[ANNEXE]
Annexe
DÉCISION DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME EN VERTU DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES
− Soixante-seizième session −
concernant la
Communication n o 890/1999**
Présentée par: |
M. Emmerich Krausser |
Au nom de: |
L’auteur et sa mère |
État partie: |
Autriche |
Date de la communication: |
27 septembre 1999 (date de la lettre initiale) |
Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 23 octobre 2002,
Adopte la décision ci‑après:
DÉCISION CONCERNANT LA RECEVABILITÉ
1.1L’auteur de la communication est M. Emmerich Krausser, citoyen autrichien, résidant actuellement à Blumenau (Brésil). Il affirme être victime de violations par l’Autriche des articles 2, 12, 14, 17 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il n’est pas représenté par un conseil.
1.2L’Autriche a adhéré au Pacte le 10 décembre 1978. Le Protocole facultatif est entré en vigueur à son égard le 10 mars 1988.
Rappel des faits présentés par l’auteur
2.1L’auteur s’est marié à une certaine Elvira Krausser le 15 septembre 1978. En novembre 1978, une fille lui est née. Le 25 juillet 1980, le tribunal pénal d’arrondissement (Bezirksgericht für Strafsachen, Graz) a reconnu l’auteur coupable de coups et blessures volontaires sur la personne de sa femme et l’a condamné à une amende ou une peine substitutive de 20 jours d’emprisonnement. Le pourvoi en révision formé par l’auteur a été rejeté le 16 mars 1981. Il a déposé diverses plaintes au pénal contre sa femme et d’autres personnes en 1980 et 1981, mais celles‑ci n’ont pas donné lieu à des poursuites.
2.2Le 11 mars 1981, le tribunal civil d’arrondissement (Bezirksgericht für Zivilsachen, Graz) a octroyé la garde de la fille de l’auteur à sa femme, après que celle‑ci eut quitté leur appartement. Le 14 mai 1981, le recours formé par l’auteur contre cette décision a été rejeté. Le 7 juillet 1981, le tribunal d’arrondissement a ordonné l’exécution de sa décision, c’est‑à‑dire la remise de l’enfant par l’auteur à sa femme. Cette décision n’ayant pas été exécutée, la femme de l’auteur a déposé plainte au parquet contre l’auteur pour soustraction d’enfant mineur à la personne qui en a la garde. La police a interrogé l’auteur le 19 août 1981 à son retour de vacances d’été en Yougoslavie; l’information pénale a été suspendue le 26 août 1981, ce dont l’auteur a été informé. Le parquet a repris la procédure le 10 septembre 1981 sur la base de nouvelles informations communiquées par le tribunal d’arrondissement. Le 6 novembre 1981, le tribunal de district a ordonné la mise en détention de l’auteur et décerné un mandat d’arrêt international à son encontre. Au cours de l’automne 1981, l’auteur et sa fille ont quitté l’Autriche pour le Brésil. En août 1982, la mère de l’auteur a été reconnue coupable de complicité de soustraction par celui‑ci d’un enfant à la personne qui en avait légalement la garde.
2.3Le 27 novembre 1989, l’auteur a fait une demande de passeport ordinaire pour tous pays, d’une validité de 10 ans, au consulat d’Autriche à Curitiba (Brésil). Le 12 février 1990, se fondant sur la loi autrichienne sur les passeports (Passgesetz 1969), le consulat a refusé de délivrer un passeport à l’auteur parce que celui‑ci avait quitté l’Autriche en sachant que des poursuites pénales avaient été engagées contre lui et dans l’intention de se soustraire à une information pénale. Le 1er mars 1990, le consulat a rejeté la réclamation de l’auteur. Le 18 septembre 1990, le Ministère fédéral de l’intérieur (Bundesministerium für Inneres) a rejeté le recours formel (Berufung) de l’auteur sur la base d’informations reçues par le tribunal pénal de district compétent (Landesgericht für Strafsachen, Graz) selon lesquelles un mandat d’arrêt international contre l’auteur (Haftbefehl) était encore en vigueur. Le 29 septembre 1994, la Cour administrative fédérale (Verwaltungsgerichtshof) a rejeté le pourvoi de l’auteur contre la décision du Ministère fédéral de l’intérieur au motif qu’il n’avait pas été présenté dans les délais légaux.
