Nations Unies

CERD/C/94/D/57/2015

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

26 octobre 2018

Français

Original : anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Opinion adoptée par le Comité au titre de l’article 14 de la Convention, concernant la communication no 57/2015 * , **

Communication p résentée par  :

Salifou Belemvire (représenté par un conseil, Marcel Moraru)

Au nom de  :

L’auteur

État partie  :

République de Moldova

Date de la communication  :

21 avril 2015 (date de la lettre initiale)

Date de la présente décision  :

24 novembre 2017

Objet :

Protection et voie de recours effectives contre tous actes de discrimination raciale ; obligation incombant à l’État partie d’agir contre la discrimination raciale

Question(s) de fond :

Discrimination fondée sur l’origine nationale ou ethnique

Question(s) de procédure :

Non-épuisement des recours internes

Article(s) de la Convention :

5 (al. a) et b)), 6 et 7

1.L’auteur de la communication est Salifou Belemvire, de nationalité burkinabé, qui vit actuellement en République de Moldova. M. Belemvire se dit victime de la violation par la République de Moldova des articles 5 (al. a) et b)), 6 et 7 de la Convention. Il est représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur affirme qu’alors qu’il se trouvait dans un minibus sur une ligne de transport public, le 14 novembre 2013 aux environs de 20 heures, et qu’il appelait l’un de ses amis au téléphone dans une langue étrangère, une personne, ultérieurement identifiée comme étant S. I., s’est mise à l’insulter, le traitant de « romanichel », de « singe », d’« indien » et de « nègre ».

2.2S. I. s’en est ensuite pris physiquement à l’auteur, lui portant des coups au visage et sur le corps. M. Belemvire n’a pas, de son côté, réagi violemment. Les coups qu’il a reçus lui ont laissé des ecchymoses et le visage tuméfié. S. I. a été arrêté immédiatement, sur les lieux, grâce à l’aide de personnes qui avaient assisté à la scène, appelé la police et été témoins des insultes et de l’agression dont l’auteur avait été victime.

2.3Le 15 novembre 2013, l’auteur a déposé une plainte auprès du commissariat de police de Buiucani, qui a ouvert une enquête pénale. La plainte mentionnait les insultes racistes proférées par S. I. qui, selon l’auteur, visaient à l’humilier. Le même jour, M. Belemvire a passé un examen médico-légal.

2.4Le 18 novembre 2013, l’auteur s’est vu officiellement accorder la qualité de victime et il a été interrogé dans le cadre de l’enquête pénale. Le 19 novembre 2013, S. I. a été officiellement inculpé de hooliganisme en application du paragraphe 1 de l’article 287 du Code pénal de la République de Moldova. Selon l’auteur, le hooliganisme s’entend de la commission d’un ou de plusieurs acte(s) sans aucune forme d’intention ou de motivation particulière. M. Belemvire a donc fait valoir la nécessité de reconnaître que son agression avait le caractère d’un acte de discrimination raciale en renvoyant aux dispositions de la Convention et à l’article 4 de la Constitution de la République de Moldova. Il a expressément déclaré que de simples accusations de hooliganisme ne constituaient pas la voie de recours exigée par la Convention contre des actes de discrimination raciale.

2.5Le 21 novembre 2013, la police a interrogé deux témoins, B. O. et S. P. Le 29 novembre 2013, le bureau du procureur a renvoyé l’affaire devant le juge pénal. À nouveau, les accusations retenues ne faisaient pas mention de ce que des insultes racistes visant à humilier l’auteur avaient été proférées lors de l’agression. L’élément raciste de l’agression n’a pas non plus été évoqué au cours de l’audience préliminaire du 26 décembre 2013. Le 6 février 2014, par l’intermédiaire de son conseil, l’auteur a demandé au bureau du procureur d’inclure ce grief dans les poursuites, afin de lui offrir un recours potentiel contre les actes de discrimination raciale dont il avait été victime. Le 20 février 2014, le bureau du procureur a informé l’auteur que les poursuites porteraient sur les seules accusations de hooliganisme et que l’agression commise contre lui par S. I. n’avait pas été qualifiée d’acte à caractère raciste.

