Observations finales concernant les huitième et neuvième rapports périodiques combinés d’Haïti*

1.Le Comité a examiné les huitième et neuvième rapports périodiques combinés d’Haïti (CEDAW/C/HTI/8-9) à ses 1394e et 1395e séances, les 29 février et 1er mars 2016 (voir CEDAW/C/SR.1394 et 1395). La liste des questions suscitées par ce rapport est parue sous la cote CEDAW/C/HTI/Q/8-9 et les réponses de l’Haïti à ces questions sont consignées dans le document CEDAW/C/HTI/Q/8-9/Add.1.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite que l’État partie ait rendu ses huitième et neuvième rapports périodiques combinés. Il se félicite aussi des réponses écrites qu’il a apportées à la liste des points et questions soulevés par le groupe de travail d’avant-session. Il accueille avec satisfaction l’exposé oral présenté par la délégation et les éclaircissements apportés en réponse aux questions posées par le Comité au cours du dialogue.

3.Le Comité félicite l’État partie pour sa délégation, dirigée par Mme Marie-Élise Brisson-Gelin, directrice générale du Ministère à la condition féminine et aux droits des femmes, et également composée de représentants du Ministère de la justice, du Ministère de l’éducation et de la Mission permanente de la République d’Haïti auprès des Nations Unies à Genève. Le Comité se réjouit du dialogue constructif qui s’est instauré entre la délégation et lui, tout en notant que certaines questions n’ont pas reçu une réponse complète.

B.Aspects positifs

4.Le Comité salue les progrès réalisés depuis l’examen en 2009 du rapport unique de l’État partie valant premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième,

* Adopté par le Comité à sa soixante-troisième session (15 février-4 mars 2016).

sixième et septième rapports périodiques (CEDAW/C/HTI/7) dans la mise en place de réformes législatives, et en particulier l’adoption :

a)Du décret électoral de février 2015, qui établit un quota d’au moins 30 % de candidates sur les listes présentées aux élections municipales et locales et prévoit le versement d’incitations financières aux partis politiques afin d’encourager l’application dudit quota;

b)De la loi sur la paternité, la maternité et la filiation, en 2014, qui garantit l’égalité de traitement aux enfants nés hors mariage;

c)De la loi sur la traite, en 2014;

d)De l’amendement à l’article 17.1 de la Constitution, établissant un quota d’au moins 30 % pour la représentation des femmes à tous les niveaux de la vie politique et publique, notamment dans les services publics, en 2011; et

e)De la loi sur l’intégration des personnes handicapées, en 2012.

5.Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et général en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes, telles que l’adoption ou la mise en place :

a)De la politique en faveur de l’égalité des sexes (2014-2034) et du plan national d’action s’y rapportant (2014-2020);

b)Du Bureau pour l’équité de genre au Parlement (2 décembre 2013);

c)Du Bureau de lutte contre les violences faites aux femmes (25 novembre 2013);

d)Du Comité interministériel des droits de l’homme (13 mai 2013), chargé de coordonner et de suivre les politiques publiques relatives aux droits de l’homme, de formuler des stratégies nationales pour leur mise en œuvre et d’aider à la prise en compte systématique de l’égalité des sexes dans l’ensemble des organismes publics;

e)D’un programme d’action pour assurer l’égalité des sexes, intégré au Plan stratégique national de développement d’Haïti (2012);

f)Du second Plan national de lutte contre les violences faites aux femmes (2012-2016);

6.Le Comité note avec satisfaction que, durant la période écoulée depuis l’examen du rapport précédent, l’État partie a adhéré aux instruments internationaux et régionaux ci-après, ou les a ratifiés :

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2014;

b)Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en 2013;

c)La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en 2011;

d)Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en 2011;

e)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif, en 2009; et

f)La Convention interaméricaine pour l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les personnes handicapées, en 2009.

C.Facteurs et difficultés empêchant la mise en œuvre effective de la Convention

7.Le Comité constate que les efforts déployés par l’État partie depuis 2009 afin d’améliorer la situation des femmes ont largement été entravés par le tremblement de terre meurtrier qui a frappé Haïti le 12 janvier 2010, causant des pertes humaines et matérielles considérables, et que les nombreux problèmes sociaux, économiques et de santé auxquels le pays a été confronté dans la période de relèvement après le séisme, dont l’épidémie de choléra, constituent des obstacles de taille à l’application de la Convention. Le Comité prend acte des divers plans de relèvement en place, notamment le Plan stratégique de développement d’Haïti, qui vise à stimuler la croissance économique. Le Comité estime que ces initiatives nécessitent l’application pleine et entière de la Convention afin de protéger et de défendre les droits de la femme. Le Comité demande donc instamment à l’État partie de mettre en œuvre, à titre prioritaire, les recommandations figurant dans les présentes observations finales, y compris en cherchant à cet effet l’aide et la coopération internationales, le cas échéant. Dans cette optique, le Comité engage l’État partie à adopter, pour la mise en œuvre des présentes recommandations, un plan d’action national quadriennal, qui constituera une feuille de route pour une mise en œuvre et un suivi améliorés. Par ailleurs, le Comité exhorte également l’État partie à associer les femmes à l’élaboration et à la mise en œuvre des stratégies et des programmes de réduction des risques de catastrophe.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Parlement

8. Le Comité insiste sur le rôle essentiel du pouvoir législatif, s’agissant d’assurer la pleine mise en œuvre de la Convention (voir la déclaration du Comité relative à ses relations avec les parlementaires, adoptée à sa quarante-cinquième session, en 2010). Il invite le parlement national, conformément à son mandat, à prendre les mesures nécessaires pour la mise en œuvre des présentes observations finales d’ici à la présentation du prochain rapport périodique au titre de la Convention.

