Observations finales concernant le cinquième rapport périodique du Liechtenstein *

Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique du Liechtenstein (CEDAW/C/LIE/5) à ses 1606e et 1607e séances (voir CEDAW/C/SR.1606 et CEDAW/C/SR.1607), le 5 juillet 2018.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le cinquième rapport périodique de l’État partie, qui a été soumis à partir de la liste de points et de questions établie avant la soumission du rapport (CEDAW/C/LIE/QPR/5), ainsi que son rapport de suivi du rapport périodique précédent (CEDAW/C/LIE/CO/4/Add.1). Il remercie l’État partie, dont la délégation a présenté le rapport oralement, et qui a apporté des éclaircissements complémentaires aux questions posées oralement par le Comité pendant le dialogue.

Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation, conduite par Martin Frick, Ambassadeur et Directeur du Bureau des affaires étrangères de la Principauté du Liechtenstein. La délégation comprenait aussi des représentants du Bureau des migrations et des passeports, du Bureau de l’éducation, de la police nationale, du Bureau des services sociaux, du Bureau des affaires étrangères et de la Mission permanente du Liechtenstein auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève, ainsi que des interprètes.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès réalisés depuis l’examen, en 2011, du quatrième rapport périodique (CEDAW/C/LIE/4) de l’État partie en ce qui concerne les réformes législatives, en particulier l’adoption des textes suivants :

a)En 2016, la loi no 504 relative à l’Association liechtensteinoise des droits de l’homme, qui constitue le fondement juridique de l’institution nationale de défense des droits de l’homme du Liechtenstein ;

b)En 2016, l’article 283 du Code pénal, qui fait figurer le genre parmi les motifs de discrimination interdits ;

c)En 2015, la nouvelle loi relative aux parents et aux enfants, qui fait de la garde conjointe la règle générale après toute séparation ou tout divorce, pour autant qu’elle soit dans l’intérêt supérieur de l’enfant ;

d)En 2012, les modifications de la loi relative à l’asile qui établissent des motifs fondés sur le sexe pour lesquels le droit d’asile peut être obtenu ;

e)En 2012, les modifications du droit des successions, grâce auxquelles la part successorale légale du (de la) conjoint(e) ou concubin(e) déclaré(e) survivant(e) est passée d’un tiers à la moitié du patrimoine ;

f)En 2011, les modifications de la loi régissant les infractions sexuelles, qui instaurent des poursuites d’office dans les cas de menaces dangereuses dirigées contre des membres de la famille proche, de harcèlement, de viol ou d’agressions sexuelles commis dans le mariage ou dans une union libre, ainsi que de mariages forcés ;

g)En 2011, les modifications du Code pénal portant interdiction des mutilations génitales féminines.

Le Comité salue les efforts faits par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité femmes-hommes, notamment l’adoption des mesures suivantes :

a)En 2018, une stratégie nationale pour la réalisation des objectifs de développement durable ;

b)En 2017, la révision des Directives relatives à la lutte contre la traite des êtres humains ;

c)Le programme de gouvernement pour la période 2017-2021, qui comporte divers objectifs tendant à éliminer les stéréotypes fondés sur le genre et à promouvoir l’égalité de fait entre les femmes et les hommes.

Le Comité note avec satisfaction que, depuis l’examen du rapport précédent, l’État partie a adhéré aux instruments internationaux et régionaux ci-après ou les a ratifiés :

a)En 2013, le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, et en 2017, le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications ;

b)En 2016, la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains ;

c)En 2016, la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels.

Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite de l’appui apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et invite l’État partie à réaliser l’égalité de jure et de facto (effective) des femmes et des hommes, conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les aspects de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il rappelle l’importance de l’objectif 5 et de l’intégration des principes d’égalité et de non-discrimination à l’ensemble des 17 objectifs. Il engage l’État partie à reconnaître les femmes comme force motrice du développement durable du pays et à adopter des politiques et des stratégies pertinentes à cet effet.

