Nations Unies

CERD/C/THA/CO/4-8

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

10 février 2022

Français

Original : anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport de la Thaïlande valant quatrième à huitième rapports périodiques *

1.Le Comité a examiné le rapport de la Thaïlande valant quatrième à huitième rapports périodiques, à ses 2847e et 2848e séances, les 22 et 23 novembre 2021. À sa 2861e séance, le 1er décembre, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite que l’État partie se soit présenté pour la deuxième fois devant lui aux fins de l’examen du rapport valant quatrième à huitième rapports périodiques, dans lequel l’État partie apportait des éléments de réponse aux préoccupations exprimées par le Comité dans ses précédentes observations finales. Le Comité accueille également avec intérêt le document de base commun actualisé de l’État partie. Il se dit satisfait du dialogue franc et constructif qu’il a eu avec les nombreux membres de la délégation multisectorielle de l’État partie et des informations complémentaires qui lui ont été transmis à l’issue de cet échange.

B.Aspects positifs

3.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants :

a)Le Protocole relatif à la Convention de 1930 sur le travail forcé (no 29) de l’Organisation internationale du Travail (OIT), le 4 juin 2018 ;

b)La Convention de 1958 concernant la discrimination (emploi et profession) (no 111) de l’OIT, le 13 juin 2017 ;

c)La Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, le 10 juin 2016.

4.Le Comité salue les mesures législatives et institutionnelles ci-après prises par l’État partie :

a)La promulgation, le 17 juin 2017, de l’ordonnance royale relative à l’emploi des travailleurs migrants ;

b)La publication, le 23 mai 2017, de l’ordonnance no 131/2560 prise par le Premier Ministre qui porte création du Comité national pour la gestion des affaires de torture et de disparition forcée ;

c)La promulgation, le 11 février 2016, de la loi relative à la promotion et à la conservation du patrimoine culturel immatériel ;

d)La promulgation, le 14 mars 2012, de la loi no 5 de 2555 de l’ère bouddhique (EB) relative à la nationalité, portant modification de la loi 2508 EB relative à la nationalité.

C.Préoccupations et recommandations

Statistiques

5.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni de données statistiques ventilées sur la composition démographique de la population qui lui permettraient d’évaluer comment les groupes victimes de discrimination raciale, en particulier les peuples autochtones, les groupes ethniques et ethnoreligieux, les migrants, les réfugiés, les demandeurs d’asile et les apatrides, exercent les droits énoncés dans la Convention (art. 1er, 2 et 5).

6. Rappelant ses directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention et sa recommandation générale n o 8 (1990) concernant l’interprétation et l’application des paragraphes 1 et 4 de l’article premier de la Convention, le Comité recommande à l’État partie de recueillir et de fournir des statistiques à jour sur la composition démographique de sa population qui soient fondées sur la manière dont s’identifient eux-mêmes les intéressés et ventilées par groupe ethnique, peuple autochtone, origine nationale et langue parlée, y compris des données sur les migrants, les réfugiés, les demandeurs d’asile et les apatrides, ainsi que de communiquer des indicateurs socioéconomiques utiles .

Réserves et déclarations

7.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a levé sa réserve à l’égard de l’article 4 de la Convention le 7 octobre 2016. Toutefois, le Comité reste préoccupé par le fait que l’État partie maintient la déclaration interprétative qu’il a faite à l’égard de la Convention, selon laquelle il n’interprète ni n’applique les dispositions de la Convention comme lui imposant des obligations qui outrepasseraient les limites fixées par sa constitution et sa législation (art. 2).

8. Le Comité rappelle ses précédentes recommandations et recommande à l’État partie de retirer sa déclaration interprétative à l’égard de Convention .

Transposition de la Convention dans l’ordre juridique interne

9.Notant que l’État partie a un système juridique dualiste, le Comité constate avec inquiétude qu’il n’a pas pris les mesures suffisantes pour transposer les dispositions de la Convention dans sa législation nationale et qu’il n’a pas encore entrepris d’examiner ses lois et politiques pour s’assurer de leur conformité avec la Convention, en dépit des précédentes recommandations du Comité à cet égard.

