Observations finales concernant le rapport unique (valant vingt et unième et vingt-deuxième rapports périodiques) de la Norvège *

Le Comité a examiné les vingt et unième et vingt-deuxième rapports périodiques de la Norvège (CERD/C/NOR/21-22), soumis en un seul document, à ses 2373eet 2374e séances (CERD/C/SR.2373 et CERD/C/SR.2374), les 17 et 18 août 2015. À ses 2385e et 2386e séances, les 25 et 26 août 2015, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a soumis dans les délais un rapport unique valant vingt et unième et vingt-deuxième rapports périodiques, qui apporte des réponses aux préoccupations soulevées par le Comité dans ses précédentes observations finales. Il félicite l’État partie pour la régularité avec laquelle il soumet ses rapports périodiques, laquelle permet d’entretenir un dialogue continu sur la mise en œuvre de la Convention dans le pays. Le Comité apprécie le dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie, qui était constituée de représentants de divers organes, ainsi que les réponses qu’elle a apportées aux questions des membres du Comité.

B.Aspects positifs

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié, en juin 2013, la Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le Comité salue également l’adoption des mesures législatives et de politique générale suivantes :

a)La nouvelle loi contre la discrimination fondée sur l’appartenance ethnique, le 13 juin 2013;

b)La loi portant création d’une nouvelle institution nationale de défense des droits de l’homme, en avril 2015;

c)Le plan d’action pour la période 2013-2016 intitulé « Nous avons besoin des compétences des immigrés »;

d)Le plan d’action contre les mariages forcés, les mutilations génitales féminines et les graves restrictions à la liberté des jeunes (2013-2016);

e)Le programme triennal intitulé « Engagement démocratique contre l’antisémitisme et le racisme ».

Le Comité note également avec satisfaction que l’État partie facilite la participation des organisations de la société civile norvégienne, qui se caractérisent par leur dynamisme, ainsi que celle de l’institution de défense des droits de l’homme de la Norvège, du médiateur pour l’égalité et la non-discrimination et du médiateur pour les enfants et des représentants du Parlement sâme. Il salue la mise en place par l’État partie d’une conférence nationale annuelle visant à promouvoir le dialogue avec les organisations de minorités.

Le Comité relève avec satisfaction que le Premier Ministre de l’État partie a présenté ses excuses aux Roms, à l’occasion de la Journée internationale des Roms, pour l’attitude et les politiques du Gouvernement norvégien à leur égard avant, pendant et après la Seconde Guerre mondiale.

C.Sujets de préoccupation et recommandations

Données statistiques sur la composition ethnique de la population

Le Comité prend note de la position de l’État partie concernant la collecte de données fondées sur l’appartenance ethnique. Il regrette toutefois que le rapport de l’État partie ne contienne toujours pas de données statistiques sur les différents groupes qui composent la population du pays ni de données récentes, fiables et complètes sur les indicateurs économiques et sociaux, qui permettraient notamment d’évaluer la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels par les Sâmes, les minorités et les migrants, en comparaison avec l’ensemble de la population de l’État partie.

À la lumière de sa recommandation générale n o 8  (1990) concernant la manière dont un individu s’identifie comme appartenant à un groupe racial ou ethnique particulier et des paragraphes 10 à 12 de ses directives révisées pour l’établissement des rapports périodiques (CERD/C/2007/1), le Comité recommande à l’État partie de lui fournir tous les indicateurs disponibles sur la composition de sa population et tout autre renseignement sur l’utilisation de la langue maternelle, les langues communément utilisées ou tout autre indicateur de la diversité ethnique, ainsi que toute information sur l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique découlant d’enquêtes sociales. En l’absence de données d’information chiffrées, il devrait fournir une description qualitative des caractéristiques ethniques de la population. Ces données, en particulier celles relatives aux minorités ethniques, devraient être collectées de manière volontaire et anonyme et sur la base du principe de l’auto-identification. 

Définition de la discrimination raciale

Le Comité est préoccupé de ce que le terme « race » ne figure pas en tant que motif de discrimination dans la loi contre la discrimination adoptée en 2013 (art. 2).