C.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s ’ agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir la déclaration faite par le Comité sur ses relations avec les parlementaires, adoptée à la quarante-cinquième session, en 2010). Il invite le Parlement du Liechtenstein ( Landtag ) à prendre, dans le cadre de son mandat, les mesures nécessaires en vue de donner suite aux présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique, en application de la Convention.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Réserves

S’il respecte la souveraineté juridique de l’État partie de décider librement de son chef de l’État, le Comité s’inquiète de ce que l’exclusion systématique des femmes de la succession au trône n’entrave l’application dans l’État partie de la Convention dans sa globalité.

Réaffirmant la préoccupation qu ’ il a déjà exprimée ( CEDAW/C/LIE/CO/4 , par.  13), le Comité rappelle à l ’ État partie qu ’ il juge la réserve à l ’ article 1 de la Convention contraire à cette dernière et invite l ’ État partie à réexaminer cette réserve en vue de la retirer.

Visibilité de la Convention, du Protocole facultatif et des recommandations générales du Comité

Le Comité note avec inquiétude que bien que les traités internationaux auxquels l’État partie a adhéré ou qu’il a ratifiés priment sur les lois nationales, la Convention n’a jamais été invoquée ou mentionnée dans des procédures judiciaires au cours de la période considérée. Il craint que cela s’explique par une mauvaise connaissance de la Convention au sein de l’appareil judiciaire et de la profession juridique, ainsi que de la part des femmes elles-mêmes, en particulier celles appartenant à des minorités, les migrantes et les réfugiées.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les dispositions utiles pour que la Convention soit suffisamment connue et appliquée dans toutes les lois, décisions de justice et politiques relatives à l ’ égalité des femmes et des hommes et à la promotion des femmes, notamment en la diffusant largement, ainsi que le Protocole facultatif s ’ y rapportant, auprès du grand public, de la magistrature, des agents de la force publique et des membres de la profession juridique. À cet égard, il recommande également à l ’ État partie de prendre des mesures particulières et ciblées, en coopération avec la société civile, afin de garantir la pleine application de la Convention, du Protocole facultatif et des recommandations générales du Comité.

Accès à la justice

Tout en prenant acte des assurances de la délégation, qui a affirmé que l’accès des femmes à la justice est pleinement garanti et qu’il n’existe aucune restriction spécifique dans la législation, le Comité s’inquiète des informations selon lesquelles l’accès des femmes à la justice est limité dans la pratique, en particulier dans le cas des femmes handicapées et des femmes ayant une connaissance insuffisante de la langue allemande, telles que les réfugiées, les demandeuses d’asile et les migrantes. En outre, il note avec préoccupation le faible nombre de demandes d’arbitrage ou de recours qui ont été formées en vertu de la loi relative à l’égalité des femmes et des hommes devant la Cour de justice du Liechtenstein pendant la période considérée.

Conformément à sa recommandation générale n o 33 (2015) sur l ’ accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De sensibiliser le grand public à la législation interdisant la discrimination à l ’ égard des femmes et aux recours ouverts aux victimes, ainsi que de renforcer les capacités de la magistrature et de former la force publique à appliquer cette législation de manière stricte  ;

b) De renforcer les mesures prises pour sensibiliser les femmes et les filles à leurs droits ainsi qu ’ aux voies de recours et aux services disponibles.

Mécanisme national de promotion des femmes

Le Comité s’inquiète qu’il n’y ait pas, à l’échelle nationale, de politique, de stratégie ou de programme d’action global en matière d’égalité des femmes et des hommes permettant de s’attaquer systématiquement aux causes structurelles des inégalités persistantes. Le Comité prend également note avec inquiétude de la réorganisation des responsabilités en ce qui concerne l’égalité femmes-hommes dans l’administration publique, y compris le transfert du Service de l’égalité des chances, anciennement public et indépendant, vers un service relevant du Bureau des services sociaux, ainsi que l’intégration de la Commission de l’égalité des sexes et du Bureau du médiateur pour l’enfance et la jeunesse à l’Association de défense des droits de l’homme au Liechtenstein. La nouvelle structure a un mandat moins étendu en ce qui concerne la promotion de l’égalité femmes-hommes, de moindres responsabilités et une moins grande visibilité. Le Comité est également préoccupé par les informations fournies par la délégation, selon lesquelles l’État partie ne dispose pas de ressources financières suffisantes pour améliorer encore le mécanisme national de promotion des femmes.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter une politique et une stratégie intégrées en faveur de l ’ égalité femmes-hommes et de sa prise en compte systématique, y compris en ayant recours à des processus de budgétisation tenant compte de la problématique femmes-hommes, avec des mécanismes efficaces de suivi et de responsabilisation dans tous les secteurs et à tous les niveaux de l ’ administration publique  ;

