CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/BWA/CO/164 avril 2006

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑huitième session20 février‑10 mars 2006

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

BOTSWANA

1.Le Comité a examiné les quinzième et seizième rapports périodiques du Botswana, présentés en un seul document (CERD/C/495/Add.1), à ses 1749e et 1750e séances (CERD/C/SR.1749 et 1750), tenues les 3 et 6 mars 2006. À sa 1757e séance (CERD/C/SR.1757), tenue le 9 mars 2005, il a adopté les observations finales suivantes.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport présenté par le Botswana, qui a été élaboré conformément aux directives concernant la présentation des rapports et soumis dans les délais. Il salue la présence d’une délégation de haut niveau et se félicite de la bonne qualité du dialogue engagé avec le Botswana depuis 2002, rendue possible, en particulier, par la volonté de l’État partie de répondre avec franchise aux questions soulevées par le Comité, notamment dans le cadre de la procédure de suivi.

B. Aspects positifs

3.Le Comité se félicite de l’établissement d’un comité interministériel sur les traités, les conventions et les protocoles, dont le rôle est d’aider le Botswana à s’acquitter de ses obligations en matière de rapports découlant des instruments internationaux auxquels il a adhéré.

4.Le Comité félicite l’État partie d’avoir consulté les organisations de la société civile lors de la préparation de son rapport.

5.Le Comité sait gré à l’État partie de faire part, dans son rapport périodique, des débats qui ont lieu dans le pays sur l’application de la Convention.

C. Sujets de préoccupations et recommandations

6.Le Comité regrette le caractère incomplet de l’information communiquée par l’État partie au sujet de la composition ethnique et linguistique de sa population. Il rappelle que l’information sur la composition démographique permet au Comité aussi bien qu’à l’État partie de mieux évaluer l’application de la Convention au plan national.

Le Comité réitère sa recommandation de faire figurer dans le prochain rapport périodique une information plus précise sur la composition ethnique et linguistique de la population, compte dûment tenu du paragraphe 8 de ses directives concernant l’établissement des rapports.

7.Le Comité note que la Cour d’appel du Botswana, dans l’affaire Unity Dow v. the Attorney General (1992), a interprété l’article 3 de la Constitution comme une garantie de la protection égale de la loi pour tous. Il continue de déplorer, cependant, que la définition de la discrimination prévue à cet article n’interdise pas expressément la discrimination fondée sur l’ascendance et sur l’origine nationale ou ethnique, ni la discrimination indirecte.

Le Comité recommande à l’État partie de réviser l’article 3 de la Constitution en vue d’adopter une définition de la discrimination raciale qui soit pleinement conforme à l’article premier de la Convention.

8.Le Comité rappelle avec préoccupation que certaines exceptions à l’interdiction de la discrimination prévues à l’article 15 de la Constitution ne sauraient être justifiées au regard de la Convention. En particulier, l’alinéa b du paragraphe 4 autorise des exceptions eu égard aux non‑ressortissants dont la portée n’est pas compatible avec sa recommandation générale XXX (2004) relative aux non‑ressortissants. Le Comité s’inquiète également de ce que, en vertu des alinéas c et d du paragraphe 4, l’interdiction de la discrimination sur la base de l’origine ethnique ou tribale ne s’applique pas dans le domaine du droit des personnes et du droit coutumier, et que le paragraphe 9 autorise l’application des lois discriminatoires qui étaient en vigueur avant l’adoption de la Constitution.

Le Comité recommande à l’État partie de réviser l’article 15 de la Constitution pour le mettre en pleine conformité avec l’article premier et avec l’article 2, paragraphe 1 c), de la Convention. Dans ce contexte, il devrait prendre en considération le principe selon lequel, en vertu de la Convention, le traitement différencié constitue une discrimination si les critères de différenciation, jugés à la lumière des buts et objectifs de la Convention, ne sont pas appliqués dans un dessein légitime et proportionné à l’accomplissement de ce dessein.

