Observations finales concernant le sixième rapport périodique des Maldives *

Le Comité a examiné le sixième rapport périodique des Maldives (CEDAW/C/MDV/6) à ses 1815e et 1817e séances (CEDAW/C/SR.1815 et CEDAW/C/SR.1817), les 20 et 21 octobre 2021. La liste de points et de questions soulevés par le groupe de travail de présession figure dans le document CEDAW/C/MDV/Q/6 et les réponses des Maldives dans le document CEDAW/C/MDV/RQ/6.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le sixième rapport périodique de l’État partie et les réponses écrites apportées à la liste de points et de questions soulevés par le groupe de travail de présession sur le rapport. Il remercie l’État partie, dont la délégation a présenté le rapport oralement, et qui a apporté des éclaircissements complémentaires aux questions posées oralement par le Comité pendant le dialogue.

* Adoptées par le Comité à sa quatre-vingtième session (18 octobre-12 novembre 2021).

Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau, participant à la fois à Genève et à distance de Malé, conduite par Aishath Mohamed Didi, Ministre du genre, de la famille et des services sociaux, et composée du Procureur général, du Président du Comité des droits de l’homme et du genre du Parlement (Majlis), du Ministre d’État à la santé, du Ministre d’État au développement économique, du Secrétaire aux affaires étrangères du Bureau du Président, du Vice-Ministre du genre, de la famille et des services sociaux, du Commissaire de police adjoint, du Vice-ministre de la planification nationale, du logement et des infrastructures, de l’administrateur judiciaire en chef et de l’administrateur de l’Autorité de protection de la famille, ainsi que de représentants du Bureau du procureur général, du Ministère des affaires étrangères, du Ministère du genre, de la famille et des services sociaux, du Ministère de l’éducation, du Ministère de l’enseignement supérieur, du Ministère du développement, du Ministère de l’environnement, du changement climatique et des technologies, du centre national pour la lutte contre le terrorisme, du Bureau de la lutte contre la traite des personnes, du Ministère de l’immigration des Maldives, du Bureau de statistique des Maldives et de l’autorité gouvernementale locale ainsi que du Représentant permanent auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité se félicite des progrès accomplis par l’État partie en matière de réformes législatives depuis l’examen, en 2015, du rapport unique valant quatrième et cinquième rapports périodiques, et notamment de l’adoption des textes suivants :

a)La modification apportée à la loi sur la lutte contre la traite des personnes par la loi no 2/2020 afin de l’aligner sur le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en 2020 ;

b)Les modifications apportées à la loi sur la décentralisation introduisant des quotas électoraux pour les femmes, réservant 33 pour cent des sièges dans les Conseils locaux aux femmes, et reconnaissant légalement les Comités pour le développement des femmes comme partenaires principaux dans le développement local, en décembre 2019 ;

c)L’adoption de la loi sur la protection des droits de l’enfant (loi no 19/2019), qui reconnaît le droit des enfants d’être protégés de toutes les pratiques traditionnelles et culturelles nuisant à leur bien-être et fixe l’âge minimum légal du mariage à 18 ans pour les femmes et les hommes, en novembre 2019 ;

d)L’adoption de la loi sur l’égalité des sexes (loi no 18/2016), promouvant l’égalité des sexes et les droits des femmes, en août 2016.

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer le cadre politique et institutionnel visant à accélérer l’élimination de la discrimination envers les femmes et à promouvoir l’égalité des genres, notamment grâce aux mesures suivantes :

a)L’adoption du plan national de relèvement et de résilience face à la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19), qui prend en compte les questions de genre et vise à intégrer ces dernières dans toutes les politiques et stratégies des secteurs, en 2020 ;

b)L’adoption du plan d’action national pour la prévention et la répression de l’extrémisme violent, en juillet 2020 ;

c)L’adoption du plan d’action stratégique 2019-2023, qui fixe des objectifs pour la réalisation des droits et de l’autonomisation des femmes, en octobre 2019 ;

d)La compilation de données ventilées sur l’incidence des mutilations génitales féminines/excisions au cours de la période 2016-2017 dans le cadre de l’enquête démographique et de santé des Maldives, qui a été publiée en décembre 2018.

Le Comité se félicite que l’État partie ait adhéré au Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en 2016. Il se félicite également que l’État partie ait accepté les procédures décrites dans les articles suivants :

a)L’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, sur la procédure de communications présentées par un particulier, en 2019 ;

b)L’article 13 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, en 2019.

C.Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite du soutien apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et appelle au respect de l’égalité des genres en droit et dans les faits, conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les aspects de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il souligne l’importance de l’objectif 5 et de la prise en compte systématique des principes d’égalité et de non-discrimination dans la réalisation des 17 objectifs. Il encourage vivement l’État partie à reconnaître le rôle moteur des femmes dans le développement durable du pays et à adopter des politiques et des stratégies en conséquence.

D.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s’agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/65/38 , deuxième partie, annexe VI). Il invite le Parlement, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique, en application de la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Droits des femmes et égalité des genres dans le contexte de la pandémie de maladie à coronavirus et des efforts de relèvement