b) De renforcer le Service de l ’ égalité des chances et de veiller à ce qu ’ il bénéficie de l ’ autorité, de la notoriété et des ressources humaines et financières nécessaires pour faire efficacement progresser les droits des femmes, qu ’ il apprécie régulièrement les progrès accomplis dans l ’ application des politiques, plans et programmes en faveur de l ’ égalité femmes-hommes et qu ’ il évalue l ’ incidence de ces initiatives  ;

c) De garantir que des ressources financières suffisantes sont allouées au bon fonctionnement du mécanisme national de promotion des femmes et à l ’ application, dans l ’ État partie, de la Convention dans sa globalité.

Institution nationale de défense des droits de l’homme

Le Comité salue l’adoption de la loi relative à l’Association liechtensteinoise des droits de l’homme, en 2016, et la création par la suite de l’Association, qui aspire à devenir l’institution nationale de défense des droits de l’homme de l’État partie. Il est toutefois préoccupé par le fait que l’Association n’a pas demandé à être accréditée par l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme et qu’elle n’a pas le droit de déposer des plaintes en son nom propre. Il note en outre avec préoccupation que les ressources humaines et financières allouées à l’Association ne sont pas garanties pour plus de trois ans, après quoi l’Association pourrait être contrainte de trouver seule des financements.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ encourager l ’ Association liechtensteinoise des droits de l ’ homme à demander l ’ accréditation de statut A auprès de l ’ Alliance globale des institutions nationales des droits de l ’ homme, de l ’ habiliter à déposer des plaintes en son nom propre et de lui allouer des ressources humaines, techniques et financières durables et suffisantes pour lui permettre de s ’ acquitter efficacement de son mandat, en particulier en ce qui concerne les droits des femmes et l ’ égalité des femmes-hommes, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris). Il rappelle à l ’ État partie que, pour garantir l ’ indépendance de l ’ institution nationale de défense des droits de l ’ homme, et indépendamment des autres sources de financement, il devrait veiller à ce que des fonds suffisants lui soient alloués pour lui permettre de s ’ acquitter de son mandat.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures que le Gouvernement a prises pour renforcer l’égalité des chances, notamment l’organisation d’un cours sur la vie politique à l’intention des femmes, les discussions avec les membres du Parlement et l’exposition sur les femmes qui sont des exemples à suivre, mais il demeure préoccupé par le fait que l’État partie ait une compréhension limitée des mesures temporaires spéciales au sens du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention. Il note avec regret que la plupart des mesures ont été prises sans considération de leur viabilité à long terme. Il rappelle à l’État partie que, même si son système de démocratie directe permet aux particuliers de demander un vote public afin de modifier la législation nationale de sorte que, par exemple, des quotas pour la représentation des femmes dans la vie politique et publique puissent être mis en place, cela ne l’exonère pas de son obligation d’adopter des mesures ciblées, y compris des mesures temporaires spéciales, conformément à la recommandation générale no 25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, afin d’accélérer l’égalité des femmes et des hommes dans tous les domaines visés par la Convention.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De fixer des objectifs assortis de délais et d ’ allouer des ressources suffisantes pour la mise en œuvre de mesures temporaires spéciales accompagnées d ’ incitations spécifiques, en vue de parvenir à une égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines visés par la Convention où les femmes sont sous-représentées ou défavorisées, tels que la vie politique et publique, l ’ éducation et l ’ emploi, étant entendu que le terme « mesures » couvre un large éventail d ’ instruments, de politiques et de pratiques dans les domaines législatif, exécutif, administratif et réglementaire, comme les programmes de sensibilisation ou d ’ appui, l ’ allocation ou la redistribution de ressources, l ’ offre d ’ un traitement préférentiel, les pratiques de recrutement, d ’ embauche et de promotion ciblées, la définition d ’ objectifs chiffrés assortis de calendriers et les systèmes de quotas  ;

b) De mener régulièrement des activités visant à sensibiliser les responsables politiques, les médias et le public en général à la nécessité de mettre en œuvre des mesures spéciales, qu ’ elles soient temporaires ou permanentes, pour atteindre l ’ égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines visés par la Convention.

