Nations Unies

CAT/C/RWA/1

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

16 juin 2011

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 19de la Convention

Rapports initiaux des États parties devant être soumisen 2010

Rwanda *

[8 avril 2011]

Table des matières

Paragraphes Page

Abréviations3

I.Informations de caractère général1-314

A.Introduction1-104

B.Cadre juridique général de l’interdiction de la torture et autres peinesou traitements cruels, inhumains ou dégradants11-315

II.Informations se rapportant à chaque article de fond de la Convention (art. 1er à 16)32−12110

Article 1Définition de la torture3210

Article 2Prévention de la torture33−4710

Article 3Interdiction de l’expulsion, du refoulement ou de l’extraditiond’une personne vers un État où elle risque d’être torturée48−5514

Article 4Obligation d’ériger en infraction pénale la torture, la tentativede torture et la complicité dans la commission d’actes de tortureet peines prévues par la loi56−6115

Article 5Compétence territoriale en matière pénale62−6417

Article 6Garde à vue et détention provisoire de personnes soupçonnéesde torture et en attente de jugement par un tribunal pénalou en attente d’extradition65−6818

Article 7Examen des affaires de torture en cas de non-extraditionde l’auteur présumé69−7218

Article 8Incorporation de la torture dans les traités d’extradition73−7819

Article 9Entraide judiciaire entre États dans le cadre d’une procédurepénale relative à des actes de torture79−8021

Article 10Mobilisation en faveur du respect des dispositions de la Convention81−8621

Article 11Surveillance systématique des règles régissant la conduite des interrogatoires et des dispositions concernant le traitement des personnes détenues ou emprisonnées, en vue d’éviter tout cas de torture87−9723

Article 12Enquêtes sur les affaires de torture98−10126

Article 13Droit de porter plainte devant les autorités compétentes102−10827

Article 14Droit de la victime d’être indemnisée équitablement109−11428

Article 15Recevabilité des déclarations obtenues par la torture115−11729

Article 16Interdiction d’autres actes constitutifs de traitements cruels,inhumains ou dégradants118−12130

III.Conclusion122−12731

Abréviations

CICRComité international de la Croix-Rouge

CLADHOCollectif des ligues et associations de défense des droits de l’homme

FACT-RwandaForum des activistes contre la torture au Rwanda

J. O.Journal officiel

LDGLLigue des droits de la personne dans la région des Grands Lacs

LIPRODHORLigue pour la promotion et la défense des droits de l’homme au Rwanda

I.Informations de caractère général

A.Introduction

Généralités

1.Le Rwanda a un territoire de 26 338 kilomètres carrés et compte environ 11 millions d’habitants, les femmes représentant 51,7 % de la population et les hommes, 48,3 %. La densité de la population est de 395 habitants par kilomètre carré, tandis que la densité physiologique est de 556 habitants par kilomètre carré. La croissance démographique annuelle avoisine les 2,8 %. De 2002 à 2010, le produit intérieur brut (PIB) par habitant est passé de 206 à 541 dollars des États-Unis. L’économie repose essentiellement sur l’agriculture, secteur dans lequel travaillent 85 % des ménages mais qui ne représente que 37 % du PIB. En 2008, le PIB s’est accru de 11,2 %. Le Rwanda aspire à devenir un pays à revenu intermédiaire d’ici à 2020. Il importe de noter que le génocide perpétré en 1994 a mis à mal le tissu social du pays ainsi que les aménagements à usage collectif, dont les infrastructures. C’est sur cette toile de fond que le Gouvernement rwandais a lancé un programme de reconstruction du pays prévoyant de consolider les principes de l’état de droit, renforcer le respect des droits de l’homme et promouvoir l’unité et la réconciliation nationales.

2.Le Rwanda est une république souveraine, démocratique, sociale et laïque dotée d’un système de gouvernement multipartite. Les trois pouvoirs de l’État (législatif, exécutif et judiciaire) sont séparés et indépendants les uns des autres, mais ils sont complémentaires.

3.Dans le préambule de la Constitution, l’attachement du peuple rwandais aux principes relatifs aux droits de la personne humaine tels que définis dans la Charte des Nations Unies et les principaux instruments internationaux protégeant les droits de l’homme est réaffirmé. Les articles 10 à 52 du chapitre II de la Constitution consacrent les droits fondamentaux de la personne tels que définis dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.

4.Le Rwanda a ratifié les huit principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et la plupart des protocoles facultatifs s’y rapportant. Il a adhéré à plusieurs autres instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme ou entamé une procédure de ratification à cette fin. Une fois ratifiés, les traités et instruments internationaux font partie intégrante du droit interne. En vertu de la Constitution, les traités ratifiés par le Rwanda «ont une autorité supérieure à celle des lois organiques et des lois ordinaires*» (art. 189 et 190). Le Rwanda a levé toutes les réserves aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’il avait émises.

5.Le Rwanda a mis au point des programmes afin de faire face aux changements socioéconomiques. Ces programmes ont été intégrés dans des plans stratégiques, dont le plan «Vision 2020» (plan à long terme) et la Stratégie de développement économique et de réduction de la pauvreté (plan à court terme), qui ont été élaborés pour répondre aux attentes des Rwandais en ce qui concerne leur avenir, leur identité commune, leur unité et la participation de toutes les composantes de la société ainsi que leur bien-être économique.

6.La politique générale de promotion des droits de l’homme demeure une priorité pour toutes les institutions, quel que soit leur mandat. Son objectif est de promouvoir les droits de l’homme, l’égalité et la justice pour tous, en particulier dans des domaines tels que l’éducation, la santé, la sécurité sociale, les droits de la femme, les droits de l’enfant et les droits des personnes handicapées.

7.Il importe de souligner que le génocide de 1994 a bouleversé la situation socioéconomique du pays et fortement endommagé toutes ses infrastructures. Avant et pendant le génocide, de graves souffrances physiques et psychologiques ont été intentionnellement infligées à des Tutsis et des Hutus modérés par des agents de l’État et d’autres personnes agissant à titre officiel, dont des miliciens interahamwe. En outre, les autorités ont incité la population à participer au génocide. Des violences − viols, tortures sexuelles, mutilations génitales, massacres et atteintes à l’intégrité corporelle − ont systématiquement été infligées aux Tutsis.

8.Le Gouvernement a lancé un programme de reconstruction nationale prévoyant de mettre en place des mécanismes chargés de renforcer l’état de droit, de veiller au respect et à l’application des droits de l’homme et de réaliser l’unité et la réconciliation nationales.

Méthode et processus général de consultation

9.L’élaboration du présent rapport a été coordonnée par le groupe de travail interinstitutions chargé de rédiger les rapports rendant compte de l’application par le Rwanda des instruments internationaux auxquels il est partie. Ce groupe est composé de représentants du Ministère des affaires étrangères et de la coopération, du Ministère de la justice, du Ministère chargé du genre et de la promotion de la famille, du Ministère de la santé, du Ministère de l’éducation, du Ministère de la fonction publique et du travail, du Ministère de la sécurité intérieure, du Ministère de l’administration locale et de la Commission nationale des droits de l’homme.

10.Un questionnaire établi par le groupe de travail a été adressé à diverses institutions afin de recueillir des renseignements sur l’application de la Convention contre la torture, que le Rwanda a ratifiée. Le présent rapport a été élaboré selon une approche participative et en consultation avec toutes les parties prenantes, ce qui signifie que des informations ont été collectées auprès des personnes compétentes et que des entretiens ont été organisés avec des représentants d’organes publics chargés de l’application de la Convention et d’organisations de la société civile actives dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de l’homme au Rwanda. Des renseignements complémentaires obtenus dans le cadre de recherches documentaires et d’ateliers de validation ont été incorporés dans le présent rapport et les Directives générales concernant la forme et le contenu des rapports initiaux que les États parties doivent présenter en application de la Convention ont été utilisées pour en définir la structure.

B.Cadre juridique général de l’interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

La Constitution

11.La Constitution dispose que le Gouvernement rwandais est déterminé à respecter, défendre et appliquer les principes fondamentaux et constitutionnels et, notamment, à édifier un État œuvrant pour la justice sociale et le bien-être de la population. Elle prévoit en outre que la personne humaine est «sacrée et inviolable», que «l’État et tous les pouvoirs publics ont l’obligation absolue de la respecter, de la protéger et de la défendre», que «toute personne a droit à son intégrité physique et mentale» et que «nul ne peut faire l’objet de tortures, de sévices ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants».

Le Code pénal

12.Le Code pénal en vigueur réprime les actes de torture physique par les peines prévues aux articles 316 et 388, mais il ne fait pas de la torture une infraction à part entière. Dans la pratique, les auteurs présumés d’actes de torture sont poursuivis en vertu des dispositions relatives aux infractions de droit commun commises contre les personnes, dont l’homicide et les diverses formes de violence physique et d’agression visées aux articles 310 à 395 du Code pénal. Par exemple, le 14 avril 2007, le tribunal de grande instance de Rusizi a condamné un officier de police judiciaire qui avait passé à tabac un suspect retenu en garde à vue au poste de police de cette ville à une peine d’emprisonnement d’un an pour coups ayant entraîné une incapacité. Ce fonctionnaire a été condamné au titre de l’article 319 du Code pénal, qui réprime les lésions corporelles volontaires.

Le projet de nouveau code pénal

13.Depuis le début du processus de reconstruction nationale entamé à la suite du génocide de 1994, le Rwanda a connu plusieurs réformes successives. Une réforme législative a été lancée en 2004, suivie d’une réforme du système judiciaire. Il s’est avéré nécessaire de modifier le Code pénal afin de le rendre compatible avec les objectifs définis dans les documents stratégiques pour le développement et l’accès de tous à l’égalité et à la justice, en particulier «Vision 2020» et la Stratégie de développement économique et de réduction de la pauvreté. C’est dans ce contexte que la Chambre des députés du Parlement a récemment adopté un projet de loi organique portant nouveau code pénal.

14.L’article 204 du projet de nouveau code pénal reprend intégralement la définition de la torture énoncée à l’article premier de la Convention ainsi que la définition des mauvais traitements. En vertu de l’article 205 dudit projet, quiconque inflige des tortures à une personne est passible d’une peine de six mois à cinq ans d’emprisonnement. Si ces actes ont pour séquelles une maladie incurable, une incapacité permanente, la perte de l’usage d’un organe ou une mutilation grave, la peine est de dix à vingt ans d’emprisonnement. Si les tortures infligées à la victime ont entraîné sa mort, le responsable est passible de la réclusion criminelle à perpétuité. Si l’auteur est un officier de police judiciaire, un procureur ou un membre des forces de sécurité, il encourt la peine la plus lourde prévue dans la législation pénale.

