NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/95/D/1388/200525 mai 2009

FRANÇAISOriginal: ESPAGNOL

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre-vingt-quinzième session16 mars‑3 avril 2009

CONSTATATIONS

Communication n o  1388/2005

Présentée par:

José Luis de León Castro (représenté par un conseil, Fátima de León)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

23 août 2004 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 4 mai 2005 (non publiée sous forme de document)

CCPR/C/89/D/1388/2005 − Décision concernant la recevabilité, adoptée le 9 mars 2007

Date de l’adoption des constatations:

19 mars 2009

Objet: Détention arbitraire due au refus de libération conditionnelle; absence de réexamen complet, dans le cadre du pourvoi en cassation, du jugement rendu en première instance

Questions de procédure: Épuisement des recours internes; griefs de violation insuffisamment étayés

Question s de fond: Détention arbitraire; droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi

Article s du Pacte: 9 (par. 1), 14 (par. 5)

Article s du Protocole facultatif: 2, 5 (par. 2 b))

Le 19 mars 2009, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci‑après en tant que constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif en ce qui concerne la communication no 1388/2005.

[ANNEXE]

ANNEXE

CONSTATATIONS DU COMITÉ DES DROITS DE L ’ HOMME AU TITRE DU PARAGRAPHE 4 DE L ’ ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre-vingt-quinzième session

concernant la

Communication n o 1388/2005**

Présentée par:

José Luis de León Castro (représenté par un conseil, Fátima de León)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

23 août 2004 (date de la lettre initiale)

Décision concernant la recevabilité

9 mars 2007

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 19 mars 2009,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1388/2005 présentée au nom de M. José Luis de León Castro en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l ’ article 5 du Protocole facultatif

1.1L’auteur de la communication, datée du 23 août 2004, est José Luis de León Castro, de nationalité espagnole, né le 25 février 1929. Il se déclare victime de violations par l’Espagne du paragraphe 1 de l’article 9 et du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’Espagne le 25 avril 1985. L’auteur est représenté par un conseil.

1.2Le 13 juillet 2005, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires a décidé que la recevabilité de la communication serait examinée séparément du fond.

Rappel des faits exposés par l ’ auteur

2.1L’auteur a été l’avocat d’une copropriété lors d’un litige engagé contre des entreprises du bâtiment, des architectes ainsi qu’une compagnie d’assurance concernant des vices dans la construction d’un immeuble. En 1996, un tribunal a fait droit à la plainte de la copropriété et a ordonné aux défendeurs de payer une indemnisation de 2 milliards de pesetas. La compagnie d’assurance a versé le montant qui lui incombait, qui était de 86 millions de pesetas. La copropriété avait conclu avec l’auteur et avec l’avoué la représentant dans cette affaire un accord disposant que le montant des honoraires serait établi en fonction des tarifs de l’ordre des avocats de Madrid et de ceux des avoués. Les honoraires seraient versés lorsque la copropriété disposerait de fonds.

2.2En avril 1997, l’avoué a perçu ses honoraires, d’un montant de 6 millions de pesetas, et a attribué à l’auteur une provision sur les fonds d’un montant de 50 millions de pesetas, puis il lui a remis un chèque nominatif représentant le solde des fonds dont disposait la copropriété, soit 30 millions de pesetas.

2.3À la suite d’un désaccord sur le montant des honoraires perçus par l’auteur, le 20 janvier 1998, la copropriété a déposé une plainte pénale contre lui pour délit de détournement de fonds. Le juge d’instruction a qualifié le délit de détournement de fonds ou, à défaut, d’escroquerie. Le 8 février 2001, l’Audiencia Provincial de Madrid a condamné l’auteur à trois ans de prison pour escroquerie. L’auteur indique que l’Audiencia a inventé les faits, disant qu’il avait trompé l’avoué pour que celui‑ci lui remette les 50 millions, et qu’elle a établi que le montant maximum qu’il pouvait percevoir était de 22 à 23 millions, sans prendre en compte les honoraires auxquels il pouvait prétendre pour la deuxième instance. L’auteur affirme en outre que l’élément essentiel du délit d’escroquerie, à savoir la tromperie (abus), a été introduit par les juges dans la déclaration de culpabilité, ce qui l’a empêché de se défendre contre ce nouveau chef d’inculpation pendant le procès.

2.4Le 21 avril 2001, l’auteur a formé un pourvoi en cassation devant le Tribunal suprême. Dans son arrêt du 20 janvier 2003, le Tribunal suprême a considéré que la culpabilité de l’auteur avait été établie sur la base d’éléments de preuve obtenus conformément à la loi, qui avaient été appréciés par le tribunal et que l’évaluation de la preuve appartenait à la juridiction de jugement, et non au Tribunal suprême. Selon l’auteur, l’arrêt rendu a également modifié les faits tels qu’ils avaient été démontrés au cours du procès, en établissant que l’auteur avait caché à l’avoué les conditions qui avaient été convenues pour ses honoraires, afin que l’avoué lui remette la somme de 50 millions de pesetas. Cet élément de l’arrêt du Tribunal suprême n’a pas pu être examiné par une juridiction supérieure.

2.5Le 20 février 2003, l’auteur a formé un recours en amparo devant le Tribunal constitutionnel. Il alléguait, entre autres griefs, une violation du droit d’être informé des chefs d’accusation retenus contre lui ainsi que du droit à la présomption d’innocence. Le 26 janvier 2004, le Tribunal a conclu qu’il existait des preuves à charge suffisantes contre l’auteur. L’auteur indique que la procédure devant le Tribunal constitutionnel ne permet pas l’examen des faits démontrés dans les jugements.