2.6Le 24 février 2014, le tribunal de Buiucani a tenu sa deuxième audience dans l’affaire. Le bureau du procureur a présenté une requête au tribunal, comme le prévoit le paragraphe 1 de l’article 364 du Code de procédure pénale de la République de Moldova, aux fins de l’application de la procédure simplifiée. Le tribunal a rendu une décision par laquelle il accédait à la demande de traitement accéléré de l’affaire. L’auteur a contesté cette décision et demandé un complément d’instruction qui permettrait d’examiner ses griefs de discrimination raciale. L’auteur a aussi signalé au tribunal que les éléments de preuve à charge étaient incomplets en ce qu’ils n’incluaient pas les faits relatifs à la discrimination raciale. Il a insisté sur le fait que ces informations auraient dû se trouver dans le dossier en vertu du paragraphe 1 de l’article 293 du Code de procédure pénale.

2.7Le 4 mars 2014, le tribunal de Buiucani a déclaré le prévenu, S. I., coupable sur la seule base des accusations de hooliganisme et l’a condamné à une peine de dix-huit mois d’emprisonnement devant être purgée dans un établissement pénitentiaire fermé. Le tribunal a choisi de suivre la procédure simplifiée pour le traitement de l’affaire, n’examinant que les éléments produits par le bureau du procureur. Le conseil de l’auteur a demandé une nouvelle fois au tribunal d’inclure la discrimination raciale dans les chefs d’accusation, mais sans résultat. Les dispositions de l’alinéa d) de l’article 77 du Code pénal, qui répriment la commission d’une infraction pour des motifs de haine sociale, nationale, raciale ou religieuse, n’ont pas été appliquées.

2.8Le 18 mars 2014, le conseil de l’auteur a interjeté appel du verdict prononcé par le tribunal de première instance, mais sa requête a été rejetée le 20 mai 2014 par la Cour d’appel de Chisinau, qui n’a pas modifié la décision de la juridiction inférieure. Le 16 juillet 2014, l’auteur s’est pourvu devant la Cour suprême de justice. Dans sa requête, il demandait à la Cour d’annuler la décision de la juridiction de première instance et de réexaminer l’affaire en tenant compte de l’élément relatif à la discrimination raciale. Le 22 octobre 2014, la Cour suprême de justice a rejeté ce recours en l’estimant irrecevable.

2.9L’auteur affirme donc qu’il a soulevé ses griefs relatifs à la discrimination raciale à tous les niveaux, mais qu’ils n’ont jamais été examinés. Par conséquent, il dit avoir épuisé tous les recours internes.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que l’État partie a violé le droit à un traitement égal devant les tribunaux et tout autre organe administrant la justice qu’il tire des dispositions de l’article 5, alinéa a), de la Convention. Il affirme, en outre, que ses droits au titre de l’alinéa b) du même article ont été violés en ce qu’une « impunité générale » prévaudrait en République de Moldova à l’égard des agressions à caractère raciste.

3.2L’auteur affirme, de plus, que les tribunaux ayant ignoré ses griefs de discrimination raciale, le droit à une protection efficace et à des recours utiles qui lui est garanti par l’article 6 de la Convention a également été violé.

3.3Enfin, les griefs de l’auteur portent sur ce qu’il qualifie de « phénomène plus général de négation de la discrimination », qui obligerait l’État partie à adopter une série de mesures au titre de la Convention, notamment à se conformer aux obligations énoncées à l’article 7.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans des courriers en date des 12 octobre et 3 décembre 2015, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication. Il informe le Comité que le Bureau des relations inter‑ethniques est l’organisme compétent pour traiter les plaintes soumises par des particuliers au titre de l’article 14 de la Convention. En vue de répondre à la présente communication, cet organisme a tenu des consultations avec le Ministère de la justice, le Ministère de l’intérieur, le Bureau du Procureur général et le Bureau du Médiateur.

4.2L’État partie fait remarquer que, le 14 novembre 2013, M. Belemvire a en effet porté plainte auprès de la police au sujet de violences physiques qui auraient présenté un caractère raciste. Les autorités répressives ont mené une enquête conformément à la législation nationale. Cette législation ne prévoit pas d’infraction distincte pour les coups et blessures motivés par la haine. Le tribunal de Buiucani a également pris toutes les mesures voulues en vue d’examiner tous les aspects de l’affaire lors du procès, à l’issue duquel il a condamné le prévenu à dix-huit mois d’emprisonnement dans un établissement pénitentiaire fermé.