2.4Dans l’intervalle, une nouvelle demande de passeport ordinaire a été rejetée dans toutes les instances. Le 29 septembre 1992, la Cour constitutionnelle fédérale (Verfassungsgerichtshof) a rejeté une demande d’aide juridictionnelle présentée par l’auteur aux fins de contester la décision du Ministère fédéral de la justice indiquant que rien n’autorisait à supposer que la décision était fondée sur une disposition générale dénuée de valeur légale ou qu’en appliquant les dispositions légales pertinentes, le Ministère avait commis une erreur ressortissant au droit constitutionnel. Néanmoins, entre 15 février 1993 et le 2 juillet 1994, l’auteur a déposé neuf autres demandes de passeport; toutes ont été rejetées. Dans le but d’obtenir un passeport, l’auteur a également demandé la nationalité brésilienne en mars 1993. Cette demande a été rejetée sur la base d’informations communiquées par l’ambassade d’Autriche au Ministère brésilien de la justice selon lesquelles l’auteur était recherché par les autorités autrichiennes pour infraction pénale passible de plus d’une année d’emprisonnement.
2.5Le 9 janvier 1992, l’auteur a demandé à bénéficier d’un avocat au titre de l’aide juridictionnelle pour faire face aux poursuites pénales engagées contre lui et réclamer le remboursement des dépenses qu’il aurait à encourir pour se présenter devant le juge d’instruction en Autriche. Le 2 septembre 1992, le tribunal pénal de district l’a débouté de sa demande aux motifs qu’un avocat n’était pas nécessaire au premier stade de la procédure et que l’auteur n’avait pas fourni d’informations suffisamment détaillées sur sa situation financière. Le 26 avril 1993, une demande d’extrait de casier judiciaire présentée par l’auteur a été rejetée du fait de l’existence d’un mandat d’arrêt contre lui, conformément aux lois autrichiennes. Le tribunal pénal de district a rejeté une nouvelle demande d’aide juridictionnelle concernant la procédure pénale le 28 janvier 1996.
2.6Le 27 octobre 1993, le Ministère fédéral de la justice (Bundesministerium für Justiz) a délivré un sauf-conduit (Geleitbrief) à l’auteur pour qu’il comparaisse devant le tribunal pénal de district et le mandat d’arrêt a été suspendu jusqu’au 1er mars 1994. L’auteur ne s’est cependant pas présenté au tribunal. Le 12 juillet 1994, le Ministère fédéral de la justice a délivré un autre sauf‑conduit valide jusqu’au 1er août 1995. L’ambassade d’Autriche a délivré un passeport valable un an, jusqu’au 1er septembre 1995. Le 21 août 1995, le tribunal pénal de district a suspendu le mandat d’arrêt sur la demande des services du parquet (Staatsanwaltschaft beim Landgericht, Graz). Le 2 octobre 1995, l’ambassade d’Autriche à Brasilia a délivré un passeport valable jusqu’au 2 octobre 2005. Tous les recours pendants devant la Cour administrative fédérale (Verwaltungsgerichtshof) contre les décisions rejetant la demande de passeport de l’auteur ont fait l’objet d’une suspension de procédure.