Autres textes juridiques

15.Le Code de procédure pénale fixe les règles à suivre du début à la fin de la procédure pénale et instaure l’interdiction de recourir à la torture pour obtenir des preuves ou des aveux de l’auteur présumé d’une infraction quelle qu’en soit la nature. Il prévoit des garanties suffisantes protégeant les droits des personnes arrêtées ou placées en garde à vue, dont le droit de tout suspect d’être examiné par un médecin, de s’entretenir avec un avocat et de contacter des personnes de son choix, notamment des membres de sa famille. Le Code de procédure pénale contient des normes relatives à la durée de la garde à vue. Celles-ci ont un caractère obligatoire et sont rigoureusement appliquées.

16.En vertu de l’article 6 de la loi portant mode et administration de la preuve, il est interdit de ligoter un suspect, de le fouetter ou de recourir à la torture ou au lavage de cerveau ou à tout acte cruel ou dégradant pour lui extorquer des aveux ou pour contraindre des témoins à faire une déposition. Ces moyens de preuve sont interdits par la loi et doivent être considérés comme irrecevables par un tribunal.

17.L’article 20 de la loi relative aux droits et à la protection de l’enfant contre les violences consacre l’interdiction de soumettre un enfant à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants.

18.L’article 27 de la loi portant prévention et répression de la violence basée sur le genre interdit les tortures sexuelles, qui emportent une peine de réclusion à perpétuité assortie de mesures spéciales.

19.La loi organique no 16/2004 du 19 juin 2004 portant organisation, compétence et fonctionnement des tribunaux gacaca telle que modifiée érige en infraction la commission d’actes de torture, dont les tortures sexuelles, et de viols, ainsi que la complicité de ces actes. Les peines varient selon que l’auteur plaide coupable ou non coupable.

20.Le Code du travail interdit toute forme de violence ou de harcèlement ayant des conséquences directes ou indirectes sur l’emploi. La démission d’un employé qui a été victime de violences ou de harcèlement est considérée comme un licenciement abusif. En tel cas, l’intéressé a droit à des dommages et intérêts.

21.L’article 40 de la loi no 09/2000 du 16 juin 2000 portant création, organisation générale et compétence de la Police nationale prévoit que le recours à la force par la police doit être raisonnable et proportionnel à l’objectif poursuivi.

22.L’article 23 de la loi no 38/2006 du 25 septembre 2006 portant création et organisation du Service national des prisons dispose que «la personne incarcérée doit être traitée dans la dignité et le respect de la personne humaine» et qu’elle est «particulièrement protégée contre toute sorte de traitements cruels, de tortures et de tout autre traitement inhumain ou dégradant».

23.En vertu de l’article 15 de la loi no 25/2004 du 19 novembre 2004 portant création des Forces de défense locale, les soldats qui font un usage excessif ou illégal de la force dans le cadre d’une arrestation peuvent avoir à répondre de leurs actes devant les juridictions administratives, civiles et pénales.

24.L’article 2 de la loi no 32/2010 du 22 septembre 2010 relative à l’exécution de la peine de réclusion criminelle à perpétuité dispose que cette peine est «infligée aux personnes condamnées pour crimes inhumains ou qui relèvent de la récidive tels que la torture ayant conduit à la mort; le meurtre accompagné d’actes dégradants sur le cadavre; le crime de génocide et autres crimes contre l’humanité; les actes terroristes conduisant à la mort des personnes; les abus sexuels sur mineur; les actes de torture sexuelle; et la formation ou la direction d’associations de malfaiteurs».

25.L’article 28 de l’arrêté présidentiel no 155/01 du 31 décembre 2002 portant statut régissant la Police nationale dispose que tout membre des forces de l’ordre, indépendamment de son grade ou de sa fonction, a le devoir d’accomplir en toute conscience la mission qui lui est confiée, faire preuve de politesse et de dignité dans ses relations avec ses supérieurs, ses collègues, ses subordonnés et le public. En outre, il doit communiquer avec le public, avoir une conduite exemplaire en ce qui concerne le maintien de la sécurité et le respect des droits de l’homme, éviter tout comportement susceptible de porter atteinte à la dignité de sa fonction et d’ébranler la confiance du public à cet égard et connaître la réglementation et les directives. Il a le devoir d’agir avec impartialité et sans pratiquer de distinction fondée sur le statut social, l’appartenance ethnique, l’opinion politique, la religion ou tout autre intérêt personnel.

26.L’article 8 de la directive no 09/08 du 16 juin 2008 du Ministre de la sécurité intérieure concernant les conditions de détention, la nourriture des détenus et le régime des visites dispose qu’aucun détenu ne doit être soumis à la torture, à des violences ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Instruments internationaux relatifs à la torture ratifiés par le Rwanda

27.Le Rwanda a ratifié un grand nombre d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont plusieurs interdisent le recours à la torture et aux mauvais traitements. Outre la Convention contre la torture, il est partie aux instruments ci-après: le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Deuxième Protocole facultatif s’y rapportant, visant à abolir la peine de mort; la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le Protocole s’y rapportant, relatif aux droits des femmes; la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant; la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et le Protocole facultatif s’y rapportant; la Convention sur les droits politiques de la femme; la Convention relative aux droits de l’enfant et les protocoles facultatifs s’y rapportant; la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide; la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille; la Convention de 1926 relative à l’esclavage telle que modifiée par le Protocole du 7 décembre 1953; la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et le Protocole additionnel s’y rapportant, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants; la Convention relative aux droits des personnes handicapées; les Conventions de Genève et les protocoles additionnels s’y rapportant; et la Convention internationale contre la prise d’otages.

28.Aux termes de l’article 190 de la Constitution, «Les traités ou accords internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication au Journal officiel, une autorité supérieure à celle des lois organiques et des lois ordinaires, sous réserve […] de [leur] application par l’autre partie». Ainsi, l’interdiction de la torture est un principe constitutionnel auquel il ne peut être dérogé en aucun cas, quelles que soient les circonstances. En outre, l’article 15 de la Constitution consacre le caractère absolu de l’interdiction de la torture en stipulant que «nul ne peut faire l’objet de torture, de sévices, ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants».

Invocabilité de la Convention devant les tribunaux

29.Étant donné que la Convention a été ratifiée par le Rwanda, ses dispositions peuvent être invoquées devant les juridictions et les tribunaux administratifs internes. Les parties au procès, en particulier les avocats, peuvent s’appuyer sur les dispositions des instruments internationaux. Par exemple, dans l’affaire RS/INconst/Crim.0002/08/CS, l’avocat de M. X a prié la Cour suprême de déclarer inconstitutionnel l’article 4 de la loi organique no31/2007 du 25 juillet 2007, qui porte sur la réclusion à perpétuité, et de l’abroger. Il a fait valoir que cet article était incompatible avec les articles 7 et 10 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en particulier en ce qui concerne l’interdiction de la torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Cadre institutionnel de la protection des droits de l’homme

30.De nombreux mécanismes ont été mis en place afin de protéger les droits de l’homme. On peut notamment citer la Commission nationale des droits de l’homme, le Bureau du Médiateur, le Service national des prisons, la Commission nationale pour l’unité et la réconciliation, les Maisons d’accès à la justice, l’Observatoire des droits de l’enfant et l’Observatoire des droits de la femme. Toutes ces institutions ont l’obligation en vertu de la loi de protéger les citoyens contre la torture et les mauvais traitements. Cette tâche est également assumée par les cours et les tribunaux, le Parlement (la Chambre des députés et le Sénat, qui sont dotés de commissions internes chargées d’enquêter sur les affaires de violation des droits de l’homme), la Police nationale, le Parquet général de la République et le Ministère chargé du genre et de la promotion familiale qui est chargé d’appliquer les politiques nationales de protection des femmes, des enfants et d’autres personnes vulnérables, dont les personnes handicapées.

31.Plusieurs organisations de la société civile mènent des activités dans le domaine de la protection des droits de l’homme et s’emploient notamment à prévenir et combattre la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants. On peut notamment citer le Forum des activistes contre la torture (FACT-Rwanda), la Ligue des droits de la personne dans la région des Grands Lacs (LDGL), Avocats sans frontières, le collectif Pro‑femmes/Twese Hamwe, le Collectif des ligues et associations de défense des droits de l’homme (CLADHO) et le Forum d’aide juridique. La présence dans le pays de bureaux de liaison d’organisations telles qu’Amnesty International et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) revêt également une grande importance pour la protection des droits de l’homme et la prévention de la torture et des mauvais traitements.

II.Informations se rapportant à chaque article de fond de la Convention (art. 1er à 16)

Article premierDéfinition de la torture

32.Dans le Code pénal de 1977, la torture n’est pas définie comme une infraction à part entière mais comme une circonstance aggravante. En conséquence, toute personne qui, pour l’exécution de son crime, quelle qu’en soit la dénomination, emploie des tortures ou commet des actes de barbarie […] est passible de la peine applicable en cas d’assassinat. Ce principe vaut pour toutes les infractions. Dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention, il est prévu d’incorporer dans le futur nouveau code pénal l’intégralité de l’article premier de la Convention.

Article 2Prévention de la torture

Mesures prises conformément au paragraphe 1 de l’article 2 de la Convention

33.Les articles 10 et 15 de la Constitution interdisent les actes de torture. Aux termes de l’article 10, «la personne humaine est sacrée et inviolable» et «l’État et tous les pouvoirs publics ont l’obligation absolue de la respecter, de la protéger et de la défendre». L’article 15 dispose que «toute personne a droit à son intégrité physique et mentale» et que «nul ne peut faire l’objet de tortures, de sévices, ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants».

34.Des mesures concrètes ont été prises pour prévenir tous les actes de torture susceptibles d’être commis au cours de la garde à vue. En vertu des paragraphes 1 et 2 de l’article 18 de la Constitution, la liberté de la personne est garantie par l’État et nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ou condamné si ce n’est dans les cas prévus par la loi qui était en vigueur au moment de la commission de l’acte. Le Code de procédure pénale contient des dispositions régissant le déroulement de toutes les étapes de la procédure pénale, depuis l’enquête judiciaire jusqu’au jugement définitif. Il prévoit des garanties tendant à préserver l’intégrité mentale et physique de la personne poursuivie et d’assurer le respect de ses droits fondamentaux. Il consacre le principe selon lequel l’inculpé reste libre pendant la durée de l’enquête. Toutefois, pour les besoins de l’enquête ou à titre de mesure de sûreté, il peut être placé en garde à vue le temps de l’enquête ou, dans des circonstances exceptionnelles, placé en détention provisoire, conformément aux dispositions de la législation. La durée maximale de la garde à vue est de soixante-douze heures pour une enquête de police judiciaire et de sept jours pour une enquête préliminaire. À ce stade, le fonctionnaire du ministère public chargé du dossier doit présenter le suspect à la juridiction compétente la plus proche afin que celle-ci se prononce sur le placement en détention provisoire de l’intéressé, si elle estime que l’enquête doit se poursuivre. Le maintien en détention d’une personne bénéficiant d’une ordonnance de remise en liberté provisoire ou d’une décision judiciaire d’acquittement et la violation des normes de procédure pénale régissant la durée et le lieu de la détention sont réprimés par la loi.

