Observations finales concernant le deuxième rapport périodique du Monténégro *

1.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique du Monténégro (CEDAW/C/MNE/2) à ses 1512e et 1513e sessions (voir CEDAW/C/SR.1512 et 1513), le 11 juillet 2017. La liste de points et de question du Comité figure dans le document CEDAW/C/MNE/Q/2 et les réponses du Monténégro dans le document CEDAW/C/MNE/Q/2/Add.1.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction la soumission par l’État partie de son deuxième rapport périodique. Il remercie également l’État partie de ses réponses écrites à la liste de points et de questions soulevés par le groupe de travail d’avant session, et salue la présentation orale de la délégation et les éclaircissements supplémentaires donnés en réponse aux questions posées oralement par le Comité durant le dialogue.

3.Le Comité félicite l’État partie de sa délégation de haut niveau, dirigée par Mehmed Zenka, Ministre des droits de l’homme et des droits des minorités. La délégation comprenait également des représentants du Ministère de l’agriculture et du développement rural, du Ministère du travail et de la protection sociale, du Ministère de l’intérieur, du Ministère de la santé, du Ministère de l’éducation, de la Cour suprême du Monténégro et du Bureau du Procureur du Monténégro, du Ministère des droits de l’homme et des droits des minorités, et de la mission permanente du Monténégro auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

4.Le Comité salue les progrès accomplis depuis l’examen, en 2011, du rapport initial de l’État partie (CEDAW/C/MNE/1) dans la mise en œuvre de réformes législatives, en particulier :

* Adoptées par le Comité à sa soixante-septième session (3-21 juillet 2017).

a)Les amendements à la loi sur l’égalité des sexes, qui l’alignent sur les normes de l’Union européenne (2015);

b)Les amendements à la loi sur l’assistance juridique gratuite (2015), qui permet aux victimes de violence conjugale de bénéficier d’une assistance juridique gratuite;

c)Les amendements à la loi électorale (2014), qui améliorent la participation des femmes à la vie politique.

5.Le Comité félicite l’État partie pour ses efforts déployés afin d’améliorer son cadre institutionnel et politique dans le but d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes, comme l’adoption du plan d’action national pour l’égalité des sexes pour 2017-2021 et la stratégie de protection contre la violence familiale pour 2016-2020.

6.Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié les instruments internationaux et régionaux suivants, ou d’y avoir adhéré, au cours de la période écoulée depuis l’examen du rapport précédent :

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, en 2013;

b)La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique en 2013.

C.Parlement

7. Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif dans la pleine application de la Convention (voir la D éclaration sur les liens entre le Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes et les parlementaires, adoptée lors de sa quarante-cinquième session, en 2010). Il invite le Parlement à prendre, conformément à son mandat, les mesures nécessaires concernant la mise en œuvre des présentes observations finales d ’ ici à la soumission du prochain rapport au titre de la Convention.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Visibilité de la Convention

8.Le Comité constate avec préoccupation l’absence de renseignements concernant les procédures judiciaires ou administratives dans les cas où les dispositions de la Convention ont été directement appliquées ou invoquées.

9. Le Comité recommande à l ’ État partie de promouvoir des programmes de renforcement des capacités sur les dispositions de la Convention pour les juges, les procureurs, le personnel chargé de l ’ application des lois et les avocats et le Protecteur des droits de l ’ homme et des libertés du Monténégro afin de les outill er en vue d’ appliquer ou d’ invoquer directement ses dispositions judiciaires ou procédures administratives et d ’ interpréter la législation nationale en conséquence.

Cadre juridique pour l’interdiction de la discrimination à l’égard des femmes

10.Le Comité félicite l’État partie d’avoir établi un solide cadre législatif pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, incluant la loi antidiscrimination, la loi sur le Protecteur des droits de l’homme et des libertés du Monténégro et la loi sur l’égalité des sexes. Il salue également l’adoption de diverses mesures de renforcement des capacités et de sensibilisation visant à prévenir et à remédier à la discrimination fondée sur le sexe et à promouvoir l’égalité des sexes, qui ciblent, entre autres, les représentants du pouvoir judiciaire, de la police et de la société civile. Cependant, il est préoccupé par les faits suivants :

a)L’impact limité de la législation susmentionnée, qui peut traduire une inexécution et une absence de volonté politique de donner la priorité à l’égalité des sexes et à la non-discrimination, ainsi qu’à l’insuffisance du renforcement des capacités sur l’égalité des sexes et sur l’interdiction de la discrimination fondée sur le sexe;

b)Le nombre réduit de plaintes concernant la discrimination fondée sur le sexe ou sexiste déposé auprès du Protecteur des droits de l’homme et des libertés et l’absence de telles plaintes déposées auprès de la Cour suprême. Le Comité craint que cela ne reflète un niveau de confiance insuffisant des femmes victimes de discrimination dans les institutions de l’État.

11. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accroître de manière significative les ressources humaines, techniques et financières allouées à la mise en œuvre de la législation sur l ’ égalité des sexes et l ’ interdiction de la discrimination sexiste ou fondée sur le sexe, afin de procéder à une évaluation de l ’ impact des différents efforts de renforcement des capacités, et sur la base des résultats, prendre les mesures nécessaires pour accroître leur efficacité. Ces mesures devraient inclure la diffusion de l ’ information, y compris en coopération avec le Protecteur des droits de l ’ homme et des libertés, à l ’ intention du grand public sur l ’ accès à la justice et les recours disponibles pour obtenir une réparation et une indemnisation.

Mécanisme national de promotion de la femme

12.Le Comité salue les efforts déployés par le Département pour l’égalité des sexes du Ministère des droits de l’homme et des droits des minorités, la création du Conseil national pour l’égalité des sexes en 2016 et le Comité parlementaire pour l’égalité des genres ainsi que l’adoption du plan d’action national pour l’égalité des sexes pour 2017-2021. Il salue également la nomination de coordinateurs des questions liées à l’inégalité des sexes et la création de conseils et de bureaux pour l’égalité des sexes, ainsi que l’adoption de plans d’action locaux pour l’égalité des sexes dans un nombre important de municipalités dans l’État partie. Cependant, il demeure préoccupé par :

a)Le financement insuffisant des organes et des plans d’action susmentionnés, ce qui entraîne un effet négatif sur la mise en œuvre effective des plans d’action nationaux et locaux pour l’égalité des sexes;

b)Le manque d’évaluation efficace des incidences pour les hommes et les femmes par les organes du mécanisme national de mise en œuvre de la législation et de la budgétisation et leur rôle largement symbolique, comme le démontre le faible statut du Conseil national pour l’égalité des sexes, qui n’a pas été consulté lors de la formulation du plan d’action national pour l’égalité des sexes pour 2017-2021, et le rôle vraisemblablement passif du Comité parlementaire pour l’égalité des sexes;

c)L’impact limité du précédent plan d’action national pour l’égalité des sexes pour 2012-2017.

