Nations Unies

CRPD/C/SR.346

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

31 août 2017

Original : français

Comité des droits des personnes handicapées

Dix- huitième session

Compte rendu analytique de la 346 e séance

Tenue au Palais des Nations, à Genève, le mardi 22 août 2017, à 15 heures

Président (e): Mme Degener

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 35 de la Convention (suite)

Rapport initial du Luxembourg

La séance est ouverte à 15 h 10.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 35 de la Convention (suite)

Rapport initial du Luxembourg (CRPD/C/LUX/1 ; CRPD/C/LUX/Q/1 ; CRPD/C/LUX/Q/1/Add.1)

1.Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation luxembourgeoise prend place à la table du Comité.

2.M. Bichler (Luxembourg) rappelle que son pays a ratifié la Convention relative aux droits de personnes handicapées en 2011 et que, depuis lors, chaque ministre du Gouvernement a désigné, dans ses services respectifs, un point de contact « handicap » chargé de veiller au respect des intérêts des personnes en situation de handicap lors de l’adoption de nouvelles règles législatives ou réglementaires, administratives ou techniques.

3.L’autonomie de vie des personnes handicapées et leur inclusion dans la société sont l’un des domaines sur lesquels le Luxembourg a fait porter ses efforts récemment. Trois principaux types d’hébergement sont proposés aux personnes handicapées : les logements dits « semi-autonomes », les logements dits « autonomes » et les services d’hébergement pour personnes en situation de handicap. Au cours des deux années écoulées, le Luxembourg a investi 5 millions d’euros dans des services d’accompagnement qui, sur demande, assurent un suivi ponctuel aux personnes handicapées vivant en logement autonome ou dans des logements regroupés gérés par des associations (logements semi-autonomes). L’encadrement professionnel qui est fourni dans le cadre des services d’hébergement implantés dans toutes les régions du pays englobe les aides et les soins au sens de la loi sur l’assurance-dépendance et un accompagnement sociopédagogique personnalisé. Les bénéficiaires sont des groupes de six à huit personnes qui préparent leurs repas ensemble et disposent d’un séjour commun pour organiser leurs activités de loisir. Des logements de transition complètent l’offre ; étape intermédiaire entre les services d’hébergement et le logement autonome, ils permettent aux intéressés de bénéficier d’un accompagnement allégé et adapté à leurs besoins pour les préparer au mieux à une vie plus indépendante dans leur propre logement.

4.Conscient du fait qu’il y a encore des personnes qui vivent en institution parce qu’il n’existe, à l’heure actuelle, pas d’autre solution de logement adaptée à leurs besoins, l’État a commandité une enquête exhaustive et représentative sur les conditions de vie des personnes handicapées au Luxembourg afin de recenser, d’une part, ce qui existe déjà, et de déterminer, d’autre part, ce qui devrait être mis en place pour donner effet à l’article 5 de la Convention en ce qui concerne l’autonomie de vie des personnes handicapées et leur inclusion dans la société. Cette étude permettra aussi aux autorités de disposer à l’avenir de données et statistiques fiables sur le handicap.

5.L’État a par ailleurs investi au cours de 2016 et 2017 quelque 800 000 euros dans la création d’une maison pour parents d’enfants handicapés, où ces parents peuvent vivre pendant les deux premières années de l’enfant et, ainsi, apprendre comment prendre soin de lui.

6.La mise à disposition gratuite d’une large gamme d’aides techniques ainsi que le subventionnement d’adaptations du logement et du véhicule permettent à la personne de maintenir ou d’accroître son autonomie de vie et de rester à son domicile, même en cas de dépendance. La liste des aides techniques a été revue en collaboration avec les personnes concernées afin de répondre au mieux à leurs besoins et de mettre à leur disposition des modèles adaptés aux technologies récentes.

7.Une autre priorité du Gouvernement est l’inclusion des personnes handicapées sur le marché du travail. Il prévoit de déposer fin 2017 une nouvelle loi qui instaurera une mesure dite « d’aide à l’inclusion dans l’emploi », qui a pour objet de donner aux employeurs, à titre gratuit, la possibilité de recourir à un expert externe agréé pour accompagner pendant une durée maximale de trois ans le processus d’intégration professionnelle dans l’entreprise d’une ou de plusieurs personnes en situation de handicap. Le but est de favoriser l’insertion et le maintien dans l’emploi des personnes handicapées. Une autre initiative récente et prometteuse, dont la pérennisation a été annoncée en juillet 2017, est le projet du « Centre d’orientation socioprofessionnelle − Handicap et reclassement (COSP-HR) ». Lancé début 2017 et cofinancé par le Fonds social européen, ce projet a pour objectif principal d’évaluer les compétences des demandeurs d’emploi handicapés qui rencontrent des difficultés à se positionner sur le marché de l’emploi. Pour chaque participant sont évalués l’état de santé, les capacités physiques et de travail, la résistance au stress et les compétences sociales en groupe. La durée du parcours d’évaluation et d’orientation est de huit semaines. Ce projet innovant permet d’optimiser la réorientation professionnelle des personnes handicapées et de favoriser leur inclusion sociale, notamment par la mise en évidence de leurs capacités et de leurs forces.