35.Les mineurs de moins de 12 ans ne peuvent être placés en garde à vue sauf dans des cas exceptionnels ou si les besoins de l’enquête justifient une telle mesure. L’officier de police judiciaire ou le fonctionnaire du ministère public doit tout mettre en œuvre pour faire la lumière sur la personnalité du mineur et déterminer les moyens susceptibles de favoriser sa réadaptation et son bien-être (art. 184 à 192 du Code de procédure pénale).

36.Des dispositions relatives à la détention dans un lieu secret ont été adoptées. Aux termes de l’article 40 du Code de procédure pénale, «une personne placée en garde à vue par la police judiciaire ne peut en aucun cas être détenue dans une prison ou dans un lieu autre que la maison d’arrêt prévue de la station de la Police nationale ou de la police militaire, près des bureaux de la police judiciaire militaire pour les militaires et leurs coauteurs».

37.Le paragraphe 3 de l’article 18 de la Constitution dispose que le droit de toute personne arrêtée ou détenue d’être informée de la nature et des motifs de l’accusation et les droits de la défense sont absolus à tous les stades de la procédure devant toutes les instances administratives, judiciaires et toutes les autres instances de prise de décisions. À la différence du système habituel de défense, dans lequel les témoins interviennent à titre individuel, les tribunaux gacaca offrent aux juges la possibilité de fonder leur décision sur des témoignages collectifs plutôt que sur des dépositions individuelles, contrairement aux tribunaux ordinaires. L’article 29 de la loi organique no 16/2004 du 18 juin 2004 dispose que tout Rwandais a l’obligation de participer aux activités des juridictions gacaca en rendant un témoignage à charge ou à décharge. En d’autres termes, la population participe aux procès en communiquant les informations pertinentes à un collège de juges. Les juridictions gacaca, comme tout organe du système judiciaire ordinaire, offrent aux inculpés des moyens de défense très efficaces.

38.Dans ses dispositions préliminaires, le Code de procédure pénale prévoit que les procès pénaux doivent se dérouler en public et en toute justice et impartialité, respecter les droits de la défense ainsi que le principe du contradictoire et de l’égalité des parties au procès devant la loi, être fondés sur des preuves fournies par les voies légales et respecter les délais. L’article 38 du Code de procédure pénale prévoit que toute personne placée en garde à vue a le droit d’être informée du motif de son arrestation et de contacter son avocat ou toute autre personne de son choix. Elle peut demander à s’entretenir avec un avocat de son choix. Si elle n’est pas en mesure de trouver un défenseur, elle peut demander qu’un avocat lui soit commis d’office par le bâtonnier. En vertu de l’article 39 du Code de procédure pénale, le gardé à vue a le droit d’accepter ou de refuser d’être représenté par l’avocat qui lui a été commis d’office. L’article 60 de la loi portant création du barreau de Kigali prévoit l’établissement d’un bureau de conseil et de défense chargé de représenter les personnes dont les revenus sont insuffisants. Afin de régler les problèmes persistants d’accès aux services d’un conseil, le Forum d’aide juridique a été créé. Il s’agit d’une association formée à l’initiative de la société civile qui regroupe plus de 33 organisations de défense des droits de l’homme et qui offre aux personnes démunies − victimes d’injustices, de violences, d’actes de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants − la possibilité d’être représentées en justice. Concrètement, cette association permet aux détenus de bénéficier de l’assistance d’un avocat. Ces derniers ont par ailleurs le droit d’être examinés par un médecin et de contacter leurs proches.

39.Le Code pénal érige en infractions les atteintes à l’intégrité physique des personnes (art. 310 à 395) et prévoit des peines particulières lorsque l’auteur des violations invoquées par la victime est un membre des forces de l’ordre et que celui-ci l’a illégalement ou arbitrairement arrêtée ou détenue. Les articles 388 à 390 portent sur les atteintes à la liberté individuelle, en particulier le fait d’enlever, d’arrêter ou de détenir arbitrairement une personne par la violence, la ruse ou des menaces. Le paragraphe 4 de l’article 388 du Code pénal dispose que si la personne qui a été enlevée, arrêtée ou détenue a subi des tortures physiques, le responsable est passible de la réclusion criminelle à perpétuité.

40.Afin de protéger les individus contre la torture, le Rwanda s’est doté de lois réprimant spécifiquement certaines formes de violence ainsi que la torture et les mauvais traitements. Il s’agit notamment de la loi réprimant le crime de génocide, de la loi relative aux droits et à la protection de l’enfant contre les violences, de la loi portant prévention et répression de la violence fondée sur le sexe et de textes réglementaires destinés aux agents de la fonction publique, dont un code de conduite. Le paragraphe 11 de l’article 5 de la loi réprimant le crime de génocide, dans lequel sont énumérées les infractions constitutives de crimes contre l’humanité, vise les actes inhumains commis avec l’intention de causer de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale. L’article 6 de cette loi dispose que, si un crime contre l’humanité s’accompagne de traitements inhumains et dégradants, ceux-ci constituent une circonstance aggravante. Les peines d’emprisonnement prévues dans ce texte de loi vont de six mois à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie de mesures spéciales.

41.Ces dispositions ne souffrent pas de dérogation, même en situation d’urgence ou dans le contexte de la lutte contre le terrorisme.

42.Ces mesures se sont révélées efficaces car le nombre d’affaires d’atteintes à l’intégrité corporelle et de violence contre les femmes et les enfants a diminué.

Mesures prises en application du paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention

43.L’adhésion du Rwanda aux principes fondamentaux relatifs aux droits de l’homme, notamment à travers les dispositions de son droit interne, exclut toute dérogation aux dispositions protégeant les individus contre la torture, y compris dans des circonstances exceptionnelles, notamment en cas d’instabilité politique interne, de guerre, d’état d’urgence ou dans toute autre situation. Le fait que la Convention a été ratifiée par le Rwanda et qu’elle puisse être directement appliquée par les tribunaux nationaux écarte également tout risque de dérogation aux dispositions de cet instrument, y compris en situation d’urgence. Autoriser le recours à la torture dans des circonstances exceptionnelles constituerait une violation de l’article 15 de la Constitution, lequel interdit expressément l’utilisation de la torture en toutes circonstances.

44.Aux termes de l’article 23 de la loi portant création et organisation du Service national des prisons, «la personne incarcérée doit être traitée dans la dignité et dans le respect des droits de la personne humaine» et «elle est particulièrement protégée contre toute forme de traitements cruels, de torture et de tous autres traitements inhumains ou dégradants». Le Rwanda a ratifié les Conventions de Genève relatives au traitement des prisonniers de guerre et à la protection des personnes civiles en temps de guerre. En outre, il a adopté une loi réprimant le crime de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. La création d’institutions indépendantes chargées de la protection des droits de l’homme, dont la Commission nationale des droits de l’homme et le Bureau du Médiateur, ainsi que la présence d’organisations non gouvernementales et de journaux d’investigation actifs et indépendants contribuent à renforcer les garanties de protection dans les situations d’urgence.

Mesures prises en application du paragraphe 3 de l’article 2 de la Convention

Ordre manifestement illégal émanant d’un supérieur

45.En droit rwandais, la responsabilité pénale est personnelle. En ce qui concerne le respect du principe d’obéissance aux ordres d’un supérieur hiérarchique, le paragraphe 2 de l’article 48 de la Constitution prévoit que tout citoyen est délié du devoir d’obéissance, lorsque l’ordre reçu de l’autorité supérieure constitue une atteinte grave et manifeste aux droits de la personne et aux libertés publiques. L’article 229 du Code pénal prévoit expressément que l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier une infraction. Cet article est libellé comme suit: «Lorsqu’un fonctionnaire ou officier public ou une personne chargée d’un service public aura ordonné un acte contraire à une loi ou à un règlement et s’il justifie qu’il a agi par ordre de ses supérieurs, […] il sera exempté de la peine, qui ne sera en tel cas appliquée qu’aux supérieurs qui auront donné l’ordre. Toutefois, si l’illégalité de l’acte ordonné est grossière ou manifeste aux yeux de tous, l’inférieur qui aura néanmoins exécuté l’ordre sera considéré comme complice et ne pourra invoquer la cause de justification prévue à l’alinéa précédent» (par. 1 et 2 de l’article 229 du Code pénal). Ainsi, il est clairement précisé dans les dispositions de cet article que l’ordre manifestement illégal d’un supérieur ne peut être invoqué pour justifier la torture.

46.L’article 18 de la loi no 33 bis/2003 du 6 septembre 2003 réprimant le crime de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre dispose qu’aucun intérêt ne peut justifier la commission des crimes visés par cette loi. Le fait que l’auteur présumé agissait à titre officiel au moment de la commission du crime dont on le soupçonne ne l’exonère pas de sa responsabilité pénale et ne peut être invoqué pour bénéficier de circonstances atténuantes. En outre, un supérieur peut avoir à répondre d’actes illégaux perpétrés par son subordonné même s’il n’a pas ordonné à ce dernier de les commettre. Aux termes de cet article, «le fait que l’un des actes prévus par [cette] loi ait été commis par un subordonné ne dégage pas l’autorité qui est son supérieur de sa responsabilité pénale si elle savait ou avait des raisons de savoir que le subordonné s’apprêtait à commettre cet acte ou l’avait fait et que l’autorité hiérarchiquement supérieure n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que cet acte ne soit commis ou en punir les auteurs et en informer les organes compétents. Le fait que l’accusé ait agi sur ordre de son gouvernement ou d’une autorité hiérarchiquement supérieure ne l’exonère pas de sa responsabilité pénale si, manifestement, l’ordre pouvait entraîner la commission d’un des crimes visés par [cette] loi.».

47.Le paragraphe 3 de l’article 11 de l’arrêté ministériel no 004/05 du 22 décembre 2005 instituant le règlement, les sanctions et les procédures disciplinaires au sein de la Police nationale prévoit que le subordonné a le devoir de ne pas exécuter les ordres contraires à la loi.

Article 3Interdiction de l’expulsion, du refoulement ou de l’extradition d’une personne vers un État où elle risque d’être torturée

48.Des mesures législatives ont été prises afin de donner effet aux dispositions de l’article 3 de la Convention. La législation rwandaise comprend des dispositions sur l’expulsion, le refoulement et l’extradition. L’extradition n’est autorisée que dans les limites prévues par la loi et conformément aux conventions et usages internationaux (art. 15 du Code pénal). Un projet de loi sur l’extradition est sur le point d’être adopté par le Parlement. L’article 8 de la loi organique no 37/2007 portant abolition de la peine de mort dispose que, «lorsque l’infraction pour laquelle une extradition est demandée est punissable de la peine de mort dans l’État requérant, le Gouvernement rwandais n’accorde l’extradition que si l’État requérant donne des assurances formelles que la peine de mort ne sera pas exécutée». Aucun Rwandais ne peut être extradé.

