Trente-neuvième session

23 juillet-10 août 2007

Observations finales du Comité pour l’éliminationde la discrimination à l’égard des femmes :Liechtenstein

Le Comité a examiné les deuxième et troisième rapports périodiques du Liechtenstein (CEDAW/C/LIE/2 et CEDAW/C/LIE/3) à ses 797e et 798e séances, le 26 juillet 2007 (voir CEDAW/C/SR.797 B et 798 B). La liste des questions du Comité figure dans le document CEDAW/C/LIE/Q/3 et les réponses du Liechtenstein figurent dans le document CEDAW/C/LIE/Q/3/Add.1.

Introduction

Le Comité remercie l’État partie pour ses deuxième et troisième rapports périodiques, qui sont conformes à ses directives concernant l’établissement des rapports périodiques et tiennent compte de ses observations finales précédentes.

Le Comité félicite l’État partie de ses réponses écrites à la liste des questions soulevées par le groupe de travail présession, ainsi que de la présentation orale du rapport et des éclaircissements apportés en réponse aux questions que ses membres ont posées oralement. Il se félicite du dialogue franc et constructif qui s’est tenu entre ses membres et la délégation et a donné de nouvelles informations sur la véritable situation des femmes au Liechtenstein.

Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation qui était dirigée par le Représentant permanent du Liechtenstein auprès de l’Organisation des Nations Unies et comprenait le Directeur du Bureau de l’égalité des chances.

Le Comité constate avec plaisir que l’État partie a ratifié le Protocole facultatif à la Convention en octobre 2001.

Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie d’avoir adopté en 2006 les amendements à la loi sur l’égalité des sexes, destinés à assurer l’égalité de traitement des femmes et des hommes sur le lieu de travail; d’avoir révisé le Code de procédure pénale pour renforcer la protection des victimes et d’avoir inscrit dans le Code pénal une disposition sur le harcèlement criminel; et d’avoir adopté en juin 2007 la loi sur l’assistance aux victimes, qui permettra de leur dispenser des conseils et une aide financière une fois qu’elle sera entrée en vigueur le 1eravril 2008. Il félicite aussi le Bureau de l’égalité des chances (Stabstelle für Chancengleichheit) d’appliquer des programmes de formation et de sensibilisation sur différents aspects de l’égalité des sexes.

Le Comité se félicite des contributions de l’État partie aux projets intéressant les femmes et à la promotion des droits fondamentaux des femmes dans le cadre de ses programmes de coopération et de développement.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Tout en rappelant à l’État partie qu’il a l’obligation d’appliquer toutes les dispositions de la Convention de façon permanente et systématique, le Comité estime qu’il doit accorder prioritairement l’attention, d’ici à la présentation de son prochain rapport périodique, aux préoccupations et recommandations faisant l’objet des présentes observations finales. Il lui demande donc d’accorder une attention particulière à ces questions dans ses activités d’application et d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises et les résultats obtenus. Il lui demande également de transmettre les présentes observations finales à tous les ministères concernés et au Parlement afin d’en assurer pleinement l’application.

Tout en notant que la Convention est directement applicable, le Comité constate avec inquiétude que la Convention n’a pas été suffisamment mise en avant et ne sert pas systématiquement de base juridique aux mesures, notamment aux lois, visant à éliminer la discrimination à l’égard des femmes et à promouvoir l’égalité des sexes sur le territoire de l’État partie. Il s’inquiète aussi de ce que les dispositions de la Convention ne sont pas utilisées dans les procédures judiciaires, ce qui peut indiquer une méconnaissance de la Convention de la part des magistrats et des membres des professions juridiques.

Le Comité invite instamment l’État partie à mettre davantage l’accent dans les efforts qu’il déploie pour instaurer l’égalité des sexes sur la Convention en tant qu’instrument relatif aux droits de l’homme juridiquement contraignant et directement applicable. Il lui demande aussi de s’employer résolument à faire mieux connaître la Convention, notamment aux magistrats et aux membres des professions juridiques des deux sexes, aux partis politiques, aux parlementaires et aux agents de l’État à tous les niveaux, en particulier aux responsables de l’application des lois, de sorte qu’elle soit davantage utilisée lors de l’élaboration et de la mise en œuvre de toutes les lois, politiques et programmes visant à appliquer concrètement le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes. Le Comité encourage l’État partie à faire systématiquement mieux connaître et comprendre la Convention et l’égalité des sexes au moyen de ses programmes de formation.

Tout en reconnaissant le système dualiste de l’État partie, le Comité est préoccupé par la réserve que celui-ci a formulée au sujet de l’article premier de la Convention, eu égard aux règles de succession au trône de la Maison princière du Liechtenstein, qui excluent les femmes du droit de succession au trône, comme l’a confirmé la délégation.

Le Comité encourage l’État partie à examiner sa réserve à l’article pre mier de la Convention avec la Maison princière autonome du Liechtenstein en vue de la retirer.

