Nations Unies

CRPD/C/SR.363

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

27 février 2018

Original : français

Comité des droits des personnes handicapées

Dix- neuvième session

Compte rendu analytique de la 363 e séance

Tenue au Palais des Nations, à Genève, le jeudi 15 février 2018, à 15 heures

Président (e): Mme Degener

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 35 de la Convention (suite)

Rapport initial d ’ Haïti

La séance est ouverte à 1 5  heures.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 35 de la Convention

Rapport initial d ’ Haïti (CRPD/C/HTI/1 ; CRPD/C/HTI/1/Q/1 ; CRPD/C/HTI/1/Q/1/Add.1 ; HRI/CORE/1/Add.113)

1.Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation haït ienne prend place à la table du  Comité.

2.M.  Dunbar (Haïti) dit que le tremblement de terre du 12 janvier 2010, qui a fait quelque 222 000 morts et 300 000 blessés, a considérablement augmenté le nombre de personnes handicapées, qui représentent désormais 10 % de la population. Près de 100 000 sinistrés du tremblement de terre, dont des personnes handicapées, vivent toujours dans des camps. La situation a été encore aggravée par l’ouragan Matthew qui a dévasté, en octobre 2016, le sud d’Haïti et touché 2,1 millions de personnes. Paradoxalement, ces deux catastrophes naturelles ont provoqué une prise de conscience de la population et l’on a constaté un changement des mentalités à l’égard du handicap. La problématique du handicap est désormais mieux acceptée et reconnue, et la perception du handicap a également évolué grâce aux intenses activités de plaidoyer et de sensibilisation menées par les autorités à différents niveaux, notamment associatif, communautaire, institutionnel et médiatique.

3.Sur le plan normatif, il convient de mentionner l’adoption en mars 2012 de la loi relative à l’intégration des personnes handicapées, qui est entrée en vigueur le 21 mai de la même année. Ce texte vise notamment à promouvoir des principes et des valeurs concourant à l’intégration pleine et entière de ces personnes dans toutes les sphères de la société. Un avant-projet de loi instituant un fonds de solidarité pour l’intégration des personnes handicapées prévoit l’allocation de ressources propres à satisfaire les besoins particuliers de cette population. Pour remédier aux inégalités criantes en matière d’accessibilité universelle à l’environnement bâti en Haïti, un projet de loi relatif aux normes d’accessibilité universelle, qui a fait l’objet de nombreuses consultations, a été adopté en Conseil des ministres ; il est en cours d’examen devant le Parlement haïtien.

4.Parallèlement aux activités menées pour sensibiliser à la problématique du handicap, plusieurs politiques publiques inclusives sont mises en œuvre. Le Bureau du Secrétaire d’État à l’intégration des personnes handicapées (BSEIPH) noue des partenariats avec des acteurs publics et privés en faveur des personnes handicapées et participe, avec le Ministère de la santé publique et de la population, à la création de l’Institut haïtien de réhabilitation. Des programmes d’appui économique aux personnes handicapées sont mis en œuvre grâce au Fonds d’assistance économique et sociale ; le Ministère de l’éducation nationale et de la formation professionnelle a créé la Commission d’adaptation scolaire et d’appui social qui est compétente pour tout ce qui a trait à la scolarisation des élèves handicapés. Le BSEIPH a signé un protocole d’accord avec l’entreprise publique de promotion des logements sociaux qui prévoit qu’un quota de logements sociaux doit être attribué aux personnes handicapées.

