Nations Unies

CAT/C/CMR/FCO/5

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

1er octobre 2020

Original : français

Anglais et français seulement

Comité contre la torture

Renseignements reçus du Cameroun au sujet de la suite donnée aux observations finales concernant son cinquième rapport périodique *

[Date de réception : 14 juillet 2020]

Rapport de suivi de certaines recommandations formulées à l’endroit du Cameroun par le Comité contre la torture

1.A l’issue de la défense du 5eme Rapport périodique du Cameroun devant le Comité des Nations Unies contre la Torture les 8 et 9 novembre 2017, un dialogue constructif s’est noué entre le Cameroun et le Comité, lequel a débouché sur l’adoption des Observations finales. Le présent Rapport rend compte de la mise en œuvre de certaines préoccupations jugées prioritaires par le Comité qui a souhaité en assurer le suivi avant le dépôt du 6eme Rapport périodique au plus tard le 6 décembre 2021.

2.Elaboré suivant une approche participative avec des contributions émanant tant des acteurs publics et privés que des partenaires, le présent Rapport de suivi couvre la période allant de décembre 2017 à décembre 2018, avec quelques données actualisées. Il a été validé au cours d’un Atelier de vulgarisation des Observations finales du Comité organisé les 19 et 20 février 2019 à Yaoundé.

3.Les préoccupations y relayées et traitées, sont en étroite corrélation avec la situation sécuritaire au Cameroun. Elles concernent singulièrement la lutte contre le groupe terroriste Boko Haram dans la Région de l’Extrême-Nord (Recommandation 12), la crise humanitaire liée à l’afflux des réfugiés et des déplacés dans cette Région (Recommandation 18), la crise sociopolitique dans les Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (Recommandation 20) et le dépôt des instruments de ratification du Protocole facultatif à la Convention contre la Torture et autres Peines ou Traitements cruels, Inhumains et Dégradants (Recommandation 40).

Recommandation 12

Renseignements complémentaires concernant les paragraphes 11 et 12 a) des observations finales (CAT/C/CMR/CO/5)

4.Dans l’optique du respect des engagements internationaux du Cameroun, des instructions ministérielles ont été réitérées à l’endroit des Forces de Défense et de Sécurité sur le principe de l’interdiction absolue de la torture. Dans le sens du renouvellement de ces instructions, le Ministre de la Défense a, dans la Lettre-Circulaire no 190256/DV/MINDEF/01 du 18 janvier 2019 adressée à tous les Services de défense et de sécurité placés sous sa responsabilité, rappelé ce principe en ces termes : « La torture est formellement interdite au Cameroun tel que le consacre le Code Pénal (...) Quiconque commet donc des actes de torture, en donne l’ordre, en est complice ou les autorise tacitement sera tenu personnellement responsable devant la Loi ». Ce rappel a été suivi de prescriptions aux fins :

•D’ouverture d’enquêtes et d’initiation de poursuites contre des auteurs des actes detorture et de mauvais traitements, de détention arbitraire et de décès en détention, y compris ceux occupant des postes de commandement ;

•De cessation des pratiques de détention arbitraire ou de détentions non reconnues officiellement ;

•D’ouverture d’un registre central de personnes arrêtées et détenues consultable par les familles ;

•D’autorisation de l’accès sous contrôle des observateurs des Droits de l’Homme à tous les lieux de privation de liberté.

5.Par la même Lettre-Circulaire, le Ministre de la Défense a également donné des prescriptions spécifiques aux responsables militaires des Régions de l’Extrême-nord, du Nord-ouest et du Sud-ouest à l’effet d’assurer une formation continue et permanente en matière d’usage de la force, en particulier pendant les manifestations, à tous les personnels placés sous leur autorité, conformément aux principes de base des Nations Unies y relatifs.

6.Spécifiquement dans la Région de l’Extrême-Nord, le Ministre a prescrit aux responsables militaires de :

•Ne procéder à aucune expulsion forcée des réfugiés nigérians, conformément au principe de non-refoulement ;

•Garantir des enquêtes efficaces et l’accès aux voies de recours en cas de dénonciation ou plainte pour traitements cruels, inhumains ou dégradants ainsi qu’à des actes d’extorsion de biens par le personnel militaire.

7.Quant aux responsables militaires des Régions du Nord-ouest et du Sud-ouest, ils ont été instruits de veiller à la poursuite et à la sanction effectives des militaires faisant l’objet d’allégations d’usage excessif de la force, d’exécutions extra-judiciaires, de mauvais traitements et d’arrestation arbitraire avec compte rendu périodique à la hiérarchie sur tous les cas traités.