Tout en notant les récentes révisions apportées à la loi de 1999 sur l’égalité des sexes, relative à l’égalité de traitement des hommes et des femmes sur le lieu de travail, et celles qui lui ont été apportées en 2006 pour y inclure la définition du harcèlement sexuel et celle de la discrimination directe et indirecte sur le marché du travail, le Comité constate avec préoccupation que la recommandation qu’il a faite lors de son examen du rapport initial du Liechtenstein en 1999 (A/54/38/Rev.1, Part. I, par. 160), à savoir que le champ d’application de la loi ne se limite pas à la vie professionnelle mais s’étend à tous les domaines de la vie sociale de façon à accélérer l’instauration de l’égalité dans la vie publique comme dans la vie privée, n’a pas été prise en compte dans le texte final de la loi ni dans les modifications qui lui ont été ensuite apportées. Le Comité craint que vu l’étroitesse du champ d’application de la loi, on risque d’accorder moins d’attention à l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes dans tous les autres domaines couverts par la Convention.

Le Comité demande à l’État partie de s’employer activement à éliminer la discrimination à l’égard des femmes et à réaliser concrètement le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes, conformément aux articles 1 et 2 de la Convention, dans tous les domaines de la vie sociale. Il le prie de surveiller attentivement et systématiquement la mise en œuvre de toutes les dispositions de la Convention et d’éliminer effectivement la discrimination à l’égard des femmes dans tous les domaines couverts par la Convention afin de promouvoir et d’accélérer la réalisation de droit et de fait de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Tout en notant que la population active compte un plus grand nombre de femmes, le Comité constate avec préoccupation que les femmes sont surreprésentées parmi les travailleurs à temps partiel et les chômeurs, ce qui risque d’avoir des effets à long terme sur leur situation économique tout au long de leur vie. Il reste préoccupé devant la persistance de la ségrégation professionnelle verticale et horizontale, les écarts de salaire et le fait que de très nombreuses femmes cessent de travailler après avoir eu un enfant. Il s’inquiète aussi de la réticence du secteur privé à mettre en œuvre des mesures visant à améliorer la situation des femmes en matière d’emploi.

Le Comité prie instamment l’État partie de redoubler d’efforts pour assurer des chances égales aux femmes et aux hommes sur le marché du travail, dans le secteur public comme dans le secteur privé. Il lui recommande de prendre des mesures dynamiques pour éliminer la ségrégation professionnelle, en multipliant par exemple les possibilités de formation offertes aux femmes et en continuant à élargir la portée des mesures visant à faciliter le retour des femmes à la vie active une fois qu’elles ont eu un enfant. Il recommande que l’État partie fasse appliquer les mesures en vigueur concernant l’égalité de salaire pour un travail égal ou pour un travail de valeur égale , l’aménagement du temps de travail et le travail à temps partiel dans les secteurs public et privé, et, s’il y a lieu, élabore des mesures pour éviter que le travail à temps partiel ait des conséquences préjudiciables pour les femmes, en ce qui concerne en particulier leurs pensions et leurs prestations de retraite. Il demande en outre instamment à l’État partie de veiller à ce que les mesures visant à permettre de concilier responsabilités familiales et responsabilités professionnelles, concernent aussi bien les femmes que les hommes et d’œuvrer en faveur d’une plus grande participation des hommes aux tâches du ménage et à l’éducation des enfants. L’État partie devrait adopter des mesures qui encouragent les pères à utiliser davantage leur congé parental et devrait envisager de prendre des mesures d’incitation financières à cette fin.

Le Comité constate avec préoccupation que les femmes restent sous-représentées dans les organes élus et les corps constitués, en dépit de la résolution adoptée par le Gouvernement en 1997 selon laquelle aucun sexe ne devrait être représenté dans une proportion de plus des deux tiers dans les corps constitués. Il s’inquiète également de ce que les femmes restent sous-représentées aux postes de responsabilité de l’administration publique, dont le corps diplomatique, les instances judiciaires et les établissements d’enseignement, ainsi que du secteur privé, ce qui limite la participation des femmes à la prise des décisions dans tous les domaines.

Le Comité encourage l’État partie à redoubler d’efforts pour que davantage de femmes occupent des postes de direction et de décision dans les organes politiques, notamment le Parlement, les conseils municipaux, les commissions et les conseils consultatifs, dans l’administration publique, notamment le corps diplomatique et dans le secteur privé. Il lui recommande d’élargir ses activités de sensibilisation et de formation à des catégories plus nombreuses de parties prenantes, dont les dirigeants des partis politiques, les dirigeants d’entreprise du secteur privé et les conseils d’administration des fondations de droit public. Il lui recommande également de prendre des mesures, en particulier des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à ses propres recommandations générales 25, sur les mesures spéciales temporaires, et 23, sur les femmes dans la vie publique, pour concrétiser plus rapidement la pleine participation des femmes, à tous les niveaux et dans tous les domaines, dans des conditions d’égalité. Il demande à l’État partie de suivre l’impact des mesures prises et les résultats obtenus et d’en rendre compte dans son prochain rapport périodique.

Le Comité se dit préoccupé par le fait que l’État partie applique le paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention sur les mesures temporaires spéciales de façon limitée, ce qui n’est pas conforme à sa recommandation générale 25.