10. Le Comité recommande à l’État partie d’intégrer toutes les dispositions de fond de la Convention dans sa législation nationale, en vue d’assurer une protection complète contre la discrimination raciale, et d’examiner systématiquement ses lois et politiques pour garantir qu’elles sont pleinement conformes à la Convention et qu’elles n’ont pas d’effet discriminatoire sur les droits des groupes ethniques et ethnoreligieux, des peuples autochtones, des migrants, des réfugiés, des demandeurs d’asile et des apatrides .

Interdiction de la discrimination raciale

11.Le Comité constate avec préoccupation que l’article 27 de la Constitution, qui interdit la discrimination, ne couvre pas tous les motifs visés à l’article premier de la Convention, dont la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale. Il demeure en outre préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas encore adopté de loi autonome contre la discrimination définissant la discrimination raciale et interdisant la discrimination raciale directe et indirecte dans les sphères tant publique que privée (art. 1er, 2 et 5).

12. Le Comité recommande à l’État partie d’intégrer expressément, dans son cadre constitutionnel, le principe d’égalité et l’interdiction de la discrimination raciale, y compris celle fondée sur la couleur, l’ascendance et l’origine nationale, conformément à l’article premier de la Convention . Il lui recommande également d’adopter une législation complète et autonome contre la discrimination qui comprenne une définition de la discrimination raciale couvrant tous les motifs de discrimination et englobe la discrimination directe et indirecte dans les sphères tant publique que privée .

Formes multiples et croisées de discrimination

13.Le Comité prend note avec préoccupation des informations selon lesquelles les femmes, les enfants, les personnes handicapées et les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes qui appartiennent à des groupes ethniques ou ethnoreligieux ou à des peuples autochtones ou sont migrants, réfugiés ou demandeurs d’asile, se heurtent à des formes multiples et croisées de discrimination. Il est préoccupé par les informations selon lesquelles ces groupes rencontrent différents obstacles dans l’exercice de leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, en particulier en ce qui concerne l’accès à l’éducation, aux soins de santé et à l’emploi (art. 1er, 2 et 5).

14. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre les formes multiples et croisées de discrimination auxquelles se heurtent les femmes, les enfants, les personnes handicapées et les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes qui appartiennent à des groupes ethniques ou ethnoreligieux ou à des peuples autochtones ou sont migrants, réfugiés ou demandeurs d’asile, et notamment d’intégrer les questions relatives au genre, à l’âge, au handicap, à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre dans ses mesures de lutte contre la discrimination raciale, y compris les mesures législatives et générales .

Institution nationale des droits de l’homme

15.Le Comité constate que la Commission nationale des droits de l’homme de Thaïlande a été rétrogradée au statut B par le Sous-Comité d’accréditation de l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme. Il s’inquiète de ce que la procédure de sélection des membres de la Commission n’est pas suffisamment transparente, participative et fondée sur des critères de compétences (art. 2).

16.Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour que la Commission nationale des droits de l’homme de la Thaïlande puisse s’acquitter de son mandat de manière efficace et indépendante, dans le strict respect des Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris). Il lui recommande en particulier de faire en sorte que la procédure de sélection des membres de la Commission soit transparente, participative et fondée sur des critères de compétence afin de garantir l’indépendance de cette institution .

Discours et crimes de haine

17.Le Comité note avec préoccupation que, contrairement à ce que prévoit l’article 4 de la Convention, aucune disposition législative de l’État partie n’incrimine expressément les crimes et les discours de haine à caractère raciste. En outre, il note avec inquiétude que l’État partie n’a fourni ni informations ni données détaillées sur les crimes et les discours de haine à caractère raciste, bien que des faits de cette nature visant des groupes ethniques ou ethnoreligieux, des peuples autochtones, des personnes d’ascendance africaine, des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile aient été signalés. Le Comité est également préoccupé par les informations concernant des cas d’incitation à la haine raciale et de propagation de stéréotypes racistes, notamment dans les médias, sur Internet et les médias sociaux, en particulier les cas impliquant des fonctionnaires (art. 4, 6 et 7).