8.Un avant-projet de loi portant sur l’accessibilité des lieux ouverts au public et des logements est en préparation. Le texte, qui devrait être présenté à la Chambre des députés fin 2017, prévoit que le champ d’application de la loi de 2001, relative à l’accessibilité à l’environnement physique, soit largement étendu, entre autres à de nombreux lieux ouverts au public qui ne relèvent pas de l’État ou des communes, ainsi qu’à certains types de logement.

9.Le projet de loi relatif au dixième plan quinquennal d’équipement de l’infrastructure touristique, adopté en juillet 2017, prévoit que le taux de subvention qui s’applique aux investissements améliorant l’accessibilité aux personnes en situation de handicap passe de 20 % à 50 %. Afin de permettre à chacun d’accéder à l’information et à la communication, l’Institut national d’administration publique et KLARO, centre de compétences en langage facile, proposent aux fonctionnaires et employés de l’État, entre autres, des formations sur la rédaction en langage facile et la publication de documents accessibles pour tous. En mai 2017, le Gouvernement a déposé un projet de loi dont l’objet principal est de promouvoir l’identité linguistique des personnes sourdes par la reconnaissance de la langue des signes en tant que langue à part entière, et de consacrer le droit des enfants malentendants ou sourds d’apprendre la langue des signes allemande et de pouvoir suivre l’enseignement fondamental et secondaire en langue des signes.

10.Au Luxembourg, l’éducation inclusive constitue le principe de base. Chaque enfant ayant des besoins éducatifs spécifiques est scolarisé dans une classe ordinaire, à moins que les parents n’en décident autrement. Ceci explique sans doute que le pourcentage des élèves scolarisés dans des écoles spécialisées soit inférieur à 1 % depuis des années. Dans certains cas, la complexité des besoins d’un élève est telle qu’elle requiert l’intervention de spécialistes. À cet effet, l’avant-projet de loi portant création de centres de compétences en psychopédagogie spécialisée prévoit la création de centres de compétences pour différents domaines spécifiques, ayant pour mission de contribuer activement à la promotion des connaissances et d’assurer la prise en charge d’élèves à besoins éducatifs spécifiques pour l’encadrement desquels les moyens sont actuellement insuffisants. La prise en charge dans les centres de compétences ne se substitue pas entièrement à l’enseignement ordinaire, mais entend plutôt l’appuyer. Ainsi, les élèves bénéficiant d’une mesure de soutien de la part des centres de compétences restent inscrits dans leur école ou lycée d’origine.

11.M me Rossler (Luxembourg), s’exprimant au nom de la Commission consultative des droits de l’homme (CCDH) du Grand-Duché de Luxembourg, dit que le Gouvernement luxembourgeois a certes fait − et continue de faire − de nombreux efforts en direction des personnes handicapées depuis la ratification de la Convention, mais qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.

12.La collecte de données statistiques reste problématique. Or, sans les données statistiques nécessaires, l’on voit mal comment le Gouvernement pourra élaborer une politique pertinente et conséquente en faveur des droits des personnes handicapées tels qu’énoncés dans la Convention. La CCDH regrette que le Médiateur, désigné mécanisme national de protection des droits des personnes handicapées, ne soit compétent que pour les discriminations dans le secteur public. De ce fait, un litige relevant des droits d’une personne vivant en institution privée ne peut être traité par le Médiateur, ce qui crée un clivage entre le secteur privé et le secteur public.

13.Un domaine qui, d’après la CCDH, mérite une attention particulière est celui de l’éducation et de la scolarisation des enfants handicapés. Malgré les efforts du Gouvernement en matière d’inclusion des enfants à besoins éducatifs spécifiques dans le milieu scolaire, de grandes difficultés structurelles persistent. La formation en éducation spécialisée du personnel enseignant, actuellement insuffisante, devrait être rendue obligatoire et périodique. La Commission s’inquiète également des problèmes rencontrés lors du transfert d’élèves d’un établissement vers un autre, notamment liés à l’absence de structure centralisée qui puisse assister les parents et les écoles.

14.En matière de tutelle, la loi actuelle se caractérise par un manque de transparence des procédures et par l’absence de consultation des personnes concernées. La réforme annoncée, qui devait se faire entre 2012 et 2015, n’est toujours pas achevée.

15.En matière de santé, la CCDH regrette que de nombreuses structures ne soient pas conçues pour répondre aux besoins des personnes présentant un handicap. L’instauration d’une personne contact « handicap » dans chaque hôpital, prévue dans le plan d’action quinquennal de mise en œuvre de la Convention, ne s’est toujours pas faite. La CCDH estime que le personnel de santé devrait recevoir une formation de base sur les droits des personnes handicapées. En matière de santé mentale des personnes handicapées, la CCDH relève un manque de structures, de personnel et de consultations spécialisées dans ce domaine. Force-est de constater qu’au Luxembourg, l’on ne conçoit toujours pas qu’une personne handicapée puisse présenter des troubles psychologiques ou psychiatriques. Ces troubles sont souvent mis sur le compte du handicap, alors qu’ils peuvent exprimer un mal‑être lié au contexte de vie, qui devrait être pris en charge.

16.S’agissant de l’autonomie de vie et de l’inclusion dans la société, la CCDH regrette l’absence de législation sur l’assistance personnelle et recommande aux autorités de remédier à cette situation en créant un cadre qui dépasse le plan purement médical et de s’inspirer pour cela de projets existants. Enfin, plusieurs mécanismes s’occupent, au niveau national, des personnes en situation de handicap, ce qui fait que, très souvent, les personnes concernées ne savent pas à qui s’adresser. La CCDH suggère de réfléchir à la mise en place d’une structure unique et indépendante chargée de la promotion et de la protection des droits et des intérêts des personnes en situation de handicap, pouvant traiter les plaintes, ester en justice et suivre la mise en œuvre de la Convention au niveau national.

17.M. Pyaneandee (Rapporteur pour le Luxembourg) dit que malgré les nombreuses initiatives prises par l’État partie pour donner effet aux dispositions de la Convention, des efforts restent nécessaires dans de nombreux domaines. Au nombre des sujets de préoccupation figurent l’approche purement médicale du handicap, qui est profondément ancrée dans le système juridique et les pratiques luxembourgeoises, et l’absence de critère uniforme de conceptualisation et de mise en œuvre de la notion de handicap. La question des aménagements raisonnables pose problème également. L’absence de tels aménagements n’est pas systématiquement sanctionnée par la loi, sauf peut-être dans le domaine de l’éducation, encore que, là aussi, les enfants handicapés doivent s’en remettre aux options proposées par l’État, sans pouvoir invoquer le droit à des aménagements raisonnables.

18.S’agissant de la mise en œuvre de l’article 5 de la Convention, le Rapporteur constate avec préoccupation que, certes, le Centre pour l’égalité de traitement créé en 2008 est habilité à apporter une aide aux personnes qui s’estiment victimes d’une discrimination, en mettant à leur disposition un service de conseil et d’orientation, mais que l’État partie n’a pas créé d’institution chargée d’enregistrer et examiner les plaintes de personnes handicapées, et de trouver des solutions dans les domaines où des discriminations s’exercent. L’absence de données statistiques, en particulier sur les femmes et les filles handicapées, est également préoccupante, notamment parce que celles-ci sont souvent victimes de discriminations multiples et de violences, y compris dans le cercle familial.

19.La délégation luxembourgeoise est invitée à indiquer ce que les autorités comptent faire en matière de capacité juridique − sachant que la loi traitant de cette question remonte à 1982 et n’a jamais été modifiée depuis −, et à préciser s’il est envisagé de remplacer le régime de décision par substitution par un régime de décision assistée. Enfin, estimant que les principes d’autonomie et de vie et d’inclusion dans la société, objets de l’article 18 de la Convention, ne sont pas pleinement respectés, le Rapporteur demande si un programme est envisagé pour assurer la désinstitutionnalisation des personnes handicapées.

20.M. Ruskus fait observer que l’État partie n’a pas adopté de définition unique du handicap et demande si le Gouvernement prévoit de remédier à cette situation en adoptant la définition de la Convention. Il s’enquiert des mesures prises pour mieux faire connaître les droits des personnes handicapées aux responsables politiques, aux juristes, à l’ensemble de la population et aux intéressés eux-mêmes.

21.M. Al Saif demande quelles mesures ont été prises par l’État partie pour harmoniser les pratiques juridiques nationales avec les dispositions de la Convention. Il s’enquiert de la manière dont l’État partie veille à la bonne application des lois et des règlements interdisant les pratiques et actes discriminatoires à l’égard des personnes handicapées. Il aimerait obtenir des exemples concrets de campagnes menées pour sensibiliser la population aux droits des personnes handicapées et savoir combien de personnes ont été touchées par ces campagnes. Il demande si la Convention a été traduite en langue des signes.