5.S’agissant de l’accès au marché de l’emploi, le BSEIPH travaille de concert avec l’Office de management et des ressources humaines, qui veille à ce que la fonction publique respecte le quota d’emplois réservés aux personnes handicapées, conformément à la loi de mars 2012. Des échanges sont toujours en cours avec les organisations patronales en vue du recrutement de personnes handicapées et de l’application du quota d’emplois par entreprise établi dans la loi de 2012. Encouragé par la tenue en 2013 du premier salon de l’emploi pour les personnes handicapées, le BSEIPH a créé en son sein un service de placement qui leur est dédié. Il met également sur pied des programmes de subventions aux associations de personnes handicapées afin d’encourager la création d’activités génératrices de revenus. Les résultats en matière d’emploi des personnes handicapées ne sont pas encore pleinement satisfaisants, mais sont à l’image de la situation économique du pays, qui demeure caractérisée par un secteur informel très important, un taux de chômage élevé et un fort niveau de sous-emploi. En revanche, les résultats obtenus en matière de protection et de reconnaissance des droits des personnes handicapées et d’amélioration de leurs conditions de vie vont dans le bon sens, même si beaucoup reste à faire.

6.M.  Auguste (Office de la protection du citoyen − OPC), s’exprimant par vidéo-conférence depuis Port-au-Prince, dit que l’Office qu’il préside est l’institution haïtienne de promotion et de protection des droits de l’homme à laquelle le Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme a accordé le statut de catégorie A. L’OPC se félicite de l’adoption de la loi sur l’intégration des personnes handicapées, qui a renforcé le cadre juridique visant à assurer la protection des droits de toutes les personnes vivant avec une déficience physique, sensorielle ou mentale. L’Office considère néanmoins que malgré les efforts consentis par le BSEIPH et les organisations de la société civile œuvrant en faveur des personnes handicapées, les conditions pour une mise en application réelle et effective de la Convention et de la législation ne sont pas encore pleinement réunies. L’OPC salue les dispositions prises pour renforcer le cadre normatif et institutionnel de protection et de promotion des droits des personnes handicapées et notamment la soumission au Parlement d’un avant-projet de loi sur les normes d’accessibilité à l’environnement bâti, qui vise à ce que tous les bâtiments publics soient universellement accessibles. Il note avec satisfaction qu’un avant-projet de loi élaboré par le Gouvernement prévoit la création d’un fonds de solidarité internationale en faveur des personnes handicapées, mais regrette la dissolution du Conseil national pour la réhabilitation des personnes handicapées, organisme autonome à caractère technique et financier qui avait été créé en 1983 afin d’œuvrer à l’amélioration des conditions de vie des personnes handicapées.

7.L’OPC estime que les recommandations issues de l’Examen périodique universel et celles formulées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme devraient être portées à l’attention de tous les acteurs afin qu’elles soient mieux prises en compte dans les politiques publiques. L’OPC, dont le mandat est d’accorder une attention particulière aux plaintes présentées par les personnes les plus vulnérables et d’assurer avec efficacité la protection des droits des personnes handicapées, entend renforcer sa coopération avec le BSEIPH dans le cadre de l’examen des plaintes et du suivi systématique des violations des droits des personnes handicapées afin de combattre toutes les formes de discrimination. Enfin, l’OPC recommande au Gouvernement de tout mettre en œuvre pour permettre aux personnes handicapées d’avoir accès à tous les services sociaux, sans discrimination. Il considère que la mise en œuvre de la Convention passe nécessairement par une prise de conscience collective de l’ensemble des acteurs de la justice, de la santé publique, de l’éducation, de l’environnement et des collectivités territoriales et que les capacités du BSEIPH devraient être renforcées en lui octroyant les ressources nécessaires à l’accomplissement de sa mission.

8.M.  Pyaneandee (Rapporteur pour Haïti) dit que les membres du Comité sont pleinement conscients de la situation difficile à laquelle Haïti fait face depuis le tremblement de terre de 2010 et le cyclone de 2016. S’agissant des statistiques, il souhaite savoir si le pourcentage de 10 % de personnes handicapées dans la population cité par le chef de la délégation a été établi avant ou après le tremblement de terre de 2010, car l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) l’évalue plutôt à 15 %. C’est là une question importante si le Gouvernement veut élaborer un plan d’action national en faveur des personnes handicapées et permettre à ces personnes de jouir de leurs droits économiques, sociaux, culturels ainsi que civils et politiques. Notant avec préoccupation que la loi haïtienne ne reconnaît pas la notion de discrimination multiple, le Rapporteur aimerait recevoir des données précises sur le nombre de femmes et de filles handicapées victimes d’actes de violence et de maltraitance et le nombre d’enfants handicapés privés de soins familiaux et abandonnés. Il souhaiterait en outre recevoir davantage d’informations sur les mesures prises en matière d’accessibilité aux bâtiments, à la voirie, aux transports et autres équipements intérieurs ou extérieurs et sur le droit des personnes handicapées à l’information, qui ne semble pas être reconnu en droit haïtien. Le Rapporteur constate également avec préoccupation que le BSEIPH a une approche fortement médicalisée du handicap et qu’il n’aborde pas cette problématique sous l’angle des droits de l’homme. Il note également avec inquiétude qu’il n’existe pas de mécanisme d’enregistrement des plaintes pour discrimination, ce qui contribue à perpétuer les discriminations structurelles et nuit à la protection des droits des personnes handicapées, en particulier du droit à une vie indépendante et du droit de vote.

9.M.  Ishikawa se félicite qu’Haïti ait modifié des lois et des règlements intéressant l’article 5 de la Convention mais souhaite savoir quels autres textes le Gouvernement entend rendre conformes à la Convention. Il demande des informations sur l’Unité Accessibilité universelle et sur la possibilité pour les personnes handicapées de participer à ses activités. Il souhaite également savoir comment l’État partie compte améliorer l’accès à l’information et à la communication.

10.M.  Tatić souhaite connaître le calendrier de l’adoption des mesures spéciales prévues pour lutter contre la discrimination croisée dont sont victimes les femmes et les filles handicapés. Il s’enquiert des mesures concrètes visant à garantir l’accessibilité des services sociaux et des soins médicaux aux enfants handicapés qui vivent dans des camps ou des abris depuis les catastrophes naturelles et à ceux qui habitent dans des zones reculées. Il souhaiterait des informations à jour sur l’application effective des sanctions pour non-respect de l’obligation de garantir l’accessibilité. Enfin, il voudrait savoir dans quelles conditions les personnes handicapées qui visitent Haïti peuvent accéder aux aéroports, aux hôtels, aux bâtiments publics et aux sites naturels et touristiques.

11.M.  Al  Saif voudrait savoir si les personnes handicapées participent, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, à l’élaboration des lois et des politiques dans tous les domaines qui les concernent. Il souhaite également savoir quels recours et réparations sont accessibles aux personnes handicapées victimes de discrimination. Il demande enfin à l’État partie s’il dispose d’une stratégie spéciale en matière de multimédia.

12.M.  Mwesigwa se demande dans quelle mesure l’État fait participer les personnes handicapées et les organisations qui les représentent aux initiatives de sensibilisation décrites dans ses réponses à la liste de points, et si ces initiatives tiennent compte des divers besoins de ces personnes.

13.M.  Kabue s’enquiert de la situation du Conseil national pour la réhabilitation des personnes handicapées. Il demande quel mécanisme est en place pour permettre à toutes les personnes handicapées de participer aux décisions qui les concernent. Il voudrait des données sur les institutions et les enfants qui y sont placés.

14.M.  Langvad demande des informations à jour sur l’application de la loi relative à l’intégration des personnes handicapées et la révision du Code du travail visant à le rendre conforme à la Convention. Il demande à l’État partie de donner des précisions sur sa définition du handicap. Il lui demande également comment il lutte contre la discrimination croisée, l’exploitation, la traite et les violences, en particulier sexuelles, dont sont victimes les femmes et les enfants handicapés. Il souhaiterait obtenir des données sur les violences faites aux femmes et aux enfants handicapés, ainsi que sur les initiatives prises pour garantir de bonnes conditions de vie à ces deux groupes de population dans les camps créés à la suite du séisme.