Cadre général

9.Le Comité se félicite de l’entrée en vigueur des lois et stratégies mentionnées au paragraphe 4. Toutefois, il s’inquiète de ce queces efforts n’ont pas encore produit de résultats concrets, faute d’actions cohérentes et coordonnées et de ressources financières, techniques et humaines suffisantes. Le Comité prend également acte de la lenteur du processus législatif et des retards fréquents et prolongés dans la promulgation de plusieurs lois relatives aux droits de la femme. Il constate en outre que l’aide internationale semble avoir été mal coordonnée et qu’elle n’a donc pas pu apporter le secours immédiat dont la population avait besoin. Le Comité prend aussi acte de la situation d’instabilité politique dans laquelle se trouve l’État partie, exacerbée par le retard pris dans l’organisation des élections législatives et présidentielles et leur report, et de l’impasse qui en découle quant à la promulgation des principales lois relatives aux discriminations à l’endroit des femmes. Enfin, il prend note avec une vive préoccupation des discriminations et des mauvais traitements généralisés dont les femmes et les filles continuent de faire l’objet, ainsi que de l’omniprésence des violences sexistes à leur encontre, manifestation la plus grave des discriminations dans le pays, et de leur nette augmentation après le tremblement de terre en raison d’une pauvreté accrue et d’une situation catastrophique sur le plan du logement.

10.Le Comité recommande à l’État partie d’accélérer l’adoption des lois en instance et de veiller à l’établissement de dispositifs d’application, et notamment de sanctions en cas de non-respect. Il exhorte l’État partie à garantir l’allocation de ressources pérennes et suffisantes aux plans d’action en faveur de l’égalité des sexes et de lutte contre les violences faites aux femmes. Le Comité recommande également à l’État partie d’améliorer la coordination avec les institutions des Nations Unies, les autres organisations et les donateurs bilatéraux afin de maximiser les efforts déployés et de veiller à ce que les femmes participent pleinement à la conception et la mise en œuvre des mesures adoptées.

Définition de l’égalité et de la non-discrimination

11.Le Comité s’inquiète de ce que, malgré les mesures prises par l’État partie en ce sens (CEDAW/C/HTI/CO/7, par. 11), aucune loi relative à l’égalité des sexes et à la non-discrimination à l’endroit des femmes n’ait encore été adoptée. Il se déclare par ailleurs préoccupé par la persistance de dispositions discriminatoires dans de nombreuses lois, et notamment dans les Codes civil et pénal, obsolètes. Il s’inquiète également de l’absence d’un calendrier bien défini pour l’adoption des projets de loi en instance qui ont une incidence sur l’exercice par les femmes de leurs droits.

12. Le Comité réitère ses précédentes recommandations ( CEDAW/C/HTI/CO/7 , par. 11, 13 et 17) exhortant l’État partie à accorder la priorité à son processus de réforme législative et à attirer l’attention sur les liens entre les articles 1 et 2 de la Convention et la cible 5.1 de l’objectif de développement durable 5, visant à éliminer toutes les formes de discrimination à l’encontre des femmes et des filles, quel que soit le lieu, et demande par conséquent à l’État partie :

a) D’abroger toutes les dispositions discriminatoires, notamment celles contenues dans les Codes civil et pénal et d’adopter de nouvelles dispositions garantissant l’égalité pour les femmes, conformément à la Convention;

b) D’établir un calendrier précis pour l’adoption de tous les projets de loi à l’examen, en particulier ceux qui portent sur l’égalité des sexes, la lutte contre les violences faites aux femmes, les conditions de travail des employé(e)s de maison et la reconnaissance des unions consensuelles, et de veiller à leur promulgation rapide;

c) De faire appliquer les lois existantes visant à éliminer les discriminations à l’endroit des femmes, dont celles mentionnées au paragraphe 9, par un recours rigoureux à des sanctions;

d) De redoubler d’efforts pour sensibiliser les fonctionnaires, l’Assemblée nationale et le public à l’importance d’une réforme législative globale, systématique et cohérente pour l’instauration de l’égalité des femmes dans la législation et dans la pratique.

Accès à la justice

13.Le Comité s’inquiète des nombreux obstacles auxquels se heurtent les femmes et les filles qui tentent d’accéder à la justice, en particulier dans les affaires de violences sexistes et de mauvais traitements : obstacles linguistiques, facteurs économiques, dysfonctionnement des autorités judiciaires, méconnaissance des droits et réticence à porter plainte par crainte de l’opprobre et des préjugés sociaux, relation avec l’agresseur, réticence des parents ou tuteurs et dépendance financière de la victime, etc. Il regrette également que l’État partie n’ait pas pris de mesures visant à éliminer ces obstacles et à garantir l’indépendance et le professionnalisme des agents d’application de la loi (juges, procureurs et membres des forces de police) et la prise en compte de la problématique hommes-femmes par ces derniers. Par ailleurs, le Comité s’inquiète de la portée limitée du système public d’aide juridique et du fait que les organisations de la société civile ne fournissent qu’une aide juridique minimale.

14. Le Comité, rappelant sa recommandation générale n o  33 (2015) sur l’accès des femmes à la justice, recommande à l’État partie :

a) De veiller à la mise en place et au fonctionnement de tribunaux et d’organes quasi-judiciaires dans l’ensemble de son territoire, pour que les femmes disposent d’un véritable accès à la justice, notamment celles appartenant à des catégories désavantagées et marginalisées, telles que les femmes déplacées ou handicapées;

b) De renforcer les bureaux d’aide juridique et d’en accroître le nombre, d’en augmenter la disponibilité et la qualité dans l’ensemble des régions et de garantir des ressources suffisantes pour leur fonctionnement et pour la mise à disposition gratuite d’une aide juridique efficace;

c) De faire en sorte que les femmes soient mieux informées de leurs droits et aient des notions élémentaires dans tous les domaines du droit afin qu’elles soient à même de revendiquer les droits qu’elles tiennent de la Convention;

d) De veiller à ce que tous les cas de violence et de discrimination à l’égard des femmes soient portés devant les tribunaux pénaux au lieu d’être réglés par voie de médiation;

e) De veiller à ce que les procédures judiciaires se déroulent dans la langue choisie par la victime; et

f) D’améliorer les formations dispensées aux juges, aux procureurs, aux avocats, aux membres de la police et aux professionnels de services connexes en vue de renforcer leurs capacités concernant la Convention.

