Observations finales concernant le huitième rapport périodique de l’Indonésie *

Le Comité a examiné le huitième rapport périodique de l’Indonésie (CEDAW/C/IDN/8) à ses 1827e et 1829e séances, les 28 et 29 octobre 2021 (CEDAW/C/SR.1827 et CEDAW/C/SR.1829). La liste de points et de questions soulevés par le groupe de travail de présession figure dans le document CEDAW/C/IDN/Q/8, et les réponses de l’Indonésie dans le document CEDAW/C/IDN/RQ/8.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le huitième rapport périodique de l’État partie. Il remercie l’État partie pour les réponses qu’il a communiquées par écrit à la liste des questions et des points soulevés par le groupe de travail de présession, et apprécie l’exposé oral présenté par la délégation ainsi que les précisions apportées aux questions posées oralement par le Comité pendant le dialogue.

* Adoptées par le Comité à sa quatre-vingtième session (18 octobre-12 novembre 2021).

Le Comité félicite l’État partie pour sa délégation de haut niveau, conduite par I Gusti Ayu Bintang Darmawat, Ministre chargée de l’autonomisation des femmes et de la protection de l’enfance. La délégation était composée de représentants de ce ministère ainsi que du Ministère du développement humain et des affaires culturelles, du Ministère de l’éducation, de la culture, des sports, de la recherche et de la technologie, du Ministère de la justice et des droits humains, du Ministère de l’intérieur, du Ministère de la planification du développement national, du Ministère des affaires étrangères, du Ministère des finances, du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de la santé, du Ministère du travail, de l’Agence nationale des statistiques, du Ministère des affaires religieuses, du Ministère des communications et de l’informatique, du Ministère de la coordination des affaires politiques, juridiques et sécuritaires, du Ministère de la coordination du développement humain et des affaires culturelles, du Conseil national de la population et de la planification familiale, des Forces armées indonésiennes, de la Police nationale indonésienne, de l’équipe spéciale nationale chargée de la réponse à la maladie à coronavirus (COVID-19), de la Cour suprême, des autorités de la province de Papouasie, de la province de Papouasie occidentale et de la province d’Aceh, et de la Mission permanente de l’Indonésie auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie des progrès qu’il a réalisés dans le domaine législatif depuis l’examen de ses rapports précédents en 2012, et notamment de l’adoption des textes suivants :

a)La loi no 08/2016 relative aux personnes handicapées, qui assure la protection de ces dernières, y compris des femmes et des enfants.

b)La loi no 24/2013 sur l’administration civile, en vertu de laquelle les documents de l’état civil tels que les actes de naissance et de mariage sont délivrés gratuitement.

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer le cadre politique et institutionnel dans le but d’accélérer l’élimination de la discrimination envers les femmes et de promouvoir l’égalité des genres, notamment grâce aux mesures suivantes :

a)L’élaboration, en 2020, d’un vaste plan visant à accroître la représentation des femmes à l’Assemblée législative durant la période 2020-2030 ;

b)La poursuite d’une action de sensibilisation axée sur l’intégration de la dimension de genre grâce aux programmes Serempak (programme numérique interactif communautaire conçu pour diffuser des informations sur l’autonomisation des femmes) et Setara (mouvement social visant à sensibiliser les populations à l’autonomisation des femmes) entre 2015 et 2018 ;

c)Le lancement en 2016 d’un programme phare appelé programme « Three Ends », qui vise à éliminer les violences fondées sur le genre faites aux femmes et aux enfants, la traite des êtres humains et les obstacles à la justice économique pour les femmes.

Le Comité note avec satisfaction que, depuis l’examen du précédent rapport, l’État partie a ratifié les instruments internationaux et régionaux ci-après, ou y a adhéré :

a)la Convention de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (en 2017) ;

b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (en 2012) ;

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (en 2012).

C.Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite du soutien apporté par la communauté internationale à la réalisation des objectifs de développement durable et appelle à la réalisation de l’égalité des genres, en droit comme dans les faits, conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les aspects de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il souligne l’importance de l’objectif 5 et de la prise en compte systématique des principes d’égalité et de non-discrimination dans la réalisation des 17 objectifs. Il encourage vivement l’État partie à reconnaître le rôle moteur des femmes dans le développement durable du pays et à adopter des politiques et des stratégies en conséquence.

D.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel que doit jouer le corps législatif s’agissant d’assurer la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/6 5 /38, deuxième partie, annexe VI). Il invite l’Assemblée consultative du peuple indonésien, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires à l’application des présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique, conformément à la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Contexte général

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour atténuer les répercussions de la pandémie de COVID-19 sur les femmes, notamment la mise en place du Family Hope Programme et du Programme d’alimentation de base, mais note avec inquiétude que ces derniers ne couvrent pas un grand nombre de femmes en difficulté. Il est préoccupé par le risque accru de violence fondée sur le genre et par l’aggravation des formes de discrimination croisée auxquelles sont confrontées les femmes et les filles dans le contexte de la pandémie de COVID-19, en particulier les groupes de femmes défavorisées et marginalisées vivant sur le territoire, y compris dans les provinces de Papouasie et de Papouasie occidentale. Le Comité est également préoccupé par le peu de données concernant la mesure dans laquelle les femmes participent réellement et à parts égales à la formulation de stratégies pour lutter contre la COVID-19 et assurer le relèvement, et peuvent avoir une contribution déterminante en ce domaine.

Conformément à sa note d’orientation sur les obligations des États parties à la Convention dans le contexte de la pandémie de COVID-19, publiée le 22 avril 2020, le Comité recommande à l’État partie :

a) De remédier aux inégalités existant de longue date entre les femmes et les hommes en plaçant les femmes et les filles au cœur des stratégies de relèvement à la suite de la pandémie de COVID-19, conformément au Programme de développement durable à l’horizon 2030, et en accordant une attention particulière à celles qui appartiennent à des groupes défavorisés et marginalisés ;

b) De revoir ses stratégies pour que toutes les interventions face à la crise et les efforts de relèvement, y compris les mesures d’urgence qu’il prend, visent à prévenir de manière efficace le problème de la violence et de la discrimination fondées sur le genre contre les femmes et les filles ; à garantir que les femmes et les filles participent au même titre que les hommes à la vie politique et publique et à la prise de décisions dans le contexte du relèvement, à l’avancement économique et à la prestation de services ; et à veiller à ce que les femmes et les filles bénéficient autant que les hommes des mesures de relance, ainsi que d’un appui financier au titre de la fourniture de soins non rémunérés, de manière à atténuer l’impact socioéconomique de la pandémie ;

c) De veiller à ce que les mesures prises pour endiguer la pandémie n’empêchent pas les femmes et des filles, notamment celles qui appartiennent à des groupes défavorisés et marginalisés, d’accéder à la justice, à la protection contre la discrimination et la violence fondées sur le genre, à l’éducation, à l’emploi et aux soins de santé, y compris aux services de santé sexuelle et procréative.