Le Comité recommande de nouveau à l’État partie d’intégrer dans la loi contre la discrimination tous les motifs de discrimination spécifiés à l’article premier de la Convention ou de trouver d’autres moyens efficaces pour faire en sorte que tous ces motifs soient pris en compte par les autorités.

Place de la Convention dans l’ordre juridique interne

Tout en prenant note des explications fournies par l’État partie, le Comité demeure préoccupé par le fait que, contrairement à d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme, la Convention n’a pas été incorporée dans la loi de 1999 relative aux droits de l’homme, qui prime les lois nationales ordinaires (art. 2).

Le Comité invite l’État partie à revoir sa position et à envisager d’intégrer la Convention dans l’ordre juridique interne à un niveau qui lui permette de primer les lois nationales ordinaires, en particulier par le biais de la loi de 1999 relative aux droits de l’homme.

Institution nationale de défense des droits de l’homme

Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption par le Parlement, en avril 2015, de la loi portant création d’une nouvelle institution nationale de défense des droits de l’homme. Le Comité relève toutefois que la nouvelle institution n’est pas encore pleinement établie étant donné que le directeur et le conseil consultatif n’ont pas été nommés (art. 2).

Le Comité encourage l’État partie à achever la mise en place de l’institution nationale de défense des droits de l’homme nouvellement créée ainsi qu’à la soutenir dans sa demande d’accréditation auprès du Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme et à la doter des ressources humaines et financières qui lui seront nécessaires pour mener à bien son mandat, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

Discours de haine raciale, notamment sur Internet, et incitation à la haine raciale

Tout en prenant note de la position de l’État partie concernant la manière de lutter contre les discours haineux, le Comité est préoccupé par la multiplication des discours haineux et xénophobes tenus par des personnalités politiques ou dans les médias et autres tribunes publiques, notamment Internet, ce qui contribue à alimenter la haine raciale, l’intolérance, les stéréotypes, les préjugés et la stigmatisation dont font l’objet les minorités ethniques et nationales ainsi que les peuples autochtones tels que les Sâmes, les migrants non originaires d’Europe occidentale, les Roms et les demandeurs d’asile. En outre, le Comité s’inquiète de ce que l’article 135a du Code pénal, qui réprime les propos discriminatoires et les discours haineux, n’est pas toujours appliqué de manière adéquate et efficace pour prévenir et combattre les discours haineux, en particulier lorsqu’il s’agit de poursuivre les personnes responsables. Tout en notant que l’État partie a déjà pris certaines mesures à cet égard, le Comité est préoccupé par l’absence de stratégie à long terme visant à lutter fermement contre les discours haineux (art. 2, 4, 5 et 6).

À la lumière de ses recommandations générales n o s 7 (1985) et 15  (1993) concernant l’application de l’article 4 de la Convention et de sa recommandation générale n o 30  (2004) sur la discrimination contre les non-ressortissants, et rappelant sa recommandation générale n o 35  (2013) sur la lutte contre les discours de haine raciale, le Comité rappelle à l’État partie qu’il est important de garantir les droits des groupes vulnérables qui ont besoin d’être protégés contre les discours haineux et lui recommande de prendre les mesures nécessaires pour :   

a) Condamner fermement les discours haineux et les propos xénophobes tenus par certains personnages politiques et professionnels des médias et s’en distancer, et demander aux personnalités politiques et aux professionnels des médias de faire en sorte que leurs déclarations publiques n’alimentent pas l’intolérance, la stigmatisation et l’incitation à la haine;

b) Veiller à ce que les discours haineux fassent l’objet d’enquêtes pénales efficaces, à ce que les auteurs présumés soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, à ce qu’ils soient condamnés;

c) Collecter et fournir des données statistiques sur le nombre de cas de discours haineux signalés, le nombre d’affaires portées devant les tribunaux et l’issue de ces affaires;

d) Mener des campagnes de sensibilisation pour lutter contre les discours haineux, élaborer une stratégie à long terme pour combattre efficacement ce phénomène et œuvrer pour qu’il soit donné suite au rapport sur la responsabilité des médias publié en 2011;

e) Effectuer des recherches sur la prévalence et les effets néfastes des discours haineux et inclure ces informations dans les programmes scolaires et les matériels pédagogiques.