Stéréotypes

Le Comité se félicite des nombreuses actions menées par l’État partie dans le but d’éliminer les stéréotypes discriminatoires, comme la célébration de la Journée nationale « Futur en tous genres » et le projet sur les femmes qui sont des exemples à suivre. Il note également que les questions de genre ont été intégrées dans les programmes scolaires, et que les enseignants et les enseignantes sont sensibilisés à l’utilisation d’une terminologie et de supports pédagogiques non sexistes. Il note toutefois avec préoccupation que des stéréotypes discriminatoires sur les rôles et responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société persistent dans l’État partie et que les femmes et les filles continuent de s’orienter vers des filières et des carrières traditionnelles. Il note aussi avec regret que les préjugés et les propos haineux à l’égard des femmes qui subissent des formes croisées de discrimination persistent en dépit des mesures prises par l’État partie.

L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour éliminer les stéréotypes sexistes concernant les rôles et responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société. À cet égard, le Comité rappelle sa recommandation précédente [ CEDAW/C/LIE/CO/4 , par.  19 a) et b)] tendant à ce que l ’ État partie redouble d ’ efforts pour mettre en place une politique complète, visant les femmes et les hommes, les filles et les garçons, en vue d ’ éliminer les comportements stéréotypés quant aux rôles et responsabilités des femmes et des hommes au sein de la famille et de la société, en particulier dans les domaines où les femmes ont la place la moins enviable. Il recommande en outre à l ’ État partie de prendre des mesures plus efficaces pour lutter contre les propos haineux, en accordant une attention particulière aux femmes qui subissent des formes croisées de discrimination.

Violence à l’égard des femmes fondée sur le genre

Le Comité prend note avec satisfaction des modifications apportées en 2011 au Code pénal, en particulier la loi relative aux infractions sexuelles, et de la signature de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul) en 2016. Toutefois, il constate avec préoccupation :

a)L’absence de loi sur la violence à l’égard des femmes et des filles fondée sur le genre dans l’État partie ;

b)Les informations indiquant que les modifications du Code pénal n’ont pas été suffisamment appliquées en raison, notamment, du niveau de preuve exigé par le système judiciaire, qui est excessivement élevé ;

c)L’absence de collecte systématique de données sur la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre ;

d)La diminution du nombre d’ordonnances d’expulsion et d’interdiction d’entrée sur le territoire au cours de la période considérée, alors qu’il n’y a pas eu de diminution des cas de violence fondée sur le genre ;

e)La pratique consistant à compter sur la police pour assurer des services de conseil ou de médiation dans les affaires de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre ;

f)L’absence de formation spécialisée à l’intention du personnel judiciaire et de la police sur la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter une loi générale sur la violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, conformément à la recommandation générale n o 35 (2017) du Comité sur la violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation générale n o 19, et de ratifier rapidement la ratification de la Convention d ’ Istanbul  ;

b) De faire en sorte que la législation contre la violence fondée sur le genre soit effectivement appliquée et d ’ abaisser le niveau de preuve excessif exigé par les juges en adoptant une approche davantage centrée sur la victime  ;

c) De recueillir systématiquement des données sur la violence fondée sur le genre, ventilées par sexe, âge et relation entre la victime et l ’ auteur, conformément à la recommandation générale n o 35  ;

d) De conduire une étude sur les raisons de la baisse du nombre d ’ ordonnances d ’ expulsion et d ’ interdiction d ’ entrée sur le territoire au cours de la période considérée  ;

e) D ’ interdire les services de conseil et de médiation par la police dans les cas de violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, conformément à la recommandation générale n o 35 et à la Convention d ’ Istanbul  ;

f) De dispenser une formation spécialisée aux membres de l ’ appareil judiciaire et de la police et aux autres agents de la force publique sur la violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, à la lumière de la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes et conformément à la recommandation générale n o 35 et à la Convention d ’ Istanbul.

Traite des femmes et des filles et exploitation de la prostitution

Le Comité accueille avec satisfaction la révision de la loi relative aux étrangers, qui prévoit des circonstances aggravantes dans les affaires de traite des personnes, notamment des femmes et des filles, entraînant des peines plus lourdes. Il se félicite également du renforcement de la coopération régionale aux fins des poursuites contre les trafiquants et de la lutte contre la cybercriminalité. Il salue la création d’une commission de surveillance financière chargée de détecter les flux financiers illicites liés à la traite des êtres humains et aux formes contemporaines d’esclavage. Il demeure néanmoins préoccupé par l’insuffisance des activités de sensibilisation menées dans l’État partie concernant la traite des femmes et des filles et l’exploitation de la prostitution.

Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre ses efforts pour lutter contre la traite des femmes et des filles grâce à un renforcement de la coopération régionale, notamment par l ’ harmonisation des peines d ’ emprisonnement. Il lui recommande aussi de poursuivre ses efforts de coopération internationale, régionale et bilatérale avec les pays d ’ origine, de transit et de destination, notamment par l ’ échange de renseignements et l ’ harmonisation des procédures, en vue de prévenir la traite et de traduire les responsables en justice. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie d ’ intensifier les campagnes d ’ information sur le caractère criminel de la traite et les autres activités de sensibilisation, et de prêter davantage attention aux groupes vulnérables qui constituent des victimes potentielles de la traite des personnes, comme les demandeurs et demandeuses d ’ asile et les enfants.

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état du faible nombre d’enquêtes pénales et de l’absence de poursuites pour exploitation des femmes par la prostitution au cours de la période considérée. Il note en outre avec préoccupation que la loi érige en infraction la prostitution, ce qui peut empêcher les prostituées de signaler les cas d’exploitation et de mauvais traitements dont elles sont victimes de la part des proxénètes et de leurs clients.

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour repérer les cas d ’ exploitation des femmes par la prostitution, enquêter sur ces cas et poursuivre les coupables, de dépénaliser la prostitution des femmes dans tous les contextes et de mettre en œuvre des programmes de soutien aux prostituées et d ’ aide aux femmes qui souhaitent sortir de la prostitution.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité prend note avec satisfaction des informations fournies par l’État partie indiquant que le nombre de femmes occupant des postes de décision dans l’administration publique a doublé au cours de la période considérée et que la parité a été réalisée au sein du Gouvernement et dans le service diplomatique. Il constate cependant avec préoccupation que le nombre de femmes parlementaires a considérablement diminué à la suite des dernières élections législatives et que les femmes sont peu représentées au niveau municipal. Le Comité s’inquiète en outre de voir que les mesures proposées pour accroître la représentation politique des femmes sont de nature volontaire et dépendent du bon vouloir des partis politiques pour ce qui est d’« assumer leurs responsabilités ». Le Comité salue l’engagement pris par les partis politiques de garantir la parité des sexes dans leurs listes électorales.

Le Comité recommande à l ’ État partie de revoir ses politiques, d ’ engager un dialogue avec tous les partis politiques et avec la société civile, et  :

a) De continuer d ’ analyser les causes de la sous-représentation des femmes au Parlement, notamment aux postes de décision, et de prendre les dispositions voulues, en particulier en appliquant des mesures spéciales temporaires telles que des mesures financières destinées à inciter les partis politiques à donner la priorité aux femmes qui se présentent aux élections et en étendant ces mesures aux élections locales de 2019, pour garantir l ’ égalité de représentation des femmes sur les listes électorales aux niveaux tant municipal que parlementaire  ;

b) De mettre au point une stratégie globale de ressources humaines pour les fonctionnaires afin de préparer et de former des femmes, d ’ établir des indicateurs pour promouvoir l ’ accès des femmes à des postes de direction et d ’ accroître la représentation des femmes aux postes de décision dans la vie politique  ;

c) D ’ assurer une représentation égale des femmes et des hommes pour les nominations dans les conseils d ’ administration, les conseils des fondations, les commissions (y compris au niveau municipal) et les groupes de travail  ;

d) De collecter des données désagrégées sur la représentation des femmes dans tous les domaines de la vie politique et publique.

Éducation

Le Comité prend note avec satisfaction des résultats obtenus par l’État partie dans le domaine de l’éducation et du lancement de plusieurs projets louables à cet égard, comme les laboratoires d’expérimentation « pepperMINT ». Il regrette toutefois que l’État partie n’ait pas intégré la question de l’égalité femmes-hommes dans le domaine de l’éducation en général. Il constate en outre avec préoccupation :

a)Qu’il n’existe pas de dispositions légales contraignantes expressément destinées à assurer une égale représentation des femmes et des hommes parmi les étudiants (un tiers des étudiants sont des femmes) et le personnel de l’Université, ainsi que la représentation des migrants et d’autres catégories vulnérables de la population ;

b)Que les mesures prises pour faire en sorte que la transition entre le cursus de scolarité obligatoire et la poursuite des études se passe au mieux ne tiennent pas compte des spécificités des femmes et des hommes et que l’on ne dispose pas d’information sur leurs effets ;

c)Qu’il n’existe pas de dispositif permettant aux étudiants, notamment aux étudiantes, de signaler les actes d’intimidation ou de harcèlement sexuel.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter des dispositions légales contraignantes interdisant expressément la discrimination à l ’ égard des femmes, des filles et d ’ autres catégories vulnérables de la population dans l ’ éducation  ;

b) De prendre des mesures pour accroître le nombre de femmes parmi les étudiants et le personnel enseignant, ainsi que le nombre des migrantes et des migrants et des autres membres de catégories vulnérables, à l ’ Université du Liechtenstein  ;

c) D ’ intensifier ses efforts pour collecter, en collaboration avec les pays voisins, des données ventilées par sexe sur les choix éducatifs des étudiantes et étudiants liechtensteinois faisant leurs études à l ’ étranger  ;

d ) De mettre en œuvre des mesures tenant compte des disparités entre les filles et les garçons pour les orienter vers des choix de carrière non traditionnels, de renforcer la formation professionnelle et la formation à l ’ entrepreneuriat des femmes et des filles et de prévoir une formation pédagogique tenant compte des questions d ’ égalité des sexes, des cours de soutien, des bourses et d ’ autres incitations afin de remédier aux inégalités entre les filles et les garçons en matière d ’ éducation  ;

e ) D ’ instituer un dispositif permettant aux étudiants et aux élèves, et notamment aux femmes et aux filles, de signaler les actes d ’ intimidation et de harcèlement sexuel.

Emploi

Le Comité juge positives les mesures prises par l’État partie pour combler l’écart salarial entre les femmes et les hommes. Il note toutefois avec préoccupation :

a)Que la décision de l’État partie de ne pas adhérer à l’OIT et de ne pas ratifier la Convention de 1951 sur l’égalité de rémunération (no 100), la Convention de 1958 concernant la discrimination (emploi et profession) (no 111) et la Convention de 1981 sur les travailleurs ayant des responsabilités familiales (no 156) risque de compromettre la pleine réalisation du droit des femmes à l’égalité des conditions de travail ;

b)Que l’écart de rémunération entre femmes et hommes n’a diminué que très lentement au cours de la période considérée et que les mesures prises pour combler cet écart ont été inefficaces ;

c)Qu’il existe une ségrégation verticale et horizontale sur le marché du travail et que les femmes occupent principalement des emplois mal rémunérés ;

d)Que les femmes sont surreprésentées dans les emplois à temps partiel parce qu’elles assument une part disproportionnée de l’éducation des enfants et des tâches domestiques.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adhérer à l ’ Organisation internationale du Travail, de ratifier les Conventions n os 100, 111 et 156 de l ’ OIT et d ’ aligner sa législation du travail sur ces conventions  ;

b) De réduire l ’ écart salarial entre les femmes et les hommes, notamment en recourant à des méthodes analytiques de classement et d ’ évaluation des emplois qui ne fassent pas de distinction entre les sexes et en effectuant régulièrement des enquêtes sur les salaires  ;

c) De lutter contre la ségrégation dans l ’ emploi, notamment en adoptant des mesures propres à éliminer la discrimination à l ’ égard des femmes au niveau du recrutement et des promotions  ;

d) De promouvoir un partage égal des tâches familiales et domestiques entre les femmes et les hommes, en aménageant les modalités de travail, en augmentant le nombre des structures de garde d ’ enfants et en mettant en place des mesures innovantes permettant, notamment, de mieux faire accepter par la société le fait que les hommes s ’ occupent des enfants et que les femmes choisissent de reprendre leur travail après l ’ accouchement  ;

e) De garantir un minimum de 26 semaines de congé maternité payé, plus quatre semaines au moins de congé parental payé  ;

f) D ’ adopter des principes directeurs professionnels pour surveiller les résultats obtenus en matière d ’ égalité entre les sexes dans des secteurs cl efs , assortis d ’ indicateurs de suivi de leur application.

Santé

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a révisé le Code pénal en vue de dépénaliser l’avortement. Il demeure préoccupé, cependant, par les conditions restrictives de la légalité de l’avortement dans l’État partie, en particulier par la criminalisation de l’avortement en cas de malformation fœtale. Le Comité est également préoccupé par la persistance de grossesses précoces et par l’accès limité à l’information sur les moyens contraceptifs disponibles. Il s’inquiète également qu’à la demande de l’État partie, des intersexes liechtensteinois subissent des opérations chirurgicales de réassignation sexuelle médicalement irréversibles dans des pays voisins. Le Comité constate aussi avec préoccupation que le nombre des jeunes femmes ayant une dépendance à l’alcool, au tabac et au cannabis a tendance à augmenter.

L ’ État partie devrait  :

a) Harmoniser les articles 96 à 98 a) du Code pénal en vue de légaliser l ’ avortement, tant pour la femme enceinte que pour le personnel de santé qui se charge de l ’ intervention, du moins en cas de viol, d ’ inceste, de danger pour la vie ou la santé de la femme enceinte ou de malformation fœtale grave, et de le décriminaliser dans tous les autres cas  ;

b) Intensifier ses efforts pour prévenir les grossesses précoces et veiller à ce que les jeunes femmes et filles aient facilement accès à des informations sur les moyens de contraception  ;

c) Interdire expressément les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle non consenties sur les intersexes, et établir et appliquer pour les enfants intersexes un protocole médical fondé sur les droits requérant leur consentement éclairé pour toute opération chirurgicale de réassignation sexuelle médicalement irréversible  ;

d) Collecter des données et faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations sur la consommation d ’ alcool, de tabac et de cannabis par les femmes et filles dans l ’ État partie.

Avancement économique des femmes et prestations sociales

Le Comité salue l’introduction de modalités de travail aménagées et la création de structures de garde d’enfants spéciales pour les employés du secteur privé. Il regrette cependant que le secteur public n’ait adopté que peu de mesures de ce type. Le Comité note par ailleurs que plus de 90 % des bénéficiaires du programme « Coming back » de réinsertion sur le marché du travail sont des femmes relativement âgées. Le Comité est préoccupé par l’absence d’approche stratégique visant à améliorer les conditions de l’entrepreneuriat féminin dans l’État partie, ainsi que par le manque de possibilités de financement pour les entreprises dirigées par des femmes.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De veiller à la mise en place de modalités de travail aménagées, de travail partiel, de télétravail et d ’ autres mesures pour les femmes et les hommes qui travaillent, dans tous les secteurs, afin de réduire la ségrégation en matière d ’ emploi et de prestations  ;

b) De réaliser une étude afin d ’ évaluer l ’ impact du travail partiel des femmes sur leur accès aux prestations sociales, en particulier aux pensions de retraite  ;

c) De prévoir des ensembles de mesures et des incitations économiques afin d ’ offrir aux femmes davantage de possibilités économiques et de promouvoir les entreprises dirigées par des femmes, notamment par une réglementation plus étroite du secteur privé et par la mise en place de subventions d ’ appui aux entreprises, de dispositifs de pépinière d ’ entreprises, de services d ’ inclusion financière, de mesures de stimulation et d ’ autres initiatives en faveur de l ’ entrepreneuriat afin d ’ accroître les possibilités économiques des femmes et des filles.