Dispositif national de promotion des femmes

15.Le Comité salue les efforts entrepris par l’État partie pour mettre en place un véritable dispositif national de statut ministériel, mais déplore que le budget du Ministère à la condition féminine et aux droits des femmes, déjà faible, ait été amputé, passant de 1 % à 0,3 % du budget de l’État partie. Le Comité s’inquiète de ses faibles ressources humaines, techniques et financières et de sa dépendance vis-à-vis des donateurs internationaux, qui risquent d’empêcher le Ministère d’accomplir son mandat. Par ailleurs, le Comité note que la politique relative à l’égalité des sexes (2014-2034) et son plan national d’action (2014-2020) ont été finalisés, mais déplore l’insuffisance de leur financement.

16. Le Comité, rappelant sa recommandation générale n o  6 (1988) sur les mécanismes nationaux et la publicité efficaces, ainsi que les conseils fournis dans le Programme d’action de Beijing au sujet des conditions nécessaires au bon fonctionnement des mécanismes nationaux, le Comité réitère sa précédente recommandation ( CEDAW/C/HTI/CO/7 , par. 15) et prie instamment l’État partie :

a) D’accroître les ressources humaines, techniques et financières dont dispose le Ministère à la condition féminine et aux droits des femmes, de renforcer son mandat de coordination de la mise en œuvre des politiques publiques et des plans nationaux d’action et de veiller à l’utilisation stratégique des financements des donateurs internationaux, en faveur de la promotion des femmes;

b) De renforcer le rôle du Ministère dans la coordination et le suivi des points de contact sur l’égalité des sexes au sein des institutions publiques afin de formuler des stratégies fondées sur les résultats pour la prise en compte de l’égalité des sexes et d’en coordonner la mise en œuvre, y compris à l’échelle locale;

c) De renforcer la coopération avec les organisations non gouvernementales de femmes dans le cadre de la mise en œuvre des politiques publiques de promotion de la femme, de son suivi et de l’évaluation de leurs effets, notamment en adoptant des mécanismes ouverts à tous et en tenant de vastes consultations auprès des femmes lorsqu’il s’agit d’adopter des stratégies en faveur de l’égalité des sexes.

Mesures temporaires spéciales

17.Le Comité se félicite de l’adoption en 2012 de l’amendement constitutionnel prévoyant un quota d’au moins 30 % de femmes à tous les niveaux de la vie publique nationale, notamment dans les services publics, et de la signature en 2015 du décret électoral prévoyant en particulier l’application de ce quota à l’ensemble des listes de candidats présentées aux élections. Toutefois, le Comité s’inquiète de ce que la mise en place du quota n’a pas permis d’accélérer l’instauration d’une véritable égalité entre les sexes, en particulier aux postes décisionnels nominatifs ou électifs, dans l’administration publique et dans le milieu universitaire, où les femmes sont sous-représentées ou désavantagées. Le Comité s’inquiète en outre de l’absence de mesures temporaires spéciales en faveur des femmes et des filles dans les domaines de l’éducation, du développement rural et de la santé.

18. Le Comité réitère sa précédente recommandation ( CEDAW/C/HTI/CO/7 , par. 19) et demande à l’État partie de faire appliquer le quota de 30 % et d’adopter d’autres mesures temporaires spéciales, assorties d’objectifs et de dispositifs incitatifs spécifiques, de programmes de sensibilisation et de soutien et de sanctions judiciaires, ainsi que d’autres mesures volontaristes axées sur les résultats, afin d’accroître la participation des femmes à la vie politique et publique, et de veiller au déblocage d’enveloppes budgétaires consacrées à des mesures en faveur des femmes dans les domaines de l’éducation, du développement rural et de la santé, conformément à l’article 4, alinéa 1, de la Convention et à la recommandation générale n o  25 (2004) du Comité.

Stéréotypes et pratiques discriminatoires

19.Le Comité prend acte des mesures prises par l’État partie en vue de moderniser les manuels scolaires et de renforcer les capacités des autorités judiciaires concernant les effets négatifs des stéréotypes discriminatoires et des idées préconçues quant aux rôles et aux comportements des femmes. Toutefois, le Comité s’inquiète de la transmission dès l’enfance de stéréotypes discriminatoires concernant le rôle des femmes et des hommes au sein de la famille et de la société, de l’omniprésence de ces stéréotypes dans la société, du fait qu’ils puissent s’exprimer par la voie des autorités judiciaires, exécutives et législatives et de l’absence de formulation par l’État partie d’une stratégie globale en faveur d’une évolution culturelle et de l’élimination des stéréotypes discriminatoires à l’endroit des femmes.

20. Le Comité réitère sa précédente recommandation ( CEDAW/C/HTI/CO/7 , par. 21) et exhorte l’État partie à :

a) Mettre sur pied une stratégie nationale globale comportant des mesures volontaristes soutenues applicables aux femmes et aux hommes à tous les niveaux de la société afin de lutter contre les stéréotypes discriminatoires, tels que la pratique largement répandue de mainmise des hommes sur le corps des femmes et des filles;

b) Veiller à ce que les autorités judiciaires, exécutives et législatives prennent conscience qu’elles doivent prendre activement part à la lutte contre les stéréotypes discriminatoires;

c) Concevoir et mettre en œuvre, en coopération avec la société civile, des programmes de sensibilisation, en particulier dans les zones rurales et isolées, pour diffuser des représentations positives et non caricaturales des femmes;

d) Établir un dispositif de suivi et d’évaluation de la mise en œuvre des mesures adoptées pour venir à bout des stéréotypes discriminatoires à l’endroit des femmes.