2.7Le 2 juillet 1997, la Cour de l’État (Oberlandesgericht) de Vienne a débouté l’auteur de sa demande d’aide juridictionnelle aux fins de réclamer à l’État partie une indemnisation pour faute, au motif que la législation pertinente (Amtshaftungsgesetz) ne prévoyait pas ce type d’attaque contre les décisions des tribunaux dans les procédures d’appel. Le 10 septembre 1997, le Département des finances (Finanzprokuratur) a rejeté une demande d’indemnisation formée par l’auteur du fait, entre autres motifs, qu’elle était prescrite. Les juridictions compétentes ont également rejeté des demandes subséquentes d’aide juridictionnelle faites dans le cadre de la même affaire. Le 26 février 1999, la Cour constitutionnelle (Verfassungsgerichtshof) a rejeté une demande d’aide juridictionnelle déposée par l’auteur dans le but de réclamer une indemnisation pour faute de diverses autorités de l’État partie.
Teneur de la plainte
3.1L’auteur affirme que sa condamnation pour violence conjugale était fondée sur des éléments insuffisants, ainsi que le montrent les avis d’experts qu’il a ultérieurement recueillis. D’après lui, le fait que les tribunaux ne soient pas revenus sur cette décision entraîne une violation du paragraphe 6 de l’article 14 du Pacte. En outre, le parquet a renoncé à enquêter sur les accusations de déclarations fallacieuses qu’il avait portées contre les témoins experts entendus au cours du procès. L’auteur se dit victime d’une discrimination contraire à l’article 26 du Pacte.
3.2L’auteur ajoute que la procédure judiciaire qui a abouti à la décision du tribunal d’arrondissement d’octroyer la garde de sa fille à sa femme contrevenait aux articles 14 (par. 1), 17 et 26 du Pacte. Selon lui, le rapport du travailleur social et le procès‑verbal de la police pris en considération par le tribunal n’étaient pas fiables et ont été produits sans qu’il ait eu son mot à dire.
3.3L’auteur déclare qu’il ne savait pas que des poursuites pénales étaient engagées contre lui en Autriche lorsqu’il a quitté le pays. Il est parti pour fuir une injustice permanente. Il avait été licencié après que des agents de police furent venus le chercher en son absence et, en raison de sa condamnation antérieure pour violence conjugale, il ne pouvait pas trouver de nouvel emploi. C’est pourquoi il avait dû quitter l’Autriche. Il affirme n’avoir été informé de l’information le concernant qu’en février 1996, lorsque lui a été notifiée la décision du tribunal de district de rejeter sa demande d’aide juridictionnelle.
3.4L’auteur indique en outre que sa mère a été condamnée à tort de complicité de soustraction d’un enfant mineur des mains du parent qui en avait la garde légale. La procédure intentée contre sa mère était selon lui en contravention de l’article 14 [par. 1, 2, 3, d), e), f), g)] et de l’article 5 du Pacte. Sa mère avait reçu en tout et pour tout une instruction primaire en Yougoslavie et était incapable de comprendre les formules officielles allemandes utilisées par les tribunaux autrichiens. En outre, elle présentait déjà des déficiences visuelles et auditives en 1980. L’État partie l’a contrainte à témoigner contre elle‑même en l’interrogeant en l’absence d’un avocat.
3.5D’après l’auteur, l’ambassade d’Autriche au Brésil connaissait l’adresse de son domicile et de son lieu de travail dès le mois de décembre 1989 au moins. Par conséquent, l’État partie était en mesure de demander son extradition vers l’Autriche ou son inculpation au Brésil. En outre, les autorités autrichiennes auraient pu l’interroger à tout moment au Brésil depuis 1990. L’auteur prétend avoir été privé d’une audition publique et présumé coupable sans pouvoir se défendre, en violation de l’article 14 du Pacte.
3.6L’auteur précise qu’il avait des problèmes financiers et ne pouvait rémunérer les services d’un avocat ni se rendre en Autriche à ses frais. Il joint diverses déclarations d’impôt sur le revenu censées établir sa situation financière. D’après lui, l’ambassade d’Autriche était parfaitement au courant de sa situation financière; cela n’a pas empêché les autorités de l’obliger à retourner en Autriche. L’État partie a violé l’article 12 du Pacte en refusant de lui délivrer un passeport et en l’empêchant de quitter le Brésil. Du fait qu’il a été traité différemment d’autres personnes se trouvant dans une situation comparable en Autriche, l’État partie a violé l’article 26 du Pacte.
3.7L’auteur affirme par ailleurs qu’il n’a pas été suffisamment tenu compte de sa situation financière et personnelle par les tribunaux qui ont rejeté ses demandes d’aide juridictionnelle. Se référant au paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte, il soutient qu’il aurait dû pouvoir demander à être indemnisé des pertes financières encourues par la faute des autorités devant les tribunaux de l’État partie.
3.8L’auteur prétend que l’ambassade d’Autriche a communiqué de fausses informations au Ministère brésilien de la justice lorsque celui‑ci a examiné sa demande de naturalisation. L’État partie aurait fait obstacle à sa naturalisation au Brésil et, de ce fait, violé l’article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. En outre, les mêmes informations auraient été portées à l’attention de son employeur, qui l’a licencié en décembre 1994 alors qu’il n’avait pas réussi à respecter le strict délai qui lui avait été fixé pour régler ses affaires et recevoir un passeport. L’auteur déclare qu’en raison des atteintes à sa réputation, il n’a pu retrouver un emploi et ne peut entretenir sa famille. Il demande à être indemnisé des pertes financières que lui a causées l’État partie.
3.9L’auteur mentionne la décision du tribunal pénal de district en date du 28 février 1996 rejetant sa demande d’aide juridictionnelle et allègue que le tribunal l’a informé qu’au stade préliminaire de la procédure, il serait tenu de rencontrer le magistrat instructeur en l’absence d’un avocat ou du procureur. À l’issue de cette confrontation, le magistrat déciderait de le mettre ou non formellement en accusation. Selon l’auteur, cette pratique est contraire au paragraphe 3 g) de l’article 14 du Pacte car il risque d’être contraint à des aveux au cours de cette confrontation.
Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond
4.1Dans une réponse datée du 24 mars 2000, l’État partie affirme que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes disponibles, ce qui rend sa communication irrecevable. Il indique que l’auteur n’a pas déposé plainte (Bescheidbeschwerde) devant la Cour administrative fédérale pour contester la légalité des décisions du Ministère fédéral de la justice dans le délai légal de six mois. Une telle plainte aurait permis à la Cour d’examiner toute violation des droits de l’homme et de casser la décision administrative. En revanche, les diverses plaintes de l’auteur n’ont pas abouti parce qu’elles ont été déposées hors des délais prescrits. Par ailleurs, l’État partie affirme que la demande de passeport de l’auteur avait déjà été acceptée en septembre 1994, lorsqu’il s’est vu délivrer un passeport valable un an.
4.2Dans une réponse ultérieure datée du 12 mai 2000 sur la recevabilité et le fond, l’État partie allègue que l’auteur savait lorsqu’il a quitté l’Autriche qu’il faisait l’objet de poursuites pénales qui avaient été suspendues. À la reprise de la procédure, le Procureur a adressé à l’auteur une citation à comparaître qui a été déposée à son domicile légal et ultérieurement remise à la poste. L’auteur n’avait pas indiqué aux autorités de l’État partie qu’il avait quitté son lieu de résidence permanente et selon l’enquête de police, il séjournait avec l’enfant à son adresse permanente pendant les week‑ends. En conséquence, conformément à la loi autrichienne, la signification de la notification était réputée faite.
4.3Dès le 21 août 1990, et par conséquent avant la première décision du consulat d’Autriche à Curitiba concernant sa plainte relative au refus de lui délivrer un passeport ordinaire pour tous pays, d’une validité de 10 ans, l’ambassade d’Autriche à Brasilia a informé l’auteur de la possibilité de lui délivrer un passeport pour une courte période seulement, ce qui lui permettrait de revenir en Autriche, sous réserve qu’il s’engage par écrit à comparaître devant les tribunaux. Au lieu de cela, l’auteur a présenté de nombreuses demandes de passeport à durée de validité normale. En outre, dans sa décision du 15 avril 1992, le Ministère fédéral de l’intérieur a expliqué à l’auteur que le rejet de sa demande ne constituait pas une sanction mais seulement une mesure visant à garantir l’administration de la justice.
4.4En ce qui concerne le premier sauf-conduit, l’État partie indique que l’auteur, de son propre fait et alors qu’il avait été cité à comparaître, ne s’est pas présenté devant le tribunal de district le 28 février 1994. En ce qui concerne le deuxième sauf-conduit, le tribunal de district avait informé l’auteur que la date de l’audition pouvait dans une large mesure être fixée en fonction de sa disponibilité. Comme suite à sa demande, il a été remis à l’auteur un passeport d’une validité limitée à un an. Malgré cela, celui‑ci ne s’est pas présenté devant le tribunal de district dans les délais indiqués sur son sauf‑conduit.
4.5Le 9 août 1995, les services du parquet ont abrogé l’ordonnance de mise en détention et le mandat d’arrêt parce que ces mesures s’étaient révélées jusqu’alors inefficaces. Cela supprimait les motifs du refus de délivrance d’un passeport à l’auteur et celui‑ci a pu obtenir un passeport valable pour une durée de 10 ans. Les plaintes déposées par l’auteur devant la Cour administrative ont été classées sans suite, la question étant devenue sans objet.
4.6S’agissant de la violation présumée du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte par suite du rejet des différentes demandes d’aide juridictionnelle aux fins de demander réparation pour faute des autorités, l’État partie renvoie aux affaires Lestourneaud c. Franceet K. L. c. Danemark et soutient que cette disposition ne peut être violée que conjointement avec l’une des dispositions de fond du Pacte. En outre, les demandes d’indemnisation formulées par l’auteur n’étant pas conformes à la législation nationale pertinente, l’octroi d’une aide juridictionnelle n’était pas requis dans l’intérêt de la justice et devait donc être refusé par les autorités compétentes.
4.7En ce qui concerne la violation présumée du paragraphe 2 de l’article 12 du Pacte concernant le refus du consulat d’Autriche de délivrer un passeport valide pour tous les pays et pour une durée normale de 10 ans, l’État partie affirme que l’auteur s’est vu offrir un passeport d’une validité limitée pour qu’il puisse retourner en Autriche. Ce refus ne constituait donc pas une entrave au droit de l’auteur à la liberté de circulation. Si, toutefois, le Comité devait en juger autrement, l’État partie affirme que cette entrave était prévue par la loi, nécessaire au maintien de l’ordre public et conforme à d’autres droits consacrés par le Pacte et, par conséquent, justifiée au titre du paragraphe 3 de l’article 12 du Pacte. Cette disposition du Pacte a été clairement rédigée pour s’appliquer aux mesures visant à garantir que les poursuites pénales soient menées à bonne fin. L’État partie mentionne les affaires Gonzales c. Pérouet Peltonen c. Finlande et ajoute que c’est en fait l’auteur lui‑même qui par son propre comportement a empêché son retour, notamment en voulant faire supporter par l’État partie les dépenses nécessaires à cette fin, ce qui n’est pas prévu par le droit interne.
4.8Le rejet de la demande de passeport, de surcroît, ne violait pas le droit de l’auteur à la présomption d’innocence garanti par le paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte. Comparable à d’autres mesures de coercition prises dans le cadre d’une information pénale, le refus de délivrance d’un passeport constitue une mesure préventive, visant à garantir l’administration de la justice. En ce qui concerne le principe de la séparation des pouvoirs dans le système constitutionnel autrichien, les autorités administratives sont incompétentes à examiner les mesures prises dans le cadre d’une procédure d’information pénale lorsqu’elles se prononcent sur la délivrance d’un passeport.
