NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/95/D/1233/200328 avril 2009

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑quinzième session16 mars‑3 avril 2009

CONSTATATIONS

Communication n o 1233/2003

Présentée par:

A. K. et A. R. (représentés par des conseils, Mme Salima Kadyrova et M. Kamil Ashurov)

Au nom de:

Les auteurs

État partie:

Ouzbékistan

Date de la communication:

9 juillet 2003 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 2 décembre 2003 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

31 mars 2009

Objet: Condamnation pour avoir recherché, reçu et diffusé des informations et des idées en rapport avec l’islam

Questions de procédure: Droit à la liberté d’expression; droit de diffuser des informations et des idées; restrictions nécessaires à la protection de la sécurité nationale; restrictions nécessaires à la protection de l’ordre public

Question s de fond: Griefs non étayés

Article s du Pacte: 7, 9, 10, 14, 15 et 19

Article du Protocole facultatif: 2

Le 31 mars 2009, le Comité des droits de l’homme, a adopté le texte en annexe en tant que constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif concernant la communication no 1233/2003.

[ANNEXE]

ANNEXE

CONSTATATIONS DU COMITÉ DES DROITS DE L ’ HOMME AU TITRE DU PARAGRAPHE 4 DE L ’ ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre ‑ vingt ‑ quinzième session

concernant la

Communication n o 1233/2003**

Présentée par:

A. K. et A. R. (représentés par des conseils, Mme Salima Kadyrova et M. Kamil Ashurov)

Au nom de:

Les auteurs

État partie:

Ouzbékistan

Date de la communication:

9 juillet 2003 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 31 mars 2009,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1233/2003 présentée au nom de A. K. et A. R., en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par les auteurs de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l ’ article 5 du Protocole facultatif

1.Les auteurs de la communication sont A. K. et A. R., de nationalité ouzbèke, nés respectivement en 1974 et 1968, qui, au moment de la présentation de la communication étaient détenus en Ouzbékistan. Ils se déclarent victimes de violations par l’Ouzbékistan des droits garantis par les articles 7, 9, 10, 14, 15 et 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 28 décembre 1995. Les auteurs sont représentés par des conseils, Mme Salima Kadyrova et M. Kamil Ashurov.

Exposé des faits

2.1Le 16 février 1999 des attentats terroristes à l’explosif ont été commis à Tachkent, la capitale de l’Ouzbékistan. Le Gouvernement a accusé le Mouvement islamique de l’Ouzbékistan, dirigé par M. Tokhir Yuldashev et M. Zhumaboi Khodzhiev et le parti politique international sunnite panislamiste connu sous le nom de Hizb‑ut‑Tahrir (le Parti de la libération).Certains membres réels et présumés de ces organisations ont été arrêtés et jugés en rapport avec ces événements.

2.2Le 25 février 1999, le chef du service des enquêtes du bureau du Procureur régional de Samarcande a demandé que les pièces relatives aux affaires pénales impliquant, entre autres personnes, M. Mamatov, mentionné par le tribunal pénal régional de Samarcande qui avait jugé les auteurs en première instance, soient examinées par des experts. À cet effet, tous les livres, revues et brochures écrits en alphabet arabe et cyrillique, trouvés lors des perquisitions au domicile des personnes détenues et d’autres citoyens, ont été soumis à l’expertise d’un groupe de spécialistes de l’Université d’État de Samarcande en vue d’apprécier leur «nocivité» ou leur «innocuité» aux fins de la qualification des actes en cause et de déterminer si ces écrits étaient compatibles avec les dispositions de la Constitution.