49.L’article 25 de la Constitution reconnaît le droit d’asile, qui est garanti conformément au droit international et aux instruments ratifiés par le Rwanda, en particulier la Convention relative au statut des réfugiés et le Protocole de 1967 s’y rapportant ainsi que la Convention de l’Unité africaine régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique. Conformément aux dispositions des articles 189 et 190 de la Constitution, ces instruments font partie intégrante du droit interne applicable du fait de leur ratification. En y adhérant, le Rwanda s’est engagé à appliquer les dispositions des articles 32 et 33 de la Convention relative au statut des réfugiés, qui interdisent l’expulsion, le refoulement et l’extradition d’une personne vers un État où elle risque d’être torturée ou persécutée.

50.La ratification de la Convention illustre la volonté du Rwanda de respecter les normes protégeant les individus contre l’expulsion ou l’extradition vers des États où ils risqueraient d’être soumis à la torture. À ce jour, aucun étranger n’a été expulsé, refoulé ou extradé vers un pays où il y avait de bonnes raisons de penser qu’il risquerait d’être soumis à la torture. En ce qui concerne les accords d’entraide judiciaire conclus avec d’autres États, il convient de signaler que le Rwanda a signé des conventions d’extradition avec la République-Unie de Tanzanie, le Kenya et l’Ouganda (pays membres de la Communauté d’Afrique de l’Est) et avec le Burundi et la République démocratique du Congo (pays de la région des Grands Lacs).

51.L’article18 de la loi no 17/99 du 16 août 1999 portant sur l’immigration et l’émigration telle que modifiée et complétée prévoit que, sur ordonnance motivée, le Ministre de la sécurité intérieure peut expulser du territoire les étrangers considérés comme indésirables ou qui, par leur présence ou leur comportement, troublent ou menacent de troubler la sécurité et l’ordre publics.

52.Le droit rwandais offre des voies de recours administratives ou judiciaires contre les décisions d’expulsion, de refoulement ou d’extradition. Tout étranger visé par une mesure d’expulsion ou d’une interdiction de séjour peut saisir le Président de la République d’un recours dans les deux jours suivant la notification de l’ordonnance motivée, soit par lettre missivedûment signée, soit par l’intermédiaire d’un mandataire. En vertu de l’article19 de la loi susmentionnée, le Président de la République se prononce sur le recours dans les douze jours qui suivent sa réception.

53.La Haute Cour a compétence pour examiner les recours en annulation pour violation des règles de fond et de procédureformés contre toutes les décisions rendues par les autorités administratives, depuis les organes provinciaux jusqu’au Président de la République. Elle peut connaître de recours en annulation pour incompétence ou excès de pouvoir. Le Code d’organisation, fonctionnement et compétence judiciaires habilite les juridictions compétentes à réexaminer les décisions administratives rendues par les organes publics dans l’exercice de leurs fonctions.

54.L’article17 de la loi sur les réfugiés dispose que, si le demandeur d’asile se sent lésé par la décision du Conseil national pour les réfugiés, il peut saisir la Haute Cour de la République dans les quinze jours ouvrables suivant la notification du rejet de sa demande. Il a le droit de demeurer au Rwanda jusqu’au jour où la Haute Cour rend public le jugement définitif. Cette dernière examine en outre la légalité de la décision de rejet. Elle peut l’annuler ou accorder des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé.

55.La Commission nationale des droits de l’homme organise régulièrement des stages de formation sur les droits de l’homme, notamment sur les droits des refugiés et des étrangers qui vivent au Rwanda. Radio Rwanda a diffusé une émission consacrée spécifiquement aux droits des réfugiés et aux difficultés auxquelles ces personnes se heurtent. La Commission nationale des droits de l’homme est membre du Conseil national pour les réfugiés.

Article 4Obligation d’ériger en infraction pénale la torture, la tentativede torture et la complicité dans la commission d’actes de tortureet peines prévues par la loi

56.Dans le cadre de l’application de la Convention, les rédacteurs du projet de loi portant nouveau code pénal ont repris textuellement la définition de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants énoncée dans la Convention et l’ont fait figurer à l’article 204 de ce projet. L’article 205 de ce texte réprime ces actes par des peines allant de six mois d’emprisonnement à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie de mesures spéciales (placement à l’isolement).

57.En ce qui concerne la prescription des poursuites, le Rwanda est d’avis qu’il convient de distinguer les actes de torture couverts par les dispositions du Code pénal, d’une part, et ceux qui relèvent du crime de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, d’autre part. S’agissant de la première catégorie, les dispositions de l’article 4 du Code de procédure pénale s’appliquent. Celui-ci prévoit qu’à l’exception du meurtre ou des violations des droits de l’enfant, qui sont imprescriptibles, l’action publique se prescrit comme suit:

Par dix ans pour les crimes;

Par trois ans pour les délits;

Par un an pour les contraventions.

58.Les infractions liées à la torture se prescrivent par dix ans, étant donné qu’il s’agit de crimes. Les infractions relevant du crime de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre sont imprescriptibles en vertu de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide et de la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, que le Rwanda a ratifiées, et de la loi réprimant le crime de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, dont l’article 20 dispose que «les poursuites ainsi que les peines prononcées pour le crime de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles».

59.Il est impossible de connaître le nombre exact d’affaires dans lesquelles les dispositions interdisant la torture ont été invoquées. Cela est dû au fait que le Code pénal n’érige pas la torture en infraction autonome et qu’en conséquence, les tribunaux ne peuvent pas retenir la qualification de torture pour décrire les faits. En conséquence, les jugements qui sont rendus sont fondés sur les dispositions relatives aux atteintes à l’intégrité physique.

60.Le fonctionnaire du ministère public qui manque aux devoirs de son état, à l’honneur ou à la dignité commet une faute disciplinaire qui, suivant sa gravité, peut être sanctionnée par la suspension temporaire ou la révocation (art. 44 du Statut des fonctionnaires du ministère public et du personnel du parquet). Le règlement de la Police nationale établit les devoirs de ses membres, instaure des interdictions et prévoit les sanctions dont ils sont passibles, notamment la révocation. Les gardiens de prison qui ont commis une faute disciplinaire peuvent être démis de leurs fonctions conformément aux dispositions du statut particulier des surveillants (art. 18 de la loi portant création et organisation du Service national des prisons). Dans une affaire de torture, des sanctions disciplinaires peuvent être prononcées contre l’auteur sans que cela exclue la possibilité qu’il soit condamné à des sanctions pénales.

61.La loi réprimant le crime de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre prévoit des peines réprimant les formes graves de torture. En particulier, les auteurs d’actes de torture sexuelle sont passibles de lourdes peines. La loi relative aux droits et à la protection de l’enfant contre les violences et la loi portant prévention et répression de la violence fondée sur le sexe prévoient des peines allant jusqu’à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie de mesures spéciales (placement à l’isolement). Faute de dispositions spécifiques, l’article 316 du Code pénal prévoit que les responsables d’actes de torture ou de barbarie quels qu’ils soient encourent de lourdes peines. Dans ce type d’affaire, le coupable est condamné à la peine applicable en cas d’assassinat. Le paragraphe 4 de l’article 388 du Code pénal, qui traite des atteintes à la liberté individuelle, prévoit que, si la personne enlevée, arrêtée ou détenue a été soumise à des tortures physiques, l’auteur de ces actes est passible d’une peine de réclusion criminelle à perpétuité.

Article 5Compétence territoriale en matière pénale

62.Le principe de la compétence territoriale en matière pénale est défini à l’article 6 du Code pénal, qui se lit comme suit: «Toute infraction commise sur le territoire rwandais par des Rwandais ou des étrangers est punie conformément à la loi rwandaise». Par «territoire rwandais», il faut entendre l’espace terrestre, fluvial, lacustre et aérien compris dans les limites des frontières de la République ainsi que les aéronefs et bateaux immatriculés au Rwanda. Lorsque l’acte principal a été commis au Rwanda, les tribunaux nationaux sont compétents même si certains éléments constitutifs de l’infraction ont été perpétrés à l’étranger. Cette règle s’applique indépendamment de la nationalité de l’auteur. La compétence des tribunaux à examiner l’acte principal s’étend à tous les actes perpétrés hors du territoire rwandais avec la participation d’un complice ou d’un coauteur, même si celui-ci est étranger.

63.En vertu de l’article 13 du Code pénal, un étranger soupçonné d’une infraction commise hors du territoire national ne peut être jugé par un tribunal rwandais que dans deux cas: s’il est soupçonné d’un crime ou d’un délit attentatoire à la sûreté de l’État, ou s’il est soupçonné de contrefaçon du sceau de l’État ou de monnaies nationales. En tel cas, le suspect peut être poursuivi conformément aux dispositions du droit interne comme si le crime ou le délit avait été commis sur le territoire rwandais. Afin de donner effet à ces dispositions, des tribunaux compétents en matière de criminalité internationale ou transnationale ont été mis en place. La Haute Cour est habilitée à examiner en première instance les affaires de ce type. L’affaire la plus récente concerne l’extradition vers la Belgique d’un ressortissant de ce pays du nom de Guy Theunis, qui avait été arrêté au Rwanda pour incitation au génocide et négationnisme.

64.La Haute Cour est compétente pour statuer sur les accusations dirigées contre toute personne − ce qui inclut les étrangers, les associations et les organisations non gouvernementales rwandaises ou étrangères − soupçonnée d’avoir commis, au Rwanda ou à l’étranger, des infractions qualifiées de crimes à caractère international ou crimes transfrontières, notamment la torture, les traitements cruels, inhumains ou dégradants, le crime de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, le négationnisme et le révisionnisme du génocide, l’incitation, la mobilisation, l’assistance, la facilitation ou toute autre forme de participation directe ou indirecte dans la commission des infractions énumérées dans le présent paragraphe (art. 90 de la loi organique portant code d’organisation, fonctionnement et compétence judiciaires).

Article 6Garde à vue et détention provisoire de personnes soupçonnées de torture et en attente de jugement par un tribunal pénal ou en attente d’extradition

65.Si les actes de torture ont été commis au Rwanda, les dispositions relatives à l’organisation et à la compétence des tribunaux ainsi que celles se rapportant à la procédure pénale s’appliquent. Il s’agit principalement des dispositions concernant la garde à vue et la détention provisoire dans le cadre de l’enquête préliminaire. Le suspect bénéficie des garanties prévues dans la législation pertinente. Toute personne soupçonnée de torture peut être arrêtée et retenue en détention provisoire. Les conditions dans lesquelles une personne est placée en garde à vue sont fixées aux articles 37 à 40 du Code de procédure pénale, tandis que celles se rapportant à la détention provisoire sont définies aux articles 93 à 100 dudit Code. La personne arrêtée a le droit d’informer une personne de son choix des mesures dont elle fait l’objet.