18.Rappelant ses recommandations générales n o 7 (1985) sur l’application de l’article 4 de la Convention, n o 8 (1990) concernant l’interprétation et l’application des paragraphes 1 et 4 de l’article premier de la Convention, n o 15 (1993) sur l’article 4 de la Convention et n o 35 (2013) sur la lutte contre les discours de haine raciale, le Comité demande instamment à l’État partie :

a) D’adopter et d’appliquer des dispositions législatives incriminant expressément les crimes et les discours de haine à caractère raciste, conformément à l’article 4 de la Convention ;

b) De faire de la motivation raciste une circonstance aggravante pour les infractions à caractère raciste ;

c) De lutter résolument contre les discours de haine à caractère raciste et les actes d’incitation à la violence raciste, y compris dans les médias et sur Internet, et de condamner publiquement les discours de haine raciste tenus par des personnalités publiques, y compris des dirigeants politiques et des responsables des médias , et de prendre ses distances avec eux ;

d) De lancer des campagnes de sensibilisation et d’éducation pour mettre fin aux préjugés et aux stéréotypes négatifs à l’égard des groupes ethniques et ethnoreligieux, des peuples autochtones, des personnes d’ascendance africaine, des migrants, des réfugiés, des demandeurs d’asile et des apatrides ;

e) De prendre des mesures efficaces pour encourager le signalement des crimes et des discours de haine à caractère raciste, d’enquêter sur ces faits, de poursuivre leurs auteurs et de dûment sanctionner les coupables ; et de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations et des données statistiques sur les affaires de cette nature et la suite qui leur a été donnée ;

f) D’organiser des formations à l’intention des policiers, des procureurs et des juges sur les méthodes à suivre pour repérer et recenser les crimes et les discours de haine à caractère raciste, enquêter sur les faits et en poursuivre les auteurs, ainsi que des formations portant sur la Convention .

Profilage racial

19.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie dans son rapport valant quatrième à huitième rapports périodiques et dans le cadre de la procédure d’alerte rapide et d’intervention d’urgence, mais il demeure préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas suffisamment répondu aux allégations selon lesquelles il prélève de façon généralisée et discriminatoire des échantillons d’ADN sur des personnes appartenant à des groupes ethniques ou ethnoreligieux dans les provinces frontalières du sud et il utilise la technologie de reconnaissance faciale de manière discriminatoire en se fondant sur l’appartenance ethnique, sans apporter de justifications suffisantes, ni fournir les garanties juridiques nécessaires, ni assurer le contrôle judiciaire indispensable, ni même obtenir le consentement des personnes concernées. En outre, le Comité demeure préoccupé par les informations selon lesquelles les cartes SIM sont enregistrées à des fins de surveillance et les personnes appartenant à des groupes ethniques ou ethnoreligieux sont victimes de contrôles d’identité et d’arrestations fondés sur le profilage racial, en particulier dans les provinces frontalières du sud de l’État partie (art. 4 et 5).

20.Rappelant sa recommandation générale n o 36 (2020) sur la prévention et l’élimination du recours au profilage racial par les représentants de la loi, le Comité recommande à l’État partie de mettre fin à la pratique du profilage racial, notamment d’adopter une loi interdisant le profilage racial, de revoir ses pratiques et de renforcer les programmes de formation à l’intention des agents des forces de l’ordre et du personnel militaire, en collaboration avec les communautés les plus touchées par le profilage racial, en particulier dans les provinces frontalières du sud . Il recommande également à l’État partie de mettre un terme aux pratiques consistant à recourir de façon généralisée et discriminatoire aux prélèvements d’échantillons d’ADN, à utiliser la technologie de reconnaissance faciale de manière discriminatoire et à enregistrer les cartes SIM à des fins de surveillance, ainsi que d’empêcher la saisie, dans les bases des forces de l’ordre, de données qui seraient entachées de préjugés raciaux ou pourraient occasionner de tels préjugés, notamment en adoptant un cadre réglementaire qui soit conforme aux normes et règles internationales et comprenne des garanties juridiques et des mécanismes de contrôle indépendants .