2.3M. A. K. a été arrêté le 12 mars 1999 et M. A. R. le 15 mars 1999 après que les autorités eurent découvert de nombreux écrits et publications sur des thèmes religieux dans le grenier du frère de M. A. K. Les auteurs affirment qu’ils ont fait l’objet de poursuites uniquement parce qu’ils lisaient et étudiaient des textes religieux, le Coran en particulier, et rencontraient d’autres personnes qui partageaient les mêmes intérêts et opinions. Ils démentent avoir eu l’intention d’inciter à la haine ou de renverser l’ordre constitutionnel comme on le leur a reproché et nient avoir appartenu à une organisation religieuse ou sociale illégale quelle qu’elle soit. Ils renvoient à certains passages du jugement rendu par le tribunal régional de Samarcande selon lesquels ils auraient étudié des textes interdits et organisé des groupes illégaux et déclarent que ce genre de libellé est d’utilisation courante − c’est‑à‑dire qu’on retrouve ces mêmes passages dans d’autres jugements rendus à l’issue de poursuites pour activités religieuses, seuls les noms des inculpés, le titre des ouvrages et les détails sur les réunions incriminées changeant en fonction du contexte. Ces passages sont pour eux le «fil rouge» des jugements rendus dans les affaires d’activités religieuses.

2.4Le 6 mai 1999 le groupe d’experts a répondu à la requête faite par le Procureur régional. Selon lui, dans les livres, revues, brochures et toutes les autres publications interdites vendus par les accusés et utilisés dans le cadre de l’enseignement dispensé à leurs étudiants […] il y avait des appels à des activités anticonstitutionnelles pour changer l’ordre en place en Ouzbékistan ainsi que des idées contraires aux lois de la République. Il y était ouvertement appelé à la création d’un État islamique fondé sur l’idéologie du fondamentalisme religieux et les lois religieuses au moyen d’un combat idéologique. Ces écrits préconisaient le recours à la violence dans le cadre du «Jihoz». Les publications détenues et diffusées par les accusés prônaient les préceptes de l’extrémisme et du fondamentalisme religieux et relevaient donc de la catégorie des matériels mettant en danger l’ordre et la sécurité publics dans le pays. On y trouvait par exemple l’idée que «l’ensemble du monde islamique ne doit plus former qu’une seule et même communauté; tous les musulmans devraient être comme un seul corps et un seul esprit, indépendamment de leur origine ethnique, nationalité et race. Par‑delà les obstacles et les frontières artificielles, tous les États devraient former un seul et même “État islamique”». Ces écrits appelaient les citoyens à œuvrer avec dévouement à la création d’un tel État et cela même au prix de leur vie si nécessaire, c’est‑à‑dire à devenir des chahids (martyrs). Ces idées sont, de l’avis des experts, typiques du fondamentalisme et de l’extrémisme religieux.

2.5Le 6 août 1999, le tribunal pénal régional de Samarcande a déclaré les auteurs coupables de plusieurs infractions à l’alinéa e de la partie 2 de l’article 156 du Code pénal (Incitation à la haine nationale, raciale ou religieuse), à la partie 4 de l’article 159 (Tentatives d’atteintes à l’ordre constitutionnel de la République d’Ouzbékistan), à l’article 216 (Création illégale d’associations publiques ou d’organisations religieuses), à la partie 1 de l’article 242 (Organisation d’une communauté criminelle) et aux alinéas a et c de la partie 3 de l’article 244‑1 (Production et distribution des écrits mettant en danger l’ordre et la sécurité publics). Chacun des auteurs a été condamné à seize ans de réclusion.

2.6Dans son jugement, prononcé le 6 août 1999, le tribunal régional de Samarcande se réfère aux conclusions du groupe d’experts en date du 6 mai 1999, qui affirmait que le Hizb‑ut‑Tahrir était une association religieuse et politique dont l’objectif était de mener un combat politique. Les principaux buts de cette organisation étaient d’imprégner d’une éducation islamique les esprits des citoyens, de les familiariser avec l’idéologie islamique par le biais de la lutte idéologique et enfin d’instaurer un «État islamique». Le «Jihoz», c’est‑à‑dire l’élimination de tout obstacle à l’islam, était l’un des moyens d’y parvenir. Il fallait pour cela que tous les pays musulmans s’unissent sous la «bannière du Califat» et utilisent sur une large échelle le «Jihoz» en vue de propager l’islam à travers le monde. Si, contrairement aux citoyens qui vivent selon les principes de l’«État islamique», les gouvernants ne conduisent pas les affaires publiques conformément à ces principes, les citoyens ont le devoir de les combattre avec le «glaive».