66.Si le suspect est un étranger, il a le droit de contacter la représentation diplomatique de son pays. L’étranger qui a été arrêté reçoit des explications dans une langue qu’il comprend bien sur la législation relative aux personnes privées de liberté. Il a le droit de rencontrer un membre de la représentation diplomatique de son pays au Rwanda et d’échanger des informations avec lui. S’il est ressortissant d’un pays qui n’a pas de représentation diplomatique au Rwanda ou s’il est un réfugié ou un apatride, il peut, après en avoir reçu l’autorisation du ministre compétent, solliciter l’assistance des représentants d’un autre pays ou d’une organisation internationale de son choix, à condition que ceux-ci acceptent de s’occuper de son cas (art. 34 de la loi portant création et organisation du Service national des prisons).

67.Le droit rwandais ne prive pas les États concernés par une affaire de la possibilité d’exercer leur compétence. Le cas échéant, les autorités rwandaises informent les États intéressés des circonstances dans lesquelles elles ont agi. Ces derniers peuvent exercer leur compétence par l’intermédiaire d’Interpol (dont le Rwanda est membre), en présentant une demande d’entraide judiciaire ou en appliquant un traité d’extradition.

68.Les autorités chargées de la détention des suspects et de l’ouverture d’enquêtes sur les affaires de torture sont les officiers de police judiciaire, les fonctionnaires du ministère public et le personnel de la Commission nationale des droits de l’homme et du Bureau du Médiateur. Les cours et les tribunaux ont pour tâche de juger les affaires de torture. Le Ministère de la justice, le Ministère des affaires étrangères et de la coopération et le Ministère de la sécurité intérieure collaborent dans le domaine de l’extradition. Dans l’affaire Guy Theunis, toutes les dispositions du droit interne ont été appliquées et l’intéressé a été extradé à la demande officielle de la Belgique.

Article 7Examen des affaires de torture en cas de non-extradition de l’auteur présumé

69.L’article 7 de la Convention dispose que, si l’auteur présumé n’est pas extradé, les tribunaux nationaux doivent examiner toute violation grave de la législation pénale conformément aux dispositions applicables. L’article 12 du Code pénal consacre le principe de la double incrimination dans les termes suivants: «Quiconque s’est rendu complice d’un crime ou d’un délit commis à l’étranger peut être poursuivi et jugé par les juridictions rwandaises si le fait est puni à la fois par la loi étrangère et par la loi rwandaise, à condition que le fait qualifié de crime ou de délit ait été constaté par une décision définitive d’une juridiction étrangère».

70.Les dispositions des articles 310, 316 et 388 du Code pénal incriminent et répriment les violences et les lésions corporelles et font de la torture une circonstance aggravante entraînant l’élévation de la peine à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie de mesures spéciales (placement à l’isolement). Des lois spéciales ont été adoptées afin de réprimer les actes de torture liés au crime de génocide, aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre. Ces articles du Code pénal visent clairement les actes de torture et les mauvais traitements et prévoient des peines allant jusqu’à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie de mesures spéciales (placement à l’isolement).

71.Le paragraphe 3 de l’article 7 de la Convention traite du droit de toute personne poursuivie de bénéficier de la garantie d’un traitement équitable à tous les stades de la procédure. Les dispositions de la Constitution consacrent le principe selon lequel toute personne privée de liberté ou soupçonnée d’une infraction jouit du droit de bénéficier d’un traitement préservant sa dignité et son intégrité physique et mentale. Toute personne arrêtée ou détenue a le droit d’être informée des motifs de son arrestation et d’être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie. Tout individu a le droit d’être représenté par un avocat de son choix, d’être jugé dans un délai raisonnable et d’être protégé en vertu du principe de la légalité des infractions et des peines (art. 10 à 25 de la Constitution). L’article 119 de la loi n° 15/2004 portant mode et administration de la preuve prévoit qu’en matière pénale, la preuve peut être établie par tous les moyens de fait ou de droit, à condition que ceux-ci soient soumis à des débats contradictoires et n’aient aucun lien avec des preuves illégales.

72.La Constitution et le Code de procédure pénale n’établissent pas de distinction entre un étranger et un Rwandais en ce qui concerne la jouissance du droit à une procédure équitable. En outre, tout étranger a le droit de recevoir des explications dans une langue qu’il comprend bien sur la législation relative au traitement des détenus (art. 34 de la loi portant création et organisation du Service national des prisons). Dans les affaires de criminalité internationale et transfrontière, les tribunaux nationaux peuvent communiquer et collaborer avec des juridictions d’autres pays dans le cadre de l’enquête, ce afin de faciliter l’échange de renseignements permettant de faire la lumière sur les faits.

Article 8Incorporation de la torture dans les traités d’extradition

73.Dans le traité d’extradition conclu entre le Rwanda et la République-Unie de Tanzanie, la torture n’est pas expressément mentionnée comme cas d’extradition. Il convient de noter que, sur les 31 crimes et infractions pouvant donner lieu à extradition qui y sont énumérés, seuls quatre sont liés à la torture ou aux mauvais traitements. La plupart des infractions figurant dans cette liste ont trait au viol, à l’enlèvement et la détention arbitraire, à la séquestration et aux atteintes à l’intégrité corporelle.

74.L’article 2 de la convention d’extradition conclue entre le Rwanda et des États de la région des Grands Lacs prévoit que toute infraction et toute tentative d’infraction passibles en vertu des lois de chacune des parties contractantes d’une peine privative de liberté dont la durée minimum n’est pas inférieure à six mois donnent lieu à extradition, quelle que soit la peine privative de liberté effectivement prononcée par le tribunal. Les infractions liées à la torture qui sont définies dans le Code pénal emportent des peines allant de six mois d’emprisonnement à la réclusion criminelle à perpétuité assortie de mesures spéciales (placement à l’isolement). Ainsi, en vertu des dispositions de la Convention et du Code pénal, les actes de torture sont un cas d’extradition dans le cadre de l’entraide judiciaire entre États de la région des Grands Lacs.

75.Dans la convention d’extradition conclue entre le Rwanda et le Kenya, la torture n’est pas expressément citée au nombre des crimes et infractions donnant lieu à extradition. Les infractions liées aux actes de torture qui y sont énumérées sont le crime de génocide et les infractions connexes, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre tels que définis dans les instruments internationaux pertinents, le viol, le meurtre et les atteintes à l’intégrité corporelle emportant une peine d’emprisonnement de cinq ans ou davantage, la détention arbitraire ou d’autres infractions connexes.

76.En ce qui concerne le point de savoir si, au Rwanda, l’extradition est subordonnée à l’existence d’un traité en la matière, il convient de noter qu’aux termes de l’article 25 de la Constitution, l’extradition des étrangers n’est autorisée que dans les limites prévues par la loi ou les conventions internationales auxquelles le Rwanda est partie. Toutefois, aucune loi et aucun traité ne contraint le Rwanda à n’accepter d’extrader une personne que s’il a conclu un accord d’extradition avec l’État requérant. Les autorités rwandaises considèrent que les dispositions de la Convention et d’autres instruments internationaux interdisant la torture ratifiés par le Rwanda peuvent servir de base juridique de l’extradition.

77.Un projet de loi sur l’extradition est sur le point d’être adopté par la chambre basse du Parlement. Ce texte prévoit que, dans les cas où il n’existe pas de convention d’extradition entre le Rwanda et un autre État, l’extradition peut passer par la coopération internationale, avec la conclusion d’un accord spécifique d’extradition (art. 9 du projet de loi). En outre, le Rwanda a adopté un programme prioritaire visant à conclure de nouveaux traités d’extradition, l’objectif étant de faciliter l’arrestation d’individus en fuite soupçonnés de s’être livrés à des actes de torture et des mauvais traitements pendant le génocide.

78.Tous les traités d’extradition auxquels le Rwanda est partie prévoient qu’à l’instar des responsables présumés d’une infraction, les personnes soupçonnées de tentative punissable et de participation à une infraction peuvent être extradées.

Article 9Entraide judiciaire entre États dans le cadre d’une procédure pénale relative à des actes de torture

79.Les traités d’extradition mentionnés précédemment prévoient que les États qui y sont parties s’accordent une entraide judiciaire en matière pénale. Cela signifie que l’une des Parties peut prier l’autre de lui donner des informations et de collaborer à une enquête pénale dont le dossier lui a été dûment transmis en lui communiquant les renseignements nécessaires, qui portent principalement sur des affaires de criminalité internationale ou transfrontières. Ces instruments établissent la procédure régissant l’échange d’informations et la collaboration à l’enquête. Toute demande de commission rogatoire doit contenir une description de l’infraction qui fait l’objet de l’instruction, le nom et l’adresse de l’auteur présumé et les mesures d’instruction requises.

80.Le Rwanda a déjà eu l’occasion de soumettre des demandes d’entraide judiciaire à d’autres États au sujet d’affaires liées à des actes de torture commis lors du génocide des Tutsis. En revanche, il n’a encore reçu aucune requête de ce type. Plusieurs demandes d’entraide judiciaire adressées par les autorités rwandaises à d’autres États sont en attente de réponse.

Article 10Mobilisation en faveur du respect des dispositions de la Convention

81.Le Ministère de la justice, la Cour suprême, le parquet général de la République, la Police nationale, la Commission nationale des droits de l’homme et le Bureau du Médiateur ont adopté des programmes annuels de formation à l’intention de leur personnel. Ces formations sont destinées au personnel de la police judiciaire, aux membres des forces armées, aux médecins, aux fonctionnaires des administrations locales et au personnel du Service national des prisons.

82.Des médecins et des infirmières ont été formés à la détection des séquelles de mauvais traitements physiques et psychologiques afin de combattre le phénomène de la violence contre les enfants et les femmes. Les compétences qu’ils ont acquises dans ce domaine leur permettent de déterminer si des tortures ou des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ont été infligés à une personne. La formation, qui a été mise au point par un groupe de juristes, portait essentiellement sur le respect des droits de l’homme en général, l’observation de la durée maximale de la détention, le principe de la présomption d’innocence, l’indépendance du pouvoir judiciaire, la subordination de la police judiciaire à l’égard des membres du ministère public, le droit de bénéficier gratuitement des services d’un conseil, les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par le Rwanda et les droits des détenus en général, en particulier ceux appartenant à des groupes vulnérables tels que les femmes, les mineurs et les malades.

83.La nature et la fréquence des cours de formation ont été prises en considération lors de la création de l’Institut supérieur de pratique et du développement du droit, établissement chargé essentiellement d’assurer la formation continue des juges, des fonctionnaires du ministère public, des officiers de police judiciaire, du personnel des services d’appui judiciaire et des avocats. Ces personnes bénéficient d’une formation sur l’application des droits de l’homme, la procédure pénale, l’administration des preuves, l’aide aux victimes et la protection des témoins d’actes de violence, les méthodes d’enquête à utiliser dans certaines affaires (terrorisme et violence familiale) et le droit international, notamment l’application des instruments ratifiés par le Rwanda. Les participants sont sélectionnés en fonction du thème traité. Des sessions de formation sont régulièrement organisées, à raison de deux au moins par trimestre.