8.En outre, le Secrétaire d’État auprès du Ministre de la Défense chargé de la Gendarmerie Nationale a, par note no 00000153/MRP/GN/244 du 23 janvier 2019, relayé aux Services de la Gendarmerie des instructions allant dans le même sens que celles contenues dans la Lettre-Circulaire du Ministre de la Défense.

Renseignements complémentaires concernant le paragraphe 12 b) des observations finales

9.Pendant la période passée en revue, l’État a réitéré son engagement à lutter contre l’impunité des personnels chargés de l’application de la loi dont les indélicatesses ont été constatées. Les manquements constitutifs d’actes de torture et de mauvais traitements, de détention au secret et de décès en détention ont fait l’objet d’enquêtes et les cas établis, de sanctions à la fois disciplinaires et judiciaires.

10.S’agissant des enquêtes, le Ministre chargé de la Défense a prescrit une fois de plus aux responsables militaires de veiller à ce que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements, d’exécutions extrajudiciaires, de détention arbitraire et de décès en détention imputés à des militaires, donnent rapidement lieu à une enquête efficace et impartiale tel que déjà rappelé supra. Les précédentes instructions de cette nature ont été suivies d’effets, comme l’illustre les cas relayés ci-après.

11.Une enquête a ainsi été ouverte contre le Lieutenant de vaisseau F.E et 6 autres militaires, suspectés d’avoir à krawa mafa (Zeleved), Arrondissement de Mayo-Moskota dans la Région de l’Extrême-Nord, courant avril 2015, avec préméditation causé la mort de 4 personnes dont Dame ZOUMTIGUI DANAKOUA, l’enfant LADA BADINA, une autre dame et un enfant non identifié. A la suite de cette enquête, une information judiciaire a été ouverte contre les sus nommés devant le Tribunal Militaire de Yaoundé et ceux-ci placés sous mandat de détention provisoire. L’affaire est en cours. En 2018, 9 enquêtes ont été ouvertes par la Gendarmerie National pour les cas d’atteintes aux Droits de l’Homme par des Gendarmes. A la fin de l’année, 1 décision était rendue, 5 en cours de jugement et 3 en information judiciaire. Dans la plupart de ces procédures, les inculpés ou les accusés sont sous mandat de détention provisoire.

12.Des sanctions disciplinaires ont été infligées à 13 Fonctionnaires de Police indélicats dont les grades vont de Commissaire de Police à Gardien de la Paix en 2017. Les manquements qui leur étaient reprochés sont constitutifs notamment des faits d’arrestation et séquestration, violences et voies de fait. Les sanctions vont des mises à pied (2) et blâmes avec inscription au dossier (6) aux retards, radiations au tableau d’avancement (3) et abaissements de grade (3) ainsi qu’une révocation (1). Ainsi, 1 Commissaire de Police, 7 Officiers de Police, 5 Inspecteurs de Police et 1 Gardien de la Paix ont reçu diverses sanctions disciplinaires en 2017 et 18 autres Fonctionnaires de ce corps attendent encore les verdicts dans les procédures engagées à leur encontre.

13.Certains personnels de l’Administration Pénitentiaire ont également été sanctionnés en 2017 notamment pour des faits de traitements inhumains des détenus. Ces manquements ont été retenus à l’encontre de 84 personnels dont 1 Intendant des Prisons et les sanctions infligées étaient généralement des mises à pied et des blâmes avec inscription au dossier.

14.Enfin, des sanctions disciplinaires ont été prononcées à l’encontre de 75 éléments des Forces de défense et Sécurité pour arrestation arbitraire, torture et violences.

15.S’agissant des sanctions judiciaires, 75 éléments des Forces de défense ont été traduits en 2017 devant les juridictions pour diverses infractions (arrestations et séquestrations, torture, violences et voies de faits) et 5 ont été condamnés à des peines d’emprisonnement et d’amende. Pour illustrer, on peut citer le Jugement no 060/17 du 30 novembre 2017 par lequel le Tribunal Militaire de Bertoua a déclaré le Soldat de lère classe Z.E. coupable de violation de consignes et de torture, l’a admis au bénéfice des circonstances atténuantes et l’a condamné à 7 mois d’emprisonnement et 50 000 FCFA d’amende.