4.3L’État partie confirme également que l’auteur de la communication, qui n’était pas satisfait de l’issue du procès, s’est pourvu en appel auprès du tribunal régional de Chisinau, puis auprès de la Cour suprême de justice. L’auteur entendait obtenir l’annulation du jugement et l’ouverture d’une nouvelle enquête et d’un nouveau procès qui tiendraient compte du facteur de la discrimination raciale. M. Belemvire a témoigné, en qualité de victime, de ce que son assaillant l’avait non seulement agressé physiquement et verbalement, mais aussi traité notamment de « singe » et de « nègre », ce que le témoin B. O. a confirmé. L’État partie estime donc que le bureau du procureur aurait dû prendre en considération l’élément de discrimination raciale de l’infraction. La motivation raciste des actes en cause aurait dû être considérée comme une circonstance aggravante, en vertu du paragraphe 1 d) de l’article 77 du Code pénal.

4.4L’État partie reconnaît qu’aux termes de la Convention, les États parties sont tenus d’assurer à chacun une protection efficace et des voies de recours utiles devant les tribunaux et autres organismes d’État compétents en cas de discrimination raciale. Dans sa recommandation générale no 31 (2005) concernant la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité a recommandé aux États parties de diligenter des enquêtes et des poursuites efficaces dans les cas d’infractions motivées par la discrimination raciale.

4.5La République de Moldova reconnaît aussi le droit à un recours utile et admet qu’un État partie dans lequel ce droit n’est pas respecté est tenu de mettre sa législation nationale en conformité avec les articles 5, alinéas a) et b), et 6 de la Convention. Ainsi, dans l’affaire Šečićc.Croatie, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que l’État partie avait manqué à ses obligations pour n’avoir pas entrepris de démarches sérieuses en vue d’identifier les auteurs d’une infraction « très probablement motivée par la haine raciale ».

4.6Le Code pénal de la République de Moldova contient différentes dispositions interdisant les actes motivés par la haine ou les infractions dont la commission est fondée sur des préjugés. Malheureusement, ces dispositions ne sont pas toujours appliquées correctement, parce qu’elles sont méconnues ou que certains n’admettent pas que des infractions sont commises pour des motifs raciaux, comme tel a été le cas en l’espèce. En vertu de l’article 176 du Code pénal, les violations des droits et libertés fondamentaux fondées sur des critères tels que le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, la naissance, l’appartenance à une minorité ethnique ou la fortune sont passibles d’une sanction pénale. En outre, ainsi qu’il est dit supra, le paragraphe 1 d) de l’article 77 du même Code dispose que le fait qu’une infraction soit motivée par la haine sociale, ethnique, raciale ou religieuse constitue une circonstance aggravante.

4.7En ce qui concerne la recevabilité de la communication, l’État partie affirme qu’il convient bien évidemment d’épuiser les recours internes préalablement à la saisine des mécanismes internationaux d’examen des plaintes En l’espèce, l’auteur s’est pourvu devant la Cour suprême et son recours a été rejeté le 22 octobre 2014. Il convient de noter toutefois qu’il n’a pas tenté de former un recours extraordinaire en vertu de l’article 452 du Code de procédure pénale. En outre, il ne s’est pas constitué partie civile, ni n’a déposé de plainte auprès du Conseil pour la prévention et l’élimination de la discrimination, comme le lui permettait la loi no 121 du 25 mai 2012.

4.8Le Conseil pour la prévention et l’élimination et de la discrimination a procédé à son propre examen du respect par l’État partie des obligations qui lui incombent au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, à la suite duquel il a recommandé aux autorités « de prendre des mesures raisonnables » en vue de déterminer si la haine ou des préjugés avaient joué un rôle dans la commission des infractions dont elles étaient saisies. Il a ainsi constaté qu’aucune poursuite n’avait été diligentée sur le fondement de l’article 176 du Code pénal, qui interdit la discrimination.

4.9Le Bureau du Médiateur de la République de Moldova s’inquiète donc de ce que les dispositions du Code pénal relatives aux infractions motivées par la haine et les préjugés ne soient pas « appliquées en pratique ».

