Renseignements reçus du Liechtenstein au sujet de la suite donnée aux observations finales concernant son cinquième rapport périodique *

[Date de réception : 18 juin 2021]

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a examiné le cinquième rapport périodique du Liechtenstein le 5 juillet 2018. Dans ses observations finales du 25 juillet 2018, le Comité a prié le Liechtenstein de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu’il aurait prises pour appliquer les recommandations énoncées aux alinéas a) des paragraphes 16, 24 et 36. Dans le rapport qui suit, le Liechtenstein fournit des informations sur les mesures prises depuis 2018 au regard des recommandations mentionnées.

I.Commentaires sur les recommandations énoncées à l’alinéa a) du paragraphe 16 concernant le mécanisme national de promotion des femmes

Le Comité recommande à l’État partie :

a)d’adopter une politique et une stratégie intégrées en faveur de l’égalité femmes‑hommes et de sa prise en compte systématique, y compris en ayant recours à des processus de budgétisation tenant compte de la problématique femmes-hommes, avec des mécanismes efficaces de suivi et de responsabilisation dans tous les secteurs et à tous les niveaux de l’administration publique.

Le principe juridique d’égalité de la femme et de l’homme a été mis en œuvre au Liechtenstein. Néanmoins, il faut prendre des mesures supplémentaires pour que l’égalité des genres devienne une réalité. Il existe des difficultés, notamment dans la sphère professionnelle, en ce qui concerne la conciliation de la carrière et de la vie familiale et la représentation des femmes aux postes de décision et de direction dans la vie politique et économique. Les pouvoirs publics et les acteurs de la société civile sont résolus à mettre en œuvre des mesures et des projets de sensibilisation à l’égalité femmes-hommes dans divers domaines de la société, et coopèrent étroitement à cet effet. En outre, certains projets transfrontières sont réalisés avec les institutions correspondantes de Suisse et d’Autriche. Par ailleurs, des formations transfrontières de perfectionnement sont organisées chaque année pour les services chargés des questions d’égalité des genres et les organisations non gouvernementales. En 2019 et 2020, ces formations ont eu pour thèmes « Autonomisation des femmes : perspectives en matière de numérisation » et « Répartition des rôles basée sur le partenariat : concilier carrière et vie de famille, que faut-il pour y parvenir ?».

Même si l’égalité des genres ne fait pas en soi l’objet d’une stratégie, l’intérêt que les pouvoirs publics portent à cette question se manifeste par des plans d’action qui sont revus et adaptés chaque année. Depuis 2018, l’axe stratégique en matière d’égalité des genres consiste à faire en sorte que la représentation des femmes et des hommes, dans les organes de gouvernance des affaires publiques comme aux postes de direction, soit équilibrée et que carrière et vie familiale soient réellement conciliables. Parmi les principaux projets s’inscrivant dans cet axe stratégique, on peut citer les exemples suivants : une campagne de sensibilisation qui comprend une exposition itinérante et des ateliers sur les stéréotypes liés aux rôles de genre dans les écoles secondaires ; des débats publics, faisant intervenir des femmes et des hommes qui exercent des activités politiques, sur la manière de mieux intégrer les femmes dans la vie politique ; la célébration annuelle de la Journée nationale de l’avenir, qui offre un aperçu des professions considérées comme « atypiques » pour le genre féminin ou masculin ; l’élaboration d’orientations pour l’utilisation d’un langage inclusif dans l’administration publique. En 2019, la presse écrite a publié des portraits de femmes menant ou ayant mené une carrière politique. Puis, en 2020, les médias ont fait des reportages sur des employeurs qui proposaient des solutions permettant de concilier vie professionnelle et vie familiale, et sur des hommes et des femmes qui présentaient leurs modèles familiaux et évoquaient les moyens de parvenir à concilier les deux, ainsi que les difficultés rencontrées. Sur la base d’une enquête lancée par les pouvoirs publics auprès de pères et de mères d’enfants de moins de 12 ans, un groupe de travail nommé par le Gouvernement a établi un rapport sur la situation pour la période 2019-2020 et formulé quatre objectifs stratégiques ainsi que les mesures correspondantes. En outre, la campagne « La diversité dans la vie politique » du Réseau des femmes (une association regroupant des organisations de femmes), dont l’objectif est d’augmenter la proportion de femmes siégeant dans les conseils municipaux et les parlements nationaux, a reçu un important soutien financier du Gouvernement. Lors des débats publics du Service de promotion de l’égalité des chances, les partis politiques ont fait savoir qu’ils souhaitaient qu’une attention particulière soit portée à l’équilibre des listes électorales lors de la sélection des candidats aux élections municipales et législatives, afin d’augmenter les chances que des femmes soient élues.

