Nations Unies

CCPR/C/COD/CO/4

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

30 novembre 2017

Original : français

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le quatrième rapport périodique de la République d émocratique du Congo*

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le quatrième rapport périodique de la République démocratique du Congo (CCPR/C/COD/4) à ses 3414e et 3415e séances (CCPR/C/SR.3414 et 3415), les 16 et 17 octobre 2017. À sa 3444e séance, le 6 novembre 2017, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique de la République démocratique du Congo et les renseignements qu’il contient, tout en regrettant qu’il ait été soumis avec sept années de retard. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de haut niveau de l’État partie sur les mesures prises par celui-ci pour donner effet aux dispositions du Pacte. Il remercie l’État partie pour les informations complémentaires apportées par écrit (CCPR/C/COD/Q/4/Add.1) en réponse à la liste de points (CCPR/C/COD/Q/4) ainsi que pour les réponses données oralement.

B.Aspects positifs

3.Le Comité salue les mesures législatives et institutionnelles prises par l’État partie, notamment :

a)L’adoption de la loi du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant ;

b)L’adoption de la loi du 9 juillet 2011 portant criminalisation de la torture ;

c)L’adoption de la loi du 21 mars 2013 relative à la création, à l’organisation et au fonctionnement de la Commission nationale des droits de l’homme ;

d)L’adoption de la loi du 15 juillet 2016 portant modification du Code de la famille de 1987.

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après, ou y a adhéré :

a)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2010 ;

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, en 2015.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Mise en œuvre du Pacte dans l’ordre juridique interne

5.Le Comité prend note de l’article 215 de la Constitution selon lequel les traités ont une autorité supérieure à celle des lois. Il réitère cependant ses préoccupations et regrette qu’aucun exemple ne lui ait été fourni de cas dans lesquels les dispositions du Pacte ont été invoquées devant les tribunaux ou appliquées par ces derniers. Le Comité est préoccupé par les informations relatives à la consultation limitée de la société civile dans le cadre de l’établissement du rapport qui lui est destiné (art. 2).

6. L’État partie devrait prendre des mesures pour faire mieux connaître le Pacte et le premier Protocole facultatif s’y rapportant auprès des juges, des avocats et des procureurs afin de garantir que leurs dispositions soient prises en compte et appliquées par les tribunaux nationaux. L’État partie devrait garantir une consultation large et ouverte de la société civile dans le cadre de l’établissement de ses rapports destinés au Comité et de la mise en œuvre des recommandations de ce dernier .

Constatations adoptées au titre du Protocole facultatif

7.Le Comité regrette l’absence récurrente d’observations de l’État partie sur les communications soumises au titre du Protocole facultatif, le manque d’information sur la mise en œuvre des constatations adoptées, ainsi que l’absence de mécanismes et de procédures efficaces permettant aux auteurs de demander, en droit et en pratique, la pleine mise en œuvre de ces constatations (art. 2).

8. L’État partie devrait prendre toutes les mesures qui s’imposent pour mettre en place l es procédures voulues pour donner pleinement effet aux constatations adoptées par le Comité de façon à garantir un recours utile en cas de violation du Pacte, conformément au paragraphe 3 de l’article 2.

Commission nationale des droits de l’homme

9.Le Comité est préoccupé par le fait que seuls 30 % du budget légalement alloué à la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) lui ont été effectivement attribués, ainsi que par le fait que la Commission n’a reçu aucun financement depuis mars 2017. Il s’inquiète de ce que la CNDH, basée à Kinshasa, ne dispose pas de bureaux régionaux lui permettant de déployer son action sur l’ensemble du territoire. Il est également préoccupé par les informations indiquant que la Commission n’est pas perçue comme un organe totalement indépendant (art. 2).

