Pacte international relatif aux droits civilset politiques

Distr.

RESTREINTE*

CCPR/C/76/D/876/1999

12 novembre 2002

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMESoixante‑seizième session14 octobre‑1er novembre 2002

DÉCISION

Communication n o  876/1999

Présentée par:M. L. Yama et M. N. Khalid (représentés par un conseil, M. Bohumir Bláha)

Au nom de:Les auteurs

État partie:Slovaquie

Date de la communication:2 août 1999 (communication initiale)

Décisions antérieures:Décision prise par le Rapporteur spécial conformément à l’article 91 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 17 septembre 1999 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption

de la décision:31 octobre 2002

[ANNEXE]

ANNEXE

DÉCISION DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME EN VERTU DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Soixante ‑seizième session

concernant la

Communication n o 876/1999**

Présentée par:M. L. Yama et M. N. Khalid (représentés par un conseil, M. Bohumir Bláha)

Au nom de:Les auteurs

État partie:Slovaquie

Date de la communication:2 août 1999 (communication initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en application de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 31 octobre 2002,

Adopte la décision ci-après:

DÉCISION CONCERNANT LA RECEVABILITÉ

1.Les auteurs de la communication sont Latiphy Yama et Neda Khalid, citoyens afghans résidant, au moment de la présentation de la communication, au Centre humanitaire pour les réfugiés en République slovaque. Ils affirment être victimes de violations par la République slovaque1 des articles 2, 14 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ils sont représentés par un conseil.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Le 10 mars 1997, Latiphy Yama et Neda Khalid sont arrivés en République slovaque et ont immédiatement présenté une demande d’asile à l’Office des migrations du Ministère de l’intérieur. M. Yama a expliqué dans sa demande qu’il avait fui l’Afghanistan après l’occupation de Kaboul par le groupe rebelle des Talibans, parce qu’il était membre du Parti démocratique populaire afghan qui avait eu des affrontements avec les Talibans, et qu’il craignait de ce fait pour sa vie. M. Khalid a expliqué qu’il avait fui son pays à la suite de l’occupation de Kaboul, parce que son père était général sous le régime de Najibullah et que son frère aîné, qui était officier supérieur, avait été tué dans les rues de Kaboul au cours de l’occupation.

2.2Les demandes de M. Khalid et de M. Yama ont été rejetées en vertu de décisions de l’Office des migrations; ces décisions ont été reçues le 1er décembre 1997 et le 28 novembre 1998, respectivement. Les demandes ont été rejetées parce que l’Office des migrations avait estimé qu’aucun des auteurs ne remplissait les critères fixés à l’article 7 de la loi du Conseil national (no 283/1995 Coll.) sur les réfugiés, à savoir qu’ils aient des craintes bien fondées de persécution en raison de leur race, de leur nationalité ou de leurs opinions religieuses ou politiques ou de leur appartenance à un groupe social déterminé faisant qu’ils ne pouvaient ou ne voulaient retourner chez eux.

2.3Les auteurs ont fait appel de ces décisions auprès du Ministère de l’intérieur qui est conseillé par une commission spéciale faisant partie de ses services. Ils étaient tous deux représentés par un conseil. La Commission spéciale du Ministère de l’intérieur fait ses recommandations uniquement sur la base de documents écrits, aucune procédure orale n’étant prévue. Les recours des auteurs ont été rejetés.

2.4Les auteurs ont ensuite interjeté appel auprès de la Cour suprême au motif que les autorités avaient incorrectement évalué les faits et les éléments de preuve qu’ils avaient soumis. Les auteurs avaient présenté à l’appui de leurs arguments des données matérielles sur la situation qui régnait en Afghanistan. Leurs requêtes ont été examinées sans qu’ils soient entendus et ont été toutes deux rejetées dans une décision en date du 27 octobre 1998.

2.5Après leur plainte initiale, les auteurs ont informé le Comité que, conformément à une demande du ministère public, la Cour constitutionnelle avait examiné les dispositions du Code civil qui autorisaient la Cour suprême à examiner les recours contre les décisions des organes administratifs sans entendre la victime présumée. Dans une décision datée du 22 juin 1999, la Cour a considéré cette loi anticonstitutionnelle. La loi a été par la suite modifiée pour que des auditions puissent avoir lieu.

Teneur de la plainte

3.1Dans leur lettre initiale, les auteurs affirment qu’il y a eu violation de l’article 14 du Pacte, dès lors qu’ils n’avaient pas été entendus publiquement, n’ayant pas eu la possibilité de formuler des remarques orales dans le cadre de leurs recours auprès du Ministre de l’intérieur ou de la Cour suprême.

3.2Les auteurs affirment également qu’ils n’ont pas bénéficié des services d’un interprète pour leurs recours auprès du Ministre de l’intérieur ou de la Cour suprême. Ils font valoir que l’égalité des droits des parties à une affaire devant un tribunal ainsi que leur droit à l’égalité devant la loi, qui sont garantis par les articles 2 et 26 du Pacte, ont par conséquent été violés. En outre, les auteurs affirment que bien qu’en vertu de la législation slovaque, les décisions judiciaires doivent être prononcées en public et le contenu du jugement doive être traduit à la victime dans sa propre langue, ce droit leur a été dénié.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans une note verbale datée du 16 novembre 1999, l’État partie a formulé ses observations sur la recevabilité de la communication. Il estime que les auteurs n’ont pas épuisé les recours internes et prie le Comité de déclarer la communication irrecevable. En vertu des alinéas e et f de l’article 243 du Code de procédure pénale, qui est entré en vigueur le 1er juillet 1998, les auteurs avaient la possibilité de former un recours extraordinaire auprès du «Procureur général» s’ils estimaient qu’une décision valable d’un tribunal constituait une violation de la loi. En vertu de cette procédure, explique l’État partie, si le Procureur général estime que la loi a été violée, il peut former un recours extraordinaire auprès de la Cour suprême. Une autre chambre de la Cour suprême que celle qui a examiné l’affaire en troisième instance examinerait alors le recours extraordinaire.

