Observations finales concernant le huitième rapportpériodique de l’Ukraine *

Le Comité a examiné le huitième rapport périodique de l’Ukraine (CEDAW/C/UKR/8) à ses 1472e et 1473e séances (voir CEDAW/C/SR.1472 et 1473), qui se sont tenues le 14 février 2017. La liste des points et questions soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/UKR/Q/8 et les réponses de l’Ukraine sont consignées dans le document CEDAW/C/UKR/Q/8/Add.1.

A.Introduction

Le Comité remercie l’État partie d’avoir présenté son huitième rapport périodique. Il le remercie également de ses réponses écrites à la liste des points et des questions soulevés par le groupe de travail d’avant session et se félicite de l’exposé oral de la délégation et des précisions complémentaires apportées en réponse aux questions que le Comité a posées oralement durant l’échange de vues.

Le Comité félicite la délégation de l’État partie, qui était dirigée par Natalia Fedorovytch, Ministre déléguée à la politique sociale, et qui comprenait des représentants du Ministère de la justice, du Ministère de la santé, du Ministère de l’éducation et des sciences, du Ministère de la défense, du Bureau du Procureur général, ainsi que de la Mission permanente de l’Ukraine auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis depuis l’examen, en 2008, des sixième et septième rapports périodiques de l’État partie (CEDAW/C/UKR/7) au regard des réformes législatives, en particulier l’adoption des lois suivantes :

a)Loi relative à la prévention et à la répression de la violence familiale, en 2016;

* Adoptées par le Comité à sa soixant e-sixième session (13 février-3  mars 2017).

b)Loi relative à la lutte contre la traite des êtres humains, en 2011.

Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour améliorer ses politiques visant à éliminer plus rapidement la discrimination à l’égard des femmes et à promouvoir les droits des femmes, notamment par l’adoption des mesures suivantes :

a)Programme en matière d’égalité des droits et des chances entre hommes et femmes (2017-2021);

b)Principe général du Programme national de prévention et de répression de la violence familiale (2017-2020);

c)Plan d’action national pour l’application de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité, sur les femmes et la paix et la sécurité (2016-2020);

d)Stratégie pour la réduction de la pauvreté (2016-2020);

e) Stratégie nationale de promotion des droits de l’homme et Plan d’action pour l’application de cette stratégie, en 2016;

f)Programme national de lutte contre la traite des êtres humains, en 2016.

Le Comité note avec satisfaction que, depuis l’examen du rapport précédent, l’État partie a adhéré à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en 2015.

Le Comité se félicite de ce que l’État partie a signé le Statut de Rome de la Cour pénale internationale en 2000 et accepté la compétence de la Cour en ce qui concerne les crimes qui auraient été commis sur son territoire depuis le 20 février 2014.

C.Parlement

Le Comité souligne que le rôle du pouvoir législatif est déterminant pour assurer la pleine exécution de la Convention (voir la déclaration du Comité relative à ses relations avec les parlementaires, adoptée à sa quarante-cinquième session en 2010). Il invite la Verkhovna Rada à prendre, conformément à son mandat, les mesures nécessaires pour donner corps aux présentes observations finales d’ici à la présentation du prochain rapport au titre de la Convention.

D.Facteurs et difficultés entravant l’application effectivede la Convention

Le Comité estime que le conflit armé en cours dans l’État partie, qui entre dans sa quatrième année, entrave l’application de la Convention. Il considère néanmoins que cette application, en particulier en période de conflit, est le moyen le plus efficace de garantir aux femmes le plein respect et l’exercice des droits des femmes, celles-ci ayant un rôle moteur dans le développement socioéconomique du pays. Il prie donc l’État partie d’accorder la plus haute priorité à l’application des recommandations figurant dans les présentes observations finales pour assurer la mobilisation nationale et l’appui international, compte dûment tenu de la recommandation générale no 30 (2013) sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et les situations d’après conflit, en établissant un mécanisme spécial de coordination avec toutes les institutions compétentes de l’État à tous les niveaux, c’est-à-dire la Verkhovna Rada, les autorités provinciales, l’appareil judiciaire et d’autres parties prenantes, ainsi que les représentants de la société civile et d’organisations internationales, qui fournissent actuellement un appui à l’État partie en vue de parvenir à une paix durable et globale.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Contexte général

Le Comité salue les efforts et l’engagement de l’État partie en faveur de la consolidation de la paix, du renforcement de l’état de droit et du développement durable. Il note que, depuis le début du conflit, en avril 2014, et l’occupation temporaire et l’annexion non reconnue de la République autonome de Crimée et de la ville de Sébastopol par la Fédération de Russie(voir résolutions de l’Assemblée générale 68/262 et 71/205), l’État partie fait face à une situation dramatique marquée par les souffrances humaines, l’instabilité économique et la montée de la violence et de l’insécurité. Le Comité note que les hostilités se poursuivent malgré la signature des accords de Minsk. Si des efforts ont été faits par l’État partie, l’impunité qui entoure les violations des droits de l’homme et les atteintes à ces droits commises dans le contexte de la crise à laquelle il est confronté sur son territoire et dans sa périphérie, en particulier dans certaines parties des régions de Donetsk et Luhansk, a eu de graves conséquences pour la population civile, en particulier les femmes et les filles vulnérables telles que les femmes déplacées à l’intérieur du pays, les femmes rurales, les femmes âgées, les femmes handicapées, les Roms, les lesbiennes, bisexuelles ou transgenres et celles appartenant à d’autres minorités. Le Comité note avec une préoccupation particulière que cette situation, ainsi que la généralisation de la corruption, ont contribué à l’augmentation de la violence à l’égard des femmes exercée par des acteurs étatiques et non étatiques et au renforcement des attitudes traditionnelles et patriarcales qui empêchent les femmes et les filles d’exercer pleinement leurs droits. Le Comité est également préoccupé par l’absence d’informations sur la situation des territoires situés en dehors du contrôle effectif de l’État partie, en raison des restrictions d’accès imposées aux représentants de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et d’autres organisations internationales. Le Comité rappelle à l’État partie la nécessité urgente de renforcer le programme constructif mis en place pour consolider l’état de droit et souligne le rôle crucial des femmes en tant que force de paix et pour rétablir la stabilité.

11. Conformément à sa recommandation générale n o  30, le Comité demande à l’État partie :

a) De faire en sorte que l’état de droit soit respecté et que la justice soit rendue efficacement et sans retard, en tenant compte de la si tuation particulière des femmes ;

b) De mettre en place, à titre prioritaire, des mesures pour lutter efficacement contre la corruption et l’impunité et pour s’acquitter de son obligation d’agir avec la diligence voulue pour prévenir la violence à l’égard des femmes exercée par des acteurs étatiques et non étatiques, ouvrir des enquêtes sur ces actes de violence et en poursuivre et punir les auteurs ;

c) D’organiser une formation systématique aux droits de l’homme, en mettant l’accent sur les droits des femmes, à l’intention des membres des forces de l’ordre et de l’armée, et d’instaurer et d’appliquer un code de conduite strict afin de garantir efficacement le respect des droits de l’homme;

d) Dans le cadre des accords de Minsk, de rejeter les demandes d’amnistie à accorder aux personnes soupçonnées ou accusées de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ou de violations flagrantes des droits de l’homme, y compris d’actes de violence sexuelle liés au conflit, ou condamnées pour de tels crimes, sachant que les amnisties sont illégitimes si elles portent atteinte au droit des victimes à un recours utile, y compris une réparation, ou restreignent le droit des victimes et des sociétés de connaître la vérité sur les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire.

Les femmes et la paix et la sécurité

Le Comité se félicite de l’adoption du plan d’action national pour l’application de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité, sur les femmes et la paix et la sécurité, portant sur la période 2016‑2020, mais il constate avec préoccupation :

a)Que les femmes sont en général marginalisées et qu’elles ne participent pas activement et véritablement aux négociations de paix en cours, notamment aux accords de Minsk 2;

b)Qu’en n’associant pas véritablement les femmes à toutes les étapes des initiatives de paix et de reconstruction, ainsi qu’aux mécanismes de justice transitionnelle et de réconciliation nationale, les priorités des femmes et leur expérience du conflit ne seront pas pleinement prises en compte, contrairement à ce qu’exigent la Convention et la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité, ce qui pourrait porter préjudice à ces entreprises.

13. Rappelant sa recommandation générale n o  30, le Co mité préconise à l’État partie :

a) De s’attacher en priorité à associer véritablement les femmes à toutes les étapes du processus de paix et à toutes les initiatives de reconstruction ainsi qu’aux processus de justice transitionnelle, et en particulier à toutes les décisions, aux échelons national et local, et d’élaborer des programmes de renforcement des capacités à l’intention des femmes qui souhaitent participer à ces entreprises;

b) D’offrir aux femmes et aux organisations de la société civile la possibilité de contribuer activement au processus de paix, en mettant en place des moyens efficaces de communication et de coordination et des initiatives conjointes pour la prise en compte des priorités des femmes ;

c) De réaffirmer le caractère non négociable de tous les droits consacrés par la Convention et d’adopter une stratégie visant à prévenir tout recul des droits des femmes dans le cadre des négociations de paix ;

d) D’instaurer ou de relancer un processus politique visant à établir une paix globale et durable qui permette de jeter les bases d’une véritable démocr atie fondée sur l’état de droit ;

e) D’établir une feuille de route assortie d’un calendrier précis, de repères et d’un budget spécifique pour mettre en œuvre le plan national d’action et d’élaborer des indicateurs pour le su ivi régulier de son application ;

f) De renforcer la coopération avec les organisations internationales et la communauté des donateurs.

Violences sexuelles liées au conflit

Le Comité reconnaît les efforts que l’État partie a faits pour respecter ses obligations au titre de la Convention, mais il est préoccupé par l’exacerbation de la violence à l’égard des femmes dans certaines parties des régions de Donetsk et Luhansk, ainsi que dans les territoires temporairement occupés que sont la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol, depuis l’éclatement du conflit. Il constate avec préoccupation qu’en dépit du sous-signalement des cas de violence sexuelle dû à la stigmatisation et à la peur de représailles, entre autres raisons, des éléments probants attestent d’un grand nombre de cas de violence sexuelle dans les zones touchées par le conflit. Le Comité est en outre préoccupé par les points suivants :

a)La définition actuelle du viol est dépassée et n’inclut pas le viol commis par la force ou la coercition, causé par la menace de violence, la contrainte, la détention, les pressions psychologiques ou l’abus de pouvoir, et ne peut donc pas être appliquée aux cas liés au conflit;

b)Les forces de l’ordre et l’appareil judiciaire disposent de moyens limités pour enquêter sur les cas de violence sexuelle, rassembler des preuves et poursuivre les responsables en justice;

c)Aucune mesure n’a été prise pour fournir rapidement une assistance complète aux victimes de violences sexuelles, comme des services de santé, dont la santé sexuelle et procréative, des services juridiques et psychologiques, des moyens de subsistance et d’autres services multisectoriels.

