Nations Unies

CED/C/CHE/CO/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

21 mai 2021

Original : français

Comité des disparitions forcées

Observations finales concernant le rapport soumis par la Suisse en application de l’article 29 (par. 1) de la Convention *

1.Le Comité des disparitions forcées a examiné le rapport soumis par la Suisse en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention à ses 339e, 340e et 342e séances, du 13 au 15 avril 2021, tenues virtuellement en raison de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19). À sa 356e séance, le 4 mai 2021, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport soumis par la Suisse en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention, qui a été élaboré conformément à ses directives. Il félicite l’État partie d’avoir consulté des organisations de la société civile lors de l’élaboration du rapport et d’y avoir inclus leurs observations. Il remercie en outre l’État partie de la qualité de ses réponses écrites à la liste de points à traiter.

3.Le Comité se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie sur les mesures prises pour appliquer les dispositions de la Convention, qui a permis de dissiper nombre de ses préoccupations, et salue en particulier l’ouverture d’esprit avec laquelle la délégation a répondu aux questions qu’il a posées. Il remercie l’État partie des informations additionnelles et des clarifications reçues lors des interventions orales et celles reçues par écrit.

B.Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a adhéré à la quasi-totalité des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, y compris plusieurs protocoles facultatifs s’y rapportant, ainsi qu’au Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

5.Le Comité félicite l’État partie d’avoir reconnu la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications individuelles et interétatiques, en application des articles 31 et 32 de la Convention, respectivement.

6.Le Comité salue les mesures législatives adoptées par l’État partie dans des domaines ayant trait à la Convention, notamment :

a)La loi fédérale no 150.2 du 18 décembre 2015 relative à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ;

b)L’ordonnance no 150.21 du 2 novembre 2016 concernant la loi fédérale relative à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

7.Le Comité félicite l’État partie d’avoir pris acte des lignes directrices sur la COVID‑19 et les disparitions forcées adoptées par le Comité et le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires. À cet égard, il salue les mesures adoptées par l’État partie dans le cadre de sa réponse à la pandémie de COVID-19 visant à réduire la population carcérale et à faciliter le contact des personnes privées de liberté avec le monde extérieur.

8.Le Comité salue le rôle que joue l’État partie dans la promotion de la Convention dans les instances internationales et dans le cadre de sa politique de coopération internationale.

9.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a adressé à l’ensemble des titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme une invitation permanente à effectuer une visite dans le pays.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

10.Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour se conformer aux dispositions de la Convention. Néanmoins, le Comité estime qu’au moment de la rédaction des présentes observations finales, le cadre législatif et institutionnel en vigueur dans l’État partie pouvait encore être renforcé pour mieux prévenir et réprimer les disparitions forcées. Il invite donc l’État partie à accorder l’attention voulue à la mise en œuvre aux niveaux fédéral et cantonal des recommandations formulées ci-après, qu’il a adoptées dans un esprit constructif et dans une optique de coopération, en vue d’assurer la pleine application de la Convention.

1.Renseignements d’ordre général

Institution nationale des droits de l’homme

11.Le Comité regrette le report jusqu’en 2023 de la mise en place d’une institution nationale des droits de l’homme dans l’État partie, malgré les recommandations formulées à cet égard par les mécanismes des droits de l’homme. Par ailleurs, il note avec préoccupation que le projet de loi visant la création de l’institution exclut un mandat de surveillance et le traitement de plaintes individuelles, alors même que le nombre de requêtes concernant des cas individuels reçues par la Commission nationale de prévention de la torture met en évidence la nécessité d’établir une telle procédure.

12. Le Comité encourage l’État partie à accélérer le processus de mise en place d ’ une institution nationale des droits de l ’ homme conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme ( Principes de Paris ) et dotée de s mandats de surveillance et de traitement de plaintes individuelles. Il encourage également l’État partie à inclure explicitement la promotion et la protection des droits consacrés par la Convention dans le mandat de l’institution.