10. L’État partie devrait s’assurer que les ressources allouées à la CNDH lui sont effectivement attribuées afin de lui permettre de s’acquitter efficacement de son mandat. L’ É tat partie devrait veiller à ce que la CNDH dispose de bureaux et de moyens d’action effectif s sur l’ensemble du territoire. Il devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour rendre la CNDH conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

Impunité, recours effectif et réparations

11.Le Comité prend note de la volonté déclarée de l’État partie de faire la lumière sur les violations des droits de l’homme et de sa coopération avec la Cour pénale internationale. Il demeure toutefois préoccupé par l’impunité qui a prévalu et continue de prévaloir pour les auteurs de violations des droits de l’homme, ce qui conduit à la commission de nouvelles violations, tant de la part des agents de l’État que des membres des groupes et milices armés. Il exprime également ses préoccupations quant aux difficultés rencontrées par les victimes pour avoir accès à un recours utile et effectif et à des réparations (art. 2, 6 et 7).

12. L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre l’impunité des auteurs des violations des droits de l’homme, en particulier les violations les plus graves, en mettant en place un système de justice transitionnel pour connaître des violations du passé et en conduisant de manière systématique et approfondie des enquêtes promptes, impartiales et efficaces pour identifier les responsables, les poursuivre et, s’ils sont reconnus coupables, les condamner à des sanctions appropriées et veiller à ce que les familles des victimes disposent de recours effectifs et aient accès à une réparation intégrale. Il devrait également poursuivre sa coopération avec la Cour pénale internationale.

Non-discrimination

13.Le Comité est préoccupé par les allégations selon lesquelles des personnes : a) seraient victimes de discrimination et d’actes de violence en raison de leur orientation sexuelle ou identité de genre ; et b) seraient poursuivis sur la base de l’article 176 du Code pénal (activités contraires à la décence publique) en raison de leur orientation sexuelle. Tout en prenant note des observations orales de la délégation, le Comité rappelle qu’il respecte la diversité des cultures et des principes moraux dans le monde, mais rappelle également qu’ils doivent toujours être subordonnés aux principes de l’universalité des droits de l’homme et de la non-discrimination reconnus par le Pacte. Il est également préoccupé par l’absence de mesures visant à lutter contre les cas signalés de discrimination et de violences à l’encontre des personnes atteintes d’albinisme, ainsi que par l’absence de législation complète contre la discrimination (art. 2, 6, 7, 17 et 26).

14. L’État partie devrait : a) adopter des mesures efficaces pour prévenir les actes de discrimination et de violence à caractère discriminatoire et faire en sorte que les victimes bénéficient d’une réparation intégrale ; b) garantir la protection et la jouissance, à égalité, des droits reconnus dans le Pacte pour toutes les personnes atteintes d’albinisme ; c) s’assurer qu’aucune personne n ’ e st poursuivie sur la base de l’article 176 du Code pénal en raison de son orientation sexuelle ou de son identité de genre ; et d) adopter une législation complète qui protège pleinement et efficacement contre la discrimination dans tous les domaines et contienne une liste exhaustive des motifs de discrimination interdits, y compris l’orientation sexuelle et l’identité de genre.

Égalité hommes-femmes

15.Le Comité est préoccupé par la faible représentation des femmes dans la vie politique et publique y compris aux plus hauts niveaux du Gouvernement et dans le système judiciaire. Il demeure également préoccupé par la persistance de stéréotypes sexistes et l’application de règles de droit coutumier perpétuant les discriminations et certaines traditions préjudiciables pour les femmes (art. 3, 7, 23, 25 et 26).

16. L’État partie devrait prendre des mesures pour garantir la non - discrimination entre les hommes et l es femmes et en particulier prendre toutes les mesures nécessaires en vue  : a) d’accroître la participation des femmes à la vie publique, en particulier leur représentation aux plus hauts niveaux du Gouvernement et dans le système judiciaire ; et b) de renforcer les actions d’éducation et de sensibilisation de la population, y compris des chefs coutumiers, en matière de lutte contre les pratiques discriminatoires traditionnelles et préjudiciables à l’égard des femmes , et de lutte r contre les stéréotypes sexistes relatifs à la subordination de s femme s aux homme s et à leurs rôles et responsabilités respectifs dans la famille et au sein de la société.

Violences domestiques

17.Le Comité est préoccupé par la persistance de traditions socioculturelles tolérant la violence intrafamiliale et par l’absence de cadre juridique visant à prévenir et sanctionner les violences domestiques, y compris le viol conjugal (art. 2, 3, 6, 7, 23 et 26).

18. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour prévenir et combattre toutes les formes de violences domestiques à l’égard des femmes, et à cet effet il devrait mettre en place  : a) une législation offrant aux femmes une protection appropriée contre les violences domestiques, notamment en incriminant la violence intra familiale et le viol conjugal ; et b) des actions de sensibilisation sur l’ensemble de son territoire et des activités de formation des agents de l’État, en particulier des juges, des procureurs , des policiers et du personnel médical et paramédical , de sorte qu’ils puissent réagir efficacement dans tous les cas de violences domestiques.

Violences sexuelles

19.Tout en notant les efforts menés par l’État partie pour lutter contre les violences sexuelles, le Comité demeure préoccupé par la persistance du phénomène sur le territoire de l’État partie, tant en zones de conflits que hors conflits. Il est en particulier préoccupé par le fait qu’en zones de conflits, elles continuent d’être utilisées comme arme de guerre, par les groupes armés mais également ces dernières années par les forces armées de la République démocratique du Congo. Il s’inquiète des informations faisant état de difficultés pour les victimes d’accéder aux services judiciaires et de facteurs multiples, tels que le tabou social, la crainte des représailles ou les incitations à accepter des conciliations à l’amiable, dissuadant les victimes de déposer plainte ou de poursuivre la procédure engagée à l’encontre de leur agresseur (art. 2, 3, 7 et 26).

20. L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que : a) tous les cas de violences sexuelles fassent l’objet d’une enquête, que les auteurs de ces violences soient traduits en justice et qu’ils soient punis s’ils sont reconnus coupables ; b) les victimes bénéficient d’un accompagnement physique et psychologique , y compris en rendant opérationnel dans les meilleurs délais le fonds de réparation en faveur des victimes de violences sexuelles ; et c ) l’accès des victimes aux services judiciaires soit facilité.

Interruption volontaire de grossesse

21.Le Comité note : a) l’ordonnance 70-158 du 30 avril 1970 qui détermine les règles de déontologie médicale permettant l’interruption volontaire de grossesse pour sauvegarder la vie de la femme ; b) l’affirmation de la délégation selon laquelle le juge peut autoriser l’interruption volontaire de grossesse en cas de viol, même s’il existe des difficultés pour accéder au juge en vue d’obtenir une telle autorisation dans certaines parties du territoire. Il demeure toutefois préoccupé par les articles 165 et 166 du Code pénal qui pénalisent l’interruption volontaire de grossesse, ce qui pousse les femmes et les filles à recourir à l’avortement non sécurisé, dans des conditions qui mettent leur vie et leur santé en danger. Il est également préoccupé par la déclaration de la délégation selon laquelle peu d’actions concrètes sont entreprises pour protéger les droits des femmes et des filles qui recourent à un avortement non sécurisé (art. 3, 6, 7, 17 et 26).

22. L’ État partie devrait modifier sa législation en vue de garantir un accès sécurisé, légal et effectif à l’avortement lorsque la vie et la santé de la femme ou fille enceinte sont en danger et lorsque le fait de mener la grossesse à terme causerait pour la femme ou la fille une douleur ou une souffrance considérable, tout particulièrement lorsque la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste ou n’est pas viable. Il devrait également veiller à ce que les femmes et les filles ayant recours à l’avortement ainsi que les médecins qui les aident ne fassent pas l’objet de sanctions pénales , étant donné que de telles sanctions contraignent les femmes et les filles à recourir à l’avortement non sécurisé . L’ É tat partie devrait en outre mettre en œuvre des politiques de sensibilisation afin de lutter contre la stigmatisation des femmes et des filles qui ont recours à un avorte ment et veiller à ce que toutes les femmes et filles aient accès à la contraception et à des services de santé procréative adaptés et à un prix abordable.

Peine de mort

23.Tout en saluant le moratoire de facto appliqué par l’État partie se traduisant par l’absence d’exécutions depuis 2003, le Comité demeure préoccupé par : a) le fait que des condamnations à mort sont encore prononcées ; et b) le grand nombre de détenus en attente d’exécution (art. 6).

24. L’État partie devrait envisager d’ entamer un processus politique et législatif visant à abolir la peine de mort et mettre en place des mesures de sensibilisation de l’opinion publique et des campagnes en faveur de son abolition. Il devrait par ailleurs commuer les peines des détenus actuellement dans le couloir de la mort et envisager d’adhérer au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, visant à abolir la peine de mort.

Zones de conflits armés et protection de la population civile

25.Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que des violations graves des droits de l’homme, notamment des viols, des actes de torture et des exécutions extrajudiciaires, ont été et continuent d’être commises contre des civils dans des zones de conflits où sévissent plusieurs groupes et milices armés. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles un nombre important de ces violations, ayant entraîné des mouvements importants de personnes déplacées, seraient également le fait d’agents de l’État. Il s’inquiète à cet égard de ce que l’État ne dispose pas d’un cadre législatif et réglementaire suffisant pour faire face à la situation des personnes déplacées à l’intérieur du pays (art. 2, 6, 7, 9 et 12).

26. L’État partie devrait prendre des mesures pour : a ) veiller à ce que ses agents, en particulier les forces armées, offrent aux victimes de violences graves commises notamment par des tiers la protection qu’elles sont en droit d’attendre , s’abstiennent de commettre des violations des droits de l’homme et pren n e nt toutes les mesures de précaution nécessaires pendant les attaques pour épargner les civils ; b) élaborer et adopter un cadre juridique et une stratégie nationale portant assistance et protection aux personnes déplacées à l’intérieur du pays , conformément aux normes internationales pertinentes, notamment les Principes directeurs relatifs au déplacement de personne s à l’intérieur de leur propre pays ; et c) créer des conditions offrant des solutions durables pour les personnes déplacées, y compris leur retour librement consenti en toute sécurité.

Situation au Kasaï

27.Le Comité est préoccupé par la situation de conflit au Kasaï qui a engendré 1,3 million de déplacés à l’intérieur du territoire et 30 000 réfugiés en Angola. Il déplore les allégations relatives aux nombreuses atrocités commises dans cette région, en particulier les exécutions extrajudiciaires, les tortures, les mutilations et les viols et violences sexuelles, les destructions de maisons, d’écoles, de lieux de culte et d’infrastructures étatiques, ainsi que le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats, qui, par leur nature et leur échelle, pourraient constituer des crimes internationaux. Tout en prenant note des renseignements fournis par l’État partie sur les efforts qu’il a entrepris pour protéger les civils au Kasaï, le Comité est aussi préoccupé par les allégations de violations graves et massives des droits de l’homme commises contre des civils par les forces de sécurité et les groupes armés affiliés ainsi que par des milices antigouvernementales sur la base de critères ethniques. Le Comité déplore également les assassinats de Michael Sharp et Zaida Catalan, experts de l’Organisation des Nations Unies, et de leurs quatre accompagnateurs de la République démocratique du Congo, en mission pour enquêter sur les violations au Kasaï central (art. 2, 6, 7, 9, 12 et 27).

28. L’État partie devrait  : a) mener une enquête rapide, transparente et indépendante pour établir les faits et les circonstances dans lesquelles ces violations et abus présumés des droits de l ’ homme auraient été perpétrés par des agents de l ’ État et des membres de groupes armés dans la province du Kasaï ; b) s’atteler à démanteler et désarmer les milices et groupes armés progouvernementaux suspectés d’avoir commis des violations  ; c) s’assurer que les éléments des forces de défense et de sécurité déployés dans la région sont dûment formés et équipés pour protéger la population et qu’ils n’ o nt pas été impliqués dans de graves violations des droits de l’homme ; et d ) collaborer pleinement avec l’ensemble des entités des Nations Unies et en particulier le Bureau conjoint des Nations Unies pour les droits de l’homme et l ’ équipe d ’ experts internationaux mandatés par la résolution 35/33 du Conseil des droits de l ’ homme du 2 3 juin 2017 , chargée notamment de déterminer les faits et les circonstances relatifs aux allégations de violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire dans la région du Kasaï.

Exécutions extrajudiciaires

29.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de la persistance d’exécutions extrajudiciaires dans l’État partie du fait des groupes armés mais également des forces de police et de sécurité. Il regrette à cet égard de ne pas avoir reçu de données précises concernant : a) les enquêtes menées pour les cas d’exécutions extrajudiciaires dans le cadre des manifestations du 19 au 21 septembre 2016 et des 19 et 20 décembre 2016, et de l’opération Likofi du 15 novembre 2013 ; et b) les enquêtes relatives à la fosse commune de Maluku découverte à Kinshasa en mars 2015 (art. 2, 6 et 7).

30. L’État partie devrait : a) procéder systématiquement et rapidement à des enquêtes impartiales et efficaces sur les cas signalés d’exécutions extrajudiciaires, y compris par les membres des forces de police et de sécurité, et identifier les auteurs en vue de les traduire en justice ; et b) prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les exécutions, établir les faits et accorder une réparation intégrale aux familles des victimes.

Torture, traitements cruels, inhumains ou dégradants

31.Le Comité est préoccupé par les allégations selon lesquelles, en dépit de la loi no 11/08 du 9 juillet 2011, un taux préoccupant de décès enregistrés dans les lieux de détention serait dû à des actes de torture ou à des mauvais traitements infligés par des agents de l’État. Il s’inquiète également de ce que les poursuites pour actes de torture sont rares et regrette à cet égard de ne pas avoir obtenu d’informations précises sur le nombre d’enquêtes menées et de condamnations prononcées pour actes de torture depuis l’entrée en vigueur de la loi (art. 2 et 7).

32. L’État partie devrait : a) renforcer la formation des acteurs de la justice, de la défense et de la sécurité, notamment au regard de la loi n o 11/08 du 9 juillet 2011 ; b) veiller à ce que les cas présumés de torture et de mauvais traitements commis par les forces de police, de sécurité et de défense fassent l’objet d’une enquête approfondie, à ce que les responsables soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées, et à ce que les victimes obtiennent réparation et notamment se voient proposer des mesures de réadaptation ; et c) mettre en place un mécanisme national de prévention de la torture en conformité avec le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture.

Conditions carcérales

33.Le Comité est préoccupé par les conditions de détention inadéquates dans la quasi-totalité des établissements pénitentiaires de l’État partie et, en particulier, par le taux très élevé de surpopulation carcérale et le pourcentage élevé de personnes en détention préventive. Il est, en outre, préoccupé par : a) les informations faisant état de conditions sanitaires, médicales et alimentaires insatisfaisantes engendrant un nombre important de décès en détention ; b) l’absence de séparation entre prévenus et condamnés ; et c) les informations faisant état d’un personnel carcéral insuffisant et peu professionnalisé (art. 6, 7 et 10).

34. L’État partie devrait sans délai prendre les mesures nécessaires en vue : a) d’améliorer les conditions de vie et le traitement des détenus, y compris l’accès à des soins médicaux adéquats et la séparation des détenus selon le régime de détention, conformément à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) ; b) de remédier au problème de la surpopulation carcérale, notamment en mettant en place une politique de recours à des mesures de substitution à la privation de liberté ; c) d’ entreprendre des travaux de rénovation et de construction de nouveaux centres de détention ; et d) d’ entreprendre des activités de formation de son personnel judiciaire et carcéral sur l’ensemble de son territoire.

Détentions arbitraires

35.Le Comité demeure préoccupé par les informations faisant état de détentions arbitraires et secrètes par des agents publics, en particulier de l’Agence nationale de renseignements et de l’état-major du renseignement militaire, dans des lieux non officiels de détention échappant à tout contrôle, notamment judiciaire. Il s’inquiète également : a) du grand nombre de personnes en détention préventive ; b) de ce que, en dépit du Code de procédure pénale, la détention préventive continue d’être la règle plutôt que l’exception ; et c) de ce que les droits de la personne détenue tels que protégés par l’article 9 du Pacte, notamment le droit d’être informé des motifs de son arrestation et de consulter un avocat, sont couramment violés (art. 2, 9, 6, 7, 10 et 16).

36. L’État partie devrait : a) interdire la détention secrète ; b) mettre fin au x pouvoir s d’arrestation de l’A gence nationale de renseignements et de l’état - major du renseignement militaire  ; c) fermer tous les lieux de détention secrète et libérer les détenus qui s’y trouvent encore, tout en leur reconnaissant un recours effectif et un droit à une réparation intégrale ; d) prendre des mesures pour remédier à la situation des personnes qui sont en détention préventive depuis de nombreuses années ; et e) garantir de manière systématique aux personnes en garde à vue, ou en détention préventive, l a notification de leurs droits et l’application des garanties juridiques fondamentales susmentionnées, en particulier le droit d’accès à un avocat.

Administration de la justice et tribunaux militaires

37.Tout en prenant note de l’étendue du territoire de la République démocratique du Congo et de la tenue d’audiences foraines, principalement financées par le biais d’acteurs internationaux, le Comité exprime ses préoccupations quant au nombre insuffisant de magistrats et à leur couverture géographique inégale sur le territoire se traduisant de facto par l’inaccessibilité de la justice pour certains citoyens. Il s’inquiète également du fait que l’accès à l’assistance judicaire soit conditionné par la délivrance d’un certificat d’indigence ainsi que du nombre important d’évasions de détenus. Le Comité prend note de la loi organique 13/011-b, mais regrette que les juridictions militaires continuent de connaître de crimes commis par des civils dans certains cas ainsi que de violations graves des droits de l’homme (art. 2 et 14).

38. L’État partie devrait : a) allouer les ressources humaines et financières nécessaires au bon fonctionnement de l’appareil judiciaire ; b) renforcer les mesures visant à garantir l’accès à la justice pour tous, notamment en investissant dans les systèmes de justice itinérante ; c) s’assurer qu’aucun obstacle indirect ne rend les mécanismes d’assistance judiciaire inaccessibles ; d) prendre toutes les mesures en vue de prévenir et de réduire les évasions de détenus ; et e) s’assurer que les tribunaux militaires ne juge nt pas de civils et réformer son cadre législatif a fin d e faire en sorte que seules les juridictions ordinaires aient compétence pour conna î tre de violations graves des droits de l’homme.

Liberté d’expression

39.Le Comité s’inquiète du climat de fermeture de l’espace public congolais caractérisé par des suspensions de médias sociaux, des suspensions de programmes télévisuels et des brouillages radiophoniques. Il prend note des informations fournies par l’État partie mais demeure préoccupé par l’arrêté ministériel du 12 novembre 2016 restreignant la capacité de diffusion des médias étrangers ainsi que par le maintien de l’ordonnance-loi 300 du 16 décembre 1963 instaurant une responsabilité pénale pour délits de presse et offense envers le chef de l’État. Il s’inquiète également des allégations faisant état : a) de mesures de détention de journalistes en vue de les empêcher de couvrir les évènements de septembre 2016 ; et b) d’acharnement judiciaire, de menaces et d’abus envers les professionnels des médias, défenseurs des droits de l’homme et opposants politiques (art. 6, 7, 9, 19, 21, 22 et 25).

40. L’État partie devrait : a) prendre les mesures législatives nécessaires pour que toute restriction à l’exercice de la liberté d’expression soit conforme aux conditions strictes énoncées dans le Pacte ; b) s’assurer que le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication exerce son rôle de manière impartiale et indépendante ; c) dépénaliser les délits de presse et l’offense envers le chef de l’État ; d) enquêter, poursuivre et condamner les responsables d’actes de harcèlement, de menace et d’intimidation à l’encontre de journalistes, d’ opposants politiques et de défenseurs des droits de l’homme ; et e) s’assurer de la pleine efficacité et indépendance de la cellule de protection des droits de l’homme créée le 13 juin 2011 et de l’adoption de s mesures nécessaires, y compris législatives, en vue de garantir le droit de toute personne, individuellement et en association avec d’autres, de protéger et promouvoir les droits de l’homme.

Droit de réunion pacifique

41.Le Comité s’inquiète de ce que, en dépit des articles 25 et 26 de la Constitution établissant un régime d’information préalable pour les manifestations, le cadre législatif n’a toujours pas été harmonisé, ce qui donne aux autorités la possibilité d’utiliser le régime d’autorisation préalable, tel que prévu par la loi actuelle. Il s’inquiète en particulier des allégations selon lesquelles les demandes d’autorisation de manifestation de l’opposition politique seraient systématiquement refusées, contrairement aux manifestations de soutien au Gouvernement (art. 2 et 21).

42. L’État partie devrait : a) harmoniser son cadre législatif avec les articles 24 et 25 de la Constitution de 2006 ; et b) s’abstenir de toute mesure non justifiée au regard des dispositions du Pacte de nature à priver les individus de leur droit à la liberté de réunion pacifique.

Usage excessif de la force

43.Le Comité est préoccupé par des allégations dénonçant un usage excessif de la force par des agents des services de police et de sécurité pour disperser des manifestations, une pratique qui, notamment dans le cadre des manifestations du 19 au 21 septembre 2016 et des 19 et 20 décembre 2016, a fait des morts et des blessés (art. 6, 7, 19, 21 et 25).

44. L’État partie devrait faire en sorte que, dans tous les cas où il y a eu usage excessif de la force, des enquêtes impartiales et efficaces soient menées promptement et que les responsables soient traduits en justice. Il devrait également prendre des mesures pour prévenir et éliminer de manière effective toutes les formes d’usage excessif de la force de la part des agents des services de police et de sécurité, et veiller notamment à ce que ces personnels reçoivent une formation à l’usage de la force, compte dûment tenu des Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois.

Protection et travail des enfants

45.Le Comité, rappelant en particulier les observations finales récentes du Comité des droits de l’enfant (CRC/C/COD/CO/3-5), est préoccupé par le nombre d’enfants des rues exposés à toutes formes d’abus ainsi que par les croyances envers les enfants accusés de sorcellerie. Il réitère également ses préoccupations quant : a) à l’implication massive des enfants dans les conflits armés ; b) au faible taux d’enregistrement des naissances sur le territoire de l’État partie ; et c) à la persistance de l’exploitation des enfants à des fins économiques notamment dans le secteur de l’extraction minière (art. 6, 7, 8, 16 et 24).

46. L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires visant à : a) protéger les mineurs sans famille contre toutes formes d’abus, notamment par le renforcement des programmes de prise en charge et la sensibilisation en visant en particulier les chefs religieux et les parents et en incriminant la persécution d’enfants accusés de sorcellerie ; b) mettre un terme à l’implication des enfants dans les conflits armés, tout en incriminant l’enrôlement de personnes de moins de 18 ans ; c) faciliter l’enregistrement des naissances, notamment en sensibilisant les populations et en permettant un accès facile et rapide aux bureaux d’état civil ; et d) éliminer toutes les formes d’exploitation de la main d’œuvre enfantine, en particulier dans les industries extractives.

Participation aux affaires publiques et élections

47.Le Comité est préoccupé par les informations relatives aux retards de la Commission électorale nationale indépendante dans le processus d’enrôlement des électeurs, notamment au Kasaï, ainsi que par les retards de mise en œuvre de l’accord du 31 décembre 2016 prévoyant les élections présidentielles, législatives et provinciales au plus tard le 31 décembre 2017. Il s’inquiète également des actes d’intimidation et de violation des libertés fondamentales à l’encontre des opposants et candidats déclarés à l’élection présidentielle (art. 25).

48. L’État partie devrait : a) coopérer avec l’ensemble des parties prenantes pour l’établissement d’un calendrier électoral consensuel en vue de la tenue, dans les meilleurs délais possibles, d’élections libres, pacifiques et honnêtes ; b) respecter le droit constitutionnel reconnu à chaque citoyen de participer aux affaires publiques ; et c) mettre un terme aux intimidations et violations des droits garantis par le Pacte à l’encontre des opposants et candidats déclarés à l’élection présidentielle, en prenant les mesures nécessaires pour assurer leur protection effective.

Droit des peuples autochtones

49.Le Comité est préoccupé par : a) la situation générale de précarité et de vulnérabilité des populations pygmées ; b) les informations faisant état de discrimination dont ces dernières seraient victimes, en particulier dans le domaine de la santé et de l’éducation ; et c) la position de l’État partie assimilant les peuples autochtones à des « communautés locales » dans la législation et notamment le Code forestier. Il est également préoccupé par le retard pris pour l’adoption de la loi sur les droits des peuples autochtones. Le Comité déplore les violations graves des droits de l’homme et les déplacements forcés dont sont victimes les populations pygmées dans la province du Tanganyika et l’absence de mesure sérieuse en vue de rétablir la paix et de lutter contre l’impunité des auteurs d’exactions (art. 2, 6, 7, 12, 26 et 27).

50. L’État partie devrait  : a) diligenter des enquêtes en vue de poursuivre et, le cas échéant, punir les auteurs de crimes dans le cadre du conflit au Tanganyika et assurer la protection et le retour en sécurité des populations déplacées ; b) changer sa position quant au statut des peuples autochtones au sein de l’ É tat partie et adopter une législation protégeant leurs droits, conformément à l’article 27 du Pacte ; c) veiller à la tenue effective de consultations préalables avec les populations pygmées en vue d’obtenir leur consentement libre et éclairé avant l’adoption et la mise en œuvre de toute mesure susceptible d’avoir des incidences importantes sur leur mode de vie , l’accès à leurs terres traditionnelle s et leur culture  ; et d) prendre des mesures législatives et pratiques pour combattre les discriminations dont les populations pygmées sont victimes.

D.Diffusion et suivi

51.L’État partie devrait assurer une large diffusion du Pacte, du quatrième rapport périodique, des réponses écrites à la liste de points établie par le Comité et des présentes observations finales afin de sensibiliser les autorités judiciaires, législatives et administratives, la société civile, les organisations non gouvernementales œuvrant dans le pays et le grand public aux droits consacrés par le Pacte. L’État partie devrait veiller à ce que le rapport, les réponses écrites et les présentes observations finales soient traduits dans les principales langues écrites du pays.

52.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir, dans un délai de deux ans à compter de l’adoption des présentes observations finales, à savoir le 10 novembre 2019, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 20 (violences sexuelles), 28 (situation au Kasaï) et 48 (participation aux affaires publiques et élections).

53.Le Comité prie l’État partie de lui soumettre son prochain rapport périodique le 10 novembre 2021 au plus tard et d’y faire figurer des renseignements précis et à jour sur la mise en œuvre des recommandations faites dans les présentes observations finales et sur l’application du Pacte dans son ensemble. Il prie également l’État partie de consulter largement la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays aux fins de l’élaboration de son rapport. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, ce document ne devra pas dépasser 21 200 mots. Le Comité invite également l’État partie à accepter, d’ici le 10 novembre 2018, la procédure simplifiée d’établissement des rapports, qui consiste pour le Comité à transmettre une liste de points à l’État partie avant que celui-ci ne soumette le rapport périodique. Les réponses de l’État partie à cette liste constitueront dès lors le prochain rapport périodique devant être soumis conformément à l’article 40 du Pacte.