Visibilité de la Convention, de son protocole facultatif et des recommandations générales du Comité

Le Comité prend note avec satisfaction des efforts entrepris par l’État partie aux niveaux national et local pour sensibiliser le public aux droits des femmes. Il reste toutefois préoccupé par le fait que les efforts de renforcement des capacités des juges, des procureurs et des avocats ne portent pas spécifiquement sur les droits des femmes en application de la Convention, sur la mise en œuvre de la Convention ou sur l’interprétation de la législation interne à la lumière de cet instrument. Il note également qu’il n’existe pas d’informations indiquant que des femmes ont fait valoir leurs droits en invoquant les dispositions de la Convention ou de la législation nationale pertinentes, ce qui signifie que les femmes n’ont pas suffisamment conscience, dans l’État partie, des droits que leur confère la Convention.

Le Comité réitère ses précédentes recommandations (CEDAW/C/IDN/CO/6-7, par. 12) et prie instamment l’État partie :

a) D’améliorer les programmes de formation juridique et de renforcement des capacités des juges, des procureurs, des avocats et des autres professionnels du droit, en collaboration avec la société civile, et de veiller à ce que la Convention fasse partie intégrante de leurs cursus de formation, afin qu’ils puissent directement appliquer et invoquer les dispositions de la Convention ou s’y référer et interpréter la législation nationale à la lumière de cet instrument ;

b) De mieux faire connaître au grand public la Convention et les recommandations générales du Comité dans la langue officielle de l’État partie, notamment dans des formats accessibles.

Cadre constitutionnel et législatif

Le Comité félicite l’État partie d’avoir mené des consultations avec les parties prenantes lors de la préparation du projet de loi sur l’égalité des genres et la justice. Il note en outre que la loi n°°23/2014 relative aux administrations locales prévoit un mécanisme d’examen de tous les arrêtés et projets d’arrêtés permettant de vérifier leur conformité aux lois nationales pertinentes et aux obligations internationales en matière de droits humains. Il est toutefois préoccupé par :

a)Le retard important pris dans le cadre du processus d’adoption du projet de loi sur l’égalité des genres et la justice et l’absence persistante, dans la législation de l’État partie, d’une définition de la discrimination à l’égard des femmes conforme à l’énoncé de l’article premier de la Convention ;

b)L’existence de 421 lois et mesures régionales discriminatoires à l’égard des femmes, notamment la réglementation relative au port obligatoire du jilbab ;

c)Le fait que le projet de code pénal vise à ériger en délit les relations sexuelles extraconjugales, ce qui peut avoir des conséquences pour les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres, limite les droits des femmes en matière de santé sexuelle et procréative, et autorise les administrations locales à promulguer des règlements prévoyant des sanctions pénales pour les comportements sexuels en vertu du « droit vivant ».

Rappelant ses recommandations antérieures (CEDAW/C/IDN/CO/6-7, par. 18) et sa recommandation générale n o  28 (2010) concernant les obligations fondamentales des États parties découlant de l’article 2 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter un calendrier précis pour l’adoption du projet de loi sur l’égalité des genres et la justice, qui définit et interdit a discrimination à l’égard des femmes, y compris la discrimination directe et indirecte dans les sphères privée et publique et les formes de discrimination croisée à l’égard des femmes, conformément à l’article premier de la Convention et à la cible 5.1 des objectifs de développement durable  ;

b) De modifier ou d’abroger, dans un délai déterminé, tous les règlements et politiques discriminatoires, y compris les dispositions imposant le port obligatoire du jilbab ;

c) De veiller à ce que le projet de code pénal ne soit pas discriminatoire à l’égard des femmes et ne restreigne pas leurs droits en matière de santé sexuelle et procréative, et que le processus de rédaction associe pleinement les femmes et assure leur participation.

Accès des femmes à la justice

Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption du système d’information pour la protection des femmes et des enfants, qui permet à ces dernières de porter plainte en cas de violence. Il constate néanmoins avec préoccupation :

a)La persistance d’obstacles, notamment la stigmatisation, la peur des représailles et les stéréotypes de genre discriminatoires profondément ancrés, qui dissuadent les femmes et les filles de porter plainte pour discrimination et violence fondées sur le genre et le fait que le personnel judiciaire et les forces de l’ordre ne sont pas au fait des protocoles tenant compte des questions de genre établis pour le traitement des cas de violence de genre, ni de l’importance des services de protection et d’aide aux victimes ;

b)Le manque de données sur la contribution du système d’information pour la protection des femmes et des enfants à l’élimination des stéréotypes de genre discriminatoires et de la discrimination fondée sur le genre dont les femmes font l’objet dans le système de justice.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que les femmes aient effectivement accès à la justice. Il s’agit, notamment, d’allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour aider les femmes à mieux connaître leurs droits et d’organiser des activités obligatoires de renforcement des capacités à l’intention des magistrats et des membres des forces de l’ordre sur les protocoles tenant compte des questions de genre à appliquer en cas de violence fondée sur le genre et sur l’importance des services de protection et d’aide aux victimes ;

b) De veiller à ce que les femmes victimes de discrimination et de violence fondées sur le genre puissent porter plainte sans crainte de représailles ou de stigmatisation, et aient accès à des voies de recours efficaces ainsi qu’à une aide couvrant, notamment, une assistance médicale et psychologique et un hébergement dans des centres d’accueil ;

c) De suivre et d’évaluer les effets sur les femmes des efforts visant à améliorer l’accès à la justice, y compris l’efficacité du système d’information pour la protection des femmes et des enfants.

