Nations Unies

CAT/C/PRT/CO/7

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

18 décembre 2019

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le septième rapport périodique du Portugal *

1.Le Comité contre la torture a examiné le septième rapport périodique du Portugal (CAT/C/PRT/7) à ses 1796e et 1799eséances (voir CAT/C/SR.1796 et 1799), les 19 et 20novembre 2019, et a adopté les présentes observations finales à ses 1814e et 1815eséances, le 2décembre 2019.

A.Introduction

2.Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir accepté la procédure simplifiée de présentation des rapports, qui permet de mieux cibler le dialogue entre l’État partie et le Comité. Il regrette toutefois que le rapport ait été soumis avec six mois de retard.

3.Le Comité se félicite d’avoir pu engager un dialogue constructif avec la délégation de l’État partie et accueille avec satisfaction les réponses apportées aux questions et aux préoccupations soulevées pendant l’examen du rapport.

B.Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction qu’en 2014, l’État partie a ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

5.Le Comité accueille également avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour réviser sa législation dans des domaines intéressant la Convention, notamment:

a)L’adoption, en 2015, de la loi no83/2015, qui incrimine les mutilations génitales féminines et le mariage forcé;

b)L’adoption, en 2015, de la loi no130/2015, qui modifie le Code de procédure pénale et vise à mieux protéger les droits des victimes et de leurs proches;

c)L’adoption, en 2015, de la loi no142/2015, qui modifie la loino147/99 sur la protection des enfants et des jeunes à risque ;

d)L’adoption, en 2017, de la loi no93/2017, une nouvelle loi contre la discrimination;

e)L’adoption, en 2017, de la loi no94/2017, qui régit l’assignation à résidence sous surveillance électronique et met fin au régime de l’emprisonnement de fin de semaine;

f)L’adoption, en 2018, de la loi no38/2018 sur le droit à l’autodétermination de l’identité de genre et de l’expression du genre et la protection des caractéristiques sexuelles.

6.Le Comité salue les mesures prises par l’État partie pour modifier ses politiques et procédures afin de renforcer la protection des droits de l’homme et d’appliquer la Convention, en particulier:

a)L’adoption, en 2018, de la Stratégie nationale pour l’égalité et la non‑discrimination, qui est assorti d’un plan d’action (2018-2021) pour prévenir et combattre la violence faite aux femmes et la violence familiale;

b)L’adoption des troisième et quatrième plans d’action nationaux visant à prévenir et à combattre la traite des êtres humains, qui couvrent respectivement la période 2014‑2017 et la période 2018-2021;

c)L’adoption de la Stratégie de restructuration et de réhabilitation du réseau d’établissements pénitentiaires pour 2017‑2027;

d)Le lancement du troisième programme d’action pour la prévention et l’abolition des mutilations génitales féminines (2014‑2017).

7.Le Comité se félicite de ce que l’État partie maintienne son invitation permanente aux titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme, ce qui a permis à des experts indépendants d’effectuer des visites dans le pays au cours de la période considérée.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Questions en suspens issues du cycle précédent

8.Dans ses précédentes observations finales (CAT/C/PRT/CO/5-6, par. 24), le Comité avait demandé à l’État partie de lui faire parvenir des renseignements sur la suite donnée à ses recommandations relatives aux garanties juridiques fondamentales (par. 8 b) et c)), à la prompte réalisation d’enquêtes impartiales et efficaces (par. 9 a) et c)), à la violence familiale (par. 17) et à la maltraitance des Roms et d’autres communautés (par. 18). Le Comité accueille avec satisfaction les réponses que l’État partie lui a fait parvenir le 4 décembre 2014 et le 27 janvier 2017 dans le cadre de la procédure de suivi (CAT/C/PRT/CO/5-6/Add.2 et Add.3), mais, se référant à la lettre du 29 août 2019 que son Rapporteur chargé du suivi des observations finales a adressée au Représentant permanent du Portugal auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, il constate que les recommandations formulées aux paragraphes 8 b) et c) et 9 a) et c) de ses précédentes observations finales n’ont pas été mises en œuvre (voir, respectivement, les paragraphes 13 et 19 ci-dessous), et que les recommandations figurant aux paragraphes 17 et 18 desdites observations finales ne l’ont été que partiellement (voir, respectivement, les paragraphes 17 et 41 ci-dessous).