15.M. Ruskus souhaite savoir si l’État partie a prévu de réviser les termes employés dans les textes législatifs et autres, notamment dans la définition du handicap, pour les rendre conformes à la Convention. Il souhaite également savoir si des mesures sont prévues pour garantir que les femmes et les filles handicapées bénéficient du plan d’action national d’égalité femmes-hommes de 2014.

16.M.  Buntan demande quelles mesures financières et techniques ont été prises pour permettre aux personnes handicapées de participer, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, à l’élaboration et au suivi des politiques qui les concernent. Il souhaite savoir comment l’État partie intègre les normes internationales d’accessibilité dans ses lois et ses politiques, notamment en ce qui concerne l’accès à l’information et à la communication.

17.M.  Pyaneandee demande à l’État partie s’il compte modifier sa législation pour sanctionner les personnes qui désignent les personnes handicapées par des termes péjoratifs, pratique malheureusement courante en Haïti. Il voudrait savoir comment l’État partie compte financer les organisations représentant les personnes handicapées pour leur permettre de mieux sensibiliser la population.

18.La Présidente, s’exprimant en qualité de membre du Comité, rappelle que la prévention du handicap ne saurait constituer une mesure d’application de la Convention. Elle demande des précisions sur la possibilité d’intenter des poursuites en cas de discrimination fondée sur un handicap. Notant que beaucoup de stéréotypes concernant les personnes handicapées trouvent leur origine dans des croyances religieuses, elle veut savoir si les responsables religieux, notamment les prêtres vaudous, sont visés par les campagnes de sensibilisation. Elle souhaite des précisions sur la suite donnée au viol et à l’assassinat de trois femmes sourdes qui étaient prétendument des sorcières.

La séance est suspendue à 16  h eures ; elle est reprise à 16 h  30.

19.M.  Oriol (Haïti) dit que le taux de 10 % de handicapés en Haïti mentionné dans la déclaration liminaire était une estimation. Pour obtenir des données plus précises, le Bureau du Secrétaire d’État à l’intégration des personnes handicapées collabore avec l’Institut haïtien de statistique et d’informatique qui, à l’occasion du prochain recensement prévu pour 2018 ou 2019, recueillera des données relatives au handicap en vue de l’élaboration d’une stratégie nationale en la matière. Le Parlement haïtien a été saisi d’un projet de loi sur les normes d’accessibilité universelle qui prévoit des pénalités en cas de non-respect de ces normes ainsi que des mesures incitatives. Suite au séisme du 12 janvier 2010, l’Unité de construction de logements et de bâtiments publics (UCLBP) veille à ce que tous les nouveaux bâtiments publics, et toutes les nouvelles constructions en général, soient construits dans le respect de ces normes. Le Bureau du Secrétaire d’État s’est doté d’une unité Accessibilité universelle qui organise des actions de formation et de sensibilisation à l’intention des acteurs du bâtiment, comme les ingénieurs, les architectes et autres corps de métier, auxquelles sont associées la société civile et les organisations de personnes handicapées. L’objectif est de permettre aux personnes handicapées d’être autonomes et de vivre dans la dignité.

20.M.  Auguste (Haïti) dit que le Bureau du Secrétaire d’État à l’intégration des personnes handicapées comprend un mécanisme chargé de recueillir les plaintes des personnes handicapées. Dès lors qu’il est saisi d’une plainte, le Bureau du Secrétaire d’État en réfère à l’Office de la protection du citoyen, qui en assure le suivi étant donné que cette institution a pour mission de protéger la population contre d’éventuels abus de la part de l’administration. Dans le cadre du protocole d’accord qui doit être signé prochainement entre ces deux entités, l’Office de la protection du citoyen pourra aussi être saisi de plaintes concernant le fonctionnement de la justice. L’Office de la protection du citoyen va examiner la loi du 13 mars 2012 en faveur des personnes handicapées afin d’en évaluer la conformité avec la Convention relative aux droits des personnes handicapées et, si besoin, de proposer des modifications législatives. Cet examen se fera en collaboration avec le Bureau du Secrétaire d’État à l’intégration des personnes handicapées et avec la commission des affaires sociales et la commission des droits humains du Parlement. Haïti est partie à plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits des femmes, dont la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Pour mieux protéger les droits des femmes dans le pays, le Bureau du Secrétaire d’État fera en sorte que celles-ci aient plus facilement accès à la justice, et que les auteurs de violences soient condamnés. La loi haïtienne punit le viol.