16.Pour ce qui est de la Police, on peut citer le cas du nommé Ibrahim Bello interpellé puis gardé à vue le 5 février 2017 dans la ville d’Ombessa située dans la Région du Centre pour tentative de vol. Les premières conclusions de l’enquête ouverte contre les fonctionnaires de Police impliqués ont établi, au plan professionnel, la négligence du Chef de Poste qui a décidé de la garde- à-vue d’Ibrahim Bello en dépit de son état physique présentant des traces de violences, au niveau des mains et des jambes, infligées par la population de cette localité. Au plan administratif, un Officier de Police et un Inspecteur de Police ont été suspendus de leurs fonctions et des procédures disciplinaires subséquentes engagées contre eux pour indélicatesse portant atteinte à la considération de la Police et voies de fait sur un gardé à vue. Au plan judiciaire, une information a été ouverte contre l’Officier de Police et l’inspecteur de Police suspectés d’avoir porté des coups à la victime, et ce dernier placé sous mandat de détention provisoire le 16 mai 2017. L’information a été clôturée le 18 septembre 2018 par une Ordonnance renvoyant les inculpés devant le Tribunal de Grande Instance du Mbam et Inoubou pour répondre des charges de torture en coaction et blessures graves en coaction. Cette affaire qui était en cours de jugement avait été renvoyée au 6 mars 2019.

17.Relativement à la réparation adéquate à allouer aux victimes, l’article 75 du Code de Procédure Pénale offre le droit à réparation à travers la constitution de partie civile. Ainsi dans l’affaire MP et ayants-droit de ADE TATEH contre KMB et autres, le Tribunal de Grande Instance du Mfoundi a déclaré l’accusé coupable de torture, d’arrestation et séquestration, l’a condamné à 6 ans d’emprisonnement et à 200 000 FCFA d’amende et à payer à la victime 7 300 000 FCFA de dommages et intérêts.

18.Quant aux décès en détention, l’examen des cas enregistrés au cours de la période de décembre 2017 à décembre 2018 révèle après investigation, que la plupart de ces décès ont pour cause la maladie. Ainsi en 2018, on a dénombré 86 cas de décès dans les prisons dus à des affections diverses, parmi lesquelles des affections cardiaques et pulmonaires, l’immuno-dépression, la gastro-entérite et la tuberculose.

19.Dans les cas de mort suspecte, des enquêtes ont été ouvertes. Tel a été le cas du nommé NSEKA AB ASS Y, gardé à vue à la Brigade de Gendarmerie de Buéa pour les faits de trafic de stupéfiants, décédé le 18 juillet 2018. C’est aussi le cas de TIENTCHEU Laurent, décédé le 8 août 2018 à la Prison Principale de Kumba où il était détenu pour les faits d’assassinat.

20.En outre, une enquête a été ouverte et le Commandant de la Brigade de Gendarmerie de Mbanga relevé de ses fonctions, à la suite du décès en garde à vue du nommé TCHÜIDJAN Ludovic, survenu le 13 juin 2018.

Renseignements complémentaires concernant le paragraphe 12 c) des observations finales

21.L’État a pris note de la recommandation et c’est dans ce sens que se situe la Lettre-circulaire susvisée du Ministre de la Défense.

22.A ce titre, l’État réitère que dans le cadre de la lutte contre le groupe terroriste Boko Haram, les personnes interpellées sur le théâtre des opérations militaires ou postérieurement à ces opérations sont mises à la disposition des autorités de la chaîne judiciaire pour l’ouverture des enquêtes et des poursuites devant les juridictions compétentes.

23.Les personnes placées en détention dans le cadre de ces poursuites sont détenues soit à la Prison Centrale de Maroua, soit à la Prison Secondaire de Yaoundé et ou encore à la Prison Centrale de Garoua. Celles-ci font parties des 78 Prisons fonctionnelles que le Cameroun comptait entre décembre 2017 et décembre 2018.

24.Au demeurant, les allégations de détention au secret concernent quelquefois la situation des personnes interpellées et transférées des Régions vers le Tribunal militaire de Yaoundé qui a, suivant les dispositions de l’article 4 de la loi no 2017/012 du 12 juillet 2017 portant Code de Justice Militaire, une compétence nationale pour connaître de certaines infractions. Les proches, sans se donner la peine de rechercher l’information auprès des autorités compétentes, préfèrent conclure à la détention au secret.

25.Par ailleurs, le Cameroun a choisi de confier le mandat de Mécanisme National de Prévention de la torture dans les lieux de privation de libertés à la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés, tandis que des modifications législatives sont en cours afin de lui permettre d’exécuter cette nouvelle mission. Au demeurant, le MNP aura la latitude d’accéder à tous les lieux de privation de libertés, tels que définis par l’OPCAT.

Renseignements complémentaires concernant le paragraphe 12 d) des observations finales

26.Comme rappelé dans le Rapport de l’État partie, le régime pénitentiaire prescrit la tenue des registres contenant des données relatives à la personne détenue, notamment son identité, la date de son incarcération, les motifs et surtout le nom du pénitencier dans lequel elle est détenue.

27.Ainsi, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les personnes détenues ont été régulièrement enregistrées dans les registres prévus dans chaque pénitencier.

28.Dans les unités de police et de Gendarmerie, est tenu un registre de garde à vue qui renseigne le public sur l’état des gardés à vue. En plus de ce registre, il existe aussi un babillard qui porte les noms des gardés à vue.

Renseignements complémentaires concernant le paragraphe 12 e) des observations finales

29.L’accès aux lieux de détention est généralement garanti aux Observateurs des Droits de l’Homme conformément aux lois en vigueur. Ainsi, la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés, le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) et des Organisations non-Gouvernementales actives dans la défense des Droits de l’Homme ont été autorisés à visiter des lieux de détention, notamment les cellules de prisons, de police et de la gendarmerie.

30.De janvier à août 2017, la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés a visité 48 lieux de détention parmi lesquels 19 prisons à travers le territoire national. De plus, entre le 5 et le 7 septembre 2017, elle a visité des lieux de détention à Bertoua, Doumé et Abong-Mbang dans la Région de l’Est. De janvier à octobre 2018, la CNDHL a visité 19 prisons et 75 chambres de sûreté. La Commission déplore le fait que les ressources financières limitées et les tensions sociales dans certaines Régions l’aient empêchée de visiter certaines prisons.

31.Il importe de souligner que les préoccupations soulevées par la CNDHL ont fait l’objet d’un examen attentif par les autorités dans le cadre d’un dialogue avec cette institution, qui a ainsi eu accès dans les conditions prévues par la loi, aux lieux de détention ciblés. Au demeurant, le mandat de MNP qui lui a été confié lui donnera une plus grande marge d’action dans ce sens.

32.Le CICR et des OSC ont également été autorisés à accéder à des lieux de détention. Ainsi, entre octobre 2017 et avril 2018, le CICR a visité 17 lieux de détention. Ces visites ont été assorties d’un Programme d’assistance médicale et nutritionnelle mis en œuvre dans 4 Prisons, notamment à Maroua, Bertoua, Garoua et Kousseri.

Renseignements complémentaires concernant les paragraphes 17 et 18 a) des observations finales

33.En raison des crises socio-politiques dans les pays voisins et des exactions du Groupe terroriste Boko Haram, le Cameroun a accueilli et continue d’accueillir sur son territoire des mouvements massifs et sans cesse croissants des réfugiés et des personnes déplacées internes dans les Régions de l’Est, de l’Adamaoua, et du Nord et de l’Extrême Nord du pays.

34.À la fin de l’année 2016, le nombre de réfugiés était ainsi estimé à environ 375 000 personnes contre environ 340 000 personnes en 2015, dont 88 706 Nigérians. Le seul Camp de Minawao abritait ainsi environ 60 000 réfugiés Nigérians, les autres étant hébergés dans les communautés locales. En décembre 2017, le nombre de réfugiés est passé à 337 398 personnes avec 85 140 nigérians dont plus de 60 000 vivant à Minawao.

35.L’accueil de ce grand nombre de réfugiés ainsi que leur installation aussi bien dans des camps qu’au sein des communautés locales sont révélatrices de la tradition d’hospitalité du Cameroun qui expose d’importantes ressources dans le cadre de la gestion de ces réfugiés et le financement de cette prise en charge n’est pas toujours aisé.

36.Dans le cadre de l’option du retour volontaire, un accord tripartite entre le Cameroun, le Nigeria et le HCR a été signé le 2 mars 2017. Des retours volontaires des réfugiés nigérians ont été observés, ces derniers ayant quitté le Camp de Minawao pour un retour dans leurs zones d’origine, notamment à Banki et Pulka. Le Cameroun coopère avec toutes les parties prenantes pour la mise en œuvre de cet Accord et continuera d’honorer ses engagements à ce titre. Toutes ces actions mettent en exergue la volonté manifeste de l’État partie de respecter le principe de non- refoulement.

37.A cet égard, dans la Lettre-Circulaire no 190256/DV/MINDEF/01 en date du 18 janvier 2019 adressée à tous les Services de défense et de sécurité placés sous sa responsabilité, le Ministre de la Défense a d’ailleurs instruit sans équivoque les responsables militaires de l’Extrême-Nord de donner des instructions claires au personnel militaire y déployé, de ne procéder à aucune expulsion forcée des nigérians en violation du principe du non-refoulement.

Renseignements complémentaires concernant le paragraphe 18 b) des observations finales

38.Les Réfugiés et demandeurs d’asile bénéficient des mêmes droits que les nationaux. Dans ce cadre, ils sont soumis aux lois internes et peuvent être poursuivis en cas de violation desdites lois, de même qu’ils jouissent de la possibilité de saisir les juridictions en cas de violation de leurs droits et d’avoir un procès équitable.

39.Pour garantir la protection des réfugiés et demandeurs d’asile contre les traitements cruels, inhumains ou dégradants, des enquêtes sont ouvertes lorsque des atteintes sont portées contre leurs droits.

40.Concernant les voies de recours, une assistance juridique est apportée en cas de besoin aux réfugiés et demandeurs d’asile. Un accord a été signé en 2017 à cet effet entre le HCR et un cabinet d’avocats pour l’assistance judiciaire aux réfugiés, demandeurs d’asile et déplacés internes en conflit avec la loi.

Renseignements complémentaires concernant le paragraphe 12 c) des observations finales

41.L’enregistrement et l’identification des requérants d’asile au Cameroun est de la responsabilité première de l’État. De ce fait, il procède depuis des années à travers la Délégation Générale à la Sûreté Nationale, à l’enregistrement des personnes entrant sur son territoire et à leur protection durant leur séjour. Dans le même ordre d’idées, le Secrétariat Technique assistant la Commission d’éligibilité au statut des réfugiés et la Commission des Recours des réfugiés a été mis en place au Ministère des Relations Extérieures. Il travaille en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR). De même, le HCR a procédé à des enregistrements. A titre illustratif, du 1er au 31 octobre 2018 au niveau du Centre de transit de Gourouguel dans la Région de l’Extrême-Nord, 9 033 nouveaux demandeurs d’asile installés dans le Site de Minawao ont été enregistrés. Au mois de novembre 2018, le HCR a débuté l’enregistrement biométrique de ceux qui vivent hors de ce Site, notamment dans le Département du Logone et Chari, enregistrant ainsi 44 830 réfugiés.

Renseignements complémentaires concernant le paragraphe 18 d) des observations finales

42.Pour répondre de façon adéquate à la crise humanitaire dans les Régions de l’Extrême-nord, de l’Adamaoua, de l’Est et du Nord et réserver un accueil en adéquation avec les principes d’humanité à ces réfugiés, des sessions de renforcement des capacités ont été organisées au profit des policiers, militaires et agents frontaliers par les autorités nationales avec l’appui du HCR, d’ONU Femmes et du CICR. Les modules développés au cours de ces formations étaient articulés sur le droit des réfugiés, le cadre juridique national de protection des réfugiés, l’acquisition et la perte du statut de réfugié, les procédures d’asile, le principe du non-refoulement, la protection des femmes et des enfants contre la violence en contexte de crise humanitaire.

43.Entre février 2017 et décembre 2017, environ 400 personnels de la Sûreté nationale (policiers) ont été formés à la protection des réfugiés contre la violence, y compris sur les règles et procédures d’asile au cours des sessions de formation organisées par ONU Femmes.

44.En 2018, le HCR a procédé à la formation de 100 éléments des forces de défense et de sécurité ainsi que des agents des différents postes frontières basés dans la Région de l’Extrême-Nord sur la protection des personnes relevant de la compétence du HCR, le rôle des FMO et des FDS dans la sécurisation des camps et sites d’installations ainsi que sur le caractère civil et humanitaire de l’asile et des camps.

45.Le HCR a sensibilisé et formé 120 éléments des FMO et des FDS travaillant dans et autour des camps de Minawao sur les différents documents de protection des réfugiés et sur les instruments juridiques de protection des réfugiés.

46.Dans la même lancée, 80 acteurs membres de la coordination civilo-militaire ont été formés et outillés sur les éléments de la protection internationale et le caractère civil de l’asile, des sites d’installation et des camps au cours des mois de mai et octobre 2018 dans la ville de Maroua.

Renseignements complémentaires concernant le paragraphe 18 e) des observations finales

47.Au-delà de l’intervention humanitaire, la politique gouvernementale en vise également à autonomiser les réfugiés. C’est dans ce sens qu’un Comité Interministériel Ad hoc a été mis sur pied par le Chef de l’État par arrêté no 269 du 13 mars 2014. Ce Comité est chargé d’examiner les défis humanitaires, socio-économiques, sanitaires et sécuritaires, ainsi que les préoccupations légitimes quant à l’accueil des communautés, afin de proposer des mesures appropriées au Gouvernement.

48.Le 27 septembre 2017, le Gouvernement et le HCR ont validé une stratégie de protection pluriannuelle et multipartenaires pour la période de 2017 à 2020 basée sur 5 objectifs parmi lesquels la fermeture progressive des camps de réfugiés dans les communautés. Cette stratégie vise à réduire progressivement le confinement des réfugiés dans les camps vers leur intégration dans les communautés, afin de lutter contre la stigmatisation.

49.S’agissant du camp de Minawao qui abritait 60 000 réfugiés en 2016, le Gouvernement et ses partenaires ont continué à œuvrer pour l’amélioration des conditions de vie à travers l’autonomisation des réfugiés. Cette approche, en établissant un lien entre l’aide humanitaire et le développement, s’assure que les communautés hôtes ne sont pas désavantagées.

50.Ainsi, des activités génératrices de revenus ont été encouragées par certains chefs de communautés hôtes en 2017 à travers la distribution de parcelles de terre pour l’agriculture et l’élevage. Par ailleurs, 100 bénéficiaires, dont 60 réfugiés et 40 membres des communautés hôtes répartis en 5 groupes ont reçu une aide du Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural (MINADER) et du HCR pour des activités agricoles telles que la culture du maïs. Par ailleurs, 495 bénéficiaires directs répartis en 95 groupes de 5 personnes, y compris des réfugiés et membres et de communautés hôtes, ont reçu une aide du HCR pour le petit commerce dans le cadre du projet d’autonomisation à travers des activités génératrices de revenus mises sur pied par Plan Cameroon . De plus, ONU FEMMES a offert des foyers améliorés et des bâtiments d’une valeur de 100 000 000 FCFA aux réfugiés du site.

51.La situation sanitaire au camp de Minawao a été améliorée à partir de 2015. Afin de réduire les maladies liées à l’accès limité à l’eau et à l’assainissement telles que le choléra, l’approvisionnement en eau a été amélioré. Le réseau a été étendu de 4 km avec la construction de 10 points d’eau supplémentaires et l’installation d’une citerne de 70 m3. Les sources d’approvisionnement en eau potable (32 puits aménagés et 36 robinets) installées dans le camp par les partenaires du HCR ont permis de produire en moyenne 835 m3 d’eau par jour, soit 14 litres par personne et par jour. Ces points d’eau ont permis une couverture moyenne de 1 066 personnes par point d’eau. De plus, la construction du point d’approvisionnement en eau potable de Mokolo-Minawao a été achevée en 2017.

Renseignements complémentaires concernant les paragraphes 19 et 20 a) des observations finales

52.Depuis 2016, le Cameroun connaît dans ses Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, des perturbations sociopolitiques. Cette situation est partie des revendications corporatistes des Avocats et des Enseignants, auxquelles le Gouvernement, par la voie de la concertation et du dialogue avec les organisations syndicales concernées, a apporté des réponses appropriées.

53.Contre toute attente, les revendications corporatistes se sont muées peu à peu en des revendications politiques, pour culminer sur l’exigence de la sécession de l’État.

54.Le bilan de la crise à la fin de l’année 2018 révèle que les pertes s’observent aussi bien chez les civils que les personnels des Forces de défense et de sécurité. Le bilan matériel comprend les destructions de propriétés privées et édifices publics. Par ailleurs, la crise observée dans ces Régions a occasionné des déplacements des populations à l’intérieur du pays et vers le Nigéria, plus précisément dans les États de Cross River et de Benue où sont réfugiés près de 7 200 camerounais.

55.Face à cette situation, l’État a dû intervenir pour préserver l’intégrité du territoire, protéger les personnes et les biens, dans le respect de ses engagements internationaux. Ainsi, des écarts de comportement des FDS font l’objet de sanctions disciplinaires et judiciaires. À titre illustratif :

•Les nommés D. Kévin, K. Eric, S.M. Franz, A. G. Ebenezer et B. Martial Hervé, tous gendarmes ont fait l’objet de poursuites devant le Tribunal Militaire de Buea pour les faits de torture, mauvais traitements commis le 12 mai 2018 dans la localité de Nkongle (Département du Lebialem), au préjudice du nommé Tsobonyi Alphonse Tatia, alias «Title man», alias «Général», un des leaders de la branche armée des sécessionnistes impliqué dans les cas d’enlèvement des populations civiles et d’assassinat des personnels des Forces de Défense et de Sécurité ; par Jugement no 006/19 du 22 janvier 2019, ils ont été déclarés coupables de violation de consignes et torture et condamnés à 3 ans d’emprisonnement avec sursis pendant 3 ans ;

•A la suite d’allégations d’usage abusif d’armes à feu ayant entraîné une mort d’homme au cours d’une opération d’interpellation des cultivateurs de chanvre indien le 4 septembre 2017, dans le village Kifen (Département du Bui), conduite par les éléments de la Compagnie de gendarmerie de Bui, le Commandant de cette unité a été relevé de ses fonctions et traduit avec ses éléments devant le Tribunal Militaire de Bamenda ;

•Le 25 juin 2018, un Sous-officier en service au Régiment d’Artillerie Sol-Sol de Nkongsamba (Département du Moungo), suspecté d’abus sexuel sur une jeune femme à Tombel (Département de Kupe-Muanenguba) lieu de son déploiement a été traduit au Tribunal Militaire de Yaoundé, où la procédure judiciaire suit son cours ;

•Des poursuites ont été engagées contre le Soldat de 1ere Classe M. Arthurà la suite des viols dont il était suspecté au préjudice d’une jeune fille âgée de 17 ans dans la localité de NKWEN, Bamenda. Le susnommé, au cours d’un contrôle de routine, avait contraint la victime, dépourvue de carte nationale d’identité, à entretenir des rapports sexuels avec lui à défaut d’être retenue par la patrouille. Il a été placé sous mandat de détention provisoire en attendant l’issue de son procès devant le Tribunal Militaire de Bamenda.

Renseignements complémentaires concernant le paragraphe 20 b) des observations finales

56.Des efforts sont faits pour que les personnes en détention comparaissent promptement devant les tribunaux. En vertu de l’article 122 de la loi no 2005/007 portant Code de Procédure Pénale, les personnes en détention sont informées des faits qui leur sont reprochés et comparaître devant un tribunal le plus tôt possible. Parfois, la complexité d’une affaire peut entraîner un retard dans la comparution d’un détenu devant un tribunal.

57.Pour protéger les droits des justiciables, des interprètes sont commis pour ceux qui ne comprennent par la langue du tribunal. Dans le cas de détenus, ceci leur permet de comprendre la nature des charges qui pèsent contre eux, ainsi que les débats tout au long du procès.

58.Dans certains lieux de détention, les informations concernant la procédure d’arrestation et d’enquêtes sont affichées, ce qui peut permettre au détenu de comprendre si son arrestation a été abusive. Les personnes qui considèrent que leur arrestation est abusive ont le droit de faire une requête en habeas corpus conformément aux articles 584 à 588 du Code de Procédure Pénale.

59.De plus, toute victime de détention abusive peut saisir la Commission d’indemnisation en raison d’une détention provisoire ou d’une garde à vue abusive qui est opérationnelle prévue à l’article 237 du Code de Procédure Pénale. Cette Commission est opérationnelle.

60.Des mesures correctives ont été prises par les autorités compétentes dans des cas de détention anormalement longues, comme celles de ANOL Basile Etienne et EKANGA 1,détenus à la Prison Centrale de Douala respectivement depuis le 31 octobre 2013 et le 22 décembre 2016.

Renseignements complémentaires concernant le paragraphe 20 c) des observations finales

61.Le droit de manifester pacifiquement est garanti par la loi no 90/053 du 19 décembre 1990 portant régime des manifestations et réunions publiques. La loi no 2014/028 du 23 décembre 2014 portant répression des actes de terrorisme n’a pas été adoptée pour limiter l’exercice des libertés publiques mais, pour sanctionner les actes de terrorisme qui y sont définis.

62.En effet, sont réputés aux termes de l’article 2 (1) de la loi susvisée, acte de terrorisme : « tout acte ou menace d’acte susceptible de causer la mort, de mettre en danger l’intégrité physique, d’occasionner des dommages corporels ou matériels, des dommages aux ressources naturelles, à l ’environnement ou au patrimoine culturel dans l’intention :

a)D’intimider la population, de provoquer une situation de terreur ou de contraindre la victime, le gouvernement et /ou une organisation nationale ou internationale, à accomplir ou s ’abstenir d’accomplir un acte quelconque, adopter ou à renoncer à une position ou à agir selon certains principes ;

b)De perturber le fonctionnement normal des services publics, la prestation des services essentiels aux populations ou de créer une situation de crise au sein des populations ;

c)De créer une insurrection générale dans le pays. ».

Cette loi reconnaît aux Tribunaux militaires, la compétence pour connaître des actes de terrorisme.