Violences faites aux femmes et pratiques préjudiciables

21.Le Comité salue la création du Bureau de lutte contre les violences faites aux femmes dans l’État partie et la finalisation du projet de loi sur la lutte contre les violences faites aux femmes. Toutefois, il s’inquiète vivement :

a)De l’absence de loi pénalisant particulièrement les violences faites aux femmes, et notamment les violences domestiques, les violences sexuelles, l’inceste, le viol conjugal et le harcèlement sexuel;

b)De l’efficacité limitée des initiatives de lutte contre les violences faites aux femmes, qui ne sont pas pérennes, faute de coordination et de financements sur le budget de l’État et en raison d’une forte dépendance vis-à-vis de financements extérieurs;

c)De l’accès limité pour les femmes et les filles à des dispositifs de protection et d’aide aux victimes, et notamment de l’absence de centres d’accueil;

d)D’une certaine acceptation sociale des violences domestiques et sexuelles, entourées d’une culture du silence et de l’impunité, ainsi qu’en attestent les faibles taux de condamnation pour les actes de violences sexuelles et autres formes de violences sexistes, alors que le viol reste l’un des crimes les plus signalés dans l’État partie;

e)Du faible signalement des violences faites aux femmes, faute de confiance dans les juges, procureurs et agents de police, et d’un recours trop important à la médiation et à la conciliation dans ce type d’affaires;

f)De la dissimulation courante par les familles des cas d’inceste à cause de la honte qui y est attachée et de dispositions du Code civil interdisant aux officiers d’état civil d’enregistrer une déclaration de naissance d’un enfant né de l’inceste.

22. Le Comité, rappelant sa recommandation générale n o  19 (1992) sur les violences faites aux femmes, prie instamment l’État partie :

a) D’accélérer l’adoption du projet de loi sur la lutte contre les violences faites aux femmes et de veiller à ce qu’il prévoie la pénalisation du viol, y compris du viol conjugal, de l’inceste et du harcèlement sexuel, et ne renvoie pas le règlement des affaires de violences faites aux femmes à la médiation ou à la conciliation;

b) D’allouer les ressources nécessaires à la mise en œuvre coordonnée et efficace des initiatives de lutte contre les violences faites aux femmes, telles que le plan national d’action en la matière et le Bureau créé à cet effet;

c) De faire en sorte que les victimes ne subissent plus l’opprobre et qu’elles soient encouragées à signaler les actes de violences domestiques, sexuelles ou d’autre nature commis contre les femmes, en leur garantissant l’accès à de véritables dispositifs de protection et de réparation, y compris l’indemnisation et la poursuite et la condamnation des auteurs et l’indemnisation par un tribunal pénal compétent;

d) D’éliminer les obstacles auxquels se heurtent les victimes de violences sexistes pour accéder à la justice en supprimant l’obligation de production d’un certificat médical pour l’ouverture d’une procédure pénale pour viol.

e) De fournir une aide et une protection adaptées aux femmes et filles victimes de violences, notamment par l’ouverture de centres d’accueil et la mise en place de programmes de réadaptation psychosociale et de réinsertion pour les victimes de violences, en particulier dans les zones rurales, et en coordonnant les interventions et les mesures de soutien, en coopération avec les organisations de la société civile et les partenaires internationaux;

f) D’intensifier les efforts de sensibilisation de l’opinion publique, par la voie de campagnes stratégiques dans la presse et de programmes éducatifs cohérents et de mettre en place des programmes obligatoires de renforcement des capacités destinés aux agents d’application de la loi, aux professionnels de santé, aux éducateurs et aux travailleurs sociaux pour qu’ils apportent leur aide aux victimes en tenant compte des sexospécificités;

g) De modifier le Code civil pour garantir l’enregistrement de toutes les déclarations de naissance, sans exception.

Traite et exploitation de la prostitution

23.Le Comité salue l’adoption de la loi de lutte contre la traite des êtres humains. Toutefois, il s’inquiète de l’absence de plan d’action en garantissant l’application. Le Comité se préoccupe tout particulièrement de la poursuite de la traite des femmes et des filles, notamment à la frontière avec la République dominicaine, et du fait que les cas de traite fassent, semble-t-il, rarement l’objet d’enquêtes de police. Dans ce contexte, le Comité s’inquiète par ailleurs d’informations concernant des femmes et des filles forcées de monnayer des relations sexuelles en échange de nourriture et d’articles de première nécessité, ainsi que de cas d’exploitation de femmes et de filles par des agents de la mission des Nations Unies pour le maintien de la paix en Haïti.

24. Le Comité réitère sa précédente recommandation ( CEDAW/C/HTI/CO/7 , par. 27) et rappelle la cible 5.2 de l’objectif de développement durable 5, visant à éliminer de la vie publique et de la vie privée toutes les formes de violence faite aux femmes et aux filles, y compris la traite et l’exploitation sexuelle et d’autres types d’exploitation, et demande à l’État partie :

a) De consacrer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes à la mise en œuvre effective de la loi de 2014 pénalisant la traite des êtres humains, y compris par l’élaboration d’un plan national de lutte contre la traite, notamment à des fins d’esclavage domestique et de prostitution forcée;

b) De renforcer la coopération internationale, régionale et bilatérale avec les pays d’origine, de transit et de destination afin de prévenir la traite par l’échange d’informations et d’harmoniser les procédures judiciaires destinées à poursuivre les trafiquants;

c) De proposer aux membres des forces de l’ordre des programmes continus de renforcement des capacités en vue de détecter rapidement les cas de traite, orienter et aider les victimes;

d) De mener des campagnes nationales d’éducation et de sensibilisation sur les risques et le caractère criminel de la traite;

e) De s’attaquer aux causes profondes de la traite et de l’exploitation des femmes, notamment la pauvreté, afin que les filles et les femmes ne soient plus exposées à l’exploitation sexuelle et à la traite, et d’œuvrer en faveur du rétablissement et de la réinsertion sociale des victimes en leur offrant une assistance, des services de réadaptation et la possibilité d’exercer une activité génératrice de revenus;

f) De mettre en place un cadre juridique de lutte contre l’impunité qui prévaut dans le contexte précité, de prendre des mesures préventives de protection des femmes et des filles risquant d’être exploitées sexuellement par des agents de la mission de maintien de la paix des Nations Unies en Haïti et de faire en sorte qu’elles aient accès à la justice.