21.M me Dardignac (Haïti) dit que de nombreuses actions de sensibilisation aux questions relatives aux personnes handicapées sont menées en Haïti, dans les médias, notamment à la télévision, à la radio et dans la presse, ainsi que sur les réseaux sociaux. En outre, des ateliers sur la question du handicap sont organisés à l’intention des magistrats, des étudiants et des élus locaux, entre autres. Les médias audiovisuels font quant à eux appel à des interprètes en langue des signes, qui traduisent notamment les informations. En raison de contraintes budgétaires, le Bureau du Secrétaire d’État peut difficilement intensifier la campagne de vulgarisation aux droits des personnes handicapées, car les actions coûtent cher. Cela dit, celles-ci sont indispensables pour faire évoluer les mentalités au sujet des personnes handicapées, briser le tabou attaché au handicap et faire en sorte que les questions y relatives soient mieux connues de l’ensemble de la population. À l’issue d’un appel à projets organisé dans le cadre de la Journée internationale des personnes handicapées qui a eu lieu le 3 décembre 2016, neuf organisations de personnes handicapées ont été retenues pour organiser des causeries, des ateliers et diverses activités sportives et culturelles dans tout le pays grâce à des fonds qui ont été mis à leur disposition par le Trésor public. Il conviendrait que les campagnes de sensibilisation aux droits des personnes handicapées ciblent les responsables religieux, en particulier ceux qui pratiquent des rites vaudous dans les régions reculées du pays, où les personnes handicapées sont le plus marginalisées et démunies.

22.M.  Janvier (Haïti) dit que l’article 40 de la Constitution consacre le droit à l’information et que la législation haïtienne ne restreint aucunement ce droit. Cela dit, la délégation prend note de la recommandation du Comité invitant le Gouvernement haïtien à adopter une loi qui encadrerait le droit à l’information des personnes handicapées. En 2015, Haïti a mis en place le Comité de lutte contre la traite des êtres humains qui se compose de représentants d’organismes publics et d’associations de défense des droits de l’homme. Le Gouvernement haïtien veillera à ce qu’une enquête approfondie soit menée pour déterminer quel est le nombre exact d’enfants handicapés qui se trouvent dans des orphelinats et quels sont ceux qui sont le plus exposés à la traite. En outre, il fera en sorte que le Ministère des affaires sociales et du travail encadre les questions relatives à la création des orphelinats afin que tous les établissements offrant une protection de remplacement respectent les normes pertinentes et aient reçu l’agrément du Ministère des affaires sociales.

23.M me Pierre-Louis (Haïti) dit que le Ministère de la santé publique et de la population a créé récemment un réseau d’agents de santé communautaires polyvalents ayant vocation à rencontrer les familles dans les zones rurales et, à ce titre, à recenser les personnes handicapées qui y vivent, ce qui permettra d’avoir une image plus précise de la réalité, et d’obtenir des informations plus concrètes sur cette population. Le Bureau du Secrétaire d’État à l’intégration des personnes handicapées s’emploie à fournir une assistance aux personnes handicapées dans tout le pays, y compris dans les zones reculées, par l’intermédiaire de ses six bureaux départementaux. Dans les départements où il n’a pas encore de bureau, il mène ses activités en collaboration étroite avec les organisations locales de défense des droits des personnes handicapées. Il collabore également avec les élus locaux afin de les encourager à prendre en considération les préoccupations et les besoins des personnes handicapées dans leurs programmes. De manière générale, le Bureau s’efforce de décentraliser ses activités afin que toutes les personnes handicapées, y compris celles vivant dans les zones reculées du pays, puissent bénéficier de ses services.