2.6Le 11 février 2003, l’auteur a présenté une demande en grâce au Ministère de la justice. Le 12 février 2003, suite au rejet du pourvoi en cassation par le Tribunal suprême, l’auteur a demandé à l’Audiencia Provincial de Madrid la suspension de l’exécution de la peine. Le 7 avril 2004, l’Audiencia Provincial a rejeté la demande de suspension. L’auteur était entré en prison le 25 avril 2003. Il a demandé que cette décision soit réexaminée, en invoquant en sa faveur son âge, 74 ans, le fait qu’il n’y avait pas de risque de fuite, qu’il n’avait jamais été condamné précédemment et que sa famille serait plongée dans l’indigence s’il entrait en prison. La demande de réexamen a été rejetée le 3 juin 2003. L’auteur a fait valoir que, le 11 avril 2004, un article publié dans un périodique local indiquait que l’Audiencia Provincial avait autorisé la suspension de l’exécution des peines prononcées contre deux banquiers d’un âge avancé pendant que leur demande de suspension de peine était examinée. Le 21 juillet 2003, l’auteur a soumis au Tribunal constitutionnel une demande de suspension de l’exécution de la peine; la demande n’a pas été examinée avant janvier 2004, date à laquelle le recours en amparo a été rejeté.

2.7Avant d’être écroué, l’auteur a sollicité de la Direction générale de l’administration pénitentiaire sa libération conditionnelle. Le 17 juin 2003, il a eu un entretien au centre pénitentiaire avec la Commission d’application des peines. Le 6 août 2003, la Direction générale de l’administration pénitentiaire lui a notifié son placement dans le régime carcéral ordinaire (deuxième degré), estimant qu’il n’était pas apte à bénéficier du régime de semi‑liberté. La Direction a décidé que le régime ordinaire s’appliquait à l’auteur à compter du 31 juillet 2003. L’auteur explique que le choix de cette date tient au fait que la loi no 7/2003, du 30 juin, instituant des mesures de réforme en vue de garantir l’exécution intégrale et effective des peines, qui subordonne le bénéfice du régime de liberté surveillée et la liberté conditionnelle à la nécessité de s’acquitter au préalable des obligations d’ordre civil consécutives à l’infraction, était entrée en vigueur au début de juillet. Or la loi imposait de prendre en compte la déclaration d’insolvabilité qui, dans le cas de l’auteur, remontait au 18 novembre 1999, et ne prévoyait aucune restriction concernant les règles applicables aux septuagénaires.

2.8Le 7 août 2003, l’auteur a fait appel de la décision relative à son placement devant le tribunal de surveillance pénitentiaire pour demander à bénéficier du régime de liberté conditionnelle et, à titre subsidiaire, à être placé dans le régime carcéral du troisième degré. Dans une décision notifiée le 9 décembre 2003, le tribunal de surveillance pénitentiaire a accepté le recours de l’auteur et l’a placé en régime de semi‑liberté (troisième degré, semi‑liberté − permissions de fin de semaine) en déclarant qu’il pourrait bénéficier de la libération conditionnelle lorsqu’il se serait acquitté de ses obligations d’ordre civil résultant de l’infraction. Le 19 décembre 2003, la Commission d’application des peines a accordé à l’auteur la permission de sortir une fin de semaine sur deux mais a refusé la libération conditionnelle qu’il avait sollicitée en invoquant son âge avancé.

2.9Le 15 janvier 2004, l’auteur a présenté au tribunal de surveillance pénitentiaire une nouvelle demande de libération conditionnelle en faisant valoir qu’il avait plus de 70 ans et parce qu’il considérait que, selon la décision de ce tribunal lui accordant le régime de semi‑liberté, la condition de s’être acquitté des obligations d’ordre civil résultant de l’infraction était considérée comme remplie dès lors que l’auteur avait pris l’engagement exprès de s’acquitter de cette obligation s’il recevait des fonds; il avait indiqué en effet qu’il attendait le jugement qui serait rendu dans un procès dont il espérait recevoir 90 millions de pesetas. Cette demande a été refusée le 13 mai 2004 sur la base d’un rapport du centre pénitentiaire daté du 1er avril 2004. Le 1er avril 2004, l’auteur a demandé à l’Audiencia Provincial la suspension de la peine, ce qui lui a été refusé, le 21 avril 2004, parce que la peine était supérieure à deux ans. Le 26 avril 2004, la Direction générale de l’administration pénitentiaire a accordé à l’auteur des sorties quotidiennes entre 17 h 30 et 21 h 45 ainsi que les fins de semaine. Le 2 juin 2004, l’auteur a déposé plainte devant le Conseil supérieur de la magistrature pour la lenteur avec laquelle il avait été statué sur les demandes de libération conditionnelle présentées au tribunal de surveillance pénitentiaire et devant l’Audiencia Provincial. L’affaire a été classée le 30 juin 2004. Le 6 mai 2005, l’Audiencia Provincial de Madrid a accueilli l’appel formé par l’auteur contre les décisions du tribunal de surveillance pénitentiaire no 3 ordonnant le maintien du régime carcéral du troisième degré (semi‑liberté) et a décidé de le placer en régime entièrement ouvert. Cette décision n’a pas été mise à exécution immédiatement par les autorités pénitentiaires, ce qui a amené l’auteur à présenter diverses demandes écrites et à introduire un recours en amparo. Le recours a été rejeté par le Tribunal constitutionnel le 18 janvier 2006.

2.10Une nouvelle demande de libération conditionnelle présentée au tribunal de surveillance pénitentiaire no 2 de Madrid a également été rejetée en date du 5 décembre 2005. L’auteur a fait appel de cette décision devant l’Audiencia Provincial de Madrid qui a rejeté le recours le 3 février 2006. L’auteur a formé un recours en amparo contre la décision de l’Audiencia devant le Tribunal constitutionnel le 16 mars 2006.

2.11L’auteur considère qu’il a épuisé les recours internes. Il indique que, dans son recours en amparo formé devant le Tribunal constitutionnel, il n’a pas invoqué la violation du droit au double degré de juridiction, mais que ce recours était en tout état de cause inefficace étant donné que le Tribunal constitutionnel refuse de suivre la jurisprudence du Comité concernant le paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. L’auteur considère qu’il a épuisé tous les recours internes disponibles devant les autorités pénitentiaires et devant les tribunaux de surveillance pénitentiaire pour obtenir sa libération conditionnelle.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur se dit victime d’une détention arbitraire, en violation du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte. Il explique qu’on lui a appliqué, avec effet rétroactif, une loi qui limite ses possibilités de bénéficier d’un assouplissement du régime carcéral. La loi no 7/2003 du 31 juillet 2003 avait pour objet de réglementer les possibilités d’assouplissement du régime carcéral pour les personnes condamnées pour terrorisme ou pour escroquerie ou détournement de fonds d’un montant élevé et portant préjudice à un grand nombre de citoyens. Dans ces cas là, il est exigé que l’intéressé s’acquitte de ses obligations d’ordre civil résultant de l’infraction pour bénéficier de la libération conditionnelle. L’auteur indique que, dans son cas, aucune des deux conditions n’est réunie. La Direction générale de l’administration pénitentiaire a établi des critères pour l’application de cette loi, selon lesquels les centres pénitentiaires doivent prendre en compte l’existence ou non d’une déclaration préalable d’insolvabilité. L’auteur affirme qu’il possède une déclaration d’insolvabilité depuis le 18 novembre 1999 et que les faits se sont produits le 15 avril 1997.

3.2L’auteur déclare que, pour lui accorder la libération conditionnelle, on exige qu’il s’acquitte des obligations d’ordre civil résultant de l’infraction, ce qu’il considère injuste, illégal et discriminatoire étant donné qu’il n’est pas solvable, puisque la peine à laquelle il a été condamné l’a empêché d’exercer sa profession d’avocat pendant trois ans et que personne ne lui propose de contrat de travail étant donné qu’il a 75 ans.

3.3Selon l’auteur, le tribunal de surveillance pénitentiaire rend des décisions erronées pour retarder l’examen de ses demandes de libération conditionnelle, de façon que s’écoule toute la durée de sa peine. L’auteur cite la décision du 10 juin 2004 rendue par le tribunal de surveillance pénitentiaire contre la décision de la Direction générale de l’administration pénitentiaire qui avait ordonné le régime de semi‑liberté (régime du troisième degré), alors que le tribunal a décidé de le maintenir en régime de liberté ordinaire (deuxième degré). L’auteur a demandé la rectification de cette erreur, qui n’a été corrigée que le 6 juillet 2004. Ce même jour, l’auteur s’est vu notifier une décision du tribunal de surveillance pénitentiaire, datée du 26 juillet 2004 (sic), dans laquelle la libération conditionnelle lui était refusée pour raison de maladie, le tribunal ayant constaté que l’auteur était placé en régime ordinaire (deuxième degré). L’auteur soutient qu’il n’avait pas demandé sa libération conditionnelle en invoquant la maladie, mais bien l’âge et qu’il n’était pas placé en régime ordinaire (deuxième degré) et qu’il a demandé la rectification de ces décisions.

3.4L’auteur fait également valoir une violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, du fait qu’il n’a pas pu obtenir l’examen complet de la déclaration de culpabilité et de la peine prononcée contre lui par l’Audiencia Provincial de Madrid. Il invoque les observations finales du Comité des droits de l’homme du 3 avril 1996 se rapportant au quatrième rapport périodique de l’Espagne, ainsi que les constatations du Comité concernant les communications nos 701/1996, Gómez Vásquez c. Espagne, 986/2001, Semey c. Espagne, 1007/2001, Sineiro Fernández c. Espagne, et 1101/2002, Alba Cabriada c. Espagne. Il affirme que l’examen auquel a procédé le Tribunal suprême s’est limité aux aspects juridiques, sans aborder les éléments de fait, puisqu’il n’a pu obtenir un réexamen des éléments de preuve par le Tribunal suprême. Il ajoute que cela tient au fait que le Tribunal suprême a déclaré que la crédibilité des dépositions ne pouvait faire l’objet d’un examen, étant donné que tout ce qui dépend d’une connaissance directe n’entre pas dans le cadre du recours.

Observations de l ’ État partie sur la recevabilité

4.1Par une note verbale du 11 juillet 2005, l’État partie a fait part de ses observations sur la recevabilité de la communication. Il affirme que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif, de l’article 3 et du paragraphe 2 b) de l’article 5, étant donné que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes et que la communication est manifestement infondée.

4.2D’après l’État partie, l’auteur a présenté un recours contre plusieurs décisions des autorités pénitentiaires devant le tribunal de surveillance pénitentiaire, mais il n’a nullement fait recours contre les diverses décisions de ce même tribunal alors qu’il était indiqué dans ces décisions qu’elles étaient susceptibles d’un recours en révision. D’autre part, le seul recours en amparo formé par l’auteur concerne le procès qui a abouti à sa condamnation et ne porte pas sur des questions d’ordre pénitentiaire et, dans ce recours, il n’est pas fait référence au droit de faire examiner la déclaration de culpabilité et la condamnation par une juridiction supérieure.

4.3L’État partie ajoute que l’auteur a été privé de liberté pour les motifs et conformément à la procédure prévue par la loi en conformité avec le paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte. Selon l’État partie, les allégations qui portent sur l’exercice du droit de grâce ou remise de peine et sur la suspension de la peine n’entrent pas dans le champ d’application du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte.

4.4En ce qui concerne l’allégation de violation du paragraphe 5 de l’article 14, l’État partie réaffirme que la question n’a été soulevée à aucun moment devant les tribunaux internes et, en particulier, le recours en amparo formé devant le Tribunal constitutionnel. L’État partie nie que le recours en amparo soit inutile. Il affirme que la seule exception à la règle de l’épuisement des recours internes est la durée excessive de la procédure. Les recours doivent exister et être disponibles, mais on ne peut pas considérer qu’ils ne sont pas efficaces simplement parce qu’ils n’ont pas donné le résultat escompté par l’auteur. L’État partie ajoute qu’une interprétation excessivement large du Protocole aboutirait à la possibilité de se dispenser d’utiliser les recours internes parce qu’il existerait une jurisprudence établie par les tribunaux internes, ce qui semble clairement contraire à la lettre et à l’esprit du paragraphe 2 b) de l’article 5.

4.5L’État partie fait référence à la jurisprudence du Tribunal constitutionnel selon laquelle, pour que le pourvoi en cassation réponde aux prescriptions du Pacte, les possibilités de révision au stade de la cassation doivent être interprétées dans un sens large (arrêts du Tribunal constitutionnel du 3 avril 2002, du 28 avril et du 2 juin 2003, entre autres). Selon l’État partie, le fait de ne pas avoir invoqué ce motif de grief devant le Tribunal constitutionnel empêche de savoir si ce dernier aurait considéré que le Tribunal suprême avait procédé à un examen suffisamment large de la déclaration de culpabilité et de la peine.

4.6L’État partie considère également que la lecture de l’arrêt rendu en cassation montre que la deuxième chambre du Tribunal suprême a procédé à un examen complet du jugement rendu par l’Audiencia. L’État partie reproduit les troisième et septième attendus du jugement, et conclut que l’auteur allègue l’absence d’examen parce qu’il est en désaccord avec l’appréciation des faits et des éléments de preuve. Il renvoie à la décision du Tribunal constitutionnel et note que ce dernier a déclaré: «On ne peut non plus suivre l’appelant dans sa prétention concernant l’inexistence de preuves à charge suffisantes (…) durant le procès étant donné que, au vu des actes de procédure, on doit au contraire conclure à l’abondance de telles preuves, aussi bien directes qu’indirectes…». L’État partie indique que le Tribunal constitutionnel a également examiné les preuves à charge et l’appréciation qui en a été faite dans le cadre du pourvoi en cassation.

Commentaires de l ’ auteur sur les observations de l ’ État partie

5.1Dans ses commentaires du 20 septembre 2005, l’auteur indique que l’administration pénitentiaire ne lui a pas appliqué le régime carcéral ouvert et n’a pas donné suite à sa demande de libération conditionnelle, malgré les décisions rendues par l’Audiencia Provincial de Madrid datées du 6 mai 2005, ordonnant l’application du régime ouvert sans restriction, et du 25 mai 2005, ordonnant à l’administration pénitentiaire d’engager la procédure de libération conditionnelle. L’auteur affirme avoir demandé de manière répétée l’application de ces décisions judiciaires, compte tenu de son âge et de son état de santé. Toutefois, les décisions juridictionnelles adoptées à la suite de ces requêtes et recours ont été arbitraires et constituent un déni de justice.

5.2L’auteur rejette l’argument de l’État partie qui affirme qu’il n’a pas formé de recours contre les diverses décisions des autorités pénitentiaires, et évoque la plainte qu’il a déposée devant le Conseil supérieur de la magistrature pour les retards avec lesquels ces décisions ont été rendues, invoque le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif. Il ajoute que les retards répétés qui ont ralenti l’examen des recours sont à l’origine des plaintes pénales qu’il a déposées pour lenteur délibérée de l’administration de la justice. Selon l’auteur, la durée injustifiée de la procédure d’instruction et de décision sur les recours explique également le fait qu’il n’a pas formé de recours en amparo.

5.3Au sujet de l’allégation de l’État partie qui fait valoir que la communication est manifestement infondée parce que dénuée de lien avec le paragraphe 1 de l’article 9, l’auteur renvoie à la jurisprudence du Comité concernant la communication no 44/1979, Alba Pietraroia c. Uruguay et aux critères établis dans la communication no 305/1988, von Alphen c. Pays Bas. Il mentionne également les avis du Groupe de travail sur la détention arbitraire et conclut qu’il est impossible d’invoquer une base légale qui justifie le maintien en prison d’une personne âgée de 77 ans qui a purgé les trois quarts de la peine prononcée, qui est placée en régime pénitentiaire ouvert sans restriction (troisième degré) et qui a fait preuve de bonne conduite. Il cite également la décision du 3 décembre 2003 rendue par le tribunal de surveillance pénitentiaire no 1 (Madrid), qui a considéré que le pronostic de récidive dans le cas de l’auteur était plutôt faible, compte tenu de sa bonne conduite et de sa personnalité normale. Il conclut que cette situation constitue une violation du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte. L’auteur réaffirme que la loi no 7/2003, publiée le 31 juillet 2003 et entrée en vigueur le 1er août 2003, contient une disposition provisoire qui est inconstitutionnelle parce qu’elle est d’application rétroactive.

5.4En ce qui concerne le non‑épuisement des recours internes allégué par l’État partie, l’auteur réaffirme que le Tribunal constitutionnel rejette systématiquement tout recours en amparo fondé sur le grief d’absence de double degré de juridiction car il considère que les limites du pourvoi en cassation sont compatibles avec le droit à l’examen en deuxième instance établi au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

5.5L’auteur réfute également l’allégation de l’État partie qui affirme que le Tribunal suprême aurait examiné les questions de fait soulevées en l’espèce. Dans la procédure pénale espagnole, le pourvoi en cassation est soumis à des limites strictes pour ce qui est de la possibilité de réexaminer les preuves, de sorte que les faits déclarés prouvés dans le jugement ne peuvent jamais être réexaminés. L’auteur renvoie aux réponses de l’État espagnol au sujet des communications nos 1101/2002 et 1104/2004, dans lesquelles l’État partie aurait reconnu que le pourvoi en cassation est une voie de recours juridictionnelle qui vise essentiellement à assurer l’interprétation uniforme de la loi. Selon l’auteur, l’adoption de la loi no 19/2003, qui instaure une véritable deuxième instance en matière pénale, confirme que le système de cassation espagnol ne répond pas aux prescriptions du Pacte.

5.6L’auteur affirme que la principale question qui se posait dans le procès pénal était l’existence ou non d’une fraude, ce qui implique une évaluation et un examen des faits déclarés prouvés dans le jugement rendu par l’Audiencia Provincial. Dans le troisième attendu de son arrêt, reproduit par l’État partie, le Tribunal suprême examine exclusivement s’il y a eu violation de la présomption d’innocence, en cherchant à déterminer s’il existe une lacune dans l’administration des preuves, mais ne procède pas à une appréciation des preuves. Selon l’auteur, dans son arrêt le Tribunal reconnaît que l’appréciation des preuves est effectuée par la juridiction de jugement, en vertu des compétences que lui confère l’article 741 de la loi sur la procédure pénale, compétences fondées sur le principe de la connaissance directe. Le Tribunal suprême s’est limité à examiner le point de savoir si l’argumentation du jugement rendu en première instance contredisait des pièces particulières du dossier citées dans le jugement. Cet examen ne peut en aucun cas impliquer une réévaluation complète des preuves ni par conséquent de la déclaration de culpabilité, et encore moins des faits déclarés prouvés dans le jugement.

5.7L’auteur réfute également l’argument de l’État partie qui affirme que le Tribunal constitutionnel a examiné les preuves à charge ainsi que l’appréciation effectuée dans le cadre du pourvoi en cassation. Il fait observer que le Tribunal constitutionnel s’est limité à déterminer qu’il n’y avait pas eu de lacune dans l’administration des preuves, sans procéder à la moindre évaluation des preuves.

Décision du Comité concernant la recevabilité de la communication

6.1Le 9 mars 2007, à sa quatre-vingt-neuvième session, le Comité a décidé de déclarer la communication recevable en ce qui concerne les griefs tirés du paragraphe 1 de l’article 9 et du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

6.2En ce qui concerne le grief de violation du paragraphe 1 de l’article 9, le Comité a estimé qu’il était suffisamment étayé aux fins de la recevabilité et que l’auteur avait épuisé les recours disponibles.

6.3En ce qui concerne le grief tiré du paragraphe 5 de l’article 14, le Comité a pris note des allégations de l’État partie qui affirme que les recours internes n’ont pas été épuisés parce que les violations présumées soumises au Comité n’auraient jamais été invoquées devant le Tribunal constitutionnel. Le Comité a rappelé sa jurisprudence constante selon laquelle seuls doivent être épuisés les recours internes ayant une chance raisonnable d’aboutir. Le recours en amparo n’avait aucune chance d’aboutir dans le cas du grief de violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. En conséquence, le Comité a considéré que les recours internes avaient été épuisés.

6.4Pour ce qui est de la question de l’absence de fondement de la communication au sujet du grief tiré du paragraphe 5 de l’article 14, le Comité a considéré que l’auteur avait suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, cette partie de la communication et il a conclu que la communication était recevable en ce qui concerne le grief d’absence de réexamen complet en cassation du jugement rendu par l’Audiencia Provincial.

Observations de l ’ État partie sur le fond

7.1Le 18 octobre 2007, l’État partie a présenté ses observations sur le fond de la communication. En ce qui concerne le grief de violation du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte, l’État partie fait valoir que ce grief porte sur l’application de mesures d’aménagement des conditions pénitentiaires dont l’octroi ou le refus n’altère en rien le fait qu’il devait exécuter la peine de trois ans de privation de liberté qui lui avait été imposée conformément à la loi.

7.2L’auteur a commencé par demander la suspension de la peine, suspension qui est exclue par le Code pénal s’agissant de peines supérieures à deux ans d’emprisonnement. Il avait commencé à exécuter sa peine le 28 avril 2003. Le 3 décembre de la même année, le juge de la surveillance pénitentiaire a accordé à l’auteur le régime de semi‑liberté («troisième degré»), et ce alors qu’il n’avait pas encore exécuté la quatrième partie de sa peine ni rempli ses obligations d’ordre civil, conditions auxquelles l’octroi de cette mesure d’assouplissement est subordonné, et auxquelles il a été dérogé parce que l’auteur n’était pas loin d’avoir achevé la quatrième partie de la peine et qu’il avait pris l’engagement de s’acquitter des obligations en question.

7.3Quand il était en régime de semi‑liberté, l’auteur a demandé sa libération conditionnelle, chose qui lui a été refusée dans une décision du 5 mai 2004, parce qu’il ne remplissait pas les conditions requises, c’est‑à‑dire l’exécution de ses obligations d’ordre civil et des deux tiers de la peine. Bien que la loi permette, en raison de l’âge de l’auteur, de déroger à la condition de l’extinction des trois‑quarts de la peine, la liberté conditionnelle ne pouvait pas lui être accordée car il ne s’était pas acquitté, même partiellement, de ses obligations d’ordre civil. La décision susmentionnée n’a pas fait l’objet d’un recours. Par la suite, les organes juridictionnels ont en diverses occasions rejeté à nouveau les demandes de libération conditionnelle de l’auteur, parce qu’il ne manifestait ni repentir ni intention d’assumer ses obligations d’ordre civil, et parce que la maladie qu’il invoquait était sans gravité. À aucun moment l’auteur n’a formé un recours en amparo contre ces décisions. L’auteur n’indique pas non plus au Comité les dispositions de la loi qui auraient été violées ni les circonstances concrètes qui pourraient expliquer une violation. Il omet délibérément toute référence aux décisions judiciaires concernant le rejet de ses demandes. Il se contente d’évoquer une décision de l’Audiencia obligeant à présenter une requête, pour justifier le fait de ne pas avoir formé les recours nécessaires. Or cette requête a été présentée et a été rejetée par des décisions motivées en diverses occasions.

7.4En ce qui concerne la violation alléguée du paragraphe 5 de l’article 14, l’auteur se limite à formuler des considérations générales, sans donner de précision sur les preuves dont il parle ni sur les éléments de preuve ou des faits concrets qui n’ont pas pu être réexaminés. En outre, l’arrêt rendu en cassation montre que le tribunal a procédé à un examen approfondi des preuves à charge, pour arriver à la conclusion qu’il existait «des éléments de preuve obtenus conformément à la loi, qui ont été appréciés par la juridiction de jugement sur la base des principes de la logique et de la cohérence, et des règles de l’expérience, appréciation qui est conforme aux compétences que confère à cette juridiction l’article 741 de la loi de procédure pénale». Le tribunal a également examiné plusieurs documents versés au dossier que l’auteur avait cités pour étayer l’allégation selon laquelle l’appréciation des éléments de preuve par l’Audiencia Provincial était erronée.

Commentaires de l ’ auteur sur les observations de l ’ État partie concernant le fond

8.1Dans une note du 12 décembre 2007, l’auteur a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie. Il réaffirme que son maintien en détention de l’âge de 74 à l’âge de 77 ans et 5 mois était arbitraire. Contrairement à ce qu’affirme l’État partie, l’auteur a bel et bien contesté sa peine puisqu’il a formé un pourvoi en cassation et un recours en amparo.

8.2En ce qui concerne la suspension de la peine, l’auteur affirme que l’article 80 du Code pénal autorise la suspension d’une peine sans aucune condition en cas de maladie grave et incurable. D’après les «critères» et la jurisprudence, la vieillesse (70 ans ou plus) est assimilée à une maladie grave. En outre, l’article 92 du Code pénal dispose que peuvent obtenir la liberté conditionnelle les personnes qui ont atteint l’âge de 70 ans ou qui l’atteignent pendant l’exécution de la peine. Cette forme de liberté est donc entièrement subordonnée à la durée de la peine.

8.3Contrairement à ce qu’affirme l’État partie, il n’est pas exact que l’auteur ait obtenu d’être placé en régime de semi‑liberté (troisième degré). Il est entré en prison le 25 avril 2003 et, malgré tous les rapports favorables (psychologue, éducateur, etc.), il a été placé par les autorités du centre pénitentiaire en régime du deuxième degré (régime ordinaire) le 19 juin 2003. La Direction générale des institutions pénitentiaires a confirmé son placement dans cette catégorie le 6 août 2003, mais avec effet à compter du 31 juillet 2003 et non de la date à laquelle le centre avait prononcé le placement, comme le veut la loi. Cette mesure avait pour but de lui appliquer la loi no 7/2003 du 30 juin 2003, qui exige que le détenu se soit acquitté de ses obligations d’ordre civil pour être admis à bénéficier de la liberté conditionnelle.

8.4Pendant son incarcération, le régime pénitentiaire qui lui a été appliqué était le suivant:

Du 25 avril au 23 décembre 2003, prison ferme;

Le 3 décembre 2003, il a obtenu son placement en semi‑liberté (troisième degré), avec permission de sortir une fin de semaine sur deux (du samedi après‑midi au dimanche après‑midi) à compter du 23 décembre;

À partir du 23 janvier 2004, permission de sortie les fins de semaine du vendredi 16 heures au dimanche 22 heures;

Le 2 mars 2004, on lui a accordé vingt‑deux jours de sortie par semestre;

À partir du 20 mai 2004, permission de sortie quotidienne du lundi au vendredi, de 17 h 30 à 21 h 45, et les fins de semaine du samedi 9 heures au lundi 9 heures;

Depuis le 1er décembre 2005, il n’est tenu d’être présent à la prison que de 15 à 21 heures du lundi au vendredi (il ne dort plus à la prison);

Dans une décision du 10 mars 2006, l’Audiencia Provincial de Madrid a décidé, sachant que la fin de la peine était proche et compte tenu de l’âge de l’auteur et son état de santé, et de son degré de dangerosité, qu’il ne serait tenu d’être présent à la prison que de 16 à 18 heures les lundi, mercredi et vendredi;

Le 20 août 2006, l’auteur a recouvré la liberté.

8.5L’auteur conteste l’argument de l’État partie qui affirme que les mesures d’assouplissement lui ont été accordées bien qu’il n’ait pas encore purgé la quatrième partie de sa peine et ne se soit pas acquitté de ses obligations d’ordre civil. Aucune de ces conditions ne figurait dans le Code pénal ni dans la législation pénitentiaire en vigueur à la date de son incarcération ou à la date à laquelle il aurait dû être admis au bénéfice de la libération conditionnelle. La loi organique no 7/2003 a ajouté la condition de l’exécution des obligations d’ordre civil, compte tenu de la situation personnelle et patrimoniale de l’intéressé, et les délits d’une gravité notoire portant préjudice à un nombre important de personnes. Or, en droit pénal, les nouvelles conditions n’ont pas de caractère rétroactif. En outre, le fait qu’il ait été déclaré insolvable au moment où son affaire était au stade de l’instruction n’a pas été pris en compte, pas plus que l’impossibilité dans laquelle il se trouvait d’exercer sa profession par suite de sa radiation du barreau pendant la durée de la peine. Il n’a pas non plus le droit d’être libéré pendant les heures ouvrables, sauf à présenter un contrat de travail. En d’autres termes, l’administration pénitentiaire elle‑même lui refuse la possibilité de s’acquitter de ses obligations d’ordre civil.

8.6L’auteur conteste l’affirmation de l’État partie qui objecte qu’il n’a pas fait recours contre la décision du 5 mai 2004 lui refusant la liberté conditionnelle. Il a saisi le tribunal de surveillance pénitentiaire no 3 et l’Audiencia Provincial pour contester cette décision.

8.7L’article 4.4 du Code pénal dispose que le juge ou le tribunal peut suspendre l’exécution de la peine en attendant qu’il soit statué sur la demande de remise de peine dans les cas où, si la sentence était exécutée, la finalité de la remise de peine pourrait être illusoire. À la même époque (11 avril 2003), ce même tribunal a accordé une suspension de peine de trois ans et quatre mois à deux banquiers parce que, étant donné la nature et la durée de la peine, la remise de peine aurait été illusoire. Or la suspension de peine a été refusée à l’auteur bien qu’il ait présenté une demande de remise de peine.

8.8En ce qui concerne l’affirmation de l’État partie au sujet de l’absence de gravité de la maladie de l’auteur et du bon pronostic concernant sa santé, ces éléments n’apparaissent pas dans la décision du 7 décembre 2005 refusant la liberté conditionnelle. De plus, les tribunaux ont fait mention de son «bon état de santé», sans que les médecins des prisons dans lesquelles il était incarcéré aient formulé un tel diagnostic et sans examen médical préalable. Le 18 mai 2006, dans le cadre d’examens médicaux effectués à la suite d’une thrombophlébite, on lui a découvert un cancer du poumon. L’auteur n’en a pas parlé aux autorités de la prison ni aux tribunaux mais a attendu d’avoir exécuté intégralement sa peine pour se faire opérer, le 1er septembre 2006.

8.9L’auteur réaffirme qu’il a été victime d’une violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte parce qu’il n’y a pas eu réexamen de la déclaration de culpabilité et de la condamnation. De plus, une peine d’amende, qui a été remplacée par quatre mois de prison supplémentaires, lui a été imposée illégalement puisqu’il existait une déclaration d’insolvabilité.

Examen au fond

9.1Le Comité a examiné la présente communication à la lumière de toutes les informations qui lui ont été soumises par les parties.

9.2L’auteur invoque une violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte parce que le Tribunal suprême n’a pas procédé à l’examen complet de la déclaration de culpabilité et de la peine prononcée par l’Audiencia Provincial. Le Comité relève cependant qu’il ressort de l’arrêt du Tribunal suprême que cette juridiction a examiné en détail l’appréciation des preuves effectuée par l’Audiencia Provincial. En conséquence, le Comité ne peut pas conclure que le droit de faire examiner la déclaration de culpabilité et la condamnation par une juridiction supérieure, établi par le paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, a été violé.

9.3Le Comité doit déterminer si les griefs de l’auteur qui fait valoir que l’application rétroactive de la loi no 7/2003 du 31 juillet 2003 l’a empêché d’avoir accès à certains aménagements du régime carcéral, en particulier la liberté conditionnelle, et qu’il a été statué tardivement sur ses demandes de libération conditionnelle pour l’obliger à demeurer en détention pendant toute la durée de la peine, constituent une violation du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte. Le Comité relève qu’il a été donné suite aux diverses demandes adressées par l’auteur aux autorités pénitentiaires et judiciaires et que celui ci a obtenu en conséquence des assouplissements progressifs du régime carcéral. Il a été fait droit à ces demandes conformément à la législation en vigueur, et les décisions judiciaires qui ont été rendues, dont l’auteur même a transmis le texte au Comité, sont motivées. Le Comité ne peut pas conclure, au vu des documents versés au dossier, que le refus d’accorder à l’auteur la liberté conditionnelle ait fait de son incarcération pendant toute la durée de la peine une détention arbitraire au sens du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte.

10.Compte tenu de ce qui précède, le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, est d’avis que les faits dont il est saisi ne font apparaître aucune violation des articles du Pacte.

[Adopté en espagnol (version originale), en anglais et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

APPENDICE

Opinion individuelle (dissidente) de M me Ruth Wedgwood

Dans la présente affaire, l’auteur (qui est avocat) a été condamné à une peine d’emprisonnement en Espagne en 2001 après avoir été reconnu coupable d’escroquerie dans la perception des honoraires. Il s’agit là d’une infraction grave qui porte atteinte à l’intégrité même du système de la justice. Sa condamnation pour escroquerie a été confirmée par le Tribunal suprême espagnol en janvier 2003, saisi de son pourvoi en cassation, et il a commencé à exécuter sa peine de trois ans d’emprisonnement en avril 2003.

L’auteur a fait valoir que l’État partie avait commis une violation de l’article 9 du Pacte en appliquant rétroactivement dans son cas les dispositions restrictives d’une nouvelle législation régissant la libération conditionnelle, adoptée après la date de sa condamnation en première instance et en appel. Les dispositions relatives à la libération conditionnelle (loi no 7/2003), qui sont entrées en vigueur le 1er août 2003, prévoient que la libération conditionnelle ne peut pas être accordée si le condamné ne s’est pas acquitté de ses obligations civiles découlant de l’infraction. L’État partie reconnaît que la libération conditionnelle a été refusée plusieurs fois parce que l’auteur ne s’était pas encore acquitté de ses obligations d’ordre civil. Voir constatations du Comité, paragraphe 7.3.

Même selon les dispositions de la nouvelle loi, le refus d’accorder la libération conditionnelle n’était pas censé être fondé sur un manquement à des obligations d’ordre civil s’il n’était pas tenu compte de la déclaration d’insolvabilité financière du détenu. De plus, tout prisonnier âgé de 70 ans ou plus ne pouvait pas du tout être visé par cette restriction à la mise en liberté conditionnelle. Voir constatations du Comité, paragraphe 2.7. Il semble que l’auteur aurait dû entrer dans la deuxième catégorie puisqu’il a été condamné à une peine d’emprisonnement juste avant son soixante-douzième anniversaire. Voir constatations, paragraphes 1.1 et 2.3. De plus, il fait valoir qu’il a présenté une déclaration d’insolvabilité. Voir constatations, paragraphe 3.1.

Au sujet de ces éléments de fait assez troublants, le Comité relève qu’«il a été donné suite aux diverses demandes adressées par l’auteur aux autorités pénitentiaires et judicaires» et qu’il ne peut pas conclure «que le refus d’accorder à l’auteur la libération conditionnelle ait fait de son incarcération, pendant toute la durée de la peine, une détention arbitraire au sens du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte». Voir constatations, paragraphe 9.3.

Toutefois les peines ne peuvent pas être augmentées rétroactivement au détriment d’un défendeur, après que l’infraction a été commise. Cette interdiction est clairement inscrite dans le paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte. D’après l’État partie l’octroi de la libération conditionnelle relève de l’exercice discrétionnaire de la faculté d’accorder la grâce ou une remise de peine, qui n’entre pas dans le champ d’application du Pacte. Voir constatations, paragraphe 4.3. Or, même à supposer que le pouvoir discrétionnaire d’accorder la grâce ou une remise de peine soit en dehors de la loi, en l’espèce les conditions de la libération conditionnelle sont régies par un texte, et ne relèvent pas de la pure clémence d’un gouverneur ou d’un chef d’État ni du pouvoir exclusivement discrétionnaire d’une commission de probation. De fait le but même de la nouvelle loi qui a été appliquée rétroactivement à l’auteur était d’empêcher tout exercice discrétionnaire du droit de grâce ou de remise en liberté tant que le défendeur ne s’est pas acquitté de ses obligations de caractère civil. En outre l’assouplissement progressif du régime de détention imposé à l’auteur ne suffit pas à régler le problème de l’application ex post facto de dispositions relatives à la libération conditionnelle plus dures. Et si l’État partie objecte que l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles, le Comité a, lui, établi le contraire; voir paragraphe 6.1.

Le conseil de l’auteur n’invoque pas expressément le paragraphe 1 de l’article 15. Mais une peine prononcée en violation de cet article est également «arbitraire» au sens de l’article 9. Le degré d’arbitraire aux fins de l’article 9 n’est pas circonscrit par le droit positif des États parties, et encore moins par une modification rétroactive et lourde de la législation régissant l’octroi de la libération conditionnelle. De plus la décision prise par le Comité dans cette affaire ne doit pas être interprétée, à tort, comme dénotant une certaine indifférence à l’égard de la question plus délicate de l’article 11 du Pacte, qui interdit expressément l’emprisonnement d’un individu «pour la seule raison qu’il n’est pas en mesure d’exécuter une obligation contractuelle». Bien que la jurisprudence du Comité soit pauvre sur la question, il sera peut-être utile un jour d’examiner les dispositions prises dans des affaires pénales pour obtenir le règlement d’une astreinte au regard du libellé de cet article, au moins dans le cas où les faits sont correctement élucidés. Du reste la loi de l’État partie, qui demande aux autorités de probation de tenir compte d’une déclaration bona fide d’insolvabilité, a peut-être été dictée par la même préoccupation.

(Signé) Mme Ruth Wedgwood

[Fait en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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