Le 22 avril 2020, le Comité a publié une note d’orientation sur les obligations des États parties à la Convention dans le contexte de la pandémie de COVID-19, afin que les États parties indiquent les mesures en place pour s’assurer que toutes les initiatives de relèvement et de relance prises à la suite de la pandémie de COVID-19, y compris les plans de redressement et de résilience, tiennent compte de la question de l’égalité des sexes. Il se félicite de l’information fournie par la délégation durant le dialogue selon laquelle une évaluation préliminaire des effets de la pandémie sur les moyens de subsistance et les entreprises avait été réalisée en 2020 et avait montré que les femmes étaient touchées de manière disproportionnée. Il se félicite également d’apprendre que les plateformes de médias sociaux ont été utilisées pendant la période de confinement pour sensibiliser l’opinion publique à la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre et pour encourager le signalement de cette violence.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De mettre en œuvre des mesures institutionnelles, législatives et stratégiques pour combler les inégalités de longue date entre les femmes et les hommes et donner un nouvel élan à la réalisation de l’égalité des sexes en plaçant les femmes au centre de la relance en tant que priorité stratégique pour un changement durable, conformément aux objectifs de développement durable ;

b) De veiller à ce que, dans le cadre des mesures de confinement, qu’elles soient partielles ou totales, et des plans de relèvement après la crise, les femmes et les filles ne soient pas reléguées à des rôles stéréotypés liés au genre ;

c) D’assurer la participation égale des femmes et des filles à la vie politique et publique, à la prise de décisions, à l’autonomisation économique et à la prestation de services, en particulier à l’élaboration et à la mise en œuvre des programmes de relance, notamment pour les groupes de femmes défavorisées et marginalisées et celles qui vivent dans les îles périphériques ;

d) De veiller à ce que les femmes et les filles bénéficient dans des conditions d’équité des mesures de relance, y compris des mesures de soutien financier pour les tâches domestiques non rémunérées, visant à atténuer les effets socioéconomiques de la pandémie.

Réserves

Le Comité se félicite de la levée, en 2020, des réserves aux alinéas b), e), g) et h) du paragraphe 1 et au paragraphe 2 de l’article 16. Il note toutefois avec préoccupation que l’État partie maintient ses réserves aux alinéas a), c), d) et f) du paragraphe 1 de l’article 16.

Le Comité renouvelle sa recommandation précédente ( CEDAW/C/MDV/CO/4-5 , par. 9) et demande instamment à l’État partie d’accélérer ses efforts en vue de retirer ses réserves aux alinéas a), c), d) et f) du paragraphe 1 de l’article 16 de la Convention, qui sont incompatibles avec l’objet et le but de la Convention et constituent un obstacle à l’application de la Convention dans son ensemble, comme le Comité l’a indiqué dans ses recommandations générales n o 21 (1994) sur l’égalité dans le mariage et les rapports familiaux et no 29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage, et des liens familiaux et de leur dissolution.

Cadre législatif et définition de la discrimination à l’égard des femmes

Le Comité salue l’adoption de la loi sur l’égalité des sexes (no 18/2016). Il note toutefois avec préoccupation que la Convention n’est pas directement applicable et que ses dispositions ne peuvent pas être directement invoquées devant les juridictions. Il constate que si la définition de la discrimination figurant dans la loi sur l’égalité des sexes englobe la discrimination directe, indirecte et fondée sur différents motifs, elle ne couvre pas les formes croisées de discrimination. Le Comité note également avec préoccupation le retard pris dans l’adoption d’une nouvelle loi pour remplacer le régime juridique actuel régissant les relations familiales.

Le Comité demande à l’État partie :

a) De prendre des mesures pour incorporer pleinement la Convention dans son système juridique interne afin de rendre les dispositions de cet instrument directement applicables ;

b) De veiller à ce que la loi sur l’égalité des sexes comprenne une définition de la discrimination conforme aux articles 1 er et 2 de la Convention, englobant non seulement la discrimination directe et indirecte dans les sphères publique et privée, mais aussi les formes croisées de discrimination ;

c) D’accélérer la réforme du droit de la famille en vue de rendre ce droit pleinement conforme à la Convention et de veiller à ce que toutes les dispositions discriminatoires soient abrogées ou modifiées, en veillant à ce que les femmes soient associées au processus de consultation et de révision.

Accès des femmes à la justice

Le Comité prend note de l’adoption d’une deuxième modification de la loi sur la Commission des services judiciaires (loi no 10/2008) en septembre 2019, qui a permis d’instaurer des procédures d’enquête pour traiter des questions disciplinaires applicables aux juges et de définir la notion d’éthique et des règles de conduites, et de l’élaboration actuelle d’un programme de formation pour les juges par l’Académie judiciaire afin d’inclure un volet de sensibilisation à l’égalité des sexes. Le Comité constate toutefois avec préoccupation que les dispositions concernant la participation des femmes aux procédures judiciaires en qualité de témoins sont discriminatoires, qu’il n’existe pas de formation juridique sur les droits des femmes reconnus par la Convention et que les femmes sont sous-représentées dans le système judiciaire.

Rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/MDV/CO/4-5 , par. 13), le Comité recommande à l’État partie :

a) D’améliorer la connaissance que les femmes ont de leurs droits et des recours dont elles disposent pour dénoncer les violations de leurs droits ;

b) De renforcer l’indépendance de la magistrature ; de mettre en place des voies de recours, y compris des aménagements procéduraux, qui soient rapides et accessibles aux femmes ; et de s’assurer, au moyen de procédures et de règlements adéquats, que les femmes qui portent plainte, en particulier pour violence fondée sur le genre, sont traitées d’une manière tenant compte de leurs besoins particuliers, à toutes les étapes de la procédure judiciaire ;

c) De prendre des mesures pour accroître la représentation des femmes dans la magistrature, notamment en tant que juges et auxiliaires de justice ;

d) De dispenser systématiquement aux juges, aux procureurs, aux agents des forces de l’ordre, en particulier les policiers, et aux avocats une formation sur les droits des femmes et de veiller à ce que les dispositions de la Convention, les recommandations générales du Comité et sa jurisprudence au titre du Protocole facultatif soient suffisamment connues et appliquées par le pouvoir judiciaire, et qu’elles fassent partie intégrante de tous les programmes de renforcement des capacités ;

e) D’accélérer l’adoption des projets de loi en attente visant à renforcer l’administration de la justice dans l’État partie, en particulier les projets de loi sur la protection des témoins, les preuves et l’aide juridictionnelle et ceux modifiant la magistrature, de supprimer les exigences de preuve qui sont discriminatoires à l’égard des femmes et d’assurer l’égalité en termes de traitement et de poids des témoignages des femmes.

