Observations finales concernant le huitième rapport périodique de Maurice*

Le Comité a examiné le huitième rapport périodique de Maurice (CEDAW/C/MUS/8) à ses 1641e et 1642e séances (voir CEDAW/C/SR.1641 et CEDAW/C/SR.1642), tenues le 30 octobre 2018.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le huitième rapport périodique de l’État partie, qui a été rédigé à partir de la liste de points établie avant la soumission du rapport (CEDAW/C/MUS/QPR/8). Il remercie l’État partie, dont la délégation a présenté le rapport oralement, et qui a apporté des éclaircissements complémentaires aux questions posées oralement par le Comité pendant le dialogue. Il accueille également avec satisfaction les informations complémentaires fournies par écrit après le dialogue.

Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau, conduite par la Vice-Première Ministre, Ministre des collectivités locales et des îles périphériques et Ministre de l’égalité des genres, du développement de l’enfant et du bien-être de la famille, Fazila Jeewa-Daureeawoo. La délégation comprenait aussi des représentants du Ministère de l’égalité des genres, du développement de l’enfant et du bien-être de la famille, ainsi que de la Mission permanente de Maurice auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis en matière de réformes législatives depuis l’examen, en 2011, des sixième et septième rapports périodiques de l’État partie (présentés en un seul document) (CEDAW/C/MUS/CO/6-7) et se félicite notamment de l’adoption des lois suivantes :

a)Loi de 2016 portant modification de la loi relative à la protection contre les violences familiales (loi no 10 de 2016), qui élargit la définition de la violence familiale ;

b)Loi de 2012 portant modification de la loi relative à la protection des droits de l’homme (loi no 19 de 2012) et loi de 2016 sur la Commission indépendante chargée des plaintes concernant la police (loi n° 14 de 2016), cette dernière venant renforcer le rôle de la Commission nationale des droits de l’homme, entre autres, grâce à la mise en place, le 9 avril 2018, d’une unité indépendante chargée du traitement des plaintes visant la police ;

c)Loi de 2012 portant modification du Code pénal (loi no 11 de 2012), qui dépénalise l’avortement dans certaines circonstances ;

d)Loi pour l’égalité des chances de 2008 (loi no 42 de 2008), en vigueur depuis le 1er janvier 2012, qui interdit la discrimination directe et indirecte fondée sur le sexe et l’orientation sexuelle dans certains domaines, comme l’emploi et l’éducation ;

e)Loi sur les collectivités locales de 2011 (loi no 36 de 2011), telle qu’amendée par la loi modificative de 2015 (loi°no 3 de 2015), dont les articles 11, alinéa 6, et 12, alinéa 6, garantissent le respect de l’égalité des genres dans le cadre des élections locales.

Le Comité accueille avec satisfaction les efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des genres grâce notamment à l’adoption des mesures suivantes :

a)Création d’un Ministère de la justice, des droits de l’homme et des réformes institutionnelles en septembre 2017, ainsi que d’un mécanisme national d’établissement de rapports et de suivi en décembre 2017 ;

b)Lancement en octobre 2012, par le Bureau du Premier Ministre, d’un plan d’action national en faveur des droits de l’homme pour la période allant de 2012 à 2020, dont le respect des droits de la femme est l’un des objectifs ;

c)Mise en place, en janvier 2012, de la Commission de l’égalité des chances, qui a débuté ses travaux en avril 2012, et du Tribunal de l’égalité des chances en application de la loi pour l’égalité des chances de 2008.

Le Comité constate avec satisfaction que, depuis l’examen du rapport précédent, l’État partie a ratifié, en juin 2017, le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique.

Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite de l’appui apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et invite l’État partie à réaliser l’égalité des genres de droit et de fait, conformément aux dispositions de la Convention, tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il rappelle l’importance de l’objectif 5 et de la prise en compte systématique des principes d’égalité et de non-discrimination dans la réalisation des 17 objectifs. Il exhorte l’État partie à prendre en considération le rôle moteur des femmes dans le développement durable du pays et à adopter les politiques et stratégies voulues en conséquence.

C.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif pour ce qui est de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/65/38 , deuxième partie, annexe VI). Il invite l’Assemblée nationale et l’Assemblée régionale de Rodrigues à prendre, dans le cadre de leur mandat, les mesures voulues pour donner effet aux présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique en application de la Convention.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Cadre constitutionnel et législatif

Le Comité note que les articles 3 et 16 de la Constitution de Maurice de 1968 et les articles 2, 5, 6 et 7 de la loi pour l’égalité des chances de 2008 interdisent la discrimination directe et indirecte fondée sur le sexe. Il constate néanmoins avec préoccupation que :

a)Les dispositions de la Convention n’ont pas été pleinement incorporées dans le système juridique de l’État partie ;

b)L’interdiction de la discrimination figurant aux articles 3 et 16 de la Constitution et aux articles 2, 5, 6 et 7 de la loi pour l’égalité des chances de 2008 ne s’accompagne pas d’une définition complète de la discrimination à l’égard des femmes, conformément à l’article premier de la Convention ;

c)Certaines dispositions discriminatoires figurant dans le cadre constitutionnel et législatif du pays n’ont pas été abrogées, notamment l’alinéa c) du paragraphe 4 de l’article 16 de la Constitution, selon lequel les questions relatives au statut personnel constituent une exception à l’interdiction de toute discrimination fondée sur le sexe ou sur d’autres motifs.

Rappelant sa recommandation générale n o 28 (2010) concernant les obligations fondamentales des États parties découlant de l’article 2 de la Convention, et se référant à la cible 5.1 des objectifs de développement durable, à savoir mettre fin, partout dans le monde, à toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et des filles, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’incorporer pleinement les dispositions de la Convention dans son système juridique et de veiller à ce qu’elles soient appliquées ;

b) D’adopter sans délai une définition exhaustive de la discrimination à l’égard des femmes, qui énonce tous les motifs de discrimination interdits dans les sphères publique comme privée et qui soit conforme à l’ article premier de la Convention, et de veiller à ce que cette définition soit inscrite dans le projet de loi sur l’égalité des genres ;

c) De tenir des consultations sans exclusive, notamment avec les femmes exerçant des fonctions de chef religieux, sur la révision de l’ alinéa c) du paragraphe 4 de l’ article 16 de la Constitution, et d’accélérer le processus engagé en vue d’abroger ou de modifier cet article pour le rendre conforme aux articles 2 et 16 de la Convention.

Efforts pour faire connaître la Convention et mécanismes de recours juridictionnels

Le Comité accueille avec satisfaction la création de mécanismes de plainte pour les femmes et les filles victimes de discrimination et de violence sexiste. Il constate toutefois avec inquiétude que :

a)Les efforts pour faire connaître la Convention et le Protocole facultatif sont insuffisants, comme le montre l’absence de référence directe à la Convention dans les procédures judiciaires, à l’exception d’une décision de 2012, et dans les décisions de la Commission de l’égalité des chances ;

b)Peu de plaintes ont été déposées auprès de la Commission de l’égalité des chances entre mai 2016 et la date de soumission des présentes observations finales ;

c)Les femmes ne peuvent pas porter plainte directement devant le Tribunal de l’égalité des chances, qui a le pouvoir de délivrer des ordonnances, des injonctions et des mesures de réparation mais qui peut seulement connaître des plaintes dont il est saisi par la Commission de l’égalité des chances (art. 35, par. 1 a) de la loi pour l’égalité des chances de 2008) ;

d)Les femmes ne disposent pas de recours constitutionnel en cas de discrimination fondée sur le genre dans le secteur privé, car l’article 16 de la Constitution ne prévoit pas d’interdiction expresse de la discrimination fondée sur le genre dans le secteur privé similaire à celle prévue au paragraphe 2 de cet article pour le secteur public ;

e)La multiplicité et la complexité des mécanismes de recours juridictionnels entravent l’accès des femmes à la justice ;

f)Les femmes ne connaissent pas bien leurs droits, ni les mécanismes de recours disponibles, et les professionnels du droit, de même que les fonctionnaires de la justice et de la police, n’ont pas les connaissances voulues des droits des femmes.

Conformément à sa recommandation générale n o 33 (2015) sur l’accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire connaître au grand public, notamment aux femmes et aux filles, la législation interdisant la discrimination à l’égard des femmes et les voies de recours ouvertes aux victimes de tels actes  ;

b) De modifier l’ article 16 de la Constitution de façon à interdire expressément la discrimination fondée sur le genre dans le secteur privé ;

c) D’entreprendre un examen des mécanismes de recours juridictionnels ouverts aux femmes en cas de discrimination dans le but d’en simplifier les procédures et d’améliorer l’accès des femmes à la justice ;

d) De fournir aux professionnels du droit et aux fonctionnaires de la justice et de la police davantage de moyens d’invoquer ou d’appliquer la Convention, ou d’interpréter la législation interne à la lumière de celle-ci, dans le cadre des procédures judiciaires .

Mécanisme national de promotion des femmes et prise en compte des questions de genre

Le Comité félicite l’État partie d’avoir créé, en juillet 2010, le Comité national de pilotage sur l’intégration de la problématique femmes-hommes et nommé, en 2017, dans le cadre d’un projet pilote, des coordonnateurs pour les questions d’égalité des sexes au sein des ministères. Le Comité note également que la politique-cadre nationale pour l’égalité des sexes de 2008 est en cours de révision. Il demeure toutefois préoccupé par :

a)L’absence de plan d’action national pour la promotion des femmes et des filles ;

b)La complexité du mécanisme national de promotion des femmes et des organes de l’État dotés de mandats similaires, comme le Comité national de pilotage, les coordonnateurs pour l’égalité des sexes, le Conseil national des femmes, le Conseil national des femmes chefs d’entreprise et la Commission de l’égalité des chances ;

c)L’insuffisance des ressources humaines, techniques et financières allouées au mécanisme national de promotion des femmes, qui empêche celui-ci de coordonner et de mettre en œuvre efficacement les plans, politiques et programmes en faveur de l’égalité des genres ;

d)L’absence d’information sur les mécanismes de suivi et d’évaluation de la prise en compte des questions de genre et des effets de celle-ci, ainsi que l’absence d’information concernant les effets de la coopération entre les acteurs intervenant dans le cadre du mécanisme national de promotion des femmes et toutes les parties prenantes concernées sur l’élaboration et le suivi des politiques publiques d’égalité des genres ;

e)Le manque de visibilité de la Commission de l’égalité des chances et de ses activités visant à réaliser l’égalité des genres et à faire mieux connaître les droits des femmes, ainsi que le nombre insuffisant de ces activités.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) D’accélérer le processus de révision de la politique-cadre nationale pour l’égalité des sexes de 2008 et d’adopter et de mettre un œuvre un plan d’action national ;

b) De veiller à ce que toutes les composantes du mécanisme national de promotion des femmes et les organismes publics dotés de mandats similaires coordonnent leurs efforts, et de lancer un audit afin de déterminer les domaines dans lesquels cette coopération pourrait être renforcée ;

c) D’accroître les ressources allouées au mécanisme national de promotion des femmes ;

d) De faire en sorte que toutes les parties prenantes concernées participent pleinement et efficacement aux activités du mécanisme national grâce à une coordination systématique et institutionnalisée ;

e) De mettre en place des mécanismes efficaces de suivi, d’évaluation et de responsabilisation, au moyen notamment d’une coopération avec les dispositifs existants, comme le mécanisme national d’établissement de rapports et de suivi et le Comité de suivi des droits de l’homme ;

f) De conférer à la Commission de l’égalité des chances une visibilité suffisante et d’intensifier les efforts qu’elle doit déployer en vue d’organiser des activités visant à réaliser l’égalité des genres et à faire connaître les droits des femmes.

Mesure temporaires spéciales

Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas systématiquement recours à des mesures temporaires spéciales, telles que prévues au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, pour accélérer la réalisation de l’égalité effective entre les sexes. Il est également préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas fait figurer de disposition sur l’adoption de mesures temporaires spéciales dans la loi sur l’égalité des chances de 2008.

Rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/MUS/CO/6-7 , par. 17), le Comité recommande à l’État partie  :

a) D’adopter des mesures temporaires spéciales, en vue de parvenir à l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines visés par la Convention où les femmes sont sous-représentées ou défavorisées, comme la participation à la vie politique et publique et l’emploi ;

b) De veiller à ce que le projet de loi sur l’égalité des genres contienne une disposition sur les mesures temporaires spéciales ;

c) De sensibiliser les responsables gouvernementaux et les décideurs concernés pour leur faire mieux comprendre la nature des mesures temporaires spéciales et leur importance pour la réalisation de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Stéréotypes et violence fondée sur le genre à l’égard des femmes

Le Comité se félicite de l’adoption de la loi de 2016 portant modification de la loi relative à la protection contre les violences familiales, qui élargit la protection des victimes de ce type de violences et prévoit la délivrance d’ordonnances de protection. Il prend note de la création du comité de coalition nationale contre la violence familiale en 2015 et du comité directeur de lutte contre les violences fondées sur le genre à Rodrigues en 2017. Il demeure toutefois préoccupé par :

a)Le nombre important de cas de violence fondée sur le genre, notamment de violence familiale et sexuelle à l’égard des femmes et des filles, et de stéréotypes discriminatoires concernant les genres, qui perpétuent la violence à l’égard des femmes et des filles, en particulier dans le cadre de la famille ;

b)Les lacunes de la législation nationale en ce qui concerne certaines formes de violence fondée sur le genre, y compris l’absence d’interdiction expresse du viol conjugal, bien que les auteurs de ce type d’actes puissent être poursuivis en vertu de l’article 249 du Code pénal de 1838 et de l’article 13, paragraphe 2 de la loi relative à la protection contre les violences familiales (loi no 6 de 1997), et la portée limitée du paragraphe 4 de la règle 13 du règlement de 1957 relatif à l’éducation, tel que modifié, qui se contente d’interdire les châtiments corporels dans les établissements scolaires, et du paragraphe 4 de l’article 13 de la loi sur la protection de l’enfance (loi no 30 de 1994), dont découle l’absence d’interdiction expresse des châtiments corporels dans tous les contextes ;

c)Le caractère restrictif de la définition du terme « conjoint » dans la loi relative à la protection contre les violences familiales et l’omission de la violence économique dans la définition de la « violence familiale » donnée dans ce texte ;

d)Le fait que l’article 75 de la Constitution ne prévoit pas de garantie pour empêcher que la grâce soit accordée à des personnes reconnues coupables de violence sexiste contre des femmes ;

e)Le faible taux de poursuites et de déclarations de culpabilité pour violences fondées sur le genre contre des femmes et des filles ;

f)Le manque de services d’assistance et de protection et leur piètre qualité, qui font que les femmes bénéficiant d’une ordonnance de protection continueraient d’être exposées à des menaces redoublées, et le nombre insuffisant de structures d’accueil pour les femmes victimes de violence ;

g)L’absence de mécanisme de suivi permettant d’évaluer les effets de la législation en vigueur, notamment de la loi relative à la protection contre la violence familiale et de la loi sur la protection de l’enfance, et l’efficacité des services d’assistance et de protection ;

h)L’absence de données statistiques précises sur les cas de violence fondée sur le genre à l’égard des femmes et l’enregistrement fréquemment incomplet des actes de violence familiale en tant qu’autres infractions au Code pénal, notamment voies de fait (art. 228 à 232), menaces (art. 224 à 227) et homicide involontaire et coups et blessures (art. 239), sans préciser que ces violences se sont produites dans le cadre de la famille.

Le Comité rappelle sa recommandation générale n o 35 (2017) sur la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation générale n o 19 , et réitère ses recommandations à l’État partie, tendant à ce qu’il  :

a) Fasse appliquer la législation en vigueur et élabore une stratégie globale pour éliminer les stéréotypes discriminatoires à l’égard des femmes et des filles ;

b) Modifie la législation existante ou adopte des dispositions en vue d’interdire expressément le viol conjugal et le châtiment corporel des enfants dans tous les contextes ;

c) Élargisse la portée de la protection accordée aux victimes de violence familiale par la loi relative à la protection contre la violence familiale, pour y inclure la violence économique et les actes commis par toute personne vivant dans le même foyer ;

d) Mette en place des garanties pour faire en sorte que des mesures de grâce prévues à l’ article 75 de la Constitution ne puissent pas être accordées aux auteurs de violence fondée sur le genre sans un examen de leur casier judiciaire fondé sur des informations très complètes  ;

e) Encourage le signalement des cas de violence fondée sur le genre à l’égard des femmes et des filles en lançant des campagnes d’information sur les mécanismes de plainte et de recours et veille à ce qu’il soit enquêté sur les allégations de violence sexiste à l’égard des femmes, y compris les cas de violence familiale, à ce que les auteurs de ces actes soient poursuivis et dûment sanctionnés et à ce que leurs victimes aient accès à des mesures de réparation appropriées, notamment à une indemnisation ;

f) Veille à ce que les femmes et les filles victimes de violence fondée sur le genre, y compris de violence familiale, bénéficiant d’une ordonnance de protection soient effectivement protégées et aient accès à des centres d’hébergement et à des services de soutien financés par l’État ;

g) Entreprenne une analyse de l’impact des programmes et mesures visant à prévenir et combattre la violence fondée sur le genre à l’égard des femmes et prenne des dispositions pour améliorer l’exactitude de l’enregistrement des données statistiques et leur ventilation.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité constate que l’État partie reste un pays d’origine, de transit et de destination pour la traite des personnes. Il note avec préoccupation :

a)L’ampleur du phénomène de la traite des personnes dans l’État partie, notamment à des fins d’exploitation sexuelle, les femmes et les filles étant les plus exposées en particulier dans les zones rurales ;

b)L’absence de stratégie globale de lutte contre la traite et d’un plan national d’action, et le caractère temporaire du mandat du Comité interministériel de lutte contre la traite des personnes créé en décembre 2015 ;

c)Le peu de mesures existant pour protéger les femmes de la traite, les mesures législatives et les politiques prises par l’État partie étant largement axées sur la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle et la traite ;

d)Les faibles taux de signalement, de poursuites et de condamnations dans les affaires de traite, tant en application de la loi sur la lutte contre la traite des personnes (loi no 2 de 2009) que de la loi sur la protection de l’enfance, seulement deux affaires de traite ayant été signalées et aucune déclaration de culpabilité prononcée depuis 2009 sur le fondement de la loi sur la lutte contre la traite des personnes ;

e)Le nombre insuffisant de foyers d’accueil et l’insuffisance des mesures d’assistance, de réadaptation et de réinsertion destinées aux femmes et aux filles victimes de la traite ;

f)L’absence d’accords de coopération régionale et bilatérale visant à lutter contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des filles ;

g)L’absence de cadre politique national de lutte contre la commercialisation de l’exploitation sexuelle et de mesures visant à protéger les prostituées.

Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur la cible 5.2 des objectifs de développement durable, qui consiste à éliminer de la vie publique et de la vie privée toutes les formes de violence faite aux femmes et aux filles, y compris la traite et l’exploitation sexuelle et d’autres types d’exploitation, et recommande à l’État partie :

a) De renforcer les mécanismes et les politiques en place pour lutter contre la traite et de veiller à ce qu’ils bénéficient de ressources techniques, financières et humaines suffisantes ;

b) D’accélérer l’adoption d’un plan national de lutte contre la traite des personnes et de créer un organe permanent chargé de coordonner et de suivre l’application de ce plan ;

c) De recueillir systématiquement des données, ventilées par sexe et par âge, sur la traite des personnes et d’en faire l’analyse ;

d) De mettre en place des mécanismes de réparation efficaces, de faire connaître ces mécanismes, d’enquêter sur les trafiquants, de les poursuivre et de les punir comme il convient, ainsi que de veiller à ce que les femmes et les filles victimes de la traite soient exonérées de toute responsabilité pénale ;

e) De renforcer le soutien apporté aux femmes et aux filles victimes de la traite, en particulier les migrantes, en garantissant qu’elles puissent accéder comme il convient à des soins de santé, des services de conseil et des voies de recours leur permettant notamment d’obtenir des mesures de réparation et d’indemnisation, ainsi qu’à un hébergement dans des centres d’accueil ;

f) De resserrer la coopération régionale avec les pays d’origine et de destination afin de prévenir la traite des femmes et des filles grâce à l’échange d’informations et à l’harmonisation des procédures ;

g) De prendre des mesures efficaces pour protéger les prostituées contre l’exploitation et la maltraitance, de réaliser une étude sur les causes profondes et l’ampleur de la prostitution et de mettre à profit les résultats de cette étude pour concevoir des services et des programmes pour les femmes qui souhaitent sortir de la prostitution.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité prend note des effets positifs obtenus en matière de représentation des femmes dans la gouvernance locale grâce aux articles 11, paragraphe 6, et 12, paragraphe 6, de la loi de 2011 sur les collectivités locales, telle que modifiée par la loi de 2015, qui prévoient des quotas pour les listes électorales. Il salue les modifications apportées à la Constitution en 2016 en vue d’adopter des quotas similaires pour l’Assemblée régionale de Rodrigues. Il constate également que des femmes sont parvenues à des postes de décision de haut niveau dans l’État partie, tels que chef de l’État et Présidente de l’Assemblée nationale, et que les femmes et les hommes sont représentés sur un pied d’égalité dans le secteur public, y compris à des postes élevés. Il demeure toutefois préoccupé par le faible taux de participation des femmes à la vie politique et dans certains domaines de la vie publique de l’État partie, en particulier aux postes de décision au niveau national, où seulement 8 des 69 parlementaires et 2 des 27 ministres sont des femmes.

Conformément au paragraphe 1 de l’ article 4 de la Convention et à sa recommandation générale n o 23 (1997) sur les femmes dans la vie politique et publique, le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire le nécessaire pour adopter des mesures temporaires spéciales, y compris d’étendre aux élections nationales l’application des quotas mis en place pour les élections locales, afin d’accélérer la réalisation de l’égalité réelle des femmes et des hommes dans tous les domaines de la vie politique et publique ;

b) De lever tous les obstacles structurels, sociaux et culturels qui empêchent les femmes d’entrer dans la vie politique ou d’occuper des emplois publics, y compris en incitant les partis politiques à inscrire sur leurs listes électorales le même nombre de femmes et d’hommes à des positions de niveau équivalent, et en formant les femmes aux techniques des campagnes politiques, à l’encadrement et à la négociation.

Éducation

Le Comité prend note avec satisfaction des mesures de fond que l’État partie a prises pour assurer l’accès de toutes et tous à l’éducation, y compris en rendant l’enseignement obligatoire et gratuit jusqu’à l’âge de 16 ans, en offrant la gratuité des transports et le versement d’allocations. Il constate toutefois avec préoccupation :

a)L’insuffisance de la collecte de données sur les taux de scolarisation, de réussite et d’abandon scolaires des femmes et des filles ;

b)Le taux élevé d’absentéisme des filles à l’école primaire et secondaire, dû en partie au fait que les menstruations restent un tabou social, au manque d’installations sanitaires satisfaisantes pour les filles dans les écoles et à la norme sociale qui veut que les filles participent aux tâches ménagères et domestiques ;

c)Le faible taux d’alphabétisation des filles qui ont achevé leur scolarité obligatoire ;

d)L’absence de programmes éducatifs complets sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation pour les adolescents, ainsi que de services qui leur soient destinés, ce qui contribue au taux extrêmement élevé de grossesses précoces chez les filles d’âge scolaire ;

e)L’absence de réglementation et de mesures visant à lutter contre l’exclusion sociale et l’insuffisance de l’aide à la réinsertion apportée aux élèves enceintes et aux mères adolescentes pour faire en sorte qu’elles achèvent leur éducation ;

f)La concentration des femmes et des filles dans des domaines d’étude traditionnellement dominés par les femmes et leur sous-représentation dans les domaines de la science, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques, où elles n’étaient que 21,1 % en 2016 ;

g)Les difficultés que rencontrent les femmes et les filles handicapées et les femmes et les filles demandeuses d’asile et migrantes pour accéder à une éducation de qualité.

Conformément à sa recommandation générale n o 36 (2017) sur le droit des filles et des femmes à l’éducation et prenant note de la cible 4.5 des objectifs du développement durable, qui consiste à éliminer les inégalités entre les sexes dans le domaine de l’éducation, le Comité recommande à l’État partie :

a) De surveiller la mise en œuvre du droit des filles et des femmes à l’éducation en veillant à ce que le Ministère de l’éducation et des ressources humaines, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique collecte des données sur les taux de scolarisation, d’absentéisme et d’abandon scolaire (notamment pour cause de grossesse précoce) des filles et des femmes à tous les niveaux du système éducatif, ventilées par sexe, lieu, âge, type d’établissement et groupe ethnique ;

b) De redoubler d’efforts pour retenir les filles à l’école et de sensibiliser l’opinion publique, en particulier les parents, à l’importance de l’éducation pour les femmes ;

c) De mener des recherches approfondies sur les causes profondes de l’analphabétisme et de l’absentéisme, et de prendre des mesures pour remédier à ces problèmes ;

d) De prévoir des installations sanitaires satisfaisantes et des serviettes hygiéniques pour les filles dans les écoles ;

e) D’inclure dans les programmes scolaires des filles et des garçons une éducation obligatoire, adaptée à l’âge, fondée sur des données probantes et scientifiquement exacte, sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation, qui couvre le comportement sexuel responsable, mette fin au tabou social des menstruations et soit exempte de stéréotypes discriminatoires concernant les genres ;

f) D’encourager les filles enceintes à poursuivre leurs études et de faciliter la réinsertion scolaire des mères adolescentes, notamment en luttant contre la stigmatisation culturelle par des campagnes de sensibilisation et en prévoyant une prise en charge abordable pour leurs enfants ;

g) D’adopter des mesures temporaires spéciales, y compris des incitations sous forme notamment de bourses d’études, pour favoriser l’entrée des femmes et des filles dans les domaines de la science, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques, par exemple en leur offrant davantage de bourses dans ces domaines, et de lutter contre les stéréotypes et les obstacles structurels qui peuvent dissuader les filles de s’inscrire dans des domaines traditionnellement réservés aux garçons ;

h) De prendre les mesures voulues pour que des aménagements raisonnables soient proposés aux femmes et aux filles dans les écoles et que les femmes et les filles demandeuses d’asile et migrantes puissent accéder à l’éducation.

Emploi

Le Comité se félicite de la publication, le 15 avril 2013, par l’État partie au titre du paragraphe 3 f) de l’article 27 de la loi sur l’égalité des chances de 2008, de directives sur l’élaboration et l’application d’une politique d’égalité des chances par chaque entreprise employant plus de 10 personnes. Il est néanmoins préoccupé par le fait que :

a)La ségrégation professionnelle horizontale et verticale persiste dans le secteur privé, ce qui entraîne un écart de rémunération important entre les hommes et les femmes, et le principe de l’égalité salariale n’est pas respecté, en particulier dans le secteur agricole, où les salaires dépendent des « différences dans le travail effectué et les tâches attribuées » (CEDAW/C/MUS/8, par. 85) ;

b)Les femmes sont sous-représentées aux postes de décision dans le secteur privé et aucune réglementation ne garantit leur participation au marché du travail sur un pied d’égalité avec les hommes ;

c)Selon le paragraphe 3 de l’article 30 de la loi sur les droits en matière d’emploi de 2008 (loi n° 33 de 2008), le congé de maternité rémunéré est accordé uniquement aux femmes qui ont travaillé douze mois consécutifs pour le même employeur ;

d)Seul un petit nombre de cas de harcèlement sexuel sur le lieu de travail a été enregistré par le Ministère du travail, des relations industrielles et de la formation ;

e)D’après les informations reçues, des travailleuses migrantes seraient soumises à des conditions de travail assimilables à de l’exploitation et il est arrivé que des contrats de travail soient résiliés pour cause de grossesse.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire respecter dans les secteurs public et privé le principe de l’égalité salariale consacré au paragraphe 1 de l’article 20 de la loi de 2008 sur les droits en matière d’emploi, y compris en ce qui concerne le nouveau salaire minimum, et de réduire l’écart salarial entre les femmes et les hommes en vue de l’éliminer, notamment en menant régulièrement des enquêtes sur les salaires et des inspections sur les lieux de travail ;

b) De faciliter l’accès des femmes à tous les domaines du secteur privé, notamment en prenant des règlements et d’autres mesures, en particulier des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’ article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o 25 (2004) du Comité sur les mesures temporaires spéciales ;

c) De modifier ou d’abroger le paragraphe 3 de l’ article 30 de la loi de 2008 sur les droits en matière d’emploi afin que toutes les femmes aient des droits égaux en ce qui concerne le congé de maternité rémunéré, quelle que soit leur ancienneté ;

d) De faire appliquer l’ article 54 de la loi de 2008 sur les droits en matière d’emploi, de renforcer les mécanismes de règlement des plaintes et des différends liés au travail afin de lutter contre la discrimination fondée sur le sexe, y compris le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, d’encourager la dénonciation des actes de discrimination et d’imposer des sanctions appropriées aux auteurs de ce type d’actes ;

e) De faire respecter le paragraphe 1 a) de l’ article 38 et le paragraphe 5 b) de l’ article 46 de la loi de 2008 sur les droits en matière d’emploi, qui protègent les employés contre la résiliation de leur contrat pour différents motifs discriminatoires, y compris la grossesse, et sont applicables aux travailleuses migrantes en vertu de l’ article 13 du Code civil de 1808 ;

f) De continuer à procéder à des inspections systématiques pour que les femmes migrantes ne soient pas exploitées au travail et de renforcer encore les mécanismes d’inspection tels que la « Brigade volante ».