2.7Dans son jugement le tribunal régional de Samarcande relève que les auteurs se sont livrés à un complot criminel avec le groupe du Hizb‑ut‑Tahrir de la région de Samarcande organisé en 1997‑1998. Ayant en vue les intérêts du groupe, ils avaient ouvertement, en violation de la Constitution, appelé à la destruction de l’ordre constitutionnel et de l’intégrité territoriale de la République d’Ouzbékistan, à la prise du pouvoir et au renversement de l’ordre établi et avaient cherché à enflammer la population en distribuant des écrits à cette fin. Avec l’assistance financière d’organisations religieuses, ils avaient commis des infractions pénales comme la constitution de cellules d’une association criminelle afin de recruter des citoyens pour leurs activités criminelles. Le groupe de conspirateurs avait produit des écrits demandant la réinstallation de force de citoyens, afin de fomenter la discorde, l’inimitié et l’intolérance envers des groupes de population au motif de leur religion ou de leur origine nationale, raciale ou ethnique. Avec les autres membres du Hizb‑ut‑Tahrir les auteurs avaient dirigé plus de 10 naqibet créé plus de 174 khalaka (cellules) pour lesquelles ils avaient recruté plus de 520 jeunes (dorises). Les cellules étudiaient des textes interdits comme les «Préceptes de l’islam», «Vers l’honneur et la gloire», la doctrine du Hizb‑ut‑Tahrir, «La fin du Califat», d’autres brochures et tracts appelant à la désobéissance civile, et «Al‑Waie», un journal consacré aux idéaux fondamentaux du parti.

2.8Selon le jugement du tribunal régional de Samarcande, pendant le procès, M. A. R. a affirmé que, dès son enfance, il s’intéressait à la religion et était assidu à la prière. Il avait commencé à se familiariser avec les idées du Hizb‑ut‑Tahrir en décembre 1997 et avait suivi quelques cours sur les activités de cette organisation entre décembre 1997 et octobre 1998. Il a reconnu s’être promis de devenir membre du Hizb‑ut‑Tahrir, avoir organisé six groupes d’étude et donné des cours à 22 personnes en se fondant sur les écrits de l’organisation. M. A. K. a confirmé qu’il avait commencé à suivre des cours sur le livre intitulé «Les préceptes de l’islam» en février 1997 et avait adhéré au Hizb‑ut‑Tahrir en décembre de la même année. Il était chargé de distribuer les ouvrages du Hizb‑ut‑Tahrir et avait enseigné «Les préceptes de l’islam» au sein d’un groupe d’étude en janvier et février 1999. Pendant le procès, M. A. K. s’est repenti de ses activités, ajoutant qu’il n’avait pas comploté dans le but d’organiser des attentats à l’explosif ou de réinstaller des populations et n’avait aucunement eu l’intention de porter atteinte à la Constitution de l’Ouzbékistan. Au cours du procès, les auteurs ont déclaré qu’ils s’étaient donné pour but d’acquérir une connaissance plus approfondie de l’islam et d’inviter leurs concitoyens à être honnêtes, à bien se conduire et à renoncer à l’alcool. Ils n’étaient pas opposés à la politique de l’État et n’avaient pas prôné non plus l’instauration d’un califat. Le tribunal a déduit de leur plaidoyer qu’ils cherchaient à éviter d’être punis pour les «graves crimes» qu’ils avaient commis. Il a conclu que les ouvrages que les auteurs distribuaient et dont ils transmettaient la teneur au travers de leur enseignement étaient contraires aux lois en vigueur et, partant, interdits.