Participation à la vie politique et publique

25.Le Comité salue l’adoption du décret électoral de 2015 qui prévoit un quota d’au moins 30 % de femmes dans les listes présentées aux élections. Toutefois, le Comité s’inquiète :

a)De l’absence de femme élue au Parlement depuis la mise en place de ces quotas et partant, de la sous-représentation persistante des femmes dans les instances législatives à l’échelle nationale et municipale, au gouvernement et aux postes décisionnels de la fonction publique, des partis politiques et à l’échelon international;

b)De la diminution du nombre de femmes ministres depuis le dernier examen;

c)De la place encore faible des femmes dans les autorités judiciaires, aux postes de procureurs et dans la police nationale.

26. Conformément à sa recommandation générale n o  23 (1997) sur les femmes dans la vie publique et politique, le Comité réitère sa précédente recommandation ( CEDAW/C/HTI/CO/7 , par. 29) et demande à l’État partie :

a) De faire appliquer les quotas obligatoires imposés par la Constitution et par la loi, par la voie de sanctions en cas de non-respect, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, et à la recommandation générale n o  25 (2004) du Comité sur le sujet, afin d’accélérer l’instauration d’une égalité de représentation des femmes dans la vie politique et publique, les assemblées législatives, les autorités judiciaires et la fonction publique à l’échelle nationale, régionale et locale, ainsi que sur la scène internationale;

b) D’élaborer une stratégie nationale, assortie de ressources suffisantes, visant à promouvoir les femmes et à les rendre autonomes à tous les niveaux de la vie politique et publique, en particulier aux postes décisionnels, notamment pour la conception, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des politiques de développement et des projets communautaires;

c) De sensibiliser les responsables politiques, les journalistes, les enseignants et les chefs communautaires aux droits de la femme et à l’égalité des sexes afin de leur faire mieux comprendre que la participation véritable, libre et démocratique des femmes et des hommes en qualité d’égaux à la vie politique et publique est indispensable à l’application pleine et entière de la Convention;

d) De proposer aux candidates potentielles des programmes de renforcement de leurs capacités à faire campagne et à diriger afin d’encourager les femmes à se présenter aux élections.

Nationalité

27.Le Comité prend acte des mesures prises par l’État partie pour améliorer l’enregistrement des naissances, mais s’inquiète du nombre de personnes ne possédant pas de pièce d’identité ou d’acte de naissance, ce qui augmente leur risque d’être apatride. Il s’inquiète en outre de la situation des personnes d’origine haïtienne vivant en République dominicaine récemment devenues apatrides. Le Comité salue donc la décision de l’État partie de ratifier la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.

28. Le Comité recommande à l’État partie d’accélérer l’adoption de sa loi à l’examen sur la nationalité et d’adopter un cadre national relatif au droit d’asile. L’État partie est invité à renforcer son système d’état civil par la délivrance systématique d’actes de naissances et de pièces d’identité. Le Comité recommande également l’ouverture de négociations avec les autorités de la République dominicaine concernant la situation des personnes d’origine haïtienne vivant en République dominicaine. Le Comité recommande à l’État partie de ratifier sans délai la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.

Éducation

29.Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour améliorer l’accès des femmes et des filles à l’éducation et réduire leur taux d’analphabétisme, par la voie du Programme de scolarité universelle gratuite et obligatoire, lancé en 2011. Toutefois, le Comité constate avec préoccupation :

a)La faible scolarisation et la chute progressive des taux d’achèvement de scolarité des filles dans l’enseignement secondaire, en particulier dans les zones rurales, dues à l’extrême pauvreté et au travail des enfants;

b)L’absence d’installations sanitaires adéquates et d’eau potable dans un grand nombre d’écoles;

c)Les taux élevés de violences sexuelles et de harcèlement subis par les filles à l’école ou sur le chemin et l’absence de mesures de lutte contre ces violences;

d)L’absence, à tous les niveaux de l’enseignement, d’une information sur les droits et sur la santé sexuelle et procréative adaptée à l’âge des élèves;

e)L’inadéquation entre les matières professionnelles enseignées aux filles à l’Institut national de formation professionnelle et les besoins du marché du travail.

30. Le Comité réitère sa précédente recommandation ( CEDAW/C/HTI/CO/7 , par. 31) et exhorte l’État partie à :

a) Délivrer aux filles un enseignement de base au niveau secondaire, notamment par la pleine mise en œuvre d’un enseignement gratuit et obligatoire, en particulier dans les zones rurales, en veillant à ce que les écoles, surtout celles qui accueillent des adolescentes, soient pourvues d’installations sanitaires adéquates et disposent d’eau potable;

b) Renforcer les programmes visant à sensibiliser les parents et l’ensemble de la population à l’importance de l’éducation pour les filles au-delà de l’enseignement primaire;

c) Instaurer des conditions qui permettent aux filles de fréquenter l’école en toute sécurité sans subir de discrimination ni de violences sexuelles, que ce soit en milieu scolaire ou autour des établissements, et une politique de réintégration des mères adolescentes;

d) Mettre en place des mécanismes de signalement et de recherche des responsabilités afin que les auteurs de violences ou de harcèlement sexuels envers des filles à l’école reçoivent les sanctions appropriées;

e) Incorporer dans les programmes scolaires, à tous les niveaux de l’enseignement, une éducation adaptée à l’âge des élèves sur les droits et la santé sexuelle et procréative, notamment des cours sur le comportement sexuel responsable, les infections sexuellement transmissibles et sur le droit des femmes de prendre librement elles-mêmes les décisions relatives à leur santé sexuelle et procréative, et de former les enseignants à traiter ces sujets dans la perspective de l’égalité entre hommes et femmes;

f) Lutter contre la sous-représentation des jeunes femmes dans l’enseignement professionnel et supérieur, notamment en proposant aux filles des services d’orientation professionnelle qui les renseignent sur des domaines d’étude ou des carrières non traditionnels, en particulier dans les secteurs techniques et professionnels qui offrent de véritables débouchés susceptibles de générer des revenus;

g) Tenir compte de la cible 4.5 de l’objectif de développement durable 4, visant à éliminer les inégalités entre les sexes dans l’enseignement.