13. Le Comité recommande à l ’ État partie de :

a) Renforcer son mécanisme de promotion de la femme en augmentant considérablement les ressources humaines, techniques et financières qui lui sont allouées aux niveaux central et municipal;

b) Renforcer les mécanismes de responsabilisation en vue de parvenir à l’égalité des sexes et d’assurer la réalisation d’évaluations systématiques de l’impact selon le sexe, en consultation avec les organes susmentionnés, et les impliquer activement dans la formulation et la mise en œuvre de la législation, des politiques et des plans d’action nationaux et locaux;

c) Fixer des objectifs à échéance dans les plans d ’ action nationaux et locaux et évaluer l ’ efficience de ces plans d ’ action en fonction de ces objectifs.

Organisations non gouvernementales

14.Le Comité prend acte du rôle important des organisations non gouvernementales dans la mise en œuvre de la Convention. Toutefois, il est préoccupé par l’adoption récente d’une législation restrictive sur le financement des organisations non gouvernementales, qui entrave leur établissement et leurs activités.

15. Le Comité recommande à l ’ État partie de modifier sa législation afin de créer un environnement favorable et propice à l ’établissement et à la participation active des organisations non gouvernementales , notamment celles qui plaident en faveur de la mise en œuvre de la Convention dans l ’ État partie et soutiennent les efforts déployés dans ce sens.

Mesures temporaires spéciales

16.Le Comité s’inquiète de l’absence de mesures spéciales temporaires en ce qui concerne les domaines où les femmes sont sous-représentées ou désavantagées, tel que dans l’emploi, et en ce qui concerne les formes convergentes de discrimination sur le marché du travail. Il note également avec préoccupation la compréhension limitée de la notion de mesures spéciales temporaires dans l’État partie, y compris parmi les dirigeants politiques.

17. Le Comité recommande à l ’ État partie de sensibiliser les dirigeants politiques à l ’ égalité des sexes, en particulier les parlementaires, les journalistes, les enseignants et le grand public, surtout les hommes, afin de mieux faire comprendre l ’ importance et la nature non discriminatoire des mesures spéciales temporaires. Il recommande également à l ’ État partie d ’ adopter des mesures spéciales temporaires, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la r ecommandation générale n o 25 (2004) du Comité sur les mesures spéciales temporaires dans tous les domaines où les femmes sont sous-représentées ou désavantagées, afin d ’ accélérer la réalisation de l ’ égalité de facto des femmes et des hommes dans les domaines couverts par la Convention, en particulier en ce qui concerne les femmes confrontées à des formes convergentes de discrimination.

Stéréotypes et pratiques discriminatoires

18.Le Comité félicite l’État partie d’avoir pris différentes mesures éducatives visant à lutter contre les stéréotypes sexistes ainsi que d’utiliser de plus en plus un langage non sexiste dans les médias conformément à la loi relative à l’égalité des sexes. Il s’inquiète cependant de ce que des attitudes patriarcales et des stéréotypes concernant les rôles, les responsabilités et les comportements attendus des femmes et des hommes dans la société et la famille demeurent profondément ancrés au sein de la société, au détriment de la condition sociale, de l’autonomie, des possibilités d’éducation et de la carrière professionnelle des femmes, ce qui entrave considérablement l’application de la Convention et constitue l’une des principales causes des violences sexistes faites aux femmes. À cet égard, il relève aussi avec préoccupation :

a)La préférence couramment marquée pour les fils au sein des familles et de la société et le statut de subordination de la femme à l’homme, que reflètent et perpétuent le nombre relativement élevé d’avortements sélectifs en fonction du sexe du fœtus et les fortes pressions sociétales exercées sur les femmes pour qu’elles renoncent à un héritage au profit des hommes de la famille;

b)Le fait que les femmes se voient souvent assigner un rôle traditionnel dans la famille et sont dissuadées de se lancer dans un emploi formel, et le fait que le père est considéré comme étant le chef de famille;

c)L’insuffisance des mesures prises par l’État partie pour remédier à ce type de stéréotypes discriminatoires si répandus.

19. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place une stratégie globale comportant des mesures préventives et durables visant les femmes et les hommes, les filles et les garçons, prévoyant des cours obligatoires à l ’ intention des étudiants en droit et en médecine pour en finir avec les attitudes patriarcales et les stéréotypes discriminatoires à l ’ égard de la femme, et de lui consacrer des ressources suffisantes. Cette stratégie devrait prévoir un mécanisme de suivi permettant d ’ évaluer régulièrement l ’ impact des mesures prises et de concevoir des mesures correctives. À cet égard, le Comité recommande à l ’ État partie de :

a) Mettre au point et appliquer des mesures de sensibilisation du grand public et des groupes professionnels compétents comme les médecins et les infirmières à la généralisation et aux effets néfastes de la sélection du sexe du fœtus qui privilégie les droits du garçon par rapport à ceux de la femme;

b) Appliquer strictement l’interdiction des avortements sélectifs en fonction du sexe du fœtus, mettre en place des services, notamment des permanences téléphoniques pour aider les femmes qui subissent des pressions tendant à leur faire subir un tel avortement;

c) Continuer de sensibiliser les médias à la nécessité d’en finir avec les stéréotypes sexistes en promouvant une image positive de la femme en tant que participante active à la vie sociale, économique et politique et de l’homme en tant que participant actif aux tâches ménagères et à l’éducation des enfants;

d) Suivre de près l’utilisation par les médias d’un langage non sexiste et étendre ce langage aux outils pédagogiques.

Mariage d’enfants ou mariage forcé

20.Le Comité est préoccupé par le fait que l’âge minimum légal du mariage est fixé à 16 ans seulement et que les mariages d’enfants ou les mariages forcés sont très courants chez les Roms, les Ashkalis et les Tziganes, d’où de fréquentes grossesses précoces. Il constate avec préoccupation qu’un nombre important de filles victimes de mariage précoce et forcé ou d’une cohabitation forcée avec des hommes adultes conduisant au mariage précoce et forcé sont victimes d’exploitation sexuelle. Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie ait déployé des efforts limités en vie d’identifier les enfants victimes et de poursuivre et sanctionner adéquatement les auteurs de tels crimes.

21. Le Comité attire l ’ attention de l ’ État partie sur la recommandation générale/observation générale conjointe n o  31 du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes et n o  18 du Comité des droits de l ’ enfant sur les pratiques préjudiciables (2014), et recommande à l ’ État partie de :

a) Redoubler d’efforts pour sensibiliser aux répercussions négatives du mariage d’enfants ou du mariage forcé sur la santé, l’épanouissement et l’éducation des filles;

b) Identifier, sauver et protéger les victimes de cohabitation forcée ou de mariage précoce ou forcé et celles qui sont exposées à l’exploitation sexuelle suite à leur mariage;

c) Faire respecter de manière stricte l’interdiction de la cohabitation forcée ou du mariage précoce et forcé, en particulier dans les cas d’exploitation sexuelle ultérieure de la victime ainsi que poursuivre et sanctionner de manière appropriée les auteurs de tels actes;

d) Porter à 18 ans l ’ âge minimum du mariage.

Violences sexistes faites aux femmes

22.Le Comité prend acte avec satisfaction des nombreuses mesures législatives, de politique générale, de sensibilisation et éducatives prises par l’État partie pour prévenir et lutter contre les violences sexistes faites aux femmes, comme la loi de 2014 portant amendement de la loi relative à la protection contre les violences familiales, la Stratégie de protection contre la violence familiale pour 2016-2020 et la création de bureaux d’assistance juridique gratuite attachés à tous les tribunaux de première instance de l’État partie. Il note toutefois avec préoccupation :

a)Le fait que les violences sexistes faites aux femmes, y compris les meurtres, demeurent courantes et socialement acceptées dans l’État partie, en particulier chez les Roms, les Ashkalis et les Tziganes;

b)Les attitudes discriminatoires et la passivité continue à l’égard des victimes de la part des juges, procureurs, policiers et autres responsables de l’application des lois qui privilégient souvent la réconciliation à l’ouverture de poursuites afin de préserver la famille et considèrent la violence familiale comme relevant de la vie privée;

c)Le non-respect des textes de loi tendant à prévenir et réprimer les violences sexistes faites aux femmes en raison du manque de coopération entre les services, l’insuffisance des ressources humaines, techniques et financières, l’insensibilité des professions juridiques aux comportements sexistes, le très faible nombre d’ordonnances de protection rendues même après des signalements répétés de violences et le recours croissant à l’inculpation des deux conjoints en cas de violence familiale;

d)La légèreté des peines infligées aux auteurs de violences sexistes faites aux femmes malgré la décision rendue récemment par le Conseil judiciaire tendant à l’imposition de peines plus sévères;

e)La réticence des victimes à signaler des violences sexistes de crainte d’être stigmatisée et en raison de l’acceptation sociale de la violence familiale, leur connaissance limitée concernant les moyens d’accéder à une protection et à des services, lorsqu’ils existent, et le nombre limité de foyers d’accueil;

f)Le fait que le Code pénal ne prévoie pas explicitement la pénalisation du viol conjugal;

g)Le fait que la définition du viol dans le Code pénal de l’État partie ne repose pas sur l’absence de consentement;

h)Le fait que la loi sur l’indemnisation des victimes d’infractions violentes ne sera appliquée que lorsque l’État partie sera devenu membre de l’Union européenne;

i)L’absence de données exactes sur les violences sexistes faites aux femmes, notamment parce que chaque institution collecte et traite les données selon une méthode différente.

23. Conformément à ses recommandations générales n o  19 (1992) sur la violence à l ’ égard des femmes et n o 35 (2017) sur les violences sexistes faites aux femmes, qui met à jour de la recommandation générale n o 19, et à la cible 5.2 des o bjectifs de développement durable sur l ’ élimination de toutes les formes de violences faites aux femmes et aux filles dans les domaines public et privé, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De s’attaquer aux causes profondes des violences sexistes faites aux femmes et d’élaborer des mesures spécifiques de sensibilisation des femmes et des hommes, notamment à l’intention des communautés Roms, Ashkalis et Tziganes, au caractère criminel de ce type de violences;

b) D’allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes afin de lutter contre les attitudes stéréotypées et la tolérance à l’égard des violences sexistes faites aux femmes au sein des forces de l’ordre, et de créer des mécanismes permettant le signalement anonyme de ce type d’actes et la sanction de leurs auteurs;

c) De prendre les mesures de sensibilisation nécessaires en vue de lutter contre toute approche privilégiant la préservation de la famille au détriment des droits de la femme, de veiller à ce que la conciliation ne passe pas avant la poursuite des auteurs de ce type d’actes, et de garantir des voies de recours et des réparations, y compris une indemnisation et une réadaptation, aux victimes de toutes les formes de violences sexistes faites aux femmes;

d) De poursuivre ses efforts dans le but d’harmoniser la législation nationale avec la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, et de veiller à ce que les dispositions de droit pénal qui répriment les violences sexistes faites aux femmes soient strictement appliquées, y compris moyennant le renforcement des capacités des juges, procureurs, policiers et autres responsables de l’application des lois en matière d’application stricte de ces dispositions;

e) De créer les conditions permettant de garantir la délivrance d’ordonnances de protection contre les partenaires violents, d’assurer leur application et d’imposer des sanctions en cas de non-respect de ces ordonnances;

f) De veiller à ce que les auteurs de violences sexistes à l’égard des femmes fassent l’objet de poursuites et soient correctement sanctionnés par des peines en rapport avec la gravité de leurs actes et abolir la possibilité de porter plainte contre la victime;

g) D’encourager le signalement de violences familiales contre les femmes et les filles, y compris en lançant des campagnes de sensibilisation dans les médias et des campagnes d’éducation et en augmentant le nombre de juges et agents des forces de l’ordre ayant reçu la formation voulue et sensibles à la problématique hommes-femmes, et de veiller à ce que les signalements fassent effectivement l’objet d’enquêtes et que les victimes reçoivent l’aide et la protection dont elles ont besoin;

h) De veiller à ce qu’il y ait un nombre suffisant de foyers d’accueil appropriés dans toutes les régions de l’État partie et à ce que les victimes de violence bénéficient de services de conseil, de réadaptation et de soutien pour leur réinsertion dans la société;

i) De modifier les lois pertinentes afin de pénaliser explicitement le viol conjugal;

j) D’adopter rapidement les modifications proposées au paragraphe 2 de l’article 204 du Code pénal en vue de garantir que l’élément principal de la définition du viol soit l’absence de consentement volontaire de la victime;

k) D’accélérer l’entrée en vigueur de la loi relative à l’indemnisation des victimes d’infractions violentes et de créer un fonds spécial d’indemnisation des victimes de violences sexistes faites aux femmes;

l) D’unifier les méthodes de collecte et de traitement des données des institutions compétentes.

Traite des êtres humains et exploitation de la prostitution

24.Le Comité note avec satisfaction les efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la traite des femmes, notamment l’augmentation du financement du Bureau de lutte contre la traite des êtres humains, l’adoption récente d’un plan d’action pour la mise en œuvre de la Stratégie de lutte contre la traite pour 2012-2018, sa coopération accrue avec d’autres États dans la lutte contre la traite des êtres humains ainsi que l’appui financier accordé à un foyer d’hébergement de victimes de la traite dirigé par une organisation non gouvernementale. Cependant, le Comité est préoccupé par les faits suivants :

a)Aucune poursuite n’a été engagée ni aucune condamnation prononcée en 2015 et en 2016 au titre de l’article 444 (Traite des êtres humains) du Code pénal, et plusieurs affaires de traite présumée ont été jugées comme des délits passibles de peines plus légères, telle la peine prévue pour proxénétisme;

b)Les femmes et les filles roms, ashkalis et tziganes, les réfugiées et les demandeuses d’asile, déplacées et déplacées à l’intérieur du territoire, et les femmes et les filles handicapées sont particulièrement exposées au risque de devenir victimes de la traite;

c)Les renseignements faisant état de la complicité de responsables de l’application des lois dans des cas de traite;

d)Les services fournis par l’État pour venir en aide aux victimes de la traite sont inadaptés et ne sont pas dotés de ressources suffisantes;

e)Le manque de clarté quant à la question de savoir si les victimes étrangères de la traite qui ne veulent ou ne peuvent pas coopérer avec les autorités chargées des poursuites ont pleinement accès aux mesures de protection et d’assistance aux victimes.

25. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que toutes les affaires de traite de s êtres humains , en particulier celles qui touchent des femmes et des filles, fassent effectivement l ’ objet d ’ enquêtes et de poursuites et que les peines infligées aux auteurs de délits liés à la traite, notamment aux responsables de l’application des lois corrompus, soient proportionn elles à la gravité de ces délits. Il recommande également à l ’ État partie de protéger efficacement et de résoudre la vulnérabilité spécifique des femmes et des filles roms, ashkalis et tziganes, ainsi que des réfugiées et des demandeuses d ’ asile, des déplacées et déplacées à l ’ intérieur du territoire, en raison de facteurs tels que la pauvreté, la stigmatisation et la marginalisation. Le Comité recommande , en outre , à l ’ État partie de faire en sorte que toutes les victimes de la traite aient un accès immédiat et gratuit aux foyers d ’ hébergement, aux soins médicaux, aux services de soutien psychosocial, aux services d ’ un avocat et à des services de réadaptation et de réinsertion spécialisés, et qu ’ elles puissent obtenir des permis de séjour temporaires, quelle que soit leur volonté ou leur capacité de coopérer avec les autorités chargées des poursuites.

26.Le Comité constate que le proxénétisme est interdit dans l’État partie. Il demeure préoccupé par les faits suivants :

a)Les femmes qui se prostituent se voient souvent infliger des amendes ou des peines de prison, et sont fréquemment séparées de leurs enfants;

b)La grande majorité des femmes qui se prostituent le font à cause de difficultés économiques ou parce qu’elles sont toxicomanes.

27. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De dépénaliser l’exercice de la prostitution et de mettre fin à la pratique consistant à séparer les mères de leurs enfants au motif que celles-ci se livrent à la prostitution;

b) De s’attaquer aux causes profondes de la prostitution, notamment la pauvreté, la discrimination et la toxicomanie;

c) De prendre des mesures d’éducation et de sensibilisation à l’intention du grand public, en particulier des hommes et des garçons, afin de réduire la demande de services de prostitution. Ces mesures devraient viser en particulier à éliminer tous les préjugés sur la subordination de la femme et toutes les formes d’objectivation de la femme;

d) D ’ allouer des ressources suffisantes aux programmes d ’ aide aux femmes qui souhaitent sortir de la prostitution, notamment en leur proposant d ’ autres activités génératrices de revenus.

Participation à la vie politique et à la vie publique

28.Le Comité prend note des mesures adoptées par l’État partie afin d’accroître la participation des femmes à la vie politique et publique. Il constate néanmoins avec préoccupation que les femmes, notamment les femmes appartenant à des minorités, continuent d’être sous-représentées dans la vie publique et la vie politique. À cet égard, le Comité réaffirme la préoccupation qu’il avait exprimée dans ses précédentes observations finales (CEDAW/C/MNE/CO/1, paragraphe 22) selon laquelle la loi sur l’élection de conseillers et de représentants qui prévoit un quota de 30 % de candidatures féminines sur les listes électorales des partis politiques n’impose pas de réserver la troisième position sur une liste à une femme. Il est également inquiet de constater que la participation des femmes à la vie politique est freinée aussi par l’omniprésence des attitudes patriarcales, ainsi que par le caractère assez limité du dialogue public et de la couverture médiatique consacrés à la participation des femmes à la vie politique.

29.Le Comité renouvelle ses observations finales précédentes (CEDAW/C/MNE/CO/1, alinéa a) du par agraphe  23 de revoir le quota de 30 % fixé par la loi électorale pour garantir que dans chaque groupe de trois candidats sur les listes électorales des partis politiques au moins un soit une femme. En outre, il recommande à l ’ État partie :

a) De créer un environnement propice à la participation des femmes à la vie politique et publique, en particulier des femmes appartenant à des minorités, notamment en sensibilisant les dirigeants politiques et le grand public au fait que la participation pleine, égale, libre et démocratique des femmes à la vie politique et à la vie publique, sur un pied d’égalité avec les hommes, est indispensable à l’application intégrale de leurs droits fondamentaux;

b) De former les femmes qui souhaitent entrer dans la vie politique ou occuper des fonctions publiques à la direction politique et à l ’ organisation de campagnes et d ’ encourager les médias à donner la même visibilité aux candidats et aux représentants élus des deux sexes, particulièrement en période électorale.

Éducation

30.Le Comité note avec satisfaction que plusieurs éléments relatifs à l’égalité des sexes ont été introduits dans les programmes scolaires de l’enseignement aux primaire et secondaire. Il est toutefois préoccupé par :

a)L’accent insuffisant mis sur l’élimination des rôles traditionnels des hommes et des femmes à la fois dans le cadre de la formation du personnel enseignant et dans l’élaboration des matériels pédagogiques;

b)Le fait qu’il n’y a pas suffisamment de cours d’éducation sexuelle et que ces cours ne traitent pas des relations sociales entre hommes et femmes et des incidences des attitudes patriarcales et des stéréotypes discriminatoires sur les relations sexuelles;

c)Le faible taux d’alphabétisation chez les femmes roms, ashkalis et tziganes et le taux élevé d’abandon scolaire parmi les filles issues de ces communautés, en particulier dans l’enseignement secondaire;

d)L’accès limité des filles demandeuses d’asile, réfugiées, déplacées et déplacées à l’intérieur du territoire à l’éducation;

e)La concentration des filles dans des domaines d’études traditionnels;

f)L’absence d’études sur la problématique hommes-femmes dans l’enseignement universitaire.

31. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De mettre en place des programmes de formation à l’intention des enseignants de tous les niveaux, afin de modifier les images et les attitudes stéréotypées concernant les rôles des femmes et des hommes dans la famille et dans la société;

b) De veiller à l’intégration, dans les programmes scolaires, de cours d’éducation sexuelle obligatoires et adaptés à l’âge des élèves, y compris de cours sur la santé sexuelle et procréative et sur les droits dans ces domaines, en accordant une attention particulière à la prévention des grossesses précoces et des maladies sexuellement transmissibles ainsi qu’aux attitudes et à la violence liées à la mentalité patriarcale;

c) D’adopter et d’appliquer des politiques et des programmes ciblés supplémentaires, qui visent à surmonter les obstacles éducatifs rencontrés par les femmes et les filles roms, ashkalis et tziganes, les femmes et les filles demandeuses d’asile et réfugiées, déplacées et déplacées à l’intérieur du territoire, et de prendre des mesures efficaces pour les maintenir à l’école et accroître leurs effectifs dans l’enseignement primaire et secondaire;

d) Conformément à la cible 4.3 des objectifs de développement durable sur la nécessité de faire en sorte que toutes les femmes et tous les hommes aient accès dans des conditions d’égalité à un enseignement technique, professionnel ou tertiaire, y compris universitaire, de qualité et d’un coût abordable, de s’employer en priorité à éliminer les stéréotypes traditionnels et les obstacles structurels qui pourraient dissuader les filles de s’inscrire dans des filières traditionnellement dominées par les garçons, tels que la science, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques, et de fournir aux filles des services d’orientation professionnelle sur des domaines d’étude et des carrières non traditionnels;

e) De faciliter la mise en place de programmes de master et de doctorat en études de la problématique hommes-femmes.

Emploi

32.Le Comité apprécie les mesures prises par l’État partie pour lutter contre les ségrégations horizontale et verticale constatées dans le secteur de l’emploi formel, notamment les nouvelles modifications qui sont actuellement apportées à la législation du travail. Cependant, il est préoccupé par les faits suivants :

a)Le taux de chômage des femmes reste excessivement élevé, en particulier celui des femmes appartenant à des groupes minoritaires, tels que les femmes roms, ashkalis et tziganes, les femmes handicapées et les femmes transgenres;

b)La faible représentation des femmes aux postes de direction et parmi les propriétaires d’entreprises;

c)Le fort écart de salaire entre hommes et femmes (16 %), malgré l’adoption de la loi sur l’égalité de salaire pour un travail de valeur égale, qui fait que les prestations de retraite sont plus faibles pour les femmes et que celles-ci sont plus exposées que les hommes au risque de vivre dans la pauvreté;

d)La persistance de la discrimination fondée sur la situation matrimoniale et la maternité à l’encontre des femmes sur le marché du travail et le fait que les cas de discrimination de ce type sont rarement signalés;

e)Le manque de structures de garde d’enfants abordables et d’une qualité suffisante et l’absence de congé de paternité non transférable, qui contraignent de nombreuses femmes à quitter le marché du travail après un accouchement, en particulier lorsque leur salaire est faible par rapport au coût de la garde d’enfants;

f)Le manque de renseignements sur les cas où les pères ont pris un congé de paternité.

33. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que les femmes aient davantage de possibilités d ’ accès à l ’ emploi formel, y compris en adoptant et en appliquant des mesures, assorties d ’ objectifs définis dans le temps et d ’ indicateurs, en vue d ’ éliminer les stéréotypes sexistes discriminatoires de façon à mettre fin à la ségrégation des emplois et de parvenir à une égalité de fait entre les femmes et les hommes sur le marché du travail, notamment dans des domaines traditionnellement réservés aux hommes, à travers une formation technique et professionnelle plus poussée des femmes dans ces domaines. Il recommande également à l ’ État partie :

a) D’adopter des mesures en vue de l’application effective du principe du salaire égal pour un travail de valeur égale et de la réduction, puis de l’élimination, de l’écart de salaire entre les sexes, notamment en s’appuyant sur des méthodes analytiques non sexistes de classement et d’évaluation des fonctions et en réalisant régulièrement des enquêtes sur les salaires;

b) De mettre en place un système confidentiel et sûr pour le dépôt de plaintes relatives aux actes de discrimination sexiste ou fondés sur le genre dans l’emploi, de veiller à ce que les victimes aient effectivement accès à des moyens de réparation, et d’imposer en temps utile des sanctions appropriées aux employeurs dont les pratiques sont discriminatoires;

c) D’encourager le partage égal des responsabilités domestiques et familiales entre hommes et femmes, d’augmenter le nombre de structures de garde d’enfants adaptées et abordables, ainsi que d ’ introduire un congé de paternité rémunéré non transférable et de fournir des données statistiques dans son prochain rapport périodique sur le nombre de pères ayant pris un congé de paternité.

Santé

34.Le Comité note avec préoccupation que :

a)Les maternités n’offrent pas de services suffisants en ce qui concerne les conditions d’hygiène, l’accès au traitement de la douleur, le respect de la vie privée et la participation des femmes aux décisions les concernant;

b)Les femmes dépourvues de documents d’identité, le plus souvent des femmes et des filles roms, ashkalis et tziganes, des femmes et des filles réfugiées et demandeuses d’asile, n’ont accès qu’à l’aide médicale d’urgence;

c)L’utilisation des moyens de contraception modernes et la sensibilisation aux maladies sexuellement transmissibles telles que le VIH sont très faibles, notamment chez les femmes et les filles roms, ashkalis et tziganes.

35. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De contrôler régulièrement et d’améliorer sensiblement les conditions d’hygiène, l’accès au traitement de la douleur, le respect de la vie privée et la participation des patientes aux décisions les concernant dans les maternités;

b) De veiller à ce que l’accès des femmes aux soins de santé de base ne soit pas subordonné au fait qu’elles possèdent ou non des documents d’identité;

c) De rendre les moyens de contraception modernes accessibles à toutes les femmes et les filles, si nécessaire gratuitement, et de mener des actions de sensibilisation à la prévention des grossesses non désirées et des maladies sexuellement transmissibles, telles que le VIH, y compris auprès des femmes et des filles roms, ashkalis et tziganes.

Avantages économiques et sociaux

36.Le Comité est préoccupé par les répercussions économiques sur les femmes qui ont choisi d’opter pour les avantages procurés par les amendements à la loi sur la protection sociale et de l’enfance de 2015, qui ont ensuite été jugés inconstitutionnels et non avenus, un problème que l’État partie a lui-même reconnu. Il constate avec préoccupation que les amendements ont été adoptés sans aucune évaluation préalable de l’impact selon le sexe et ont renforcé le rôle traditionnel des femmes en tant que femmes au foyer et mères en les incitant à quitter le marché du travail formel, car la loi promettait des prestations à vie aux mères de trois enfants ou plus. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que, suite à l’abrogation de la loi, les femmes qui ont opté pour de telles prestations n’en bénéficieront que pendant une période très limitée et sont confrontées au chômage et à un risque accru de pauvreté.

37. Le Comité recommande à l ’ État partie de créer un fonds destiné à soutenir toutes les femmes qui ont abandonné leur emploi formel pour opter pour les prestations en vertu des amendements annulés de 2015 à la loi sur la protection sociale et de l ’ enfance et qui rencontrent des difficultés à réintégrer le marché du travail.

Femmes rurales

38.Le Comité constate avec préoccupation que les femmes rurales, parmi lesquelles de nombreuses femmes âgées, subissent le fardeau disproportionné du travail non rémunéré et pénible dans des conditions difficiles, comme l’accès limité à l’eau courante et à l’électricité et aux structures de garde d’enfants, et que les femmes rurales :

a)Sont particulièrement exposées à la violence sexiste et n’ont qu’un accès limité à la justice, à l’assistance et à la protection des victimes, aux soins de santé, à la sécurité sociale et à d’autres services de base;

b)Sont fréquemment exclues de la vie politique et de la vie publique, en particulier de la prise de décision sur le développement rural.

39. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur sa recommandation générale n o 34 (2016) sur les droits des femmes rurales. Il recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que les femmes rurales engagées dans un travail non rémunéré ou dans le secteur informel aient accès à des programmes de protection sociale non contributifs conformément à sa recommandation générale n o  16 (1991) sur les femmes travaillant sans rémunération dans des entreprises familiales rurales et urbaines;

b) D’initier un système de tribunaux mobiles visant à faciliter l’accès à la justice pour les femmes vivant dans des zones rurales et reculées et de veiller à ce qu’elles aient accès à la protection contre la violence sexiste, y compris un nombre suffisant d’abris, l’assistance aux victimes, la réhabilitation et la réparation;

c) D’adopter une protection sociale minimale tenant compte de la problématique hommes-femmes afin de s’assurer que toutes les femmes rurales ont accès aux soins de santé essentiels, aux structures de garde d’enfants et à la sécurité du revenu; déployer des unités de santé mobiles et améliorer les services de transport en commun dans les zones rurales reculées;

d) De garantir la participation gratuite, effective et éclairée des femmes rurales dans la vie politique et publique et à tous les niveaux de prise de décision, y compris en matière de développement rural, conformément à sa recommandation générale n o  23 (1997) sur les femmes dans la vie politique et publique et sa recommandation générale n o  25.

Femmes handicapées

40.Le Comité est préoccupé par le fait que les femmes handicapées soient exposées à des niveaux de discrimination élevés dans l’État partie. Il est particulièrement préoccupé par les faits suivants :

a)La prise en compte insuffisante des besoins spécifiques des femmes et des filles handicapées dans les lois et politiques visant à promouvoir l’égalité des sexes et les lois et politiques en faveur des personnes handicapées, telle que la stratégie d’intégration des personnes handicapées pour 2016-2020;

b)Les femmes handicapées sont souvent privées de l’accès à la santé sexuelle et procréative et aux droits y afférents ainsi qu’à la condition parentale et peuvent se voir séparées de leurs enfants;

c)Le risque anormalement élevé de pauvreté chez les femmes handicapées en raison de leur très faible taux d’accès à l’emploi, car leurs gains et les prestations dont elles bénéficient sont fréquemment partagés avec leurs familles ou entièrement utilisés par celles-ci.

41. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que les besoins spécifiques des femmes et des filles handicapées soient systématiquement pris en compte, par exemple à travers des évaluations d’impact, dans la formulation et la mise en œuvre de lois et de politiques visant à promouvoir l’égalité des sexes et l’égalité pour les personnes handicapées;

b) Conformément au Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement et à la Déclaration et le Programme d’action de Beijing et à leurs documents finaux, de veiller à ce que les femmes handicapées aient le droit de choisir le nombre de leurs enfants et l’espacement des naissances, ainsi que le droit de contrôler et de décider librement et de manière responsable des questions liées à leur sexualité, y compris la santé sexuelle et procréative, sans contrainte, discrimination et violence;

c) De veiller à ce que les enfants ne soient pas séparés de leur mère en raison du handicap de celle-ci et que, si nécessaire, des services communautaires soient fournis pour aider la mère dans l’éducation de ses enfants;

d) De sensibiliser à l’importance de l’autonomie économique pour les femmes handicapées, d ’ établir des procédures appropriées permettant aux femmes handicapées de réclamer leurs gains et leurs prestations au cas où elles en seraient privées par les membres de leur famille et de veiller à ce que les prestations soient directement versées aux femmes handicapées plutôt qu ’ aux membres de leur famille .

Femmes roms, ashkalis et tziganes

42.Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour améliorer la situation des femmes et des filles roms, ashkalis et tziganes, souvent exposées à des formes de discrimination convergentes et à des niveaux de pauvreté omniprésente. À cet égard, il note également avec préoccupation la situation particulièrement grave des femmes roms, ashkalis et tziganes vivant dans les camps de réfugiés de Konik et Podgorica, qui sont exposées à un manque de services et d’infrastructures de base. Il constate avec préoccupation que les mesures prises par l’État partie demeurent insuffisantes et qu’elles ne sont pas sous-tendues par une volonté politique suffisante pour s’attaquer efficacement à la discrimination et à la marginalisation des femmes roms, ashkalis et tziganes.

43. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D’adopter des mesures ciblées, y compris des mesures spéciales temporaires, pour lutter contre les formes de discrimination convergentes à l’égard des femmes et les filles roms, ashkalis et tziganes, y compris dans l’éducation, l’emploi et les soins de santé;

b) D’élaborer des programmes spécifiques d’atténuation de la pauvreté et d’inclusion sociale pour les femmes roms, ashkalis et tziganes;

c) De redoubler d ’ efforts en vue d’ améliorer la situation dans les camps de réfugiés à Konik et de prendre des mesures pour intégrer les personnes vivant dans les camps dans la communauté.

Femmes en détention

44.Le Comité constate avec préoccupation qu’il n’y a qu’une seule prison pour femmes dans l’État partie, où les femmes en détention préventive ne sont pas séparées des femmes condamnées, y compris celles qui purgent de longues peines pour des crimes graves. Il est préoccupé par le fait que les longues distances à parcourir pour atteindre la prison privent de nombreuses femmes incarcérées du contact régulier avec leurs enfants ou d’autres membres de leur famille qui vivent dans d’autres régions de l’État partie. Il est par ailleurs préoccupé par les faits suivants :

a)Des signalements de violence sexiste, y compris le harcèlement sexuel et les voies de fait, contre les détenues par un personnel pénitentiaire masculin;

b)L’accès limité des détenues aux programmes d’alphabétisation et d’éducation, de traitement de la toxicomanie et de réinsertion.

45. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ allouer les ressources nécessaires afin de mettre en œuvre les Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l ’ imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok) et de prendre les mesures suivantes :

a) Veiller à ce que tout le personnel, notamment le personnel masculin dans les centres de détention, suive une formation obligatoire sur les droits des femmes et les comportements tenant compte de la problématique hommes-femmes, que l’effectif de personnel féminin soit considérablement augmenté et que les détenues aient un accès confidentiel et effectif à des tribunaux indépendants et d’autres organes de traitement des plaintes en dehors du système pénitentiaire et à des compartiments de plaintes fermés dans les prisons;

b) Ouvrir des centres de détention supplémentaires pour femmes uniquement dans l’ensemble de l’État partie et veiller à ce que les femmes ayant des enfants soient placées dans une installation à une distance raisonnable du lieu de résidence de leurs enfants;

c) Offrir des programmes adéquats d’alphabétisation et d’éducation, de traitement contre la toxicomanie, de travail rémunéré et de réinsertion aux détenues.

Femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres

46.Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour lutter contre la discrimination à l’égard des femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres, y compris la stratégie d’amélioration de la qualité de vie des personnes lesbiennes, homosexuelles, bisexuelles et transgenres pour 2013-2017 et l’interdiction de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et de l’identité sexuelle dans la loi sur l’interdiction de la discrimination et la loi sur l’égalité des sexes. Cependant, il est préoccupé par la discrimination sévère et la violence sexiste dont sont victimes les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres, généralement considérées comme malades par la société. Il est également préoccupé par l’exigence légale pour les transgenres de subir une intervention chirurgicale afin de prétendre à une reconnaissance juridique.

47. Le Comité recommande à l ’ État partie de sensibiliser à la lutte contre la discrimination, y compris les idées fausses assez répandues au sujet des femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres. Il recommande en outre à l ’ État partie :

a) D’appliquer une politique de tolérance zéro à la discrimination et à la violence à l’égard des femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres, y compris en poursuivant et punissant de manière adéquate les auteurs;

b) De faciliter la procédure de reconnaissance juridique du changement de sexe, y compris en supprimant l ’ obligation de subir une stérilisation.

Mariage et relations familiales

48.Le Comité note avec préoccupation que les juges tiennent rarement compte de la violence sexiste à l’égard de la mère dans la sphère domestique lors des décisions relatives à la garde des enfants, malgré la récente modification de l’article 363 du Code de la famille stipulant qu’il faut tenir dûment compte de la sécurité de l’enfant et la victime dans de tels cas. Il note également avec préoccupation :

a)L’absence d’échange d’informations entre le tribunal correctionnel et les juges qui connaissent les affaires de droit de la famille dans les juridictions de première instance, ce qui amène les juges à ignorer l’existence d’une mesure de protection;

b)Plusieurs cas où les juges auraient exprimé leur inquiétude quant à la possibilité pour une femme de fabriquer des allégations de violence domestique pour influencer les décisions relatives aux droits de garde et de visite des enfants et à l’augmentation des attitudes diffamatoires dans la société portant atteinte à la crédibilité des femmes victimes de violence sexiste, qui les dépeignent comme des manipulatrices et des personnes peu dignes de foi.

49. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que les membres du système judiciaire suivent une formation obligatoire adéquate sur l’obligation de prendre en compte la violence sexiste dans les cas de garde des enfants et de donner la priorité à la poursuite des crimes par rapport à la réconciliation familiale afin de punir de manière adéquate la violence sexiste à l’égard des femmes et prévenir sa récurrence;

b) De veiller à ce que les experts en matière de violence sexiste à l’égard des femmes soient systématiquement entendus dans les procédures de garde des enfants;

c) De prendre les mesures nécessaires pour garantir un échange systématique d’informations entre les juridictions correctionnelles compétentes et les tribunaux de la famille sur les mesures de protection existantes ou passées dans les affaires de droit de la famille;

d) De sensibiliser afin d’éliminer les stéréotypes sexistes chez les magistrats et veiller à ce que les juges qui expriment ces points de vue fassent l’objet de sanctions disciplinaires appropriées;

e) De combattre la diffamation et les discours de haine contre les femmes, y compris en appliquant la législation sur la diffamation, le cas échéant.

Conséquences économiques du divorce et de la séparation

50.Le Comité est préoccupé par les conditions économiques particulièrement difficiles des mères célibataires, qui ne perçoivent souvent aucune pension alimentaire du père de son enfant, et le soutien insuffisant qui leur est fourni par l’État partie et son échec fréquent à faire respecter les pensions alimentaires. À cet égard, il note également avec préoccupation qu’une mère qui ne reçoit pas de pension alimentaire du père de son enfant est tenue de poursuivre formellement celui-ci pour prétendre plutôt à des prestations sociales.

51. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ allouer des ressources humaines, techniques et financières adéquates pour appuyer les mères célibataires et d ’ établir et d ’ appliquer un mécanisme efficace afin d’ assurer et de surveiller le paiement régulier et en temps opportun de la pension alimentaire et de faciliter la procédure pour que les mères obtiennent des prestations sociales si le père de leur enfant n ’ honore pas les versements de la pension alimentaire.

52.Le Comité constate avec préoccupation que :

a)La définition des biens conjugaux à l’article 288 du Code de la famille semble étroite et exclue des actifs incorporels, tels que les droits à pension accumulés et d’autres avantages liés au travail, en plus de la capacité de gain future et ne traite pas de manière appropriée des disparités économiques liées au sexe entre les conjoints résultant du travail et des modes de vie familiale traditionnels, ce qui conduit souvent à des situations où les hommes bénéficient d’une amélioration de leur capital humain et d’un plus grand potentiel de gain, tandis que les femmes subissent souvent l’inverse;

b)Bien que la loi prévoie un régime de communauté des biens qui, après le divorce, divise en parts égales les biens acquis pendant le mariage, les femmes sont néanmoins tenues de prouver leur contribution monétaire réelle à l’acquisition desdits biens;

c)L’article 294 du droit de la famille permet une division inégale des biens communs dans les cas où un conjoint peut prouver que sa contribution a été plus élevée. Cela constitue une disposition qui, selon des recherches récentes, est préjudiciable aux femmes.

53. Le Comité attire l ’ attention de l ’ État partie sur sa recommandation générale n o 29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage, et des liens familiaux et de leur dissolution et recommande à l ’ État partie :

a) De réviser la définition des biens conjugaux afin qu’un droit conjugal inclue les droits à pension et autres avantages liés au travail, en plus des gains futurs, et adopte d’autres mesures juridiques nécessaires pour remédier aux disparités économiques entre hommes et femmes lors de la dissolution du mariage, y compris, en particulier, la reconnaissance de tous les actifs liés à la carrière, tels que le potentiel de gain, la survaleur personnelle et le capital humain amélioré, dans le cadre des actifs conjugaux à répartir entre les conjoints lors du divorce ou leur prise en compte dans l’attribution de paiements périodiques après le divorce;

b) De s’assurer de l’application légalement précise d’un régime de biens communs lors de la dissolution du mariage, en supprimant toute obligation pour les femmes de prouver leur part et leur contribution à ce type de biens communs, d’abolir la possibilité d ’ un partage inégal des biens communs et d ’ adopter les mesures légales nécessaires pour garantir que les femmes vivant dans des relations de facto bénéficient d ’ une protection économique, en reconnaissant leurs droits sur les biens accumulés pendant la relation.

Collecte et analyse des données

54.Le Comité prend acte avec satisfaction de la collecte et de la compilation des données ventilées par sexe dans le cadre de la publication intitulée « Femmes et hommes au Monténégro en 2016 ». Il est cependant préoccupé par le fait que les méthodes de collecte de données n’aient pas été entièrement alignées dans les différents secteurs et institutions et que les systèmes de collecte de données électroniques adéquats manquent dans divers secteurs.

55. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer la collecte, l ’ analyse et la publication de données statistiques, ventilées par sexe, en mettant particulièrement l ’ accent sur l ’ accès des femmes à l ’ éducation, à l ’ emploi et à la santé, la situation économique des femmes et la violence sexiste à l ’ égard des femmes, notamment à travers la modernisation et l ’ harmonisation de ses méthodes de collecte de données et d ’ échange régulier de données entre secteurs et institutions, en vue d ’ effectuer une analyse complète des données aux fins de l ’ élaboration des politiques.

Amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

56. Le Comité demande à l ’ État partie d ’ accepter, dans les meilleurs délais, l ’ amendement au paragraphe 1 de l ’ article 20 de la Convention concernant le calendrier des réunions du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

57. Le Comité demande à l ’ État partie de tenir compte de la Déclaration et du Programme d ’ action de Beijing dans ses efforts visant à mettre en œuvre la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

58. Le Comité appelle à la réalisation de l ’ égalité des sexes, conformément aux dispositions de la Convention, tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030.

Diffusion

59. Le Comité demande à l ’ État partie d ’assurer la diffusion en temps opportun des présentes observations finales , dans la langue officielle de l ’ État partie, auprès des institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local) , en particulier au sein du Gouvernement, des ministères, du Parlement et du système judiciaire , en vue d ’ en assurer la pleine application .

Ratification d’autres instruments

60. Le Comité note que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme contribuer ait à favoriser l ’ exercice effectif par les femmes de leurs droits individuels et de leur s libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. I l encourage par conséquent l ’ État partie à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, à laquelle il n ’ est pas encore partie.

Suite des observations finales

61. Le Comité demande à l ’ État partie de fournir , dans un délai de deux ans, une réponse écrite sur les mesures prises en vue de faire appliquer les recommandations contenues dans l ’ alinéa c) du paragraphe 21, le paragraphe 37, l ’ alinéa c) du paragraphe 43 et l ’ alinéa b) du paragraphe 53 ci ‑ dessus.

Élaboration du prochain rapport

62. Le Comité demande à l ’ État partie de soumettre son troisième rapport périodique, attendu en juillet 2021. Le rapport doit être soumis à temps et , en cas de retard, couvrir toute la période allant jusqu ’ à la date de sa soumission.

63.Le Comité invite l ’ État partie à respecter les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, y compris les directives relatives au document de base commun et aux documents spécifiques aux instruments (voir HRI/GEN/2/Rev.6, chap itre  I).