2.Définition et incrimination de la disparition forcée (art. 1er à 7)

Crime de disparition forcée

13.Le Comité note l’approche choisie par l’État partie de s’appuyer sur les dispositions pénales existantes, notamment celles relatives aux crimes contre l’humanité, pour incriminer la disparition forcée à l’article 185 bis du Code pénal. Le Comité note également que le Message du Conseil fédéral du 29 novembre 2013 portant approbation et mise en œuvre de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées donne une interprétation faisant autorité de certains éléments de la définition de l’article 185 bis du Code pénal conforme à la Convention, notamment s’agissant de « l’assentiment », du « sort », de « l’intention de soustraire une personne à la protection de la loi », et de la « période prolongée ». Si ces interprétations peuvent être utiles aux juges, le Comité considère que la définition du crime reste toutefois peu claire pour les victimes et autres personnes qui pourraient y recourir. Le Comité relève également que la formulation de l’alinéa b) de l’article 185 bis du Code pénal omet la notion de « l’assentiment » de l’État (art. 2 et 4).

14.Le Comité invite l’État partie à réexaminer la définition de la disparition forcée figurant à l’article 185bis du Code pénal pour en assurer la pleine conformité avec la définition donnée à l’article 2 de la Convention, lever les ambiguïtés sur ses éléments constitutifs et en clarifier le sens pour tous.

Peines appropriées

15.Le Comité note les explications de l’État partie sur les règles de fixation de la peine dans la législation nationale, y compris les circonstances aggravantes ou atténuantes. Tout en prenant acte de l’explication selon laquelle la peine minimale obligatoire d’un an prévue à l’article 185 bis du Code pénal pour le crime de disparition forcée n’est applicable que dans les cas où, par exemple, l’auteur assume des fonctions subalternes et où sa participation à la commission du crime est limitée, le Comité demeure préoccupé par le fait qu’une telle peine n’est pas proportionnelle à l’extrême gravité du crime (art. 7).

16.Le Comité encourage l’État partie à réexaminer la peine prévue à l’article 185bis du Code pénal, de manière à ce que la peine minimale pour le crime de disparition forcée soit conforme à l ’ article 7 de la Convention , reflétant dûment son extrême gravité. En outre, il invite l’État partie à préciser dans sa législation pénale les circonstances atténuantes et celles aggravantes s’appliquant spécifiquement à la disparition forcée, en veillant à ce que les circonstances atténuantes ne donnent jamais lieu à une absence de sanction appropriée.

Responsabilité pénale des supérieurs hiérarchiques

17.Tout en notant les dispositions de l’article 114a du Code pénal militaire sur la « punissabilité du supérieur », le Comité s’inquiète de ce que, dans le Code pénal, ni les dispositions sur la commission par omission ni celles sur l’abus d’autorité (articles 11 et 312 du Code pénal respectivement) ne semblent répondre aux exigences du paragraphe 1 b) de l’article 6 de la Convention. Il est également préoccupé par l’absence dans le Code pénal de dispositions relatives à l’exclusion de la défense de l’ordre reçu, conformément au paragraphe 2 de l’article 6 de la Convention (art. 6).

18. Le Comité recommande à l’État partie d’intégrer dans le Code pénal le principe de responsabilité pénale des supérieurs hiérarchiques dans les cas de disparition forcée, conformément aux dispositions du paragraphe 1 b) de l’article 6 de la Convention. Il recommande également à l’État partie de garantir qu’aucun ordre ou instruction émanant d’une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier un crime de disparition forcée.

3.Responsabilité pénale et coopération judiciaire en matière de disparition forcée (art. 8 à 15)

Juridiction militaire

19.Le Comité constate avec inquiétude la possibilité pour les tribunaux militaires de se saisir d’éventuels cas de disparition forcée commis par du personnel militaire, y compris quand la victime est civile. Il rappelle que, par principe, tous les cas de disparition forcée doivent rester expressément hors de la compétence des tribunaux militaires et être du ressort exclusif des autorités civiles ordinaires compétentes (art. 11).