Crimes motivés par la haine

Tout en se félicitant du travail effectué par le district de police d’Oslo en ce qui concerne les crimes motivés par la haine, le Comité déplore l’absence de définition claire de cette infraction dans le Code pénal, l’absence de système coordonné permettant à tous les districts de police de l’État partie d’enregistrer les crimes motivés par la haine, le faible taux de signalement de ces crimes à la police et le nombre peu élevé d’affaires portées devant les tribunaux nationaux, le manque de données statistiques sur les crimes motivés par la haine s’agissant des enquêtes, des poursuites, des condamnations et des sanctions, l’absence de stratégie nationale claire et globale pour lutter contre les crimes motivés par la haine et la sensibilisation insuffisante du grand public à ce phénomène et à ses effets néfastes (art. 4 et 6).

  À la lumière de sa recommandation générale n o 7, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter une définition claire des crimes motivées par la haine dans son Code pénal afin de permettre à la police de traiter efficacement ce genre d’infraction;

b) De mettre en place un registre national des crimes motivés par la haine, régi par des normes et des directives claires afin de garantir un enregistrement unifié, et de dispenser une formation adéquate aux agents de police et aux autres membres des forces de l’ordre sur la manière de traiter les crimes motivés par la haine;

c) De mener des campagnes de sensibilisation pour lutter contre le faible taux de signalement des crimes motivés par la haine et de conduire des recherches sur les causes et les effets néfastes de ces crimes;

d) D’enquêter sur tous les cas de crimes motivés par la haine, de poursuivre les responsables et, s’ils sont reconnus coupables, de les condamner à des peines adéquates;

e) De fournir au Comité des données statistiques sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations concernant les crimes motivés par la haine;

f) D’élaborer une stratégie nationale globale, notamment des programmes de formation et de sensibilisation destinés au personnel judiciaire, afin de lutter avec fermeté contre les crimes motivés par la haine.

Interdiction des organisations prônant la discrimination raciale

Tout en prenant note de l’approche de l’État partie consistant à incriminer les personnes appartenant à des organisations qui incitent à la discrimination raciale ou l’encouragent, le Comité demeure préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas encore inscrit dans sa législation pénale des dispositions visant à ce que ces organisations puissent être déclarées illégales conformément au paragraphe b de l’article 4 de la Convention (art. 4).

Rappelant sa recommandation générale n o 1 ( 1972) sur les obligations des États parties, et les recommandations générales n os 7, 15 et 35, selon lesquelle s les dispositions de l’article  4 de la Convention sont de nature préventive et contraignante, le Comité recommande à l’État partie d’adopter une législation précise pour mettre en œuvre l’article 4 de la Convention dans tous ses aspects, notamment les dispositions selon lesquelles les organisations qui incitent à la discrimination raciale ou l’encouragent doivent être déclarées illégales et interdites.  

Discrimination en matière d’accès au marché du travail

Le Comité est préoccupé par le taux élevé de chômage chez les membres de minorités ethniques et les personnes issues de l’immigration. Il s’inquiète tout particulièrement des informations selon lesquelles ces personnes rencontrent des difficultés pour accéder au marché du travail dans les secteurs tant public que privé car elles se heurtent à des préjugés fondés sur leur origine ethnique ou nationale et leur connaissance du norvégien. Le Comité s’inquiète aussi de ce que l’on ne respecte pas suffisamment les obligations en matière d’activités et de soumission de rapports définies dans la loi contre la discrimination, en vertu desquelles les employés doivent prendre des mesures volontaristes, ciblées et systématiques pour promouvoir l’égalité, indépendamment de l’origine ethnique et nationale des demandeurs d’emploi. En outre, il s’inquiète de ce que le plan d’action visant à promouvoir l’égalité et à prévenir la discrimination (2009-2013) n’a eu qu’un effet limité sur la prévention de la discrimination sur le marché du travail (art. 2 et 5).

Rappelant sa recommandation générale n o 30, le Comité recommande à l’État partie d’adopter à titre prioritaire des mesures de prévention plus concrètes pour lutter contre la discrimination raciale sur le marché du travail à l’égard des minorités ethniques et des personnes issues de l’immigration. Il recommande à l’État partie de veiller au respect des obligations en matière d’activités et de soumission de rapports définies dans la loi contre la discrimination ainsi que de mettre en œuvre des mesures visant à garantir l’égalité de traitement tout au long du processus de recrutement dans les secteurs tant privé que public, indépendamment de l’origine ethnique des demandeurs d’emploi. Il recommande également à l’État partie de veiller à l’application effective de la loi contre la discrimination raciale, d’envisager l’introduction de sanctions en cas de non-respect des obligations en matière d’activités et de soumission de rapports, de préciser la nature de ces obligations et de contrôler efficacement la mise en œuvre du plan d’action intitulé « Nous avons besoin des compétences des immigrés ». En outre, le Comité recommande à l’État partie de continuer d’élaborer des mesures d’insertion et de faire en sorte que les migrants puissent apprendre le norvégien sans devoir faire face à des difficultés inutiles.

Sociétés norvégiennes opérant à l’étranger

Tout en notant que l’État partie a publié un livre blanc intitulé « Active ownership : Norwegian State ownership in a global economy » (Actionnariat actif : L’État norvégien en tant que propriétaire dans une économie mondiale), le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie n’a toujours pas adopté de mesures concernant les sociétés norvégiennes dont les activités, notamment l’exploitation minière, ont des répercussions négatives sur l’exercice des droits de l’homme des communautés locales en dehors de la Norvège, en particulier les peuples autochtones et les groupes minoritaires (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures législatives nécessaires pour empêcher que les sociétés enregistrées en Norvège mènent des activités ayant des répercussions négatives sur l’exercice des droits de l’homme des communautés locales en dehors de la Norvège, en particulier les peuples autochtones et les groupes minoritaires, et pour faire répondre ces sociétés de leurs actes, en tenant compte des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme : mise en œuvre du cadre de référence « protéger, respecter, et réparer ».

Situation des Roms et des Taters

Tout en prenant note des mesures adoptées par l’État partie, le Comité est préoccupé par la discrimination, les stéréotypes et l’intolérance dont sont toujours victimes les Roms et les Taters vivant en Norvège, par les difficultés et les inégalités auxquelles ils se heurtent constamment pour avoir accès à un emploi, à un logement, aux services de santé et à l’éducation par rapport au reste de la population norvégienne, par leur faible niveau d’instruction, auquel s’ajoute un faible taux de fréquentation scolaire des enfants roms, ainsi que par les informations faisant état des effets négatifs découlant du recours fréquent à la séparation des enfants roms de leur famille en tant que mesure de protection (art. 2 et 5).

  Rappelant sa recommandation générale n 27  (2000) concernant la discrimination à l’égard des Roms, le Comité recommande à l’État partie :

a) De concevoir des stratégies et des politiques permettant de trouver une solution adéquate aux difficultés auxquelles se heurtent les Roms et les Taters pour accéder à un emploi, à un logement, aux soins de santé et à l’éducation de manière à faciliter leur pleine intégration à la société norvégienne;

b) De lutter fermement contre la discrimination raciale et les stéréotypes, notamment en appliquant de manière effective la législation contre la discrimination;

c) De lutter contre les discours haineux et l’intolérance à l’égard des Roms et des Taters;

d) De mener des campagnes de sensibilisation et de renforcer celles qui existent, afin d’instaurer un climat de confiance et de promouvoir la compréhension;

e) De renforcer les mesures visant à améliorer la fréquentation scolaire des enfants roms et de réexaminer attentivement la pratique consistant à placer les enfants roms en milieu institutionnel ou à les confier aux services sociaux;

f) De mettre en œuvre les recommandations de la commission qui a été créée pour évaluer les politiques d’assimilation discriminatoires, notamment en versant une indemnisation aux Roms et aux Taters.

Situation des Sâmes

Tout en prenant note du plan d’action pour les langues sâmes adopté par l’État partie, le Comité demeure préoccupé par les informations selon lesquelles l’enseignement de la langue maternelle pour les élèves sâmes n’est pas suffisamment protégé et les écoles ne répondent pas toujours aux exigences en matière d’enseignement de la langue maternelle en raison d’un manque de matériel pédagogique et de ressources financières et humaines. Le Comité est aussi préoccupé par la vulnérabilité de la culture des Sâmes de l’Est, qui s’explique notamment par la réglementation restrictive s’appliquant à l’élevage de rennes, à la pêche et à la chasse et par le manque de mesures visant à protéger leur culture (art. 5).

  Rappelant sa recommandation générale n o 23  (1997) concernant les droits des populations autochtones, le Comité recommande à l’État partie de renforcer les mesures visant à assurer la promotion et la préservation effectives des langues sâmes, en particulier celles qui sont en danger, en veillant à ce que les conditions en matière d’enseignement de la langue maternelle soient remplies et que les écoles disposent du matériel pédagogique et des ressources financières et humaines nécessaires, ainsi que de garantir la mise en œuvre effective du plan d’action pour les langues sâmes. Le Comité recommande également à l’État partie de redoubler d’efforts pour appliquer effectivement la loi sur le Finnmark et préserver les droits fonciers et la culture des Sâmes de l’Est, notamment en trouvant une solution adéquate pour protéger l’élevage de rennes, la pêche et la chasse, activités qui occupent une place importante dans leur culture.

Le Comité note avec préoccupation que, si la loi sur le Finnmark reconnaît que les Sâmes ont acquis des droits collectifs et individuels dans le Finnmark par leur utilisation de longue date des terres et des eaux, un fossé important subsiste entre cette reconnaissance légale et la pratique, limitant en réalité la reconnaissance et la protection des droits des Sâmes sur leurs terres. Le Comité est également préoccupé par les faits suivants :

a)Peu de progrès ont été réalisés dans la création d’un cadre légal ou de mécanismes spécialisés visant à déterminer les droits des Sâmes sur les terres et les ressources en dehors du Finnmark, malgré les propositions contenues dans le rapport du Comité des droits des Sâmes en ce qui concerne la clarification de ces droits;

b)La législation en vigueur, en particulier la loi sur le Finnmark, la loi sur les ressources minérales et la loi sur l’élevage des rennes, ne prévoit pas de garanties suffisantes en ce qui concerne l’obligation de consulter les Sâmes, en particulier en vertu de leur droit au consentement préalable, libre et éclairé, sur tous les projets des sociétés minières et les autorisations qui leur sont accordées, ainsi que sur les autres projets de développement qui ont une incidence sur l’élevage de rennes et les autres moyens de subsistance des Sâmes;

c)Les fonds nécessaires au financement de l’aide judiciaire apportée aux personnes qui saisissent le Tribunal des terres non cultivées du Finnmark sont imputés sur le budget de ce même Tribunal, ce qui restreint son activité;

d)Les modifications apportées en 2012 à la législation sur l’industrie de la pêche, à savoir la loi sur les ressources marines, la loi sur la participation et la loi sur le Finnmark, ne reconnaissent pas que les Sâmes ont acquis des droits sur les ressources halieutiques et d’autres ressources marines renouvelables dans les zones côtières sâmes. De nouvelles réformes pourraient donc être nécessaires

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures concrètes pour donner pleinement effet, dans la pratique, à la reconnaissance des droits des Sâmes sur leurs terres et les ressources, conformément à la loi sur le Finnmark, afin de permettre aux Sâmes de préserver leurs moyens de subsistance;

b) De donner suite aux propositions du Comité des droits des Sâmes, notamment en créant un mécanisme et un cadre légal adéquats ainsi qu’en déterminant et en reconnaissant leurs droits sur les terres et les ressources en dehors du Finnmark;

c) De mettre en place des procédures de consultation afin de définir les paramètres économiques nécessaires et de veiller à ce que le Parlement sâme soit consulté sur toutes les initiatives financières et les mesures budgétaires qui pourraient avoir une incidence directe sur la communauté sâme;

d) De faire en sorte que tous les mécanismes administratifs et législatifs autorisant les activités extractives sur les territoires sâmes et relevant, notamment, de la loi sur le Finnmark, de la loi sur les ressources minérales et de la loi sur l’élevage des rennes, soient révisés de manière à garantir que les communautés sâmes concernées soient dûment consultées, en particulier en ce qui concerne leur droit au consentement préalable, libre et éclairé ainsi que les mesures d’atténuation, les indemnisations et le partage des avantages;

e) De prévoir des crédits budgétaires pour le travail d’enquête et de reconnaissance de la Commission du Finnmark et du Tribunal des terres non cultivées du Finnmark, et de veiller à ce que la Commission et le Tribunal soient dotés des ressources financières suffisantes, notamment pour fournir une assistance juridique aux personnes qui saisissent le Tribunal;

f) De réviser la législation relative à l’industrie de la pêche et de faire en sorte qu’elle reconnaisse pleinement les droits de pêche des Sâmes fondés sur le principe de l’usage immémorial ou les coutumes locales.

Aide judiciaire gratuite dans les affaires de discrimination et de préjudice non économique

Le Comité est préoccupé de ce que le tribunal pour la non-discrimination et le médiateur ne sont pas autorisés à accorder des indemnités en cas de préjudices non économiques. Il est également préoccupé par le fait qu’une aide judiciaire gratuite n’est offerte qu’à titre exceptionnelle et de manière ponctuelle dans les procédures judiciaires en matière de discrimination (art. 6).

Le Comité recommande à l’État partie d’envisager d’autoriser le tribunal pour la non-discrimination et le médiateur à accorder des indemnités en cas de préjudices non économiques afin d’appliquer avec plus d’efficacité la législation contre la discrimination. Il recommande également à l’État partie de réviser les conditions d’accès à l’aide judiciaire gratuite afin de permettre aux plaignants de saisir plus facilement les tribunaux d’une affaire de discrimination.

Discrimination croisée et violence à l’égard des minorités et des femmes migrantes

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour lutter contre la violence et la discrimination à l’égard des femmes et la traite d’êtres humains. Il demeure toutefois préoccupé par :

a)La condition de trois ans de résidence prévue par la loi sur l’immigration, qui peut rendre difficile l’obtention d’un permis de séjour pour les femmes étrangères mariées depuis moins de trois ans avec un Norvégien qui sont victimes de violences, en raison de la difficulté qu’elles ont à prouver qu’elles sont dans une relation violente. Ces dispositions risquent également d’empêcher les victimes de quitter un conjoint violent et de chercher de l’aide et une protection;

b)Les informations selon lesquelles la condition de résidence pour obtenir un permis de séjour indépendamment du conjoint pourrait passer à cinq ans;

c)Les informations selon lesquelles les mesures d’aide et de protection à l’intention des femmes victimes de la traite ne sont ni suffisantes ni assez facilement accessibles et la protection offerte, notamment l’octroi de permis de séjour, dépend du degré de collaboration de la femme avec le système judiciaire;

d)Le fait que les prostituées n’ayant pas de permis de séjour sont découragées de signaler des infractions commises à leur encontre et de demander l’ouverture d’une enquête policière, notamment dans les cas de violence sexiste tels que le viol;

e)Le manque d’accès des prostituées à des services de santé adéquats (art. 5).

  Rappelant sa recommandation générale n o 25 (2000) concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale et sa recommandation générale n o 30, le Comité recommande à l’État partie :

a) De redoubler d’efforts pour combattre la violence contre les femmes, en particulier les femmes appartenant à des minorités, et de revoir les conditions d’octroi des permis de séjour de manière à ce que l’application de la loi n’ait pas pour effet, dans la pratique, de contraindre les femmes victimes de violence intrafamiliale à rester dans une relation violente;

b) D’envisager de ne pas porter à cinq ans la durée de résidence requise pour obtenir un permis de séjour;

c) De fournir aux victimes de la traite d’êtres humains une aide et une protection adéquates, indépendamment de leur statut de résidence, de leur octroyer des permis de séjour en cas de besoin et de redoubler d’efforts pour combattre la traite d’êtres humains, notamment en identifiant, en poursuivant et en condamnant les personnes responsables;

d) De développer le système de santé publique national de manière à ce que les prostituées soient prises en charge, indépendamment de leur statut de résidence, ainsi que d’accepter les rapports et les plaintes qui émanent d’elles, d’enquêter sur ces plaintes et de condamner les personnes responsables.