Définition de la torture et incrimination de torture

9.Le Comité prend note de l’affirmation de la délégation selon laquelle la discrimination peut constituer une circonstance aggravante en vertu de la législation pénale de l’État partie, mais demeure préoccupé par le fait que, contrairement à ce que prévoit l’article premier de la Convention, la définition de la torture qui figure à l’article 243 du Code pénal n’inclut toujours pas la discrimination, sous quelque forme que ce soit, parmi les motifs pour lesquels la torture est infligée (art. 1er et 4).

10. Le Comité renouvelle la recommandation figurant dans ses précédentes observations finales (CAT/C/PRT/CO/5-6, par. 7) et recommande à l ’ État partie de mettre l ’ article 243 du Code pénal en conformité avec l ’ article premier de la Convention en y faisant expressément mention de la discrimination, sous quelque forme que ce soit, parmi les motifs pour lesquels la torture est infligée. À cet égard, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur la définition pratique des mauvais traitements adoptée par l ’ Inspection générale de l ’ administration interne ainsi que sur son observation générale n o 2 (2007) sur l ’ application de l ’ article 2 par les États parties, qui dispose que si la définition de la torture en droit interne est trop éloignée de celle énoncée dans la Convention, le vide juridique réel ou potentiel qui en découle peut ouvrir la voie à l ’ impunité.

Prescription

11.Le Comité note avec préoccupation que les infractions de torture et de torture aggravée sont soumises à un délai de prescription de dix et quinze ans, respectivement. Seuls les actes de torture assimilables à un crime contre l’humanité sont imprescriptibles.

12. L ’ État partie devrait rendre l ’ infraction de torture imprescriptible et écarter tout risque d ’ impunité en faisant en sorte que les actes de torture donnent lieu à des enquêtes et que les auteurs soient poursuivis et condamnés.

Garanties juridiques fondamentales

13.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni d’informations détaillées sur les résultats des mesures de contrôle qui avaient été prises pour que les garanties juridiques fondamentales soient respectées dans la pratique, et n’ait rien dit des éventuelles sanctions qui avaient été appliquées en cas de non‑respect de ces garanties. À cet égard, les informations dont dispose le Comité indiquent qu’il reste difficile, pour les détenus, d’avoir accès à un avocat commis d’office avant d’être entendus par un juge. Le Comité prend note du contenu de la Recommandation IG-2/2014 du 9 mai 2014 de l’Inspection générale de l’administration interne, ainsi que des assurances données par la délégation de l’État partie au cours du dialogue, mais il demeure préoccupé par le fait que le Code de procédure pénale ne garantit toujours pas expressément la comptabilisation du temps passé en détention à des fins d’identification − jusqu’à six heures − dans le délai de quarante-huit heures dans lequel un détenu doit être présenté à un juge. Enfin, le Comité note avec préoccupation qu’un petit nombre seulement de postes de police sont actuellement équipés d’un système de vidéo-surveillance (art. 2).

14. L ’ État partie devrait garantir que toutes les personnes arrêtées ou détenues bénéficient dans la pratique, dès le début de la privation de liberté, de toutes les garanties fondamentales contre la torture, y compris du droit d ’ être assisté par un avocat et d ’ être présenté à un juge sans délai. L ’ État partie devrait en particulier :

a) Modifier le Code de procédure pénale afin de garantir la comptabilisation du temps passé en garde à vue à des fins d ’ identification dans le délai de quarante-huit heures dans lequel un détenu doit être présenté à un juge ;

b) Garantir l ’ accès à un avocat commis d ’ office, y compris durant les phases d ’ enquête et d ’ interrogatoire ;

c) Poursuivre l ’ installation de dispositifs de vidéo-surveillance dans tous les espaces des lieux de détention où des détenus peuvent se trouver, excepté lorsque cela risquerait de porter atteinte au droit des détenus au respect de leur vie privée ou à leur droit de s ’ entretenir avec leur avocat ou un médecin en toute confidentialité. Les enregistrements devraient être conservés en lieu sûr, contrôlés régulièrement par des organes de surveillance internes et externes, et tenus à la disposition des autorités d ’ enquête ainsi que des détenus et de leurs avocats.

Mécanisme national de prévention

15.Le Comité note avec préoccupation que le Provedor de Justiça ne dispose pas d’un budget spécifique pour s’acquitter de son mandat de mécanisme national de prévention conformément au Protocole facultatif se rapportant à la Convention, ni d’un personnel multidisciplinaire affecté à plein temps et exclusivement à l’exécution des tâches et activités qui lui incombent au titre de ce mandat. Le Comité demeure en outre préoccupé par les difficultés que le mécanisme national de prévention semble rencontrer pour accéder aux lieux de privation de liberté non traditionnels tels que les établissements psychiatriques et les centres sociaux, en particulier ceux qui relèvent du secteur privé (CAT/OP/PRT/1, par. 24) (art. 2).