20. R appelant sa déclaration sur les disparitions forcées et la juridiction militaire , le Comité recommande à l ’ État partie d ’ exclure de la juridiction militaire les enquêtes et poursuites des disparitions forcées. À cet égard, le Comité encourage l ’ État partie à abroger les dispositions y afférentes du Code pénal militaire.

Recherche des personnes disparues

21.Le Comité salue la mise en place par l’ordonnance no 150.21 du réseau de contacts entre la Confédération et les cantons. Tout en notant qu’il ne s’agit pas d’une durée minimale, le Comité considère que le délai de six jours prévu à l’article 4 de l’ordonnance pour répondre à une demande d’information n’est pas adapté à l’urgence qui caractérise tout cas de disparition forcée. Le Comité s’inquiète de ce que l’article 5 de l’ordonnance limite a priori la recherche à certaines « institutions » de privation de liberté. En outre, tout en prenant acte des systèmes de récusation prévus par la législation nationale, le Comité regrette l’absence, dans cette ordonnance, de garanties de procédure permettant de s’assurer que les personnessusceptibles d’être impliquées ou ayant des liens avec des personnes susceptibles d’être impliquées dans une disparition ne puissent en aucun cas participer à la recherche d’information (art. 12 et 24).

22. Attirant l’attention de l’État partie sur les principes directeurs concernant la recherche de personnes disparues, le Comité recommande d’apporter les modifications nécessaires à l’ordonnance n o  150.21 de 2016 concernant la loi fédérale relative à la Convention, en prenant en compte la nécessité :

a) D ’ é tablir un délai de réponse de vingt-quatre heures pour toute recherche lancée par le réseau, sauf demande de prorogation dûment motivée, dans des conditions précisées par l ’o rdonnance ;

b) D ’ é largir explicitement la compétence du réseau à tous les lieux de privation de liberté ainsi qu ’ à tout autre lieu où il y a des motifs raisonnables de croire qu ’ une personne disparue est présente, y compris en spécifiant les procédures, pouvoirs et ressources mobilisables à cette fin ;

c) De v eiller à l’indépendance et à l’impartialité absolues des recherches d’information, en établissant des garanties pour s’assurer que toute personne susceptible d ’ être impliquée ou ayant des liens avec une personne susceptible d’être impliquée dans une disparition forcée ne participe pas à la recherche d ’ information et ne soit pas en mesure d’influer sur le cours de l’enquête.

4.Mesures de prévention des disparitions forcées (art. 16 à 23)

Non-refoulement

23.Tout en prenant acte des explications données par l’État partie sur son processus d’asile et du fait qu’un requérant peut à tout stade de la procédure d’asile évoquer le risque d’être soumis à une disparition forcée en cas d’éloignement, le Comité demeure inquiet de ce que la notion de « disparition forcée » ne soit pas suffisamment et systématiquement intégrée dans l’évaluation de risque effectuée avant une décision de renvoi (art. 16).

24. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce qu’une évaluation individuelle et approfondie du risque couru par toute personne d’être victime de disparition forcée soit menée avant de procéder à une expulsion, à un refoulement, à une remise ou à une extradition, y compris dans les cas où l’entrée est refusée à l’aéroport et aux frontières. Dans le cas d’une personne originaire d’un État considéré comme « sûr », le risque qu’elle soit ultérieurement transférée vers un État où elle pourrait être exposée à un risque de disparition forcée doit également être évalué. À cet égard, le Comité recommande de renforcer la formation dispensée au personnel intervenant dans les procédures d’asile, de refoulement, de remise ou d’extradition et, de manière générale, aux agents chargés de l’application de la loi, sur la notion de « disparition forcée » et sur l’évaluation des risques y afférents.

Garanties juridiques fondamentales

25.Le Comité prend acte de l’explication fournie par l’État partie sur la distinction entre l’appréhension prévue à l’article 215 du Code de procédure pénale et l’arrestation prévue à l’article 217 du même Code. Néanmoins, le Comité relève avec préoccupation que le Code de procédure pénale ne précise aucun droit pour la personne appréhendée, même lorsque l’appréhension a pour but de déterminer si la personne a commis une infraction, et que cette dernière peut être conduite au poste, conformément au premier paragraphe de l’article 215. Le Comité est également préoccupé par l’absence de toute statistique sur les plaintes relatives au non-respect des garanties liées à la privation de liberté (art. 17 et 18).

26. Le Comité engage l’État partie à veiller à ce que, en droit comme en pratique, les personnes privées de liberté aient accès à un conseil et puissent communiquer sans délai avec leurs proches ou toute personne de leur choix dès le début de la privation de liberté, quelle que soit la durée envisagée de celle-ci. Il recommande également à l’État partie d’établir des statistiques sur les plaintes ou les allégations faisant état du non-respect des garanties liées à la privation de liberté et sur toute sanction qui aurait pu être imposée.

Recours spécifique concernant la légalité de la détention

27.Le Comité prend note de la possibilité pour le conseil d’introduire un recours pour le compte de son client afin qu’un tribunal puisse statuer à bref délai sur la légalité de la privation de liberté. Toutefois, il s’inquiète de ce qu’un droit équivalent ne soit pas expressément garanti pour toute personne ayant un intérêt légitime, en dehors de la procédure de dénonciation pénale (art. 17).

28. Le Comité invite l’État partie à prendre les mesures nécessaires, y compris la possibilité de mettre en place un recours spécifique, pour s’assurer que :

a) L e contrôle de la légalité d ’ une privation de liberté et tout recours y affér e nt satisfassent à l ’ exigence de « bref délai » incluse au paragraphe 2 f) de l ’ article 17 de la Convention ;

b) Toute personne ayant un intérêt légitime puisse exercer ce droit de recours en toutes circonstances.

Accès aux informations des personnes ayant un intérêt légitime

29.Le Comité prend acte de ce que l’article 214 du Code de procédure pénale permet à une autorité de refuser la transmission d’information lorsque le but de l’instruction pénale l’interdit ou lorsque la personne s’y oppose. Il est toutefois préoccupé par l’absence de garantie quant au caractère « prompt et effectif » du recours ouvert contre la décision de refus. Il est également préoccupé par les allégations selon lesquelles l’information des proches est régulièrement retardée, par décision d’un policier, pour « risque de collusion » (art. 17 à 20 et 22).

30. Le Comité recommande à l ’État partie de garantir aux personnes visées au paragraphe 1 de l ’ article 18 de la Convention le droit à un recours judiciaire prompt et effectif pour obtenir à bref délai les informations visées audit paragraphe. Il recommande également à l ’État partie de prévenir et de sanctionner le refus de fournir c es informations ou la remise d ’ informations inexactes.

Commission nationale de prévention de la torture

31.Le Comité constate avec préoccupation l’insuffisance des ressources accordées à la Commission nationale de prévention de la torture pour effectuer des visites régulières dans tous les établissements de privation de liberté de l’État partie. Il est également préoccupé par le rattachement de la Commission au Département fédéral de justice et police, susceptible de compromettre son autonomie et son indépendance.

32. Le Comité recommande à l ’ État partie de doter la Commission nationale de prévention de la torture de ressources financières et humaines suffisantes pour qu’elle puisse effectuer des visites régulières dans tous les lieux de privation de liberté. Il recommande également à l ’ État partie de garantir l’ indépendance structurelle de la Commission vis-à-vis du pouvoir exécutif.

5.Mesures pour protéger et garantir les droits des victimes de disparition forcée (art. 24)

Droit d’obtenir réparation et d’être indemnisé rapidement, équitablement et de manière adéquate

33.Le Comité constate que le champ d’application de la loi fédérale no 312.5 du 23 mars 2007 sur l’aide aux victimes d’infractions, stipulé aux articles3 et 17 (par. 1) de ladite loi et basé sur le principe de territorialité, exclut des prestations prévues les réfugiés qui ont été victimes de graves violations des droits de l’homme commises à l’étranger, ycompris des disparitions forcées (art. 24).

34. Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir à toute personne ayant subi un préjudice direct du fait d ’ une disparition forcée le droit d ’ obtenir réparation , conformément aux paragraphes 4 et 5 de l ’ article 24 de la Convention , y compris lorsque celle-ci se trouvait à l ’ étranger au moment des faits .

Situation légale des personnes disparues dont le sort n’est pas élucidé et de leurs proches

35.Le Comité considère que le régime de déclaration d’absence en vigueur dans l’État partie, basé sur la présomption de décès, est inadapté aux cas de disparition forcée. Le Comité réitère que, compte tenu du caractère continu de la disparition forcée, par principe et faute de preuve du contraire, il n’y a pas de raison de présumer que la personne disparue est décédée tant que son sort n’a pas été élucidé (art. 24).

36. À la lumière du paragraphe 6 de l ’ article 24 de la Convention, le Comité recommande à l ’ État partie de revoir sa législation afin de clarifier la situation légale des personnes disparues dont le sort n ’ a pas été élucidé et de leurs proches , dans des domaines tels que la protection sociale, les questions financières, le droit de la famille et les droits de propriété, sans qu ’ il soit nécessaire de présumer la mort de la personne disparue. À cet égard, le Comité encourage l ’ État partie à envisager de créer une procédure spécifique permettant d ’ obtenir une déclaration d ’ absence pour cause de disparition forcée.

6.Mesures de protection des enfants contre la disparition forcée (art. 25)

Disparition de mineurs non accompagnés

37.Le Comité prend note des mesures prises relativement à la disparition de requérants d’asile mineurs non accompagnés enregistrés dans l’État partie. Il reste toutefois préoccupé par ce phénomène, par la faiblesse du nombre de cas élucidés ainsi que par le risque que ces mineurs soient victimes de disparition forcée (art. 12, 14, 16 et 25).

38. Le Comité recommande à l’État partie : a) de faire un état des lieux des dossiers de demande d ’ asile clos en raison de la disparition des requérants mineurs non accompagnés ; b) de mener des enquêtes approfondies sur ces cas, y compris par les voies de l’entraide judiciaire avec des États connaissant le même phénomène ; c) d’entreprendre des recherches pour retrouver les mineurs disparus ; et d) d’adopter de nouvelles mesures en vue de prévenir la disparition de mineurs non accompagnés des centres d’accueil, notamment en s’inspirant des bonnes pratiques adoptées par d’autres États.

Soustraction d’enfants

39.Le Comité salue l’adoption par le Conseil fédéral du rapport du 11 décembre 2020 donnant suite au postulat 17.4181 déposé par Rebecca Ruiz et intitulé « Faire la lumière sur les adoptions illégales en Suisse dans les années 1980 d’enfants venant du Sri Lanka ». Il note en particulier la reconnaissance par le Conseil fédéral des manquements de l’État partie et les regrets exprimés envers les personnes adoptées et leurs familles. Le Comité note également que l’État partie envisage d’accorder un soutien à la recherche par les personnes adoptées de leurs origines, et de lancer une réflexion plus large sur la situation de l’adoption internationale en Suisse en vue de proposer des solutions, y compris par l’intermédiaire de réformes législatives. Le Comité note également que la délégation de l’État partie a reconnu que, dans certains cas, les adoptions illégales pouvaient être le résultat d’une disparition forcée ou d’une soustraction d’enfants soumis à une disparition forcée ou dont le père, la mère ou le représentant légal étaient soumis à une disparition forcée, ou d’enfants nés pendant la captivité de leur mère soumise à une disparition forcée. Le Comité constate avec préoccupation les difficultés rencontrées par les personnes concernées pour obtenir les informations et l’assistance dont elles ont besoin. Il est également préoccupé de ce que l’État partie ne semble pas envisager de prendre des mesures visant à poursuivre les auteurs des infractions commises ainsi qu’à reconnaître et à mettre en œuvre le droit à réparation des victimes (art. 9, 12, 14, 15, 24 et 25).

40. Le Comité engage l’État partie :

a) À mener des enquêtes approfondies et impartiales pour déterminer si des enfants adoptés à Sri Lanka durant les années 19 80 et 19 90 ont pu être des victimes de disparition forcée ou de soustraction d ’ enfant , et si d ’ autres infractions telles que la falsification, la dissimulation ou la destruction de documents d ’ identité ont été commises dans ces cas , afin d’ identifier et de punir les auteurs de telles infractions  ;

b) En consultation avec les personnes concernées, à identifier les victimes de disparition forcée ou de soustraction d ’ enfant et à leur fournir le soutien dont elles ont besoin pour déterminer leur identité et leur filiation et faire toute la lumière sur les circonstances dans lesquelles elles ont été adoptées ;

c) À garantir le droit à réparation à toute personne ayant subi un préjudice direct du fait d’une disparition forcée, quelle que soit la date à laquelle l’acte a été commis et y compris lorsque le préjudice trouve son origine dans un autre État, et ce, même si aucune procédure pénale n’a été engagée contre les auteurs présumés ou si ceux-ci n’ont pas été identifiés ;

d) À toutes fins utiles , en vue de mettre en œuvre les recommandations ci ‑ dessous,à solliciter la coopération de Sri Lanka en vertu des articles 14, 15 et 25 de la Convention.

D.Diffusion et suivi

41. Le Comité tient à rappeler les obligations auxquelles les États ont souscrit en devenant parties à la Convention et, à ce propos, engage l ’ État partie à veiller à ce que toutes les mesures qu ’ il adopte soient pleinement conformes aux obligations qu ’ il a assumées en devenant partie à la Convention et à d ’ autres instruments internationaux pertinents.

42. Le Comité tient également à souligner l ’ effet particulièrement cruel qu ’ ont les disparitions forcées sur les femmes et l es enfants. Les femmes victimes d ’ une disparition forcée sont spécialement vulnérables à la violence sexuelle et aux autres formes de violence fondée sur le genre. Les femmes parentes d ’ une personne disparue sont particulièrement susceptibles d ’ être gravement défavorisées sur les plans économique et social et de subir des violences, des persécutions et des représailles du fait des efforts qu ’ elles déploient pour localiser leur proche. Les enfants victimes d ’ une disparition forcée, qu ’ ils y soient soumis eux ‑mêmes ou qu ’ ils subissent les conséquences de la disparition d ’ un membre de leur famille, sont particulièrement exposés à de nombreuses violations des droits de l ’ homme. Le Comité souligne donc la nécessité, pour l ’ État partie, de tenir compte de façon systématique des questions de genre et des besoins des femmes et des enfants lorsqu ’ il met en œuvre les présentes recommandations et l ’ ensemble des droits et obligations de la Convention.

43. L ’ État partie est invité à diffuser largement la Convention, le rapport qu ’ il a soumis en application du paragraphe 1 de l ’ article 29 de la Convention et les présentes observations finales, en vue de sensibiliser les autorités étatiques , tous les acteurs de la société civile et le grand public. Le Comité encourage aussi l ’ État partie à promouvoir la participation de la société civile à l ’ action menée pour mettre en œuvre les présentes observations finales.

44. Conformément au règlement intérieur du Comité, l ’ État partie doit communiquer, au plus tard le 7 mai 2022, des informations pertinentes sur les mesures qu ’ il aura adoptées pour mettre en œuvre les recommandations du Comité figurant aux paragraphes 14 (définition de la disparition forcée), 30 (accès aux informations) et 40 (enfants adoptés à Sri Lanka) des présentes observations finales.

45. Conformément au paragraphe 4 de l’article 29 de la Convention, le Comité pourra ensuite demander à l’État partie des renseignements complémentaires sur la mise en œuvre de la Convention, y compris des informations sur les mesures adoptées pour mettre en œuvre l’ensemble des recommandations contenues dans les présentes observations finales.