15. Conformément aux dispositions de la Convention et de sa recommandation générale n o  30, le Comité prie l’État partie :

a) De modifier l’article 152 du Code pénal afin d’y incorporer des dispositions relatives aux violences sexuelles, notamment une définition plus complète du viol en conformité avec les normes internationales, où serait compris tout acte «  commis par la force ou en usant à l’encontre de ladite ou desdites ou de tierces personnes de la menace de la force ou de la coercition, telle que celle causée par la menace de violences, contrainte, détention, pressions psychologiques, abus de pouvoir, ou bien à la faveur d’un environnement coercitif, ou encore en profitant de l’incapacité de ladite personne de donner son libre consentement », afin de garantir le respect du principe d’établissement des responsabilités pour les violences sexuelles liées au conflit ;

b) De dispenser, à l’intention des juristes, des enquêteurs, des procureurs et des policiers, des formations adaptées leur permettant de renforcer leurs capacités d’enquêter sur les cas de violences sexuelles, de les consigner et d’engager des poursuites le cas échéant, conformément au protocole international pour l’établissement des faits et des responsabilités en cas de violences sexuelles commises en période de conflit ;

c) De garantir aux femmes et aux filles l’accès à la justice et d’adopter des procédures tenant compte du sexe de la victime pour enquêter sur la violence sexuelle, de mener des activités de formation et d’adopter des codes de conduite et des protocoles tenant compte du sexe de la victime à l’intention de la police et de l’armée, et de renforcer la capacité de l’appareil judiciaire de façon à en assurer l’indépendance , l’impartialité et l’intégrité ;

d) De veiller à ce que les femmes victimes de violences sexuelles aient accès à un ensemble complet de traitements médicaux, notamment la contraception d’urgence et le traitement des maladies liées au VIH, des soins de santé mentale et un soutien psychologique dispensés par des professionnels de la santé ayant reçu la formation nécessaire pour déceler la violence sexuelle et en traiter les conséquences et l’accès aux examens de laboratoire, et de solliciter l’aide des organismes et organes compétent s des Nations Unies à cet égard ;

e) D’accorder aux victimes des mesures de réparation porteuses de changement, qui répondent aux besoins spécifiques des femmes et qui remédient aux inégalités structurelles qui font le lit de la violence à l’égard des femmes, en particulier la violence sexuelle, et d’évite r que celle-ci ne se reproduise ;

f) De faire en sorte que la violence sexuelle liée aux conflits soit à l’avenir suffisamment traitée dans tout processus de justice transitionnelle, englobant toute la gamme de mesures judiciaires et non judiciaires, notamment des initiatives pour engager des poursuites, des mécanismes de recherche de la vérité, des programmes de réparation, des mesures de réforme institutionnelle ou une combinaison appropriée de ces mesures, ainsi que des consultations nationales globales, en particulier avec les personnes touchées par des violations des droits de l’homme et des atteintes à ces droits.

Femmes déplacées

Le Comité est préoccupé par le nombre croissant de femmes et de filles déplacées à l’intérieur de l’État partie et par la nécessité d’une intervention à long terme pour leur assurer, entre autres, l’accès aux services de base et à un minimum de protection. Il note l’adoption de la loi relative à la protection des droits et libertés des personnes déplacées, en octobre 2014, ainsi que de plusieurs résolutions et décrets relatifs à l’assistance aux femmes déplacées, mais constate néanmoins avec préoccupation que les mesures d’application font défaut. Il constate par ailleurs avec préoccupation que les déplacées, notamment celles qui sont âgées, handicapées, roms ou lesbiennes, bisexuelles ou transgenres, sont particulièrement vulnérables à la violence et à l’exploitation sexuelle − ou qu’elles y ont déjà été soumises − et qu’elles se heurtent à la détérioration de conditions de vie déjà pénibles et aux difficultés concernant l’immatriculation en tant que personne déplacée et la liberté de circulation, ainsi qu’aux faibles perspectives d’emploi. Il note l’action menée par l’État partie pour continuer de payer les prestations sociales aux déplacés se trouvant dans les zones touchées par le conflit. Néanmoins, il constate avec inquiétude que les mères ou épouses de soldats tués se heurtent à d’importants obstacles s’agissant de recevoir les prestations sociales.

17. Le Comité prie instamment l’État partie :

a) De répondre aux besoins particuliers des différents groupes de déplacées à l’intérieur du pays qui subissent de multiples formes de discrimination, dont les veuves et les femmes handicapées, âgées, issues de la minorité rom ou lesbiennes, bisexuelles ou transgenres, et de prévoir des interventions à long terme pour répondre aux besoins des femmes et des filles déplacées ;

b) De garantir l’application effective de la loi sur la protection des droits et libertés des déplacés, en édictant des règlements d’application;

c) De veiller à ce que les femmes et filles déplacées aient un accès convenable aux services de santé, à l’éduction, à l’alimentation, au logement, à la liberté de circulation, à l’immatriculation, aux prestations sociales et qu’elles aient aussi la possibilité d’accéder à la justice et de bénéficier de solutions durables, ainsi que de perspectives d’emploi durable.

Accès à la justice

Le Comité note avec intérêt l’action menée par le Ministère de la justice et le fait que les tribunaux invoquent la Convention. Il est néanmoins préoccupé par les cas signalés de corruption et de manque d’indépendance du pouvoir judiciaire, deux facteurs permettant aux auteurs d’actes de discrimination à l’égard des femmes, y compris de violence sexuelle et sexiste, de jouir de l’impunité. Il note qu’en pratique le système judiciaire demeure inaccessible pour la plupart des femmes en raison d’obstacles tels que la corruption, le fait que les femmes connaissent mal leurs droits et la disponibilité limitée de l’aide juridictionnelle.

19.Rappelant sa recommandation générale n o  33 (2015) sur l’accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l’État partie :

a) De poursuivre l’action qu’il mène pour lutter contre la corruption et réformer et renforcer le système judiciaire, notamment en systématisant la formation relative à la Convention, aux recommandations générales du Comité et à ses constatations au titre du Protocole facultatif, à l’intention des juges, des procureurs, des avocats, des policiers et des autres responsables de l’application des lois;

b) D’éliminer tous les obstacles susceptibles d’empêcher les femmes d’accéder à la justice, notamment en assurant une aide juridictionnelle gratuite et en supprimant les frais de justice pour celles qui n’en ont en ont pas les moyens ;

c) D’allouer les ressources nécessaires au fonds d’aide juridictionnelle et aux organisations non gouvernementales qui facilitent l’accès des femmes à la justice;

d) De faire en sorte que les femmes soient mieux informées de leurs droits et de leur inculquer des notions juridiques élémentaires dans tous les domaines couverts par la Convention, afin qu’elles soient en mesure de faire valoir leurs droits.

Définition de la discrimination et du cadre législatif

Le Comité constate avec préoccupation que la définition de la discrimination figurant à l’article premier de la loi relative à l’égalité des droits et des chances entre hommes et femmes diffère implicitement de celle proposée dans l’article premier de la loi relative aux principes de prévention et de répression de la discrimination, donnant lieu, dans la pratique, à des interprétations contradictoires du terme « discrimination ». Il note aussi avec inquiétude que :

a)Les nouvelles réformes législatives en faveur de la promotion de la condition de la femme ne sont pas assorties des ressources nécessaires à leur exécution et à l’application du principe de responsabilité;

b)Le Gouvernement, la Verkhovna Rada et le système judiciaire ont une connaissance insuffisante des droits des femmes consacrés par la Convention et son Protocole facultatif, de la notion d’égalité réelle entre hommes et femmes ainsi que des recommandations générales du Comité;

c)Les femmes elles-mêmes, en particulier celles qui vivent en zone rurale ou sont issues de groupes défavorisés, notamment les Roms, ne connaissent pas les droits que la Convention leur confère et ne disposent donc pas des informations nécessaires pour les faire valoir.

21. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) D’harmoniser sa législation de lutte contre la discrimination afin d’inclure tous les motifs de discrimination subie par les femmes et d’en englober les formes directe et indirecte, tant dans le domaine public que dans le domaine privé, ainsi que les formes croisées de discrimination, conformément à l’article premier de la Convention et à la recommandation générale n o  28 (2010) concernant les obligations fondamentales des États parties découlant de l’article 2 de la Convention;

b) De mettre en place des mécanismes solides d’application du principe de responsabilité et d’allouer les ressources humaines, techniques et financières nécessaires pour faire appliquer des lois protégeant les droits que la Constitution et la Convention confèrent aux femmes ;

c) De faire en sorte que tous les organes de l’État, y compris l’appareil judiciaire, connaissent suffisamment et appliquent la Convention, son Protocole facultatif et les recommandations générales du Comité, et que ceux-ci servent de cadre de référence pour les lois, les décisions de justice et les politiques relatives à l’égalité des sexes et à la promotion de la condition de la femme;

d) De mieux informer les femmes sur les droits et les voies de recours qu’elles peuvent faire valoir en cas de violation des droits que leur reconnaît la Convention, et de veiller à ce que les informations sur la Convention, son Protocole facultatif et les recommandations générales du Comité soient diffusées auprès de toutes les femmes, y compris les femmes roms et celles vivant en milieu rural.

Mécanisme national de promotion de la femme

Le Comité salue l’adoption de plans d’action et de stratégies en matière d’égalité. Il note également avec intérêt qu’en octobre 2016, le Premier Ministre a décidé de créer un poste de commissaire à l’égalité des droits et des chances entre hommes et femmes au sein du Gouvernement. Tout en prenant acte de la réforme en cours sur la décentralisation, le Comité souligne avec inquiétude que l’égalité des sexes n’y est pas mentionnée. Il constate avec préoccupation que la réforme administrative de 2010 et la restructuration qui a suivi ont affaibli le mécanisme national de promotion de la femme, ce qui s’est traduit par une discontinuité des politiques menées en faveur de l’égalité des sexes. Il déplore en outre la capacité limitée du mécanisme national de coordonner de façon satisfaisante l’intégration de la lutte contre les inégalités entre les sexes dans tous les domaines et à tous les niveaux.

23. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter une stratégie claire pour renforcer la capacité nationale et locale du mécanisme national de promotion de la femme et de veiller à ce que ce mécanisme dispose du pouvoir de décision et des ressources humaines et financières nécessaires à l’application de la Convention et qu’il fonctionne de façon décentralisée pour promouvoir les droits fondamentaux de la femme à tous les niveaux ;

b) De garantir une coordination efficace et d’élaborer une stratégie d’intégration de la lutte contre les inégalités entre les sexes prévoyant un système de budgétisation tenant compte de la problématique hommes-femmes et pouvant être appliquée à toutes les politiques et à tous les programmes relatifs à divers aspects de la vie des femmes, à tous les niveaux;

c) De veiller à ce que le mécanisme national mette au point des politiques et des programmes visant à atteindre une égalité des sexes systématique et réelle dans le cadre des droits de l’homme, et d’améliorer la collecte des données, ventilées par sexe et par d’autres critères, nécessaires pour évaluer les effets et l’efficacité de ces politiques et programmes.

Mesures temporaires spéciales

24.Le Comité note avec intérêt la modification apportée à la loi relative aux partis politiques, qui fixe un quota minimum de 30 % de candidates sur les listes électorales des partis politiques dans les districts au niveau national lors d’élections législatives. Il note que l’État partie s’est efforcé de prendre des mesures temporaires spéciales dans le secteur privé, en particulier dans les conseils de surveillance des entreprises d’État, mais il est préoccupé par le fait que ces mesures n’ont pas été concrètement appliquées dans l’État partie.

25. Conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et rappelant sa recommandation générale n o  25 (2004) concernant les mesures temporaires spéciales, le Comité recommande à l’État partie :

a) De sensibiliser tous les fonctionnaires et décideurs concernés, en particulier les membres des partis politiques, à la notion de mesures temporaires spéciales, et d’adopter et appliquer des mesures de ce type, assorties de délais et de quotas, aux fins de la réalisation d’une véritable égalité entre hommes et femmes dans tous les domaines où celles-ci sont sous-représentées ou désavantagées, notamment dans la vie publique, la sphère politique et dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’emploi;

b) De remédier aux causes profondes de la faible application des mesures temporaires spéciales en vigueur et de se doter d’une législation encourageant le recours à ces mesures aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé.

Stéréotypes

26.Le Comité demeure préoccupé par la persistance, dans le discours politique, les médias et la société, de conceptions patriarcales profondément ancrées et de stéréotypes discriminatoires concernant les rôles et responsabilités respectifs des hommes et des femmes dans la famille, qui perpétuent l’état de subordination des femmes dans la famille et la société et se reflètent notamment dans leurs choix en matière d’études et de carrière, leur faible participation à la vie politique et publique et les inégalités entre hommes et femmes sur le marché du travail ainsi que dans les rapports familiaux. Le Comité rappelle que ces stéréotypes discriminatoires font aussi partie des causes profondes de la violence que subissent les femmes et déplore qu’à ce jour l’État partie n’ait pas pris de mesures à long terme pour faire évoluer ou éliminer les stéréotypes discriminatoires et les conceptions traditionnelles négatives.

27. Le Comité rappelle à l’État partie que ses hauts fonctionnaires doivent orienter l’élimination des attitudes patriarcales et des stéréotypes discriminatoires et lui recommande :

a) De mettre en place, dans les meilleurs délais, une stratégie globale prévoyant des mesures préventives à long terme visant les femmes et les hommes à tous les échelons de la société, en vue de venir à bout des stéréotypes et des conceptions patriarcales concernant les rôles et les responsabilités respectifs des femmes et des hommes dan s la famille et dans la société ;

b) De prendre des mesures novatrices à l’égard des médias, afin de mieux faire comprendre que l’homme et la femme sont égaux et de diffuser une image positive et non stéréotypée de la femme dans tous les domaines, en mettant notamment l’accent sur le système éducatif.

Violence à l’égard des femmes

28.Le Comité reste préoccupé par la prévalence de la violence à l’égard des femmes dans l’État partie, en particulier la violence familiale et la violence sexuelle, qui demeurent sous-signalées, et par le manque de statistiques à ce sujet ventilées par âge et lien entre la victime et l’auteur des faits. Prenant note des informations fournies par la délégation au cours de l’échange de vues, selon lesquelles la loi portant ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique est actuellement en seconde lecture à la Verkhovna Rada, le Comité se dit préoccupé par les éléments suivants :

a)La législation de l’État partie ne condamne pas la violence familiale et ne définit pas précisément la violence sexiste;

b)Il n’existe pas de structures d’accueil pour les victimes de violence sexiste, y compris pour les femmes et les filles handicapées.

29. Rappelant sa recommandation générale n o 19 (1992) sur la violence à l’égard des femmes, le Comité recommande à l’État partie :

a) De pénaliser la violence familiale et d’accélérer la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique;

b) De prendre tout un ensemble de mesures pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes et des filles et de veiller à ce que les auteurs de violences soient poursuivis et sanctionnés comme il convient ;

c) De proposer à l’intention des juges, procureurs, policiers et autres agents de la force publique des programmes obligatoires de renforcement des capacités leur permettant d’appliquer rigoureusement la législation pénale en matière de violence à l’égard des femmes et d’adopter des procédures tenant compte du sexe de la victime lors de la prise en charge de femmes victimes d’actes de violence, notamment celles qui sont handicapées;

d) De garantir une compensation, une aide et une protection adéquates aux femmes victimes de violence sans oublier les femmes et les filles handicapées, en créant des refuges, y compris dans les zones rurales, et en intensifiant la collaboration avec les organisations non gouvernementales qui accueillent les victimes et leur proposent des services de réadaptation;

e) De recueillir des données statistiques, ventilées par âge et type de lien entre la victime et l’auteur des faits, sur la violence familiale, la violence sexuelle et d’autres formes de violence faite aux femmes ;

f) De créer les conditions adéquates pour que les femmes handicapées victimes de violence puissent obtenir réparation et bénéficier d’une aide à la réadaptation.

Traite d’êtres humains et exploitation de la prostitution

30.Le Comité prend note avec satisfaction des efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la traite d’êtres humains et en protéger les victimes, mais se dit gravement préoccupé par le fait que l’augmentation du chômage et de la corruption, la baisse du niveau de vie de la population, la crise actuelle et la faible application de législations et de plans d’action contre la traite d’êtres humains contribuent à instaurer les conditions propices à une inquiétante généralisation de cette pratique dans l’État partie. Le Comité déplore en outre la violence et la discrimination dont les prostituées seraient victimes, qui prennent la forme de divers mauvais traitements, comme l’extorsion, le passage à tabac, l’exploitation au moyen de manœuvres appelées « soubbotnik » et le viol, d’un manque d’assistance et d’une absence de programmes de soutien et de réinsertion à l’intention de celles qui souhaitent sortir de la prostitution.

31. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’appliquer intégralement sa législation relative à la traite d’êtres humains et d’accroître les ressources financières allouées à l’application des lois et des programmes visant à combattre cette pratique;

b) De renforcer les capacités du système judiciaire, de la police, de la police des frontières, des travailleurs sociaux et du personnel de santé afin qu’ils soient mieux à même d’orienter sans délai les victimes de la traite d’êtres humains et de les prendre en charge en tenant compte du sexe de la victime;

c) De remédier aux causes profondes de la traite d’êtres humains en améliorant les perspectives éducatives et économiques des filles, des femmes et de leur famille, afin de réduire leur vulnérabilité face aux trafiquants ;

d) De créer des refuges et centres de crise pour les femmes et de proposer à celles qui sont victimes de la traite ou veulent sortir de la prostitution des programmes d’aide à la réinsertion ainsi que d’autres moyens de gagner leur vie;

e) D’accroître les efforts déployés pour assurer une coopération bilatérale, régionale et internationale en matière de prévention de la traite d’êtres humains.

Participation à la vie politique et publique

32.Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour accroître la participation des femmes à la vie politique et publique, notamment l’augmentation du nombre de femmes parlementaires. Il est cependant préoccupé par le fait que les femmes sont toujours largement sous-représentées aux postes de décision à la Verkhovna Rada, au Gouvernement et dans la fonction diplomatique, en raison de la persistance des comportements traditionnels et patriarcaux, de l’absence de mesures efficaces, notamment de mesures temporaires spéciales, de l’accès limité aux réseaux politiques et d’un renforcement des capacités limité.

33. Le Comité rappelle à l’État partie que la pleine participation des femmes est essentielle non seulement à leur autonomisation mais aussi au progrès de la société dans son ensemble, et lui recommande :

a) D’adopter une stratégie mondiale fondée sur des mesures ciblées, notamment des programmes de formation, des modes de recrutement faisant place aux femmes et des mesures spéciales, y compris des mesures temporaires spéciales, visant à nommer des femmes à des postes de décision, tant au niveau national que local, sur un pied d’égalité avec les hommes, conformément à la recommandation générale n o 23 (1997) du Comité sur la participation des femmes à la vie politique et publique;

b) De sensibiliser la classe politique, les responsables locaux, les journalistes et l’opinion publique à l’importance de la participation des femmes dans la prise de décisions, afin de faire prendre davantage conscience qu’une participation pleine, libre et démocratique des femmes à la vie politique et publique, dans des conditions d’égalité avec les hommes, est indispensable à l’application intégrale de la Convention ainsi qu’à la stabilité politique et au dé veloppement économique du pays.

Éducation

34.Le Comité note avec satisfaction le taux élevé d’alphabétisation des femmes. Il salue par ailleurs l’élaboration d’une stratégie nationale pour l’éducation à l’horizon 2020. Il s’inquiète toutefois de la persistance de certains stéréotypes négatifs et patriarcaux à l’égard des femmes et des filles dans les programmes et manuels scolaires. Il s’inquiète également du fait que les écoles offrent des programmes d’apprentissage de « compétences nécessaires à la vie courante » où les filles apprennent à faire la cuisine et à coudre, tandis que les garçons apprennent le travail du bois et la menuiserie, ce qui perpétue les rôles traditionnels dévolus à chacun des deux sexes dans la société. Le Comité est préoccupé par l’inégalité d’accès des femmes aux universités des Ministères de l’intérieur et de la défense. Il est également préoccupé par le fort taux d’échec scolaire parmi les filles roms.

35. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De redoubler d’efforts pour réviser les programmes et les manuels scolaires afin d’en retirer toute conception stéréotypée et négative des femmes et des filles;

b) De veiller à ce que le même programme s’applique aux garçons et aux filles de façon à offrir les mêmes chances d’apprentissage de « compétences nécessaires à la vie courante » indifféremment du sexe de l’élève, notamment par l’application de mesures temporaires spéciales;

c) De garantir l’égalité d’accès des femmes aux universités des Ministères de l’intérieur et de la défense, notamment par l’adoption de mesures temporaires spéciales;

d) De promouvoir l’accès des filles roms à l’éducation et leur rétention à tous les niveaux d’enseignement, notamment en les sensibilisant à l’importance de l’éducation en tant que droit fondamental et condition première de l’autonomisation des femmes, et en renforçant l’application des mesures permettant aux filles roms en situation de décrochage scolaire de retourner à l’école.

Emploi

Le Comité prend note de l’adoption, en 2012, d’une loi relative à l’emploi établissant l’égalité d’accès aux emplois pour tous les citoyens. Il est toutefois préoccupé par les points suivants :

a)La persistance d’un écart de rémunération considérable et croissant entre les sexes dans tous les secteurs, la ségrégation des emplois sur le marché du travail et la concentration des femmes dans les emplois faiblement rémunérés des secteurs formel et informel;

b)La liste des emplois interdits aux femmes, qui englobe un large éventail d’emplois et d’activités pour lesquels l’interdiction n’a aucune justification objective, ce qui a pour effet de limiter les perspectives économiques des femmes et leur accès à des postes de responsabilité dans un certain nombre de domaines, en particulier dans le secteur militaire ainsi que dans l’agriculture et l’industrie;

c)L’absence de renseignements sur la législation interdisant le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et prévoyant des voies de recours civiles et/ou pénales, sur le nombre de poursuites et de condamnations et sur les peines infligées aux auteurs des faits;

d)La situation des femmes dans les zones touchées par le conflit, où elles deviennent de facto le chef de famille et le principal soutien économique de leur foyer.

37. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De redoubler d’efforts pour créer un environnement favorable à l’accès des femmes à l’indépendance financière, notamment en informant les employeurs des secteurs public et privé quant à l’interdiction de la discrimination des femmes, y compris des femmes handicapées, en matière d’emploi, et pour promouvoir l’insertion des femmes dans l’économie formelle, notamment en leur offrant des formations professionnelles et techniques;

b) De réellement garantir l’égalité salariale pour un travail de valeur égale, de se doter de mesures visant à réduire et combler l’écart de rémunération entre les sexes et de revaloriser régulièrement les salaires dans les secteurs à forte concentration de main-d’œuvre féminine;

c) De passer en revue la liste des professions et secteurs interdits, de promouvoir et faciliter l’accès des femmes aux professions jusque-là interdites en améliorant les conditions de travail ainsi que l’hygiène et la sécurité au travail;

d) De renforcer la législation afin de définir et d’interdire expressément le harcèlement sexuel sur le lieu de travail;

e) De favoriser le développement des entreprises et d’améliorer l’accès des femmes et des filles à l’informatique en encourageant leur participation à des programmes d’initiation à l’informatique et en leur garantissant l’accès aux nouvelles technologies;

f) De redoubler d’efforts afin d’offrir aux femmes touchées par le conflit, y compris les femmes handicapées, les veuves et les femmes chefs de famille, des perspectives économiques durables, et de lever tous les obstacles à la participation équitable des femmes au marché du travail;

g) D’élaborer des stratégies de redressement économique favorisant l’égalité des sexes, condition indispensable à la création d’une économie viable après un conflit.

Santé

38.Le Comité accueille avec satisfaction l’initiative prise par l’État partie de réformer le système de santé et de faire face à l’urgence d’ordre humanitaire, notamment en mettant en place des unités d’intervention mobiles pour les victimes de violence. Il est toutefois préoccupé par les points suivants :

a)L’insuffisance du budget alloué aux services de santé et la vétusté du matériel de santé des hôpitaux et des centres médicaux;

b)La hausse du taux de cancers du sein dans l’État partie, première cause de mortalité chez les femmes en âge de travailler, et le manque de services de diagnostic, de prévention et de mammographie;

c)L’augmentation, chez les femmes, du taux de prévalence de la tuberculose, des infections sexuellement transmissibles et du VIH, et l’alcoolisme et la toxicomanie parmi les femmes.

39. Conformément à sa recommandation générale n o 24 (1999) sur les femmes et la santé, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’allouer un budget suffisant aux services de santé et de renforcer l’accès des femmes à des soins de santé et des services sanitaires de qualité;

b) De garantir la disponibilité de services de mammographie et de dépistage, et un accès égal à ces services pour les femmes dans l’ensemble du pays;

c) De renforcer l’exécution des stratégies visant à lutter contre le VIH, en particulier les stratégies préventives, de continuer de fournir des traitements antirétroviraux gratuits à toutes les femmes qui vivent avec le VIH et de mettre en place des stratégies pour lutter contre l’alcoolisme et la consommation de drogues chez les femmes;

d) D’offrir un véritable accès aux informations sur les soins de santé et à des services de soins abordables, notamment en matière de santé procréative et de méthodes contraceptives, de collecter des données ventilées et de former les médecins et professionnels de la santé, notamment dans les zones rurales.

Femmes rurales

40.Tout en appréciant à sa juste valeur l’adoption de nouvelles stratégies de décentralisation au profit des zones rurales, le Comité constate que les femmes rurales vivent dans des conditions particulièrement difficiles et déplore le manque de données sur leur situation et l’insuffisance des mesures prises par l’État partie pour lutter contre la pauvreté des femmes rurales et pour leur garantir pleinement l’accès à la justice, à l’éducation, aux services de santé, au logement, à l’emploi dans le secteur structuré, aux possibilités de perfectionnement et de formation professionnelle, aux activités génératrices de revenu et au microcrédit.

41.Le Comité s’inquiète de la précarité de la situation des femmes rurales touchées par le conflit, qui subissent les répercussions du conflit de manière démesurée, leurs droits à produire, à disposer de moyens de subsistance et d’accéder à la terre étant régulièrement enfreints dans ces zones. Il s’inquiète également du manque d’information sur des initiatives visant à aider et à soutenir les femmes des zones rurales touchées par le conflit dans l’État partie, notamment les femmes chefs de famille, célibataires, veuves ou handicapées et les femmes appartenant à des minorités.

42. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De solliciter l’assistance et la coopération internationales, selon que de besoin, pour améliorer les infrastructures dans les zones rurales, et formuler des politiques de lutte contre la pauvreté des femmes vivant en milieu rural afin de garantir leur accès à la justice, à l’éducation, au logement, à l’emploi dans le secteur structuré, aux possibilités de perfectionnement et de formation professionnelle, aux activités génératrices de revenu et au microcrédit, ainsi que leur droit à la propriété et à l’exploitation des terres, en tenant compte de leurs besoins spécifiques, conformément à la recommandation générale n o  34 (2016) du Comité sur les droits des femmes rurales;

b) D’accorder une attention particulière aux incidences néfastes du conflit sur la situation des femmes rurales et de veiller à ce que leurs besoins spécifiques soient pris en compte et à ce qu’elles bénéficient d’un accès égal aux services de base, aux infrastructures et aux nouvelles technologies;

c) D’examiner les effets des stratégies sociales et économiques de développement rural sur les droits fondamentaux des femmes et d’améliorer le rassemblement de données précises et ventilées concernant les femmes vivant en milieu rural;

d) De définir des actions propres à exploiter les possibilités d’émancipation économique des femmes rurales et de veiller à ce qu’elles soient associées à l’élaboration de ces stratégies et programmes, en axant ces initiatives sur les femmes, non seulement en tant que victimes ou bénéficiaires, mais également en tant que participantes actives à la conception et à l’exécution de ces politiques.

Femmes handicapées et femmes âgées

43.Le Comité s’inquiète de l’absence de politiques et de mesures publiques visant à protéger les droits des femmes et des filles handicapées, y compris leurs droits à une éducation sans exclusion, aux soins de santé, à l’emploi, au logement et à la participation à la vie politique et publique, ainsi que de l’absence de mécanismes de protection des femmes et des filles handicapées contre les formes de discrimination convergentes, la violence et les mauvais traitements. Le Comité s’inquiète également de la pratique présumée de stérilisations forcées sur des femmes reconnues juridiquement incapables, avec le consentement de leur tuteur et sans leur consentement libre et éclairé. Il s’inquiète en outre de la situation des femmes âgées et de leurs difficultés d’accès aux soins de santé et à une protection contre la violence et les mauvais traitements.

44. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De se doter de politiques et de programmes d’ensemble afin de protéger les droits des femmes et des filles handicapées et des femmes âgées, notamment celles faisant face à des formes de discrimination convergentes, de leur assurer l’égalité d’accès à l’éducation, à l’emploi, au logement, aux soins de santé et aux autres services de base ainsi qu’à la protection sociale, de renforcer leur autonomie et leur accès aux services collectifs ainsi que leur participation à la vie politique et à la vie publique;

b) D’abolir la pratique de la stérilisation forcée des femmes handicapées sans leur consentement libre et éclairé et d’offrir aux victimes de cette pratique des voies de recours.

Femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres

45.Le Comité est préoccupé par des cas signalés de discrimination, de harcèlement et de discours haineux, fondés sur des stéréotypes négatifs, à l’encontre de femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres, et par l’absence de centres d’hébergement pour femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres victimes de violences. Il est également préoccupé par le manque d’informations disponibles pour ces femmes concernant leurs droits et les services de santé disponibles, ainsi que par l’absence de formations à l’intention du personnel médical sur les besoins de ces femmes.

46. Le Comité recommande à l’État partie de protéger comme il se doit les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres contre les discriminations et la violence, notamment en adoptant une loi anti-discrimination et en modifiant les lois existantes interdisant les formes de discrimination convergentes, d’offrir aux femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres victimes de violence un hébergement et une assistance, et de dispenser des formations en la matière à l’intention du personnel médical, des policiers et des autres représentants des forces de l’ordre.

Mariage et relations familiales

47.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a porté l’âge minimum du mariage à 18 ans pour les filles, mais s’inquiète de ce que la pratique des mariages avant cet âge subsiste dans les communautés roms. Le Comité s’inquiète également du fait que les juges ont souvent recours à la médiation, même dans des situations de violence familiale. Par ailleurs, le Comité est préoccupé par le fait que la violence sexiste à l’égard des femmes dans la sphère familiale n’est pas prise en compte par les tribunaux lorsqu’ils rendent une décision relative à la garde des enfants ou aux droits de visite.

48. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à l’application stricte de l’âge minimum du mariage (18 ans);

b) De s’assurer que la médiation ne soit pas utilisée dans les situations de violence familiale;

c) D’adopter une législation exigeant que la violence sexiste à l’égard des femmes dans la sphère familiale soit prise en compte dans les décisions concernant la garde des enfants et les droits de visite et de sensibiliser les autorités judiciaires à la relation entre cette violence et le développement des enfants .

Collecte de données

49.Le Comité est préoccupé par le manque général de données statistiques à jour, ventilées en fonction du sexe, de l’âge, de l’origine ethnique, du handicap, de la situation géographique et du contexte socioéconomique, pourtant indispensables si l’on veut évaluer précisément la situation des femmes et déterminer si elles sont victimes de discrimination, élaborer des politiques éclairées et ciblées et suivre et évaluer systématiquement les avancées vers la réalisation de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, dans tous les domaines visés par la Convention.

50. Le Comité demande à l’État partie de mettre au point un système d’indicateurs de la condition féminine pour améliorer la collecte de données ventilées par sexe et autres facteurs, disposition indispensable pour évaluer les effets et l’efficacité des politiques et des programmes visant à institutionnaliser l’égalité des sexes et améliorer l’exercice, par les femmes, de leurs droits fondamentaux. À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale n o  9 (1989) relative aux données statistiques concernant la situation des femmes, l’encourage à solliciter l’assistance technique des organismes des Nations Unies compétents et à resserrer sa collaboration avec les associations de femmes qui pourraient l’aider à collecter des données précises.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

51. Le Comité demande à l’État partie de tenir compte de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing dans ses initiatives visant à mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

52. Le Comité appelle à la réalisation de l’égalité effective entre les sexes, conformément aux dispositions de la Convention, tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Diffusion

53. Le Comité demande à l’État partie de veiller à ce que les présentes observations finales soient communiquées en temps utile, dans sa langue officielle, aux institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, à la Verkhovna Rada et à l’appareil judiciaire, afin d’en assurer l’application intégrale.

Assistance technique

54. Le Comité recommande à l’État partie de solliciter l’assistance et la coopération internationales et de recourir à l’assistance technique disponible pour élaborer et mettre à exécution un programme complet visant à faire appliquer les recommandations présentées ci-dessus et l’ensemble de la Convention. Le Comité demande également à l’État partie de poursuivre sa coopération avec les institutions spécialisées et les programmes du système des Nations Unies.

Ratification d’autres traités

55. Le Comité note que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme renforcerait l’exercice par les femmes de leurs libertés et droits fondamentaux dans tous les aspects de la vie. Le Comité encourage par conséquent l’État partie à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, à laquelle il n’est pas encore partie.

Suivi des observations finales

56. Le Comité prie l’État partie de lui communiquer, dans un délai de deux ans, des informations écrites sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations figurant aux paragraphes 13 a) et f) et 29 a) et c) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

57. Le Comité invite l’État partie à présenter son neuvième rapport périodique en mars 2021. En cas de retard, le rapport devra couvrir toute la période allant jusqu’à la date de soumission.

Le Comité demande à l’État partie de suivre les Directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I) .