4.10L’État partie affirme, pour conclure, que les services répressifs du pays ont mené leur enquête sur l’incident en question sur la base de la législation nationale. Le Code pénal ne comporte pas d’article réprimant expressément lescoups et blessures résultant d’agressions motivées par la haine. L’enquête a bénéficié de toutes les mesures nécessaires à un examen objectif de l’affaire à la lumière du paragraphe 1 de l’article 278 du Code pénal, ce que le tribunal qui a condamné le prévenu à une peine proportionnée à l’infraction commise a confirmé par la suite. L’auteur n’a toutefois pas épuisé les recours internes, car il a notamment omis de saisir la Cour suprême.

4.11L’État partie tiendra compte des conclusions du Comité concernant la présente communication. Ses autorités prendront toutes les mesures voulues pour lutter contre la discrimination. De manière générale, l’État partie souscrit à l’idée selon laquelle la violence motivée par la haine constitue une atteinte à la dignité humaine qui exige une réaction vigoureuse de la part des autorités.

Commentaires de l’auteur au sujet des observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

5.1Le 11 février 2016, l’auteur, dans sa réponse aux observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond, a réaffirmé la position exprimée dans sa lettre initiale. L’État partie admet que sa législation nationale ne prévoit aucun recours contre les actes visés par la communication. Il affirme également que les articles 176 et 77 du Code pénal auraient pu être appliqués mais qu’ils ne l’ont pas été.

5.2L’auteur affirme en outre qu’il a épuisé tous les recours internes utiles. Il fait valoir que l’enquête elle-même présente des lacunes, car elle n’a pas pris en considération la haine raciale en tant qu’élément de l’infraction. Le tribunal de première instance, à son tour, a également ignoré les conclusions répétées de l’auteur tendant à faire examiner la motivation raciale de l’infraction. L’État partie lui-même, dans les observations qu’il a présentées au Comité, a confirmé que les autorités avaient bien commis l’erreur de ne pas examiner si la discrimination raciale était à l’origine de l’agression dont le requérant avait été victime. L’auteur réfute catégoriquement l’affirmation de l’État partie selon laquelle le procureur a pris toutes les mesures voulues pour mener une enquête appropriée.

5.3Les recours internes supplémentaires qui sont mentionnés par l’État partie sont, selon l’auteur, inadéquats, inefficaces et ont peu de chances d’aboutir. L’auteur n’est pas tenu d’exercer des recours qui n’ont « manifestement aucune chance d’aboutir ». La  révision n’aboutirait, quoiqu’il arrive, qu’à examiner la possibilité d’infirmer les décisions rendues par les juridictions inférieures sur le fondement du hooliganisme et ne donnerait pas lieu à une éventuelle inculpation pour actes à caractère raciste et discrimination raciale.

5.4Pour ce qui est du dépôt éventuel d’une plainte auprès du Conseil pour la prévention et l’élimination de la discrimination, la procédure de plainte prévue par la loi no 121 n’est pas obligatoire. Elle est en outre rendue inutile par l’obligation faite au Conseil de saisir la juridiction compétente de toutes les plaintes faisant état d’une infraction.

5.5Concernant l’absence de constitution de partie civile en vue d’obtenir des dommages et intérêts, il convient d’observer qu’une telle démarche de la part de l’auteur reviendrait nécessairement pour lui à accepter l’issue des poursuites ; or, telle n’était pas son intention. Les dommages et intérêts qui pourraient être accordés à l’auteur se rapporteraient uniquement aux accusations de hooliganisme et non à la discrimination raciale dont il a affirmé tout au long de l’affaire avoir été victime.

5.6Pour conclure, l’auteur affirme que les observations de l’État partie montrent clairement que tous les recours internes ont été épuisés et que l’État partie a effectivement violé les dispositions de la Convention énumérées dans la lettre initiale.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale doit déterminer si la communication est recevable au regard du paragraphe 7) a) de l’article 14 de la Convention.