Réfugiés et demandeurs d’asile, notamment mineurs non accompagnés

Tout en prenant note des explications fournies par l’État partie, le Comité demeure préoccupé par le recours à l’isolement cellulaire dans le centre de rétention pour migrants de Trandum en vue d’assurer une expulsion en toute sécurité, lequel isolement se ferait sans examen ni soins de santé adéquats. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles des enfants sont détenus dans les centres d’immigration de l’État partie. En outre, le Comité s’inquiète de ce que des disparitions de mineurs non accompagnés ont été signalées, ceux-ci pouvant devenir victimes de la traite d’êtres humains (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie de réviser les procédures relatives à l’isolement cellulaire des migrants et demandeurs d’asile en attente d’expulsion, de limiter le recours à cette pratique, de mettre en place des services de santé adéquats pour ces personnes, notamment pour celles qui présentent une maladie mentale, d’éviter la détention d’enfants et d’assurer une protection efficace des mineurs non accompagnés, notamment contre la traite d’êtres humains.

Services d’interprétation

Tout en prenant acte des mesures prises par l’État partie, le Comité demeure préoccupé par les informations selon lesquelles la pratique consistant à recourir à des enfants, à des proches et à des personnes non qualifiées pour servir d’interprète persiste, en particulier dans les domaines des soins de santé et de l’application de la loi, ce qui risque d’entraver l’égalité d’accès aux services publics pour les personnes issues de l’immigration et les Roms (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que les services d’interprétation soient fournis par des professionnels qualifiés et d’éviter de faire appel à des enfants ou à des proches pour servir d’interprète. Il recommande également à l’État partie de donner suite au rapport du Comité d’examen des services d’interprétation et d’adopter une loi à cet égard afin de garantir l’égalité d’accès aux services publics.

Droit à l’éducation

Le Comité est préoccupé par le fait que les enfants vivant dans des centres pour demandeurs d’asile n’ont pas toujours accès à l’école maternelle. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles l’article 3-1 de la loi sur l’éducation a pour effet d’exclure de l’enseignement secondaire supérieur les enfants âgés de plus de 15 ans qui ne sont pas titulaires d’un permis de séjour légal (art. 2 et 5).

Le Comité recommande à l’É tat partie de réviser l’article  3-1 de la loi sur l’éducation afin de garantir le droit à l’éducation, notamment au niveau du secondaire supérieur, à tous les enfants relevant de sa juridiction, indépendamment de leur statut de résidence.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions se rapportent directement à la discrimination raciale, tels que la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (no 189) de l’Organisation internationale du Travail.

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

À la lumière de sa recommandation générale no 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du Document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention. Il le prie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d’action qu’il aura adoptés et les autres mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

À la lumière de la résolution 68/237, dans laquelle l’Assemblée générale a proclamé la période 2015-2024 Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, et de la résolution 69/16 relative au programme d’activités pour la mise en œuvre de la Décennie, le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre un programme comprenant des mesures et des politiques adaptées. Le Comité prie l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport des renseignements précis sur les mesures concrètes qu’il aura adoptées dans ce contexte, en tenant compte de sa recommandation générale no 34 (2011) sur la discrimination raciale à l’encontre des personnes d’ascendance africaine.

Consultations avec les organisations de la société civile

Le Comité recommande à l’État partie de consulter et d’intensifier son dialogue avec les organisations de la société civile qui œuvrent dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier de la lutte contre la discrimination raciale, lors de l’élaboration du prochain rapport périodique.

Diffusion

Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour diffuser et faire connaître la Convention sur tout son territoire, faire en sorte que ses rapports périodiques soient rendus publics et soient accessibles au moment de leur soumission, et diffuser de la même manière les observations finales du Comité qui s’y rapportent dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu’il convient.

Suite donnée aux observations finales

Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur modifié, le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 14, 30 et 38.

Recommandations d’importance particulière

Le Comité souhaite aussi appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 16, 22, 26 et 43, et demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

Élaboration du prochain rapport périodique

Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses vingt-troisième et vingt-quatrième rapports périodiques en un seul document, d’ici au 19 septembre 2017, en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1) et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité demande instamment à l’État partie de respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques.