Nations Unies

CEDAW/C/URY/CO/7/Add.1

Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes

Distr. générale

1er février 2012

Français

Original: espagnol

Anglais, espagnol et français seulement

Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

Cinquante et unième session

13 février-2 mars 2012

Observations finales du Comité pour l’éliminationde la discrimination à l’égard des femmes

Uruguay

Additif

Renseignements communiqués par l’Uruguay sur la suite donnéeaux observations finales du Comité (CEDAW/C/URY/CO/7) *

Renseignements communiqués par l’Uruguaysur la suite donnée aux observations finales du Comité (CEDAW/C/URY/CO/7)

A.Suite donnée aux recommandations formulées au paragraphe 15

1.Participation des femmes à la vie publique

1.Il a été adopté en mars 2009 la loi no 18476 qui établit dans son article premier que «la participation équitable de personnes des deux sexes dans la composition du pouvoir législatif, des bureaux des gouverneurs, des conseils départementaux, des conseils locaux autonomes élus, des commissions électorales et des organes de direction des partis politiques» est dans l’intérêt général. La loi ne prévoit néanmoins l’obligation d’inclure des personnes des deux sexes dans les listes électorales que pour l’élection des instances délibérantes nationales et départementales de 2009. «Dans toute élection au premier degré pour la formation des autorités nationales et départementales, il faut inclure, dans toutes les listes correspondantes, des personnes des deux sexes, pour chaque liste restreinte de trois candidats, titulaires et suppléants, parmi l’ensemble de la liste présentée.». L’obligation de faire figurer des personnes des deux sexes dans chaque liste restreinte s’appliquera aux prochaines élections nationales et départementales (2014-2015).

2.Cette disposition a donné lieu à diverses interprétations qui ont conduit à l’adoption en mai 2009 de la loi no 18487, assurant la participation des femmes dans chaque liste restreinte de candidats. Elle dispose ce qui suit:

Article premier − Il est déclaré aux fins des articles 1er et 2 de la loi no 18476, du 3 avril 2009, que les listes mentionnées à la fin desdits articles renvoient aux modalités d’organisation applicables à chaque système de suppléants conformément à ce que prévoit la loi no 7812, du 16 janvier 1925, tel que repris dans la loi no 17113, du 9 juin 1999.

Le système préférentiel pour les suppléants relève des dispositions des articles cités, avec des représentants des deux sexes sur chaque liste restreinte successive de trois candidats venant de la liste des candidats et, puisqu’il s’agit d’un système de suppléants en ordre successif, en incluant ces listes restreintes de trois personnes dans chacune des deux listes de candidats titulaires et de suppléants.

Il est entendu aux mêmes fins que dans le système de suppléants respectifs, les listes des candidats titulaires et celles des suppléants sont indépendantes les unes des autres pour la constitution des listes restreintes pertinentes et ne peuvent pas être considérées ensemble à ces fins. Les listes restreintes composées de candidats des deux sexes comprendront d’un côté la liste des titulaires et de l’autre celle des suppléants.

En cas de système mixte, les règles du système concerné prévaudront.

Article 2 − Il est considéré que les listes restreintes de candidats, titulaires et suppléants sont celles constituées chacune de trois candidats à partir de chacune des listes conformément aux dispositions de l’article premier de la présente loi.

3.Si cette loi fixant des quotas doit être considérée comme une avancée puisque c’est la première fois qu’est obtenu un accord politique sur une mesure volontariste de ce type, le Gouvernement uruguayen est conscient des lacunes de la loi. En effet, la loi ne fixe pas la place des femmes, qu’il s’agisse des titulaires ou des suppléantes, de sorte qu’il n’y a guère de chances de voir augmenter de façon substantielle le nombre des femmes dans ces situations. Comme en outre la loi mentionne uniquement les élections de 2014, nous sommes clairement devant une mesure transitoire. À l’issue des élections législatives de 2009, 14,6 % des sièges sont allés à des femmes, ce qui reflète un relatif progrès, même si le chiffre reste bas pour le pays.

4.En 2010 et pour la première fois dans l’histoire du pays, trois femmes ont été élues à de hautes fonctions dans des gouvernements départementaux (charges de gouverneur). Cela a représenté une réelle avancée pour les femmes engagées en politique et une satisfaction, car les intéressées exercent ces charges aussi bien dans la capitale du pays qu’en province et appartiennent à différents partis.

5.Ces élections départementales ont également inauguré le troisième niveau de gouvernement en Uruguay, celui des mairies ou municipalités. Sur un total de 89 mairies, 22 femmes ont été élues maires, soit 25 % du total. Dans les organes législatifs départementaux (conseils départementaux), il n’y a pas eu de progrès substantiel puisque la proportion des femmes parmi les 589 élus départementaux est passée de 17,1 % à tout juste 17,8 %.

Indicateurs de la participation des femmes à la vie politique en Uruguay

Résultats des élections nationales de 2009

Évolution en pourcentage de la représentation féminine au Parlement (titulaires)

1984

1989

1994

2000

2005

2009

Députés*

0

6,1

7,1

12,1

11,1

15,1

Sénateurs**

0

0

6,5

9,7

9,7

12,9

Ensemble du Parlement***

0

4,6

6,9

11,5

10,8

14,6

Source : Système de données par sexe INMUJERES , sur la base des informations du tribunal électoral.

Note : *Total des députés: 99 **Total des sénateurs: 31 ***Total des parlementaires: 130.

Résultats des élections départementales et municipales de 2010

Évolution en pourcentage de la représentation féminine dans les conseils départementaux

1984

1989

1994

2000

2005

2010

Artigas

6,5

9,7

19,4

19,4

16,1

12,9

Canelones

0,0

0,0

6,5

19,4

12,9

9,7

Cerro Largo

3,2

12,9

16,1

25,8

22,6

22,6

Colonia

6,5

6,5

3,2

6,5

3,2

6,5

Durazno

12,9

12,9

12,9

12,9

29,0

25,8

Flores

6,5

9,7

16,1

25,8

25,8

35

Florida

0,0

6,5

12,9

16,1

12,9

16,1

Lavalleja

6,5

22,6

25,8

12,9

9,7

16,1

Maldonado

0,0

6,5

12,9

16,1

16,1

22,6

Montevideo

9,7

22,6

22,6

29,0

22,6

32,3

Paysandú

9,7

19,4

16,1

12,9

19,4

12,9

Rio Negro

9,7

16,1

29,0

22,6

19,4

19,4

Rivera

6,5

9,7

12,9

12,9

9,7

22,6

Rocha

3,2

3,2

6,5

6,5

29,0

22,6

Salto

3,2

3,2

3,2

3,2

3,2

6,5

San José

0,0

6,5

9,7

16,1

16,1

6,5

Soriano

6,5

0,0

6,5

6,5

9,7

22,6

Tacuarembó

3,2

16,1

6,5

3,2

19,4

6,5

Treinta y Tres

6,5

16,1

25,8

22,6

29,0

19,4

Total

5,3

10,5

13,9

15,3

17,1

17,8

Source : Système de données par sexe INMUJERES , sur la base des informations du tribunal électoral - bureaux des gouverneurs et conseils départementaux.

Note : Total des édiles par département: 31.

Nombre de femmes maires par département − 2010

Nombre de femmes maires par département

Nombre total de mairies

Pourcentage

Artigas

1

3

33,3

Canelones

8

29

27,6

Cerro Largo

1

2

50,0

Colonia

2

6

33,3

Durazno

0

2

0,0

Flores

1

1

100

Florida

1

2

50,0

Lavalleja

0

2

0,0

Maldonado

0

8

0,0

Montevideo

3

8

37,5

Paysandú

2

3

66,7

Rio Negro

0

2

0,0

Rivera

0

3

0,0

Rocha

1

4

25,0

Salto

1

6

16,7

San José

0

2

0,0

Soriano

0

2

0,0

Tacuarembó

0

2

0,0

Treinta y Tres

1

2

50,0

Total

22

89

24,7

Source : Système de données par sexe INMUJERES , sur la base des informations du tribunal électoral - bureaux des gouverneurs .

Pourcentage de femmes siégeant aux conseils municipaux − 2010

Pourcentage

Artigas

20,0

Canelones

19,0

Cerro Largo

25,0

Colonia

25,0

Durazno

25,0

Flores

25,0

Florida

12,5

Lavalleja

0,0

Maldonado

15,6

Montevideo

25,0

Paysandú

41,7

Río Negro

12,5

Rivera

0,0

Rocha

18,8

Salto

12,5

San José

12,5

Soriano

12,5

Tacuarembó

12,5

Treinta y Tres

20,0

Total

19,0

Source : Système de données par sexe INMUJERES , sur la base des informations du tribunal électoral -bureaux des gouverneurs .

2.Mesures spéciales de caractère temporaire pour l’emploi

6.Compte tenu de la situation clairement défavorisée des femmes par rapport aux hommes sur le marché du travail, les diverses mesures décrites ci-dessous ont été prises.

7.S’il ressort de plusieurs études qu’au cours des dernières décennies les possibilités de travail pour les femmes en Uruguay se sont améliorées progressivement et de façon constante (Espino y Leites, 2008; Espino, Leites y Machado, 2009), il reste d’importantes disparités entre les hommes et les femmes.

Taux d’activité par sexe et par classe d’âge − 2006 et 2010

Classe d’âge

2006

2010

Hommes

Femmes

Total

Hommes

Femmes

Total

14 à 21 ans

33,6

18,9

26,3

37,7

20,4

29,3

22 à 29 ans

82,6

57,3

69,5

85,4

65,9

75,3

30 à 59 ans

90,3

65,1

76,9

92,2

71,1

81,1

60 ans et plus

28,7

12,6

19,3

33,4

16,0

23,3

Total

66,3

43,7

54,1

69,3

48,9

58,4

Source : Système de données par sexe INMUJERES , sur la base des données ECH2006-2010 de l’Institut national de statistique.

8.Même si l’on constate en effet qu’entre 2006 et 2010 le taux de chômage global a reculé de 38 % (soit une diminution de 39 % pour les hommes et de 37 % pour les femmes), lorsqu’on considère les chiffres par classe d’âge et par année on voit que le phénomène du chômage concerne davantage les femmes, avec des taux d’inactivité bien supérieurs dans tous les cas.

Taux de chômage par sexe et par classe d’âge − 2006 et 2010

Classe d’âge

2006

2010

Hommes

Femmes

Total

Hommes

Femmes

Total

14 à 21 ans

28,2

40,3

33,0

18,9

31,5

23,7

22 à 29 ans

10,6

20,8

15,3

7,0

13,1

9,9

30 à 59 ans

4,3

9,4

6,7

2,3

5,7

3,9

60 ans et plus

5,4

6,9

6,0

2,5

3,2

2,8

Total

8,2

14,2

10,9

5,0

9,0

6,8

Source : Système de données par sexe INMUJERES , sur la base des données ECH2006-2010 de l’Institut national de statistique.

9.Bien que les femmes s’insèrent de mieux en mieux dans le marché du travail, il reste de fortes disparités liées au sexe selon les branches d’activité (ségrégation horizontale). Le tableau ci-dessous montre que dans les services sociaux on compte 50 % de femmes et 17 % d’hommes, les services domestiques, l’enseignement et la santé étant clairement des activités féminines tandis que les femmes ne sont que marginalement présentes dans les secteurs de l’agriculture, de la construction et des transports.

Répartition de la population active par secteur d’activité et par sexe, en pourcentage − 2010

Secteur d’activité

Hommes

Femmes

Total

Agriculture, pêche et mines

17,0

5,3

11,8

Industrie manufacturière

14,9

10,8

13,1

Électricité, gaz et eau

1,2

0,5

0,9

Construction

12,7

0,6

7,3

Commerce, hôtels et restaurants

20,9

22,2

21,5

Transport s et communication s

7,6

2,6

5,4

Services financiers et immobiliers

8,6

8,2

8,4

Services sociaux

17,1

49,9

31,8

Administration publique et défense

6,5

5,1

5,9

Enseignement

2,2

9,8

5,6

Santé

2,9

11,9

7,0

Autres activités de services

4,3

5,1

4,7

Service s domestique s

1,1

17,8

8,6

Organismes et organes extraterritoriaux

0,1

0,1

0,1

Total

100,0

100,0

100,0

Source : Système de données par sexe INMUJERES , sur la base des données ECH2010 de l’Institut national de statistique.

Programme «Objectif emploi»

10.Ce programme d’encouragement au recrutement de main-d’œuvre est un programme de subventions pour diminuer les coûts salariaux pour les employeurs privés. Son objectif est de favoriser le recrutement dans les entreprises privées de chômeurs de longue durée en situation de pauvreté et d’améliorer ainsi les possibilités de ces personnes d’accéder à des activités productives.

11.Il s’agit de favoriser l’insertion dans la vie active des chômeurs en situation de vulnérabilité (sociale, économique et professionnelle) et désavantagés par rapport aux personnes ayant de meilleures chances d’obtenir un emploi, même sans le versement d’une subvention.

12.L’objectif de l’égalité entre les femmes et les hommes est concrétisé dans cette mesure volontariste en faveur des femmes puisque pour les femmes 80 % des coûts salariaux sont ainsi subventionnés, contre 60 % pour les hommes.

13.Le nombre de personnes ayant bénéficié du programme atteint près de 11 000, soit 7 938 femmes (73 %) et 2 915 hommes (27 %).

14.L’application de ce type de programme est adaptée à la phase du cycle économique correspondant, puisque son efficacité dépend directement de la reprise de l’activité économique.

15.La population cible est celle des chômeurs de longue durée appartenant à des foyers pauvres (en dessous du seuil de pauvreté), et une personne par foyer peut en bénéficier, à condition d’être âgée de 18 à 65 ans et d’avoir accompli neuf ans de scolarité au maximum.

16.Le programme prévoit le versement pendant une période de douze mois d’une subvention pour la rémunération de l’intéressé.

17.À cela s’ajoute la possibilité d’une prime forfaitaire facultative pour financer la formation de l’intéressé, à la demande de l’entreprise. Les modalités du mécanisme sont les suivantes:

a)Montant de la subvention (composante salariale): 60 % des coûts salariaux dans le cas des hommes et 80 % dans le cas des femmes (soit la rémunération de l’employé comme prévu pour sa catégorie selon la convention collective applicable à l’entreprise, plus les charges sociales patronales correspondant au salaire subventionné). La subvention sera plafonnée au montant du salaire minimum national majoré de 50 %. En définitive, le montant maximal de la subvention sera de 60 % ou 80 % d’un montant correspondant à un salaire minimum national et demi, plus les charges sociales patronales correspondant au salaire subventionné;

b)La subvention sera versée à l’employeur sur justification du paiement des salaires et des contributions sociales correspondantes. L’employeur peut percevoir la subvention sous la forme d’un crédit au titre des contributions patronales à la sécurité sociale;

c)Il s’agit d’un mécanisme relevant du droit général des contrats, avec l’ensemble des conditions, droits et obligations que cela implique pour les parties en vertu de la législation pertinente;

d)La subvention est versée pour une durée de travail complète de quarante heures hebdomadaires. S’il est convenu d’une durée de travail inférieure, le montant de la subvention sera ajusté en conséquence.

18.Cette mesure d’incitation est prévue pour une durée de douze mois au maximum et elle ne s’applique pas aux contrats de travail de durée déterminée. En cas de défaut d’exécution du contrat, les dispositions du droit du travail s’appliqueront. Le travailleur bénéficie d’une couverture sociale conformément au régime général, et la durée du temps de travail est convenue entre les parties. La rémunération sera celle prévue pour la catégorie aux termes de la convention collective qui s’applique à l’entreprise.

Indicateurs de résultats du programme «Objectif emploi»

Nombre de personnes ayant bénéficié du programme, par sexe et par âge

Année d’accès

Sexe

Total

Hommes

Femmes

2008

706

2 853

3 559

2009

1 049

2 232

3 281

2010

699

1 855

2 554

2011

461

998

1 459

Total

2 915

7 938

10 85 3

Source : Ministère du travail et de la sécurité sociale.

Nombre de personnes ayant demandé à bénéfici er d u programme, par sexe et par âge

Année de la demande

Sexe

Total

Hommes

Femmes

2008

20

72

92

2009

70

150

220

2010

118

232

350

2011

157

195

352

Total

365

649

1 014

Programme de promotion de l’égalité des chances pour les femmes dans l’emploi et la formation professionnelle (PROIMUJER)/Institut national de l’emploi et de la formation professionnelle

19.L’objectif général du programme est de contribuer à améliorer l’égalité des chances et de traitement entre hommes et femmes dans la formation et dans l’emploi. Ses objectifs spécifiques sont les suivants:

a)Favoriser l’insertion dans le travail des femmes ayant des difficultés à accéder à l’emploi, à travers des actions de formation s’inscrivant dans une perspective de genre et dans un souci d’égalité, et adaptées à la demande en matière d’emploi;

b)Renforcer les organismes de formation sur le plan qualitatif et en termes de respect de l’égalité, tant au niveau de l’offre pédagogique que sur le plan des moyens institutionnels;

c)Renforcer les institutions de l’intérieur du pays afin de favoriser des initiatives locales en matière de formation qui soient valables à la fois en termes de qualité et sous l’angle de l’égalité;

d)Incorporer des principes pour l’égalité entre les sexes dans les politiques et les programmes pour la formation et pour l’emploi.

20.Le programme PROIMUJER est le premier programme national de formation pour l’emploi qui repose sur une perspective de genre. Il a commencé à être mis en œuvre en 2001 sous l’impulsion de la Commission tripartite de l’égalité des chances et de traitement dans l’emploi chargée de conseiller le Ministère du travail et de la sécurité sociale, après de longues négociations.

21.Initialement conçu comme un programme pilote, son principal objectif en tant que tel était d’expérimenter des modes d’intervention, des stratégies et une méthodologie pour intégrer les notions de genre et d’égalité dans la formation professionnelle, et de contribuer à l’élaboration d’une politique active en matière de formation et d’emploi qui intègre cette perspective dans l’ensemble des actions prévues.

22.Aux termes d’un accord passé avec le Centre interaméricain pour le développement des connaissances en formation professionnelle (CINTERFOR) de l’Organisation internationale du Travail (OIT), celui-ci a accepté d’accueillir le programme et de fournir à travers le programme FORMUJER de la Banque interaméricaine de développement (BID), de l’OIT et de CINTERFOR, une assistance technique pour son élaboration et sa gestion proprement dite. La phase pilote du programme s’est déroulée de juin 2001 à juillet 2003. On a expérimenté durant cette période un modèle similaire à celui appliqué dans trois pays d’Amérique latine où a été exécuté le programme FORMUJER.

23.En septembre 2003, après une évaluation du modèle appliqué, le programme a été remanié afin de prendre en compte les recommandations issues de l’évaluation portant essentiellement sur le modèle de gestion ainsi que sur certains des principes méthodologiques pour les actions de formation.

24.À ce jour, les principales activités menées dans le cadre du programme portaient sur l’élaboration, la mise en œuvre, l’exécution et le suivi d’actions de formation et d’insertion professionnelle prenant en compte la dimension sexospécifique. Initialement, le programme s’adressait exclusivement aux femmes sans activité dans les zones urbaines ou rurales, qui recherchaient un premier emploi ou qui parfois travaillaient déjà mais dans un cadre restrictif.

25.On a incorporé au programme en 2006 la possibilité de formations mixtes, car on a considéré que la participation des hommes au programme aiderait à approfondir, sur un plan conceptuel et méthodologique, la prise en compte des sexospécificités en permettant une analyse des relations entre hommes et femmes dans cette double perspective. En 2008, et après l’adaptation requise des organismes de formation, on a incorporé le concept de masculinité, car il est apparu nécessaire de donner un cadre conceptuel à cette nouvelle dimension propre à enrichir et à renforcer les processus de formation en prenant en compte la construction de l’identité masculine et de l’identité féminine, dans les différents contextes socioculturels déterminants.