Défenseurs des droits de l’homme

21.Le Comité constate avec préoccupation que les défenseurs des droits de l’homme, en particulier ceux qui militent pour les droits fonciers, la protection de l’environnement et les droits des groupes ethniques et ethnoreligieux et des peuples autochtones, sont de plus en plus victimes de meurtres, de disparitions forcées, de violences, de menaces, d’actes d’intimidation, de représailles et de harcèlement, notamment judiciaire, en raison de leur engagement en faveur des droits de l’homme (art. 5).

22. Le Comité recommande à l’État partie de mener rapidement des enquêtes efficaces, approfondies et impartiales sur tous les faits de meurtre, de disparition forcée, de violence, de menace, d’intimidation, de représailles et de harcèlement commis contre des défenseurs des droits de l’homme . Il lui recommande également de continuer à coopérer avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et de prendre les mesures nécessaires pour que les organisations de la société civile puissent mener leurs activités sans encombre et en toute sécurité et que les défenseurs des droits de l’homme soient à l’abri de toute forme d’intimidation, de menace et de représailles .

Situation des groupes ethniques et ethnoreligieux sous le régime de la loi martiale et de l’état d’urgence

23.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie selon lesquelles il a récemment révoqué les décrets d’urgence dans certains de ses districts. Toutefois, il reste préoccupé par les effets que les lois dites spéciales et leur application dans le cadre de l’état d’urgence prolongé, qui a été initialement déclaré en 2005 et a sans cesse été reconduit depuis lors, et sous le régime de la loi martiale proclamée en 2004 ont eues sur les groupes ethniques et ethnoreligieux vivant dans les provinces frontalières du sud. Il s’inquiète en particulier des informations selon lesquelles des membres de ces groupes ont été soumis à des actes de torture et à d’autres mauvais traitements, à des exécutions extrajudiciaires et des disparitions forcées, et notamment du fait que des membres des forces de l’ordre et des militaires auraient été impliqués dans certains cas (art. 2 et 5).

24. Rappelant sa recommandation générale n o 31 (2005) sur la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité recommande à l’État partie :

a) De redoubler d’efforts pour réviser les lois dites spéciales appliquées sous le régime de l’état d’urgence et de la loi martiale et de veiller à ce qu’elles soient conformes aux normes internationales relatives aux droits de l’homme tant qu’elles sont en vigueur, en vue de trouver des solutions pacifiques et durables et de lever l’état d’urgence et la loi martiale, qui devraient, en principe, être temporaires ;

b) De mener sans délai des enquêtes efficaces, approfondies et impartiales sur toutes les allégations de violations des droits de l’homme commises contre des personnes appartenant à des groupes ethniques ou ethnoreligieux, de poursuivre les auteurs présumés de ces violations, tant ceux qui les ont perpétrées que ceux qui les ont ordonnées, et de dûment sanctionner les personnes reconnues coupables ;

c) De promulguer le projet de loi sur la prévention et la répression de la torture et des disparitions forcées, en veillant à ce qu’il soit conforme aux normes internationales relatives aux droits de l’homme, et de prendre les mesures nécessaires à son application, notamment de créer un mécanisme indépendant de prévention et de répression de la torture et des disparitions forcées ;

d) D’adopter des mesures pour offrir aux victimes de pareilles violations des droits de l’homme une protection, une assistance et des voies de recours et de veiller à ce que tous les groupes ethniques et ethnoreligieux vivant dans les provinces susmentionnées puissent bénéficier de ces mesures .

Situation des groupes ethniques et ethnoreligieux et des peuples autochtones

25.Le Comité se déclare préoccupé par les informations selon lesquelles les groupes ethniques et ethnoreligieux et les peuples autochtones, notamment les Isan, les Karen, les Lahu, les Thaïs malais, les Mani, les Moken et les Urak Lawoi, se heurtent à des formes directes, indirectes, multiples et croisées de discrimination. Le Comité est particulièrement préoccupé par les éléments suivants :

a)Bien qu’il ait approuvé officiellement la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, l’État partie n’a pas encore reconnu le statut et les droits des peuples autochtones, que ce soit dans sa législation ou sous toute autre forme ;