Lors des élections municipales de 2019, 65 des 104 sièges à pourvoir ont été brigués par des femmes, parmi lesquelles 43 ont été élues. La proportion de femmes dans les conseils municipaux est ainsi passée de 17 % à 41,4 %. Dans deux communes sur onze, une femme a été élue maire et, également dans deux communes sur onze, les conseils municipaux comptent pour la première fois plus de femmes que d’hommes. Aux élections législatives de 2021, 23 femmes (31 %) et 52 hommes (69 %) se sont portés candidats ; parmi les 25 représentants élus au Parlement national, 7 étaient des femmes, soit une proportion de 28 %. Cette proportion de femmes parlementaires est la plus élevée de l’histoire du Liechtenstein. En outre, pour la période législative 2021-2025, 4 des 10 représentants adjoints sont des femmes. Sur les 5 membres que compte le Gouvernement nouvellement élu, 3 sont des femmes, soit une proportion de 60 %. Cela aussi est historique : jamais auparavant il n’y avait eu davantage de femmes que d’hommes dans le Gouvernement liechtensteinois.

L’égalité des genres est également une question importante pour le développement durable du Liechtenstein. L’Office des statistiques nationales a élaboré en 2008 un système d’indicateurs destiné à aider les responsables à planifier les politiques à long terme. Plusieurs des indicateurs examinés chaque année concernent l’égalité femmes-hommes dans les sphères politique et économique. L’Office des statistiques a pu attester notamment d’une évolution positive au cours des deux dernières années en ce qui concernait les différences de salaire et de poste selon le genre. Sur la base de ces indicateurs, les acteurs étatiques peuvent prendre des mesures supplémentaires pour favoriser l’égalité de fait entre femmes et hommes. Par exemple, la Journée de l’égalité des salaires instituée par l’Association des salariés du Liechtenstein reçoit un soutien financier du Service de promotion de l’égalité des chances. En 2019, le Gouvernement a décerné pour la première fois le Prix des entreprises favorables à la famille. Ce prix récompense des entreprises qui mettent en place des mesures et des solutions favorisant la conciliation de la vie professionnelle et familiale. Il est attribué une année sur deux, en alternance avec le Prix de l’égalité des chances.

II.Commentaires sur les recommandations énoncées à l’alinéa a) du paragraphe 24 concernant la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre

Le Comité recommande à l’État partie :

a)d’adopter une loi générale sur la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, conformément à la recommandation générale no 35 (2017) du Comité sur la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation générale no 19, et de ratifier rapidement la Convention d’Istanbul.

Le droit pénal liechtensteinois comporte déjà un certain nombre de dispositions qui font de toute forme de violence une infraction. Par principe, étant donné la nature abstraite des normes pénales, aucune distinction n’est faite selon que le destinataire d’une norme est un homme ou une femme.

Lors de la dernière grande révision du droit pénal, entrée en vigueur le 1er octobre 2019, les normes juridiques ont été étoffées et d’autres ont été introduites. Nombre de changements apportés ont également une incidence sur les recommandations relatives à l’interdiction légale de la violence fondée sur le genre.

La nouvelle norme juridique relative à l’usage continu de la violence [art. 107b du Code pénal (Strafgesetzbuch)] joue un rôle central en matière de lutte contre la violence à l’égard des femmes. Cette norme interdit la violence répétée sur une longue période, ce qui est particulièrement pertinent dans un contexte familial. Les violences physiques, les atteintes à la vie ou à l’intégrité physique et les restrictions de liberté figurent parmi les infractions visées. La protection juridique a pour objet la liberté d’une personne de vivre une vie sans violence.

L’extension des circonstances aggravantes prévue au paragraphe 3 de l’article 33du Code pénal permet de sanctionner plus sévèrement les infractions commises contre des membres de la famille, y compris d’anciens ou actuels conjoints ou partenaires. Dans certaines conditions, cela peut aggraver les sanctions relatives à des infractions de violence.

L’introduction de l’élément relatif à une violation de l’autodétermination sexuelle (art. 204a du Code pénal) est également pertinente dans le contexte de la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre. Cette nouvelle disposition du Code pénal établit une norme claire destinée à prévenir et à éviter la violence sexuelle en élargissant le champ des contacts sexuels non consensuels qui sont passibles de sanctions.

En outre, il convient de mentionner la nouvelle norme pénale relative au mariage forcé (art. 106a du Code pénal). Lors de la révision de 2019, cet élément a été séparé de la norme existante relative à la contrainte aggravée (art. 106 du Code pénal) et complété par l’infraction de menace de rupture ou de privation de contacts familiaux.

Pour conclure, outre les normes de droit pénal susmentionnées, il convient de mentionner la loi sur l’aide aux victimes (Opferhilfegesetz ; LGBI. 2007 Ni. 228), qui constitue la base juridique générale de l’assistance aux victimes d’actes criminels. Les personnes dont l’intégrité physique, mentale ou sexuelle est immédiatement altérée par un acte criminel ont droit à une assistance au titre de cette loi. À la suite de son entrée en vigueur, un bureau d’aide aux victimes a été créé au Liechtenstein en 2008. Cette structure fournit aux victimes d’actes criminels et à leurs proches l’assistance médicale, psychologique, sociale, matérielle et juridique nécessaire.

À l’heure actuelle, le droit pénal liechtensteinois sanctionne déjà les différents types de violence, notamment celle fondée sur le genre, et punit les infractions commises en la matière. Par conséquent, aucune loi générale et distincte sur la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre n’est prévue.

Conformément à la recommandation du Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, le Gouvernement liechtensteinois a décidé, en juin 2020, de lancer le processus de ratification de la Convention d’Istanbul. Grâce à la révision complète du droit pénal, qui est entrée en vigueur le 1er octobre 2019, la législation liechtensteinoise satisfait déjà largement aux exigences de la Convention d’Istanbul. Dans la perspective de la ratification, il convient de prendre de nouvelles mesures de sorte à améliorer la protection des victimes et des témoins dans les procédures civiles et à aligner cette réglementation sur la norme autrichienne, dont elle est inspirée. Les modifications destinées à être apportées au règlement relatif aux procédures civiles (Zivilprozessordnung) et à la loi sur les procédures non contentieuses (Ausserstreitgesetz) ont été examinées dans le cadre d’une consultation publique lancée début novembre 2020. Les déclarations ont été intégrées dans le rapport établi par le Gouvernement en vue de la ratification de la Convention d’Istanbul, qui a été adopté le 23 mars 2021 et soumis au Parlement pour examen. La ratification prévue constituera un nouveau pas en avant dans la démarche engagée par l’État en faveur de la prévention de la violence à l’égard des femmes et de la violence domestique.

III.Commentaires sur les recommandations énoncées à l’alinéa a) du paragraphe 36 concernant la santé

Le Comité recommande à l’État partie :

a)d’harmoniser les articles 96 à 98 a) du Code pénal en vue de légaliser l’avortement, tant pour la femme enceinte que pour le personnel de santé qui se charge de l’intervention, du moins en cas de viol, d’inceste, de danger pour la vie ou la santé de la femme enceinte ou de malformation fœtale grave, et de le décriminaliser dans tous les autres cas.

Dans le cadre d’une révision du Code pénal (Strafgesetzbuch), adoptée par le Parlement en mars 2015 et entrée en vigueur le 1er juillet 2015, des modifications ont été apportées aux dispositions relatives à l’avortement. L’abolition du principe de la compétence universelle (art. 64, par. 1, al. 8 du Code pénal), la dépénalisation de l’avortement, sous certaines conditions, par la modification du Code pénal (art. 96, par. 3) et la prise en compte de nouveaux motifs justifiant le recours à un avortement par la modification du Code pénal (art. 96, par. 4, al. 1) constituent les principaux changements. Une femme qui se fait avorter n’encourt désormais plus de poursuites pénales si elle respecte les conditions énoncées dans le Code pénal.

Le droit liechtensteinois satisfait déjà à certains aspects de la recommandation énoncée à l’alinéa a) du paragraphe 36. Les avortements sont légaux en vertu du Code pénal (art. 96, par. 4, al. 1) lorsqu’ils constituent le seul moyen d’éviter un danger grave pour la vie ou la santé de la femme enceinte, ou lorsque celle-ci est mineure au moment de la conception, ou encore lorsque sa grossesse est la conséquence d’un viol ou de relations sexuelles sous contrainte. L’avortement est également légal lorsque la grossesse résulte d’une atteinte sexuelle subie par une personne sans défense ou dont les facultés mentales étaient altérées. Une nouvelle libéralisation du régime juridique relatif aux avortements passibles de sanctions n’est pas prévue pour le moment.