Mécanisme national de promotion des femmes

Le Comité constate avec satisfaction que le budget et les ressources humaines alloués au Ministère de l’autonomisation des femmes et de la protection de l’enfance ont plus que doublé entre 2014 et 2018. Il demeure néanmoins préoccupé par l’absence d’organe gouvernemental permanent ayant exclusivement pour fonction de coordonner les mesures relatives aux droits des femmes, à l’égalité des femmes et des hommes et à l’autonomisation des femmes. Il regrette également l’absence de politique nationale en matière de genre et de critères clairs permettant d’évaluer et de vérifier la mise en œuvre de la législation et des politiques appuyant l’autonomisation et la protection des femmes et des filles.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De mettre en place d’un mécanisme permanent pour assurer le suivi de la mise en œuvre de la Convention ;

b) De formuler une politique nationale en matière de genre et des critères clairs permettant d’évaluer et de vérifier la mise en œuvre de la législation et des politiques appuyant l’autonomisation et la protection des femmes et des filles.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité déplore l’absence d’informations sur le recours à des mesures temporaires spéciales pour accélérer les progrès en direction d’une réelle égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines couverts par la Convention.

Conformément à l’article 4 (par. 1) de la Convention et à sa recommandation générale n o  25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire mieux connaître aux responsables et aux décideurs pertinents le mécanisme des mesures temporaires spéciales, y compris les objectifs assortis d’un calendrier et les quotas, et d’adopter et mettre en œuvre des mesures de cette nature dans le but de réaliser l’égalité de fait ou réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines où les femmes sont sous-représentées ou défavorisées ;

b) D’inclure dans sa législation une disposition visant à encourager le recours à des mesures temporaires spéciales dans les secteurs public et privé.

Stéréotypes discriminatoires et pratiques préjudiciables

Le Comité reste profondément préoccupé par la persistance d’attitudes patriarcales et de stéréotypes profondément ancrés concernant le rôle et les responsabilités des femmes, qui sont discriminatoires à leur égard et perpétuent leur subordination au sein de la famille et de la société. Il note également avec inquiétude que la Marine et l’Armée de l’air indonésiennes n’ont pas explicitement aboli la pratique du test de virginité lors du recrutement de jeunes femmes, ce qui constitue une violation du droit à la vie privée et de l’intégrité physique et mentale de ces dernières.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter une stratégie globale assortie de mesures énergiques et durables visant les femmes et les hommes dans tous les secteurs de la société, notamment les chefs religieux, afin d’éliminer les stéréotypes et les attitudes patriarcales concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société ;

b) D’adopter une législation interdisant la pratique du test de virginité et de mettre en place des programmes de sensibilisation complets, à l’intention des membres de la Marine et de l’Armée de l’air indonésiennes, exposant les effets préjudiciables de ce test, et de remettre en question et modifier les stéréotypes discriminatoires et les attitudes patriarcales qui sont à l’origine de cette pratique préjudiciable.

Mutilations génitales féminines

Le Comité prend acte du fait que le règlement no 1636/2010 du Ministère de la santé a été remplacé par le règlement no 6/2014 de ce même ministère, qui stipule que les mutilations génitales féminines et la circoncision ne sont pas des traitements médicaux. Il note toutefois avec préoccupation que le règlement no 6/2014 du Ministère de la santé n’interdit pas les mutilations génitales féminines et n’impose pas de sanction à ceux qui les pratiquent.

Le Comité souligne que les mutilations génitales féminines, la circoncision féminine ou l’excision ne peuvent pas être justifiées par des motifs religieux et constituent une pratique préjudiciable, et que le fait d’exercer un contrôle sur le corps et la sexualité des femmes et des filles constitue une violation de la Convention, que ces pratiques soient effectuées dans les locaux ou en dehors d’un établissement médical. Il recommande donc à l’État partie :

a) D’ériger en délit toutes les formes de mutilations génitales féminines, en veillant à ce que cette criminalisation ne puisse pas être annulée par des fatwas ou d’autres décisions émises par des autorités religieuses ou cléricales, conformément à la recommandation générale n o  31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et observation générale n o  18 du Comité des droits de l’enfant, adoptées conjointement (2019) et à la cible 5.3 des objectifs de développement durable ;

b) De mener des campagnes de sensibilisation et d’éducation visant, en particulier, le personnel médical, les parents, les notables, les érudits religieux, les hommes et les garçons, dans le but de faire mieux comprendre la nature criminelle des mutilations génitales féminines et la nécessité de les abolir.

Violence fondée sur le genre à l’égard des femmes

Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie pour renforcer la protection des femmes contre la violence fondée sur le genre, notamment la création du Centre de services intégrés pour l’autonomisation des femmes et des enfants. Il est néanmoins préoccupé par :

a)L’augmentation de la violence fondée sur le genre à l’égard des femmes et des filles, en particulier celles qui appartiennent à des groupes défavorisés et marginalisés, aussi bien en ligne qu’hors ligne, en particulier pendant la pandémie de COVID-19 ;

b)Le fait que la définition du viol soit basée sur la pénétration pénienne, que le Code pénal n’érige pas le viol conjugal en infraction et que la loi no 23/2004 sur la violence domestique ne fasse aucune référence au viol ou au viol conjugal ;

c)Le fait que les victimes de violence fondée sur le genre en ligne puissent être poursuivies en vertu de l’article 27 (par. 1) de la loi no 11/2008 sur l’information et les transactions électroniques et de l’article 4 de la loi no 44/2008 sur la pornographie, bien qu’elles n’aient pas consenti à la diffusion de contenus intimes ;

d)Le retard pris dans l’adoption du projet de loi sur les violences sexuelles ;

e)La persistance de la pratique de la thérapie dite de conversion pour changer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre des femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres ;

f)La protection limitée assurée aux victimes de la violence fondée sur le genre, notamment par suite de l’insuffisance des ressources humaines et financières affectées au Centre de services intégrés pour l’autonomisation des femmes et des enfants, en particulier dans les zones rurales.