26.La même année on a intégré de nouvelles modalités pour les groupes ayant des difficultés plus spécifiques à accéder à l’emploi et qui pour certains ne bénéficiaient d’aucun programme, et des actions à cet effet ont commencé à être engagées en 2011. Depuis août 2009, il a été exécuté dans le pays 225 cours de formation ayant réuni 4 240 participants, 1 300 participants supplémentaires étant attendus pour l’année en cours. Par ailleurs, il a été organisé chaque année dans le cadre du programme des ateliers de renforcement des organismes de formation aux niveaux méthodologique, conceptuel et administratif ainsi que pour la gestion et l’évaluation, dont ont bénéficié une vingtaine d’organismes à Montevideo et dans l’intérieur du pays.

27.Il a été conçu en outre des stratégies pour renforcer les liens entre le programme et les entreprises et les travailleurs, pour diffuser le programme et mieux sensibiliser à la thématique du genre et pour organiser des consultations avec les secteurs d’activité identifiés comme demandeurs et obtenir leur validation. Ces stratégies impliquaient aussi la participation des représentants des administrations locales et du gouvernement central.

28.Il a été organisé en deux occasions des rencontres avec des participants au programme représentant les différentes branches d’activité, modalités d’insertion et régions et les organismes de formation. Il s’agissait d’évaluer les processus de formation, les fonctions des organismes de formation et les moyens d’intervention prévus dans le programme, qui ont été évalués de façon positive mais qu’il avait fallu attendre 2007 pour mettre en œuvre en raison de difficultés diverses.

29.L’Institut national de l’emploi et de la formation professionnelle, créé par la loi no 18406, du 24 octobre 2008, est une entité publique non étatique de caractère tripartite. Il a pour mission essentielle d’exécuter des politiques de formation professionnelle et de renforcement de l’emploi des travailleurs dans notre pays. Il est dirigé par un Conseil de direction tripartite composé de sept membres et de leurs suppléants, représentant l’exécutif, les entreprises et les syndicats.

30.En 2009, il a été organisé au total 66 cours de formation, dont 52 à Montevideo et 14 dans l’intérieur du pays, qui ont réuni 1 488 participants: 1 190 femmes et 298 hommes.

31.En 2010, 25 cours de formation ont été organisés, dont 13 à Montevideo et 12 dans l’intérieur du pays, pour 646 participants: 517 femmes et 129 hommes.

32.Il a été organisé en 2011 32 cours de formation réunissant 650 participants, 14 cours sont en voie d’exécution (pour 300 participants) et 11 resteront à exécuter l’année prochaine (à l’intention de 220 participants). On a donc atteint une population totale de 1 170 participants, dont 80 % de femmes et 20 % d’hommes. En novembre 2011, un taux d’insertion professionnelle certifiée de 33,5 % avait été obtenu grâce au programme.

33.Les cibles du programme sont:

a)Les femmes de 25 à 55 ans sans emploi qui ont des difficultés à s’intégrer et/ou à rester sur le marché du travail;

b)Les femmes et les hommes (dans une proportion pour ces derniers de 20 % au minimum et de 50 % au maximum) de 25 à 55 ans sans emploi et ayant des difficultés à s’intégrer et/ou à rester sur le marché du travail;

c)Les femmes de plus de 40 ans qui sont au chômage depuis longtemps ou qui ne se sont jamais insérées dans le marché du travail structuré, appartenant à des groupes socioéconomiques à revenu intermédiaire ou intermédiaire inférieur, avec une formation secondaire complète et/ou une formation tertiaire incomplète, et sans compétences professionnelles spécialisées;

d)Les femmes de 18 à 29 ans avec des enfants à charge appartenant à des groupes socioéconomiques à faible revenu et ayant des difficultés à s’intégrer et/ou à rester sur le marché du travail. Cet aspect du programme est exécuté conjointement avec le projet «Desarrolla» du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), dans le cadre de l’accord passé en 2005 avec le Conseil national de l’emploi. Ce mécanisme suppose une complémentarité des initiatives et des ressources, afin de faciliter l’accès des membres de ce groupe aux procédures d’insertion dans le marché du travail;

e)Les domestiques. Dans le cadre de l’approche stratégique sectorielle prévue par le programme et conformément à la loi no 18065 relative au travail des domestiques, il a été entrepris des actions coordonnées avec la Commission tripartite de l’égalité des chances et de traitement qui conseille le Ministère du travail et de la sécurité sociale, en vue de l’élaboration d’un projet de formation professionnelle spécifique. Il a été organisé à cet effet des réunions de travail avec la participation de représentants de l’organisation Liga de Amas de Casa et du syndicat des employées de maison; et

f)Les travailleurs percevant l’assurance chômage, à titre d’expérience pilote et dans l’idée de favoriser l’acquisition de compétences à travers la prise en considération d’une perspective de genre.

34.Les activités destinées au groupe de population indiqué à l’alinéa d sont fondées sur le «projet M» du PNUD, un programme conjoint des organismes des Nations Unies pour appuyer l’élaboration et la mise en œuvre du Plan national d’intégration en matière sociale et pour le logement (JUNTOS). Cette expérience pilote menée dans deux sites et avec l’exécution de deux activités de formation respectives repose, dans sa conception et son approche, sur la prise en compte de la problématique et sur l’application de la méthodologie dite de la «vie avec un projet» et, a posteriori, de la méthodologie propre au projet pour l’emploi. L’objectif est de favoriser les apports et l’acquisition de compétences pour la mise en œuvre du plan JUNTOS au niveau national au cours des quatre années à venir. Les deux méthodologies ont été validées depuis le projet pilote de mise en œuvre du programme, et on a apporté les ajustements nécessaires à partir des évaluations réalisées avec les organismes de formation.

B.Suite donnée aux recommandations formulées au paragraphe 29

1.Avancées concernant la législation et le système de justice, et renforcement des droits et de la protection et de la réparation pour les victimes

35.Pour lutter contre le problème de la traite des personnes, l’État uruguayen se fonde sur le droit international des droits de l’homme tel que représenté par la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, par la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre les femmes (Convention de Belém do Pará) et par le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole de Palerme), ratifié en 2004 par l’Uruguay en même temps que le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer (loi no 17861 du 28 décembre 2004).

36.Le Protocole de Palerme prévoit une série de mesures pour la protection des victimes dans le cadre judiciaire, pour leur réadaptation physique, psychique et sociale, ainsi que pour la prévention de la traite et pour la lutte contre les réseaux de criminalité organisée.

37.Au niveau national il a été pris d’importantes mesures pour améliorer le cadre législatif, avec la caractérisation des délits de traite et de trafic des personnes (loi no 18250 de décembre 2007 relative aux migrations).

38.On a également renforcé le système de justice par la création de deux tribunaux spécialisés dans la criminalité organisée et ayant compétence au niveau national, de deux services de défenseurs commis d’office (loi de finances no 18362 d’octobre 2008) et de deux parquets spécialisés (loi no 18390 d’octobre 2008).

39.En ce qui concerne le renforcement des droits des victimes en matière d’accès à la justice, il a été fait certaines avancées: le plaignant, la victime ou ses proches ont le droit d’accéder à l’ensemble des procédures, de présenter des éléments de preuve, d’avoir accès aux éléments de preuve et de participer à toute la procédure judiciaire ainsi que de solliciter un réexamen du cas ou des informations sur l’avancement de la procédure (art. 13 de la loi no 18016, par renvoi à l’article 80 de la loi no 18250 et à l’article 8 de la loi no 18494). Durant le procès, à la demande du parquet ou d’office le juge prendra toutes les mesures adéquates et nécessaires pour protéger la sécurité, le bien-être physique et psychologique, la dignité et la vie privée des victimes et des témoins, en tenant compte de tous les facteurs pertinents y compris âge, sexe et état de santé ainsi que des caractéristiques de l’infraction, en particulier lorsque celle-ci a été assortie d’actes de violence sexuelle ou sexiste ou de violence contre des enfants ou des adolescents (art. 13 de la loi no 18016, par renvoi à l’article 80 de la loi no 18250).

40.La loi no 18494 (Contrôle et prévention du blanchiment d’avoirs et du financement du terrorisme), de juin 2009, prévoit: a) la protection physique des victimes et des témoins sous la responsabilité des autorités de police; b) l’utilisation de mécanismes empêchant leur identification visuelle par des tiers étrangers à la procédure, quand l’intéressé doit comparaître en relation avec une quelconque mesure d’instruction; c) la citation de l’intéressé de manière réservée; d) le transport de l’intéressé dans un véhicule officiel et l’organisation d’une zone d’exclusion pour recevoir sa déclaration, ainsi que l’interdiction des photographies ou de l’enregistrement et de la divulgation de son image, tant par des particuliers que par les médias.

41.Pour éviter la revictimisation, l’article 13 de la loi no 18026 (Coopération avec la Cour pénale internationale en matière de lutte contre le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité) dispose que la corroboration du témoignage de la victime ne sera pas exigée, qu’il ne sera admis aucun élément de preuve en relation avec la conduite sexuelle antérieure de la victime ou des témoins, et que l’argument du consentement ne pourra pas être utilisé comme moyen de défense. Le juge pourra admettre la présentation d’éléments de preuve par des moyens électroniques ou autres moyens techniques spéciaux. Il est prévu la présence de conseillers juridiques auprès des services du procureur et de spécialistes des questions de violence sexuelle ainsi que la participation de personnels spécialisés dans la prise en charge des victimes de traumatismes, y compris ceux liés à la violence sexuelle ou sexiste.

42.En ce qui concerne par ailleurs la réparation prévue pour les victimes, l’État est responsable des crimes qui sont commis sur le territoire de la République ou qui sont commis à l’étranger par des agents de l’État ou par d’autres personnes qui, même si elles n’ont pas cette qualité, auraient bénéficié de l’autorisation, de l’appui ou de l’assentiment d’agents de l’État. La réparation en question doit être intégrale et comprendre indemnisation, restitution et réadaptation, et elle s’étend aussi aux membres de la famille, du groupe ou de la communauté dont fait partie la victime (art. 14 de la loi no 18026, par renvoi à l’article 80 de la loi no 18250).

2.Mécanismes nationaux de coordination, création de capacités de réponse face aux situations et services d’assistance aux victimes

Mécanismes nationaux de coordination

43.C’est dès 2007 qu’ont été organisées les premières réunions d’échange et de dialogue interinstitutionnels convoquées par l’Institut national de la femme (INMUJERES) du Ministère du développement social et par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), pour poser les bases d’une table ronde interinstitutionnelle sur la thématique de la traite des femmes aux fins d’exploitation sexuelle commerciale.

44.L’Uruguay a également approuvé le premier Plan national pour l’égalité des chances et des droits − Politiques publiques pour les femmes, 2007-2011, qui prévoit notamment dans ses lignes d’action stratégiques pour l’égalité «l’élaboration de mesures pour les personnes en situation de discrimination aggravée, y compris des mesures de protection pour les femmes, les enfants et les adolescents contre la traite et le trafic des personnes». Il est prévu aussi que l’Uruguay devra avoir adopté en 2011 une politique publique dans ce domaine. Il est prescrit que les mesures prévues dans le Plan seront mises en œuvre par les divers organes de l’État en concertation avec les organisations de la société civile, INMUJERES étant l’organisme chargé de promouvoir la coordination et l’harmonisation des institutions et des politiques publiques dans ce domaine.

45.Dans ce cadre, il a été établi en 2008 la Table ronde interinstitutionnelle de lutte contre la traite des femmes aux fins d’exploitation sexuelle commerciale, dans le but de favoriser un dialogue entre les institutions publiques et les organisations de la société civile et d’élaborer une politique publique face à cette problématique. La Table ronde est présidée par l’Institut national de la femme et composée comme suit:

a)Juges et procureurs auprès du tribunal spécialisé dans la criminalité organisée;

b)Défenseurs publics;

c)Responsables du Ministère de l’intérieur appartenant à Interpol, à la Direction nationale des migrations et au Centre d’assistance aux victimes;

d)Responsables du Ministère des relations extérieures appartenant à la Direction des droits de l’homme et du droit humanitaire et à la Direction générale des affaires consulaires et des services de liaison;

e)Représentants du Ministère de la santé publique;

f)Représentants du Ministère de l’éducation et de la culture appartenant à la Direction des droits de l’homme, ainsi que des services du Procureur général;

g)Responsables du Ministère du tourisme et des sports;

h)Organisations de la société civile: Casa Abierta, Foro Juvenil − programme «El Faro», Red Uruguaya contra la Violencia Doméstica y Sexual;

i)Membres du Comité national pour l’éradication de l’exploitation sexuelle commerciale et non commerciale des enfants et des adolescents;

j)OIM;

k)Groupe de femmes parlementaires.

46.Parmi les principales initiatives développées dans le cadre de la Table ronde, on mentionnera:

a)L’organisation de journées de sensibilisation et de formation réunissant les participants pour réfléchir à la thématique considérée et définir des orientations communes;

b)La production d’un tableau résumant les forces et les faiblesses institutionnelles vis-à-vis de ce problème;

c)L’élaboration d’accords en vue d’une stratégie publique d’intervention et de réponse.

47.Il convient d’insister en particulier sur l’organisation d’un groupe de travail réunissant les acteurs du système de justice, dont l’objectif est d’approfondir le dialogue sur les protocoles et les moyens d’intervention dans les situations de traite. Il a été organisé à cet effet une journée de discussion à laquelle a participé une experte internationale. Il est apparu aussi nécessaire de disposer dans ce domaine d’une équipe de policiers spécialisés et de renforcer les services spécialisés dans la prise en charge des victimes.

48.Depuis 2010, on s’est attaché dans ce cadre à faire avancer l’élaboration d’un protocole d’intervention interinstitutionnelle en tenant compte des exigences concrètes liées à la traite des femmes aux fins d’exploitation sexuelle commerciale.

49.La visite, en 2010, de la Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, a été particulièrement utile pour renforcer le travail entrepris par le pays et pour inscrire la thématique correspondante parmi les priorités d’action des autorités.

Création de capacités de réponse face aux situations

50.Dans les années 2006 à 2008, l’Institut national de la femme a collaboré avec l’OIM au développement d’un programme pour le retour assisté des migrants en situation irrégulière, qui inclut une prise en charge médicale et un accompagnement psychosocial pour aider les femmes victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle commerciale à se réinsérer socialement. Il a été dispensé à cet effet à diverses professionnelles (psychologues, assistantes sociales et avocates) une formation organisée aux niveaux national et international.

51.Comme mentionné plus haut, depuis 2009 l’Institut national de la femme a entrepris de promouvoir une politique fondée sur une approche globale du problème, afin d’assurer aux victimes une prise en charge elle aussi globale. Dans ce cadre, le Ministère des relations extérieures a été désigné comme l’organisme chef de file pour aider à l’étranger les victimes qui demanderaient une assistance aux services consulaires uruguayens.

52.Avec le concours de l’Institut national de la femme pour fournir l’assistance technique nécessaire, sous la forme de services de personnel spécialisé ainsi que d’appui logistique pour mener à bien la tâche, il a été engagé en 2008 un processus de formation des agents publics. L’action est menée essentiellement avec la Direction générale des affaires consulaires et des services de liaison et en particulier avec le Bureau d’assistance aux compatriotes, et avec la Direction des droits de l’homme et du droit humanitaire.

53.Les journées de formation et de discussion organisées ont permis de définir les actions nécessaires, parmi lesquelles figurait l’élaboration de mécanismes d’appui pour les bureaux extérieurs (ambassades et consulats).

54.On a commencé en 2008 à élaborer un protocole d’action contre cette problématique dans les ambassades et les services consulaires, afin de définir des éléments théoriques pour la mise en place d’un cadre conceptuel commun, ainsi que des principes directeurs spécifiques pour intervenir dans tous les cas. En premier lieu, il s’agit de proposer un cadre conceptuel permettant de définir le problème et de l’appréhender dans différentes perspectives (genre, génération et droits de l’homme), ainsi que de préciser les finalités de la traite, les points communs et les différences entre traite et trafic, toutes les conséquences pour les victimes de traite, et des lignes directrices sur la base de la législation nationale. En second lieu, on aborde des aspects plus spécifiques pour le traitement des cas initialement pris en charge par les ambassades et les consulats. Il est ici question des aspects concrets de l’intervention, comme la détection et la prise en charge des situations, l’élaboration d’un plan d’action initial, la coordination des actions, les services de conseil et d’appui pour l’accès à la justice, le suivi du cas et l’établissement d’une liste des ressources existantes.

55.Le protocole a été approuvé et sera bientôt publié, mais il a déjà été mis en ligne et diffusé auprès des ambassades et des services consulaires à l’étranger. Dans le budget de l’Institut national de la femme et du Ministère des relations extérieures, il est prévu des activités de formation à l’intention des autorités consulaires pour le bon usage de cet instrument.

Services d’assistance aux victimes

56.Comme mentionné plus haut, l’Institut national de la femme a bénéficié entre 2006 et 2008 des services d’une équipe de professionnels spécialisés dans le soutien psychosocial aux victimes de traite. Même si le processus a mis au jour un certain nombre de difficultés, fondamentalement l’absence d’une politique publique dans le domaine, l’expérience a été précieuse dans la perspective de la création de deux services de prise en charge spécialisée des victimes de traite.

57.En 2009 l’Institut, en concertation avec le Ministère des relations extérieures et deux organisations de la société civile, l’une uruguayenne et l’autre espagnole, a présenté un projet sur les mesures à prendre pour l’élaboration d’une politique publique sur la traite et le trafic des femmes, des enfants et des adolescents aux fins d’exploitation sexuelle commerciale, avec un financement de l’Union européenne. Dans le cadre de ce projet, approuvé en décembre 2010, il a été mis en place en mai et juin deux services pilotes de prise en charge des victimes de traite aux fins d’exploitation sexuelle commerciale dans le département de Montevideo, l’un destiné aux femmes adultes et géré par l’Institut national de la femme, et l’autre destiné aux enfants et aux adolescents et géré par une organisation non gouvernementale partenaire du projet. Quand le financement international prendra fin, les deux services seront gérés comme des fonds publics, le premier avec des ressources provenant du Ministère du développement social et le second avec des ressources de l’Institut uruguayen de l’enfant et de l’adolescent.

58.Il est par ailleurs entrepris au niveau non gouvernemental des microexpériences de prise en charge des victimes de traite. Une des initiatives les plus anciennes est celle de l’organisation non gouvernementale Casa Abierta pour appeler l’attention sur la situation des femmes qui se prostituent et des victimes de la traite aux fins d’exploitation sexuelle commerciale. Une autre expérience est menée dans le cadre du programme «El Faro» de l’ONG Foro Juvenil, pour appeler l’attention sur les enfants et les adolescents victimes d’exploitation sexuelle à des fins commerciales. Les deux organisations apportent une assistance psychologique, sociale et juridique aux victimes qui les contactent, mais elles manquent de ressources financières propres pour ce type de situation. Les services pilotes recueillant cette riche expérience sont actuellement devenus des services de référence au niveau national et ils se sont occupés d’un nombre important de cas renvoyés par différentes organisations, tant publiques que privées.

59.Dans le cadre de ce projet, l’Institut national de la femme travaille à l’élaboration de deux protocoles de prise en charge s’adressant au public cible des services, qui devraient être finalisés en 2012. Il est aussi prévu de disposer cette année-là d’un système d’enregistrement systématique des cas traités, ce qui permettra d’obtenir des statistiques sur la prise en charge.

3.Accords et autres modalités de coopération aux niveaux bilatéral, régional et international

Niveau national

60.À la fin de 2008, l’Institut national de la femme a participé à des réunions organisées par le Commission européenne pour définir les priorités en matière de droits de l’homme à subventionner en 2009, la problématique ici considérée étant une priorité pour l’Uruguay.

61.En février 2009, l’Institut a élaboré, avec des spécialistes de la question, un projet sur les mesures à prendre pour l’élaboration d’une politique publique sur la traite et le trafic des femmes, des enfants et des adolescents aux fins d’exploitation sexuelle commerciale. Pour exécuter ce projet, l’Institut s’est associé au Ministère des relations extérieures et à l’ONG Foro Juvenil et collabore avec une ONG étrangère − Enjambra −, une ONG nationale − Casa Abierta − et l’OIM. Le projet a pour objectif général de «contribuer à une politique publique pour l’éradication de la traite des femmes, des enfants et des adolescents aux fins d’exploitation sexuelle commerciale en Uruguay».

62.Les objectifs spécifiques du projet sont les suivants: a) mettre en évidence la situation des femmes, des enfants et des adolescents victimes de traite aux fins d’exploitation sexuelle commerciale en Uruguay et dans la région; b) renforcer les capacités institutionnelles pour prendre en compte la problématique de la traite des femmes, des enfants et des adolescents aux fins d’exploitation sexuelle commerciale en Uruguay; et c) apporter une assistance globale et adaptée aux femmes, aux enfants et aux adolescents victimes de traite aux fins d’exploitation sexuelle commerciale.

63.L’exécution de ce projet approuvé à la fin de 2009 devait débuter en 2010. Il était attendu du projet les résultats suivants en 2012:

a)Élaboration, impression et distribution de matériel d’information sur la traite des personnes;

b)Collecte systématique de données sur les cas de traite des personnes examinés par la justice;

c)Organisation d’ateliers régionaux de sensibilisation et de formation à l’intention des représentants des organismes publics et privés s’occupant de ce problème;

d)Élaboration d’une proposition de protocole en vue d’une approche interinstitutionnelle;

e)Organisation de cours de formation à l’intention des personnes intervenant dans le traitement des cas (juges, procureurs et spécialistes de la criminalité organisée, défenseurs commis d’office, fonctionnaires de police et autres professionnels);

f)Accompagnement technique des fonctionnaires du Bureau d’assistance aux compatriotes du Ministère des relations extérieures;

g)Ouverture de deux services pilotes de prise en charge spécialisée des victimes de traite, l’un pour les femmes et l’autre pour les enfants et les adolescents;

h)Élaboration, publication et diffusion d’un projet de protocole pour la prise en charge des femmes et d’un autre projet de protocole pour la prise en charge des enfants et des adolescents.

Niveau régional

64.L’Uruguay participe, par l’intermédiaire de l’Institut national de la femme et du Ministère des relations extérieures, à la Réunion des femmes ministres et autres hautes autorités chargées de la femme du Marché commun du Sud (MERCOSUR), organe réunissant les femmes ministres et/ou directrices des mécanismes nationaux pour la promotion des femmes des pays membres du MERCOSUR (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay) et des États associés (Bolivie, Chili, Colombie, Équateur, Mexique, Pérou et Venezuela). Ce mécanisme a en particulier examiné la problématique de la traite des femmes, et il a conçu et approuvé des actions régionales spécifiques.

65.En avril 2009, la Réunion a lancé le projet pour le renforcement institutionnel et la perspective de genre dans le MERCOSUR (2009-2012) avec l’appui de l’Agence espagnole de coopération internationale pour le développement (AECID), projet qui développe quatre axes d’action au niveau régional: a) renforcement de la Réunion dans le cadre institutionnel du MERCOSUR; b) promotion de la participation des femmes à la vie politique; c) lutte contre la traite des femmes aux fins d’exploitation sexuelle commerciale; et d) mise en place d’un système d’information régional sur la violence familiale.

66.En ce qui concerne la traite des femmes, il est prévu dans le programme de travail pour le projet régional de la Réunion une composante spécifique sur la traite des femmes aux fins d’exploitation sexuelle. Il a été effectué pour cela un diagnostic national dans chaque État partie et un diagnostic régional au niveau du MERCOSUR, qui ont fourni les éléments indispensables pour élaborer un document de base en vue d’un protocole d’action régional contre la traite des femmes aux fins d’exploitation sexuelle, qui a été approuvé et devrait être développé en 2012.

4.Mesures de prévention, campagnes de sensibilisation et formation du personnel des services d’immigration, de la police des frontières et des forces de l’ordre, entre autres

Diffusion des recommandations du Comité

67.À la fin du mois de mai 2009, l’Institut national de la femme a invité l’une des expertes du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes afin de favoriser la diffusion des recommandations formulées après la présentation à cet organe par l’État partie de son dernier rapport, et de contribuer à promouvoir les politiques intégrant une perspective de genre. L’experte a rencontré les candidats à la présidence de la République des différents partis politiques et a fait un exposé public sur les recommandations du Comité.

68.Il a été distribué en 2009 quelque 900 CD-ROM contenant le texte des recommandations d’organes internationaux, et en 2010 il y a eu une réédition avec un tirage à 800 exemplaires.

Actions de formation

69.En 2009 l’Institut national de la femme, en coopération avec l’OIM, a organisé plusieurs journées de sensibilisation et de formation sur la thématique, dans les départements de Río Negro, Colonia, Soriano et Paysandú. Ces activités s’adressaient aux agents publics et aux acteurs sociaux concernés au niveau local. Des représentants du pouvoir judiciaire, du Ministère de l’intérieur, des organisations de la société civile et autres y ont notamment pris part.

70.Le travail ainsi réalisé a été approfondi ensuite dans le cadre de deux séminaires bilatéraux sur l’approche institutionnelle pour l’assistance aux victimes de la traite des personnes, organisés pour l’un dans le département de Colonia et pour l’autre dans celui de Montevideo, en présence de représentants des autorités centrales et des organisations de la société civile de l’Uruguay et de l’Argentine.

71.En 2010 et 2011, l’Institut national de la femme a mené des actions aux niveaux local et national, en priorité dans les départements avec une frontière sèche et dans les départements touristiques, zones jugées particulièrement risquées pour les enlèvements de femmes. Pour définir et coordonner des interventions concertées au niveau local, le problème a été examiné avec des spécialistes des questions de genre de l’Institut national de la femme, des acteurs gouvernementaux et des acteurs sociaux.

Formation des agents de l’Institut national de la femme

72.Depuis 2009, l’Institut national de la femme a encouragé à titre prioritaire la participation de son personnel politique et technique aux séminaires et autres possibilités de perfectionnement dans ce domaine, sachant bien que la réalité nationale, régionale et internationale évoluait et qu’il était fait des avancées qui devaient être prises en compte et intégrées dans l’élaboration et l’exécution des politiques publiques de l’Institut.

73.On peut citer à titre d’exemple la participation au premier séminaire sur la traite des personnes organisé dans le cadre de la Réunion des femmes ministres et autres hautes autorités chargées de la femme du MERCOSUR, sous la présidence temporaire du Paraguay, dans la ville de Hernandarias en mai 2009.

Campagnes de sensibilisation

74.Depuis 2009, l’ONG Casa Abierta conduit, avec l’appui technique et financier de l’Institut, une campagne de sensibilisation à la problématique de la traite des personnes aux fins d’exploitation sexuelle. Cette campagne inclut la production d’un prospectus qui contient des informations sur la traite des personnes et des conseils spécifiques à l’intention des femmes à qui il serait proposé de travailler à l’étranger, et indique comment contacter les organisations de soutien aux victimes en Espagne, en Italie et en Uruguay.

75.Grâce au travail mené ensemble par l’Institut et par l’OIM, avec l’appui de l’AECID, il a été produit une publication intitulée «La trata de mujeres con fines de explotación sexual comercial en el Uruguay. Caminos recorridos hacia la construcción de una política pública» (La traite des femmes aux fins d’exploitation sexuelle commerciale en Uruguay. Le chemin vers la mise en place d’une politique publique).

76.Dans le cadre de la Journée internationale pour l’abolition de l’esclavage en 2010, il a été élaboré et diffusé un communiqué de presse pour mieux sensibiliser l’opinion publique à la problématique de la traite des personnes.

77.Il a également été conçu, produit et distribué, en août 2011, des affiches avec le slogan «Con un engaño te pueden hacer esclava» (Avec un mensonge ils peuvent faire de toi une esclave) qui indiquaient les numéros de téléphone à appeler pour avoir des informations et des conseils. Il a été envoyé 150 de ces affiches à chaque département du pays dans lequel l’Institut national de la femme est représenté. L’affiche a été diffusée dans les terminus de transport terrestres et fluviaux, dans différents bureaux du Ministère du développement social et du Ministère de la santé publique et dans les cliniques de consultation prophylactique. Trois banderoles reprenant le slogan de la campagne ont été déployées au Ministère du développement social, au Ministère des relations extérieures et au Ministère des transports et des travaux publics.

78.À l’occasion de la journée en question, il a par ailleurs été distribué des rubans bleus aux fonctionnaires du Ministère du développement social. Cette couleur a été choisie en s’inspirant du cœur bleu servant de logo à la Campagne contre la traite des êtres humains organisée par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime.

Collecte de données sur l’incidence du phénomène

79.La première étude exploratoire sur la situation en matière de traite des personnes en Argentine, en Uruguay et au Chili a été effectuée en août 2007, conformément à la demande adressée par la présidence temporaire du MERCOSUR au secrétariat général de l’OIM.

80.L’étude a mis en évidence que les modalités, l’extension et la gravité du problème de la traite se manifestaient diversement selon les pays. Il était néanmoins possible, sur la base des similitudes existantes, de dégager aussi un certain nombre de conclusions et de recommandations générales pour la région.

81.Le chapitre concernant l’Uruguay, outre qu’il se réfère aux normes existantes, rend compte des enquêtes sur le terrain effectuées dans les départements de Montevideo, Colonia, Maldonado, Paysandú, Cerro Largo et Rivera. Ces enquêtes avaient inclus des entretiens avec des représentants des autorités et des responsables locaux, ainsi que des observations directes lors de tournées dans des établissements de nuit et dans des zones réputées à risque pour l’exploitation sexuelle. Ces activités ont permis de recueillir de nombreux témoignages. Dans le cadre de l’étude on avait également réalisé une enquête judiciaire sur le nombre de cas de proxénétisme ou de pratiques assimilables à la traite des personnes, envoyé un questionnaire aux consuls uruguayens dans les pays de destination de la traite (Italie et Espagne, entre autres) et sollicité l’avis des victimes potentielles. Ce dernier sondage, qui a fourni d’utiles renseignements, a été réalisé de manière anonyme auprès des travailleuses du sexe participant à la consultation de prophylaxie sexuelle de l’hôpital Maciel du Ministère de la santé publique, à Montevideo.

82.Durant l’enquête, l’équipe de l’OIM a rencontré plusieurs victimes de traite et parmi elles des femmes qui étaient rentrées au pays après avoir vécu de pénibles expériences en Europe avant d’être secourues par des organisations humanitaires comme l’OIM. On a ainsi pu mettre en lumière la multiplication du nombre des plaintes, officielles ou non, dénonçant des cas d’exploitation sexuelle, en particulier impliquant des mineurs.

83.L’étude a mis en évidence les liens entre les «opérateurs» sur le «marché du sexe» et certaines villes européennes. Dans le monde du sexe, les offres de travail dans d’autres pays, et spécialement en Europe, sont chose quotidienne, ce qui montrait bien que pour aller effectuer ce travail en Europe on parvenait à contourner tous les obstacles liés à la migration.

84.L’enquête réalisée auprès des travailleuses du sexe qui vont régulièrement à la consultation de prophylaxie sexuelle organisée à l’hôpital Maciel par le Ministère de la santé publique a montré que 43 % d’entre elles avaient reçu des offres de travail à l’extérieur du pays et que 17 % avaient effectivement travaillé dans l’industrie du sexe à l’étranger. Il ressortait de l’enquête que les offres de travail à l’étranger s’adressaient surtout aux personnes de moins de 24 ans et que la destination la plus commune était l’Italie.

85.Il est apparu aussi que 24 % des femmes avaient commencé à travailler dans l’industrie du sexe avant l’âge de 18 ans et que beaucoup d’entre elles y avaient été amenées à cause de situations de fait ou de pressions, manipulations ou «suggestions» venant de personnes proches.

86.L’étude a mis en évidence qu’il existait des zones géographiques à risque pour la traite des personnes:

a)Le département de Colonia, aussi bien dans la capitale, Colonia de Sacramento, qu’à Nueva Palmira (deux villes portuaires et séparées de l’Argentine par un fleuve);

b)Montevideo (point de sortie de la traite vers l’Europe et point de «recrutement»); et

c)Le département de Paysandú (séparé de l’Argentine par un fleuve).

87.Dans le département de Maldonado (où le tourisme régional et international est important) il existait un niveau de risque secondaire mais avec des situations de grande vulnérabilité.

88.Le signalement du département de Paysandú comme site à risque a attiré l’attention car celui-ci ne figurait pas − en principe − parmi les zones jugées les plus préoccupantes. Mais les tournées effectuées de nuit dans la ville ont montré sans équivoque qu’il existait des réseaux d’exploitation sexuelle des mineurs qui n’avaient pas pu être dénoncés ou évités à temps. Au moment où se déroulait l’étude, il a été mis au jour un réseau de trafiquants uruguayens opérant en Italie qui exploitait des jeunes filles originaires de Paysandú. L’OIM avait aidé une d’elles à rentrer en Uruguay.