16. L ’ État partie devrait garantir l ’ autonomie opérationnelle du mécanisme national de prévention et lui affecter spécialement les ressources financières et humaines dont il a besoin pour s ’ acquitter de son mandat, conformément aux paragraphes 1 et 3 de l ’ article 18 du Protocole facultatif (voir aussi CAT/OP/12/5, par. 11 et 12). Conformément à l ’ article 20 c) du Protocole facultatif, l ’ État partie devrait accorder au mécanisme national de prévention l ’ accès à tous les lieux de détention et à leurs installations et équipements tels qu ’ ils sont définis à l ’ article 4 du Protocole facultatif.

Usage excessif de la force, y compris la violence à caractère raciste

17.Le Comité est préoccupé par les allégations imputant à la police un usage excessif de la force et d’autres violences, en particulier à l’égard des personnes issues de certains groupes raciaux ou ethniques. À ce sujet, le Comité note que, en mai 2019, huit agents de la Police de sécurité publique ont été déclarés coupables de falsification de documents et de mauvais traitements aggravés sur six jeunes noirs, en février 2015, dans le quartier Cova da Moura de la ville d’Amadora, dans la région de Lisbonne ainsi que d’enlèvement aggravé pour trois d’entre eux. L’un des agents a été condamné à une peine d’emprisonnement de dix-huit mois, et les sept autres, à des peines avec sursis. Les victimes ont reçu des indemnisations dont le montant allait de 7 500 à 10 000 euros, mais une procédure d’appel est en cours. Le Comité note avec inquiétude que le juge d’instruction chargé de l’affaire a rejeté la requête du procureur visant à ce que les agents mis en cause soient suspendus en attendant le procès, et que toutes les accusations de torture et de violence à caractère raciste ont été rejetées par le tribunal (art. 2, 12, 13 et 16).

18. L ’ État partie devrait :

a) Veiller à ce qu ’ une enquête impartiale et approfondie soit menée sans délai sur toute allégation dénonçant un usage excessif de la force ou des actes répréhensibles à caractère raciste de la part de la police, et faire en sorte que les auteurs soient traduits en justice, et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines à la mesure de la gravité de leurs actes ;

b) Redoubler d ’ efforts afin qu ’ une formation à l ’ usage de la force soit systématiquement dispensée à tous les agents des forces de l ’ ordre, compte dûment tenu des Principes de base sur le recours à la force et l ’ utilisation des armes à feu par les responsables de l ’ application des lois.

Réalisation sans délai d’enquêtes approfondies et impartiales

19.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas communiqué d’informations complètes sur le nombre de plaintes pour torture ou mauvais traitements, y compris pour usage excessif de la force, déposées au cours de la période considérée, ni sur les enquêtes et les poursuites auxquelles celles-ci ont donné lieu.Il ressort des quelques précisions fournies par la délégation qu’entre janvier 2018 et octobre 2019, l’Inspection générale de l’administration interne avait enregistré 1 715 procédures administratives, dont 544 se rapportaient à des mauvais traitements et qu’elle avait elle-même conduit 30 enquêtes et 43 procédures disciplinaires. Toutefois, le Comité n’a pas reçu d’informations détaillées sur les sanctions disciplinaires et/ou pénales qui ont été appliquées, ni sur le point de savoir si les suspects ont été suspendus de leurs fonctions en attendant le résultat de l’enquête (art. 2, 12, 13 et 16).

20. L ’ État partie devrait :

a) Faire en sorte que toute plainte pour actes de torture ou mauvais traitements donne lieu sans délai à une enquête impartiale conduite par un organe indépendant, en veillant à ce qu ’ il n ’ y ait aucun lien institutionnel ou hiérarchique entre les enquêteurs de cet organe et les suspects visés par l ’ enquête ;

b) Veiller à ce que les autorités ouvrent une enquête chaque fois qu ’ il existe des motifs raisonnables de croire qu ’ un acte de torture ou des mauvais traitements ont été perpétrés ;

c) En cas de présomption de torture ou de mauvais traitements, veiller à ce que les suspects soient immédiatement suspendus de leurs fonctions pendant la durée de l ’ enquête, en particulier s ’ il existe un risque qu ’ ils soient en mesure de commettre à nouveau l ’ acte qui leur est imputé, d ’ exercer des représailles contre la victime présumée ou d ’ entraver le bon déroulement de l ’ enquête ;

d) Réunir et publier des données statistiques complètes et détaillées concernant l ’ ensemble des plaintes et des signalements relatifs à des actes de torture ou à des mauvais traitements, en indiquant notamment si ces plaintes et ces signalements ont donné lieu à des enquêtes et, dans ce cas, par quelles autorités ces enquêtes ont été menées, si elles ont abouti à l ’ application de mesures disciplinaires ou à l ’ ouverture de poursuites, et si les victimes ont obtenu réparation, de sorte que l ’ État partie puisse communiquer ces données au Comité et à d ’ autres organes de contrôle à l ’ avenir.

Conditions de détention

21.Le Comité est préoccupé par les mauvaises conditions de détention qui existent dans nombre de lieux de privation de liberté, notamment dans les prisons et les postes de police. Il accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour réduire le surpeuplement carcéral, telles que le projet de construction de deux nouvelles prisons, ainsi que les efforts déployés pour limiter le recours à la détention provisoire, mais il prend note avec préoccupation du taux d’occupation élevé de certains établissements pénitentiaires. En outre, la pénurie de personnel pénitentiaire, notamment de personnel soignant, malgré les efforts faits pour augmenter les effectifs, et le manque de moyens des services de soins de santé mentale continuent de poser de graves problèmes dans le système pénitentiaire (art. 11 et 16).

22. L ’ État partie devrait :

a) Continuer de s ’ attacher à améliorer les conditions de détention et à remédier au surpeuplement dans les établissements pénitentiaires et autres lieux de détention, notamment en appliquant des mesures non privatives de liberté. À ce sujet, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur les Règles minima des Nations Unies pour l ’ élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) et les Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l ’ imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok) ;

b) Recruter et former des agents pénitentiaires en nombre suffisant pour garantir que les détenus sont convenablement traités ;

c) Allouer des ressources humaines et matérielles suffisantes pour garantir l ’ accès des détenus à des soins médicaux de qualité, conformément aux règles 24 à 35 de l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela).

Justice des mineurs

23.Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie pour améliorer les conditions de détention au sein du réseau national de centres de tutelle éducative, notamment des moyens mis en œuvre pour faciliter les contacts entre les mineurs détenus et leur famille et mettre fin aux fouilles à nu, aux coupes de cheveux obligatoires et à la confiscation des vêtements personnels. Il demeure toutefois préoccupé par l’absence d’unités de soins et de personnel spécialisé dans ces établissements. À cet égard, le Comité accueille avec satisfaction les assurances données par la délégation que des fonds publics ont déjà été budgétés pour remédier à la situation. Le Comité s’inquiète des informations selon lesquelles la séparation des mineurs et des adultes n’est pas toujours strictement respectée dans les lieux de détention (art. 11 et 16).

24. L ’ État partie devrait :

a) Mettre en place des unités de soins dans tous les centres de détention pour mineurs ;

b) Prendre les mesures voulues pour garantir la séparation des adultes et des mineurs dans les lieux de détention.

Isolement cellulaire

25.Le Comité prend note des informations apportées par la délégation de l’État partie, selon lesquelles il a été recommandé aux services pénitentiaires, par circulaire interne, de se conformer à la durée maximale de quinze jours fixée par les Règles Nelson Mandela pour l’isolement cellulaire, mais il constate avec préoccupation que les règles applicables continuent d’autoriser l’isolement cellulaire à titre de mesure disciplinaire pour des périodes allant jusqu’à vingt et un jours consécutifs ou trente jours dans le cas de détenus ayant commis concomitamment plusieurs infractions graves (art. 105 et 113.3 de la loi no 115/2009). En outre, la mise à l’isolement de mineurs de moins de 18 ans est encore en usage (art. 11 et 16).

26. Ainsi que le Comité le lui avait recommandé dans ses précédentes observations finales (CAT/C/PRT/CO/5-6, par. 12), l ’ État partie devrait :

a) Mettre sa législation et sa pratique relatives à l ’ isolement cellulaire en conformité avec les normes internationales, en particulier les règles 43 à 46 des Règles Nelson Mandela ;

b) Respecter l ’ interdiction de recourir à l ’ isolement cellulaire et à d ’ autres mesures similaires à l ’ égard de mineurs (voir par .  67 des Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté et la règle 45, par . 2, des Règles Nelson Mandela).