Santé

Le Comité se félicite de l’adoption de la loi de 2012 portant modification du Code pénal, qui modifié l’article 235 de celui-ci pour y insérer un article 235A, lequel légalise l’avortement dans certaines circonstances. Le Comité est néanmoins préoccupé par :

a)Le nombre élevé de grossesses chez les adolescentes et d’avortements non médicalisés, dû au manque d’informations disponibles en ce qui concerne la santé sexuelle et procréative et les droits y afférents ;

b)L’absence de règlements et de protocoles clairement définis destinés à garantir la bonne application des nouvelles dispositions législatives relatives à l’avortement ;

c)Le taux élevé de mortalité maternelle ;

d)La prévalence du VIH/sida, notamment la transmission mère-enfant ;

e)Le manque d’informations sur la fourniture de soins et services médicaux de qualité aux femmes et aux filles victimes de violence fondée sur le genre.

Rappelant sa recommandation générale n o 24 (1999) sur les femmes et la santé et sa recommandation générale n o 35, le Comité appelle l’attention sur les cibles de développement durable 3.1 et 3.7, qui consistent à réduire le taux mondial de mortalité maternelle et à assurer l’accès universel à des services de santé sexuelle et procréative. Il recommande à l’État partie :

a) De s’employer plus activement à prévenir les grossesses précoces et de mettre à la disposition des femmes et des filles des contraceptifs modernes, accessibles et abordables ;

b) De faire pleinement appliquer l’article 235A du Code pénal, qui dépénalise l’avortement dans des circonstances particulières, notamment en adoptant des règlements et des protocoles clairement définis à l’intention des hôpitaux et des professionnels de la santé, et de donner aux femmes et aux prestataires de soins les informations voulues en ce qui concerne l’accès à l’avortement légal et aux soins après avortement ;

c) De recueillir des données sur l’accès à l’avortement légal et le nombre de femmes et de filles ayant recours à l’avortement non médicalisé et de fournir des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique ;

d) De réduire la mortalité maternelle en améliorant, dans l’ensemble du pays, l’accès aux soins prénatals et postnatals de base et aux services obstétriques d’urgence fournis par des professionnels de l’accouchement qualifiés et en procédant à des audits afin de déterminer les causes de chaque cas de mortalité maternelle ;

e) De faire en sorte que les femmes et les filles vivant avec le VIH/sida aient accès à des services de santé adéquats et à des médicaments antirétroviraux, en accordant une attention particulière aux groupes de femmes défavorisées, notamment les prostituées ;

f) De former le personnel médical comme il se doit pour que les femmes et les filles victimes de violence sexuelle reçoivent une attention et des soins spécialisés et se voient fournir les services essentiels pour l’avortement et la contraception d’urgence .

Émancipation économique des femmes et avantages économiques et sociaux

Le Comité se félicite de l’existence de divers programmes prévoyant des avantages économiques et sociaux, tels que le régime de l’indemnité de subsistance, le Programme national de logement pour 2015-2019 et les mesures prises par la Fondation nationale pour l’émancipation économique et le Conseil national des femmes chefs d’entreprise. Il note que l’État a adopté une politique de responsabilité sociale des entreprises qui permet aux sociétés privées de contribuer au financement de programmes sociaux et environnementaux à hauteur de 2 % de leurs bénéfices. De surcroît, il salue les efforts que l’État partie déploie sans relâche en vue de réduire la pauvreté, notamment l’adoption du plan Marshall pour la réduction de la pauvreté et la création de l’observatoire de la pauvreté. Le Comité est néanmoins préoccupé par :

a)Le fait que l’État partie n’ait pas fixé de seuil de pauvreté officiel lui permettant d’analyser le taux de pauvreté des femmes, notamment des femmes rurales, des femmes créoles et des femmes chefs de famille ;

b)Le manque d’informations sur les mécanismes garantissant la participation effective et active des femmes vulnérables à l’élaboration des stratégies et des programmes qui leur sont destinés et à la mise en œuvre de ceux-ci ;

c)L’insuffisance des données statistiques, ventilées par sexe, âge, handicap, appartenance ethnique, lieu de résidence et situation socioéconomique, concernant les avantages économiques et sociaux fournis aux femmes par l’État partie et le manque d’informations sur l’efficacité des mécanismes de suivi ;

d)La mesure dans laquelle les politiques et pratiques de l’État partie relatives à la communication de l’information financière et à la fiscalité des entreprises pourraient avoir des effets négatifs sur la capacité d’autres États, en particulier les États qui ont des sources de revenus insuffisantes, de mobiliser le maximum de ressources aux fins de la réalisation des droits des femmes.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’établir un seuil de pauvreté officiel et de fournir des données, ventilées par sexe, âge, handicap, appartenance ethnique, lieu de résidence et situation socioéconomique, sur les niveaux de pauvreté chez les femmes, en particulier en ce qui concerne les groupes de femmes vulnérables, et de faire en sorte que ces femmes participent véritablement à la formulation et à la mise en œuvre des stratégies de réduction et d’élimination de la pauvreté ;

b) D’évaluer les effets des avantages économiques et sociaux mis en place, et notamment de la politique de responsabilité sociale des entreprises, sur l’égalité des genres ;

c) D’établir des mécanismes de suivi et de faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques détaillées, ventilées par sexe, âge, handicap, appartenance ethnique, lieu de résidence et situation socioéconomique permettant de savoir dans quelle mesure les femmes bénéficient des programmes existants de lutte contre la pauvreté, notamment des programmes d’aide au logement, conformément à l’objectif de développement durable 5 ;

d) De procéder régulièrement à des évaluations indépendantes et participatives des effets extraterritoriaux que ses politiques budgétaire et de fiscalité des entreprises ont sur les droits des femmes et sur la réalisation de l’égalité réelle entre les sexes, en veillant à ce que ces évaluations soient impartiales et en divulguant la méthode suivie et les résultats obtenus, conformément à la recommandation générale n o  28.