2.9Les auteurs ont fait appel de leur condamnation devant la Cour suprême d’Ouzbékistan, laquelle, le 6 octobre 1999, a fait droit à leur recours contre les chefs d’inculpation formés au titre de l’alinéa e de la partie 2 de l’article 156, de la partie 1 de l’article 242 et de l’alinéa c de la partie 3 de l’article 244‑1 du Code pénal. La Cour a rejeté l’appel de la condamnation en vertu de l’article 159. Cependant elle a requalifié les faits reprochés aux auteurs en se fondant non pas sur la partie 4 de l’article 159 mais sur la partie 3 b). Dans ce que les auteurs considèrent comme un oubli, la Cour suprême ne s’est pas prononcée sur leur condamnation en vertu de l’article 216. Bien qu’elle ait en partie fait droit à leur recours, la Cour n’a pas modifié leur condamnation à seize ans de réclusion. En 2002, cinq requêtes en réexamen ont été déposées auprès de la Cour suprême et deux auprès du Bureau du Procureur général. Elles ont toutes été rejetées.

2.10M. A. K. a été amnistié en application d’un décret présidentiel publié le 1er décembre 2004 à l’occasion du douzième anniversaire de l’adoption de la Constitution et libéré à la mi‑février 2005.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs déclarent que leur arrestation et leur condamnation constituent une violation des articles 7, 9, 10, 14, 15 et 19 du Pacte.

3.2Les auteurs font valoir que le groupe d’experts n’avait aucun point de repère objectif et que, parce qu’il avait reçu des instructions du ministère public, il n’était pas indépendant. Ils relèvent en outre, de façon générale, l’absence de liste officielle ou de liste publiée des ouvrages interdits en Ouzbékistan, que ce soit avant ou depuis leur condamnation. Ils affirment qu’ils ont été condamnés à cause de leurs opinions et activités religieuses. Ils déclarent ne pas avoir bénéficié de la présomption d’innocence dans la mesure où ils ont été déclarés coupables en l’absence d’élément de preuve à l’appui de l’une quelconque des charges qui pesaient contre eux. Selon eux, leur condamnation constitue une violation des articles 29 et 31 de la Constitution, qui garantissent la liberté de pensée et de religion.

Observations de l ’ État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une note du 18 octobre 2006, l’État partie a rappelé les faits relatifs à la condamnation des auteurs et a ajouté que, de 1994 à 1999, les auteurs étaient membres du Hizb‑ut‑Tahrir, organisation religieuse extrémiste interdite en Ouzbékistan. Alors qu’ils appartenaient à cette organisation, ils se sont livrés à des activités criminelles en diffusant des informations et des écrits visant à propager l’idéologie de l’extrémisme, du séparatisme et du fondamentalisme religieux. À ce titre, ils faisaient notamment de la propagande pour une idéologie prônant la création d’un État islamique, le remplacement par des moyens anticonstitutionnels de l’ordre constitutionnel en place en Ouzbékistan et la déstabilisation politique et sociale du pays.

4.2Selon le groupe d’experts mentionné, les écrits saisis au domicile des auteurs allaient dans le sens de l’idéologie de la secte religieuse extrémiste Hizb‑ut‑Tahrir. La culpabilité des auteurs a en outre été confirmée par les dépositions de témoins oculaires, des documents et d’autres éléments de preuve pertinents. L’État partie affirme que le tribunal a qualifié comme il convenait les faits qui étaient reprochés aux auteurs et a prononcé des peines appropriées en tenant compte du degré de «dangerosité publique» de leurs crimes. Il a ajouté que l’enquête et le procès des auteurs s’étaient déroulés conformément au Code de procédure pénale ouzbek et que tous les témoignages, déclarations et éléments de preuve avaient été scrupuleusement examinés et appréciés.

4.3L’État partie a indiqué que les auteurs exécutaient leur peine à la colonie UYA 64/71 de Jaslyk. Ils avaient été sanctionnés à sept reprises par les autorités pénitentiaires pour infraction au règlement intérieur, mais ne s’étaient pas plaints des conditions de vie dans la colonie lors d’entretiens avec les autorités concernées.

4.4L’État partie affirme que les allégations des auteurs qui font valoir qu’ils ont été condamnés à cause de leurs convictions religieuses sont sans fondement. La Constitution de l’Ouzbékistan garantit le droit à la liberté de conscience de tous les citoyens. Chacun a le droit de professer ou non une religion; la responsabilité pénale d’un citoyen ne repose ni sur sa profession de foi en une religion quelconque ni sur ses convictions. En tant que membres du Hizb‑ut‑Tahrir, organisation religieuse extrémiste interdite en Ouzbékistan, les intéressés s’étaient livrés à des activités criminelles pour renverser l’ordre constitutionnel de l’Ouzbékistan et déstabiliser politiquement et socialement le pays.

Commentaires des auteurs sur les observations de l ’ État partie

5.1Dans une lettre du 23 février 2007, les auteurs ont rappelé les faits de leur cause. Ils ont en outre fait valoir qu’en rejetant les chefs d’inculpation au titre de l’alinéa e de la partie 2 de l’article 156, de la partie 1 de l’article 242 et de l’alinéa c de la partie 3 de l’article 244 du Code pénal, la Cour suprême avait implicitement admis que les charges qui étaient retenues contre eux au titre de la partie 3 de l’article 159 étaient sans fondement et illégales.

5.2Cependant, une fois écartés les chefs d’inculpation relatifs à l’organisation d’une association criminelle (art. 242, partie 1), à la production et à la distribution de matériels mettant en danger l’ordre et la sécurité publics, avec le soutien financier ou l’aide matérielle d’organisations religieuses, ainsi que de pays, d’organisations et de particuliers étrangers (art. 244‑1, partie 3, al. c) et à la conspiration en vue d’inciter à la haine nationale, raciale ou religieuse (art. 156, partie 2, al. d), l’accusation au titre de la partie 3 de l’article 159 ne remplit plus les conditions requises pour qu’il puisse être démontré que les faits en cause constituent une récidive ou révèlent l’existence d’un groupe organisé. C’est pourquoi la peine imposée le 6 août 1999 par le tribunal régional de Samarcande et confirmée le 6 octobre 1999 par la Cour suprême d’Ouzbékistan est illégale et devrait être annulée.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son Règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement et note que, bien qu’en appel M. A. K. n’ait pas nié sa culpabilité et M. A. R. ait partiellement reconnu la sienne, l’État partie n’a pas contesté qu’en l’espèce les recours internes avaient été épuisés.

6.3En ce qui concerne les griefs de violation des articles 7, 9, 10, 14 et 15 du Pacte, le Comité note l’absence d’informations sur ces griefs et considère qu’ils n’ont pas été dûment étayés aux fins de la recevabilité. Aussi cette partie de la communication est‑elle irrecevable aux termes de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.4Le Comité estime que les autres griefs des auteurs, invoquant l’article 19, ont été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et les déclare recevables.

Examen au fond

7.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui avaient été communiquées par les parties.

7.2Le Comité note que les auteurs ont été reconnus coupables d’infractions liées à la diffusion de l’idéologie prônée par le Hizb‑ut‑Tahrir. La question dont il est saisi est celle de savoir si les restrictions que les condamnations représentent étaient nécessaires à l’une des fins énoncées au paragraphe 3 de l’article 19. Le Comité a soigneusement étudié le rapport du groupe d’experts (par. 2.4), le jugement du tribunal pénal régional de Samarcande et l’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour suprême d’Ouzbékistan. Il ressort de ces documents que les tribunaux, sans renvoyer explicitement à l’article 19 du Pacte, se sont inquiétés de la menace qu’ils percevaient pour la sécurité nationale (renversement violent de l’ordre constitutionnel) et les droits d’autrui. Le Comité note également les mesures de prudence, en particulier la consultation avec le groupe d’experts, qui ont été prises par l’appareil judiciaire. En outre, il prend note du fait qu’en appel, M. A. K. ne semble pas avoir contesté sa culpabilité mais plutôt demandé une peine plus juste, tandis que M. A. R. a accepté sa condamnation en vertu de l’article 216. Dans ces circonstances, le Comité ne peut pas conclure que les restrictions imposées au droit à la liberté d’expression des auteurs sont incompatibles avec le paragraphe 3 de l’article 19.

7.3.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, est d’avis que les faits dont il est saisi ne font pas apparaître de violation de l’un quelconque des articles du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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