4.2L’État partie indique en outre que le 13 novembre 1998, les deux auteurs ont présenté une deuxième demande pour l’obtention du statut de réfugié qui a été rejetée par une décision datée du 10 février 1999 parce qu’ils n’avaient pas rempli les critères fixés à l’article 7 de la loi du Conseil national (no 283/1995 Coll.) sur les réfugiés. Les recours ultérieurs des auteurs auprès du Ministre de l’intérieur ont été également rejetés; l’affaire étant actuellement examinée par la Cour suprême, l’État partie fait valoir que les auteurs n’ont pas encore épuisé les recours internes.

Commentaires de l’auteur

5.1Pour ce qui est de la question du non‑épuisement des recours internes, les auteurs contestent l’argument de l’État partie selon lequel un appel introduit auprès du «Procureur général» constituerait un recours utile. Ils affirment que l’engagement d’une telle procédure dépendant exclusivement du Procureur général, ce recours n’est ni disponible ni accessible2.

5.2Pour ce qui est de l’affirmation de l’État partie selon laquelle les recours internes n’ont pas été épuisés puisqu’une procédure est en cours en ce qui concerne la deuxième demande pour l’obtention du statut de réfugié, les auteurs font valoir que ces recours se rapportant à une autre demande, non visée dans la présente communication, l’épuisement des recours internes n’est pas requis.

5.3Les auteurs concèdent que la loi concernant l’absence de procédure orale lors de l’examen d’appels par la Cour suprême a été modifiée mais font valoir que le paragraphe 3 de l’article 14 a été violé puisque les parties sont informées avant l’audience que leur présence au tribunal n’est pas obligatoire; de l’avis des auteurs, cela a pour but de les empêcher d’exercer leur droit d’être entendu.

Autres observations de l’État partie et commentaires de l’auteur

6.1Dans une note verbale datée du 7 mars 2001, l’État partie a fourni des renseignements supplémentaires concernant la présente communication. Il confirme que les premières demandes d’asile des auteurs n’ont été examinées par la Cour suprême que sur la base d’informations écrites, étant donné que la décision, par laquelle la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnelle la loi excluant les auditions n’a été adoptée que le 22 juin 1999 et que les recours des auteurs devant la Cour suprême avaient été introduits le 27 octobre 1998. L’État partie affirme cependant que la décision a été prononcée en public et que les parties à la procédure avaient été dûment informées de la date à laquelle elle serait prononcée.

6.2L’État partie confirme que les appels introduits par les auteurs auprès de la Cour suprême en ce qui concerne leurs deuxièmes demandes d’asile qui n’avaient pas été tranchées à la date de la première note verbale ont été rejetés le 16 novembre 1999.

6.3L’État partie affirme qu’en ce qui concerne les deuxièmes demandes d’asile, les auteurs ont tous deux bénéficié de services d’interprètes lors de l’examen de leur appel par la Cour suprême. Or M. Yama n’en a pas tiré parti car il était absent lors de la procédure bien qu’il ait reçu une convocation3, et que son avocat n’a pas insisté pour que la procédure ait lieu en présence de son client. Pour ce qui est de M. Khalid, l’État partie indique qu’il était présent, qu’il a eu la possibilité d’être entendu par la Cour suprême et qu’il a utilisé les services de l’interprète4.

6.4L’État partie affirme en outre que même si les auteurs n’ont pas obtenu le statut de réfugié, un permis de résidence permanent leur a été délivré en 1999 (le 7 septembre 1999 dans le cas de M. Yama, et le 5 novembre 1999 dans celui de M. Khalid) en sorte qu’ils n’ont plus à craindre un retour en Afghanistan.

7.En réponse aux observations de l’État partie, les auteurs réitèrent leurs affirmations et font remarquer que sur 1 556 demandeurs d’asile, 10 seulement ont obtenu le statut de réfugié en République slovaque en 2000.

Délibérations du Comité

8.1Avant d’examiner une plainte contenue dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 87 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité s’est assuré, comme le requiert l’alinéa a du paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’est pas en cours d’examen devant une autre procédure internationale d’enquête ou de règlement. Pour ce qui est de l’alinéa b du paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité considère que les auteurs ont épuisé les recours internes disponibles et utiles.

8.3En ce qui concerne les allégations selon lesquelles les droits des auteurs en vertu des articles 14 et 26 ont été violés car ils n’ont pas eu la possibilité d’être entendus ou de bénéficier de services d’interprètes lorsque leurs demandes d’asile ont été examinées en appel, le Comité note que l’État partie a fait savoir que les auteurs pouvaient se prévaloir de ces droits lors de l’examen en appel par la Cour suprême de leurs deuxièmes demandes d’asile. Les auteurs n’ayant pas nié que tel ait été le cas, le Comité estime que cette partie de la communication est irrecevable car les auteurs n’ont pas prouvé qu’ils étaient fondés à présenter une plainte au sens de l’article 2 du Protocole facultatif.

9.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée aux auteurs et à l’État partie.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra aussi ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

-----