63.Pour ce qui est de la crise dans les Régions du Sud-ouest et du Nord-ouest, alors qu’il s’agissait au départ de revendications corporatistes de syndicats d’Avocats et d’Enseignants d’expression anglaise, la situation s’est muée en revendication sécessionniste armée avec des actes tombant sous la qualification de la loi susmentionnée. C’est ainsi que des bandes armées se sont formées pour s’attaquer aux forces de sécurité, aux personnes et aux biens. La situation sécuritaire s’est rapidement détériorée dans les deux régions susmentionnées du fait des exactions commises par ces manifestants : assassinats ciblés et meurtres des élèves et des enseignants aspirants à exercer leur droit à l’éducation ; destructions et incendies des biens, pillage en bande, viols et prises d’otage contre demande de rançon, représailles contre les populations et les forces de sécurité et de défense. En clair, l’on a assisté à des actes graves de terrorisme et à la criminalité organisée. Au 11 juillet 2018, l’on comptait 109 personnels des forces de défenses et de sécurité assassinés, une centaine d’établissements scolaires incendiés, 5 palais de justice détruits, des centaines de maisons détruites, des prisons détruites, une centaine d’armes de guerre emportés.

64.Le Gouvernement, garant de la sécurité des personnes et des biens ainsi que de l’intégrité du territoire a dû intervenir pour rétablir l’ordre et la sécurité aux personnes et à leurs biens ainsi que celles des institutions. Les personnes interpellées ont été traduites en justice, conformément au cadre légal en vigueur et poursuivies devant les Tribunaux militaires pour ceux ayant commis des actes de terrorisme et devant les Tribunaux civils pour les autres. En tout état de cause, les procédures à l’égard de ces personnes ont été conduites en toute équité et dans le respect de leurs droits.

65.Au 10 juillet 2018, 965 personnes étaient poursuivies devant les Tribunaux militaires pour un total de 343 dossiers de procédure. À cette date, 114 dossiers avaient déjà connu un jugement dont 30 acquittements.

Renseignements complémentaires concernant le paragraphe 20 d) des observations finales

66.Au Cameroun, le maintien de l’ordre est assuré par les forces de maintien de l’ordre composées des forces de première et de deuxième catégorie que sont les Agents de la police et ceux de la Gendarmerie Nationale. En tout état de cause, ces forces sont placées sous l’autorité des autorités administratives qui sont habilitées à les requérir en cas de trouble à l’ordre public.

67.Ces forces de maintien de l’ordre reçoivent tant au cours de leur formation initiale que de leur formation continue des connaissances relatives à l’encadrement des réunions et manifestations et sur l’usage de la force.

68.En vertu de la loi no 90/54 du 19 décembre 1990 relative au maintien de l’ordre, l’usage des armes est interdit dans les opérations courantes de maintien de l’ordre. Néanmoins l’usage des armes peut intervenir sur réquisition expresse de l’autorité administrative dans les cas suivants, si les forces de maintien de l’ordre ne peuvent se défendre autrement :

•Lorsque les violences et voies de fait graves et généralisées sont exercées contre les éléments de maintien de l’ordre ;

•En cas d’usage d’armes à feu contre les forces de maintien de l’ordre.

Renseignements complémentaires concernant les paragraphes 39 et 40 des observations finales

69.Le Cameroun a signé le protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture le 15 décembre 2009. La procédure de dépôt des instruments de ratification suit son cours.

70.L’option a été prise de confier le mandat du Mécanisme national de prévention de la torture prévu par le Protocole à la Convention contre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants à la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés (CNDHL). Cette procédure de mise en place du susdit mécanisme est en cours concomitamment avec la révision de la loi organique de la CNDHL.

71.En dépit des contraintes sécuritaires auxquelles il fait face, notamment la lutte contre le groupe terroriste Boko Haram et le mouvement sécessionniste armé dans ses Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, le Cameroun est résolu à préserver la sécurité des personnes et des biens, et l’intégrité de son territoire. Dans cette quête légitime, le Cameroun n’entend toutefois pas réduire ses efforts orientés vers la promotion et la protection des Droits de l’Homme en général, et la lutte contre la torture et les autres mauvais traitements en particulier. Cette volonté reste intacte, qu’il s’agisse de la lutte contre l’impunité des personnels des forces de défense et de sécurité, ou encore de la perpétuation de sa traditionnelle hospitalité au profit des personnes victimes de déplacements involontaires. Ce sont là des questions d’humanité dont le fardeau de la prise en charge dépasse quelquefois ses moyens, d’où l’appel à plus de solidarité.