b)Les personnes appartenant à certains groupes ethniques et ethnoreligieux et à certains peuples autochtones continuent de rencontrer des difficultés d’accès aux services publics, notamment en ce qui concerne les soins de santé, l’éducation et la protection sociale, en raison de barrières linguistiques et administratives et du faible nombre de services mis en place dans les régions où elles vivent ;

c)Les groupes ethniques et ethnoreligieux et les peuples autochtones sont touchés de manière disproportionnée par la grande pauvreté et sont confrontés à de fortes inégalités économiques et à l’exclusion sociale ;

d)En dépit des efforts que l’État partie a consentis pour dispenser un enseignement bilingue dans un certain nombre d’écoles primaires dans quelques régions, des langues autochtones et langues des minorités ethniques de l’État partie sont de plus en plus menacées de disparition et les activités de préservation et de promotion de la culture de certains groupes qui visent à contribuer au maintien de l’identité culturelle de ceux-ci restent insuffisantes.

26. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter toutes les mesures législatives et générales nécessaires pour lutter contre toutes les formes de discrimination auxquelles se heurtent les groupes ethniques et ethnoreligieux et les peuples autochtones et de veiller à ce qu’ils puissent exercer sans discrimination les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels sur la base de l’égalité avec les autres . Il lui recommande en particulier :

a) De reconnaître dans la loi le statut et les droits des peuples autochtones, conformément à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ;

b) De recenser et lever les obstacles qui empêchent les groupes ethniques et ethnoreligieux et les peuples autochtones d’accéder aux services publics et de veiller à ce que ces services soient disponibles et accessibles à tous dans l’ensemble de l’État partie ;

c) D’adopter et d’appliquer des politiques et des programmes visant à faire reculer la pauvreté et à promouvoir l’égalité économique et l’inclusion sociale, en tenant compte des besoins et des droits particuliers des groupes ethniques et ethnoreligieux et des peuples autochtones ;

d) De protéger et préserver l’identité culturelle des groupes ethniques et ethnoreligieux et des peuples autochtones en leur donnant les moyens de défendre, de faire vivre, d’exprimer et de partager leurs identités, leurs histoires, leurs cultures, leurs langues, leurs traditions et leurs coutumes .

Terres, territoires et ressources des peuples autochtones

27.Le Comité note avec préoccupation que les divers lois et règlements de l’État partie relatifs à la foresterie et à l’environnement et leur application ont un effet discriminatoire sur les groupes ethniques et les peuples autochtones vivant dans des forêts. Il s’inquiète également de l’absence de protection de la propriété collective des peuples autochtones, en particulier l’absence de sécurité juridique et de garanties concernant la délivrance de titres de propriété, la délimitation, la démarcation et la restitution des terres et territoires traditionnellement occupés par ceux-ci. De plus, le Comité se déclare préoccupé par les informations concernant l’accaparement généralisé des terres, notamment par des entreprises privées et des particuliers, qui a entraîné des conflits sociaux et des expulsions forcées de peuples autochtones de leurs terres ou territoires faute de protection juridique appropriée (art. 2 et 5).

28. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter les mesures législatives et administratives nécessaires pour protéger les droits qu’ont les peuples autochtones de posséder, d’utiliser, de mettre en valeur et de contrôler en toute sécurité leurs terres, territoires et ressources, notamment en les reconnaissant légalement et en leur accordant une protection juridique, conformément aux normes internationales ;

b) De prendre toutes les mesures nécessaires, notamment au moyen de systèmes d’alerte rapide et de procédures d’action urgente, pour empêcher que les peuples autochtones ne soient victimes de l’accaparement de leurs terres, territoires ou ressources, y compris par des tiers, et pour les protéger contre les expulsions forcées de leurs terres et territoires ;

c) De garantir l’accès à des voies de recours utiles, de privilégier la restitution des terres, territoires et ressources aux peuples autochtones et, dans les cas où un tribunal a jugé que celle-ci était matériellement impossible, de verser aux peuples autochtones expulsés une indemnisation juste et équitable ainsi que de leur offrir des possibilités de réinstallation adéquates et culturellement appropriées ;

d) De renforcer l’application de son plan d’action national relatif aux entreprises et aux droits de l’homme afin d’empêcher les entreprises de mener des activités portant atteinte aux droits des peuples autochtones, entre autres groupes ;

e) De veiller à ce que les peuples autochtones soient consultés sur les projets ou les mesures législatives ou administratives qui ont une incidence sur les terres et les ressources naturelles qu’ils possèdent ou ont traditionnellement utilisées, notamment en ce qui concerne l’adoption et l’application de lois et de règlements relatifs à la foresterie et à l’environnement, afin d’obtenir leur consentement libre, préalable et éclairé, conformément à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones .

Traite des personnes

29.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie en ce qui concerne la lutte contre la traite des personnes, mais il constate toujours avec préoccupation que la traite des personnes et les violations connexes sont très répandues et touchent particulièrement les migrants, les réfugiés, les demandeurs d’asile, les groupes ethniques et ethnoreligieux et les peuples autochtones. Il est particulièrement préoccupé par les affaires portant sur le travail des enfants, les pratiques de travail forcé et la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle et d’exploitation par le travail, notamment dans les secteurs de la pêche, de l’agriculture, du tourisme et du travail domestique. Il est également préoccupé par le fait que les dispositifs visant à repérer et à prendre en charge les victimes de la traite sont insuffisants et par l’ampleur de la corruption et de la complicité des autorités dans les affaires de traite (art. 2 et 5).

30. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer l’application de son cadre de lutte contre la traite des personnes, notamment en veillant à ce que des ressources humaines, techniques et financières suffisantes soient allouées à la mise en œuvre effective des lois et politiques, en renforçant la coordination entre les organismes de sécurité de l’État, l’appareil judiciaire et les services sociaux et en resserrant leur coopération avec la société civile ;

b) De redoubler d’efforts pour créer et mettre en œuvre des mécanismes de repérage précoce et des systèmes de prise en charge normalisés pour les victimes de la traite et d’adopter des mesures ciblées pour protéger les personnes les plus exposées à la traite ;

c) D’intensifier ses efforts pour enquêter sur toutes les allégations de traite des personnes, poursuivre les auteurs de tels actes et dûment sanctionner ceux qui sont déclarés coupables, tout en garantissant l’accès des victimes à des recours utiles ;

d) De renforcer ses mesures de protection et d’assistance destinées aux victimes et de veiller à ce que celles-ci aient effectivement accès à une aide juridique, médicale et psychologique adaptée et à des services sociaux, y compris à un logement, en collaboration avec les organisations de la société civile ;

e) De renforcer la formation des policiers et autres membres des forces de l’ordre, des gardes frontière , des agents de l’immigration, des juges, des procureurs et des inspecteurs du travail afin d’assurer la bonne application de la législation nationale contre la traite .

Travailleurs migrants

31.Le Comité accueille avec satisfaction les renseignements donnés par l’État partie selon lesquels la situation d’un grand nombre de travailleurs migrants sans papiers et de membres de leur famille a été régularisée au cours des dernières années, ce qui leur a permis d’accéder aux soins de santé et à l’éducation. Toutefois, le Comité reste préoccupé par les informations indiquant que des travailleurs migrants sans papiers, notamment dans les secteurs de la pêche, de l’agriculture et du travail domestique, sont soumis au travail forcé et à l’exploitation par le travail. Il s’inquiète aussi des conditions de vie indignes des travailleurs migrants et du fait que nombre de travailleurs migrants sans papiers et de membres de leur famille n’ont toujours pas accès aux soins de santé, à l’éducation ou au logement (art. 5).

32. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour améliorer les conditions de travail et de vie des travailleurs migrants et de leur famille, notamment en faisant mieux connaître aux travailleurs migrants leurs droits et les voies de recours qui leur sont ouvertes, en renforçant les contrôles effectués par l’inspection du travail, en particulier dans les secteurs qui emploient de nombreux travailleurs migrants, en traduisant en justice les employeurs qui exploitent les travailleurs et en indemnisant les victimes . Il lui recommande également de prendre des mesures pour garantir le droit des travailleurs migrants, y compris les travailleurs sans papiers, et des membres de leur famille d’avoir accès sans discrimination aux soins de santé, à l’éducation et au logement .