Mécanisme national de promotion des femmes

Le Comité prend note des informations fournies par la délégation durant le dialogue selon lesquelles l’on donne la priorité à l’accélération de l’adoption et de la mise en œuvre du plan d’action pour l’égalité des sexes (2021-2025), et l’on adoptera des règlements avant la fin de 2021, établissant un mécanisme de communication de l’information et définissant les responsabilités au titre de la loi sur l’égalité entre les genres. Il regrette toutefois les longs délais de mise en place de ce mécanisme central.

Le Comité prie instamment l’État partie :

a) D’accélérer l’adoption du plan d’action pour l’égalité des sexes et des règlements établissant un mécanisme de communication de l’information et des coordonnateurs pour les questions d’égalité des sexes dans tous les ministères et départements ;

b) De veiller à ce que le mécanisme national de promotion des femmes, au sein du Ministère de l’égalité des sexes, de la famille et des services sociaux, dispose des ressources humaines et financières suffisantes pour s’acquitter de son mandat sur l’ensemble du territoire de l’État partie, y compris les îles périphériques ; de coordonner efficacement l’intégration des questions de genre dans les activités menées à tous les niveaux ; et de permettre au mécanisme national de promotion des femmes de dispenser systématiquement une formation au personnel et aux fonctionnaires d’autres ministères ;

c) D’impliquer les membres des Comités pour le développement des femmes et des Conseils des îles dans le renforcement des capacités en matière de genre et d’autonomisation des femmes, afin de soutenir l’action du mécanisme de promotion des femmes, en particulier dans les atolls extérieurs ;

d) De mettre en place des mécanismes d’évaluation des effets du plan d’action pour l’égalité des sexes et de veiller à ce que le plan fasse l’objet d’un suivi et d’une évaluation satisfaisants, en vue d’orienter les politiques ultérieures.

Institution nationale pour la promotion et la protection des droits humains

Le Comité se félicite que l’État partie reconnaisse, dans sa dernière contribution au rapport du Secrétaire général de l’ONU sur la coopération avec l’Organisation des Nations Unies, ses représentants et ses mécanismes dans le domaine des droits de l’homme (A/HRC/48/28), que des lois ont été modifiées afin de rétablir et de renforcer l’autorité de la Commission des droits de l’homme pour lui permettre de fonctionner de manière indépendante, et que la loi sur la Commission des droits de l’homme a été adoptée à cette fin le 22 septembre 2020. Il note toutefois avec inquiétude que la Commission ne dispose pas des ressources humaines, techniques et financières nécessaires pour s’acquitter efficacement de son mandat, y compris en ce qui concerne la réalisation de visites, et pour remplir son devoir de réception et d’instruction des plaintes.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que la Commission des droits de l’homme dispose de ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour s’acquitter efficacement de son mandat de promotion et de protection des droits des femmes, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

Défenseuses des droits humains

Le Comité se félicite que la délégation ait indiqué au cours du dialogue que l’État partie est pleinement déterminé à prévenir les représailles contre les organisations de la société civile et les personnes qui défendent les droits de l’homme, y compris en ligne, et à mener des enquêtes sur ces représailles. Il prend note toutefois avec inquiétude des informations concernant des menaces et des actes d’intimidation visant des défenseuses des droits humains et le rétrécissement de l’espace civique. Il note également avec inquiétude qu’en dépit des mesures annoncées pour prévenir les violences en ligne et enquêter à leur sujet, aucune personne n’a encore été amenée à rendre des comptes en la matière. Il constate en outre avec préoccupation que le projet de loi sur les associations soumis au Parlement en 2019 et le projet de loi no 9/2014 (Code pénal) visant à incriminer les discours de haine, qui a été soumis au Parlement en juin 2021, n’ont toujours pas été adoptés.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prévenir les représailles à l’encontre des défenseuses des droits humains, d’assurer la protection de ces personnes contre la violence et l’intimidation, et d’enquêter sur toutes les menaces et les actes de harcèlement dont elles font l’objet, de poursuivre leurs auteurs et de leur infliger les peines qui s’imposent ;

b) De faire en sorte que les défenseuses et militantes des droits humains puissent librement mener à bien leur travail de plaidoyer en faveur des droits humains des femmes et exercer leurs droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association, sans faire l’objet de harcèlement, de surveillance ou d’autres restrictions excessives ;

c) D’accélérer l’adoption du projet de loi sur les associations et du projet de loi incriminant les discours de haine.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité se félicite que 33 % des sièges des conseils locaux soient réservés à des femmes. Toutefois, il note avec préoccupation que l’État partie n’a pas adopté de mesures temporaires spéciales pour réaliser l’égalité réelle des sexes, y compris au moyen de quotas, que ce soit dans le secteur public ou privé, et pour remédier aux inégalités fondées sur le genre.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o 25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, y compris des quotas obligatoires, et de fixer des objectifs assortis de délais pour accélérer la réalisation de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines où les femmes sont sous-représentées ou désavantagées.

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

Le Comité prend note de l’action que l’État partie mène pour sensibiliser le personnel des médias à la question de la représentation négative des femmes. Il constate que la question des stéréotypes liés au genre a été abordée dans le cadre de la révision des programmes scolaires nationaux, mais que des problèmes subsistent car les enseignants ne sont pas suffisamment sensibilisés à cette question. Il constate également avec inquiétude que le fondamentalisme religieux, la radicalisation et les idéologies conservatrices alimentent la discrimination à l’égard des femmes, sont utilisés pour affaiblir le soutien à l’égalité des sexes et à l’exercice des droits des femmes, et sont invoqués pour légitimer la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre dans l’État partie, comme la pratique de la ruqya (exorcisme) et du sihr (magie noire).

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De mieux sensibiliser les journalistes à l’égalité des sexes et aux droits des femmes, et d’intégrer la question des droits des femmes dans le programme de formation professionnelle des enseignants, des professionnels de la santé, des avocats, des membres de la police et de la magistrature et des travailleurs des médias ;

b) De s’attaquer au phénomène croissant de la magie noire et de la ruqya , qui constitue un problème majeur de santé publique et un problème de sûreté et de sécurité pour les femmes et les jeunes filles, de protéger les femmes et les jeunes filles contre les risques de violence sexuelle liés à ces pratiques, et de prévenir les risques dans ce domaine ;

c) De condamner publiquement les manifestations d’hostilité à l’égard des femmes et des filles, et la persistance de stéréotypes liés au genre néfastes, y compris dans le discours de personnalités religieuses ou lorsque ces opinions sont « justifiées » par des convictions religieuses, et de déclarer au contraire son plein appui en faveur de l’égalité des sexes ;

d) De combattre toutes les formes de violence et de contrainte à l’égard des femmes et des filles au motif de pratiques ou de convictions religieuses, de garantir la sécurité et la liberté des femmes et des filles, de faire rendre des comptes aux auteurs d’actes de violence et de veiller à ce que les victimes obtiennent réparation.

Violence à l’égard des femmes fondée sur le genre

Le Comité salue la création de cinq refuges pour les victimes de violence domestique dans l’État partie. Il apprécie également les informations fournies par la délégation de l’État partie sur le lancement, en 2020, d’une campagne nationale de sensibilisation à la violence fondée sur le genre et à la violence domestique, qui met l’accent sur la mobilisation des hommes. Le Comité note avec satisfaction que la délégation a indiqué au cours du dialogue qu’une enquête nationale visant à étudier l’ampleur de la violence domestique dans l’État partie devrait débuter en 2022. Le Comité constate que l’État partie s’est à nouveau engagé à incriminer les mutilations génitales féminines. Il prend note des efforts que l’État partie déploie pour lutter contre la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre mais il note avec une vive préoccupation que :

a)La loi sur les infractions sexuelles (art. 52) et la loi sur les dispositions spéciales relatives aux violences sexuelles à l’égard des enfants (art. 47) prévoient des exigences très lourdes en matière de preuve, ce qui peut conduire à l’impunité des auteurs ;

b)La loi sur les infractions sexuelles (art. 53) prévoit que l’existence de retards dans le signalement des actes, le comportement sexuel passé de la victime ou ses liens avec l’auteur présumé des actes peuvent constituer des motifs permettant de ne pas engager de poursuites pénales, et donner lieu à des stéréotypes liés au genre et à une victimisation secondaire des victimes de violences sexuelles dans le cadre des procédures judiciaires ;

c)Selon l’enquête démographique et de santé des Maldives, publiée en décembre 2018, 13 % des femmes âgées de 15 à 49 ans ont été soumises à des mutilations génitales féminines/excisions ;

d)Le viol conjugal n’est pas entièrement criminalisé : la loi sur les infractions sexuelles (art. 20) ne l’érige en infraction que dans certaines circonstances, et la victime ne dispose pas de moyen d’obtenir réparation ;

e)Les stéréotypes liés au genre discriminatoires qui existent chez des agents de police, les méthodes d’enquête qui ne tiennent pas compte du genre, l’absence de protection pour les femmes qui signalent un viol, la peur d’une nouvelle victimisation et de représailles, la sous-représentation des femmes dans les services de police de première ligne et dans le système judiciaire, le manque d’avocats (en particulier dans les petites îles) et le fait que l’aide juridique n’est accessible aux victimes que pour des « infractions pénales majeures » font obstacle à l’accès des femmes à la justice ;

f)La violence domestique n’est pas incriminée dans la législation actuelle.

Le Comité exhorte l’État partie à :

a) M odifier l’article 52 de la loi sur les infractions sexuelles et l’article 47 de la loi sur les dispositions spéciales relatives aux violences sexuelles à l’égard des enfants afin de supprimer les exigences excessives auxquelles les victimes doivent se soumettre pour prouver les violences sexuelles subies ;

b) M odifier l’article 53 de la loi sur les infractions sexuelles pour faire en sorte que les stéréotypes liés au genre discriminatoires à l’origine de retards dans le signalement des actes et de fausses accusations et liés à la « dignité et à la discipline » des femmes n’influent en rien dans le jugement des affaires de violence sexuelle, et mettre fin aux pratiques qui contribuent à la victimisation secondaire des femmes, comme le fait d’étudier le comportement sexuel passé de la victime ;

c) C riminaliser les mutilations génitales féminines/excisions, fournir des informations sur la nature criminelle et les effets préjudiciables de ces pratiques, prendre des mesures proactives pour protéger les femmes et les filles des mutilations génitales féminines/excisions et poursuivre en justice les dignitaires religieux qui encouragent ces pratiques ;

d) I ncriminer le viol conjugal en toutes circonstances, sans aucune exception, et modifier la loi sur les infractions sexuelles et le Code pénal en conséquence ;

e) R enforcer les mécanismes d’orientation afin d’éviter toutes lacunes dans le signalement des actes et veiller à ce que les juges, les procureurs et les policiers soient correctement formés aux méthodes d’enquête et d’interrogatoire tenant compte du genre, en particulier dans les affaires de violence sexuelle ;

f) A llouer suffisamment de fonds aux refuges, qui doivent être accessibles ; établir des lignes directrices et des mécanismes pour en assurer la supervision ; et fournir des services de soutien, de réadaptation et de recours satisfaisants aux victimes de la violence fondée sur le genre, conformément à la loi sur la prévention de la violence domestique ;

g) L ancer sans délai l’enquête nationale sur l’ampleur de la violence domestique dans l’État partie, y compris la violence fondée sur le genre, prévue pour 2022, et l’utiliser comme base pour l’élaboration des politiques ;

h) É largir la portée de la campagne nationale de sensibilisation pour y inclure la violence fondée sur le genre et la violence domestique ; prévoir des activités de sensibilisation à la violence fondée sur le genre en ligne ; et collecter et publier des statistiques sur toutes les formes de violence sexuelle, y compris le viol conjugal, en ventilant les données selon le sexe et l’âge de la victime, et les liens entre elle et l’auteur des faits, qui portent sur les formes croisées de discrimination à l’égard des femmes et qui concernent d’autres caractéristiques sociodémographiques pertinentes, telles que le handicap et la nationalité ;

i) R evoir sa législation actuelle, notamment le Code pénal et la loi sur la violence domestique, afin de s’assurer que les actes de violence domestique soient expressément incriminés, qu’ils puissent être poursuivis d’office et qu’ils soient sanctionnés par des peines appropriées et proportionnelles à leur gravité.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité prend note des informations fournies par la délégation au cours du dialogue concernant la création d’un bureau de lutte contre la traite des personnes et d’un refuge pour les victimes, ainsi que les mesures prises pour mettre en œuvre le plan national de lutte contre la traite des êtres humains 2020-2022. Le Comité constate toutefois avec préoccupation que les procédures d’identification précoce des victimes, de gestion des cas et de protection des victimes ne donnent toujours pas pleinement satisfaction, malgré l’adoption de directives nationales relatives à l’identification des victimes et à la fourniture d’une assistance à leur intention.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer les procédures afin de faciliter l’identification rapide des victimes potentielles de la traite et de l’exploitation des êtres humains, notamment en augmentant les moyens dont disposent les agents des forces de l’ordre et les gardes-frontière  ;

b) De veiller à ce que tous les cas de traite et d’exploitation des êtres humains fassent l’objet d’une enquête, et à ce que les trafiquants soient poursuivis et punis ;

c) De veiller à ce que les victimes bénéficient d’un traitement médical, d’un soutien psychosocial, de services d’interprétation et d’une assistance juridique ;

d) De recueillir systématiquement des informations sur la traite des femmes et des filles à destination, en provenance et à l’intérieur de l’État partie et de renforcer la coopération avec les autres pays de la région pour faciliter l’échange d’informations et la poursuite des trafiquants.

Le Comité regrette le manque d’informations et de données sur les femmes et les filles qui se prostituent, sur les facteurs de risque liés à la croissance du secteur touristique dans l’État partie, et sur les programmes de sortie et les services de réadaptation pour les femmes qui souhaitent quitter la prostitution, y compris pour les migrantes victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle.

Rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/MDV/CO/4-5 , par. 27), le Comité recommande à l’État partie :

a) De recueillir des statistiques ventilées sur l’étendue et l’ampleur de la prostitution et de réaliser une étude sur les causes profondes de ce phénomène, en se concentrant sur les facteurs de risque liés au secteur touristique et aux migrations ;

b) D’élaborer des mesures pour prévenir l’exploitation de la prostitution des femmes et des filles, notamment des migrantes, de proposer des programmes de réadaptation aux femmes et filles qui se prostituent, y compris un hébergement en foyers, des programmes de sortie pour les femmes qui souhaitent échapper à la prostitution et d’autres moyens de gagner de l’argent ;

c) De s’attaquer aux causes profondes qui contribuent à l’exploitation des filles et des jeunes femmes dans la prostitution, notamment la violence domestique, le manque d’accès à l’enseignement secondaire et la pauvreté, en particulier dans les îles périphériques.

Participation à la vie politique et à la vie publique

Le Comité se félicite de la modification de la loi sur la décentralisation en 2019, qui a instauré un quota de 33 % de femmes dans les conseils locaux, ce qui a entraîné l’élection de 388 femmes (soit 39,5 % de sièges) dans ces conseils. Il prend note des informations fournies par la délégation durant le dialogue selon lesquelles 35 % des ministres sont des femmes, y compris avec des portefeuilles non stéréotypés tels que les transports, le logement, la pêche, l’agriculture, l’environnement, la lutte contre les changements climatiques, la technologie et la défense ; les premières femmes juges à la Cour suprême ont été nommées en 2019 et la première femme juge à la Cour pénale a été nommée en 2020. Il constate toutefois avec inquiétude que les femmes sont toujours sous-représentées aux postes de direction des partis politiques, au Parlement, au Gouvernement, dans l’appareil judiciaire et aux postes de décision dans la fonction publique.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’honorer l’engagement pris durant le dialogue d’apporter les modifications législatives nécessaires pour établir des quotas de femmes dans le cadre des élections internes des partis politiques, d’instaurer un financement ciblé des campagnes et de dispenser aux femmes candidates une formation sur les compétences en matière de leadership, et de garantir l’égalité d’accès aux médias afin de promouvoir la participation égale des femmes à la vie politique, conformément au plan d’action pour l’égalité des sexes ;

b) De modifier la loi n o 4/2013 sur les partis politiques pour y inscrire des dispositions visant à améliorer la gouvernance interne des partis politiques et assurer une représentation égale des femmes aux postes de décision et de direction ;

c) De modifier la loi n o 2/2009 sur les élections parlementaires afin d’instaurer des quotas obligatoires de femmes ;

d) D’adopter des mesures temporaires spéciales pour accroître la représentation des femmes aux postes politiques et dans les conseils d’administration des entreprises publiques.

Nationalité

Le Comité constate avec préoccupation que la loi sur la nationalité de l’État partie fixe des conditions différentes pour les femmes et les hommes en ce qui concerne la transmission de la nationalité en fonction, notamment, de la religion et de la situation matrimoniale. Le Comité s’inquiète en outre de ne pas disposer d’informations sur la situation des femmes et des filles apatrides dans l’État partie et sur les démarches engagées pour régler ce problème.

Le Comité recommande à l’État partie de réviser sa loi sur la nationalité en vue d’en éliminer la discrimination en matière de transmission de la nationalité à l’égard des femmes, et d’améliorer les mécanismes pour l’identification et la protection des femmes et des filles apatrides, notamment par l’accès à des procédures d’asile transparentes et efficaces.

Éducation

Le Comité prend note de l’adoption de la loi sur l’éducation en 2020 et de la loi sur l’enseignement supérieur en 2021. Il note toutefois avec préoccupation que les filles ont un accès limité à l’enseignement secondaire et supérieur ainsi qu’à l’enseignement technique et professionnel, comme le montre le taux d’inscription de 56 % des filles dans l’enseignement secondaire supérieur. Il est également préoccupé par les taux relativement faibles d’achèvement des études chez les femmes et les filles et leur sous-représentation dans les domaines d’études non traditionnels.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’apporter un soutien financier aux femmes et aux jeunes filles, en particulier dans les zones rurales et sur les îles éloignées, afin de leur permettre d’accéder plus facilement à l’enseignement secondaire et supérieur ainsi qu’à la formation technique et professionnelle ;

b) De redoubler d’efforts pour augmenter les taux de scolarisation, de maintien à l’école et d’achèvement des études secondaires pour les femmes et les filles et, à cette fin, de garantir la mise en place d’un programme d’enseignement gratuit pour les étudiantes, afin de les maintenir dans l’enseignement supérieur et d’assurer la parité des sexes parmi les diplômés ;

c) D’encourager les filles et les femmes à choisir des domaines d’études et des parcours professionnels non traditionnels, en particulier les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques ainsi que les technologies de l’information et des communications ;

d) De favoriser le maintien et la promotion des filles et des femmes issues de groupes défavorisés dans un système d’éducation inclusive.

Emploi

Le Comité se félicite de l’obligation prévue par la loi sur l’égalité des sexes pour tous les employeurs des secteurs public et privé de mettre en place un mécanisme de plaintes pour les cas de discrimination fondée sur le genre, et de l’instauration de ces mécanismes dans 43 organismes du secteur public. Le Comité constate toutefois qu’aucune plainte n’a été reçue et que les mécanismes se limitent aux cas de discrimination dans l’emploi. Le Comité se félicite de l’allongement en 2019 du congé de maternité payé à six mois et du congé de paternité payé à un mois pour les employés du secteur public. Il note toutefois que le congé de paternité est limité à 3 jours dans le secteur privé, où la loi sur l’emploi impose un congé de maternité payé de 60 jours. Il est préoccupé par le faible taux d’activité des femmes (45,6 %) par rapport à celui des hommes (77,1 %), et par le fait que 49 % des femmes hors du marché du travail indiquent que les responsabilités domestiques et parentales constituent le principal obstacle à leur activité professionnelle. Le Comité note en outre avec préoccupation que 44 % des femmes employées travaillent dans le secteur non structuré de l’économie, que 84 % des travailleurs à domicile sont des femmes et que le tourisme, le plus grand secteur d’activité en dehors du secteur public, ne compte que 3 % de femmes.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De modifier la loi sur l’emploi afin d’appliquer au secteur privé la politique du secteur public en matière de congé de maternité et de paternité ;

b) De promouvoir le partage équitable des responsabilités familiales et domestiques entre les femmes et les hommes, d’augmenter le nombre de structures d’accueil d’enfants à un coût abordable dans l’ensemble de l’État partie, et d’introduire un aménagement des modalités de travail pour les femmes comme pour les hommes ;

c) D’introduire des mesures spécifiques pour promouvoir l’insertion des femmes dans le secteur privé du tourisme et dans l’économie marine ;

d) D’élargir la couverture de la législation du travail et de la protection sociale, comme le salaire minimum, les congés payés et le congé de maternité, aux femmes travaillant dans le secteur non structuré de l’économie informelle et aux travailleuses indépendantes ;

e) De mieux sensibiliser les employeurs et les employées aux dispositions de la loi sur l’emploi, en particulier sur le harcèlement sexuel, et aux recours dont disposent les femmes pour faire valoir leurs droits ;

f) D’introduire des mesures d’action positive pour promouvoir l’insertion des femmes issues de groupes défavorisés sur le marché du travail.

Autonomisation économique et avantages sociaux

Le Comité note le pourcentage élevé de femmes exerçant un activité indépendante ou travaillant dans le secteur non structuré de l’économie, sans protection du travail ni protection sociale, et constate que les femmes n’ont qu’un accès limité aux prêts, aux autres formes de crédit financier, aux terrains, aux équipements et aux machines liés à leurs activités. Il note également que 97,2 % des indemnités de parent isolé sont accordés à des femmes.

Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques et programmes en faveur de l’autonomisation économique des femmes, et de prendre à cette fin les mesures suivantes :

a) Établir le cadre juridique et opérationnel pour accroître la participation des femmes à l’entrepreneuriat et aider les femmes à trouver un marché approprié pour leurs produits au niveau national, à protéger leurs droits de propriété intellectuelle et à connaître la procédure pour l’exportation de leurs produits ;

b) Encourager comme il se doit la création d’entreprises par les femmes en leur permettant d’accéder plus facilement à des activités rémunératrices et au crédit financier, notamment à des prêts à taux d’intérêt réduit sans garantie, des terrains, des équipements et des machines ;

c) Garantir la diffusion d’informations sur les programmes de prêts et les aides financières disponibles, en particulier sur les quotas alloués, ainsi que des conseils et une assistance appropriés pour la demande de prêts et d’aides financière, en particulier pour les femmes des îles périphériques ;

d) Faire en sorte que les femmes exerçant une activité indépendante ou travaillant dans le secteur non structure de l’économie aient accès aux allocations de garde d’enfants et à des services de soins abordables et de qualité pour les enfants et les membres de la famille malades et âgés, afin de réduire le travail de soins non rémunéré effectué par les femmes et élaborer des régimes de protection sociale pour ces femmes, comme une retraite.

Le Comité note également que l’État partie a mis en place de vastes réformes fiscales, avec notamment une taxe sur les biens et services, suite à la crise financière de 2008-2009, mais il est préoccupé par le fait qu’aucune analyse des incidences de ces réformes pour les hommes et les femmes n’a été effectuée à ce jour.

Le Comité recommande à l’État partie de procéder à une analyse des incidences des réformes fiscales pour les hommes et les femmes et d’élaborer et de mettre en œuvre, sur la base des conclusions de cette étude, des politiques et des programmes qui promeuvent et protègent les droits fondamentaux des femmes et tiennent compte de l’impact de ces réformes fiscales sur les femmes, en particulier celles qui sont chef de famille monoparentale et celles qui vivent dans la pauvreté.

Santé

Le Comité note avec préoccupation que, selon l’enquête démographique et de santé des Maldives de 2016-2017, 72 % des femmes ont déclaré avoir eu au moins un problème pour accéder aux soins de santé, 52 % mentionnant des difficultés à obtenir un rendez-vous et 31 % l’éloignement des établissements de santé, et que seuls les hôpitaux secondaires disposent de services d’obstétrique d’urgence, ce qui oblige les patientes à engager des frais pour se rendre dans la capitale. En particulier, le Comité s’inquiète également de l’accès limité, dans la pratique, aux services de santé sexuelle et reproductive pour les femmes et les filles non mariées, bien que les directives nationales en matière de planification familiale prévoient le droit de bénéficier de ces services quelle que soit la situation matrimoniale, et de l’absence d’informations sur la prévalence des avortements non médicalisés et illégaux. Le Comité est en outre préoccupé par le taux relativement élevé de naissances par césarienne dû à l’accès limité aux services d’obstétrique.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accroître l’accès des femmes et des filles aux services de soins de santé, en particulier aux services de santé sexuelle et reproductive, y compris les services d’obstétrique d’urgence, sur l’ensemble des atolls et des îles de l’État partie, en particulier pour les femmes vivant sur les îles périphériques ;

b) De faire en sorte que le personnel de santé rende des comptes en cas de discrimination à l’égard des femmes et des filles qui cherchent à accéder aux services de santé sexuelle et reproductive ;

c) D’assurer une éducation adaptée à l’âge sur la santé sexuelle et reproductive et les droits connexes, avec notamment des informations sur les méthodes contraceptives et les services de planification familiale disponibles ;

d) De recueillir des données, ventilées par âge et par lieu géographique, et d’effectuer des recherches sur la prévalence des avortements non médicalisés et illégaux dans l’État partie, de modifier la législation afin de dépénaliser l’avortement dans tous les cas, et de garantir l’accès à des services d’avortement médicalisé et à des soins post-avortement ;

e) De faire en sorte que les femmes aient accès aux services d’obstétrique, y compris les services d’obstétrique d’urgence, afin de leur éviter d’avoir recours à la césarienne si elles le souhaitent ;

f) De veiller à ce que les femmes handicapées aient accès aux soins de santé en garantissant l’accessibilité des services de santé sexuelle et reproductive, notamment en fournissant des appareils de mammographie accessibles et des tables d’examen gynécologique hydrauliques.

Changements climatiques et réduction des risques de catastrophe

Compte tenu de la vulnérabilité de l’État partie face aux changements climatiques et des défis qu’il doit relever en matière de réduction des risques de catastrophe, le Comité note avec préoccupation la participation limitée des femmes au processus décisionnel et à l’élaboration des politiques concernant la gestion des catastrophes et les programmes de reconstruction et de relèvement après une catastrophe, ainsi que l’insuffisance des consultations visant à garantir que les opinions et les préoccupations des femmes, en particulier des femmes rurales, sont dûment prises en compte. Il est préoccupé par le fait que les femmes rurales sont touchées de manière disproportionnée par les catastrophes et que les interventions en cas de catastrophes sont axées entièrement sur les activités d’atténuation plutôt que sur la prévention.

Conformément à sa recommandation générale n o 37 (2018) relative aux aspects liés au genre de la réduction des risques de catastrophe dans le contexte des changements climatiques, le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les femmes soient représentées et participent à l’élaboration des textes de loi, politiques et programmes relatifs aux changements climatiques, aux interventions en cas de catastrophe et à la réduction des risques de catastrophe. Il recommande également à l’État partie de prendre en compte les questions de genre dans ces plans et politiques et de veiller à ce que les femmes, en particulier les femmes rurales, soient consultées lors de leur élaboration. Il recommande également à l’État partie de prendre des mesures pour faire face aux effets des changements climatiques, en particulier sur l’accès des femmes aux ressources et aux moyens de subsistance, afin que celles-ci ne soient pas touchées de manière disproportionnée ;

Femmes rurales

Le Comité constate comme changements positifs la représentation accrue des femmes dans les conseils locaux ainsi que la reconnaissance juridique des comités de développement des femmes, la définition de leurs responsabilités et de leurs pouvoirs et l’allocation d’un budget spécifique à ces comités. Il se félicite de la déclaration faite par la délégation au cours du dialogue selon laquelle 5 % du budget de chaque conseil insulaire sera alloué aux comités de développement des femmes, à partir de janvier 2022. Il regrette toutefois que les femmes rurales ne soient pas associées à la prise de décision à tous les stades de la gestion des ressources naturelles, ce qui réduit leurs débouchés commerciaux et professionnels et affecte leurs moyens de subsistance. Il est préoccupé par le fait que les femmes rurales sont touchées de manière disproportionnée par les catastrophes et que les interventions en cas de catastrophe sont axées entièrement sur les activités d’atténuation plutôt que sur la prévention.

Conformément à sa recommandation générale n o 34 (2016) sur les droits des femmes rurales et à la cible 5.a des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie :

a) De promouvoir la participation effective des femmes rurales à la planification et à la prise de décision en matière de gestion des ressources naturelles ;

b) De veiller à ce que les projets de location de terrains à long terme ne portent pas atteinte aux droits des femmes rurales et ne compromettent pas leurs moyens de subsistance, et de garantir que ces projets sont autorisés uniquement à l’issue de consultations et de processus décisionnels impliquant les femmes rurales ;

c) De mettre en place des politiques et des programmes ciblés pour les femmes rurales, de faire en sorte qu’elles puissent bénéficier d’un appui technique et d’une formation en matière d’innovation, de nouvelles techniques agricoles et de développement de l’économie bleue, en plus de petits et micro-projets, et de faciliter leur accès aux crédits financiers et aux prêts.