84.Les programmes de sensibilisation consacrés spécifiquement aux droits des femmes et des enfants sont très perfectionnés au Rwanda, ce qui est un motif de fierté pour le Gouvernement. En particulier, celui-ci est heureux de participer aux activités dans le domaine de l’éducation et de la sensibilisation et d’avoir par ailleurs créé des structures d’accueil et d’accompagnement psychologique ainsi que des centres proposant les services d’un avocat aux femmes et aux enfants victimes de violences. Il s’agit en particulier de l’Observatoire des droits de la femme, l’Observatoire des droits de l’enfant et des centres polyvalents en place dans les hôpitaux publics, qui assurent une prise en charge complète des femmes et des enfants victimes de violences. Le centre polyvalent Isange a été créé à Kigali, dans l’hôpital de la Police nationale, et des unités spéciales chargées des affaires de violence contre les femmes et les enfants ont été mises sur pied dans les postes de police. Afin de protéger les enfants et les femmes contre la violence, chaque cellule ou village (umudugudu) compte un fonctionnaire chargé des affaires de violence contre les femmes et les mineurs ainsi qu’un comité de lutte contre la violence fondée sur le sexe, dont les activités sont supervisées par le Ministère chargé du genre et de la promotion de la famille. Au sein de l’armée (les Forces de défense rwandaises), une unité spécialisée dans la protection des femmes et des enfants contre la violence a été mise sur pied. Chaque bureau du procureur compte un magistrat chargé des affaires de violence contre les femmes et les enfants. Des «maisons d’accès à la justice» ont été créées dans chaque district. Elles ont pour mission d’accueillir et d’orienter les femmes et les enfants victimes de violence.

85.Des structures spécialisées, publiques et non gouvernementales, s’occupent de la protection des femmes contre la violence ainsi que de la protection des mineurs contre les sévices sexuels. Dans ces structures, les femmes et les enfants sont informés de leurs droits et se familiarisent avec les procédures permettant de les invoquer devant les tribunaux, notamment les voies de recours ouvertes en cas de violation de leurs droits. Les organisations internationales et nationales les plus actives dans le domaine de la lutte contre la torture sont le Forum des activistes contre la torture FACT-Rwanda, Avocats sans frontières/Belgique, Penal Reform International, la Ligue pour la promotion des droits de l’homme au Rwanda (LIPRODHOR), l’organisation non gouvernementale Haguruka, le Collectif des ligues et associations de défense des droits de l’homme (CLADHO), la Ligue des droits de la personne dans la région des Grands Lacs (LDGL), Pro-femmes/Twese Hamwe. Ces organisations s’emploient à sensibiliser la population aux droits de l’homme et à dénoncer les violations. Elles soumettent des rapports aux institutions chargées du suivi des affaires de violation des droits de l’homme, de la réparation des dommages causés et de la prévention de ces violations.

86.Les mesures qui ont été prises se sont révélées très efficaces. On a constaté une baisse de la criminalité liée aux violences contre les femmes et aux violences sexuelles contre les mineurs. En 2006, la police a enregistré 2 033 viols de mineurs et 403 viols, mais en 2009, elle en a enregistré 1 570 et 297, respectivement.

Article 11Surveillance systématique des règles régissant la conduite des interrogatoires et des dispositions concernant le traitement des personnes détenues ou emprisonnées, en vue d’éviter tout cas de torture

87.Afin d’encadrer strictement l’arrestation et la détention, l’article 18 de la Constitution dispose que la liberté de la personne est garantie par l’État et que nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ou condamné si ce n’est dans les cas prévus par la loi qui était en vigueur au moment de la commission de l’acte. Le Code pénal érige la détention illégale en infraction (art. 297, 299 et 300).

88.Le Code de procédure pénale dispose clairement que toute personne placée en garde à vue a le droit d’être informée du motif de son arrestation et de ses droits, notamment celui d’informer son avocat ou toute autre personne de son choix, dont un membre de sa famille (art. 38). Chaque établissement pénitentiaire est doté d’un médecin. En conséquence, dès son arrivée à la prison, le détenu subit un examen médical et a le droit de bénéficier de soins médicaux (art. 27 de la loi portant création et organisation du Service national des prisons). Si le détenu est étranger, il peut demander à rencontrer un membre de la représentation diplomatique de son pays et échanger des informations avec lui. S’il est ressortissant d’un État qui n’a pas de représentation diplomatique au Rwanda ou s’il est réfugié ou apatride, il peut, sur l’autorisation du ministre compétent, demander l’assistance de représentants d’un autre pays ou d’une organisation internationale de son choix, à condition que l’entité en question accepte.

89.En créant le Service national des prisons, le Rwanda a mis en pratique la philosophie qui sous-tend les principes fondamentaux régissant le traitement des détenus. Il s’agit en effet d’une institution publique autonome chargée d’administrer les établissements pénitentiaires et d’améliorer les conditions de détention. La loi portant création et organisation du Service national des prisons garantit les droits dévolus à tout détenu, en particulier celui d’être traité avec respect et d’être protégé contre tout acte de torture ou traitement cruel, inhumain ou dégradant. En outre, aucune forme de discrimination n’est autorisée. L’article 7 de la directive no 09/08 du 16 juin 2008 du Ministre de la sécurité intérieure concernant les conditions de détention durant la garde à vue, la nourriture et le régime des visites prévoit que le suspect doit pouvoir bénéficier de soins médicaux si son état de santé l’exige. L’article 8 de cette directive dispose que l’arrestation ne doit pas se dérouler d’une façon contraire aux dispositions de la loi. Les traitements inhumains ou dégradants et la torture ainsi que les autres formes de mauvais traitements utilisés pour contraindre un suspect à passer aux aveux sont interdits. Le code d’éthique des magistrats, le Statut des fonctionnaires du ministère public et le Statut des fonctionnaires de la Police nationale ont été adoptés. Ces textes prévoient des sanctions disciplinaires ou pénales en cas de violation du code de conduite.

90.Des inspections sont régulièrement effectuées par des membres de la police judiciaire, des fonctionnaires du ministère public, des membres de la Commission des droits de l’homme et des représentants du Bureau du Médiateur et d’organisations non gouvernementales afin de surveiller les pratiques de la police, en particulier dans le cadre de la garde à vue. Ces inspections ont lieu périodiquement ou lorsque des informations faisant état de violations des droits de l’homme, notamment d’actes de torture, sont reçues. Des organisations nationales et internationales telles que le CICR et Penal Reform International ont l’habitude de se rendre régulièrement dans les centres de détention et les prisons. L’objectif essentiel de ces visites est de surveiller les conditions de vie des détenus, l’état d’avancement du dossier des détenus ainsi que la situation des femmes accompagnées d’enfants en bas âge, des mineurs et des malades en phase terminale ou atteints du VIH/sida.

91.La détention dans un lieu secret est interdite. En vertu de l’article 88 du Code de procédure pénale, la détention dans un lieu secret, c’est-à-dire un lieu autre que les locaux de garde à vue de la police et de l’armée et qu’une maison d’arrêt appropriée, est considérée comme illégale. L’administration des locaux de garde à vue de la police ou de l’armée et les prisons est régie par la loi.

92.Des mécanismes de surveillance des forces de l’ordre ont été mis en place afin de prévenir les irrégularités susceptibles de déboucher sur des tortures ou des mauvais traitements. Aux termes de l’article 89 du Code de procédure pénale, «lorsqu’une personne a été détenue illégalement, tout juge de la juridiction la plus proche du lieu de la détention et qui est compétente pour les mêmes infractions que celles dont la personne détenue est accusée peut, sur demande de toute personne intéressée, ordonner à l’auteur de la détention illégale de comparaître devant lui en compagnie du détenu pour expliquer les motifs et les circonstances de la détention». Si le juge conclut à l’illégalité de la détention d’une personne, il peut immédiatement condamner le fonctionnaire qui a pris cette mesure à la peine correspondante fixée dans le Code pénal. Lorsqu’une personne est arrêtée et placée en détention, l’officier de police judiciaire dispose de soixante-douze heures pour mener une enquête et transmettre le dossier au parquet. Celui-ci a sept jours pour instruire l’affaire et la renvoyer devant un tribunal. L’ordonnance autorisant le placement en détention provisoire doit être délivrée par le juge dans les vingt-quatre heures. Elle a une validité de trente jours, renouvelable chaque mois. Elle ne s’applique pas aux contraventions et ne peut être prolongée au-delà de six mois pour les délits et d’un an pour les crimes. L’Institut supérieur de pratique et de développement du droit a été mis sur pied afin d’assurer la formation continue des officiers de police judiciaire, des fonctionnaires du ministère public, des juges et des avocats.

93.Les détenus particulièrement vulnérables bénéficient d’une protection spéciale. Les femmes sont séparées des hommes et les mineurs ne sont pas détenus avec les adultes. Cela signifie concrètement que les hommes et les femmes sont placés dans des quartiers distincts et que leur état de santé et la nature de la peine qu’ils exécutent sont pris en considération. Des programmes d’amélioration des connaissances et des activités de loisir sont prévus. Les détenues enceintes ou allaitantes bénéficient d’un traitement approprié. Les nourrissons reçoivent une alimentation adaptée et sont confiés à leur famille lorsqu’ils atteignent l’âge de 3 ans. S’ils n’ont pas de proches disposés à les prendre en charge, l’État leur cherche un lieu d’accueil. Les malades, dont les diabétiques et les personnes séropositives, bénéficient de soins et d’un régime alimentaire adaptés et reçoivent des médicaments antirétroviraux grâce à un projet du Fonds mondial. D’autres droits sont reconnus aux détenus, dont celui de pratiquer leur religion et de toucher 50 % du revenu de toute activité exercée dans la prison (art. 25 de la loi portant création et organisation du Service national des prisons).

94.Dans le cadre des initiatives qu’il prend pour améliorer les conditions de détention, le Gouvernement rwandais a créé le Service national des prisons, qui est chargé d’assurer le respect des droits des personnes incarcérées et de garantir leur sécurité et leur bien-être. Il veille en outre à ce que le droit à la vie et l’intégrité physique et mentale des détenus soient respectés et que leur bien-être soit assuré. Il applique des stratégies efficaces tendant à aider les détenus à se réadapter et à préparer leur réinsertion, à promouvoir des activités génératrices de revenus ainsi que la bonne gestion de ces dernières dans les établissements pénitentiaires et à renforcer les capacités des détenus. La création de cette institution a contribué à améliorer les conditions de détention et à les mettre en conformité avec les normes internationales définies dans l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus. Toute prison doit tenir à jour un registre indiquant pour chaque détenu son identité, les motifs de sa détention et l’autorité compétente qui l’a décidée, le jour et l’heure de l’admission et de la sortie. De nouveaux centres de détention sont en construction et du personnel qualifié a été recruté et formé. Ces nouveaux établissements auront une grande capacité d’accueil, ce qui permettra de régler le problème du surpeuplement et rendra possible la fermeture des centres de détention les plus vétustes et dangereux du pays.

95.Le Service national des prisons est doté d’un service d’inspection chargé de surveiller les conditions de détention et la gestion des ressources des établissements pénitentiaires. Celui-ci se rend régulièrement dans toutes les prisons du pays. À chaque fois, il élabore un rapport et formule des recommandations en vue d’améliorer les conditions de vie des détenus et de promouvoir de bonnes méthodes de gestion de l’établissement. À la fin de chaque visite, ces recommandations sont communiquées aux institutions concernées afin qu’elles y donnent suite.

96.Des remises en liberté ont été ordonnées afin de remédier au surpeuplement carcéral et d’éviter que la durée de la détention provisoire ne dépasse celle de la peine finalement prononcée. En janvier 2003, certains prévenus poursuivis pour génocide ont été remis en liberté, en particulier ceux qui avaient avoué leur crime et plaidé coupable, ceux qui avaient entre 14 et 18 ans lors du génocide, ceux qui étaient âgés de plus de 70 ans et ceux qui étaient atteints d’une maladie chronique ou incurable. D’autres prévenus dont la détention provisoire risquait de se prolonger au-delà de la durée de la peine d’emprisonnement encourue ont également été élargis. Depuis janvier 2003, 60 278 détenus ont été remis en liberté. Ces mesures sont appliquées chaque année afin de remédier aux problèmes liés aux conditions de détention. Des projets tendant à remettre provisoirement en liberté 2 290 détenus, dont 59 soldats, ont été soumis au Cabinet pour approbation.

97.Le remplacement des peines d’emprisonnement par des peines de substitution telles que les travaux d’intérêt général est également un moyen utilisé pour remédier au surpeuplement carcéral. Dans le cadre du programme pertinent, les condamnés participent activement à l’exécution de leur peine et sont intégrés dans la collectivité. En décembre 2009, 94 446 personnes avaient été condamnées par des tribunaux gacaca à participer au programme relatif aux travaux d’intérêt général. À la fin de 2009, 58 956 personnes avaient passé un certain temps dans des camps afin d’y exécuter leur peine. Le programme relatif aux travaux d’intérêt général consiste dans des activités non rémunérées et les personnes qui y participent jouissent des mêmes droits que les citoyens libres.

Article 12Enquêtes sur les affaires de torture

98.Les autorités habilitées à ouvrir et à mener des enquêtes sur les affaires pénales sont les officiers de police judiciaire et les membres du parquet. Une fois l’affaire renvoyée devant le tribunal compétent, un juge poursuit l’enquête. Dans une affaire pénale, le juge s’efforce de trouver des éléments de preuve en interrogeant les parties, en se rendant sur le lieu de l’infraction et en évaluant l’étendue des dommages causés. En matière disciplinaire, les autorités habilitées à ouvrir et à mener une enquête sont les organes administratifs des institutions concernées. Le fait pour un fonctionnaire du ministère public de manquer aux devoirs de son état, à l’honneur ou à la dignité constitue une faute disciplinaire qui, suivant sa gravité, est sanctionnée par une des peines correspondantes, dont la suspension temporaire et la révocation (art. 44 de la loi organique portant statut des officiers du ministère public et du personnel du parquet). Les articles 87 à 94 de la loi portant statut général de la fonction publique rwandaise prévoient que le fait pour un agent de l’État de manquer aux obligations qui lui incombent constitue une faute disciplinaire qui, suivant sa gravité, doit être sanctionnée par l’une des peines prévues dans ladite loi.

99.Les textes de loi se rapportant au règlement de la Police nationale prévoient des interdictions et des sanctions, dont la mise aux arrêts disciplinaires pour trente jours en cas de faute professionnelle. Les fautes disciplinaires commises par les gardiens de prison sont sanctionnées conformément aux dispositions prévues dans le statut particulier des surveillants (art. 18 de la loi portant création et organisation du Service national des prisons). Les membres de la police et des forces armées ainsi que le personnel de l’appareil judiciaire, des organes de poursuite et des établissements pénitentiaires ont leurs propres règlements et tout manquement au devoir professionnel et à la discipline commis dans l’exercice de leurs fonctions est passible de sanctions disciplinaires. Dans les affaires de torture, la plus lourde peine disciplinaire applicable est la révocation pour acte de torture constituant un crime grave (négligence grave). Ces peines peuvent être cumulées avec des sanctions pénales.

100.L’article 79 du Code de procédure pénale prévoit que, lorsque des examens médicaux ou des analyses médicolégales s’avèrent nécessaires dans une affaire de torture, toute personne qui en est légalement priée par un officier de police judiciaire, un fonctionnaire du ministère public ou un juge est tenue de prêter son concours à une procédure en tant qu’expert ou médecin. Ces dispositions instaurent l’obligation pour le médecin de procéder immédiatement à un examen médical à la demande des enquêteurs ou du juge. Les articles 76 et suivants de la loi portant mode et administration de la preuve prévoient que toutes les parties intéressées peuvent prier le juge de charger un ou plusieurs experts de procéder à des constatations ou de donner un avis technique en rapport avec leur profession. Cela suppose que, lorsqu’une personne a subi des actes de torture, elle est en droit de s’attendre à ce qu’un expert consigne dans un document les lésions qui lui ont été infligées.

101.Les sanctions disciplinaires sont indépendantes des peines prévues par la législation pénale. Un seul et même acte ou omission peut faire l’objet d’une procédure disciplinaire et d’une procédure pénale. Dans les affaires de torture, les individus qui ont été reconnus responsables et qui ont été démis de leurs fonctions peuvent ensuite être condamnés à des sanctions pénales.

Article 13Droit de porter plainte devant les autorités compétentes

102.Si l’auteur présumé a été poursuivi, l’article 131 du Code de procédure pénale offre à la victime une première possibilité d’intenter une action en réparation, parallèlement à la procédure pénale. Aux termes de cet article, la partie lésée peut porter son action en réparation du dommage devant la juridiction appelée à connaître de l’infraction en se constituant partie civile, par une déclaration reçue au greffe ou faite à l’audience.

103.Si la procédure n’a pas lieu, l’article 133 offre à la victime une deuxième possibilité de demander réparation, qui consiste à saisir le tribunal d’une demande de dommages et intérêts par citation directe. La victime peut mettre en mouvement l’action publique en saisissant directement le juge répressif en vue de la réparation civile du dommage subi et de l’application de la peine. La citation directe intervient après un classement sans suite de la plainte ou en cas d’inaction du ministère public pendant les six mois qui suivent son dépôt.

104.Des mécanismes de protection des victimes et des témoins ont été mis en place. Un service chargé de protéger ces personnes a été créé au sein du parquet général de la République, ce afin d’empêcher qu’elles ne fassent l’objet de tentatives d’intimidation ou de mauvais traitements.

105.Les victimes ont la possibilité de lancer une action en réparation devant des tribunaux impartiaux et compétents en les saisissant directement. Des programmes spéciaux de protection des victimes et des témoins ont été mis au point aux fins de cette procédure. Tous les parquets des tribunaux de grande instance sont dotés d’employés chargés d’assurer la protection des victimes et des témoins, l’objectif étant d’empêcher que les victimes ne soient harcelées et traumatisées une nouvelle fois. En outre, les parquets des tribunaux de grande instance offrent aux victimes des soins médicaux, des moyens de transport et une assistance pendant toute la durée du procès.

106.Il n’existe pas de personnel spécialement formé pour recevoir les plaintes pour torture. Cependant, la police et les services du parquet comptent parmi eux des fonctionnaires spécialisés dans le traitement des plaintes faisant état de violences contre des femmes ou des enfants. Des programmes spécifiques de suivi ou de prise en charge des femmes et des enfants victimes de violences ont été lancés dans tous les districts du pays. Ils sont exécutés par la Police nationale, les organes du parquet et des associations de défense des droits de femmes ainsi que d’autres organisations non gouvernementales.

107.Ces mesures se sont révélées très efficaces pour réduire la criminalité et humaniser l’accueil réservé aux victimes.

108.La troisième possibilité qu’ont les victimes de la torture de demander réparation consiste à saisir les institutions indépendantes de défense des droits de l’homme, en particulier la Commission nationale des droits de l’homme et le Bureau du Médiateur. À titre d’illustration, en 2008, la Commission nationale des droits de la personne a traité 1 361 affaires, tandis que le Bureau du Médiateur en a examiné 3 056, dont 2 257 ont été réglées. Toutefois, aucune de ces affaires ne concernait des faits de torture. Comme toutes les autres victimes de violations, les victimes de la torture peuvent saisir ces institutions. Celles-ci ont pour mission de les conseiller et de les aider à obtenir justice.

Article 14Droit de la victime d’être indemnisée équitablement

109.Le droit des victimes d’être indemnisées est subordonné à l’existence d’un acte authentique ou à une reconnaissance émanant de l’auteur de l’infraction et donnant lieu à indemnisation. Ce document peut être une décision dotée de l’autorité de la chose jugée et établissant la culpabilité de l’auteur ou accordant à la victime une indemnisation. La procédure régissant l’exécution des décisions judiciaires relatives à l’octroi de dommages et intérêts est définie dans les dispositions du Code de procédure civile concernant les voies de sûreté et d’exécution. Une fois que la victime a reçu le jugement définitif de son procès, elle devient la créancière de l’auteur du dommage. Elle a le droit de faire saisir les biens mobiliers et immobiliers de son débiteur en application d’une décision d’exécution qui peut être volontaire ou forcée (art. 191 à 312 du Code de procédure civile). Si le débiteur n’a pas tenu son engagement concernant l’exécution volontaire de la décision, l’on procède à l’exécution forcée conformément aux modalités prévues par la loi (saisie et vente des biens du débiteur), avec le concours de la police.

110.L’État rwandais peut avoir à répondre d’actes commis par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions. En conséquence, il peut participer à l’indemnisation de la victime d’actes de torture commis par ses agents en application des dispositions du Code civil relatives à la responsabilité civile résultant des délits et des quasi-délits (art. 258 à 262 du Code civil).

111.La torture n’est pas réprimée en tant que telle dans le droit interne et, à l’exception des affaires de génocide, on ne peut citer aucune affaire liée à la torture et aux mauvais traitements dans laquelle l’État rwandais aurait eu à verser une indemnisation pour réparer des dommages causés par ses agents. Les procédures intentées pour génocide aboutissent régulièrement à un partage des responsabilités entre les planificateurs du génocide, les auteurs et l’État. La jurisprudence dans ce domaine comprend plusieurs affaires dans lesquelles le Gouvernement rwandais a été condamné à payer des dommages et intérêts pour des actes constitutifs de crime de génocide et de crimes contre l’humanité commis par ses agents. Aucun cas d’indemnisation de victimes de la torture n’a été recensé.