Le Comité, rappelant sa recommandation générale n o  35 (2017) sur la violence fondée sur le genre à l’égard des femmes, portant actualisation de la recommandation générale n o  19, recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que tous les auteurs d’actes de violence fondés sur le genre à l’égard des femmes soient poursuivis et dûment punis par un tribunal compétent, que les victimes et les témoins bénéficient d’une protection et que les victimes soient bien indemnisées ;

b) De modifier le Code pénal, la loi n o  23/2004 sur la violence domestique et toute législation pertinente pour ériger en infraction pénale toutes les formes de violence physique, psychologique, économique et sexuelle à l’égard des femmes, y compris le viol conjugal, et définir le viol par l’absence de consentement plutôt que par la pénétration ou l’usage de la force ;

c) De modifier la loi n o  11/2008 sur l’information et les transactions électroniques et la loi n o 44/2008 sur la pornographie afin de garantir que les victimes de violences fondées sur le genre en ligne ne puissent pas être poursuivies lorsque leurs images intimes sont diffusées sans leur consentement ;

d) D’accélérer, en priorité et dans des délais clairement établis, l’adoption du projet de loi sur la violence sexuelle et assurer la participation effective des femmes à toutes les étapes du processus d’adoption ;

e) D’interdire la pratique de la thérapie dite de conversion et d’autres traitements forcés, involontaires ou encore coercitifs ou abusifs à l’encontre des femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres ;

f) D’affecter des ressources humaines, techniques et financières appropriées afin que les centres d’accueil des femmes victimes de violence fondée sur le genre soient pleinement opérationnels sur l’ensemble du territoire de l’État partie, que le Centre de services intégrés pour l’autonomisation des femmes et des enfants poursuive dûment ses activités, en particulier dans les zones rurales, et que les femmes victimes de violence fondée sur le genre aient effectivement accès à des traitements médicaux, à des conseils psychologiques, à une assistance juridique et à des ordonnances de protection.

Les femmes et la paix et la sécurité

Le Comité salue la création, en 2016, d’une commission locale permanente pour promouvoir la confiance et la réconciliation à Aceh. Il prend également note de l’adoption du Plan d’action national pour l’autonomisation des femmes et la protection des enfants en situation de conflit social, qui met l’accent sur la prévention, le plaidoyer, la sensibilisation et l’autonomisation des femmes dans ces situations. Il note toutefois avec préoccupation :

a)Le climat d’insécurité persistant et les allégations d’actes de violence fondés sur le genre commis à l’encontre des femmes résidant dans les zones touchées par le conflit, comme les provinces de Java-Est et de Papouasie ;

b)Le peu d’efforts déployés par l’État partie, notamment par les services du procureur général, pour poursuivre et punir les responsables de violations des droits humains des femmes pendant le conflit ;

c)L’absence de progrès en ce qui concerne l’accès des femmes victimes de violence fondée sur le genre à la justice, à la vérité, à des réparations et à la réadaptation par suite de ces violations des droits humains.

Conformément à la Convention et à la recommandation générale du Comité n o °30 (2013) sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et les situations d’après conflit, ainsi qu’à la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité et aux résolutions ultérieures sur la question, le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre en priorité des mesures efficaces pour lutter contre l’impunité en enquêtant sans délai et de manière approfondie sur les violations des droits des femmes commises dans les zones de conflit, en particulier les violences sexuelles et fondées sur le genre, et en poursuivant et en punissant de manière adéquate les auteurs de ces violations, y compris les membres des forces armées ;

b) D’assurer le droit des victimes à des réparations, y compris le droit de connaître la vérité sur les violations et les garanties de non-répétition de ces violations, conformément au droit international ;

c) De redoubler d’efforts pour adopter le nouveau projet de loi sur la création d’une commission nationale vérité et réconciliation dotée de larges pouvoirs pour recevoir des plaintes et enquêter sur les graves violations des droits humains ;

d) De ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité félicite l’État partie des efforts qu’il déploie pour renforcer son cadre juridique et stratégique de lutte contre la traite des femmes et des filles, notamment la création d’une équipe spéciale chargée de lutter contre la traite des êtres humains. Il déplore toutefois le manque d’informations sur l’application de la loi no 21/2007 relative à l’élimination du crime que constitue la traite des êtres humains et sur la mise en œuvre du Plan d’action national pour la prévention de la traite, y compris sur toute augmentation du budget affecté au Plan. Il est également préoccupé par l’absence d’un système normalisé de détection précoce et d’orientation, de recours et d’aide à la réinsertion des victimes de la traite, ainsi que par le fait que la police et les autres agents des services de répression ne sont guère au fait des procédures tenant compte des questions de genre qui doivent être suivies pour les victimes. Le Comité note en outre avec préoccupation l’absence d’informations qui permettraient de déterminer si la loi no 21/2007 sur l’élimination du crime que constitue la traite des êtres humains érige en infraction la traite des enfants sous toutes ses formes, y compris les mariages contractuels et le tourisme pédophile.

Conformément à l’article 6 de la Convention et à la cible 5.2 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie :

a) De collecter de manière systématique des données ventilées par sexe, âge, handicap, appartenance ethnique, région et situation socioéconomique, sur la traite des êtres humains, sur le nombre de cas répertoriés grâce à des inspections, sur le nombre de poursuites et de condamnations, sur les peines infligées aux auteurs, ainsi que sur les indemnisations accordées aux victimes de la traite ;

b) D’affecter des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour assurer la mise en œuvre du Plan d’action national pour la prévention de la traite des êtres humains ;

c) De faire en sorte que les femmes et les filles victimes de la traite soient rapidement identifiées et orientées vers les services compétents, notamment en formant systématiquement tous les agents des forces de l’ordre à l’application effective des directives concernant l’identification des victimes et à des méthodes d’interrogation tenant compte des questions de genre  ;

d) D’apporter un plus grand soutien aux femmes et aux filles victimes de la traite, en veillant à ce qu’elles reçoivent une protection et aient un accès adéquat à des services de conseil et de réadaptation, à des mesures de réparation et à des indemnisations ;

e) D’ériger en infraction toutes les formes de traite des enfants, y compris les mariages contractuels et le tourisme pédophile, et de faire prendre conscience au public, en particulier aux filles et à leurs familles, de la nature criminelle et des risques de la traite des femmes et des filles.

