Observations finales concernant les sixième et septième rapports périodiques du Luxembourg, soumis en un seul document *

1.Le Comité a examiné le rapport unique valant sixième et septième rapports périodiques du Luxembourg (CEDAW/C/LUX/6-7) à ses 1586e et 1587e séances (voir CEDAW/C/SR.1586 et CEDAW/C/SR.1587), qui se sont tenues le 1er mars 2018.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport unique valant sixième et septième rapports périodiques de l’État partie, qui a été soumis à partir de la liste de points établie avant la soumission du rapport (CEDAW/C/LUX/QPR/6-7). Il se félicite de la présentation orale du rapport faite par la délégation, laquelle a également apporté des éclaircissements en réponse aux questions posées par le Comité durant l’échange de vues, et des informations complémentaires qui lui ont été communiquées par écrit.

3.Le Comité félicite l’État partie du haut niveau de sa délégation, présidée par Mme Lydia Mutsch, Ministre de l’égalité des chances, et composée de représentants du Ministère de l’éducation, de l’enfance et de la jeunesse, et du Ministère de la santé, ainsi que de M. Pierre-Louis Lorenz, Représentant permanent de la Mission permanente du Luxembourg auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

4.Le Comité salue les progrès accomplis, depuis l’examen en 2008 du cinquième rapport périodique de l’État partie (CEDAW/C/LUX/5), dans le domaine de la réforme législative, en particulier l’adoption des modifications suivantes :

* Adoptées par le Comité à sa soixante-neuvième session (19 février-9 mars 2018).

a)L’amendement du Code pénal le 6 février 2018 afin de renforcer la lutte contre l’exploitation de la prostitution, le proxénétisme et la traite des êtres humains à des fins sexuelles ;

b)La loi du 8 mars 2017, qui permet aux femmes qui ont perdu leur citoyenneté luxembourgeoise à la suite de leur mariage de la recouvrir comme seconde nationalité ;

c)Le règlement du 15 décembre 2016 renforçant le principe du salaire égal à travail égal et introduisant l’obligation pour les partis politiques de garantir un quota de 40 % du sexe sous-représenté sur les listes de candidats aux élections législatives et de 50 % pour les élections européennes ;

d)La modification du 30 juillet 2013 de la loi sur la violence familiale, notamment par l’introduction de dispositions légales sur les services qui offrent une assistance aux victimes ;

e)La loi du 13 mai 2008 mettant en œuvre le principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi.

5.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et de politique générale en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes, notamment l’adoption des textes ci-après :

a)Le plan d’action national « prostitution », en 2016 ;

b)Le plan d’égalité des femmes et des hommes 2015-2018, en 2015 ;

c)La stratégie en vue de parvenir à un meilleur équilibre entre hommes et femmes dans la prise des décisions économiques et politiques, en 2014 ;

d)Le programme national de santé affective et sexuelle, en 2013.

Objectifs de développement durable

6.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie s’est engagé à réaliser les objectifs de développement durable et à mettre en place un nouveau mécanisme, ainsi qu’une allocation budgétaire y associée, visant à atteindre ces nouveaux objectifs. Il rappelle l’importance de l’indicateur 5.1.1 et félicite l’État partie pour les mesures qu’il a prises en vue de mettre en œuvre des politiques en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes et du développement durable, notamment celles qui visent à lutter contre les changements climatiques.

C.Parlement

7. Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif dans la pleine application de la Convention (voir la Déclaration sur les liens entre le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et les parlementaires, adoptée à sa quarante-cinquième session, en 2010). Il invite la Chambre des députés, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Visibilité de la Convention, du Protocole facultatif s’y rapportant et des recommandations générales du Comité

8.Le Comité note avec préoccupation que les dispositions de la Convention n’ont été invoquées devant les tribunaux qu’à une seule reprise et que le niveau de participation de la société civile au processus de présentation de rapports au Comité est faible. Il craint que cela soit le signe d’un manque de connaissances au sein du Gouvernement et de l’appareil judiciaire, ainsi que de la société civile et de la population en général, en particulier chez les femmes et les filles étrangères, de la Convention, de la jurisprudence du Comité au titre du Protocole facultatif se rapportant à la Convention et de ses recommandations générales.

9.Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que la Convention soit suffisamment connue, notamment en la diffusant rapidement et largement, de même que son Protocole facultatif et les recommandations générales du Comité, au sein du pouvoir judiciaire, des forces de police, de la société civile et du grand public. À cet égard, il réitère sa recommandation tendant à ce que l’État partie intègre la Convention, son Protocole facultatif et les recommandations générales du Comité dans les programmes universitaires d’étude du droit et des matières y relatives, ainsi que dans les programmes de renforcement des capacités à l’intention du pouvoir judiciaire et des agents des forces de l’ordre.

Cadre juridique et définition de la discrimination à l’égard des femmes

10.Le Comité note avec satisfaction que les instruments internationaux ratifiés par l’État partie priment sur la législation nationale et se félicite des mesures envisagées pour accélérer l’intégration des principes consacrés par ces instruments dans sa législation nationale dans le cadre de son système moniste. Il rappelle à l’État partie qu’en vertu de l’obligation de diligence raisonnable, il peut être tenu responsable s’il ne prend pas toutes les mesures voulues pour empêcher les violations, pour enquêter, poursuivre et punir les auteurs, et pour accorder réparation en cas d’actes ou d’omissions par des acteurs non étatiques, y compris les mesures prises par les entreprises opérant hors de son territoire.

11.Le Comité prend par ailleurs note de l’introduction, par la loi du 3 juin 2016, de l’interdiction de la discrimination directe et indirecte fondée sur le sexe dans le Code du travail et la loi fixant le statut général des fonctionnaires de l’État et de l’existence de telles dispositions dans la loi mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services, ainsi que la définition des motifs de discrimination figurant à l’article 454 du Code pénal. Il est cependant préoccupé par le fait que la définition juridique de la discrimination ne protège pas suffisamment les femmes des formes convergentes de discrimination. Le Comité est également inquiet face à la politique générale d’adoption d’une législation neutre du point de vue du genre et considère que cela est susceptible d’entraver la réalisation d’une égalité réelle entre les femmes et les hommes, ainsi qu’il est expliqué au paragraphe 5 de sa recommandation générale no 28 (2010) concernant les obligations fondamentales des États parties découlant de l’article 2 de la Convention.