9.Le Comité regrette que la mise en œuvre de l’objectif que s’est donné l’État partie d’édifier une nation fondée sur le principe de l’égalité pour tous se soit faite au détriment de la protection de la diversité ethnique et culturelle. Il note, en particulier, la réticence de l’État partie à admettre l’existence de populations autochtones sur son territoire (art. 2 et 5).

Le Comité, rappelant que le principe de non ‑discrimination commande que les caractéristiques culturelles des groupes ethniques soient prises en considération, engage vivement l’État partie à respecter et à protéger l’existence et l’identité culturelle de tous les groupes ethniques vivant sur son territoire. Il invite en outre l’État partie à revoir sa politique à l’égard des populations autochtones et, dans cette optique, à prendre en considération la façon dont les groupes concernés se perçoivent et se définissent eux ‑mêmes. Le Comité rappelle à cet égard ses recommandations générales 8 (1990) sur l’auto ‑identification et 23 (1997) sur les droits des populations autochtones.

10.Le Comité, tout en prenant note de la volonté de l’État partie de garantir une meilleure représentation à la Chambre des chefs, reste préoccupé de ce que le projet de loi 34 (2004) modifiant les articles 77 à 79 de la Constitution reproduit les règles discriminatoires qui régissent la participation des groupes ethniques à cette instance (art. 2 et 5).

Le Comité prend note des indications de la délégation selon lesquelles le débat sur cette question n’est pas clos et recommande à l’État partie d’adopter les mesures nécessaires pour garantir la participation de tous les groupes ethniques au sein de la Chambre des chefs sur un pied d’égalité.

11.Le Comité réitère sa préoccupation au sujet du caractère discriminatoire de la loi sur les chefferies, reconnu par la Haute Cour du Botswana dans l’affaire Kamanakao and others v. Attorney General of Botswana, le 23 novembre 2001. Il note avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore modifié la loi sur les chefferies et d’autres lois selon que nécessaire, comme l’avait ordonné la Haute Cour (art. 2 et 5).

Le Comité réitère la recommandation qu’il avait faite à l’État partie de modifier la loi sur les chefferies et d’autres lois selon que nécessaire, en particulier la loi sur les territoires tribaux, afin d’en retirer le caractère discriminatoire à l’égard des groupes ethniques non tswanas, et afin d’assurer l’égalité de protection et de traitement à toutes les tribus.

12.Le Comité note avec préoccupation la non‑concordance entre l’information fournie par l’État partie selon laquelle les résidents de la réserve animalière du Kalahari central ont été consultés et ont accepté d’être réinstallés en dehors de la réserve, et des allégations persistantes selon lesquelles les résidents auraient été déplacés de force, au moyen notamment de mesures telles que la cessation de services de base essentiels à l’intérieur de la réserve, le démantèlement des infrastructures existantes, la confiscation du bétail, le harcèlement et le mauvais traitement de certains résidents par la police et le personnel de la réserve, ainsi que l’interdiction de la chasse et des restrictions à la liberté de mouvement à l’intérieur de la réserve (art. 2 et 5).

Le Comité renouvelle à l’État partie sa recommandation de reprendre les négociations avec les résidents de la réserve, notamment avec ceux qui ont été réinstallés, et avec les organisations non gouvernementales, afin de trouver une solution acceptable pour tous. Le Comité, tout en se félicitant qu’il n’y ait pas d’obstacles juridiques à un tel processus, comme l’a indiqué la délégation, recommande qu’une approche fondée sur les droits soit suivie lors des négociations. À cette fin, l’État partie devrait en particulier: a) accorder une attention particulière aux liens culturels étroits qui relient les Basarwa/San à leurs terres ancestrales; b) protéger les activités économiques des Basarwa/San qui sont un aspect fondamental de leur culture, notamment la pratique de la chasse et de la cueillette, qu’ils utilisent des moyens traditionnels ou modernes; c) étudier toutes les options possibles en dehors de la réinstallation; et d) obtenir le consentement préalable libre et en connaissance de cause des personnes et des groupes concernés.