112.Le centre polyvalent Isange est un établissement spécialisé qui se trouve à l’hôpital de la Police nationale et qui est chargé d’accueillir les victimes de violences sexuelles et d’assurer leur prise en charge du point de vue médical, juridique et psychologique. Les programmes tendant à favoriser la réadaptation et le rétablissement des victimes d’actes de torture commis lors du génocide ainsi que des femmes et des enfants victimes de violences sont très élaborés au Rwanda. Chaque centre de santé ou hôpital général compte un médecin ou une infirmière chargés spécifiquement des femmes victimes de violences ainsi que du personnel spécialisé dans l’accompagnement ou la réadaptation des victimes, le but étant de promouvoir la réinsertion des victimes et de lutter contre les séquelles des troubles post-traumatiques. Les médecins déterminent l’étendue des dommages causés à la victime, leur prodiguent les soins nécessaires et envoient des enquêteurs sur place. Les renseignements recueillis sont conservés pendant toute la durée de l’enquête ou de l’inculpation. Dans les affaires de ce type, les expertises et les soins médicaux sont gratuits. S’agissant des troubles post-traumatiques, le Gouvernement rwandais a mis au point des programmes afin d’offrir des soins aux personnes traumatisées par le génocide. Les infrastructures et le personnel de santé spécialisé dans l’assistance aux personnes traumatisées prennent également en charge d’autres types de cas, dont les victimes de la torture et de mauvais traitements.

113.Des associations locales très dynamiques, dont l’association Haguruka, sont spécialisées dans la protection des droits des femmes et des enfants. Elles s’emploient notamment à représenter les victimes en justice, accorder des microcrédits aux femmes et aux enfants vulnérables, apporter un soutien aux enfants placés dans des familles d’accueil et aider les femmes victimes de violence familiale.

114.Des programmes éducatifs et des cours de civisme ont été lancés dans les prisons afin de préparer la réinsertion des détenus et prévenir la récidive. Les prisons ont pour principale fonction de réadapter les détenus à la société, de les préparer à devenir de bons citoyens disposés, à leur élargissement, à coexister pacifiquement avec la population. La réalisation de ces objectifs passe notamment par la formation, le travail, les activités culturelles, l’exercice physique et les loisirs. À cette fin, la direction de la prison collabore avec d’autres institutions concernées par ce type d’activités (art. 48 de la loi portant création et organisation du Service national des prisons). Dans le cadre des efforts de réconciliation nationale, les auteurs d’actes de torture commis lors du génocide demandent pardon à leurs victimes, ce qui permet de rendre leur dignité à ces dernières et de favoriser la coexistence pacifique entre les uns et les autres.

Article 15Recevabilité des déclarations obtenues par la torture

115.En principe, la preuve peut être établie par tous les moyens de fait ou de droit, à condition que ceux-ci soient soumis à des débats contradictoires (art. 119 de la loi de 2004 portant mode et administration de la preuve). Cela étant, il est interdit de ligoter une personne, de la fouetter ou de recourir à la torture ou au lavage de cerveau ou à tout acte cruel ou dégradant pour la contraindre à passer aux aveux. Les éléments de preuve obtenus par ces méthodes sont considérés comme irrecevables non seulement par les juridictions ordinaires, mais aussi par les juridictions spécialisées, les tribunaux militaires et les commissions de conciliation. Déclarer recevables ou fondées des preuves dépourvues de force probante en vue de trancher un litige est sans effet (art. 8 de la loi portant mode et administration de la preuve). Même si des aveux sont spontanés, ils peuvent être révoqués si l’on démontre qu’ils résultent d’une contrainte physique ou d’une erreur de fait. Ils ne peuvent être révoqués sous prétexte d’une erreur de droit (art. 110).

116.Il a été considéré que les aveux ne pouvaient pas être déclarés recevables par un tribunal si la procédure avait été entachée d’erreurs et si les accusés s’étaient rétractés, faisant valoir pour la première fois à l’audience que leurs déclarations leur avaient été extorquées par des mesures d’intimidation.

117.Les normes relatives aux preuves indirectes sont moins développées dans la pratique, mais elles sont généralement suffisamment complètes et fiables pour établir un lien de causalité s’il n’existe pas de preuves directes. Ces moyens de preuve sont largement répandus. Il s’agit par exemple des présomptions du magistrat, d’enregistrements d’écoutes téléphoniques, de photographies ou d’enregistrements vidéo (art. 121 et suiv. de la loi portant mode et administration de la preuve). Pour être considérées comme fiables, ces preuves doivent être authentifiées par un témoin ou un expert (art. 127). Elles doivent être préalablement approuvées par le Procureur général et leur authenticité doit être confirmée par un témoin ou un expert pour qu’elles soient déclarées recevables (ibid.).

Article 16Interdiction d’autres actes constitutifs de traitements cruels, inhumains ou dégradants

118.La Constitution proscrit les traitements cruels, inhumains ou dégradants. Elle dispose en outre que «toute personne a droit à son intégrité physique et mentale» (art. 15). La personne humaine est sacrée et inviolable. Ainsi, la Constitution consacre le principe selon lequel la liberté de la personne est inviolable et garantie par l’État. La liberté ne peut être limitée si ce n’est dans les cas prévus par la loi qui était en vigueur au moment de la commission de l’infraction (art. 18).

119.Le Code pénal réprime les atteintes à la liberté individuelle par des peines (art. 388 à 390), ce afin de prévenir les actes de torture et les mauvais traitements. L’article 388 dudit Code est libellé comme suit: «Sera puni d’un emprisonnement de cinq à dix ans celui qui, par violences, ruses ou menaces, aura arbitrairement enlevé ou fait enlever, arrêté ou fait arrêter, détenu ou fait détenir une personne quelconque. Si la personne enlevée, arrêtée ou détenue est âgée de moins de 18 ans, le maximum de la peine sera prononcé. Si la détention ou la séquestration a duré plus d’un mois, la peine d’emprisonnement pourra être portée à vingt ans. Lorsque la personne enlevée, arrêtée ou détenue aura été soumise à des tortures corporelles [, et que ces tortures ont entraîné sa mort,] le coupable sera puni de l’emprisonnement à perpétuité». Aux termes de l’article 390 du Code pénal, «celui qui a détenu ou fait détenir […] ou transporté ou fait transporter des personnes pour les réduire en esclavage ou les vendre comme esclaves ou qui a disposé de personnes placées sous son autorité dans le même but» est passible des peines prévues à l’article 388 dudit Code. L’article 300 dispose que le directeur de la prison ou tout autre agent préposé à la garde des prisons qui accueille un détenu dans son établissement sans avoir reçu un ordre écrit, un mandat ou la copie d’un jugement encourt une peine de six mois d’emprisonnement. Le Ministère de la justice et la Cour suprême ont diffusé des émissions de radio afin de sensibiliser la population à la nécessité de respecter les lois. Le Ministre de l’intérieur et la Police nationale ont lancé un programme intitulé «police de proximité», dont l’objectif est de donner à la population les moyens d’assurer elle-même sa sécurité et de signaler tout acte portant atteinte aux droits et libertés d’un membre de la collectivité.

120.En outre, l’État s’est fermement engagé à améliorer les conditions de détention dans le cadre de la garde à vue, de la détention provisoire ou de la détention consécutive à une condamnation. L’arrêté présidentiel no 43/01 du 10 novembre 2007 portant création des prisons et mode de leur construction prévoit que «chaque prison doit avoir un dortoir, des toilettes convenables, un lieu réservé aux exercices physiques, un dispensaire, un lieu réservé aux visites, une cuisine, de l’eau et de l’électricité ainsi qu’un dispositif d’aération» (art. 2). Dans tous les centres de détention, les hommes sont séparés des femmes et les mineurs des adultes. Le centre de détention de Nyagatare est réservé aux mineurs, conformément à l’ensemble de Règles minima pour le traitement des détenus et des groupes vulnérables.

121.Parmi les mesures visant à réduire le surpeuplement carcéral qui ont été appliquées, on peut citer l’observation rigoureuse de la durée maximale de la garde à vue et de la détention provisoire; la création de peines de substitution telles que les travaux d’intérêt général; les remises en liberté provisoire à intervalles réguliers et la condamnation à des peines avec sursis; et l’agrandissement des centres de détention existants et la construction de nouveaux établissements pénitentiaires (trois prisons sont en construction). Les conditions d’hygiène et l’administration des établissements pénitentiaires font l’objet d’inspections régulières réalisées par des institutions de supervision, dont la Commission nationale des droits de l’homme, le Bureau du Médiateur et d’autres entités, dont le CICR.

III.Conclusion

122.La torture et les mauvais traitements sont et ont longtemps été un problème pour les peuples de toutes les nations. C’est pourquoi la communauté internationale est déterminée à éradiquer ce fléau en encourageant l’adoption de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Rwanda s’est rallié à cette cause en ratifiant cet instrument.

123.Au Rwanda, plusieurs initiatives visant à promouvoir les droits de l’homme et la lutte contre la torture ont été prises dans les domaines politique, juridique et socioculturel. Le respect de la dignité humaine et l’interdiction de tout traitement portant atteinte à cette dernière sont officiellement reconnus dans le système juridique interne.

124.La détermination du Rwanda à prendre des mesures afin d’interdire et réprimer la torture est illustrée par les dispositions du Code pénal, même si ce dernier n’érige pas en infractions spécifiques les actes de torture ou les traitements cruels, inhumains ou dégradants tels que définis dans la Convention. La détermination du Rwanda a également été illustrée par sa ratification de la Convention et par l’élaboration du projet de nouveau code pénal, qui reprend les dispositions de la Convention afin d’ériger la torture en infraction pénale et prévoit de réprimer ce type d’acte par des peines conformément aux dispositions de cet instrument.

125.Concrètement, cela signifie que les membres de l’appareil judiciaire, des organes administratifs et des institutions chargées de la protection des droits de l’homme s’emploieront à appliquer la législation afin de punir les auteurs d’actes de violence, d’une part, et de rendre justice aux victimes, d’autre part.

126.Le recours à la torture n’est pas répandu au Rwanda. Des efforts dans le domaine de la sensibilisation aux droits de l’homme et de la lutte contre la torture et les mauvais traitements sont régulièrement déployés par des institutions publiques et des organisations de défense des droits de l’homme.

127.Le Gouvernement rwandais est disposé à prendre toutes les mesures voulues pour renforcer la lutte contre la torture et les mauvais traitements et à adopter des mesures législatives et politiques pour donner effet aux dispositions de la Convention tout en tenant compte de la situation du Rwanda et du peuple rwandais.