22.M. Al Saif aimerait savoir si les aménagements nécessaires à l’accessibilité des personnes handicapées font partie des programmes d’enseignement des écoles d’ingénieurs et des écoles d’architecture, et si des sanctions sont prévues en cas de non-respect des dispositions relatives à l’accessibilité.

23.M. Tatić note avec satisfaction que les actes de discrimination à l’égard des personnes handicapées sont érigés en infraction pénale, et demande combien de personnes ont été inculpées et condamnées pour ce motif. Il s’enquiert du nombre d’affaires de discrimination fondée sur le handicap dont a été saisi le Centre pour l’égalité de traitement depuis 2012, et de la suite qui leur a été donnée. M. Tatić demande si l’État partie a prévu de constituer une base de données recensant les cas de discrimination multiple et de discrimination croisée à l’égard des femmes et des filles handicapées. Il note avec satisfaction l’existence d’un projet de loi sur l’accessibilité et voudrait en savoir plus sur les sanctions prévues dans ce cadre. M. Tatić, qui doit se rendre dans l’État partie prochainement, souhaite obtenir des informations concrètes sur l’accessibilité des transports publics et des bâtiments.

24.M. Kabue demande quelles dispositions sont prises pour garantir la participation des personnes handicapées et des organisations les représentant aux décisions qui ont une incidence sur leur vie, et quelle a été leur implication dans l’élaboration du projet de loi modifiant la loi de 2003 relative aux personnes handicapées. De même, il aimerait savoir si des mesures ont été mises en place pour que les enfants handicapés soient consultés sur les questions les concernant.

25.M. Parra Dussan aimerait savoir de quelle manière la nouvelle législation sur les personnes handicapées intégrera la perspective des droits de l’homme, conformément aux dispositions de la Convention. Il souhaite obtenir davantage de statistiques sur les cas de discrimination et demande si le non-respect des dispositions relatives aux aménagements raisonnables est considéré comme une forme de discrimination.

26.M. Basharu demande des précisions sur la participation des femmes handicapées et des organisations les représentant à la vie publique, notamment dans les domaines de l’éducation, de l’emploi et de la famille. Il demande si les enfants handicapés sont représentés auprès de l’Office national de l’enfance et s’étonne de l’absence d’enfants sourds-aveugles dans les écoles de l’État partie.

27.M. Mwesigwa demande si les personnes handicapées et leurs organisations ont été associées à la réforme du droit des tutelles, conformément aux dispositions de la Convention. Il réclame des précisions sur les conditions spécifiques que doivent remplir les personnes handicapées pour bénéficier de l’aide juridictionnelle.

28.M. Buntan se félicite de l’existence du Conseil supérieur des personnes handicapées et aimerait savoir s’il joue principalement un rôle consultatif ou s’il intervient dans la prise de décisions et dans le suivi et l’évaluation des politiques ayant une incidence sur la vie des personnes handicapées. Il s’enquiert également de la participation de personnes handicapées à ce conseil. Il demande s’il existe un dispositif (permanence téléphonique ou site Internet) permettant aux femmes et aux filles handicapées victimes de discrimination croisée ou de discrimination multiple, y compris de violence et d’abus sexuels, de dénoncer ces actes. Il demande en outre si la loi sur les marchés publics a été modifiée de façon à prendre en compte les questions d’accessibilité.

29.M. Martin demande combien de personnes handicapées ont participé à l’élaboration de la formation sur la Convention et l’ont dispensée.

30.M. Chaker demande si l’État partie a mené, avec la contribution des personnes handicapées, des campagnes de sensibilisation qui mettent l’accent sur la contribution positive que celles-ci apportent à la société.

31.La Présidente, s’exprimant en sa qualité de membre, demande si des programmes ont été mis en œuvre ou sont prévus pour favoriser l’autonomisation des femmes handicapées. Elle souhaite savoir si les bâtiments administratifs, les ministères et les tribunaux sont accessibles aux personnes handicapées et si le Gouvernement est prêt à recruter des personnes handicapées, notamment des personnes qui s’expriment en langue des signes et des personnes atteintes de déficiences intellectuelles. La Présidente accueille avec satisfaction la réforme de la loi sur la tutelle, mais fait observer que celle-ci ne répond pas à l’interprétation que fait le Comité, dans son Observation générale no 1, de l’article 12 de la Convention, à savoir qu’il est fait obligation aux États de remplacer les régimes de prise de décisions substitutive par des régimes de prise de décisions assistée. La Présidente demande si l’État partie prévoit de remédier à la situation.