Le Comité note avec préoccupation :

a)L’exploitation des femmes et des filles se prostituant dans l’État partie, notamment pendant la pandémie de COVID-19 ;

b)La stigmatisation sociale des femmes qui se livrent à la prostitution, y compris les femmes transgenres, la discrimination généralisée dont elles font l’objet, ainsi que la violence fondée sur le genre dont elles sont victimes ;

c)L’absence de mesures prises pour décriminaliser les femmes exploitées qui se prostituent dans plusieurs régions de l’État partie.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De s’attaquer aux causes profondes de la prostitution, notamment la pauvreté et les inégalités de genre structurelles, de lutter contre la demande de services sexuels et d’adopter des mesures ciblées pour empêcher l’exploitation par la prostitution des femmes en situation de précarité, y compris en offrant une assistance et d’autres sources de revenus aux femmes qui veulent sortir de la prostitution ;

b) D’enquêter sur les actes de violence et de discrimination fondées sur le genre à l’encontre des femmes qui se prostituent, de poursuivre et de traduire les auteurs de ces actes en justice et de déstigmatiser les femmes et les filles qui se prostituent en assurant aux magistrats, à la police et au grand public une formation tenant compte des questions de genre afin d’encourager les victimes à dénoncer les maltraitances ;

c) D’abroger les réglementations locales discriminatoires, en vue de décriminaliser la prostitution féminine.

Défenseuses des droits humains

Le Comité note avec préoccupation que les défenseuses des droits humains dans l’État partie, en particulier celles qui militent en faveur des droits fonciers et de la protection de l’environnement, sont souvent victimes d’actes d’intimidation, de harcèlement et de menaces.

Rappelant sa recommandation générale n o  33 (2015) sur l’accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter des mesures efficaces pour protéger les défenseuses des droits humains, en consultation avec ces dernières, afin qu’elles puissent poursuivre librement leur important travail sans crainte et sans menace d’intimidation, de harcèlement ou de violence ;

b) D’enquêter, de poursuivre et de punir de manière adéquate tous les auteurs de harcèlement, d’actes de violence et d’intimidation à l’encontre de défenseuses des droits humains et d’offrir des recours effectifs aux victimes.

Participation égale à la vie politique et publique

Le Comité félicite l’État partie des mesures qu’il a prises afin d’accroître la présence de femmes aux postes de décision, telles que l’adoption de la loi no 7/2017 sur les élections et de la loi no 6/2014 sur les villages. Il se réjouit également du projet d’envergure conçu dans le but d’augmenter la représentation des femmes à l’Assemblée législative durant la période 2020-2030. Toutefois, le Comité reste préoccupé par la faible participation des femmes à la vie politique et publique, notamment dans les zones rurales, où seulement 7 % des 78 000 villages ont une femme pour maire. Il note en outre le manque d’informations sur les systèmes de parité des genres pour la nomination et le recrutement de femmes à des postes élevés au sein du gouvernement et dans la fonction publique.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures pour accroître la participation des femmes à tous les niveaux de la vie politique et publique, notamment en adoptant des mesures temporaires spéciales conformément à l’article  4 (par. 1) de la Convention et à la recommandation générale n o  25 du Comité ;

b) De renforcer les capacités en matière de leadership politique et d’intensifier les campagnes pour mieux communiquer le fait que la participation pleine, égale, libre et démocratique des femmes à la vie politique et publique, sur un pied d’égalité avec les hommes, est une condition de la pleine application de la Convention ;

c) De collecter systématiquement des données pour suivre l’évolution de la représentation des femmes dans la vie politique et publique, notamment aux niveaux décisionnels.

Nationalité

Le Comité prend note avec satisfaction de la délivrance gratuite d’extraits d’acte de naissance en application de la loi no 24/2013 sur l’administration civile, grâce à laquelle la proportion d’enfants pour lesquels un acte de naissance a été établi est passée de 32,25 % en 2014 à 90,56 % en 2019. Il demeure toutefois préoccupé par le fait que l’article 41 de la loi no 12/2006 sur la citoyenneté de la République d’Indonésie ne permet pas aux enfants nés avant 2006 d’obtenir la nationalité indonésienne si l’un de leurs parents n’est pas indonésien.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que la nationalité indonésienne soit conférée aux enfants nés avant 2006 même si l’un de leurs deux parents n’est pas indonésien, en vue de prévenir l’apatridie.

Éducation

Le Comité note avec satisfaction l’action menée par l’État partie pour améliorer l’accès à l’éducation, notamment pour les étudiants handicapés, en vertu de la loi no 8/2016 sur les personnes handicapées et du règlement no 70/2009 du Ministère de l’éducation et de la culture concernant l’éducation inclusive. Il salue en outre les efforts déployés par l’État partie pour recueillir des données sur la violence fondée sur le genre à l’égard des femmes et des filles dans les établissements d’enseignement grâce à la mise en place d’un système en ligne de signalement des incidents. Le Comité demeure néanmoins préoccupé par :

a)Le manque de données, ventilées par sexe, âge, handicap, lieu et statut socioéconomique, qui permettraient d’évaluer l’impact de ces mesures ;

b)Le moindre accès à l’éducation des femmes et des filles appartenant à des groupes défavorisés et marginalisés, notamment pendant la pandémie de COVID-19 ;

c)La faible proportion de filles et de femmes dans des domaines d’études et des parcours professionnels non traditionnels, en particulier dans la science, la technologie, l’ingénierie, les mathématiques, l’informatique et la communication ;

d)Le harcèlement et les brimades dont sont victimes, dans les établissements d’enseignement, les femmes et les filles, en particulier celles qui appartiennent à des groupes défavorisés et marginalisés, et le peu d’informations sur le nombre de plaintes et d’enquêtes en la matière de même que sur les sanctions imposées.

Le Comité recommande à l’État partie de sensibiliser le public à l’importance de l’éducation des filles à tous les niveaux pour permettre leur autonomisation, et :

a) De recueillir systématiquement des données, ventilées par âge, handicap, lieu et statut socioéconomique, sur les efforts déployés par l’État partie pour accroître l’accès des filles et des femmes à l’éducation ;

b) De faciliter l’accès à l’éducation des femmes et des filles appartenant à des groupes défavorisés et marginalisés, notamment en leur apportant un soutien financier et en renforçant la capacité du personnel éducatif à créer des environnements d’apprentissage dans lesquels elles sont plus en sécurité et moins laissées pour compte ;

c) De redoubler d’efforts pour encourager les filles et les femmes à choisir des domaines d’études et des parcours professionnels non traditionnels, en particulier dans la science, la technologie, l’ingénierie, les mathématiques, l’informatique et la communication ;

d) D’adopter une politique de tolérance zéro à l’égard de la violence sexuelle et du harcèlement des femmes et des filles dans les écoles, de mettre en place des mesures de sensibilisation adéquates dans les établissements d’enseignement afin de prévenir toutes les formes de harcèlement et de violence fondés sur le genre à l’encontre des étudiants, de veiller à ce que les auteurs de ces actes soient poursuivis et fassent l’objet de sanctions adéquates, et de fournir une assistance psychologique, médicale et juridique aux victimes.

Emploi

Le Comité se réjouit de l’adoption de la loi no 18/2017 sur la protection des travailleurs migrants, qui établit des mécanismes d’autonomisation et de protection de ces travailleurs et de leurs familles. Il prend également note du fait que la loi no 11/2020 sur la création d’emplois ne modifie ni ne révoque les droits conférés aux travailleuses par la loi no 13/2003 sur la main-d’œuvre. Il est néanmoins préoccupé par :

a)La surreprésentation des femmes dans l’économie informelle et des emplois mal rémunérés, temporaires ou à temps partiel, y compris dans les plantations de palmiers à huile, qui se caractérisent par de mauvaises conditions de travail et l’absence de protection adéquate contre l’exploitation ;

b)L’absence d’une loi complète définissant et interdisant effectivement la violence et le harcèlement fondés sur le genre, notamment le harcèlement sexuel, sur le lieu de travail ;

c)La persistance d’un écart de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’État partie, et l’absence de législation assurant le respect du principe d’un salaire égal pour un travail de valeur égale ;

d)L’exclusion des femmes des titulaires de droits dans la loi no 7/2016 sur la protection et l’autonomisation des pêcheurs, des pisciculteurs et des saliculteurs, la loi no 19/2013 sur la protection et l’autonomisation des agriculteurs et la loi no 18/2012 sur l’alimentation ;

e)Le fait que les travailleuses domestiques, y compris les travailleuses migrantes, en particulier les femmes en situation de conflit, sont exposées à un risque accru de violence et de discrimination fondées sur le genre ; le retard pris par l’adoption de la législation visant à protéger les travailleuses et les travailleurs domestiques, notamment le projet de loi sur les travailleuses et les travailleurs domestiques et la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (no 189) de l’Organisation internationale du travail ; et la mise en œuvre limitée de la loi no 18/2017 sur la protection des travailleurs migrants ;

f)L’absence d’informations claires et à jour sur les femmes handicapées dans la population active et les graves difficultés qu’elles rencontrent, ainsi que les problèmes particuliers auxquels sont confrontées les femmes atteintes de la lèpre souhaitant obtenir un emploi valorisant et durable ;

g)Les dispositions notables et diverses de la loi no 11/2020 sur la création d’emplois, qui peuvent avoir des répercussions disproportionnées sur les moyens d’existence et le travail des femmes, notamment l’obligation de rémunération des heures supplémentaires, la protection contre le licenciement et le droit des femmes à des congés payés en vertu de la nouvelle législation sur les salaires.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer les mesures visant à mettre un terme à la ségrégation verticale et horizontale des emplois et à améliorer l’accès des femmes au marché du travail officiel, d’encourager les femmes et les filles à choisir des parcours professionnels non traditionnels et de donner la priorité au passage des femmes d’emplois à temps partiel à des emplois à temps plein, en les faisant bénéficier de structures de garde d’enfants adéquates et accessibles ;

b) De concevoir et mettre en œuvre des politiques publiques étendant la couverture de la protection sociale aux femmes en situation de conflit et aux femmes ayant un emploi informel, en particulier un emploi mal rémunéré, temporaire ou à temps partiel ;

c) D’adopter et de mettre en œuvre une législation complète pour prévenir et combattre la violence et le harcèlement fondés sur le genre, notamment le harcèlement sexuel, sur le lieu de travail ; d’établir un mécanisme de plainte indépendant pour que les victimes aient effectivement accès à des voies de recours et que les auteurs soient tenus responsables de leurs actes, notamment en faisant l’objet de poursuites et de sanctions ; et de garantir l’accès aux soins de santé et aux services essentiels, y compris aux travailleuses migrantes sans exposer celles-ci au risque d’être arrêtées ou expulsées ;

d) De faire respecter dans les faits le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale afin de réduire et, à terme, de combler l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes , en réexaminant régulièrement les salaires dans tous les secteurs, en adoptant des méthodes analytiques de classification et d’évaluation des emplois tenant compte des questions de genre, en procédant périodiquement à des inspections du travail et en réalisant régulièrement des enquêtes sur les salaires ;

e) De garantir aux femmes la jouissance effective, sur un pied d’égalité avec les hommes, des droits prévus par la loi n o  7/2016 sur la protection et l’autonomisation des pêcheurs, des pisciculteurs et des saliculteurs, la loi n o  19/2013 sur la protection et l’autonomisation des agriculteurs et la loi n o  18/2012 sur l’alimentation ;

f) Sans plus tarder, i) d’adopter le projet de loi sur la protection des travailleurs domestiques , qui prévoit des conditions de travail similaires à celles de la loi n o  13/2003 sur la main-d’œuvre ; ii) de ratifier la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (n o 189) de l’Organisation internationale du travail, et iii) de mettre en œuvre la loi n o  18/2017 sur la protection des travailleurs migrants ;

g) D’intensifier les activités de sensibilisation et de formation concernant le handicap dans les secteurs public et privé, de renforcer les mécanismes de soutien pour permettre aux femmes handicapées de trouver des emplois durables et valorisants, et de publier des statistiques à jour et détaillées sur les femmes handicapées dans la population active ;

h) De garantir le droit de bénéficier de congés maternité, menstruel et allaitement payés, de veiller à ce que les femmes ne soient pas obligées de faire des heures supplémentaires non rémunérées, malgré les modifications apportées aux dispositions de la loi n o  11/2020 sur la création d’emplois concernant les heures supplémentaires et les salaires.

Santé

Le Comité félicite l’État partie des efforts qu’il déploie afin d’élargir l’accès aux services de santé sexuelle et procréative dans les zones rurales et de réduire la mortalité maternelle et infantile, et notamment du rôle de champion de l’initiative IMPACT de HeforShe joué par le Président. Il est néanmoins préoccupé par :

a)L’accès limité aux soins de santé des femmes des zones rurales, des femmes vivant avec le VIH/sida, des femmes handicapées, des femmes incarcérées et des femmes toxicomanes, ainsi que la violence et la discrimination fondées sur le genre dont elles font l’objet dans le système de santé ;

b)L’absence d’une éducation sexuelle complète et adaptée à l’âge, et l’accès limité à la contraception et aux services de santé sexuelle et procréative en vertu de la loi no 52/2009 sur la population et la famille et de la loi no 36/2009 sur la santé ;

c)Les taux élevés de mortalité maternelle et de malnutrition, en particulier dans les zones rurales, notamment dans les provinces de Papua, Sulawesi, Maluku et Nusa Tenggara ;

d)Le délai très limité pour avorter (six semaines), les conditions imposées pour obtenir un avortement légal (ce dernier n’est autorisé que lorsque la grossesse résulte d’un viol ou lorsque la vie de la femme enceinte ou du fœtus est en danger) par l’article 75 de la loi no 36/2009 sur la santé, et l’obligation juridique d’obtenir le consentement du mari ou, en cas de viol, une lettre d’un médecin et une déclaration officielle d’un expert concernant le viol présumé, autant de facteurs qui conduisent les femmes à recourir à des avortements non médicalisés ;

e)La contention physique ou la détention de personnes, y compris de femmes et de filles, souffrant de handicaps intellectuels ou psychosociaux, ou leur placement forcé dans des établissements psychiatriques, et l’imposition à ces dernières d’examens physiques, de traitements médicaux et de prise de médicaments sans leur consentement libre, préalable et éclairé.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’éliminer la discrimination, la violence et la stigmatisation dont sont victimes les femmes en zones rurales, les femmes vivant avec le VIH/sida, les femmes handicapées, les femmes détenues et les femmes qui se droguent, et de veiller à ce que celles-ci aient accès à des services de santé adéquats, notamment dans les domaines de la santé sexuelle et procréative, du traitement du VIH et de la toxicomanie ;

b) De veiller à ce que les femmes et les filles aient réellement accès à des informations et à des services de santé sexuelle et procréative, y compris à une éducation sexuelle adaptée à leur âge et à des méthodes modernes de contraception, notamment en abrogeant les lois et règlements qui restreignent l’accès à la contraception ;

c) D’améliorer la couverture et l’accès aux services de santé sur l’ensemble du territoire et de redoubler d’efforts pour réduire l’incidence de la mortalité maternelle et de la malnutrition, notamment en formant des professionnels de la santé, en particulier dans les zones rurales, de manière à ce que toutes les naissances soient assistées par un personnel de santé qualifié, et en déployant des efforts concertés pour lutter contre la malnutrition d’une manière stratégique, tenant compte des questions de genre et respectueuse des normes culturelles ;

d) D’allonger la période durant laquelle l’avortement peut être autorisé ; de légaliser ce dernier en cas d’inceste et de malformation fœtale grave, ainsi qu’en cas de viol et de menace pour la vie de la femme enceinte, de dépénaliser l’avortement dans tous les autres cas, et d’assurer des services d’avortement et de soins après avortement dans de bonnes conditions de sécurité ;

e) D’abolir la privation de liberté des femmes et des filles handicapées en raison d’une déficience intellectuelle ou psychosociale réelle ou supposée, d’interdire la poursuite de tout examen ou traitement sans le consentement libre et éclairé de ces dernières, et d’enquêter sur les cas de contention physique et de détention dans des maisons privées ou de placement et traitement forcés dans des établissements psychiatriques, d’engager des poursuites à ce titre et d’imposer des sanctions.

Femmes autochtones et femmes rurales

Le Comité se réjouit des efforts déployés par l’État partie pour élaborer des cadres normatifs dans le but de reconnaître certains droits fonciers aux masyarakat hukum adat (communautés régies par le droit coutumier). Il est néanmoins préoccupé par :

a)Le fait que seulement neuf masyarakat hukum adat sont reconnus par l’État partie, et que les femmes rurales et autochtones sont touchées de manière disproportionnée par les projets de développement donnant lieu, notamment, à l’exploitation de ressources naturelles, à la déforestation et à l’expansion des terres cultivées, et par les conflits fonciers qui en découlent ;

b)Le fait que la loi no 11/2020 sur la création d’emplois porte atteinte à la protection de l’environnement en supprimant l’obligation d’obtenir des permis environnementaux et de réaliser des études d’impact sur l’environnement, ce qui menace l’accès des femmes autochtones à la terre ;

c)L’absence d’informations sur la prise en compte des questions de genre dans les processus de prise de décision concernant les projets de développement et la participation limitée des femmes, notamment des femmes rurales autochtones, à ces processus et à l’élaboration des politiques ;

d)L’accès limité des femmes autochtones à la propriété foncière, à l’eau potable et à des installations sanitaires adéquates.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’intensifier ses efforts pour protéger le droit des femmes autochtones d’utiliser les ressources naturelles et les terres, notamment en élargissant la couverture des masyarakat hukum adat , et d’abroger ou de modifier de toute autre manière la législation portant atteinte au droit des femmes autochtones d’utiliser les terres, notamment la loi n o  11/2020 sur la création d’emplois ;

b) De procéder à une évaluation des questions de genre dans le cadre de toutes les études d’impact sur l’environnement et de veiller à ce que les femmes rurales et autochtones puissent contribuer pleinement au développement du pays, à ce que leur consentement libre, préalable et éclairé soit obtenu pour tout projet de développement sur des terres autochtones et à ce qu’elles bénéficient d’accords adéquats de partage des bénéfices ; et de fournir aux femmes autochtones touchées par ces projets de nouveaux moyens d’existence, conformément à la Convention de 1989 relative aux peuples indigènes et tribaux (n o  169) de l’Organisation internationale du travail ;

c) D’éliminer les pratiques coutumières discriminatoires à l’égard des femmes autochtones dans le domaine de la propriété foncière et de garantir l’accès des femmes autochtones aux services de base, à l’eau potable et à des installations sanitaires adéquates.

Femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres et personnes intersexes

Le Comité est préoccupé par la législation et les ordonnances provinciales et municipales discriminatoires visant les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres, y compris le Code pénal islamique de la province d’Aceh. Il note également avec inquiétude la prévalence de pratiques discriminatoires à l’encontre des femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres et des personnes intersexes, notamment leur exclusion sociale, les discours haineux et les maltraitances dont elles font l’objet, ainsi que leur détention arbitraire par la police.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter des mesures législatives et stratégiques pour lutter contre la violence et la discrimination fondées sur le genre à l’égard des femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres et des intersexes, y compris les discours haineux et les violences physiques, verbales et psychologiques ;

b) De protéger les droits humains des femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres et des intersexes dans tous les domaines couverts par la Convention et de mener des activités de sensibilisation pour lutter contre leur stigmatisation dans la société.

Réfugiées et demandeuses d’asile

Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que la réglementation actuellement applicable aux réfugiés et aux demandeurs d’asile ne donne à ces derniers ni accès aux services de base ni le droit de travailler, ce qui expose les femmes réfugiées et demandeuses d’asile à un risque élevé d’exploitation.

Le Comité recommande à l’État partie de modifier la législation relative aux réfugiés et aux demandeurs d’asile afin de garantir les droits socioéconomiques fondamentaux de ces personnes et de toute autre ayant besoin d’une protection internationale, notamment en leur donnant le droit de travailler.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité prend note de la campagne nationale menée par l’État partie pour mettre fin au mariage des enfants, et notamment de l’établissement, dans le Plan national de développement à moyen terme 2020-2024, d’un objectif de réduction de cette pratique. Il se déclare néanmoins tout aussi préoccupé qu’auparavant (CEDAW/C/IDN/CO/6-7, paragraphe 47) par l’absence d’une stratégie efficace assortie de priorités et de délais clairs pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes et des filles dans le mariage et les relations familiales. Il juge particulièrement préoccupant :

a)La persistance des mariages d’enfants, notamment dans les zones rurales, l’article 7 (par. 2) de la loi no 16/2019 sur le mariage autorisant les tribunaux religieux à accorder des dérogations à l’âge minimum légal du mariage ;

b)Le retard pris par le retrait ou la modification des dispositions discriminatoires de la loi no 16/2019 sur le mariage et du Code civil ainsi que d’autres dispositions discriminatoires, notamment les dispositions qui : i) autorisent la polygamie (articles 3, 4.1 et 4.2 de la loi no 16/2019 sur le mariage) ; ii) stipulent que l’homme est chef de ménage (articles 31 et 34 de la loi n  16/2019 sur le mariage et articles 105 et 106 du Code civil) ; iii) sont source de discrimination à l’égard des femmes en limitant leurs droits de succession ; et iv) empêchent les femmes musulmanes de se marier ou de divorcer dans le cadre de la loi civile ;

c)Le nombre élevé de mariages non enregistrés, les femmes ne bénéficiant d’aucune protection dans le contexte de ces unions ;

d)La persistance de la pratique de l’enlèvement de la fiancée, qui aboutit à un mariage forcé, dans plusieurs régions, dont Sumba.

Le Comité rappelle ses précédentes observations finales (CEDAW/C/IDN/CO/6-7, par. 48), ainsi que ses recommandations générales n o  21 (1994) sur l’égalité dans le mariage et les rapports familiaux et n o  29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage, des rapports familiaux et de leur dissolution, et recommande à l’État partie d’élaborer une stratégie efficace, assortie de priorités et d’échéances claires, pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans le mariage et les rapports familiaux. Il recommande en particulier à l’État partie :

a) D’abolir toute exception à l’interdiction du mariage des moins de 18 ans en vertu de l’article 7 (par. 2) de la loi n o 6/2019, notamment en interdisant la délivrance d’une dérogation judiciaire à l’âge légal au mariage ; de prévenir la poursuite des traditions patriarcales concernant le mariage comme l’ijbar et le muhrim ; et de demander à la femme son plein consentement au mariage ;

b) De prendre des mesures pour sensibiliser l’ensemble du pays aux effets préjudiciables du mariage des enfants sur les filles et d’assurer une formation systématique aux membres du corps judiciaire pour s’assurer qu’ils connaissent les droits des femmes et des enfants et savent qu’il leur incombe de protéger les victimes du mariage des enfants ;

c) De modifier, sans plus attendre, les dispositions discriminatoires de la loi n o  16/2019 sur le mariage et du Code civil, ainsi que toute autre disposition discriminatoire, en vue : i) d’interdire la polygamie ; ii) d’assurer les mêmes droits de succession aux femmes et aux hommes ; et iii) de permettre à toutes les femmes de se marier ou de divorcer dans le cadre du droit civil dans l’État partie ;

d) De protéger les droits des femmes dont l’union n’a pas été enregistrée et d’exiger l’enregistrement de tous les mariages à l’état civil pour qu’ils aient force juridique ;

e) De veiller à ce que les cas de mariages forcés fassent l’objet de véritables enquêtes, que les responsables soient poursuivis et dûment sanctionnés, et que les femmes et les filles victimes de ce type d’union jouissent d’une protection et aient notamment accès à des foyers d’accueil et à des services d’appui.

Protocole facultatif à la Convention et modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité invite l’État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention et à accepter dans les meilleurs délais la modification apportée à l’article 20 (par. 1) de la Convention concernant la durée des réunions du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l’État partie à s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing et, dans le contexte de l’examen de la mise en œuvre de ces instruments mené 25 ans après leur adoption, à continuer d’évaluer la réalisation des droits consacrés par la Convention, l’objectif étant de parvenir à une égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Diffusion

Le Comité prie l’État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans la langue officielle de l’État partie, aux institutions publiques concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, à l’Assemblée consultative du peuple indonésien et au corps judiciaire, afin d’en permettre la pleine application.

Assistance technique

Le Comité recommande à l’État partie d’établir un lien entre l’application de la Convention et l’action qu’il mène en faveur du développement, et de faire appel à cette fin à l’assistance technique régionale ou internationale.

Ratification d’autres traités

Le Comité constate que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribuerait à favoriser l’exercice effectif par les femmes de leurs droits individuels et de leurs libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie . Il l’invite donc à ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées à laquelle il n’est pas encore partie.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité regrette que l’État partie ne lui ait pas communiqué d’informations sur les mesures prises pour appliquer les recommandations appelant une action immédiate formulées dans ses observations finales précédentes, et le prie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu’il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 14 a), 24 a), 26 d) et 52 c) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité prie l’État partie de soumettre son neuvième rapport périodique, attendu en novembre 2025. Le rapport devra être présenté dans les délais prévus et couvrir toute la période écoulée, jusqu’à la date à laquelle il sera soumis.

Le Comité invite l’État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument (voir HRI/GEN / 2/Rev.6 , chap. I).