13.Le Comité se déclare préoccupé par l’abrogation du paragraphe 3 c) de l’article 14 de la Constitution, qui risque d’avoir des conséquences pour le procès en cours intenté contre le Gouvernement par certains résidents de la réserve animalière du Kalahari central pour contester leur réinstallation en dehors de celle‑ci. Il note avec préoccupation la position de l’État partie selon laquelle cette disposition n’avait pas à être maintenue dans la mesure où les résidents de la réserve avaient accepté d’être réinstallés (art. 2 et 5).

Le Comité recommande à l’État partie de s’abstenir de toute initiative qui préjugerait de l’issue de l’affaire judiciaire en cours. Dans ce contexte, il appelle l’attention de l’État partie sur le fait que des mesures visant à améliorer la condition des groupes ethniques défavorisés, notamment les dispositions du paragraphe 3 c) de l’article 14 de la Constitution, sont conformes en tout point à la lettre et à l’esprit de la Convention (par. 4 de l’article premier et par. 2 de l’article 2).

14.Le Comité est préoccupé par les difficultés que rencontreraient les pauvres, dont bon nombre appartiennent aux groupes Basarwa/San et à d’autres tribusnon tswanas, à accéder aux tribunaux de common law du fait, en particulier, de frais de justice élevés, de l’absence d’aide judiciaire dans la plupart des cas et de difficultés à bénéficier de services d’interprétation appropriés (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie de prévoir des services d’aide judiciaire et d’interprétation appropriés, en particulier à l’intention des personnes appartenant aux groupes ethniques les plus défavorisés, pour garantir leur accès sans entrave à la justice. Dans ce contexte, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale 31 (2005) sur la prévention de la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale.

15.Le Comité, tout en se félicitant que l’État partie soit disposé à assurer l’enseignement primaire dans les principales langues maternelles des tribus non tswanas, note avec préoccupation que bon nombre d’enfants appartenant à ces tribus ont du mal à bénéficier des programmes scolaires en raison des barrières linguistiques (art. 5 et 7).

Le Comité recommande à l’État partie d’appliquer la politique susmentionnée, notamment dans les régions habitées traditionnellement ou en nombre important par des personnes appartenant aux tribus non tswanas. Il lui recommande également de consulter à ce sujet les tribus concernées.

16.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les programmes scolaires ne font pas mention de l’histoire, de la culture et des traditions des groupes ethniques non tswanas (art. 5 et 7).

Il est demandé à l’État partie de rendre compte dans son prochain rapport périodique des mesures qui ont été adoptées dans le domaine de l’éducation afin de promouvoir la connaissance de l’histoire, de la culture et des traditions de toutes les tribus.

17.Le Comité note avec préoccupation que les décrets du Président du Botswana par lesquels des non‑ressortissants sont déclarés «migrants illégaux» n’autorisent pas de recours effectif devant une instance judiciaire, comme l’a démontré la décision de la cour d’appel dans l’affaire Kenneth Good (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie qu’un recours effectif devant une instance judiciaire soit accordé à toute personne ayant été déclarée «migrant illégal».

18.Le Comité est préoccupé par le fait que, dans la pratique, les demandeurs d’asile soient détenus automatiquement dans des conditions analogues à la prison jusqu’à ce que leur statut soit tranché, processus qui peut durer dans certains cas jusqu’à trois ou quatre ans, et qu’ils ne puissent pas faire appel devant une instance judiciaire lorsqu’ils sont déboutés du statut de réfugié (art. 5).

Le Comité recommande que les demandeurs d’asile soient détenus uniquement lorsque cela est nécessaire, pour une période limitée, en vertu d’autres dispositions que celles de la loi sur les prisons, et conformément aux principes généraux du HCR à cet égard. Le Comité recommande également à l’État partie de reconnaître aux demandeurs d’asile le droit de faire appel de toute décision les déboutant du statut de réfugié devant une instance judiciaire.