32.M me Zoller (Luxembourg) confirme qu’il n’existe pas au Luxembourg de définition unique et universelle du handicap consacrée par la loi. Le projet de loi sur l’accessibilité contiendra une définition générale du handicap conforme à la Convention. Le Gouvernement luxembourgeois est conscient de la nécessité d’adopter une approche du handicap fondée sur les droits de l’homme. C’est pourquoi les mesures et projets récents, comme le projet de centre d’orientation socioprofessionnelle ou l’évaluation des profils de handicaps en fonction desquels est déterminée la participation financière de l’État à l’aide aux personnes handicapées, s’attachent à l’évaluation des besoins en matière de soutien des personnes handicapées et des difficultés à surmonter, et sont menés avec la collaboration des intéressés.

33.En ce qui concerne les femmes handicapées, des groupes de rencontre et de parole ont été créés pour informer les femmes dans les domaines qui les intéressent et les aider à réaliser leurs projets de développement personnel. Une grande attention est portée à la sexualité, à l’épanouissement et à l’autonomisation des femmes handicapées. Pour ce qui est de la violence à l’égard des femmes, le Conseil de gouvernement a approuvé en 2017 un projet de loi portant approbation de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, qui modifie la loi luxembourgeoise sur la violence domestique en incluant notamment l’obligation de collecter des statistiques précisant si la victime a un handicap et lequel.

34.Le travail de mise en conformité de la législation luxembourgeoise en matière d’accessibilité des lieux ouverts au public avec les dispositions de la Convention se poursuit, en concertation avec les partenaires et les organisations représentant les personnes handicapées. Il ressort d’une étude récente du Centre de compétence nationale pour l’accessibilité des bâtiments, l’ADAPTH, que 18 % des bâtiments du Grand-Duché sont considérés comme n’étant pas encore accessibles aux personnes handicapées. Un effort considérable est mené avec l’aide de l’ADAPTH et la participation des personnes handicapées, afin de garantir l’accessibilité de tous les bâtiments. Par ailleurs, les établissements accueillant des touristes bénéficient d’aides à l’investissement pour la réalisation de travaux d’amélioration de l’accessibilité pour les personnes handicapées. Des informations sur les structures agréées et leur degré d’accessibilité peuvent être consultées sur Internet.

35.Dans le domaine du tourisme, les investissements visant à améliorer l’accessibilité des bâtiments et des sites sont subventionnés à hauteur de 50 %. Des informations sur ces bâtiments figurent sur le site Internet du tourisme au Luxembourg. Pour bénéficier d’un certificat de conformité, les bâtiments publics construits aujourd’hui doivent être complètement accessibles et la nouvelle législation prévoira des sanctions pénales en cas d’infraction, y compris pour ce qui est des bâtiments existants. Les autorités s’attachent d’ores et déjà à remédier au problème bâtiment par bâtiment. En ce qui concerne la participation de la société civile, le Ministère de la famille mène des actions de sensibilisation sur la mise en œuvre de la Convention et du Plan d’action en faveur des personnes handicapées. Un groupe de pilotage constitué en 2010 assure le suivi du Plan d’action ; il se compose des personnes handicapées qui ont collaboré à la rédaction du Plan d’action et de représentants des associations de personnes en situation de handicap, d’associations offrant des services aux personnes handicapées et du Ministère de la famille. Quant au Conseil supérieur des personnes handicapées, il est composé majoritairement de personnes en situation de handicap et de représentants d’associations offrant des services aux personnes handicapées, et joue un rôle consultatif auprès du Gouvernement et de la Chambre des députés. Il se réunit à intervalles réguliers et au moins quatre fois par an, en dehors des horaires de travail afin que chacun puisse participer aux réunions.

36.En ce qui concerne les enfants handicapés, l’Office national de l’enfance, créé en 2008, est un guichet unique d’information sur les mesures d’aide et d’assistance destinées aux enfants en difficulté et à leur famille. L’enfant, ou un membre de sa famille, peut demander un soutien, assuré sur le terrain par les différents intervenants du secteur de l’aide à l’enfance et à la famille après une évaluation par un coordonnateur. Il existe aussi un Ombuds-Comité pour les droits des enfants qui a pour mission de veiller à la protection des droits des enfants et à l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant. Il rédige un rapport annuel sur la situation des droits de l’enfant, promeut la participation des enfants aux questions qui les concernent et traite des réclamations relatives aux atteintes aux droits de l’enfant. En outre, le Conseil supérieur de la jeunesse est un organe consultatif chargé d’étudier toutes les questions se rapportant aux jeunes et de formuler des recommandations à l’usage du Gouvernement.

37.Dans le cadre de la mise en œuvre du Plan d’action en faveur des personnes handicapées, le Gouvernement a mené en 2012 et 2013 plusieurs campagnes d’information sur le handicap visant en particulier à sensibiliser les enfants et les jeunes grâce à des projets artistiques. Plusieurs ministères ont participé à différentes actions ponctuelles ciblant des publics divers, notamment le monde de l’entreprise. Des formations ont été dispensées aux responsables des ressources humaines et aux personnes en situation de handicap, et un guide pratique à destination des entreprises a été publié. En 2016, une conférence sur l’emploi des personnes handicapées a été organisée avec les acteurs des différents domaines concernés dans l’optique d’améliorer les réseaux de collaboration et d’optimiser la mise en commun des connaissances. En 2017, le Ministère de la famille a publié une brochure sur l’habitat accessible et durable. L’association ADAPTH organise des formations dans le domaine de l’accessibilité à l’intention des professionnels du secteur du bâtiment, et l’accessibilité et la conception universelle sont enseignées dans un lycée luxembourgeois ; d’autres formations devraient prochainement voir le jour dans ce domaine. Par ailleurs, le Luxembourg a prévu de transposer en droit interne deux directives européennes relatives aux marchés publics, qui visent entre autres à favoriser l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées. Les projets de loi correspondants devraient être votés d’ici octobre 2017.

38.M. Kies (Luxembourg) aborde la question de l’accessibilité des transports en commun et de l’aéroport. Le Luxembourg se conforme à la réglementation européenne en la matière. Un guide pratique fixe les règles de prise en charge des personnes à mobilité réduite ou handicapées de manière à assurer sans surcoût une meilleure qualité de service aux usagers du transport aérien. Il est possible de faire appel à une personne-assistante pour accéder à l’aéroport. Les transports en commun à destination de l’aéroport et ceux de la ville de Luxembourg sont équipés de planchers surbaissés et de dispositifs de sonorisation et d’affichage en temps réel. Ceux du réseau régional devraient être équipés des mêmes dispositifs début 2018.

39.M me Zoller (Luxembourg) dit que les personnes handicapées ont le droit d’utiliser la langue des signes dans le cadre de leurs relations avec les administrations, et que tous les documents figurant sur les sites gouvernementaux sont traduits en braille.

40.M me Bausch (Luxembourg) dit que le Grand-Duché de Luxembourg a l’intention d’adapter les dispositions relatives aux mesures judiciaires de sauvegarde, de curatelle et de tutelle des personnes majeures à protéger. Le Ministère de la justice a organisé plusieurs réunions de concertation avec les représentants du barreau, de la magistrature et de diverses associations représentant les intérêts des personnes majeures sous protection. L’avant-projet de loi sera soumis pour avis aux différents acteurs concernés. L’objectif est de renforcer l’autonomie des personnes qui font l’objet d’une mesure de protection et de fusionner les trois types de mesures existant actuellement pour aboutir à un dispositif unique qui sera adapté au cas par cas, en fonction des besoins de chacun. Le tuteur ou curateur ne se substituera plus à la personne protégée pour la prise de décisions, mais l’assistera dans ce processus.

41.En ce qui concerne les recours ouverts aux personnes handicapées victimes de discrimination, toute personne victime d’une discrimination peut se porter partie civile devant les tribunaux et réclamer un dédommagement. Pour ce qui de l’assistance judiciaire, les critères d’attribution ne tiennent pas compte des handicaps éventuels, mais uniquement des revenus et de la situation familiale et financière du demandeur. Info Handicap prodigue des conseils juridiques aux personnes handicapées en matière de droit civil, pénal et administratif, et le parquet a mis en place un service d’accueil et d’information juridique ouvert à tous dans l’enceinte des tribunaux. Les associations homologuées par le Ministère de la justice sont autorisées à ester en justice au nom des personnes handicapées. Toute personne a droit à un avocat et peut demander au service d’assistance judiciaire de lui en fournir un. Dans le cas d’une personne poursuivie, le juge peut décider de nommer un avocat pour l’assister même si la personne dit ne pas en avoir besoin. Les frais d’interprétation en langue des signes ou de traduction en braille font partie des frais de justice et sont systématiquement pris en charge par le Ministère de la justice, y compris lorsque l’intéressé n’a pas droit à l’assistance judiciaire. Les tribunaux sont physiquement accessibles aux personnes handicapées et des agents d’accueil sont présents pour les orienter dans chaque bâtiment. Enfin, le personnel de l’appareil judiciaire, des forces de l’ordre et de l’administration pénitentiaire est formé aux droits de l’homme et aux droits des personnes handicapées. Ces questions sont également abordées dans le cadre de la formation continue. Les cours, qui se déroulent souvent en Allemagne, portent notamment sur la manière de traiter les personnes en situation de handicap ou ayant des besoins spécifiques.

42.M me Zoller (Luxembourg) précise que, dans la loi sur l’accessibilité que le Luxembourg a prévu d’adopter avant la fin de l’année 2017, le refus d’aménagement raisonnable du poste de travail sera considéré comme une forme de discrimination.

43.M. Dura (Luxembourg) indique que le projet de loi portant création de centres de compétence en psychopédagogie spécialisés en faveur de l’inclusion scolaire prévoit la création d’un comité de jeunes à besoins éducatifs spécifiques, dont les membres sont élus par et parmi ces enfants et qui vise à permettre aux personnes concernées d’exprimer librement leur opinion sur toute question ayant une incidence sur leur vie quotidienne, de soumettre des propositions de partenariat aux autorités et d’organiser des activités culturelles et sociales. Le texte prévoit en outre la création d’un comité de parents d’élèves, dont le mandat sera analogue à celui du comité des élèves. Un autre projet de loi portant création d’une instance de représentation nationale des parents d’élèves, dont un représentant national des élèves fera partie, est en cours d’élaboration.

44.M me Nennig (Luxembourg) indique que l’UFEP (Unité de formation et d’éducation permanente) conventionnée par les Ministères de la famille et de l’éducation nationale propose aux professionnels du secteur social luxembourgeois et aux personnes handicapées des formations continues englobant tous les aspects du handicap.

45.M. Tatić souhaite connaître la jurisprudence de l’État partie en matière de discrimination touchant des personnes handicapées. En outre, M. Tatić demande des exemples de bonnes pratiques de prise en considération de l’accessibilité dans la rénovation des bâtiments historiques. Il demande également si la formation des agents des forces de l’ordre et des travailleurs sociaux tient compte de la question des personnes handicapées, notamment des femmes et des enfants handicapés ayant subi des violences, et si ces personnes reçoivent un soutien ou de l’aide après un tel traumatisme. M. Tatić souhaite savoir si les refugeset les permanences téléphoniques prévus pour les victimes de violences sont pleinement accessibles. Il s’enquiert du contenu de la formation dispensée aux personnes apportant une assistance personnelle aux personnes handicapées et des bonnes pratiques en matière d’emploi des Fonds structurels européens, notamment ceux dédiés à la protection sociale, pour les projets relatifs à la désinstitutionnalisation ou à l’assistance personnelle.

46.M. Ishikawa demande quelle politique est adoptée pour assurer aux personnes une vie indépendante. Il souhaite savoir si, à l’instar de son propre pays, les personnes peuvent être assistées dans leur actes du quotidien et dans leurs activités de loisir sans pour autant l’être lors de leurs déplacements pour se rendre au travail ou à l’école, ce qui serait une grave défaillance. Si c’est le cas dans l’État partie, il souhaite savoir comment le Gouvernement envisage d’y remédier.

47.M. Basharu demande comment les personnes aveugles peuvent avoir connaissance des notifications s’affichant en temps réel sur des écrans lors de catastrophes naturelles. Rappelant que, depuis mars 2017, l’alinéa 1 de l’article 3-4 du Code de procédure pénale dispose qu’une personne qui ne parle ou ne comprend pas la langue de procédure a droit dans une langue qu’elle comprend à l’assistance gratuite d’un interprète à condition que cette assistance n’ait pas pour effet de prolonger la procédure d’une façon déraisonnable, il demande qui décide du caractère déraisonnable de la prolongation de la procédure lorsque l’intéressé est sourd ou malentendant ou présente un handicap psychosocial et intellectuel. Il suggère à l’État partie de revoir ce point dudit code afin d’assurer effectivement et de manière adéquate le droit et l’accès des parties à la justice. Il demande à la délégation de faire part des démarches entreprises pour désinstitutionnaliser les enfants handicapés, du nombre d’enfants handicapés vivant en institution et des mesures prises pour garantir le bien-être de ces enfants une fois qu’ils sont sortis du milieu institutionnel. Enfin, M. Basharu souhaite savoir ce qui est fait pour apporter une formation à l’utilisation de la canne blanche aux personnes aveugles et à leurs enseignants et pour permettre à toutes les personnes handicapées d’avoir accès à des dispositifs d’aide à la mobilité à un prix abordable.

48.M. Buntan demande si, en accord avec le Cadre de Sendai, le Gouvernement de l’État partie dispose de projets complets de réduction des risques des catastrophes naturelles aux niveaux national et régional tenant compte de la question du handicap. Par ailleurs, il demande comment le Gouvernement applique la Charte pour l’inclusion des personnes handicapées dans l’action humanitaire. En outre, il souhaite avoir connaissance des cas où la personne handicapée n’aurait qu’un accès limité aux services bancaires, à la gestion de ses affaires financières et à la gestion et à la propriété de ses biens. En ce qui concerne l’accès à la justice, il demande si le Gouvernement prévoit d’encourager les personnes handicapées à travailler dans le milieu juridique afin qu’elles apportent leur contribution sur cette question.

49.M. Chaker recommande à tous les pays de garantir les droits des personnes handicapées, enfants ou adultes, de vivre dans la société et de choisir où et avec qui elles veulent vivre, sur la base de l’égalité avec les autres.

50.M.  Kabue demande si, avant l’adoption de certaines mesures, les associations de personnes handicapées ou les personnes handicapées elles-mêmes sont consultées, et fait observer que, si ce n’est pas le cas, il convient alors de remédier à cette situation. Il constate par ailleurs que l’aide juridique n’est accordée que sur le fondement de critères économiques. Selon lui, il convient de prendre des mesures pour faciliter l’accès à cette aide. Il demande de surcroît si la loi sur la violence domestique de 2003 a été modifiée ou si une révision est envisagée pour tenir compte des femmes handicapées. En outre, il souhaite connaître les mesures prises à l’intention des réfugiés handicapés se trouvant dans l’État partie, et savoir s’ils sont traités différemment des autres personnes handicapées.

51.M. Martin s’enquiert des dispositifs en place dans le cadre de la justice à l’intention des personnes présentant un handicap mental. Il demande si des personnes handicapées dirigent et gèrent les ateliers organisés par la Life academy et, dans l’affirmative, souhaite savoir comment elles procèdent. Par ailleurs, M. Martin souhaite savoir pour quelle raison le Gouvernement estime que jusqu’à 8 à 10 personnes handicapées peuvent vivre ensemble sous le même toit. Il demande si ces personnes ont la possibilité de sortir seules, et insiste sur l’importance que revêt l’individualité.

52.M. Kim demande combien de personnes sont hébergées par foyer, et combien de temps dure leur prise en charge en moyenne. Il souhaite en outre connaître le nombre de personnes devenues indépendantes et vivant dans la société.

53.M. Ruskus aborde la question de la loi de 2009 sur l’hospitalisation des personnes présentant un handicap psychosocial, qui relève d’une privation de liberté. Il demande si l’État partie prévoit de révoquer les dispositions relatives à la privation de liberté en raison d’une incapacité réelle ou perçue. Il invite l’État partie à se fonder sur les directives du Comité relatives à l’article 14, qui rappellent que toutes les personnes handicapées ont droit à la liberté.

54.M. Al Saif souhaite savoir quelles mesures se rapportant aux services d’assistance personnelle sont en place pour que les personnes handicapées puissent vivre où elles le souhaitent.

55.M. Pyaneandee constate que beaucoup de mesures promises en 2012 n’ont toujours pas été suivies d’effets. Il demande ce que le Gouvernement envisage de faire quant à l’article 12 et s’il dispose d’un calendrier à cet égard. Il s’enquiert des arrangements qui existent au regard de la procédure et de l’âge des justiciables et des mesures en place pour que le droit à l’accès à la justice devienne une réalité. Il souhaite connaître le nombre d’affaires relatives à des personnes handicapées dont la Commission consultative des droits de l’homme a été saisie. Il demande si le Gouvernement compte renforcer cette institution de sorte qu’elle puisse connaître de ce type d’affaires, ou s’il entend créer une instance équivalente. Enfin, ayant eu part d’informations selon lesquelles nombre de personnes handicapées de l’État partie sont prises en charge dans des institutions ailleurs en Europe, aux frais du Gouvernement, il fait observer que de telles pratiques enfreignent l’article 19 de la Convention et demande comment l’État partie va remédier à cette situation.

56.La Présidente, s’exprimant en sa qualité de membre du Comité, indique que la Convention interdit strictement les traitements forcés et la détention des personnes handicapées au motif qu’elles sont, ou ont l’air, dangereuses. La Présidence souhaite savoir par quels moyens l’État partie compte respecter cette interdiction et si un mécanisme de suivi est en place à cet égard. Elle souhaite également un complément d’information sur l’article 19, et précise que toutes les institutions doivent être interdites et remplacées par d’autres environnements de vie propices à l’indépendance.

La séance est levée à 18 heures.