Décès en détention

27.Il ressort des rares données officielles disponibles qu’entre janvier 2017 et octobre 2019, 177 décès de personnes privées de liberté, dont 35 suicides, ont été enregistrés dans des établissements pénitentiaires. Le Comité regrette que l’État partie ne lui ait pas communiqué de données statistiques détaillées pour toute la période considérée, ventilées par lieu de détention, par sexe, âge et origine ethnique ou nationalité du défunt, et par cause du décès (art. 2, 11 et 16).

28. L ’ État partie devrait :

a) Établir des données détaillées sur les décès en détention et leurs causes et les communiquer au Comité ;

b) Veiller à ce que tous les décès en détention donnent lieu sans délai à une enquête impartiale conduite par une entité indépendante, et, s ’ il y a lieu, appliquer les sanctions correspondantes ;

c) Examiner l ’ efficacité des stratégies et programmes visant à prévenir le suicide et l ’ automutilation, et évaluer les programmes existants de prévention, de dépistage et de traitement des maladies chroniques, dégénératives et infectieuses dans les prisons.

Armes à impulsion électrique

29.Le Comité salue l’interdiction, par l’État partie, de l’utilisation des armes à impulsion électrique (tasers) dans les prisons et accueille avec satisfaction les assurances qui lui ont été données que ces armes ne peuvent être détenues que par des personnes spécialement formées et que chacune de leurs utilisations est enregistrée, mais regrette de ne pas avoir reçu d’informations sur les faits liés à leur utilisation potentiellement abusive par des membres des forces de l’ordre, ni sur les résultats des enquêtes auxquels ces faits ont donné lieu (art. 2, 12, 13 et 16).

30. Le Comité renouvelle la recommandation figurant dans ses précédentes observations finales, selon laquelle l ’ État partie devrait surveiller et contrôler l ’ utilisation des armes à impulsion électrique (CAT/C/PRT/CO/5-6, par. 15), et recommande en outre à l ’ État partie de faire en sorte que ces armes soient utilisées dans le strict respect des principes de nécessité, de proportionnalité, d ’ avertissement préalable (si possible) et de précaution. L ’ État partie devrait également veiller à ce que toutes les allégations d ’ usage excessif de la force résultant d ’ une utilisation abusive des armes à impulsion électrique donnent lieu sans délai à une enquête approfondie et impartiale.

Réparation

31.Le Comité prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle sa législation prévoit des mesures de réparation pour les victimes d’actes de torture et de mauvais traitements, mais il regrette que la délégation n’ait pas fourni de renseignements précis sur les mesures de réparation accordées depuis l’examen du rapport périodique précédent, notamment sur les mesures d’indemnisation ordonnées par les tribunaux ou d’autres organes de l’État et dont ont effectivement bénéficié des victimes d’actes de torture et leur famille. Le Comité note également avec préoccupation que l’État partie n’a communiqué aucune information sur les programmes de réparation ou sur les mesures prises pour soutenir et faciliter les activités des organisations non gouvernementales visant à assurer la réadaptation des victimes d’actes de torture et de mauvais traitements (art. 14).

32. L ’ État partie devrait garantir à toutes les victimes d ’ actes de torture et de mauvais traitements le droit d ’ obtenir réparation, y compris le droit d ’ être indemnisées équitablement et de manière adéquate et de bénéficier des moyens nécessaires à une réadaptation aussi complète que possible. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o 3 (2012) concernant l ’ application de l ’ article 14, dans laquelle il explique le contenu et la portée de l ’ obligation de garantir une réparation complète aux victimes d ’ actes de torture qui incombe aux États parties. L ’ État partie devrait réunir des informations sur les mesures de réparation et d ’ indemnisation, y compris les moyens de réadaptation, qui ont été ordonnées par les tribunaux ou d ’ autres organes de l ’ État et dont les victimes d ’ actes de torture ou de mauvais traitements ont effectivement bénéficié, et les faire parvenir au Comité.

Aveux obtenus par la torture ou par des mauvais traitements

33.Le Comité prend note des garanties énoncées à l’article 32.8 de la Constitution et à l’article 126 du Code de procédure pénale quant à l’irrecevabilité des preuves obtenues par la torture, la contrainte ou toute atteinte à l’intégrité physique ou morale de la personne, mais il regrette que l’État partie n’ait pas donné d’exemples d’affaires dans lesquelles des preuves ou des témoignages ont été rejetés par les tribunaux parce qu’ils avaient été obtenus par la torture ou par des mauvais traitements (art. 15).