12.Le Comité invite l’État partie :

a)À légiférer sur les formes multiples et convergentes de discrimination dans tous les contextes, conformément à l’article premier de la Convention, et à intégrer l’interdiction des formes convergentes de discrimination dans les politiques publiques ;

b)À revoir son approche de la législation, des politiques et des programmes en appliquant une démarche cohéren t e , intersectorielle et soucieuse de la problématique hommes-femmes, conformément au paragraphe 5 de la recommandation générale n o  28, et à garantir l’égalité dans les résultats.

Collecte de données

13.Le Comité est préoccupé par l’absence de données ventilées par sexe dans tous les domaines visés par la Convention.

14.Le Comité encourage l’État partie à s’attaquer à la collecte de données dans le cadre de s efforts qu’il déploie pour atteindre le cinquième objectif de développement durable et lui recommande de recueillir des données ventilées par sexe, âge, nationalité, religion et origine socioéconomique, afin d’évaluer précisément la situation des femmes et des filles et de déterminer ainsi si elles sont victimes de discrimination, de garantir l’élaboration de politiques éclairées et ciblées et de suivre et évaluer systématiquement les progrès accomplis vers la réalisation d’une véritable égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines couverts par la Convention.

Obligations extraterritoriales de l’État

15.Le Comité accueille avec satisfaction le projet de création d’un comité interministériel de suivi pour l’examen des plaintes émanant de personnes lésées par des mesures prises par des entreprises ou sociétés situées dans l’État partie et la détermination de celui-ci à élaborer un plan d’action national sur les entreprises et les droits de l’homme, en collaboration avec la société civile. Il est cependant préoccupé par le fait que les politiques de secret financier de l’État partie, ainsi que ses pratiques en matière de présentation de rapports d’entreprise et d’imposition et ses mesures incitatives en faveurdes entreprises enregistrées au Luxembourg et opérant à l’étranger ont des incidences graves sur la capacité d’autres États, en particulier ceux dont les recettes sont déjà insuffisantes, à mobiliser le maximum de ressources disponibles pour la réalisation des droits des femmes.

16.Le Comité rappelle à l’État partie, conformément à la recommandation générale n o  28, qu’il est responsable des actes qui ont une incidence sur la promotion des femmes et de leurs droits fondamentaux, que les personnes touchées soient ou non sous la juridiction de l’État partie. Il recommande à l’État partie :

a)D’adopter un plan d’action national sur les entreprises et les droits de l’homme, sur la base des P rincipes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme : mise en œuvre du cadre de référence « protéger, respecter et réparer » des Nations Unies et en consultation avec les organisations de la société civile d e l’État partie ;

b)D’accélérer la création du c omité interministériel de suivi et d’allouer l es ressources humaines, techniques et financières nécessaires à son bon fonctionnement et à la mise en œuvre du plan d’action national sur les entreprises et les droits fondamentaux ;

c)D ’effectuer régulièrement des évaluations indépendantes et participatives des effets extraterritoriaux de ses politiques en matière de secret financier et d’imposition des sociétés et de ses activités commerciales sur les droits de la femme et l’égalité réelle entre hommes et femmes dans les États concernés, en veillant à ce que c es évaluations soient menées de façon impartiale et que la méthode utilisée et les résultats obtenus soient communiqués au public , et de revoir sa législation, ses politiques et ses pratiques en matière entrepreneuriale et financière en vue faire en sorte que les femmes puissent pleinement exercer leurs droits au titre de la Convention, tant au niveau national qu’à l’étranger.

Accès à la justice

17.Le Comité accueille avec satisfaction les informations fournies par l’État partie concernant la distribution de fiches d’information sur les droits des victimes et les services disponibles. Il est néanmoins préoccupé par ce qui suit :

a)L’absence de décisions judiciaires sur les affaires de discrimination à l’égard des femmes depuis l’adoption des lois du 13 mai 2008 et du 3 juin 2016 relatives à l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes ;

b)Les capacités limitées du Centre pour l’égalité de traitement, qui l’empêchent de porter plainte au nom de femmes victimes de discrimination ou d’enquêter sur les cas de discrimination à l’égard des femmes ;

c)Les rapports indiquant le financement limité aux services d’aide juridictionnelle et la réticence des avocats à représenter des victimes d’actes de violence et de discrimination à l’égard des femmes, ce qui limite la capacité de ces dernières à revendiquer leurs droits ;

d)La méconnaissance par les femmes et les filles de leurs droits et des recours et des services disponibles.

18.Conformément à sa recommandation générale n o  33 (2015) sur l’accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l’État partie :

a)De sensibiliser la population à la législation interdisant la discrimination à l’égard des femmes et les recours ouverts aux victimes, et de renforcer les capacités des magistrats à appliquer cette législation de manière stricte ;

b)D’élargir les capacités du Centre pour l’égalité de traitement pour lui permettre de déposer des plaintes au nom de femmes victimes de discrimination, d’enquêter à leur sujet, de rendre des décisions contraignantes dans les affaires de discrimination à l’égard des femmes et de faire en sorte que les femmes victimes de formes convergentes de discrimination aient accès à des recours utiles pour faire valoir leurs droits ;

c)D’allouer des ressources suffisantes pour faire en sorte que les femmes victimes de discrimination et de violence fondée sur le sexe mais sont dépourvues de moyens suffisants aient accès à une aide juridictionnelle gratuite ;

d)De renforcer les mesures prises pour sensibiliser les femmes et les filles à leurs droits et aux voies de recours et aux services disponibles.