Femmes rurales, femmes créoles, migrantes et femmes handicapées

Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles certaines catégories de femmes défavorisées ou marginalisées, telles que les femmes rurales, les femmes créoles, les migrantes et les femmes handicapées font l’objet de formes de discrimination croisées. Le Comité constate avec préoccupation qu’il n’existe pas de données, ventilées par sexe, âge, handicap, appartenance ethnique, lieu de résidence et situation socioéconomique, sur la situation de ces groupes de femmes dans tous les domaines visés par la Convention, ni d’informations sur leur participation effective à la prise de décisions politiques.

Renvoyant à sa recommandation générale n o 34 (2016) sur les droits des femmes rurales, le Comité recommande à l’État partie de recueillir des données sur cette catégorie de femmes et les autres femmes victimes de formes de discrimination croisées et de ventiler ces données par sexe, âge, situation géographique, handicap, situation socioéconomique ou autre et appartenance éventuelle à un groupe minoritaire afin de concevoir des mesures, y compris des mesures temporaires spéciales, visant à instaurer l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines visés par la Convention . Il demande en outre à l’État partie de veiller à ce que les femmes appartenant à des groupes défavorisés et marginalisés participent pleinement à la prise de décisions politiques.

Lesbiennes, bisexuelles, femmes transgenres, et intersexes

Le Comité constate avec préoccupation que les lesbiennes, bisexuelles, femmes transgenres et intersexes font face à des formes de discrimination croisées, et notamment :

a)Que, dans tous les domaines visés par la Convention, les lesbiennes, bisexuelles, femmes transgenres et intersexes continuent d’être victimes de discrimination, notamment d’exclusion sociale, de discours haineux et de violences ;

b)Que l’État partie n’a pris aucune mesure concernant les droits des lesbiennes, bisexuelles, femmes transgenres et intersexes (CEDAW/C/MUS/8, par. 36) ;

c)Que les actes de violence physique, verbale et psychologique commis contre les lesbiennes, bisexuelles, femmes transgenres et intersexes ne sont pas toujours signalés.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter les mesures législatives et autres types de mesures nécessaires pour lutter contre la discrimination et la violence à l’égard des lesbiennes, bisexuelles, femmes transgenres et intersexes, y compris les discours haineux et la violence physique, verbale et psychologique dont elles sont victimes ;

b) De promouvoir la protection des droits des lesbiennes, bisexuelles, femmes transgenres et intersexes dans tous les domaines visés par la Convention, notamment l’emploi et la santé, et de mener des activités de sensibilisation pour lutter contre la stigmatisation de ces femmes dans la société ;

c) De veiller à ce que les mécanismes d’application des lois protègent efficacement les droits des lesbiennes, bisexuelles, femmes transgenres et intersexes ;

d) D’offrir un refuge et une assistance aux lesbiennes, bisexuelles, femmes transgenres et intersexes qui sont victimes de violence ;

e) De dispenser la formation nécessaire à cet égard au personnel médical, à la police et aux autres services responsables de l’application des lois.

Les femmes et les changements climatiques

Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie, qui se sont notamment traduits par l’adoption du cadre politique national d’adaptation aux changements climatiques, pour faire face aux effets néfastes des changements climatiques et des catastrophes en y intégrant une démarche tenant compte de la problématique femmes-hommes. Le Comité est toutefois préoccupé par le manque d’informations sur la participation des femmes à la l’élaboration de la législation, des politiques et des stratégies et sur les effets des programmes visant à faire des femmes des agents de changement, comme les initiatives de sensibilisation menées par le Ministère de la sécurité sociale, de la solidarité nationale, de l’environnement et du développement durable, en coopération avec le Conseil national des femmes et les associations de femmes et dans le cadre du Programme d’adaptation en Afrique.

Conformément à sa recommandation générale n o 37 (2018) relative aux aspects liés au genre de la réduction des risques de catastrophe dans le contexte des changements climatiques, le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les femmes soient véritablement associées à l’élaboration des textes de loi, politiques et programmes nationaux sur les changements climatiques, ainsi que sur l’action en cas de catastrophe et la réduction des risques de catastrophe, tels que le projet de loi à venir sur les changements climatiques et les mesures d’atténuation adaptées au contexte national pour le projet de mise en œuvre de la stratégie de développement insulaire à faible émission de carbone.

Mariage et relations familiales

Le Comité est préoccupé par ce qui suit :

a)Il découle de l’article 16, paragraphe 4 c), de la Constitution et de l’abrogation de facto du chapitre 9 du Code Civil qui était en vigueur entre 1982 et 1987, que les femmes ayant contracté un mariage musulman non enregistré ne sont pas protégées, car il n’existe pas de moyens efficaces de garantir leurs droits conjugaux, notamment leurs droits patrimoniaux et successoraux, ainsi que leur droit à la reconnaissance et à la garde de leurs enfants, et qu’elles ne peuvent faire valoir ces droits auprès d’aucune instance, ce qui permet à des pratiques telles que la polygamie officieuse et les mariages d’enfants de se pérenniser ;

b)Aucune mesure législative n’a été prise pour protéger les droits économiques et les autres droits des femmes vivant en union de fait, notamment dans les cas de mariages musulmans non enregistrés et de mariages polygames ;

c)L’article 145 du Code civil autorise le mariage des filles et des garçons âgés de 16 à 18 ans avec le seul consentement d’un parent ou d’un tuteur, sans exiger l’autorisation des autorités judiciaires, et l’article 2 de la loi sur la protection de l’enfance définit l’enfant comme une personne non mariée de moins de 18 ans ;

d) Le paragraphe 1 de l’article 254 du Code civil exclut du droit à une pension alimentaire au titre de l’article 255 les femmes contre lesquelles est prononcé le divorce pour faute (art. 230 à 234 du Code civil) ;

e)Il n’existe pas de données exhaustives, ventilées par sexe, âge, handicap, appartenance ethnique, lieu de résidence et situation socioéconomique, sur le nombre de mariages d’enfants, de mariages religieux non enregistrés et de mariages polygames.

Rappelant sa recommandation générale n o 21 (1994) sur l’égalité dans le mariage et les rapports familiaux et sa recommandation générale n o 29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage et des liens familiaux et de leur dissolution, le Comité recommande à l’État partie  :

a) De revoir la législation nationale pertinente afin de rendre obligatoire l’enregistrement de tous les mariages, y compris les mariages déjà célébrés qui n’ont pas été enregistrés conformément au paragraphe 1 de l’ article 74 de la loi sur l’état civil (loi n o 23 de 1981), d’ériger en infraction le non-respect de cette disposition et d’envisager, à titre de mesure provisoire, de rétablir le chapitre 9 du Code civil pour l’appliquer à tous les mariages religieux musulmans quelle que soit la date de leur célébration, de façon à les reconnaître et à protéger dûment les droits de toutes les femmes en cas de dissolution de ces mariages, notamment leur droit à un partage équitable des biens des époux et à la reconnaissance et la garde des enfants, et à faire en sorte que les droits des intéressées soient garantis par le Code civil et la loi sur l’état civil et consacrés dans des dispositions dont elles puissent se prévaloir devant les tribunaux civils, et pour prévenir ainsi efficacement toute forme de mariages polygames et de mariages d’enfants ;

b) De revoir le Code civil en vue d’accorder la protection voulue aux droits patrimoniaux des femmes et de mettre en place un système de répartition équitable des biens des époux en cas de dissolution des unions de fait, ainsi que d’entreprendre une étude sur l’importance de la polygamie dans l’État partie afin de s’attaquer à ses causes profondes et de mettre en place des mesures visant à faire respecter l’interdiction de cette pratique (art . 150 du Code civil)  ;

c) D’abroger ou de modifier l’ article 145 du Code civil pour qu’en aucun cas, le consentement des parents ou des tuteurs ne suffise pour marier des personnes de moins de 18 ans et pour que les tribunaux ne puissent approuver le mariage de mineurs de 16 à 18 ans que dans des circonstances exceptionnelles, de veiller à ce que le projet de loi sur l’enfance qu’il est prévu d’adopter reflète cette disposition, et de modifier l’article 2 de la loi sur la protection de l’enfance de sorte que l’enfant y soit défini comme toute personne de moins de 18 ans ;

d) De modifier ou d’abroger le paragraphe 1 de l’ article 254 du Code civil de façon à ce que les femmes aient droit à une pension alimentaire, quelle que soit la cause du divorce  ;

e) D’assurer la collecte, l’analyse et la diffusion de données complètes et ventilées par sexe, âge, handicap, appartenance ethnique, lieu de résidence et situation socioéconomique, sur les mariages d’enfants, les mariages religieux et les mariages polygames, en coopération avec les institutions compétentes, telles que le Conseil musulman de la famille, qui est chargé, en vertu de l’ article 30, alinéa a), de la loi sur l’état civil d’enregistrer tous les mariages célébrés selon le rite musulman ;

f) De m ener de vastes campagnes de sensibilisation visant à bousculer les attitudes culturelles qui légitiment les mariages d’enfants et la polygamie .

Collecte et analyse de données

Le Comité prend note de la mise en place de plusieurs systèmes de collecte de données, notamment le système d’information sur la violence familiale, le registre de la protection de l’enfance et la base de données des indicateurs relatifs au respect des droits de l’homme. Il regrette, toutefois, que les données ventilées par sexe et autres informations pertinentes, en particulier sur la situation à Rodrigues, Agalega et d’autres régions reculées du territoire de l’État partie, demeurent insuffisantes. Ces données statistiques sont nécessaires pour évaluer avec précision la situation des femmes, déterminer l’ampleur et la nature de la discrimination qu’elles subissent, élaborer des politiques éclairées et ciblées et suivre et évaluer systématiquement les progrès accomplis en vue de la réalisation de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines visés par la Convention.

Le Comité demande à l’État partie de veiller à ce que les données recueillies dans le cadre des systèmes de collecte existants soient ventilées par sexe, âge, handicap, appartenance ethnique, lieu de résidence et situation socioéconomique. Il lui recommande d’améliorer la collecte, l’analyse et la diffusion de données complètes et ventilées au moyen d’un système centralisé et d’utiliser des indicateurs mesurables pour évaluer les progrès accomplis vers la réalisation de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines visés par la Convention, en particulier en ce qui concerne la violence fondée sur le genre à l’égard des femmes, les mariages d’enfants, les grossesses chez les adolescentes, l’éducation, l’emploi, la prostitution et la traite des femmes. À cet égard, le Comité attire l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale n o 9 (1989) sur les données statistiques concernant la situation des femmes, et l’encourage à solliciter une assistance technique auprès des organismes compétents des Nations Unies.

Diffusion

Le Comité prie l’État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans ses langues officielles de fait, aux institutions publiques concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, à l’Assemblée nationale, à l’Assemblée régionale de Rodrigues et à l’appareil judiciaire, afin d’en permettre la pleine application.

Assistance technique

Le Comité recommande à l’État partie d’établir un lien entre l’application de la Convention et l’action qu’il mène en faveur du développement, et de faire appel à cette fin à l’assistance technique régionale ou internationale.

Ratification d’autres instruments

Le Comité souligne que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribuerait à promouvoir l’exercice effectif des droits individuels et des libertés fondamentales par les femmes dans tous les aspects de la vie. Il l’invite donc à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, auxquelles il n’est pas encore partie.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l’État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu’il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 16, 18 b), 38 c) et 40 supra.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l’État partie à soumettre son neuvième rapport périodique en novembre 2022. Ce rapport devra être soumis dans les délais et couvrir toute la période écoulée jusqu’à la date à laquelle il sera soumis.

Le Comité invite l’État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont le document de base commun et les rapports correspondant à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).