Emploi

31.Le Comité prend acte de la décision de l’État partie de former et de déployer sur l’ensemble de son territoire un nombre important d’inspecteurs du travail. Le Comité constate toutefois avec inquiétude que :

a)La loi relative aux conditions de travail des employé(e)s de maison adoptée par le Parlement en 2009 n’a toujours pas été promulguée;

b)Les femmes travaillent principalement dans le secteur informel, occupant des emplois non qualifiés et mal payés, sans couverture sociale et où elles sont fréquemment victimes de harcèlement sexuel;

c)Les femmes sont confrontées à des taux de chômage élevés, à la persistance d’une ségrégation verticale et horizontale sur le marché du travail et à des écarts de salaires avec les hommes, en particulier dans le secteur privé;

d)Les filles, plus particulièrement, sont exploitées dans le cadre de la pratique dite du « restavèk », qui consiste à les réduire en esclavage chez des particuliers, où elles sont systématiquement privées de l’affection de leur famille et de leur droit à l’éducation, soumises à des travaux forcés, non rémunérées et exposées à des violences physiques, sexuelles et verbales.

32. Le Comité rappelle la cible 5.4 de l’objectif de développement durable 5, visant à prendre en compte et valoriser les soins et travaux domestiques non rémunérés, par la mise en place de services publics, d’infrastructures et de politiques de protection sociale et par la promotion du partage des responsabilités dans le ménage et la famille, en fonction du contexte national, rappelle ses précédentes recommandations ( CEDAW/C/HTI/CO/7 , par. 33 et 35) et demande à l’État partie :

a) D’accélérer la promulgation du projet de loi sur les conditions de travail des employé(e)s de maison, de former les inspecteurs du travail à faire rigoureusement appliquer ladite loi et de mener une campagne d’information et de sensibilisation à la nouvelle loi;

b) D’adopter une loi définissant largement le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, de délivrer des formations de sensibilisation au signalement de ce type de cas, d’alléger la charge de la preuve qui incombe aux victimes et d’offrir à celles-ci des voies de recours effectives, dont l’indemnisation;

c) De mettre en œuvre le plan d’action relatif à l’égalité des sexes figurant dans le Plan de développement stratégique d’Haïti et dans le Plan d’action pour l’accélération de la réduction de la pauvreté, notamment pour lutter contre la discrimination envers les femmes au niveau de l’emploi et veiller à ce qu’elles bénéficient des dispositifs en faveur de l’emploi et de l’entrepreneuriat et des dispositifs de protection sociale;

d) De prendre des mesures pour combler les écarts salariaux entre femmes et hommes et de mettre en œuvre le principe d’égalité salariale (à travail de valeur égale, salaire égal), conformément à la recommandation générale n o  13 (1989) du Comité relative à la rémunération égale du travail de valeur égale;

e) De ratifier la Convention n o  189 de 2011 concernant le travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques et de garantir l’accès de ces travailleurs à une protection et à des prestations sociales, dont l’assurance maladie et le congé maternité;

f)D’abolir de toute urgence la pratique du restavèk et de proposer à ses victimes des services de réadaptation.

Santé

33.Le Comité salue les mesures prises par l’État partie pour améliorer l’état de santé de sa population, notamment le renforcement des formations de spécialistes et l’amélioration des infrastructures. Il s’inquiète toutefois de l’inadéquation du budget consacré au secteur de la santé, en particulier aux soins de maternité, de sa forte dépendance aux soutiens financiers extérieurs et de l’accès limité pour les femmes à des services de santé essentiels et à une prise en charge obstétricale de base, en particulier dans les zones rurales. Le Comité se dit également préoccupé des taux élevés de mortalité maternelle et de grossesses précoces, de l’usage extrêmement faible de contraceptifs modernes et du recours excessif à l’avortement comme méthode de planification familiale. Le Comité constate en outre avec inquiétude que l’État partie n’a pas encore adopté de loi dépénalisant l’avortement (CEDAW/C/HTI/CO/7, par. 37).

34. Le Comité, rappelant sa recommandation générale n o  24 (1999) sur les femmes et la santé, attire l’attention de l’État partie sur les cibles 3.1 et 3.7 de l’objectif de développement durable 3, sur la réduction du taux mondial de mortalité maternelle et sur l’accès de tous à des services de soins de santé sexuelle et procréative et réitère sa précédente recommandation ( CEDAW/C/HTI/CO/7 , par. 37), demandant à l’État partie :

a) D’augmenter le budget alloué aux soins de santé et le nombre de soignants et d’agents sanitaires formés, dont les sages-femmes, en particulier en milieu rural, et de garantir aux femmes l’accès à des services de santé essentiels et à une prise en charge obstétricale de base;

b) De réviser le Plan directeur de la santé (2012-2022) et le Plan national stratégique de santé pour la santé reproductive et la planification familiale (2013-2016) afin de tenir compte des facteurs culturels et des questions d’égalité des sexes qui limitent l’accès des femmes aux services de santé et de faire en sorte que les femmes participent aux décisions prises en matière de santé et d’hygiène de base, ainsi que de prévention et de gestion des épidémies;

c) D’accélérer l’adoption d’une loi légalisant l’avortement, au moins lorsque la vie ou la santé de la femme enceinte est en danger, et en cas de viol, d’inceste ou de grave malformation fœtale, et de faire en sorte que les femmes puissent avoir recours à l’avortement de façon sûre, abordable et confidentielle et bénéficier de soins de suite sur tout le territoire de l’État partie;

d) De réduire davantage la mortalité maternelle en proposant des services de santé appropriés en matière de sexualité et de procréation, dont l’accès à des soins anténatals, à des soins obstétricaux et à des soins postnatals. À cet égard, l’État partie est encouragé à examiner le Guide technique concernant l’application d’une approche fondée sur les droits de l’homme à la mise en œuvre des politiques et des programmes visant à réduire la mortalité et la morbidité maternelles évitables ( A/HRC/21/22 et Corr.1 et 2), préparé par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme;

e) De réduire le nombre de grossesses précoces en veillant à ce que les garçons et les filles reçoivent, de façon appropriée à leur âge, une éducation à la santé et aux droits en matière de sexualité et de procréation, notamment sur le comportement sexuel responsable, et à ce qu’ils puissent accéder, de façon abordable, à des méthodes modernes de contraception, dont la contraception d’urgence, pour les femmes et les filles comme pour les hommes et les garçons.