Mécanismes nationaux pour le progrès des femmes

19.Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour faire participer les hommes et les garçons aux initiatives visant à promouvoir l’égalité des sexes. Il prend note de la multiplicité des entités impliquées dans l’instauration d’une égalité des chances dans l’État partie. Il se félicite de la nomination de responsables de l’égalité des sexes au sein de plusieurs ministères et départements du Gouvernement. Il relève toutefois avec préoccupation :

a)Que le ministère de l’Égalité des chances s’attache à promouvoir l’égalité des chances, adopte une approche neutre du point de vue du genre et n’accorde peut-être pas une priorité suffisante à la promotion de la femme en vue de parvenir à l’égalité des droits et à l’égalité réelle dans tous les domaines visés par la Convention ;

b)Que le mandat limité du ministère de l’Égalité des chances, qui est loin de couvrir les progrès des femmes dans tous les domaines visés par la Convention et les formes convergentes de discrimination ;

c)Qu’il n’existe pas de cadre stratégique pour la mise en œuvre de la Convention qui tienne compte des formes de discrimination multiples et croisées, et de la prise en compte et de la budgétisation de la problématique femmes-hommes ;

d)Qu’il n’existe pas d’indicateurs pour suivre et évaluer la mise en œuvre du plan national d’égalité des femmes et des hommes 2015-2018, ou d’un système de suivi pour identifier les ressources allouées à l’exécution des activités correspondantes ;

e)Que le rôle du Comité interministériel à l’égalité entre femmes et hommes a été examiné, qui assure la coordination entre les ministères en ce qui concerne la mise en œuvre du plan d’égalité des femmes et des hommes ;

f)Que des cellules genre ont été supprimées dans tous les ministères, tandis que les délégués à l’égalité n’ont pas encore été désignés dans tous les ministères et départements publics, et que tous les responsables de l’égalité des sexes n’ont pas les capacités nécessaires pour assurer l’application transversale du plan pour l’égalité des hommes et des femmes ;

g)Qu’il n’existe pas de collecte, d’analyse et de diffusion de données ventilées par sexe nécessaires pour évaluer les effets et l’efficacité des activités et programmes existants et prévus en vue de l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes dans toutes les sphères de la vie.

20.Le Comité, rappelant les orientations fournies dans la Déclaration et le Programme d’Action de Beijing sur les mécanismes institutionnels de promotion de la femme et sur l’intégration d’une perspective sexospécifique dans la législation, les politiques, des programmes et des projets publics, encourage l’État partie à renforcer la participation des hommes et des garçons à la promotion de la femme, conformément à la Convention, et recommande à l’État partie :

a)D’évaluer les effets de la transformation du ministère de la Promotion féminine en ministère de l’Égalité des chances et, en conséquence, la tendance vers une démarche neutre du point de vue du genre, et d’évaluer l’action menée auprès des hommes et des garçons dans la réalisation d’une égalité réelle entre les femmes et les hommes ;

b)De revoir le mandat du ministère de l’Égalité des chances afin d’inclure la promotion des femmes dans tous les domaines couverts par la Convention et l’élimination des formes convergentes de discrimination, notamment à l’égard des femmes appartenant à des minorités religieuses, raciales et sexuelles ;

c)D’adopter un cadre stratégique global en faveur de l’égalité des sexes pour analyser les facteurs structurels à l’origine des inégalités persistantes, notamment les stéréotypes discriminatoires concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes au sein de la famille et de la société, et pour s’attaquer à ces facteurs et les formes convergentes de discrimination à l’égard des femmes appartenant à des groupes défavorisés, et de veiller à ce que le cadre prévoie l’intégration et la budgétisation des questions de genre favorisant l’égalité des sexes ;

d)De définir des indicateurs et un budget pour permettre des évaluations régulières des progrès réalisés dans la mise en œuvre et l’impact du plan d’égalité des femmes et des hommes 2015-2018 ;

e)De garantir la continuité de la coordination entre les entités chargées de la mise en œuvre du plan d’égalité des femmes et des hommes et veiller à ce que l’entité de coordination concernée soit dotée du mandat, de la visibilité et des ressources humaines et financières suffisantes pour s’acquitter efficacement de sa mission ;

f)De désigner des responsables de l’égalité des sexes à un niveau suffisamment élevé dans tous les ministères et départements du gouvernement ; de redoubler d’efforts pour que tous les responsables de l’égalité des sexes bénéficient de ressources techniques et financières suffisantes pour mettre effectivement en œuvre le plan d’égalité des femmes et des hommes ; et d’intégrer leurs responsabilités en tant qu’agents de l’égalité des sexes dans leurs plans de travail en tant que fonctionnaires ;

g)De redoubler d’efforts pour améliorer la collecte de données ventilées par sexe afin d’évaluer l’impact et l’efficacité des activités et programmes en cours et à venir, notamment dans le cadre du plan d’égalité des femmes et des hommes.

Institution nationale de défense des droits de l’homme

21.Le Comité s’inquiète de ce que la Commission consultative des droits de l’homme ne dispose pas des ressources humaines, techniques et financières nécessaires pour s’acquitter efficacement de sa mission.

22.Le Comité recommande à l’État partie d’améliorer l’affectation des ressources à la Commission consultative des droits de l’homme et de mettre en œuvre les recommandations formulées en 2015 par l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme.

Mesures temporaires spéciales

23.Le Comité se félicite de la reconnaissance par le ministre de l’Égalité des chances, lors du dialogue, de la nécessité d’adopter des mesures spéciales pour la réalisation d’une égalité réelle entre les femmes et les hommes. Il note également avec satisfaction l’adoption d’un quota minimum de 40 % pour le sexe sous-représenté sur les listes électorales des partis politiques. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait que la mesure soit neutre du point de vue du genre. Il est en outre inquiet du fait que cette mesure ne s’applique pas aux conseils municipaux. Il s’inquiète également des informations reçues sur l’opposition de l’opinion publique aux mesures temporaires spéciales pour la promotion de la femme, ce qui entrave l’adoption de telles mesures pour la réalisation de l’égalité dans des domaines tels que l’éducation, l’emploi et les soins de santé.

24.En référence à sa recommandation générale n o  25 (2004) portant sur les mesures temporaires spéciales, le Comité recommande que l’État partie  :

a) Sensibilise sans relâche les responsables politiques, les médias et le public au fait que la participation pleine et entière des femmes, sur un pied d’égalité avec les hommes dans tous les domaines de la vie, est indispensable à l’application effective de la Convention, ainsi qu’à la stabilité politique et au développement économique du pays et à la nécessité des mesures spéciales, temporaires ou permanentes, pour réaliser l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines visés par la Convention ;

b)Introduise des incitations spécifiques, des objectifs précis, des quotas et des objectifs dans les domaines où les femmes sont défavorisées ou sous-représentées dans les sphères publique et privée.

Stéréotypes

25.Le Comité accueille avec satisfaction l’introduction du projet de livre pour enfant « PIXI-Buch » et du jeu « MEGASPILL », illustrant les hommes et les femmes dans des rôles non traditionnels, ainsi que de l’accent mis sur l’implication des hommes dans les initiatives de promotion de la femme. Il demeure toutefois préoccupé par la participation disproportionnée des femmes, notamment des mères, au travail à temps partiel, ainsi que par le fait que cette forme d’emploi est offerte principalement dans des emplois faiblement rémunérés et par la persistance des stéréotypes concernant les rôles traditionnels des femmes et des mères en tant que dispensatrices de soins et les hommes comme des soutiens de famille. Le Comité est également préoccupé par le rôle que jouent les médias traditionnels et sociaux dans la perpétuation de stéréotypes négatifs et sexistes et par le fait que le rapport de l’État partie mentionne que le travail à temps partiel permet aux femmes de concilier vie professionnelle et responsabilités familiales.

26. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour éliminer les stéréotypes discriminatoires concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes au sein de la famille et la société, notamment en encourageant les médias, en collaboration avec la Radio Télévision Luxembourg, à favoriser l’évolution des mentalités à cet égard et en assurant le suivi de l’image de la femme dans les médias privés et publics. Il recommande en outre à l’État partie de renforcer les capacités des responsables politiques, des membres du gouvernement, des agents de la fonction publique et du secteur privé sur l’égalité des sexes et l’analyse par sexe et d’étendre l’exigence d’une évaluation des incidences pour les femmes et les hommes des nouvelles lois et des mesures politiques et législatives.

Pratiques traditionnelles néfastes

27.Le Comité prend note des plans de l’État partie pour adopter des dispositions sur ses obligations extraterritoriales en ce qui concerne l’élimination des mutilations génitales féminines et autres pratiques traditionnelles néfastes, dans le contexte de la ratification planifiée de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul). Il demeure préoccupé par les faits suivants :

a)Les rapports sur les traitements médicaux forcés, notamment la stérilisation et l’administration de contraceptifs aux femmes handicapées, en particulier les femmes et les filles présentant un handicap intellectuel dans les institutions de l’État, sans leur consentement libre et éclairé ;

b)Des interventions chirurgicales de changement de sexe irréversibles sur les personnes intersexuées, une pratique qui est définie comme une opération génitale non consensuelle et inutile et englobe d’autres procédures comparables qui portent atteinte à l’intégrité physique de ces personnes ;

c)L’appui insuffisant aux personnes intersexuées qui ont subi, lorsqu’elles étaient bébés et enfants, des procédures chirurgicales mutilatrices involontaires et médicalement inutiles, le plus souvent aux conséquences irréversibles, donnant lieu à des souffrances physiques et psychologiques considérables ;

28.À la lumière de la recommandation générale/observation générale conjointe n o  31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et n o  18 du Comité des droits de l’enfant (2014) sur les pratiques préjudiciables, le Comité recommande à l’État partie de :

a)Prendre des mesures pour appliquer les dispositions de la loi du 10 décembre 2009 concernant le respect de l’opinion de la patiente à mettre fin à l’administration de la contraception et la stérilisation non consensuelle ou de traitements médicaux, y compris lorsque le consentement est donné par un tiers ; et veiller à ce que les femmes handicapées jouissent d’un accès égal aux services de santé sexuelle et procréative ;

b)Interdire expressément les interventions chirurgicales de changement de sexe non consenties menées à bien sur des personnes intersexuées, d’élaborer et d’appliquer un protocole de soins de santé fondé sur les droits pour les enfants intersexués, qui nécessite que les médecins informent les enfants intersexués sur toutes les options disponibles et requiert leur participation à la prise de décisions concernant les interventions médicales et le plein respect de leur choix;

c)Adopter des dispositions législatives pour offrir réparation aux personnes intersexuées victimes d’interventions chirurgicales ou médicales pratiquées sans leur consentement préalable, libre et éclairé ou celui de leurs parents.

Violence sexuelle et sexiste contre les femmes

29.Le Comité note avec préoccupation :

a)Les retards importants dans l’adoption de la législation nécessaire pour ratifier la Convention d’Istanbul, qui a été signée en 2011 ;

b)L’absence de dispositions sur la violence sexiste à l’égard des femmes handicapées et sur toutes les formes de violence psychologique dans la proposition actuelle de ratification de la Convention d’Istanbul ;

c)L’absence de service d’assistance téléphonique spécialisé pour les victimes de violence sexiste à l’égard des femmes, qui est disponible gratuitement 24 heures par jour ;

d)L’absence de renforcement systématique des capacités des professionnels qui s’occupent des femmes et des filles victimes de violence fondée sur le sexe, y compris les magistrats, les agents des forces de l’ordre, les agents de l’immigration, les travailleurs sociaux, le personnel médical et les enseignants ;

e)L’insuffisance des ressources allouées aux centres d’accueil pour les femmes et les filles victimes de violence fondée sur le sexe et le surpeuplement des centres d’accueil existants ;

f)Le fait que les femmes vivant en union libre et en cohabitation ne sont pas suffisamment protégées par la législation sur la violence familiale en raison des restrictions sur l’application des ordres d’expulsion ;

g)L’insuffisance de l’analyse des raisons de la récente diminution des demandes d’ordonnances de protection ;

h)Cette collecte de données ne couvre pas toutes les formes de violence fondée sur le sexe, telles que les mutilations génitales féminines, le mariage forcé, la stérilisation forcée et le harcèlement sexuel, ce qui entrave l’évaluation de la situation et l’élaboration de politiques fondées sur des données factuelles.

30.Le Comité recommande à l’État partie, conformément à sa recommandation générale n o  35 (2017) sur la violence sexiste à l’égard des femmes, portant actualisation de la recommandation générale n o  19 :

a)D’accélérer la ratification de la Convention d’Istanbul;

b)D’introduire la problématique du handicap et une définition complète de la violence psychologique dans la proposition législative pour la ratification de la Convention d’Istanbul ;

c)D’encourager les victimes à signaler les cas de violence sexiste, notamment en créant un service d’assistance téléphonique gratuit spécialisé 24 h sur 24 ;

d)D’accroître le renforcement des capacités concernant la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la recommandation générale n o  35 (2017) sur la violence sexiste à l’égard des femmes, à l’intention des magistrats, des agents des forces de l’ordre, des avocats, des agents de l’immigration, des travailleurs sociaux, du personnel médical, des enseignants et des autres professionnels qui travaillent avec les femmes et les filles victimes de violence sexiste ;

e)D’accroître les ressources humaines, techniques et financières consacrées aux foyers pour les femmes et les filles victimes de violence fondée sur le sexe et augmenter le nombre de refuges pour remédier à la surpopulation ;

f)D’étendre la protection contre la violence domestique, y compris la possibilité de demander des ordonnances de protection, aux femmes dans des unions de fait, en cohabitation avec leurs partenaires violents ;

g)D’analyser les raisons qui expliquent la diminution récente des demandes d’ordonnances de protection ;

h)D’élargir la collecte de données ventilées sur la violence sexiste pour couvrir les mutilations génitales féminines, le mariage forcé, la stérilisation forcée et le harcèlement sexuel ; et fournir, dans son prochain rapport périodique au Comité, des informations concernant : i) des cas de violence contre les femmes qui ont fait l’objet d’enquêtes et de poursuites, y compris sur les sanctions infligées aux auteurs ; ii) les femmes victimes de violence qui ont bénéficié d’une assistance juridique et des services d’appui correspondants ; iii) les femmes victimes de violences qui ont été indemnisées ; et iv) les ordonnances de protection délivrées .

Traite et exploitation de la prostitution

31.Le Comité salue les mesures législatives et institutionnelles prises par l’État partie pour lutter contre la traite des êtres humains. Il relève toutefois avec préoccupation :

a)L’absence de données complètes et ventilées accessibles au public sur les victimes de la traite ;

b)Le faible taux de poursuites et de condamnations dans les affaires de traite d’êtres humains pour l’année 2017, en partie en raison de retards dans les procédures pénales ; et l’absence de mesures de protection des victimes et des témoins ;

c)L’absence de dispositions sur la compétence universelle dans sa législation pénale, en autorisant l’investigation, la poursuite et la répression des crimes transfrontaliers ;

d)La définition de la traite des êtres humains dans son Code pénal moins précise que celle du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants et sans définition des responsabilités des crimes transfrontaliers ;

e)L’absence de renforcement des capacités du pouvoir judiciaire tenant compte des disparités entre les sexes pour l’application de la législation relative à la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des filles ;

f)L’absence de procédure normalisée pour l’identification précoce des femmes et des filles victimes de la traite et leur orientation vers les services sociaux appropriés, ce qui peut conduire à la détention de femmes et de filles migrantes dans des centres pour demandeurs d’asile plutôt que leur accueil dans des refuges ;

g)Le manque de ressources allouées aux services d’appui tenant compte des disparités entre les sexes en faveur des victimes de la traite des êtres humains, notamment l’assistance juridique, les soins médicaux, le soutien psychosocial et la réadaptation.

32.Le Comité recommande à l’État partie :

a)De recueillir, d’analyser et de publier régulièrement des données complètes sur la traite, ventilées par sexe, et d’inclure ces données dans son prochain rapport périodique ;

b)D’enquêter, de traduire en justice et de punir sans délai tous les cas de traite des femmes et des filles ; de veiller à ce que les peines infligées aux auteurs soient proportionnelles à la gravité de l’infraction ; et d’élaborer et de mettre en œuvre des programmes de protection des victimes et des témoins ;

c)D’adopter des dispositions relatives à la compétence universelle dans son droit pénal ;

d)De modifier son Code pénal afin que sa définition de la traite soit compatible avec le Protocole relatif à la traite des personnes et définir dans sa législation les responsabilités des crimes transfrontaliers ;

e)De renforcer les capacités des magistrats, du ministère public, des avocats et des membres des forces de l’ordre à la stricte application des dispositions pénales relatives à la traite et à l’application d’une législation tenant compte des disparités entre les sexes sur l’aide aux victimes ;

f)D’adopter des règles d’identification précoce des femmes et des filles qui sont victimes de la traite et de les orienter vers les services sociaux appropriés ; de garantir une démarche sexospécifique lors de l’examen des demandes d’asile, y compris en reconnaissant expressément la violence à l’égard des femmes fondée sur le sexe comme motif de protection ;

g)D’allouer des ressources suffisantes pour faire en sorte que les femmes et les filles victimes de la traite aient accès à des services d’appui tenant compte des disparités entre les sexes, notamment en renforçant les ressources humaines, techniques et financières de la police et des organisations non gouvernementales actives dans ce domaine.

33.Le Comité se félicite de l’adoption de la loi renforçant la lutte contre l’exploitation de la prostitution, le proxénétisme et la traite des êtres humains à des fins sexuelles, et de l’élaboration d’un plan d’action national « prostitution ». Il est toutefois préoccupé par les constatations suivantes :

a)Les foyers d’exploitation sexuelle et de prostitution forcée, notamment dans l’industrie du spectacle, les bars et les salons de massage, ne font pas l’objet de contrôles réguliers ;

b)La loi sur la prostitution n’a pas effectivement protégé les prostituées contre l’exploitation ; leur vulnérabilité particulière doit être établie afin de criminaliser les actes de clients qui utilisent les services sexuels liés à l’exploitation de la prostitution ; la loi exonère en outre de poursuites les clients qui divulguent des informations sur les réseaux de prostitution ou de traite ;

c)Des ressources insuffisantes sont consacrées à la mise en œuvre du plan d’action « prostitution », en particulier en vue de réduire la demande et d’étendre le soutien et les programmes de sortie de la prostitution aux femmes qui travaillent dans des appartements et d’autres contextes.

34.Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les prostituées soient exemptes de poursuites dans tous les cas et :

a)De surveiller les lieux où les femmes sont exposées à un risque accru de prostitution forcée, afin d’en identifier les victimes ;

b)D’assurer la protection efficace des prostituées face à l’exploitation, notamment en revoyant les dispositions pénales relatives à l’exploitation de la prostitution, en consultation avec la Commission consultative des droits de l’homme, en particulier l’exigence d’apporter la preuve de la vulnérabilité des victimes et l’exemption de poursuites des clients s’ils divulguent des informations concernant le proxénétisme ou des réseaux de traite ;

c)D’améliorer la répartition des ressources pour assurer la mise en œuvre du plan d’action « prostitution », en particulier les mesures envisagées pour réduire la demande de prostituées ; et fournir un appui et des programmes de soutien aux prostituées dans tous les contextes.

Participation à la vie politique et publique et à la prise de décisions

35.Le Comité se félicite de la mise au point d’une stratégie visant à parvenir à un meilleur équilibre entre hommes et femmes dans la prise de décisions et des activités de sensibilisation, menées dans le cadre des élections municipales de 2017, à la faible représentation des femmes dans la vie politique au niveau local. Il est cependant préoccupé par le fait que la proportion de femmes parmi les dirigeants des principaux partis politiques demeure faible et que la représentation des femmes dans les organes élus au niveau communal ait diminué. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que les mesures spéciales adoptées par l’État partie en vue de réaliser l’égalité réelle entre les sexes, telles que des quotas minimaux pour les listes électorales des partis politiques et au Conseil d’État, peuvent ne pas être suffisamment fortes pour assurer la mise en œuvre efficace ; qu’elles sont indifférentes à la problématique hommes-femmes ; et qu’elles ne s’appliquent pas au niveau local.

36.Le Comité recommande à l’État partie de renforcer ses mesures spéciales temporaires et permanentes et ses mesures d’incitation financière aux partis politiques en vue de parvenir à l’égalité de représentation des femmes sur les listes électorales et à la Chambre des députés et au Conseil d’État, notamment en réexaminant ces mesures pour viser spécifiquement les femmes, inciter les partis politiques à donner la priorité à celles qui se présentent aux élections et à étendre ces mesures aux élections locales .

Les femmes et la paix et la sécurité

37.Le Comité déplore l’absence d’un plan d’action national pour la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes et la paix et la sécurité, ce qui a une incidence négative sur la participation des femmes aux processus de paix.

38.Le Comité recommande à l’État partie d’adopter un plan national de mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) sur les femmes et la paix et la sécurité.

Éducation

39.Le Comité accueille avec satisfaction l’initiative « Girls’ Day-Boys’ Day » et son plan visant à fournir du matériel éducatif gratuit dans l’enseignement secondaire. Il relève toutefois avec préoccupation :

a)La sous-représentation des femmes parmi les présidents et les membres des conseils d’universités ;

b)L’absence de formation spécifique sur l’égalité entre les sexes et les droits des femmes dans les programmes scolaires ;

c)Le faible taux d’inscription des femmes, en particulier des femmes migrantes provenant de pays non européens, dans l’enseignement postsecondaire ;

d)La concentration des femmes dans des filières d’études et des carrières traditionnellement dominées par les femmes ;

e)Les informations faisant état de brimades et de violences à l’égard des filles et des adolescentes migrantes et lesbiennes, bisexuelles et transgenres, ainsi que des enfants et des adolescents intersexuées en milieu scolaire.

40.Le Comité recommande à l’État partie :

a)De prendre des mesures appropriées pour améliorer la représentation des femmes aux postes de décision des institutions universitaires ;

b)D’intégrer un enseignement spécifique à l’égalité des sexes et aux droits des femmes et des filles dans les programmes scolaires à tous les niveaux ;

c)De lever les obstacles structurels qui empêchent les filles d’aller au-delà de l’enseignement secondaire ;

d)D’adopter une approche sexospécifique de l’orientation professionnelle, y compris sur la base de modèles, afin d’encourager les filles à s’inscrire dans des disciplines traditionnellement dominées par les hommes, telles que les mathématiques, les technologies de l’information et les sciences, et à se lancer dans des carrières non traditionnelles ; et de former les enseignants à tous les niveaux du système éducatif aux les moyens d’éliminer les stéréotypes ;

e) De permettre aux victimes de signaler de manière confidentielle les cas de harcèlement et l’expression de sentiments discriminatoires dans les établissements scolaires, y compris les filles et les adolescentes migrantes et lesbiennes, bisexuelles et transgenres, et les enfants et les adolescents intersexués ; et de veiller à ce que les responsables reçoivent des sanctions appropriées.

Emploi

41.Le Comité se félicite de la réduction de l’écart salarial entre hommes et femmes, qui atteignait 5,4 % en 2017, de l’adoption de la loi du 3 novembre 2016 portant réforme du congé parental et de la création du Conseil national des femmes. Le Comité demeure néanmoins préoccupé par :

a)L’écart de 17,8 % entre les sexes dans l’emploi à temps plein et le fait que 36,1 % des femmes travaillent à temps partiel, illustrant une répartition inégale des responsabilités familiales entre les femmes et les hommes ;

b)Le faible nombre d’enfants entre 3 ans et l’âge de la scolarité dans les établissements de garde d’enfants ;

c)Les règlements qui excluent l’emploi à temps partiel pour la plupart des postes de direction et la faible représentation des femmes aux postes de décision dans le secteur public et les conseils d’administration des grandes entreprises ;

d)Le fait que les travailleuses domestiques ne sont toujours pas entièrement couvertes par la protection sociale et du travail, notamment parce que la Convention sur les travailleuses et travailleurs domestiques de 2011 (no 189) de l’Organisation internationale du travail n’a toujours pas été ratifiée.

42.Le Comité recommande à l’État partie :

a)D’offrir davantage de possibilités aux femmes d’accéder à un emploi à plein temps, notamment en adoptant des mesures visant à éliminer la ségrégation professionnelle dans les secteurs public et privé et de renforcer la promotion du partage égal des tâches domestiques et familiales entre hommes et femmes ;

b)D’élargir l’offre de structures d’accueil pour les enfants, en particulier entre 3 ans et l’âge scolaire ;

c)De renforcer la participation des femmes aux postes de décision dans les secteurs public et privé, notamment en prenant des mesures légales pour permettre des possibilités d’emploi à temps partiel dans les postes à responsabilité et en adoptant des mesures temporaires spéciales pour atteindre l’objectif de 40 % de femmes aux conseils d’administration des institutions publiques et des entreprises privées ;

d)D’accélérer la ratification de la Convention sur les travailleuses et travailleurs domestiques, conformément à l’engagement pris par l’État partie en 2013 dans le cadre du deuxième cycle d’examen du mécanisme d’examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme.

Harcèlement sexuel sur le lieu de travail

43.Le Comité se félicite de la conduite par le ministère de l’Éducation nationale, de l’enfance et de la jeunesse d’une étude recensant les différentes formes de harcèlement sexuel, de la désignation de points de contact pour le harcèlement sexuel au sein des différents ministères et de la création de services d’inspection du travail pour prévenir le harcèlement sexuel.

44.Le Comité recommande à l’État partie :

a)De réaliser des études sur la prévalence du harcèlement sexuel dans le secteur privé et d’encourager les employeurs à procéder régulièrement à l’examen de la culture d’entreprise pour prévenir ce phénomène ;

b)De sensibiliser à la nature discriminatoire du harcèlement sexuel, en vue de mettre fin à ce phénomène ;

c)De criminaliser expressément le harcèlement sexuel et de prévoir des sanctions adéquates ;

d)D’appliquer rapidement des plans en vue de mettre en place un système confidentiel et sûr pour le dépôt des plaintes liées au harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

Santé

45.Le Comité se félicite de la signature, le 17 juillet 2013, du programme national promotion de la santé affective et sexuelle et l’augmentation de la contribution de l’État partie au Fonds des Nations Unies pour la Population pour soutenir le mouvement « She decides ». Il est toutefois préoccupé par les constatations suivantes :

a)La diffusion et la mise en œuvre insuffisantes du programme national promotion de la santé affective et sexuelle et les incertitudes quant aux ressources allouées à la promotion de la santé affective et sexuelle dans les écoles et auprès des professionnels ;

b)L’absence de mesures prises pour faciliter l’accès des apatrides aux soins de santé, compte tenu en particulier du coût des services de santé dans l’État partie ;

c)Le nombre élevé de femmes qui souffrent de dépression dans l’État partie, en particulier les femmes et les filles ;

d)La persistance de taux élevés de tabagisme chez les filles, malgré la limitation continue des lieux où il est autorisé de fumer ;

e)La prescription limitant l’aptitude des personnes qui ont subi une intervention chirurgicale irréversible de changement de sexe et ses conséquences à réclamer des dommages-intérêts compensatoires.

46.Conformément à sa recommandation générale n o  24 (1999) sur les femmes et la santé, le Comité recommande à l’État partie :

a)De diffuser des informations sur le programme national promotion de la santé affective et sexuelle et d’allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes à son exécution effective, y compris l’introduction dans les programmes scolaires d’un enseignement adapté à chaque âge sur la santé sexuelle et procréative et les droits, conformément à l’engagement pris par l’État partie en 2013, dans le cadre de l’examen périodique universel, et à la formation correspondante des enseignants et des professionnels dans les secteurs de l’éducation et de la santé ;

b)De faciliter l’accès des apatrides à des services de santé, notamment en fournissant un appui financier pour couvrir le coût élevé des services de santé ;

c)D’identifier et d’éliminer les facteurs structurels qui portent atteinte à la santé mentale des femmes et des filles, en particulier migrantes ;

d)De renforcer les interventions qui tiennent compte des disparités entre les sexes dans le cadre du plan national de lutte contre le tabagisme 2016­2020, et de garantir l’allocation de ressources humaines, techniques et financières suffisantes à sa mise en œuvre ;

e)D’abroger les délais sur la capacité à réclamer des dommages-intérêts compensatoires en cas d’intervention chirurgicale de changement de sexe irréversible et pour ses conséquences.

Autonomisation économique des femmes et avantages sociaux

47.Le Comité accueille avec satisfaction le lancement du réseau européen des ambassadrices de l’entrepreneuriat luxembourgeois. Il est toutefois préoccupé par les constatations suivantes :

a)L’absence d’une approche stratégique pour améliorer les conditions de vie des femmes qui cherchent à créer et gérer des entreprises dans l’État partie, ainsi que l’insuffisance des possibilités de financement aux entreprises dirigées par des femmes ;

b)Le fait que les travailleuses indépendantes sont défavorisées en ce qui concerne la pleine réalisation de la sécurité sociale et des prestations de maternité ;

c)Le fait que 44 % des familles monoparentales, dirigées pour l’essentiel par des femmes, vivent avec un revenu inférieur au seuil national de pauvreté ;

d)Le manque de données sur les femmes qui investissent dans des sociétés d’investissement à capital variable (SICAV) et à capital fixe et sur les femmes propriétaires.

48.Le Comité recommande à l’État partie :

a)D’analyser régulièrement la situation des femmes chefs d’entreprise dans l’État partie et d’élaborer une stratégie pour appuyer l’introduction et le maintien de leurs initiatives économiques, couvrant tout l’éventail des entreprises, des microentreprises aux macroentreprises ;

b)De veiller à ce que les employés, les chômeurs et les pères et les mères indépendants soient couverts par la sécurité sociale et les prestations de maternité et de découpler le calcul des prestations de maternité des fluctuations des revenus, qui sont typiques de l’auto-emploi ;

c)De renforcer les initiatives de lutte contre la pauvreté et la précarité de l’emploi chez les femmes chefs de famille ;

d)De collecter et de fournir des données sur les femmes qui investissent dans les entreprises à capital variable et fixe, ainsi que sur les femmes propriétaires.