Catégories de femmes défavorisées

Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que certaines catégories de femmes défavorisées ou marginalisées, telles que les femmes migrantes et les femmes handicapées, font l’objet de formes de discrimination croisées. Il note avec préoccupation qu’il n’existe pas de données désagrégées sur la situation de ces catégories de femmes dans tous les domaines de la vie.

Le Comité recommande à l ’ État partie de collecter des données sur les femmes qui font l ’ objet de formes de discrimination croisées et de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations sur la situation des femmes migrantes et des femmes handicapées dans tous les domaines de la vie politique, publique et économique. Par ailleurs, il réitère sa recommandation formulée au paragraphe 34 a) ci-dessus, à savoir que l ’ État partie réexamine sa décision de ne pas adhérer à l ’ Organisation internationale du Travail et qu ’ il ratifie la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (n o 189), ou au moins qu ’ il aligne ses normes de travail sur les normes minimales énoncées dans cet instrument.

Mariage et liens familiaux

Le Comité salue la nouvelle loi relative aux successions adoptée en 2012. Il constate toutefois avec préoccupation que, malgré sa recommandation précédente [CEDAW/C/LIE/CO/4, par. 43 a)], aucune étude n’a été réalisée sur les conséquences économiques d’un divorce pour les deux conjoints. Tout en se félicitant des modifications apportées à la loi relative à la garde des enfants en 2015, qui placent l’intérêt supérieur de l’enfant avant toute autre considération, le Comité demeure préoccupé par les informations indiquant que la recherche d’un arrangement équilibré pour la garde des enfants prime parfois sur l’intérêt supérieur de l’enfant, faisant potentiellement abstraction du problème de la violence domestique. Le Comité salue la réforme de la législation régissant le nom des concubins déclarés, mais regrette qu’aucune étude n’ait été réalisée pour évaluer l’efficacité de la loi de 2011 reconnaissant les unions entre personnes de même sexe sur l’égalité de traitement, dans la pratique, des concubinages déclarés et des mariages traditionnels.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De réaliser une étude sur les conséquences économiques du divorce pour les deux conjoints, conformément à la recommandation générale n o 29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage, et des liens familiaux et de leur dissolution  ;

b) D ’ analyser les effets de la loi reconnaissant les unions entre personnes de même sexe afin de déterminer s ’ il y a bien, dans la pratique, égalité de traitement entre le concubinage déclaré et le mariage  ;

c) De faire en sorte que la violence domestique soit prise en considération par les tribunaux et les autorités de l ’ État partie lorsque des décisions sont prises sur la garde des enfants.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l ’ État partie à s ’ appuyer sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing dans l ’ action qu ’ il mène pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Diffusion

Le Comité prie l ’ État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans la langue officielle de l ’ État partie, aux institutions publiques concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, au Parlement et au corps judiciaire, afin d ’ en permettre la pleine application.

Ratification d’autres instruments

Le Comité souligne que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme contribuerait à promouvoir l ’ exercice effectif des droits individuels et libertés fondamentales par les femmes dans tous les aspects de la vie. Il l ’ invite donc à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, ainsi que la Convention relative aux droits des personnes handicapées, auxquelles il n ’ est pas encore partie.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l ’ État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu ’ il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 16 a), 24 a) et 36 a) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son sixième rapport périodique en juillet 2022. Le rapport devra être soumis dans les délais et couvrir toute la période écoulée, jusqu ’ à la date à laquelle il sera soumis.

Le Comité invite l ’ État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, dont le document de base commun et les rapports correspondant à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).