Le Comité recommande à l’État partie d’ évalue r de plus près les résultats de l’application des mesures temporaires spéciales qu’il a prises et, en conséquence, d’ envisage r d’élargir ces mesures à l’aide de diverses stratégies – mesures législatives et administratives, programmes de sensibilisation et d’appui, allocation de ressources et adoption de mesures d’incitation , recrutement ciblé et fixation d’objectifs assortis de délais ainsi que de quotas. Pour ce faire , l’État partie devrait tenir compte de la recommandation générale 25 du Comité sur le paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention.

Tout en saluant les efforts que déploie l’État partie pour éliminer les comportements et attitudes stéréotypés discriminatoires à l’égard des femmes, qui perpétuent l’inégalité entre les sexes, le Comité demeure préoccupé par la persistance des attitudes et des stéréotypes traditionnels concernant les rôles et responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société. Il s’inquiète de ce que l’on continue de voir les femmes comme des mères et des dispensatrices de soins et les hommes comme des soutiens de famille. Ces stéréotypes fragilisent la situation sociale des femmes, ce dont témoignent les désavantages dont elles sont victimes dans un certain nombre de domaines, notamment sur le marché du travail et dans l’accès aux postes de décision, et leurs choix scolaires et professionnels. Le Comité constate que ces stéréotypes entravent considérablement la concrétisation du principe de l’égalité des femmes et des hommes, énoncé à l’alinéa a) de l’article 2 de la Convention.

Le Comité demande à l’État partie de mettre en place une politique générale, concernant aussi bien les hommes et les femmes que les garçons et les filles, qui permette d’éliminer les stéréotypes traditionnels concernant les rôles des femmes et des hommes dans la société et dans la famille, conformément à l’ alinéa  f) de l’ article  2 et à l’ alinéa  a) de l’ article  5 de la Convention. Une telle politique devrait comprendre des mesures juridiques, administratives et de sensibilisation, faire intervenir les pouvoirs publics et la société civile et viser la population dans son ensemble. Elle devrait aussi faire intervenir les différents médias, notamment la presse écrite et Internet, et comporter aussi bien des programmes spécialisés que des programmes généraux.

Le Comité constate avec préoccupation qu’aucun texte de loi ne régit les unions libres, ce qui risque d’empêcher les femmes d’obtenir protection et réparation lorsqu’elles se séparent de leur compagnon ou sont victimes de violence de sa part.

Le Comité encourage l’État partie à revoir les dispositions juridiques régiss a nt actuellement le mariage et les relations familiales pour en élargir la portée aux couples vivant en union libre.

Tout en notant le débat en cours au sein du groupe de travail multipartite, le Comité s’inquiète de ce que les femmes qui se font avorter soient très sévèrement punies.

Le Comité recommande à l’État partie d’ envisage r de réexaminer l es lois relatives à l’avortement pour en supprimer les dispositions répressives applicables aux femmes qui se font avorter, conformément à sa propre recommandation générale 24 sur les femmes et la santé et à la Déclaration et au Plan d’action de Beijing. Il l’ encourage également à veiller attentivement à ce que les services de santé ré pondent sans sexisme à tous le s problèmes de santé des femmes et, à cet égard, l’ invite à se servir de sa recommandation générale  24 comme d’un cadre d’action pour faire en sorte que tous les programmes et politiques de santé intègrent une démarche soucieuse d e l ’égalité des sexes.

Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans son prochain rapport, des informations sur les résultats des études et enquêtes sur l’impact des lois, des politiques, des plans et des programmes visant à concrétiser l’égalité des sexes.

Le Comité prie instamment l’État partie de faire pleinement usage , pour s’acquitter de ses obligations en vertu de la Convention, de la Déclaration et du Plan d’action de Beijing qui renforcent les dispositions de la Convention, et lui demande d’inclure des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Le Comité souligne également qu’il est indispensable d’appliquer effectivement et intégralement la Convention pour atteindre l es objectifs du Millénaire pour le développement. Il demande que l’on intègre une perspective non sexiste dans tous les efforts qui sont faits pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement et que l’on applique explicitement les dispositions de la Convention à cette fin et demande à l’État partie d’inclure des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Le Comité note que l’adhésion des États aux sept principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme permet aux femmes de jouir davantage de leurs droits et de leurs libertés fondamentales dans tous les aspects de leur vie. Il encourage donc le Gouvernement du Liechtenstein à envisager de ratifier le traité auquel il n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tou s les travailleurs migrants et d es membres de leur famille.

Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées au Liechtenstein afin que la population, notamment les responsables gouvernementaux, les membres de la classe politique , les parlementaires et les organisations féminines et de défense des droits de l’homme, soit informée des mesures qui ont été prises pour assurer l’égalité de droit et de fait des femmes et des mesures qui restent à prendre à cet égard. Il demande à l’État partie de continuer de diffuser largement, notamment auprès des organisations féminines et de défense des droits de l’homme, la Convention et son Protocole facultatif, les recommandations générales du Comité, la Déclaration et le Plan d’action de Beijing et le d ocument final de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale intitulé e « Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e siècle ».

Le Comité demande à l’État partie de répondre aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’il soumettra en application de l’article 18 de la Convention, en janvier 2009.