Femmes et filles appartenant à des groupes religieux minoritaires et migrantes, réfugiées et demandeuses d’asile

49.Le Comité se félicite de l’instauration de médiateurs interculturels dans les milieux scolaires. Il est toutefois préoccupé par le fait que toutes les demandes de protection internationale relatives aux mutilations génitales féminines aient été rejetées alors même que des persécutions liées au genre sont un facteur à prendre en compte dans les décisions en matière d’asile dans l’État partie. Il s’inquiète également du fait que les femmes et les filles juives et musulmanes dans l’État partie subissent des tendances antisémites et islamophobes, respectivement. Il est en outre préoccupé par le fait que les femmes et les filles migrantes, en particulier celles qui sont d’origine non européenne et surtout les musulmanes, ainsi que les demandeuses d’asile et les réfugiées, sont victimes de formes convergentes de discrimination, débouchant sur les situations suivantes :

a)La baisse des résultats scolaires chez les migrantes, en particulier celles qui sont d’origine non européenne, et leur faible participation dans l’enseignement supérieur, en grande partie en raison des prescriptions dans les langues locales, des différences de règles linguistiques entre les cursus généraux et techniques de l’enseignement secondaire et des difficultés économiques ;

b)Le faible taux d’emploi des migrantes d’origine non européenne, en partie du fait des exigences en langue locale, qui constituent un obstacle à l’emploi dans les secteurs public et privé ;

c)Une augmentation des actes islamophobes et les discours haineux contre les femmes et les filles musulmanes, ainsi qu’à l’encontre des réfugiées et demandeuses d’asile, en particulier sur Internet.

50.Conformément à sa recommandation générale n o  32 (2014) sur les femmes et les situations de réfugiés, d’asile, de nationalité et d’apatridie, le Comité recommande à l’État partie :

a)De faciliter l’accès des filles migrantes, en particulier celles qui sont d’origine non européenne, à l’enseignement secondaire supérieur, notamment en fournissant un appui financier, en assouplissant les exigences linguistiques dans le système d’enseignement et en luttant contre les différences de régimes linguistiques entre les filières générale et technique de l’enseignement secondaire ;

b)D’intégrer les migrantes d’origine non européenne sur le marché du travail, notamment en assouplissant les exigences linguistiques qui sont perçues comme des obstacles à l’emploi dans les secteurs public et privé, en améliorant la possibilité d’apprendre les langues requises et en veillant à la stricte application de la législation relative à la discrimination sur le marché du travail ;

c)De renforcer les mesures de lutte contre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et des filles appartenant à des minorités religieuses, y compris en sensibilisant le public aux avantages d’une société plurielle et les femmes et les filles à leurs droits et aux recours disponibles ;

d)De créer un mécanisme chargé de surveiller et de combattre les discours de haine, notamment sur les réseaux sociaux, à l’encontre de groupes minoritaires raciaux, ethniques, sexuels et religieux, ainsi que l’incitation à la haine fondée sur la nationalité et le statut migratoire, conformément à l’article 457 de son Code pénal, en se référant à l’article 454 ;

e)De veiller à l’adoption d’une démarche sexospécifique dans l’accueil des réfugiées et des demandeuses d’asile et dans l’examen des demandes d’asile, notamment en formant les agents de l’immigration aux techniques d’interrogatoire sexospécifiques ; d’accorder l’asile aux femmes qui sollicitent une protection internationale en raison du risque de mutilations génitales féminines ; et de veiller à ce que les besoins de protection des demandeuses d’asile ou réfugiée qui arrivent dans l’État partie reçoivent une attention prioritaire.

Mariage et relations familiales

51.Le Comité salue l’adoption de la loi du 4 juillet 2014 portant réforme du mariage, qui autorise le mariage entre personnes de même sexe et les progrès réalisés dans la réforme du divorce et de l’autorité parentale et de la révision de la loi sur la filiation. Il relève toutefois avec préoccupation :

a)Les femmes en union de fait et les couples de même sexe sont désavantagés en ce qui concerne la répartition des biens lors de la dissolution de leur union et la reconnaissance de la paternité en cas de procréation médicalement assistée, ainsi que l’adoption des beaux-enfants ;

b)L’adoption de règlements pour remédier aux inégalités entre les sexes et aux carences économiques en cas de divorce n’est pas encore effective.

52.Le Comité recommande, conformément à sa recommandation générale n o  29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage, et des liens familiaux et de leur dissolution, que l’État partie :

a)D’harmoniser le traitement de toutes les femmes, y compris dans les unions de fait et les relations homosexuelles, en ce qui concerne la répartition des biens lors de la dissolution de leur union ou de la relation et la reconnaissance de la paternité en cas de procréation médicalement assistée, ainsi que l’adoption des beaux-enfants, quel que soit leur état civil;

b)D’accélérer l’adoption du projet de loi portant création d’un tribunal de la famille et des règlements y relatifs.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

53.Le Comité invite l’État partie à s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing dans l’action qu’il mène pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030

54.Le Comité invite l’État partie à réaliser l’égalité réelle des hommes et des femmes, énoncée dans les dispositions de la Convention, en s’appuyant sur l’application du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Diffusion

55.Le Comité demande à l’État partie de veiller à ce que les présentes observations finales soient diffusées rapidement, dans ses langues officielles, auprès des institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier du Gouvernement, des ministères, de la Chambre des députés et de l’appareil judiciaire, afin d’en assurer l’application intégrale.

Ratification d’autres traités

56.Le Comité note que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribuerait à favoriser l’exercice effectif par les femmes de leurs droits individuels et de leurs libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. Il encourage donc l’État partie à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, auxquelles il n’est pas encore partie.

Suite donnée aux observations finales

57.Le Comité demande à l’État partie de lui communiquer par écrit , dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures prises en vue de faire appliquer les recommandations contenues au paragraphe 14, à l’alinéa a) du paragraphe 16, au paragraphe 38 et à l’alinéa d) du paragraphe 50 ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

58.Le Comité demande à l’État partie de lui présenter son huitième rapport périodique au plus tard en mars 2022. Le rapport devra être soumis dans les délais et, en cas de retard, couvrir la période allant jusqu’au moment de sa soumission.

59. Le Comité invite l’État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).