34. L ’ État partie devrait :

a) Prendre des mesures efficaces pour faire en sorte que, dans la pratique, les aveux obtenus par la torture ou par des mauvais traitements soient déclarés irrecevables et donnent lieu à une enquête ;

b) Développer les programmes de formation spécialisée destinés aux juges et aux procureurs afin de leur donner les moyens de reconnaître les signes de torture et de mauvais traitements et d ’ enquêter efficacement sur toute allégation concernant de tels actes ;

c) Élaborer des modules de formation sur les techniques d ’ interrogatoire et d ’ enquête non coercitives à l ’ intention des policiers et d ’ autres agents des forces de l ’ ordre ;

d) Faire parvenir au Comité des informations sur toute affaire dans laquelle des aveux ont été déclarés irrecevables au motif qu ’ ils avaient été obtenus par la torture ou par des mauvais traitements, et indiquer si les fonctionnaires responsables d ’ avoir extorqué ces aveux ont été poursuivis et condamnés.

Établissements psychiatriques

35.Ainsi que la délégation l’a elle-même reconnu, des problèmes logistiques se posent dans les unités de psychiatrie légale. Le Comité est sensible aux efforts faits par l’État partie pour ouvrir de nouvelles unités, recruter du personnel supplémentaire et mettre en place un modèle de soins de type dégressif (step down). Le Comité note également que l’État partie a entrepris de revoir les règles régissant l’utilisation des moyens de contention dans les établissements psychiatriques à la lumière des recommandations faites par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants dans son rapport sur sa visite au Portugal en 2016 (art. 11 et 16).

36. L ’ État partie devrait :

a) Veiller à ce que tout placement sans consentement en établissement psychiatrique réponde à une exigence de stricte nécessité et de proportionnalité et constitue une mesure de dernier ressort appliquée sous le contrôle effectif et indépendant d ’ un organe juridictionnel ;

b) Veiller à ce que les personnes placées sans leur consentement en établissement psychiatrique bénéficient des garanties juridiques auxquelles elles ont droit ;

c) Faire en sorte que les services de santé mentale soient en nombre suffisant et disposent de ressources financières adéquates ;

d) Veiller à ce que les moyens de contention ne soient utilisés qu ’ en dernier ressort, pour empêcher une personne présentant un danger pour elle-même ou pour autrui de passer à l ’ acte, et uniquement lorsque tous les autres moyens raisonnables ne permettraient pas d ’ écarter le danger de façon satisfaisante.

Régime de l’asile et non-refoulement

37.Le Comité prend note des données fournies par la délégation concernant le nombre de demandes d’asile reçues depuis 2016 et le pourcentage de celles qui ont abouti, qui est passé de 25,19 % en 2016 à 54,32 % en 2019. Le Comité prend également note du nombre de personnes ayant fait l’objet de mesures de renvoi entre 2016 et 2018 − 1 045, y compris les personnes reconduites à la frontière et les personnes renvoyées dans leur pays − que lui a communiqué la délégation. Il relève toutefois que l’État partie n’a rien dit des éventuels recours qui ont été formés contre ces mesures ni de leur issue. Le Comité note avec préoccupation que, contrairement à l’engagement qu’il avait pris d’autoriser le transfert, vers son territoire, de 4 274 demandeurs d’asile provenant d’Italie et de Grèce dans le cadre d’un programme de l’Union européenne, l’État partie n’a accueilli que 1 552 demandeurs d’asile entre 2015 et 2017 au titre dudit programme. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas donné d’informations complètes sur les procédures en vigueur permettant de repérer rapidement les victimes de torture parmi les demandeurs d’asile (art. 3).

38. L ’ État partie devrait :

a) Veiller à ce que, dans la pratique, aucune personne ne puisse être expulsée, renvoyée ou extradée vers un autre État dans lequel il existe des motifs sérieux de croire qu ’ elle courrait personnellement un risque prévisible d ’ être soumise à la torture ou à des mauvais traitements ;

b) Faire en sorte que des garanties de procédure soient appliquées et que des recours utiles soient disponibles dans le cadre de toute procédure d ’ expulsion, notamment l ’ examen, par un organe juridictionnel indépendant, des demandes rejetées, en particulier en appel ;

c) Prendre des mesures pour accroître la capacité d ’ accueil et autoriser les demandes de transfert en suspens ;

d) Garantir la mise en place de mécanismes efficaces permettant de repérer rapidement les victimes de torture parmi les demandeurs d ’ asile.

Détention de migrants

39.Le Comité prend note avec inquiétude des informations selon lesquelles les demandeurs d’asile sont excessivement nombreux à être placés en rétention sans que les autorités aient procédé à un examen individualisé de leur situation ni envisagé des mesures de substitution. Les locaux des aéroports qui accueillent les demandeurs d’asile en attente d’expulsion ou en transit ne sont apparemment pas équipés pour la rétention prolongée, en particulier d’enfants non accompagnés et séparés de leur famille, de familles avec enfants et de femmes enceintes. Il est également préoccupant que l’accès au terminal des aéroports soit subordonné au paiement d’un droit d’entrée à une entreprise privée, ce qui empêche les personnes détenues dans les aéroports d’avoir accès à un avocat et à un médecin (art. 2 et 11).

40. L ’ État partie devrait :

a) S ’ abstenir de maintenir en rétention des demandeurs d ’ asile et des migrants en situation irrégulière pendant de longues périodes, recourir à la rétention uniquement en dernier ressort et pour une durée aussi brève que possible, en procédant à des examens au cas par cas, et promouvoir l ’ application de mesures non privatives de liberté ;

b) Veiller à ce que les enfants non accompagnés et séparés de leur famille et les familles avec enfants ne puissent pas être placés en rétention au seul motif qu ’ ils sont en situation irrégulière au regard de la législation sur l ’ immigration ;

c) Prendre les mesures nécessaires pour offrir des conditions d ’ accueil appropriées aux demandeurs d ’ asile et aux migrants en situation irrégulière, et redoubler d ’ efforts pour garantir des conditions de vie décentes dans tous les centres de rétention pour migrants ;

d) Veiller à ce que les demandeurs d ’ asile et les migrants en situation irrégulière placés en rétention bénéficient rapidement, sans entraves et dans des conditions adéquates, de l ’ assistance d ’ un conseil, y compris d ’ une aide juridictionnelle.

Violence sexuelle et violence fondée sur le genre

41.Le Comité prend note avec préoccupation des informations mettant en évidence la légèreté des peines prononcées contre les auteurs de violences fondées sur le genre. Il prend note des procédures disciplinaires qui ont été ouvertes contre des juges à ce sujet au cours de la période considérée. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas soumis d’informations détaillées sur le nombre de plaintes pour violence fondée sur le genre visant des femmes et des enfants, y compris au sein de la famille, qui ont été enregistrées depuis l’adoption des observations finales précédentes, ni sur les enquêtes, les poursuites, les déclarations de culpabilité et les condamnations auxquelles celles-ci ont donné lieu. En ce qui concerne les mutilations génitales féminines pendant la période considérée, le Comité note avec préoccupation que, d’après les informations fournies par la délégation, aucune plainte pour cette infraction n’a été enregistrée pendant la période 2017‑2018, alors que 117 cas possibles (« situations ») ont été signalés entre janvier 2018 et septembre 2019 (art. 2 et 16).

42. L ’ État partie devrait :

a) Faire en sorte que tous les cas de violence fondée sur le genre, en particulier lorsqu ’ ils font apparaître des actes ou des omissions de la part des pouvoirs publics ou d ’ autres entités qui engagent la responsabilité internationale de l ’ État partie au regard de la Convention, donnent lieu à une enquête approfondie, que les auteurs présumés soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées, et que les victimes ou leur famille obtiennent réparation, y compris sous la forme d ’ une indemnisation adéquate ;

b) Dispenser une formation obligatoire sur la répression de la violence fondée sur le genre à tous les membres de l ’ appareil judiciaire et des forces de l ’ ordre et poursuivre les campagnes de sensibilisation à toutes les formes de violence faite aux femmes ;

c) Recueillir des données statistiques, ventilées par âge et origine ethnique ou nationalité des victimes, sur le nombre de plaintes, d ’ enquêtes, de poursuites, de déclarations de culpabilité et de condamnations se rapportant à des affaires de violence fondée sur le genre, ainsi que sur les mesures prises pour faire en sorte que les victimes aient accès à des recours utiles et obtiennent réparation, et communiquer ces données au Comité ;

d) Examiner l ’ efficacité des mesures mises en œuvre pour prévenir les mutilations génitales féminines et protéger les jeunes filles et les fillettes exposées à ces pratiques.