6.2Le Comité prend note, en premier lieu, de l’argument de l’État partie selon lequel l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles, car il n’a pas soumis sa plainte à la Cour suprême de justice de la République de Moldova. Le Comité observe égalementque l’auteur a introduit un recours auprès de cette juridiction, qui l’a débouté le 22 octobre 2014. L’État partie mentionne l’existence d’un « recours extraordinaire » prévu par l’article 452 du Code de procédure pénale mais n’explique pas en quoi consiste cette procédure, ni n’indique si elle aurait des chances raisonnables d’aboutir à un recours utile dans les circonstances de l’espèce. En conséquence, le Comité considère qu’il n’est pas empêché par le paragraphe 7 a) de l’article 14 de la Convention d’examiner la présente communication.

6.3Le Comité observe, en second lieu, que l’auteur n’a pas étayé aux fins de la recevabilité les allégations concernant la violation par l’État partie de son droit à un traitement égal devant les tribunaux et tout autre organe administrant la justice, ni l’existence d’une « impunité générale » en République de Moldova à l’égard des agressions à caractère raciste ainsi que d’« un phénomène plus général de discrimination », qui seraient constitutives de violations des articles 5, alinéas a) et b), et 7 de la Convention. Par conséquent, cette partie de la communication est irrecevable au regard du paragraphe 1 de l’article 14 de la Convention.

6.4Le Comité estime qu’aux fins de la recevabilité l’auteur a suffisamment étayé les griefs qu’il tire de l’article 6 de la Convention, et procède à leur examen quant au fond en l’absence d’autres objections concernant la recevabilité de la communication.

Examen au fond

7.1Agissant en vertu du paragraphe 7 a) de l’article 14 de la Convention, le Comité a examiné les informations qui lui ont été soumises par l’auteur et par l’État partie.

7.2Le Comité doit déterminer si l’État partie s’est acquitté de son obligation d’assurer une protection et une voie de recours effectives devant les tribunaux nationaux et autres organismes d’État compétents contre tous actes de discrimination raciale, comme le prescrit l’article 6 de la Convention. Le Comité fait observer qu’il ne lui appartient pas d’examiner la manière dont les juridictions internes ont interprété les faits et la législation nationale, à moins que les décisions rendues aient été manifestement arbitraires ou aient représenté un déni de justice. Toutefois, il a également dit précédemment que « lorsque des menaces de violence sont proférées […] l’État partie a le devoir d’enquêter rapidement et avec diligence ».

7.3En l’espèce, le Comité note que, si les autorités ont bien procédé à une enquête sur l’incident en cause, elles l’ont traité comme un acte de hooliganisme sans examiner le caractère discriminatoire du motif qui a animé l’auteur de l’infraction, en dépit des nombreuses demandes en ce sens présentées par l’auteur de la communication à différents niveaux et services de l’État, y compris auprès des juridictions saisies. L’État partie semble admettre dans ses conclusions que les autorités, notamment le bureau du procureur, auraient dû examiner l’élément discriminatoire. Le Comité est d’avis que, telle qu’elle a été menée par l’État partie, à savoir sans tenir compte de la motivation discriminatoire de l’auteur de l’infraction, l’enquête était incomplète. L’État partie aurait dû prendre en considération cet aspect de l’infraction « car toute infraction à motivation raciste porte atteinte à la cohésion sociale et à la société tout entière » et a souvent des effets dévastateurs sur le plan individuel et social. En outre, le refus par l’État partie d’enquêter sur la motivation raciste des faits a également privé l’auteur de la communication de son droit à une « protection efficace et des recours utiles contre l’acte de discrimination raciale dénoncé ».

8.Dans les circonstances de l’espèce et compte tenu des informations fournies par les parties, le Comité conclut à la violation de l’article 6 de la Convention.

9.Le Comité recommande à l’État partie d’octroyer à l’auteur une indemnisation adéquate pour le préjudice matériel et moral causé par la violation susmentionnée de la Convention.

10.Le Comité recommande en outre à l’État partie de revoir sa politique et ses procédures concernant les poursuites dans les cas d’allégation de discrimination raciale ou d’actes de violence à caractère raciste à la lumière de ses obligations au titre de l’article 4 de la Convention. L’État partie est également prié de diffuser largement la présente opinion , y compris auprès des procureurs et des organes judiciaires.

11.Le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de quatre‑vingt‑dix jours, des renseignements sur les mesures qu’il aura prises pour donner effet aux présentes recommandations.