24.M.  You, constatant que les personnes ayant un handicap intellectuel et psychosocial peuvent encore être limitées dans leur capacité juridique, demande si les autorités compétentes comptent modifier le Code civil afin que les intéressés puissent bénéficier de mesures adéquates d’assistance leur permettant d’exercer leur capacité juridique. Si tel est le cas, il serait utile de savoir dans combien de temps un projet de ce type pourrait voir le jour. Étant donné que le séisme de 2010 a provoqué un accroissement considérable du nombre de personnes handicapées et qu’environ 4 000 personnes ont été amputées, M. You voudrait savoir si des services de réadaptation sont proposés aux personnes devenues handicapées à la suite de cette catastrophe et si toutes les personnes amputées ont pu se procurer des appareils et des accessoires fonctionnels à un prix abordable.

25.M.  Ruškusrelève d’après des informations portées à la connaissance du Comité que bien que le Code pénal exonère les personnes vivant avec un handicap intellectuel ou psychosocial de leur responsabilité pénale, nombre de ces personnes sont privées de liberté et soumises à des traitements sans leur consentement, ou alors abandonnées par leur famille dans la rue, où elles vivent dans des conditions indignes d’un être humain, en particulier les femmes, qui sont de surcroît régulièrement victimes de violences sexuelles. Constatant que l’article 1123 du projet de loi portant Code de procédure pénale prévoit la possibilité de priver de liberté une personne déclarée pénalement irresponsable en raison d’un trouble mental, M. Ruškus s’enquiert des mesures prises afin que les personnes souffrant d’un handicap intellectuel ou psychosocial ne soient pas privées arbitrairement de liberté et bénéficient d’une protection et d’une assistance, en particulier les femmes handicapées vivant dans la rue. Enfin, la délégation voudra bien indiquer ce que l’État partie entend faire pour combattre les préjugés envers les personnes présentant un handicap intellectuel et psychosocial et décrire les mesures prises et envisagées pour poursuivre et punir les responsables d’actes de violence et de discrimination à l’égard des femmes et des filles handicapées ainsi que pour garantir une indemnisation adéquate aux victimes de ces actes.

26.M.  Martin souhaiterait savoir si l’État partie entend donner effet à l’article 12 de la Convention, notamment en abrogeant les lois relatives à la tutelle et en mettant en place un système de prise de décisions assistée comme préconisé par le Comité dans son observation générale no 1 concernant l’article 12 de la Convention. Il aimerait en outre savoir combien de temps une personne handicapée peut être privée de sa capacité juridique et si la décision pertinente est susceptible de réexamen. Ayant appris que des personnes handicapées étaient stérilisées contre leur volonté en Haïti, en violation de l’article 17 de la Convention, il demande ce que l’État partie compte faire pour mettre fin à cette pratique. Enfin, il s’enquiert des initiatives prises par l’État partie pour donner effet à l’article 19 et demande des précisions sur les droits et les conditions de vie des personnes handicapées placées en institution.

27.M.  Buntan demande si les organisations de défense des droits des personnes handicapées ont été consultées pendant l’élaboration du plan national d’urgence et si elles le seront également pendant son application. Il souhaiterait en outre savoir si le Gouvernement haïtien a prévu de se doter d’un plan de réduction des risques de catastrophe qui prenne pleinement en considération les besoins des personnes handicapées et qui soit établi conformément aux dispositions de la Charte pour l’inclusion des personnes handicapées dans l’action humanitaire. Il demande des renseignements sur les mesures prises pour assurer la disponibilité d’aménagements procéduraux permettant de garantir l’accès des personnes handicapées aux systèmes de justice et d’application de la loi. En particulier, il aimerait savoir si une personne sourde amenée à comparaître devant un tribunal peut bénéficier de services d’interprétation en langue des signes. Enfin, sachant qu’il n’existe pas en Haïti d’entreprise fabriquant des prothèses pour les personnes à mobilité réduite alors que le pays a des besoins importants dans ce domaine, il voudrait savoir comment le Gouvernement compte pallier cette lacune.