Traite des personnes

43.Le Comité salue les mesures que l’État partie a prises au cours de la période considérée pour combattre la traite des personnes, mais demeure préoccupé par les informations indiquant que les agents des forces de l’ordre ne sont pas adéquatement formés pour repérer les victimes de la traite et que, pour les victimes, l’attente est longue avant d’obtenir un permis de séjour temporaire (art. 2 et 16).

44. L ’ État partie devrait :

a) Redoubler d ’ efforts pour prévenir et combattre la traite des personnes, notamment en mettant en place des procédures efficaces pour ce qui est de repérer les victimes au sein des groupes vulnérables tels que les demandeurs d ’ asile et les migrants en situation irrégulière et de les orienter vers les services compétents ;

b) Améliorer la formation dispensée aux agents des forces de l ’ ordre et aux autres intervenants de première ligne en y intégrant un module de formation obligatoire consacré aux techniques permettant de repérer les victimes potentielles de la traite ;

c) Faire en sorte que toutes les victimes de la traite bénéficient d ’ une protection et d ’ une assistance adéquates, y compris sous la forme d ’ un permis de séjour temporaire, qu ’ elles soient ou non en mesure de collaborer aux procédures judiciaires engagées contre les trafiquants.

Formation

45.Le Comité prend acte des efforts faits par l’État partie pour élaborer et mettre en œuvre, à l’intention des agents des forces de l’ordre, du personnel militaire, des juges et des procureurs, des programmes de formation dans le domaine des droits de l’homme comprenant des modules sur le recours aux moyens de contrainte dans les prisons, l’interdiction des pratiques discriminatoires, la violence familiale et la traite des personnes. Il note toutefois avec préoccupation qu’il n’y a pas de formation spéciale aux dispositions de la Convention et qu’aucune information ne lui a été soumise quant à l’évaluation de l’efficacité des programmes susmentionnés. Le Comité relève qu’une formation aux moyens de repérer les victimes de torture ou de mauvais traitements est dispensée au personnel soignant des prisons par l’Institut national de médecine légale et de sciences médico-légales (art. 10).

46. L ’ État partie devrait :

a) Développer plus avant les programmes de formation initiale et continue obligatoires afin que tous les agents de l ’ État connaissent bien les dispositions de la Convention, en particulier l ’ interdiction absolue de la torture, et qu ’ ils sachent qu ’ aucun manquement ne sera toléré, que toute violation donnera lieu à une enquête et que les responsables seront poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, dûment sanctionnés ;

b) Continuer de veiller à ce que tous les personnels concernés, notamment le personnel médical, reçoivent une formation spéciale pour apprendre à déceler les signes de torture et de mauvais traitements, conformément au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul) ;

c) Concevoir une méthode pour évaluer l ’ efficacité des programmes de formation et déterminer la mesure dans laquelle ils contribuent à réduire le nombre de cas de torture et de mauvais traitements et à faire en sorte que les victimes d ’ actes de torture et de mauvais traitements soient repérées, que les enquêtes menées sur ces actes soient efficaces, et que les responsables soient traduits en justice.

Procédure de suivi

47. Le Comité demande à l ’ État partie de lui faire parvenir au plus tard le 6 décembre 2020, des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée à ses recommandations concernant le mécanisme national de prévention, les allégations faisant état d ’ usage excessif de la force, notamment d ’ actes de violence à caractère raciste, et les conditions de détention (voir par .  16, 18 a) et 22 a)). Dans ce contexte, l ’ État partie est invité à informer le Comité des mesures qu ’ il prévoit de prendre pour mettre en œuvre, d ’ ici à la soumission de son prochain rapport, tout ou partie des autres recommandations formulées dans les présentes observations finales.

Autres questions

48. L ’ État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité et les présentes observations finales, dans les langues voulues, au moyen des sites Web officiels et par l ’ intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales, et à informer le Comité des activités menées en ce sens.

49. Le Comité prie l ’ État partie de soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le huitième, le 6 décembre 2023 au plus tard. À cette fin, et compte tenu du fait que l ’ État partie a accepté d ’ établir son rapport selon la procédure simplifiée, le Comité lui adressera en temps voulu une liste préalable de points à traiter. Les réponses de l ’ État partie à cette liste constitueront le huitième rapport périodique qu ’ il soumettra en application de l ’ article 19 de la Convention.