Réfugiés et demandeurs d’asile

33.Le Comité prend note des efforts que l’État partie a déployés pour accueillir un grand nombre de réfugiés et de sa décision de créer un mécanisme de sélection des demandes d’asile, mais il constate avec préoccupation que les garanties de non-refoulement sont insuffisantes et que, selon certaines informations, des Rohingya et d’autres réfugiés et demandeurs d’asile qui avaient besoin d’une protection internationale ont fait l’objet d’expulsions et de retours forcés. En outre, le Comité juge préoccupantes les informations selon lesquelles des migrants sans papiers, des demandeurs d’asile et des réfugiés sont détenus pendant de longues périodes dans de mauvaises conditions matérielles et des enfants sont détenus et partagent leur cellule avec des détenus adultes (art. 5).

34. Le Comité recommande à nouveau à l’État partie d’adopter des dispositions législatives pour protéger les réfugiés et les demandeurs d’asile et de garantir, en droit et en pratique, le plein respect du principe de non-refoulement . Il lui recommande également de prendre les dispositions nécessaires pour définir des mesures de substitution à la détention des migrants sans papiers, des demandeurs d’asile et des réfugiés, y compris les enfants, et de faire en sorte que les conditions de vie dans les lieux de détention soient décentes et conformes aux normes internationales .

Apatrides

35.Le Comité se félicite des mesures que l’État partie a prises pour faciliter l’enregistrement des naissances et l’accès à la citoyenneté pour les apatrides qui remplissent les conditions fixées par la législation de l’État partie, mais il note avec préoccupation que, malgré ces efforts, le nombre d’apatrides reste très élevé, en particulier parmi les groupes ethniques et ethnoreligieux, les peuples autochtones, les travailleurs migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile. Il se dit aussi préoccupé par les informations indiquant que des échantillons d’ADN sont prélevés sur des apatrides vivant dans les provinces frontalières du sud et dans des zones reculées afin qu’ils puissent prouver leur droit à la citoyenneté (art. 5).

36. Rappelant sa recommandation générale n o 30 (2004) sur la discrimination contre les non-ressortissants, le Comité recommande à l’État partie :

a) De réviser ses lois et règlements sur l’accès à la citoyenneté et sur sa transmission afin de réduire le risque d’apatridie ;

b) D’abolir la pratique généralisée et discriminatoire consistant à prélever des échantillons d’ADN sur des apatrides appartenant à certains groupes afin qu’ils puissent prouver leur droit à la citoyenneté et de faire en sorte que ces personnes puissent obtenir la citoyenneté par d’autres moyens non discriminatoires, conformément aux normes et aux règles internationales relatives aux droits de l’homme ;

c) De redoubler d’efforts pour faciliter l’accès à l’enregistrement des naissances et à la citoyenneté, en mettant en place des mesures ciblant les groupes ethniques et ethnoreligieux, les peuples autochtones, les travailleurs migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile, y compris dans les zones reculées .

Pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) et discrimination raciale

37.Le Comité prend note des efforts que l’État partie a déployés pour faire face à la pandémie de COVID-19, mais il constate avec inquiétude que les groupes ethniques et ethnoreligieux, les peuples autochtones, les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés n’ont eu qu’un accès limité aux services, biens et structures de santé pendant la pandémie, notamment aux vaccins contre la COVID-19, aux tests, aux masques et aux produits désinfectants. Il constate également avec inquiétude que les personnes qui n’ont pas de document d’identité, de compte bancaire ou de titre de séjour ne pouvaient pas bénéficier des mesures d’aide sociale et d’assistance financière visant à atténuer les répercussions socioéconomiques néfastes de la pandémie, ce qui a eu un effet disproportionné sur les migrants sans papiers et certains membres de groupes ethniques et ethnoreligieux ou de peuples autochtones (art. 5).

38. Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que toute la population ait accès, sans exception ni discrimination, à l’ensemble des services, biens et structures de santé liés à la COVID-19, notamment les vaccins, les tests, les masques et les produits désinfectants . Il lui recommande également de veiller à ce que les besoins particuliers des groupes ethniques et ethnoreligieux, des peuples autochtones, des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés soient pris en compte dans les efforts visant à atténuer les effets socioéconomiques de la pandémie et dans les mesures de relèvement .

Accès à la justice

39.Le Comité prend note des informations fournies par la délégation de l’État partie concernant l’aide juridictionnelle qui a été accordée dans certaines affaires, notamment à des personnes appartenant à des groupes ethniques, mais il demeure préoccupé par les obstacles qui empêchent les groupes ethniques et ethnoreligieux, les peuples autochtones, les migrants, les réfugiés, les demandeurs d’asile et les apatrides d’accéder à la justice, à savoir l’éloignement géographique, les barrières linguistiques et le fait que ces groupes connaissent et comprennent mal les lois et les procédures judiciaires. Il regrette également l’absence d’informations et de données complètes sur les plaintes pour discrimination raciale déposées dans l’État partie et sur leur issue (art. 6 et 7).

40.Compte tenu de sa recommandation générale n o 31 (2005) sur la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures appropriées pour éliminer tous les obstacles qui empêchent les groupes susmentionnés d’accéder à la justice et leur faire mieux connaître les lois, les procédures judiciaires, les recours et les droits que leur reconnaît la Convention . Il recommande également à l’État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations et des statistiques, ventilées par âge, sexe, et origine ethnique ou nationale, sur les plaintes pour discrimination raciale, les enquêtes et les poursuites engagées, les déclarations de culpabilité et les sanctions prononcées et les voies de recours judiciaires ou non judiciaires ouvertes aux victimes .

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

41. Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions intéressent directement les communautés qui peuvent faire l’objet de discrimination raciale, comme la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, ainsi que la Convention de 1948 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (n o 87), la Convention de 1949 sur le droit d’organisation et de négociation collective (n o  98), la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (n o 189) et la Convention de 1989 relative aux peuples indigènes et tribaux (n o 169) de l’OIT . Le Comité encourage l’État partie à adhérer à la Convention relative au statut des apatrides et la Convention sur la réduction des cas d’apatridie .

Amendement à l’article 8 de la Convention

42. Le Comité recommande à l’État partie de ratifier l’amendement à l’article 8 (par .  6) de la Convention, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvé par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111 .

Déclaration visée à l’article 14 de la Convention

43. Le Comité encourage l’État partie à faire la déclaration facultative visée à l’article 14 de la Convention, par laquelle les États parties reconnaissent la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers .

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

44.À la lumière de sa recommandation générale n o  33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention . Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d’action qu’il aura adoptés et les autres mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national .

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

45.À la lumière de la résolution 68/237 de l’Assemblée générale proclamant la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine pour 2015-2024 et de la résolution 69/16 sur le programme d’activités de la Décennie, le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre un programme adapté de mesures et de politiques . Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport des renseignements précis sur les mesures concrètes qu’il aura adoptées dans ce cadre, compte tenu de sa recommandation générale n o 34 (2011) sur la discrimination raciale à l’égard des personnes d’ascendance africaine .

Consultations avec la société civile

46. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et d’élargir le dialogue avec les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, dans le cadre de l’élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales .

Diffusion d’information

47. Le Comité recommande à l’État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission, de diffuser également les observations finales du Comité qui s’y rapportent auprès de tous les organes de l’État chargés de la mise en œuvre de la Convention et de les publier sur le site Web du Ministère des affaires étrangères dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu’il conviendra .

Suite donnée aux présentes observations finales

48. Conformément à l’article 9 (par . 1) de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur, le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 22 (défenseurs des droits de l’homme), 24 b) et d) (situation des groupes ethniques et ethnoreligieux sous le régime de la loi martiale et de l’état d’urgence) et 38 (pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) et discrimination raciale) ci-dessus .

Paragraphes d’importance particulière

49. Le Comité souhaite appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 20 (profilage racial), 26 (situation des groupes ethniques et ethnoreligieux et des peuples autochtones), 28 (terres, territoires et ressources des peuples autochtones) et 30 (traite des personnes) et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite .

Élaboration du prochain rapport périodique

50. Le Comité recommande à l’État partie de soumettre son rapport valant neuvième à douzième rapports périodiques, d’ici au 28 janvier 2026, en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales . À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité demande instamment à l’État partie de respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques .