes ne jouissent pas de droits égaux à ceux des hommes pour les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux, notamment en ce qui concerne leur capacité de se marier et de divorcer, ni pour les questions liées à la pension alimentaire, la garde, la tutelle et la conversion religieuse de leurs enfants, ainsi qu’à l’héritage ;

c)La loi de 1984 relative au droit islamique de la famille (territoires fédéraux) autorise la polygamie pour les hommes musulmans, pratique dont les critères sont moins restrictifs depuis les modifications apportées à cette loi en 2006 ;

d)Le mariage d’enfants, dont la prévalence augmente, demeure autorisé par la loi portant réforme du mariage et du divorce et le droit islamique de la famille, bien que l’État partie ait retiré sa réserve au paragraphe 2 de l’article 16 de la Convention ;

e)La conversion de l’islam à une autre religion ou conviction est interdite, alors que l’inverse est permis, bien que ce cas de figure entraîne parfois des conséquences graves pour le conjoint non musulman.

Le Comité recommande de nouveau à l ’ État partie (voir CEDAW/C/MYS/CO/2, par. 14) d ’ entreprendre une réforme législative visant à supprimer les contradictions existant entre le droit civil et la charia, de manière que toute incompatibilité juridique entravant les droits des femmes à l ’ égalité et à la non-discrimination soit résolue en application de la Constitution et de la Convention. Il recommande en particulier à l ’ État partie :

a) De prévoir des sauvegardes contre les violations des droits fondamentaux des femmes dans toutes les questions liées au mariage et aux rapports familiaux en permettant aux tribunaux ou aux organismes administratifs nationaux d ’ examiner toutes les décisions et dispositions découlant de la charia, y compris les décisions prises par les autorités islamique, conformément à la décision rendue le 29 janvier 2018 par la Cour fédérale dans l ’ affaire Indira Gandhi, ainsi qu ’ à la recommandation générale n o 33 du Comité et sa recommandation générale n o 29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage, et des liens familiaux et de leur dissolution ;

b) De veiller à ce que les musulmanes jouissent de droits égaux pour tout ce qui concerne le mariage et les rapports familiaux, notamment une capacité juridique à se marier et à divorcer égale à celle des hommes, et pour ce qui a trait à la pension alimentaire, la garde et la tutelle de leurs enfants, ainsi qu ’ à l ’ héritage ;

c) D ’ interdire toute décision unilatérale, par un père qui se convertit à l ’ islam, de convertir également ses enfants ;

d) De décourager et d ’ interdire la polygamie, conformément à ses recommandations générales n o 21 sur l ’ égalité dans le mariage et les rapports familiaux (1994), et n o 29, ainsi qu ’ à la recommandation générale/observation générale conjointe n o 31 du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes et n o 18 du Comité des droits de l ’ enfant ;

e) De porter l ’ âge minimum du mariage (civil et musulman) à 18 ans pour les femmes et les hommes et d ’ exiger le plein consentement de la femme avant tout mariage ;

f) De garantir pleinement le droit à la liberté de religion ou de conviction, qui comprend le droit des individus de se convertir de l ’ islam à une autre religion ou conviction, et de veiller à ce que les interprétations religieuses ne perpétuent pas les inégalités entre les sexes en prenant des mesures appropriées, conformément aux recommandations formulées par le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction dans ses rapports.

Modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité invite l ’ État partie à accepter la modification apportée au paragraphe 1 de l ’ article 20 de la Convention concernant le temps de réunion du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l ’ État partie à s ’ appuyer sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing dans l ’ action qu ’ il mène pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

Le Comité invite l ’ État partie à réaliser l ’ égalité effective des femmes et des hommes, conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les aspects de la mise en œuvre du programme de développement durable à l ’ horizon 2030.

Diffusion

Le Comité prie l ’ État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans la langue officielle de l ’ État partie, aux institutions concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, au Parlement et au corps judiciaire, afin d ’ en permettre la pleine application.

Ratification d’autres instruments

Le Comité souligne que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme contribuerait à promouvoir l ’ exercice effectif par les femmes de leurs droits individuels et de leurs libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. Il l ’ invite donc à ratifier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, auxquels il n ’ est pas encore partie.

Suite à donner aux observations finales

Le Comité prie l ’ État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu ’ il aura prises pour appliquer les recommandati ons énoncées aux paragraphes 12  b) (Cadre con stitutionnel et législatif), 22  b) (Mutilations génitales féminines), 46  b) (Femmes réfugiée s et demandeuses d ’ asile) et 54  a) (Mariage et rapports familiaux) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son sixième rapport périodique en mars 2022. Le rapport devra être soumis dans le délai imparti et, en cas de retard, couvrir toute la période allant jusqu ’ à la date de sa soumission.

Le Comité invite l ’ État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, dont le document de base commun et les rapports correspondant à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I).