VIH/sida

35.Le Comité constate avec inquiétude le nombre disproportionné de femmes vivant avec le VIH/sida dans l’État partie.

36. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à l’égalité d’accès des femmes et des hommes à la prévention et au traitement du VIH/sida, notamment la prévention de la transmission du VIH/sida de la mère à l’enfant. Il recommande en outre à l’État partie de lutter contre la stigmatisation et la discrimination persistantes qui frappent les femmes vivant avec le VIH/sida et de sensibiliser les hommes, notamment ceux qui ont des pratiques sexuelles à risque et ceux vivant avec le VIH/sida, à la responsabilité qui leur incombe d’éviter de transmettre le virus à leurs partenaires sexuels.

Femmes en zone rurale

37.Le Comité s’inquiète de ce que les femmes en zone rurale sont largement exposées à des taux élevés de pauvreté, d’analphabétisme et de chômage, n’ont que peu accès à des services essentiels et ne participent que de façon marginale aux décisions relatives à des problématiques les concernant. Le Comité est par ailleurs préoccupé des effets dévastateurs de la récente sécheresse sur les récoltes et les revenus des femmes vivant en zone rurale. Le Comité regrette tout particulièrement que, malgré leur importance dans la production alimentaire, les femmes n’aient pas été consultées lors de l’élaboration des politiques agraires et n’aient pas pu y participer.

38. Le Comité réitère sa recommandation ( CEDAW/C/HTI/CO/7 , par. 39) exhortant l’État partie à adopter une stratégie globale, assortie de mesures spéciales temporaires, visant à améliorer la situation des femmes et des filles vivant en zone rurale et à répondre à leurs besoins. Il conviendra d’accorder une attention particulière à leur accès à la justice, à la vie politique et publique, à l’emploi, aux soins de santé, aux débouchés économiques, à la propriété et à l’occupation foncière et au crédit bancaire, en particulier s’agissant de développement rural. Le Comité recommande également à l’État partie de veiller à la représentation des femmes vivant en zone rurale dans les processus de décision dans le secteur agricole, à tous les niveaux, leur permettant ainsi de mieux réagir face aux effets des catastrophes naturelles et des changements climatiques.

Incidences des changements climatiques et des catastrophes naturelles sur les femmes

39.Le Comité rappelle la vulnérabilité de l’État partie aux violents changements environnementaux et climatiques et aux catastrophes naturelles. À cet égard, il s’inquiète de ce que les changements climatiques et autres catastrophes liées au climat touchent les femmes rurales de façon disproportionnée, celles-ci étant fortement tributaires de l’accès aux ressources naturelles pour leur survie au quotidien. Le Comité s’inquiète par ailleurs du manque d’informations et de possibilités offertes aux femmes de participer à l’élaboration des politiques et aux processus de décision concernant les initiatives de réduction des risques liés aux changements climatiques et aux catastrophes.

40.Le Comité recommande à l’État partie de veiller à l’intégration et à la participation active des femmes aux processus de planification, de décision et de mise en œuvre en matière de réduction des risques de catastrophe, de gestion du relèvement et de changements climatiques.

Groupes de femmes défavorisées

Les femmes handicapées

41.Le Comité prend acte de l’adoption par l’État partie d’une loi protégeant les droits des personnes handicapées. Il s’inquiète néanmoins de la stigmatisation et des discriminations considérables dont les femmes et les filles handicapées continuent de faire l’objet dans l’État partie, ainsi que des violences et de l’exploitation sexuelle qu’elles subissent fréquemment. Le Comité constate avec inquiétude les obstacles auxquels elles sont confrontées en matière d’accès à la justice, de participation politique, d’emploi, d’éducation et de services de santé sexuelle et procréative.

42. Le Comité rappelle sa recommandation générale n o  18 (1991) sur les femmes handicapées et recommande à l’État partie de mettre effectivement en œuvre la loi sur l’intégration des personnes handicapées par la voie de sanctions appropriées contre les auteurs de violences et de discriminations à l’endroit des femmes et des filles handicapées et en veillant à ce que les victimes de tels actes reçoivent une indemnisation satisfaisante. Le Comité recommande également à l’État partie de mener des actions de sensibilisation afin de faire évoluer les attitudes culturelles négatives envers les femmes et les filles handicapées et de faire en sorte qu’elles accèdent à la justice, à la participation politique, à l’éducation, à des activités génératrices de revenus et à des soins de santé, y compris en matière de sexualité et de procréation.

Les femmes déplacées

43.Le Comité s’inquiète des conditions de vie extrêmement difficiles et des problèmes de santé, en particulier de la propagation fulgurante du choléra, de l’absence d’eau potable et d’assainissement dignes de ce nom et du mal-logement dans des camps de fortune, auxquels sont confrontées les femmes apatrides, les femmes déplacées par le séisme de 2010 et les femmes d’ascendance haïtienne expulsées de République dominicaine. Le Comité constate avec inquiétude le taux élevé de violences sexuelles que subissent ces femmes et filles et l’inadéquation des mesures prises pour prévenir pareils actes, enquêter, poursuivre et condamner leurs auteurs et faire en sorte que les victimes obtiennent réparation. Il s’inquiète en outre de l’effet cumulatif sur ces femmes de l’absence de soins de santé de base, de logement et d’éducation dignes de ce nom et de la perte de moyens de subsistance et de débouchés économiques.

44. Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre un plan d’action visant à offrir de toute urgence aux femmes déplacées des services de base, notamment en matière d’éducation, de débouchés économiques et de soins de santé, et de veiller à les protéger des violences, dans les camps ou à l’extérieur de ceux-ci, à poursuivre et à condamner comme il se doit les auteurs de pareils actes et de faire en sorte que les victimes bénéficient d’une aide et d’une réparation appropriées. L’État partie est invité à aider les ressortissants haïtiens qui cherchent à régulariser leur situation en République dominicaine et à faire en sorte que les Haïtiennes déportées ou rentrant volontairement de la République dominicaine bénéficient de mesures de réintégration dans l’État partie.

Les femmes incarcérées

45.Le Comité s’inquiète du nombre élevé de femmes incarcérées en détention provisoire, parfois depuis plusieurs années. Il s’inquiète par ailleurs de rapports faisant état d’une surpopulation importante dans les prisons pour femmes et de l’absence de séparation parmi les détenues entre les jeunes filles et les femmes adultes et entre les femmes en détention provisoire et les condamnées.

46. Le Comité recommande à l’État partie d’appliquer les Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (dites « Règles de Bangkok ») et de proposer des solutions de substitution à la détention afin de réduire le nombre élevé de femmes en détention provisoire.

Les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres

47.Le Comité prend note de l’inquiétude exprimée par le Comité des droits de l’homme concernant « un nombre non négligeable de manifestations d’hostilité et autres actes contre les LGBT [lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres] y compris des actes de violences et d’attaques contre les institutions défendant leurs droits, qui sont intimement liés à la persistance de stéréotypes à l’égard de ces groupes » (CCPR/C/HTI/CO/1 (2014), par. 9).

48. Le Comité recommande à l’État partie de protéger efficacement les personnes lesbiennes, bisexuelles et transgenres des violences et des discriminations et de faire en sorte qu’elles aient accès à la justice, par une véritable prise en charge de leurs plaintes, la condamnation des auteurs de tels actes et le versement d’indemnisations.

Mariage et relations familiales

49.Le Comité se préoccupe du fait que les dispositions discriminatoires demeurant dans le Code civil, en particulier le statut inférieur des femmes dans les relations familiales, n’aient pas encore été abrogées. La majorité des couples dans l’État partie vivant en union consensuelle, le Comité s’inquiète également de ce que le projet de loi sur la reconnaissance de ces unions (plaçage) ne figure pas dans le calendrier législatif, privant ainsi les femmes vivant dans l’État partie de l’égalité des droits avec les hommes dans les relations familiales. Le Comité s’inquiète par ailleurs de la pratique courante consistant pour les pères à ne pas reconnaître la paternité de leurs enfants biologiques, qui entraîne un manquement généralisé des hommes à leurs obligations parentales et réduit à la pauvreté les nombreux ménages dirigés par des femmes et les enfants concernés.

50. Le Comité, rappelant ses recommandations générales n o  21 (1994) sur l’égalité dans le mariage et les relations familiales et n o  29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage, les relations familiales et leur dissolution, réitère sa précédente recommandation ( CEDAW/C/HTI/CO/7 , par. 41) et exhorte l’État partie à accélérer l’adoption du projet de loi sur le plaçage et la révision du Code civil, en particulier les dispositions relatives au droit de la famille, pour faire en sorte que les deux partenaires d’une union consensuelle aient les mêmes droits et les mêmes devoirs, tant pendant la durée de l’union qu’après sa dissolution. Le Comité recommande par ailleurs à l’État partie d’envisager le renversement de la charge de la preuve pour l’établissement de la paternité, lorsque celle-ci est contestée.

Collecte et analyse de données

51. Le Comité recommande à l’État partie d’améliorer la collecte, l’analyse et la diffusion de données complètes, ventilées par sexe, âge, handicap, ethnicité, lieu de résidence et situation socioéconomique, ainsi que l’emploi d’indicateurs mesurables pour évaluer les tendances de la situation des femmes et les progrès vers la réalisation par les femmes d’une égalité effective dans tous les domaines couverts par la Convention.

Protocole facultatif et amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

52. Le Comité encourage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention et à accepter, le plus tôt possible, l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention, concernant la durée des réunions du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

53. Le Comité invite instamment l’État partie à faire usage de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing dans ses efforts pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

54. Le Comité appelle à la réalisation d’une égalité effective des sexes, conformément aux dispositions de la Convention, dans la totalité du processus de mise en œuvre du programme de développement durable à l’horizon 2030.

Diffusion

55. Le Comité demande à l’État partie de s’assurer de diffuser en temps opportun les présentes observations finales dans la/les langue(s) officielle(s) de l’État partie, à tous les niveaux (national, régional et local) des institutions d’État concernées, en particulier au Gouvernement, aux ministères, au P arlement national et à l’appareil judiciaire, afin d’en permettre l’application complète.

Assistance technique

56. Le Comité recommande à l’État partie de lier la mise en œuvre de la Convention à ses efforts de développement et de recourir à cette fin à l’assistance technique régionale ou internationale.

Ratification d’autres traités

57. Le Comité note que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux sur les droits de l’homme permettrait aux femmes d’exercer plus complètement leurs droits et libertés élémentaires dans tous les aspects de la vie. Il encourage donc l’État partie à envisager de ratifier la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (signée en 2013), la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (signée en 2013), la Convention relative aux droits des personnes handicapées et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (signés en 2007).

Suivi des observations finales

58. Le Comité demande à l’État partie de communiquer par écrit, dans les deux ans à venir, des informations sur les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations contenues aux paragraphes 18, 22 a) et 50 ci-dessus.

Préparation du prochain rapport

59. Le Comité invite l’État partie à soumettre son huitième rapport périodique en mars 2020.

60. Le Comité demande à l’État partie de respecter les directives harmonisées pour l’établissement de rapports dans le cadre des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme, et notamment les directives concernant l’établissement d’un document de base commun et de documents spécifiques à chaque instrument ( HRI/MC/2006/3 et Corr.1).