Groupes de femmes défavorisés

Le Comité exprime sa préoccupation quant à l’absence de politiques dans l’État partie visant à lutter contre la discrimination dont sont victimes les groupes de femmes défavorisées en raison d’autres facteurs croisés conduisant à l’exclusion sociale, tels que l’appartenance ethnique, la religion, la nationalité, le handicap, le statut de migrant ou l’appartenance à la communauté lesbienne, bisexuelle, transgenre et intersexe.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter toutes les mesures nécessaires, y compris des mesures temporaires spéciales, pour lutter contre la discrimination croisée dont sont victimes les groupes de femmes défavorisées, telles que les femmes migrantes, les femmes handicapées, les personnes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexes, et les femmes professant des religions autres que l’Islam, en relation avec tous les aspects couverts par la Convention ;

b) De modifier sa législation et ses politiques afin d’éliminer la stérilisation forcée des personnes dans l’État partie et de garantir le consentement total et éclairé de chacun à tous les actes médicaux ;

c) De dépénaliser les relations consenties entre femmes.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité se félicite du lancement de l’initiative de réforme du droit de la famille en 2020. Toutefois, il note avec inquiétude que les relations sexuelles consenties hors mariage sont toujours punies par des peines de flagellation et, dans certains cas, par la peine de mort - ce qui touche les femmes et les filles de manière disproportionnée et les dissuade de dénoncer les infractions sexuelles. Le Comité regrette également le nombre élevé de mariages non enregistrés dans les zones rurales et reculées, y compris les mariages d’enfants, et leur effet négatif sur les droits des femmes. En outre, le Comité est préoccupé par le fait que la polygamie reste autorisée pour les hommes dans certaines circonstances en vertu de la loi sur la famille (loi no 4/2000). Le Comité note avec inquiétude les dispositions inégales relatives au divorce dans le droit de la famille, selon lesquelles un homme n’est pas tenu de fournir de justification pour le divorce, tandis qu’une femme doit fonder sa demande sur les motifs prévus par la loi et doit assumer la charge de la preuve pour éviter des procédures de conciliation potentiellement longues. Le Comité prend note de la modification en 2016 de l’article 32 de la loi sur la famille, qui prévoit la répartition des biens en cas d’existence d’un contrat prénuptial, toutefois il s’inquiète du fait que les contrats prénuptiaux sont peu connus, pratiqués ou encouragés, ce qui rend cette modification inapplicable à la grande majorité des mariages enregistrés.

Rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/MDV/CO/4-5 , par. 45), le Comité recommande à l’État partie :

a) D’abolir, dans les meilleurs délais, la peine de flagellation ou la peine de mort sanctionnant les relations sexuelles extraconjugales consenties ;

b) De modifier la législation afin de garantir que les personnes ayant subi des violences sexuelles ne soient pas poursuivies pour des relations sexuelles hors mariage si elles portent des accusations qui ne peuvent être prouvées par la suite ;

c) De mettre en place un registre d’état civil centralisé et de faire respecter l’enregistrement obligatoire de tous les mariages, notamment en prévoyant des sanctions ;

d) D’interdire la polygamie et de sensibiliser l’opinion publique à ses effets néfastes sur les femmes, conformément à la recommandation générale n o 21 (1994) du Comité et à la recommandation générale n o 31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et l’observation générale n o 18 du Comité des droits de l’enfant (2014) sur les pratiques préjudiciables, adoptées conjointement ; de garantir la protection des droits économiques des femmes dans les mariages polygames existants ;

e) D’adopter une législation garantissant que les hommes et les femmes ont des droits égaux en matière de divorce, y compris en termes de motifs et de procédures pour obtenir le divorce, ainsi que la répartition égale des biens matrimoniaux lors du divorce, y compris les terres, conformément à la recommandation générale n o 29 (2013) du Comité sur les conséquences économiques du mariage, et des liens familiaux et de leur dissolution.

Collecte et analyse des données

Le Comité se félicite de la déclaration de la délégation au cours du dialogue selon laquelle la stratégie nationale de développement de la statistique pour la période 2020-2030 a été élaborée. Le Comité est toutefois préoccupé par l’absence de données ventilées par sexe dans un certain nombre de domaines couverts par la Convention, ce type de données étant nécessaires à l’élaboration de politiques ciblées. Il s’inquiète également de l’absence d’indicateurs et de calendriers clairement établis dans les plans d’action existants et de leur manque de suivi.

Le Comité invite l’État partie à donner la priorité à la stratégie nationale de développement de la statistique ainsi qu’à la collecte systématique de données complètes ventilées par sexe et d’indicateurs mesurables permettant d’évaluer l’évolution de la situation des femmes et les progrès faits en vue de réaliser l’égalité réelle, et appelle l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale n o 9 (1989) sur les données statistiques concernant la situation des femmes.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l’État partie à s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing et à continuer d’évaluer la réalisation des droits consacrés par la Convention dans le contexte de l’examen après 25 ans de la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing afin de parvenir à l’égalité réelle des femmes et des hommes.

Diffusion

Le Comité prie l’État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans les langues officielles en pratique de l’État partie, aux institutions publiques concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, au Parlement et à l’appareil judiciaire, afin d’en permettre la pleine application.

Assistance technique

Le Comité recommande à l’État partie d’établir un lien entre l’application de la Convention et l’action qu’il mène en faveur du développement, et de faire appel à cette fin à l’assistance technique régionale ou internationale.

Ratification d’autres instruments

Le Comité souligne que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribuerait à promouvoir l’exercice effectif des droits individuels et libertés fondamentales par les femmes dans tous les aspects de la vie. Il l’invite donc à ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, auxquelles il n’est pas encore partie.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l’État partie de lui communiquer, par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu’il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 28 a), b) et i) et 54 e) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l’État partie à soumettre son septième rapport périodique en novembre 2025. Le rapport devra être présenté dans les délais et couvrir toute la période écoulée, jusqu’à la date à laquelle il sera soumis.

Le Comité invite l’État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).