4.9Pour ce qui est de la violation présumée du paragraphe 3 d) de l’article 14 du Pacte, l’État partie précise qu’en droit interne autrichien, l’aide juridictionnelle est accordée aux personnes indigentes si la commission d’office d’un avocat se révèle nécessaire dans l’intérêt de la justice. S’agissant de la procédure pénale, il déclare que l’affaire de l’auteur en était encore au stade préliminaire de l’information, où la présence d’un avocat n’est pas requise par la loi si bien que la désignation d’un avocat au titre de l’aide juridictionnelle n’était pas nécessaire dans l’intérêt de la justice. Quant aux autres procédures engagées par l’auteur, l’État partie estime qu’une aide juridictionnelle a au moins été accordée dans le cadre de la procédure portée devant la Cour administrative en ce qui concerne le recours formé par l’auteur contre la première décision du consulat d’Autriche à Curitiba rejetant sa demande de passeport. Les demandes d’aide juridictionnelle ultérieures ont été chaque fois rejetées par la juridiction concernée après un examen approfondi des conditions d’octroi de l’aide juridictionnelle et en motivant pleinement la décision prise.
4.10En ce qui concerne la violation présumée du paragraphe 3 g) de l’article 14 du Pacte, l’État partie ajoute que l’auteur n’a pas affirmé qu’il avait été effectivement contraint de s’incriminer lui‑même, mais qu’il a formulé des craintes quant aux actes de procédures futurs dans le cas où ni le procureur ni l’avocat de la défense ne sont tenus d’être présents au cours de l’enquête préliminaire. L’État partie renvoie à l’affaire Aumeeruddy ‑Cziffra et 19 autres Mauriciennes c. Maurice et estime que l’auteur n’a pas suffisamment étayé son affirmation selon laquelle le recours à la force physique ou à la torture au cours de l’audition était plus qu’une simple possibilité théorique.
4.11L’État partie déclare en outre que l’auteur n’a pas étayé son affirmation selon laquelle il y avait eu violation de l’article 17 du Pacte. Dans sa communication, l’auteur n’a pas dit que l’État partie avait commis des faits internationaux illicites portant atteinte à son honneur et à sa réputation sur la base d’allégations mensongères.
4.12En ce qui concerne la violation présumée de l’article 26 du Pacte, l’État partie relève que l’auteur a soutenu qu’il ne jouissait pas de la même protection de la loi que les Autrichiens vivant en Autriche mais n’a pas précisé la nature de la discrimination dont il se prétendait victime. En outre, l’auteur n’appuie par aucun élément son affirmation selon laquelle le refus de délivrance d’un passeport conformément à la législation nationale pertinente et après examen par les tribunaux était arbitraire. L’État partie ajoute en ce qui concerne le mandat d’arrêt contre l’auteur que la même mesure aurait été prise à l’encontre d’une personne résidant en Autriche et qu’elle aurait pu avoir les mêmes incidences financières et personnelles.
Commentaires de l’auteur
5.1Dans sa réponse du 25 septembre 2000, l’auteur affirme que tous les recours juridiques utiles ont été épuisés dans son cas. Il concède qu’un avocat a été commis d’office dans le cadre de la procédure portée devant la Cour administrative concernant sa demande de passeport ordinaire du 4 juillet 1994, mais fait observer que cette procédure avait avorté par suite de la décision en date du 29 septembre 1994 selon laquelle il n’avait pas respecté les délais de présentation du recours. L’auteur affirme qu’il a fait appel tant devant la Cour administrative que devant la Cour constitutionnelle dans les délais prescrits, dès qu’on lui avait notifié la décision de lui accorder l’aide juridictionnelle. Toutefois, le consulat d’Autriche à Curitiba n’a pas transmis son pourvoi en temps voulu. Compte tenu de l’affirmation de l’État partie selon laquelle la Cour administrative avait compétence pour examiner les violations du Pacte, le refus d’une aide juridictionnelle le privait arbitrairement des droits énoncés au paragraphe 1 de l’article 14, à l’article 26 et aux paragraphes 2 et 3 de l’article 2 du Pacte.
5.2L’auteur conteste l’affirmation de l’État partie selon laquelle il avait été fait droit à sa plainte en lui délivrant un passeport d’une durée de validité limitée le 16 septembre 1994. Ce passeport lui avait été remis afin qu’il se présente au tribunal pénal de district et non pas pour être utilisé sans restriction à des fins professionnelles. À l’époque, une décision du Ministère fédéral de l’intérieur concernant son dernier recours était encore pendante. Le fait qu’on ait ultérieurement remis un passeport ordinaire à l’auteur avait pour seul but de couvrir des actes illégaux et valait reconnaissance de violations antérieures du paragraphe 2 de l’article 12 du Pacte.
5.3L’auteur affirme que l’intention de protéger l’ordre public au sens du paragraphe 3 de l’article 12 du Pacte s’est transformée dans son cas en une demande d’audition d’un suspect dans le cadre d’une enquête préliminaire. Selon lui, cet interrogatoire aurait pu avoir lieu au Brésil à n’importe quel moment. En outre, la restriction de son droit ne répondait pas à des motifs légitimes et ne constituait pas le moyen le moins coercitif. Si l’on peut considérer comme un moyen proportionné de refuser un passeport dans son propre pays à une personne qui y fait l’objet de poursuites pénales, dans le cas d’espèce, l’auteur a été contraint par l’État partie de revenir dans son pays pour se soumettre à une information pénale alors même que cet État partie savait qu’il était dans une situation financière difficile. En outre, le refus de passeport n’était pas conforme aux autres droits énoncés dans le Pacte, en particulier à l’article 26 et aux paragraphes 1 et 2 de l’article 14.
Examen de la recevabilité
6.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 87 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
6.2Eu égard au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité s’est assuré que l’auteur n’avait pas porté son affaire devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.
6.3Eu égard au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité note l’affirmation de l’État partie selon laquelle l’auteur n’a pas épuisé les recours internes disponibles. Il note que l’auteur a présenté diverses demandes de passeport ordinaire analogues qui ont toutes été rejetées par les autorités de l’État partie. Il ressort des archives que l’appel de la décision concernant la première demande, présentée par l’auteur le 27 novembre 1989, a été rejeté de façon définitive par la Cour administrative fédérale le 29 septembre 1994 parce qu’il n’avait pas été déposé dans les délais. Aucune autre décision définitive concernant une autre demande de passeport ordinaire présentée par l’auteur n’est mentionnée dans les mémoires des parties. Pour ce qui est des allégations de violation de l’article 12 du Pacte, le Comité conclut que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes disponibles et que cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l’alinéa b du paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole facultatif.
6.4En ce qui concerne les plaintes de l’auteur relatives à la décision prise à l’encontre de sa mère pour avoir été son complice dans la soustraction de sa fille des mains du parent qui en avait la garde, le Comité rappelle qu’il ne peut examiner que les requêtes individuelles présentées par les victimes présumées elles‑mêmes ou par leur représentant dûment autorisé. Il note que l’auteur n’a présenté aucune preuve écrite de son pouvoir d’agir au nom de sa mère. Il conclut donc que l’auteur n’a pas qualité à ses yeux à cet égard, au sens de l’article premier du Protocole facultatif.
6.5S’agissant des affirmations de l’auteur présentées aux paragraphes 3.1, 3.3, 3.5, 3.7, 3.8 et 3.9 ci‑dessus, le Comité considère que l’auteur n’a étayé aucune de ses allégations de violation des dispositions du Pacte aux fins de la recevabilité. Étant donné qu’il conclut à l’irrecevabilité de cette partie de la communication en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif, il n’est pas nécessaire que le Comité examine les autres conditions de recevabilité, y compris la question de sa compétence ratione temporis.
7.En conséquence, le Comité décide:
a)Que la communication est irrecevable au titre des articles 1 et 2 et du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif;
b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra aussi ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]
Notes