28.M.  Langvad souhaiterait savoir si la législation en vigueur, dont la loi relative à l’intégration des personnes handicapées, consacre le droit à des aménagements raisonnables et définit le refus de prendre des mesures donnant effet à ce droit comme une forme de discrimination fondée sur le handicap. Il demande en outre si l’État partie entend abroger les articles 399 et 424 du Code civil ainsi que toutes les dispositions limitant la capacité juridique des personnes handicapées qui sont incompatibles avec l’article 12 de la Convention, et s’il compte mettre au point des systèmes de prise de décisions assistée établis conformément à l’observation générale no 1 du Comité. La délégation voudra bien donner des exemples concrets de formations dispensées aux fonctionnaires sur les moyens de garantir que les personnes handicapées, y compris celles ayant un handicap intellectuel, puissent exercer leur droit d’accéder à la justice.

29.M.  Tatić souhaiterait des renseignements sur le nombre de plaintes reçues par l’Office de protection du citoyen et la suite qui leur a été donnée, et demande en particulier des informations actualisées sur l’issue de la plainte dont cet organe a été saisi par un jeune avocat dont la demande d’inscription au barreau aurait été rejetée en raison de son handicap visuel. Tout en étant bien conscient des difficultés notamment économiques auxquelles l’État partie est confronté, M. Tatić voudrait savoir si les personnes handicapées qui ont besoin d’une assistance 24 heures sur 24 ont la possibilité de bénéficier de l’assistance d’un professionnel dans leur vie quotidienne ou, à défaut, si les autorités compétentes envisagent de mettre en place de tels services.

30.M .  Mwesigwa souhaiterait de plus amples détails sur la façon dont les personnes handicapées et les organisations qui défendent leurs droits participent à l’élaboration et à la mise en œuvre des initiatives publiques qui les concernent. À ce propos, il voudrait savoir si l’État partie s’est doté d’une stratégie nationale relative à la consultation et à la participation des groupes les plus vulnérables, dont les personnes handicapées, en particulier les sourds-muets et les personnes présentant des handicaps intellectuels et psychosociaux.

31.M.  Basharu prie la délégation de fournir des données statistiques ventilées par handicap et par sexe sur le nombre de plaintes pour violation des droits de l’homme reçues par le Bureau du Secrétaire d’État à l’intégration des personnes handicapées ainsi que sur le nombre de demandes de conseil et d’assistance reçues par cet organe.

32.M.  Pyaneandee (Rapporteur pour Haïti) voudrait savoir si l’État partie compte collaborer avec les représentants de la société civile et des personnes handicapées afin de combattre l’institutionnalisation des personnes handicapées et les actes de torture physique et psychologique infligés aux femmes et aux filles handicapées.

33.La Présidente, s’exprimant en qualité de membre du Comité, demande si l’État partie a adopté un plan national de lutte contre la violence fondée sur plusieurs motifs discriminatoires tels que le handicap, le genre, l’albinisme et l’orientation sexuelle, et s’il existe des programmes ou des structures auxquels les victimes de ce type de violence peuvent s’adresser pour obtenir de l’aide. Enfin, compte tenu du nombre important de cas de personnes handicapées auxquelles des guérisseurs traditionnels ont imposé des traitements qui constituent des violations des droits de l’homme, la délégation voudra bien indiquer s’il existe un mécanisme de surveillance de l’application des dispositions de la loi de 2012 relative à l’intégration des personnes handicapées qui interdisent la réalisation d’expériences médicales ou scientifiques sur une personne handicapée sans son consentement.

La séance est levée à 17  h 45.