19.Le Comité note avec préoccupation que les réfugiés n’ont pas accès au programme de traitement aux antirétroviraux ni au programme de prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant (art. 2 et 5).

Le Comité recommande à l’État partie de respecter le droit des réfugiés à un niveau de santé approprié, notamment en s’abstenant de leur refuser l’accès aux services de santé préventive, curative et palliative ou de limiter cet accès, et d’octroyer aux réfugiés l’accès au programme de traitement aux antirétroviraux et au programme de prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant.

20.Le Comité s’inquiète d’informations selon lesquelles il existerait une hostilité croissante envers les immigrants sans papiers au Botswana, en particulier les Zimbabwéens, dont certains auraient été maltraités par des policiers. Il déplore également que l’État partie n’ait pas donné suffisamment d’informations en réponse aux questions posées sur les allégations faisant état de mauvais traitements par des policiers (art. 4, 5 et 6).

Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale 30 (2004) relative aux non ‑ressortissants. Il recommande à l’État partie de veiller à ce que les autorités compétentes procèdent à une enquête rapide et impartiale en cas de plainte pour mauvais traitements et lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire que des mauvais traitements ont été commis par des agents de l’État, en particulier lorsque ces actes semblent avoir eu une motivation raciste. L’État partie est invité à communiquer au Comité des renseignements détaillés sur le résultat de ces enquêtes. Le Comité recommande également à l’État partie de faire davantage pour assurer une formation suffisante dans le domaine des droits de l’homme aux agents chargés de l’application des lois, notamment sur l’interdiction de la discrimination raciale.

21.Le Comité note que l’État partie n’a pas encore créé d’institution indépendante chargée de promouvoir les droits de l’homme et d’en contrôler le respect, s’agissant notamment des questions liées à l’interdiction de la discrimination raciale et à la promotion de la tolérance entre les groupes ethniques (art. 2, 6 et 7).

Le Comité invite l’État partie à étudier la possibilité de créer une institution nationale indépendante des droits de l’homme, conformément aux principes relatifs au statut des institutions nationales chargées de la promotion et de la protection des droits de l’homme (résolution 48/134 de l’Assemblée générale).

22.Le Comité recommande à l’État partie d’inviter le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones et le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, à effectuer une visite au Botswana.

23.Le Comité recommande à l’État partie de tenir compte des passages pertinents de la Déclaration et du Programme d’action de Durban lorsqu’il incorpore la Convention dans l’ordre juridique interne, notamment les articles 2 et 7, et de donner dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les plans et autres mesures qu’il aura adoptés pour donner suite au niveau national à la Déclaration et au Programme en question.

24.Le Comité note que l’État partie n’a pas fait la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention et lui recommande d’envisager de le faire.

25.Le Comité recommande vivement à l’État partie de ratifier les amendements au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention adoptés le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties et approuvés par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111. À cet égard, le Comité rappelle la résolution 59/176 du 20 décembre 2004 dans laquelle l’Assemblée générale a demandé instamment aux États parties de hâter leur procédure interne de ratification de l’amendement et d’informer par écrit le Secrétaire général dans les meilleurs délais de leur acceptation de cet amendement.

26.Le Comité recommande à l’État partie de mettre à la disposition du grand public ses rapports périodiques dès leur soumission et de faire connaître de la même manière les conclusions du Comité, dans les langues officielles et les principales langues minoritaires.

27.En application du paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et de l’article 65 de son propre Règlement intérieur tel qu’amendé, le Comité demande à l’État partie de l’informer de la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant ci‑dessus aux paragraphes 11, 12, 15 et 19 dans l’année suivant l’adoption des présentes observations finales.

28.Le Comité recommande à l’État partie de présenter ses dix‑septième et dix‑huitième rapports périodiques en un seul document le 22 mars 2009.

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