Nations Unies

CAT/OP/NIC/ROSP/1

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

11 janvier 2023

Français

Original : espagnol

Anglais, espagnol et français seulement

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Visite effectuée au Nicaragua du 7 au 16 mai 2014 : recommandations et observations adressées à l’État partie

Rapport établi par le Sous-Comité*,**

Table des matières

Page

I.Introduction3

II.Considérations préliminaires sur le Nicaragua4

III.Mécanisme national de prévention4

IV.Conditions de détention5

A.Surpopulation5

B.Alimentation et produits de première nécessité6

C.Santé7

D.Garanties8

E.Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants10

F.Situation des femmes privées de liberté12

G.Situation des enfants et des adolescents privés de liberté14

H.Situation des personnes handicapées privées de liberté15

I.Personnes autochtones et personnes d’ascendance africaine privées de liberté16

J.Aspects relatifs au cadre juridique et institutionnel de la prévention de la torture et des mauvais traitements17

Annexes

I.Lista de personas con quienes se reunió el Comité20

II.Lista de lugares de privación de libertad visitados por el Subcomité22

I.Introduction

En application de l’article premier et de l’article 11 du Protocole facultatif relatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Sous-Comité pour la prévention de la torture s’est rendu au Nicaragua du 7 au 16 mai 2014.

Ont participé à la visite les membres du Sous-Comité dont le nom suit : Enrique Font (chef de la délégation), Emilio Ginés, Hans Petersen et Judith Salgado.

La délégation du Sous-Comité était assistée de trois spécialistes des droits de l’homme et de deux agents de sécurité du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, ainsi que d’interprètes des langues miskito et créole.

La délégation du Sous-Comité s’est rendue dans des lieux de privation de liberté situés dans les départements de Chinandega, Granada, Jinotega, León, Managua, Masaya et Matagalpa, ainsi que dans les Régions autonomes de l’Atlantique Nord et de l’Atlantique Sud, et a rencontré des représentants des pouvoirs exécutif, judiciaire et législatif, et du Service du Procureur aux droits de l’homme, ainsi que des fonctionnaires du système des Nations Unies, des représentants de la communauté diplomatique et des représentants de la société civile. Elle remercie tous ces interlocuteurs pour les informations précieuses qu’ils lui ont communiquées.

À l’issue de sa visite, la délégation du Sous-Comité a présenté oralement aux autorités nicaraguayennes ses observations préliminaires confidentielles et les leur a transmises par écrit le 27 mai 2014. On trouvera dans le présent rapport les conclusions et recommandations concernant la prévention de la torture et des mauvais traitements à l’égard des personnes privées de liberté au Nicaragua. Le terme générique « mauvais traitements » employé dans le rapport renvoie à toute forme de traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le Sous ‑ Comité demande aux autorités nicaraguayennes de lui rendre compte de manière détaillée, dans les six mois qui suivront la transmission du présent rapport, des mesures qu ’ elles auront prises pour donner suite aux recommandations formulées. Il invite l’État partie à poursuivre le dialogue constructif engagé lors de sa visite s’il venait à requérir une assistance pour l’élaboration de la réponse au présent rapport.

Le présent rapport demeurera confidentiel jusqu’à ce que les autorités de l’État partie décident de le rendre public, conformément à l’article 16 (par. 2) du Protocole facultatif. Le Sous-Comité est convaincu que la publication du présent rapport ne peut que contribuer à prévenir la torture et les mauvais traitements au Nicaragua. Il estime en effet qu’une large diffusion des recommandations formulées favorisera un dialogue national transparent et fructueux sur les questions qui sont traitées dans le rapport.

Le Sous-Comité recommande au Nicaragua de demander la publication du présent rapport, comme l ’ ont déjà fait d ’ autres États parties au Protocole.

Le Sous-Comité souhaite appeler l’attention de l’État partie sur le Fonds spécial créé en vertu de l’article 26 du Protocole facultatif. Les recommandations formulées par le Sous‑Comité dans ses rapports de visite rendus publics peuvent servir de base à l’État partie s’il souhaite faire une demande de financement de projets particuliers auprès du Fonds spécial.

II.Considérations préliminaires sur le Nicaragua

Le Nicaragua est le deuxième pays le plus pauvre d’Amérique latine. Néanmoins, selon les renseignements donnés par les autorités, entre 2006 et 2013, les dépenses du système pénitentiaire ont augmenté plus rapidement que les dépenses totales de l’État (2,8 fois et 2,2 fois, respectivement). Le budget du système pénitentiaire a augmenté de 51,4 % entre 2013 et 2014, et le nombre d’agents pénitentiaires a quant à lui augmenté de 60 % entre 2006 et 2014.

Parmi les aspects positifs que le Sous-Comité a observés au Nicaragua, on retiendra l’absence de situations d’autogestion dans les centres pénitentiaires visités, la bonne réputation de la police nationale et l’absence de corruption institutionnelle systématique. Le Sous-Comité salue aussi l’existence de la Commission nationale de coordination interinstitutionnelle du système de justice pénale, qui compte des représentants des trois pouvoirs de l’État et qui, étant apparemment un mécanisme souple et efficace qui prend des décisions dans son domaine de compétence, pourrait diriger l’application de bon nombre des recommandations formulées dans le présent rapport.

Le Sous-Comité exprime sa gratitude aux autorités nicaraguayennes, qui ont facilité la mission de sa délégation et ont coopéré de manière constructive avec celle-ci.

III.Mécanisme national de prévention

Par la décision présidentielle no 4 de 2012, le Gouvernement nicaraguayen a confié au Service du Procureur aux droits de l’homme le rôle de mécanisme national de prévention de la torture, en application du Protocole facultatif. Au cours de sa visite, la délégation du Sous‑Comité a mené, à la demande du mécanisme, des activités d’assistance technique destinées à renforcer les capacités du Service du Procureur dans son nouveau rôle, s’agissant de surveiller les lieux de privation de liberté et de détecter les actes de torture et les mauvais traitements. La délégation du Sous-Comité s’est entretenue avec le mécanisme du fonctionnement de celui-ci et a observé ses visites de lieux de détention. Elle lui a communiqué ses observations et a formulé des recommandations fondées sur celles-ci. Le Sous‑Comité tient à remercier le mécanisme pour sa coopération constructive lors des activités menées. Pendant ses visites, le Sous-Comité a recueilli des témoignages sur la passivité, l’inefficacité et le manque de visibilité du mécanisme dans les lieux de détention. Il est convaincu qu’à l’issue de sa visite le mécanisme est désormais plus fort pour faire face à l’importante responsabilité qui lui incombe en vertu du Protocole facultatif.

Le Sous-Comité recommande au mécanisme national de prévention de mener à bien un programme de visites périodiques inopinées dans les lieux de détention de l ’ ensemble du pays, suivi es de recommandations concrètes aux autorités, aux fins de la prévention de la torture et des mauvais traitements. Il l ’ engage à mener des activités destinées à renforcer sa visibilité, et à élaborer une stratégie pour faire connaître son mandat et son action au grand public et pour faire parvenir des informations pertinentes à l ’ ensemble de la société suivant une procédure simple et accessible. Il lui recommande aussi d ’ organiser des congrès et des séminaires, de participer activement aux réunions des autorités relatives à son mandat et de publi er de s rapports. Il lui recommande enfin de renforcer ses contacts et sa coopération avec d ’ autres interlocuteurs nationaux, régionaux et internationaux, notamment avec le Sous-Comité et les mécanismes d ’ autres pays.

Le Sous-Comité note avec satisfaction qu’il existe un projet de loi sur le mécanisme national de prévention, qui devrait permettre d’établir clairement la distinction entre les fonctions du mécanisme (dont la mission est préventive) et celles, indépendantes, du Service du Procureur (qui intervient selon une approche réactive), et de rendre l’action du mécanisme conforme aux dispositions du Protocole facultatif et d’autres documents du Sous-Comité. Néanmoins, il a constaté que les ressources humaines, matérielles et financières allouées au Service du Procureur pour lui permettre de remplir son rôle pleinement et de faire face à ses nouvelles responsabilités de mécanisme national de prévention étaient insuffisantes.

Le Sous-Comité recommande aux autorités d’élaborer un projet de loi sur le mécanisme national de prévention qui respecte les dispositions du Protocole facultatif et les Directives concernant les mécanismes nationaux de prévention , en particulier en ce qui concerne l’indépendance fonctionnelle du mécanisme, son autonomie financière, les modalités des visites qu’il effectue, ses recommandations, ou encore le dialogue et la coopération avec l’État et la société civile.

IV.Conditions de détention

A.Surpopulation

Le Sous-Comité est préoccupé par la situation de surpopulation extrême des lieux de privation de liberté, ainsi que par l’exposition insuffisante à la lumière du jour et l’absence d’exercice en plein air ou de toute autre activité pendant de longues périodes, constatées par sa délégation dans tous les lieux de détention visités, à l’exception de la Direction de l’entraide judiciaire, des postes de police des districts 4 et 6, des cellules pour adolescents des centres pénitentiaires de Tipitapa et de Granada, des cellules pour femmes du centre de détention de Granada et des cellules de garde à vue pour femmes des districts 1 et 2 de Managua.

À la lumière des entretiens que sa délégation a eus avec des fonctionnaires, des agents du pouvoir judiciaire, des policiers et des agents du système pénitentiaire, ainsi qu’avec des personnes privées de liberté et des représentants d’organisations de défense des droits de l’homme, le Sous‑Comité conclut que certains aspects de la politique de répression pénale du trafic de stupéfiants, de la traite des êtres humains, du blanchiment d’argent et de la criminalité organisée contribuent considérablement à l’augmentation de la population des centres pénitentiaires. Par exemple, les condamnations prononcées pour trafic de stupéfiants emportent fréquemment des peines de longue durée et concernent généralement plusieurs membres d’une même famille. La délégation du Sous-Comité a rencontré des détenus qui avaient été condamnés à des peines pouvant aller jusqu’à dix années d’emprisonnement pour des infractions telles que la détention de faibles quantités de marijuana ou de cocaïne, et à des peines de dix à quinze ans d’emprisonnement pour la détention de plusieurs kilos des mêmes substances, ce qui illustre l’absence de proportionnalité entre les faits reprochés et les peines prononcées.

La plupart des décisions de mise en détention provisoire et des condamnations pour trafic de stupéfiants, traite d’êtres humains, blanchiment d’argent ou infraction en bande organisée concernent les niveaux inférieurs des structures criminelles et sont manifestement partiales en ce qui concerne l’origine sociale. Les places laissées vacantes à ces niveaux inférieurs sont rapidement occupées par d’autres personnes (appartenant généralement aux catégories urbaines populaires), ce qui donne lieu à un afflux constant de nouveaux arrivants dans les lieux de détention, mais ne déstabilise pas considérablement les structures criminelles. Ainsi, la politique de répression pénale a un effet paradoxal en ce qu’elle crée de nouvelles possibilités de mener des activités délictueuses aux échelons inférieurs des organisations criminelles, ce qui donne lieu à de nouvelles incarcérations. Cette constatation a été confirmée lors d’entretiens avec les policiers des villes visitées.

La restriction des droits et avantages dont devraient jouir les détenus, y compris les personnes placées en détention provisoire, a également une incidence négative sur la surpopulation carcérale, car les intéressés ne bénéficient notamment pas de la mise en liberté conditionnelle et doivent exécuter l’intégralité de la peine de privation de liberté à laquelle ils ont été condamnés. Or, la surpopulation constitue une atteinte aux droits de l’homme des personnes privées de liberté, dont le droit à la santé ou encore le droit à l’intégrité physique et à la vie. Le degré extrême de surpopulation observé par la délégation du Sous-Comité dans certains lieux de détention du Nicaragua constitue un traitement cruel, inhumain et dégradant.

Dans le système pénitentiaire, la surpopulation porte atteinte aux droits de la personne détenue de travailler et de suivre des activités éducatives, et de bénéficier ainsi du régime progressif qui permet de réduire la durée de la peine. Elle est aussi un facteur de dangerosité et accroît le risque de conflit entre détenus et entre ceux-ci et les gardiens. De plus, en cas de surpopulation, les détenus en attente de jugement et les condamnés ne peuvent plus être séparés les uns des autres.

La délégation du Sous-Comité a constaté avec préoccupation que, dans les commissariats de police, les détenus ne sortaient des cellules que lorsqu’ils recevaient des visites ou étaient transférés au tribunal. Elle trouve particulièrement préoccupant que des condamnés soient maintenus pendant des périodes prolongées dans les locaux de la police, où ils n’ont pas la possibilité de travailler ou de suivre une activité éducative, ce qui réduit à néant toute possibilité de bénéficier du régime progressif. La surpopulation réduit aussi la capacité du personnel et des installations d’assurer les visites, y compris les visites conjugales, ce qui a des incidences négatives sur le maintien du lien avec le monde extérieur. Il faut encore ajouter que, dans de telles conditions, le temps destiné aux visites familiales est réduit et les activités récréatives font défaut.

La délégation du Sous-Comité s’est rendue dans la nouvelle prison de haute sécurité de Tipitapa, inaugurée en avril 2014. Cette prison était propre et n’était pas surpeuplée ; par contre, le régime carcéral y est extrêmement sévère, ce qui se traduit par l’absence totale d’activités, la rareté des contacts entre détenus, l’interdiction d’avoir des livres et la restriction de l’accès à la lumière du jour, qui n’est autorisé qu’une fois par semaine et seulement pendant une heure. À peine sortis de leur cellule, les détenus ont les pieds entravés et les menottes aux poignets. D’autre part, ils ont indiqué que le manque de ventilation des cellules faisait fortement augmenter la température de celles-ci et rendait l’atmosphère suffocante, ce qui a été corroboré par la délégation du Sous-Comité. Celui-ci est préoccupé par les séquelles psychologiques de ce traitement cruel.

Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie  : a) de réévaluer ses politiques de sécurité publique en vue de réduire la surpopulation carcérale  ; b) de revoir , dans les affaires de trafic de stupéfiants, de traite d ’ êtres humains, de blanchiment d ’ argent ou de crim inalité organisé e, l ’ ensemble des décisions de mise en détention pr ovisoire ou de condamnation qui ont été rendues contre des individus ayant participé à ces infractions aux échelons les plus bas et les moins structur és des organisations criminelles , et de réduire le nombre de détenus en recourant notamment à l ’ amnistie, à la grâce, à la commutation de peine, à la libération conditionnelle ou encore à l ’ assignation à résidence  ; c) de promouvoir l ’application par les autorités judiciaires de mesures autres que la privation de liberté, conformément aux normes internationales en la matière  ; d) de prendre des mesures pour que les personnes privées de liberté soient hébergées dans des conditions conformes aux normes internationales, et notamment de veiller à ce que soient respectés les minimums voulus en matière de volume d’air et de surface et de fix er une capacité d’accueil maximale par lieu de détention, selon ces critères  ; e) de garantir la séparation des détenus en attente de jugement et des condamnés.

Le Sous-Comité invite aussi l ’ État partie à revoir le modèle de fonctionnement et l ’ architecture de la prison de haute sécurité de Tipitapa avant de l es reproduire dans de nouveaux établissements .

B.Alimentation et produits de première nécessité

Lorsque les lieux de privation de liberté sont surpeuplés, la communication et le contact avec la famille sont des facteurs fondamentaux qui contribuent à la réalisation de l’objectif de réinsertion sociale des détenus. Le Sous-Comité a constaté que les familles des personnes privées de liberté faisaient des efforts manifestes pour visiter périodiquement leurs proches et leur apporter des aliments, des médicaments et des articles d’hygiène, qui étaient souvent partagés, ainsi que des vêtements propres, lorsque la surpopulation des cellules des locaux de la police et du système pénitentiaire dépassait totalement ou partiellement la capacité des autorités de répondre aux besoins essentiels des détenus. Ces derniers dépendent donc de leurs proches, mais il est fréquent que les familles vivent loin du lieu de détention ou qu’elles ne puissent pas se charger d’apporter régulièrement des produits de première nécessité.

L’insuffisance, le manque de variété et la piètre qualité de la nourriture servie aux détenus par l’administration pénitentiaire, ainsi que le manque d’hygiène lors de la préparation des repas, reviennent souvent dans les plaintes formulées par les détenus. Quand les familles apportent de la nourriture, la réception des colis ne s’effectue pas dans le respect des règles, la nourriture étant manipulée sans mesure d’hygiène et n’étant transmise qu’en partie aux détenus. Ce constat a été corroboré par le Sous-Comité.

Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les détenus reçoivent , en quantité suffisante, une nourriture de bonne qualité qui soit suffisamment variée du point de vue nutritionnel et soit préparée dans des conditions d ’ hygiène convenables , et de faire en sorte qu ’ aucun détenu ne doive dépendre de tiers pour son alimentation . Il lui recommande de doter le Ministère de l ’ intérieur des ressources nécessaires pour que les détenus puissent être correctement nourri s . En ce qui concerne la distribution d es aliments, de s médicaments, d es articles d ’ hygiène et de s vêtements apportés par les proches, il lui recommande d ’appliquer des procédures systématiques pour garantir que les colis parviennent à leurs destinataires.

C.Santé

La surpopulation et le manque d’hygiène donnent lieu à une situation inhumaine qui a une incidence directe sur la santé des personnes privées de liberté. La surpopulation carcérale crée un contact physique constant entre les compagnons de cellule et favorise la transmission des maladies infectieuses. La délégation du Sous-Comité a recensé de nombreux témoignages dans lesquels des détenus expliquaient que, souffrant de diarrhée, ils devaient se rendre dans des toilettes − le plus souvent des latrines ouvertes − puantes et délabrées, sans aucune possibilité de se laver correctement les mains ou de désinfecter les lieux. Dans de telles circonstances, les maladies infectieuses se transmettent rapidement entre détenus et entraînent des épidémies, exposant les détenus et les agents pénitentiaires à des risques sanitaires.

Le Sous-Comité constate avec préoccupation que les personnes privées de liberté ne reçoivent pas de matelas, qu’un nombre considérable d’entre elles dorment par terre et que certaines dorment très près des toilettes faute d’espace.

Le Sous-Comité a également remarqué que la quantité d’eau disponible pour l’hygiène personnelle et la lessive était très insuffisante et que, souvent, l’eau était malodorante et insalubre. Dans la plupart des établissements visités, l’eau est amenée dans les cellules dans des seaux sales. L’eau potable est généralement conservée dans des bouteilles en plastique usées et en mauvais état, qui sont partagées par de nombreux détenus, y compris des malades.

Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place des programmes de propreté, en particulier en ce qui concerne les services sanitaires. Il lui recommande de prendre des mesures pour assurer la fourniture d ’ une eau salubre en quantité suffisante. Il lui recommande aussi de fournir aux détenus des ustensiles hygiéniques pour qu ’ ils puissent consommer et utiliser l ’ eau et les aliments dans de bonnes conditions afin de réduire la fréquence de s épidémies de maladies diarrhéiques et d ’ infections respiratoires. L ’ État partie doit veiller à ce que toutes les personnes privées de liberté disposent d ’ une couchette individuelle et d ’ une literie propre.

Examen médical, confidentialité, registres médicaux

Le Sous-Comité trouve préoccupant qu’aucun service de consultations médicales régulières ne soit organisé pour les détenus. La plupart des personnes interrogées ont indiqué que leurs demandes de soins restaient sans suite et que, dans la pratique, on ne transportait à l’hôpital que les personnes très malades. Les renseignements donnés par les agents des services pénitentiaires et les informations tirées des dossiers individuels vont dans le même sens.

Dans les locaux de la police, il n’y a pas de service de santé et les consultations médicales dépendent des agents, qui n’ont pas de connaissances ni d’expérience dans ce domaine. La délégation du Sous-Comité a constaté, dans les locaux de la police de Masaya, qu’un jeune homme avait d’évidents problèmes de santé. Elle a demandé au commissaire que ce jeune soit immédiatement transféré à l’hôpital, mais a appris dans un article de presse que le détenu n’avait été emmené à l’hôpital que le lendemain et qu’il était décédé. Ce cas illustre bien le défaut systématique d’accès aux soins médicaux ; il a fait l’objet d’un rapport détaillé du Sous‑Comité aux autorités.

De manière générale, les systèmes pénitentiaires offrent certains services de santé et les détenus ont parfois la possibilité de voir un médecin, le centre de détention de Tipitapa étant le mieux organisé à cet égard. Lors de leurs entretiens avec la délégation du Sous‑Comité, les personnes privées de liberté ont indiqué, surtout dans les autres centres pénitentiaires, qu’elles ne faisaient guère confiance au personnel du service médical, que les médicaments fournis étaient insuffisants et qu’il était fréquent que les détenus ratent les rendez-vous pris chez des spécialistes, faute de transport. La délégation du Sous-Comité a reçu des allégations selon lesquelles, face au manque de réaction des services médicaux des centres pénitentiaires, les détenus recouraient à l’automutilation pour être reçus en consultation par le personnel médical. Il n’y avait pas de registre permettant d’attester la présence des détenus aux rendez‑vous pris avec des spécialistes et, dans de nombreux cas, les médicaments devaient être fournis par les membres de la famille.

Le Sous-Comité a constaté que les registres médicaux étaient lacunaires et que les cas de maladie bénigne n’étaient pas consignés. Il relève avec préoccupation qu’aucun registre des décès en garde à vue n’existait dans les établissements où sa délégation s’est rendue, à l’exception de ceux de la région autonome de l’Atlantique Sud.

Le Sous-Comité a noté que la fourniture de médicaments était limitée et qu’elle se limitait principalement aux analgésiques anti-inflammatoires. Dans certains lieux visités, ce sont des détenus qui assurent des services d’infirmerie, dont la distribution de médicaments. Le Sous-Comité trouve préoccupant que ces détenus aient accès à des informations confidentielles, car cette situation peut être une source d’abus et de corruption au sein de la population carcérale.

Le Sous-Comité constate avec préoccupation que le principe de confidentialité des services médicaux n’est pas respecté. Selon les renseignements qu’il a reçus, il est fréquent que le personnel médical procède aux consultations et aux examens en présence d’autres détenus.

Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place un cadre de prestations de services médicaux spécialement destiné aux détenus, garantissant un examen le plus rapidement possible après l ’ admission, des consultations médicales périodiques, des diagnostics et des traitements visant à permettre aux malades de recouvrer la santé, notamment la fourniture de médicaments gratuits en quantité suffisante.

Les autorités pénitentiaires doivent assurer le respect d u principe de confidentialité en matière de santé. En particulier, les demandes de services médicaux ne doivent pas être filtrées par des gardes ou d ’ autres détenus  ; les gardes ne doivent pas être présents pendant les examens médicaux et, s ’ ils le sont, cet élément doit être consigné dans le dossier médical. Le Sous-Comité recommande que le service médical de chaque lieu de détention établisse des archives auxquelles seul le personnel médical aura accès.

D.Garanties

Le Sous-Comité a constaté la présence de divers facteurs qui entravent le plein respect des garanties judiciaires dans le cadre des procédures pénales. En général, les personnes privées de liberté ne disposent pas de renseignements sur l’état d’avancement de leur affaire. Plusieurs avaient été amenées dans un poste de police par la tromperie, au prétexte qu’elles devaient y participer à une médiation. D’autres n’avaient pas été informées clairement des motifs de leur arrestation et des chefs d’accusation retenus contre elles. Il n’est pas étonnant dans ces conditions que la grande majorité des détenus déclarent refuser de signer les documents attestant qu’ils ont été informés de leurs droits.

Les personnes interrogées ont fait état d’obstacles à la communication avec les membres de leur famille et de difficultés à recevoir des soins médicaux juste après leur arrestation. Souvent, la personne arrêtée n’est pas présentée à un juge dans le délai de quarante-huit heures prévu par la Constitution et le Code de procédure pénale. Nombre des personnes interrogées avaient comparu à l’audience préliminaire sans avoir été examinées par un médecin alors qu’elles présentaient des traces de torture ou de mauvais traitements.

Le Sous-Comité a également relevé des lacunes en ce qui concerne l’aide juridictionnelle assurée par le service de défense publique et un manque de communication entre les détenus et leur conseil dès le début de la détention. Il a aussi constaté que, de manière générale, le juge de l’application des peines n’effectuait pas de visites dans les cellules et n’avait pas de contacts avec les personnes privées de liberté. Il trouve préoccupant que les détenus reconnaissent leur responsabilité pénale sans avoir reçu d’informations claires et précises, souvent parce qu’ils sont motivés par la perspective d’une réduction de la peine. Dans certains cas, il n’y a pas d’avocats commis d’office disponibles pour les recours en appel ou les pourvois en cassation.

L’article 178 du Code de procédure pénale et l’article 36 de la loi relative au régime pénitentiaire et à l’exécution des peines prévoient que les personnes placées en détention avant jugement sont envoyées dans des centres pénitentiaires. Cependant, dans la pratique, le système pénitentiaire n’accueille pas ces personnes, faute d’espace, de sorte qu’elles finissent souvent par purger leur peine dans les cellules de la police, où elles ne bénéficient pas des avantages prévus par la loi, notamment en matière d’éducation, de travail, de sortie en plein air et de crédit de réduction de peine.

Dans les cellules de détention provisoire de la police et dans les centres pénitentiaires, plusieurs personnes interrogées étaient détenues depuis plus de trois mois, délai dans lequel, conformément au Code de procédure pénale, le procès doit avoir lieu et le jugement doit être rendu. Un tel retard porte atteinte au droit des personnes privées de liberté, en particulier aux garanties procédurales concernant la rapidité, l’opportunité et l’immédiateté du jugement.

Le Sous-Comité a reçu des plaintes selon lesquelles les personnes privées de liberté pour des infractions relevant de la criminalité organisée, du trafic de stupéfiants ou du blanchiment d’argent se voyaient refuser l’accès au travail, lequel permettait de gagner des crédits de réduction de peine en vue de l’extinction de cette dernière. Cette pratique est contraire aux finalités de réinsertion sociale de la peine.

Le non-respect des ordonnances de mise en liberté sur décision de l’exécutif compromet la séparation des pouvoirs, la sécurité juridique et le droit à la liberté. La délégation du Sous‑Comité a constaté que, dans certains cas, des personnes qui avaient exécuté leur peine étaient maintenues en détention. Le Sous-Comité est préoccupé par la pratique du pouvoir exécutif qui consiste à revoir les ordonnances de mise en liberté. Les hautes autorités judiciaires ont conscience de cette pratique et indiquent que les retards dans l’exécution des ordonnances peuvent être dus, entre autres, au fait que celles-ci sont examinées par le pouvoir exécutif.

En ce qui concerne les détenus autochtones, ayant constaté l’absence d’interprètes, la délégation du Sous-Comité s’est entendue répondre par les autorités que tous les détenus parlaient ou comprenaient l’espagnol. Or, en s’entretenant avec des personnes autochtones et des personnes d’ascendance africaine, elle a pu constater que les services d’un interprète étaient nécessaires.

Les procédures et les droits dont ils jouissent ne sont pas expliqués aux adolescents d’une manière leur permettant de les comprendre pleinement.

Le Sous- Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter les mesures administratives voulues pour que les personnes autochtones disposent de services d ’ interprétation lors des procédures pénales et pendant leur incarcération et de faire en sorte que ces personnes puissent bénéficier de l’assistance d’un avocat , si possible gratuite ment .

Enregistrement de la détention comme mesure de protection

La délégation du Sous-Comité a examiné les registres des postes de police et obtenu des renseignements sur leur utilisation par le personnel. Elle a constaté que les registres des différents services de police manquaient d’uniformité, notamment que tous les services ne tenaient pas les mêmes registres et que, dans certains cas, les registres étaient utilisés à des fins différentes. Elle a également observé que, dans les centres pénitentiaires, l’information sur les personnes privées de liberté était répartie entre plusieurs bureaux et qu’il n’était pas facile d’y accéder ni de la comprendre. Le Sous-Comité conclut que le système d’enregistrement actuel n’est pas satisfaisant et ne permet pas un suivi adéquat des entrées et des sorties des personnes privées de liberté, ni le contrôle du respect des garanties procédurales.

Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de sensibiliser l es polic i e rs et le personnel pénitentiaire à l ’ importance des registres, qui contribuent à la protection des personnes privées de liberté et à leur propre protection , et au fait qu ’ ils doivent utiliser ces registres correctement . Il lui recommande également de redoubler d ’ efforts pour mettre en place un registre informatisé uniforme dans tout le pays et l ’ engage à doter tous les services de police et tous les centres pénitentiaires de tous les registres prévus par la loi et à imposer que toutes les rubriques de ces registres soient complétées .

E.Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Les personnes privées de liberté interrogées ont indiqué à la délégation du Sous‑Comité que les détenus étaient soumis à de mauvais traitements lors de leur arrestation et pendant leur détention, notamment qu’ils étaient battus à coups de poing ou de matraque et étranglés à mains nues ou à l’aide d’une matraque, parfois même après avoir été menottés ou jetés au sol, par des policiers agissant parfois à plusieurs. Ces agressions se produisaient aussi dans les véhicules de la police et à l’arrivée dans les postes de police, ou s’y poursuivaient. Dans une des villes où elle s’est rendue, la délégation a entendu plusieurs allégations selon lesquelles, entre leur arrestation et leur arrivée au poste de police, les détenus étaient conduits au cimetière local, où ils étaient menacés de mort, interrogés et frappés.

La délégation du Sous-Comité a reçu plusieurs allégations dignes de foi concernant diverses formes de mauvais traitements et de torture infligées par des inspecteurs de police pendant les interrogatoires initiaux et avant le transfert des détenus en centre pénitentiaire. Dans un poste de police, les allégations de torture avec une batte ont été corroborées par la découverte par la délégation, dans le bureau d’un inspecteur, d’un objet correspondant à la description reçue. Le Sous-Comité trouve préoccupant que les personnes privées de liberté aient très souvent signalé des mauvais traitements, dans presque tous les établissements visités. Dans certains établissements, la torture est utilisée à des fins disciplinaires. Dans certains cas, les méthodes décrites au Sous-Comité constituent des actes de torture, comme le fait de pendre les détenus par les bras pendant plusieurs heures, de les attacher à un poteau, à un arbre, à une chaise ou à une table en plein soleil, sans nourriture et sans eau, pendant parfois quarante-huit heures, ou encore de leur distendre les membres. À partir des allégations reçues, dans deux des centres pénitentiaires où elle s’est rendue, la délégation du Sous-Comité a remarqué qu’on avait récemment retiré des murs des anneaux utilisés pour accrocher les détenus par les menottes.

Dans d’autres cas, plus fréquents, les mauvais traitements décrits au Sous‑Comité consistaient en des coups de poing, des coups de pied et des coups portés avec divers objets. Dans certains établissements, les détenus étaient si souvent frappés avec divers objets contondants que presque tous ceux qui ont été interrogés ont dit avoir subi régulièrement de telles violences. Ils ont décrit en détail les objets utilisés à cette fin, précisant par exemple la couleur de la batte de base-ball, ou indiquant que le tuyau de métal utilisé pour les rouer de coups était recouvert d’une bande adhésive ou d’un linge pour ne pas laisser de trace sur la peau. Dans trois postes de la police nationale et dans un centre de détention, à partir des allégations reçues, la délégation du Sous‑Comité a repéré dans les lieux indiqués par les détenus des battes de base-ball et d’autres objets qui coïncidaient avec les descriptions reçues.

De manière générale, et comme souvent en cas de torture et de mauvais traitements, les détenus n’ont pas décrit de manière très précise les blessures causées par les mauvais traitements subis. La délégation du Sous-Comité a constaté par la suite que, dans certains cas, les cicatrices présentes sur le corps des détenus formaient deux lignes droites et parallèles qui corroboraient clairement le témoignage des intéressés. La cohérence des descriptions des mauvais traitements, leur grand nombre et leur concordance avec les lésions et les cicatrices observées, ainsi que la découverte des objets utilisés aux endroits indiqués dans les témoignages montrent que la torture et les mauvais traitements sont très fréquents dans les établissements visités.

Le Sous-Comité a relevé que les juges et les procureurs pouvaient ordonner un examen médico-légal. Si un détenu souhaite être examiné par un médecin légiste, il doit envoyer une demande en ce sens par l’intermédiaire d’un membre de sa famille à son avocat, afin que celui-ci présente cette demande au juge de l’application des peines, qui peut ordonner que le détenu soit examiné par un médecin légiste. Dans plusieurs établissements, la délégation du Sous-Comité a constaté que seule une minorité des détenus avaient été examinés par un médecin légiste.

Les dossiers médicaux examinés par la délégation du Sous-Comité ne comportaient pas de renseignements sur le traitement reçu par les patients ni sur l’exposition de ceux-ci à la violence et aux mauvais traitements. Par conséquent, ils ne comportaient pas non plus de conclusions d’un médecin légiste sur les allégations de mauvais traitements. Le Sous-Comité est préoccupé par le fait que ces dossiers sont conservés dans les locaux des agents pénitentiaires, qui peuvent donc les consulter.

Cette absence totale de confidentialité, conjuguée avec les difficultés et les retards liés à la procédure, empêche les détenus victimes de mauvais traitements d’être examinés par un médecin légiste. À cette situation s’ajoutent les lacunes décrites plus haut concernant les examens ainsi que la crainte généralisée de représailles. Ces facteurs expliquent qu’en 2012 et 2013 aucun dossier n’a été envoyé à l’Institut de médecine légale pour que celui-ci évalue les allégations de torture et de mauvais traitements conformément au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul). Cela forme un contraste saisissant avec le nombre de cas de mauvais traitements recensés lors des visites. Le Sous-Comité en conclut que ni les examens du médecin généraliste, ni ceux du médecin légiste, ni encore ceux de l’Institut de médecine légale ne permettent actuellement de consigner les actes de torture et les mauvais traitements ou de les prévenir.

Le Sous-Comité est extrêmement préoccupé par le témoignage d’un détenu, qui a indiqué avoir subi de multiples violences sexuelles commises par d’autres détenus après qu’il eut été transféré de cellule par un garde en guise de punition, ainsi que par les plaintes reçues d’organisations non gouvernementales selon lesquelles les femmes transgenres étaient généralement soumises à des humiliations sexuelles, voire à des viols multiples, dans les lieux de privation de liberté.

Le Sous-Comité recommande à l’État partie de respecter et de garantir le travail du personnel médical, tant dans les centres pénitentiaires que dans les hôpitaux, s’agissant de soumettre promptement les personnes privées de liberté à un examen de médecine légale. Ces examens doivent être conformes aux dispositions du Protocole d’Istanbul.

Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de réorganiser les services médicaux d ans l es lieux de détention pour garantir l ’ indépendance du personnel médical, en particulier vis-à-vis des agents visés par d es accusations de torture et de mauvais traitements. L’État partie devrait former le personnel médical afin que celui-ci recherche activement les traces de torture et de mauvais traitements. Il d evra it aussi veiller à ce que les détenus qui doivent être examinés par un médecin légiste soient amenés devant ce médecin sans tarder .

De nombreux témoignages de détenus montrent que les mauvais traitements concernent aussi le domaine des relations familiales. Dans certains postes de police, les personnes privées de liberté se sont plaintes de ce que les gardes déchiraient souvent les lettres envoyées par leurs proches, que le temps de visite n’était pas respecté et dépendait généralement du bon vouloir des gardes et que les visiteurs faisaient l’objet de maltraitance verbale.

Le Sous-Comité a appris que les visiteurs, en particulier les femmes, étaient soumis à des fouilles corporelles intrusives et humiliantes à leur arrivée. Il considère que la pratique généralisée consistant à regrouper dans des espaces ouverts les femmes qui viennent rendre visite à leurs proches, à les faire se déshabiller sous la ceinture et s’accroupir, à approcher un détecteur de leurs parties intimes et à leur ôter leur serviette hygiénique est dégradante et humiliante.

Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que les personnes privées de liberté et leurs visiteurs ne soient soumis à des fouilles corporelles que dans des cas exceptionnels et de veiller à ce que , dans de tels cas, les critères de la nécessité, du caractère raison nable et de la proportionnalité soient respectés et les fouilles soient réalisées dans des conditions sanitaires adéquates, par du personnel qualifié du même sexe que la personne fouillée et d’une manière respectueuse de la dignité humaine. Les personnes soumises à la fouille doivent donner leur accord et ne peuvent être mises totalement à nu. L a fouille intrusive des parties intimes est interdite par la loi. L ’ État partie devrait doter les lieux de privation de liberté de la technologie voulue pour éviter les fouilles corporelles .

Le Sous-Comité recommande aussi à l ’ État partie d ’ informer clairement et directement les agents pénitentiaires de leur obligation de traiter les proches des détenus avec humanité et dans le respect du principe de dignité, et de leur ordonner de respecter les temps de visite et de garantir le respect de l ’ intimité pendant les visites conjugales ou familiales.

F.Situation des femmes privées de liberté

Le Sous-Comité n’a pas reçu d’allégations selon lesquelles des femmes détenues en milieu pénitentiaire auraient été maltraitées physiquement. De tels mauvais traitements ont été signalés de manière exceptionnelle au moment de l’arrestation et pendant l’enquête policière. En revanche, de nombreux témoignages concordants faisaient état d’insultes, de quolibets et de l’absence de réponse à diverses demandes formulées par des détenues concernant, notamment, les soins de santé, la participation aux activités ou la visite de proches détenus dans d’autres lieux.

Le Sous-Comité recommande aux autorités pénitentiaires d ’ élaborer à l ’ intention des détenues un guide sur les procédures à suivre pour présenter des demandes ou formuler des plaintes, en précisant dans ce guide le délai dans lequel une réponse motivée devrait être reçue et l ’ autorité à laquelle faire appel en cas d’absence de réponse ou de réponse négative. Il recommande aux juges chargés de la surveillance des conditions pénitentiaires d’examiner dans le cadre de leur visite des prisons le traitement de telles demandes.

La délégation du Sous-Comité a constaté que le centre pénitentiaire La Esperanza était surpeuplé. Dans la cellule nº 4, par exemple, 120 femmes devaient se partager 40 lits, de sorte que la majorité dormait par terre, parfois sans matelas. La surpopulation et la chaleur créent une ambiance suffocante, aggravée par l’accès limité à l’eau et par le fait que l’utilisation des ventilateurs dépend du bon vouloir des autorités.

Le Sous-Comité est préoccupé par le fait que l’alimentation des enfants n’est pas prévue dans la ration quotidienne des détenues et dépend donc des colis apportés par les proches ou du partage de la ration alimentaire de la mère.

Le Sous-Comité recommande aux autorités de privilégier, pour les femmes enceintes et les mères allaitantes, des mesures autres que la privation de liberté. En attendant l ’ application de cette recommandation, il leur recommande de faire en sorte que des conseils sur la santé et le régime des détenues soient donnés dans le cadre d ’ un programme élaboré et supervisé par un professionnel de la santé et de veiller à ce que les femmes enceintes, les mères allaitantes, leur s bébé s et leurs enfants soient suffisamment et régulièrement nourris . Il recommande aussi que des services médicaux soient assurés en permanence pour les enfants qui vivent en prison avec leur mère et que la croissance de ces enfants soit contrôlée par des spécialistes.

Plusieurs des femmes avec lesquelles la délégation du Sous-Comité s’est entretenue souffraient d’une maladie chronique, mais dépendaient de leurs proches pour l’approvisionnement en médicaments. Le régime spécial requis par certaines pathologies n’était pas garanti. La délégation a reçu plusieurs plaintes concordantes au sujet de l’insuffisance des soins de santé, du manque d’accès aux médicaments et du fait que les détenues ne pouvaient pas consulter des spécialistes, faute de personnel pour les accompagner aux consultations.

La délégation du Sous-Comité a pu constater que plusieurs femmes âgées ou même atteintes de handicaps physiques, ainsi qu’une femme à qui l’on avait diagnostiqué une schizophrénie et qui était visiblement droguée, étaient détenues dans les graves conditions de surpopulation décrites ci-dessus.

Le Sous-Comité recommande que soit réalisée une analyse actualisée de la santé physique et mentale des détenues en vue de la mise en place de politiques de prévention et de traitement des maladies et de programmes d ’ alimentation adapté s à la maladie, à la grossesse, à l ’ allaitement et à l ’ âge des détenues . Il recommande la présence quotidienne de médecins et l ’ accès à des gynécologue s et à des pédiatre s .

Le Sous-Comité recommande à l’État partie de garantir l ’ accès aux médicaments prescrits en temps utile , ainsi que la réalisation des examens nécessaires. Il lui recommande également de conclure des accords avec les hôpitaux pour que d es spécialistes puissent se rendre dans les centres pénitentiaires pour y examiner les détenues.

Le Sous -Comité recommande de privilégier le recours à d es peines autres que la privation de liberté pour les femmes âgées, handicapées ou atteintes de maladies graves.

Le Sous-Comité recommande au Ministère de la santé de garantir la présence périodique de personnel médical féminin dans les centres mixtes où les femmes sont peu nombreuses , pour que celles-ci puissent recevoir des soins spécifiques en matière de santé sexuelle et procréative .

Au cours de nombreux entretiens avec des détenues, tant dans les postes de police que dans les centres pénitentiaires, la délégation du Sous-Comité a été informée que la fourniture d’articles d’hygiène dépendait de dons et des colis apportés par les proches. Dans les établissements mixtes, les femmes étaient tributaires des gardes ou de détenus de sexe masculin pour accéder à l’eau car il n’y avait pas d’accès direct depuis le quartier des femmes.

Le Sous-Comité recommande à l’État partie de garantir, dans les centres de privation de liberté pour femmes, que ces dernières ont accès aux installations et aux articles nécessaires pour satisfaire les besoins d’hygiène propres à leur sexe et qu’elles disposent d’un approvisionnement permanent en eau pour prendre soin de leurs enfants et d’elles-mêmes, en particulier lorsqu’elles sont enceintes, allaitent ou ont leurs règles.

Les détenues étant peu nombreuses à travailler, la plupart d’entre elles passent la majeure partie de leur temps enfermées. Dans ce contexte, le Sous-Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des détenues ont tenté de se suicider ou se sont automutilées.

Le Sous-Comité recommande à l’État partie de développer tous les programmes d ’ activités dans le cadre d ’ une vaste politique de santé mentale dans les centres pénitentiaires pour femmes, et d ’ élaborer et d ’ appliquer des stratégies de prévention du suicide et de l ’ automutilation.

Le Sous-Comité observe que les mères privées de liberté sont constamment préoccupées par la situation de leurs enfants, en particulier lorsque ceux-ci sont mineurs, étant donné qu’ils sont généralement pris en charge par des membres de leur famille. À ce sujet, il salue l’initiative mise en place à La Esperanza, où une visite mère-enfant est spécialement proposée aux détenues qui ont des enfants de moins de dix ans. Néanmoins, il est préoccupé par les conséquences familiales et sociales qui découlent du fait qu’un grand nombre des détenues sont d’extraction très modeste, sont chefs de famille et ont la charge d’enfants mineurs qui se retrouvent sans protection.

Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de fournir des renseignements à jour sur les détenues, notamment sur les enfants mineurs qui sont à leur charge, les cas où elles sont chefs de famille, leur origine sociale et la situation de leur s enfants , y compris l es adolescents, et de privilégier à leur égard d es mesures telles que l’amnistie, la grâce et les peines autres que la privation de liberté.

Selon les données communiquées par la direction de La Esperanza, 115 femmes, soit quelque 30 % des détenues, bénéficient de visites conjugales. Néanmoins, une quarantaine de femmes dont le conjoint est également détenu à Tipitapa ont demandé à bénéficier de telles visites mais n’ont pas encore pu exercer ce droit en raison de difficultés liées au transport, et ce, bien qu’elles répondent aux conditions requises. Dans plusieurs centres pénitentiaires, la délégation du Sous-Comité a reçu des allégations selon lesquelles l’une des sanctions imposées aux détenues était la suspension des visites conjugales.

Le Sous-Comité a reçu des allégations selon lesquelles les femmes qui avaient eu recours à la stérilisation à visée contraceptive avant leur incarcération mais ne parvenaient pas à obtenir le certificat médical en attestant continuaient de recevoir inutilement des contraceptifs.

Le Sous-Comité a été informé que les lesbiennes privées de liberté n’avaient pas accès à un espace dans lequel elles pouvaient recevoir des visites intimes, ce qui est discriminatoire.

La délégation du Sous-Comité a constaté que, dans certains cas, la visite intime était refusée lorsque la femme avait changé de partenaire.

Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les agents de l ’ État s ’ abstiennent de toute conduite discriminatoire et de former le personnel pénitentiaire et policier à de telles fins.

G.Situation des enfants et des adolescents privés de liberté

Le Sous-Comité prend note du régime appliqué aux adolescents âgés de 18 à 21 ans considérés comme des « cas particuliers », qui sont pris en charge par la justice pénale spécialisée de l’adolescence. Néanmoins, il est préoccupé par la situation de ceux qui sont détenus dans des postes de police ou dans des centres pénitentiaires ; sa délégation a en effet constaté que, bien souvent, le principe de la séparation des adolescents et des adultes n’y était pas respecté. Le Sous-Comité relève aussi que la privation de liberté des adolescents n’est pas une mesure exceptionnelle et qu’elle n’est pas appliquée pour la durée la plus courte possible. La délégation du Sous-Comité a noté avec préoccupation qu’on ne donnait pas d’informations claires aux enfants et aux adolescents, notamment au sujet de la procédure judiciaire. Elle est également préoccupée par le manque de mécanisme de responsabilité.

1.Le Sous-Comité recommande à l’État partie :

a) De ne priver de liberté les enfants et les adolescents qu ’ en dernier ressort, pour la durée la plus courte possible et sous réserve du réexamen régulier de cette mesure  ;

b) De garantir comme il se doit que les enfants et les adolescents bénéficient des services d’un avocat à tous les stades de la procédure, y compris pendant les interrogatoires de police, de faire mener régulièrement des inspections des lieux de détention par les juges et les procureurs, et de garantir l ’ accès à un mécanisme de plainte pour mauvais traitements qui soit indépendant et efficace.

Le Sous-Comité a recueilli de nombreux témoignages faisant état de coups portés et de mauvais traitements infligés au moment de l’arrestation et pendant la détention, dont certains étaient constitutifs de torture. Sa délégation a vu des taches de sang sur un mur dans une salle destinée à la tenue de séances d’identification des auteurs d’infractions, et a aussi constaté qu’un adolescent détenu avait une dent déchaussée et que plusieurs présentaient des hématomes. Elle a reçu des informations selon lesquelles, lorsqu’ils se plaignent aux agents, les adolescents privés de liberté sont menacés d’être placés chez les adultes ou d’être transférés dans d’autres quartiers, avec un signalement de mauvaise conduite ; dans des cas avérés, ils avaient été placés en cellule disciplinaire, exposés à du gaz poivre pulvérisé dans les cellules, ou encore roués de coups de poing ou de matraque après avoir été menottés. La délégation du Sous-Comité a constaté l’existence de quartiers disciplinaires. Elle a également noté que la torture et les mauvais traitements étaient fréquemment infligés à titre disciplinaire et que, dans certains cas, des adolescents avaient été placés à l’isolement durant plus de six mois dans les cellules disciplinaires d’un centre pénitentiaire ou menottés à des chaises pendant des heures dans des cellules de garde à vue de la police.

Exception faite du centre de détention pour adolescents de Tipitapa, le Sous-Comité est extrêmement préoccupé par le manque de moyens socioéducatifs mis en œuvre à l’intention des adolescents privés de liberté, en particulier ceux qui ont été condamnés et qui sont détenus dans des postes de police, ainsi que par le peu de services de conseil familial qui leur sont proposés. La délégation du Sous-Comité a entendu de nombreux témoignages d’adolescents qui ont indiqué n’avoir pas été vus par un médecin avant de comparaître devant le juge. Elle a constaté que les adolescents privés de liberté ne bénéficiaient pas tous de l’assistance psychosociale nécessaire pour pouvoir élaborer un plan de développement personnel et réduire les effets négatifs de la privation de liberté. La délégation a recensé des cas dans lesquels, faute de pièce d’identité ou d’acte de naissance, des adolescents qui disaient avoir moins de 16 ans étaient privés de liberté ; elle a aussi recensé des cas d’adolescents qui disaient avoir moins de 18 ans et qui étaient jugés comme des adultes, alors que leur âge n’avait pas encore été établi par une expertise médico-légale. Les fonctionnaires de police consultés ont indiqué que de telles situations étaient fréquentes et qu’en l’absence de pièce d’identité, l’acte de naissance devait être apporté par la famille de l’adolescent car la police ne disposait pas d’un système de consultation du registre de l’état civil.

2.Le Sous-Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures pour passer d ’une approche punitive à une approche préventive en ce qui concerne les enfants et les adolescents  ;

b) De favoriser l’application de mesures socio éducatives permettant de faciliter la réinsertion sociale des enfants et des adolescents privés de liberté  ;

c) De garantir , au quotidien , la pratique d e l’ exercice physique et la participation à des activités récréati ves en plein air ;

d) De continuer d’assurer et d ’ encourager la participation des parents pendant toute la durée de l ’application des mesures socio éducatives pour permettre à l ’ enfant ou à l ’ adolescent d ’ être en contact permanent avec sa famille  ;

e) De garantir la formation du personnel qui travaille au contact d’ enfants et d ’ adolescents détenus.

En ce qui concerne les visites intimes, le Sous-Comité note avec satisfaction que les adolescents peuvent eux aussi en bénéficier ; il considère néanmoins qu’il n’est pas nécessaire d ’ exiger l ’ accord de l eur mère ou d e leur père s ’ ils ont atteint l ’ âge de la majorité.

H.Situation des personnes handicapées privées de liberté

Dans les lieux de détention visités, des données concernant les détenus handicapés étaient généralement consignées dans les registres ; la délégation du Sous-Comité a interrogé des personnes handicapées tant dans les établissements pénitentiaires que dans les postes de police. Elle a rencontré des personnes présentant un handicap physique, des personnes qui se déplaçaient en fauteuil roulant, et des personnes qui ont indiqué qu’on leur avait diagnostiqué un handicap intellectuel ou psychosocial, en particulier une schizophrénie.

Comme les autres détenus, les personnes handicapées subissent les effets de la surpopulation et des conditions précaires déjà décrites, auxquels s’ajoute l’atteinte à leurs droits tels que le droit à l’accessibilité, à l’accès à la justice et à la protection de l’intégrité de la personne. De manière générale, le personnel pénitentiaire et policier ne connaît ni les droits des personnes handicapées ni l’obligation de procéder aux aménagements raisonnables nécessaires pour assurer leur protection effective durant la privation de liberté. La délégation a observé des cas dans lesquels l’absence de tels aménagements et de l’assistance appropriée rendait d’autant plus difficiles les conditions de vie des détenus handicapés et portait atteinte à leurs droits. Pour le Sous-Comité, de telles situations démontrent que, dans les centres pénitentiaires, le handicap entraîne l’isolement et la marginalisation, et expose en outre les personnes concernées à la torture et aux mauvais traitements. Les personnes handicapées, qui ont des besoins particuliers, ne reçoivent apparemment aucune aide, et il n’est procédé à aucun aménagement raisonnable pour leur permettre de supporter leur incarcération avec dignité.

En vertu des dispositions de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des lois et des orientations concrètes visant à garantir le droit à l ’ accessibilité aux personnes handicapées privées de liberté et de procéder aux aménagements raisonnables nécessaires pour protéger les droits de ces personnes dans les lieux de détention. Lorsqu ’ il n ’ est pas possible de procéder aux aménagements raisonnables en question, l’ État doit envisager d’appliquer des mesures autres que la privation de liberté.

I.Personnes autochtones et personnes d’ascendance africaine privées de liberté

La délégation du Sous-Comité a eu l’occasion de se rendre dans des lieux de détention situés dans les Régions autonomes de l’Atlantique Nord et de l’Atlantique Sud, où se concentrent la population autochtone et la population d’ascendance africaine du Nicaragua. Les peuples autochtones et les personnes d’ascendance africaine installés dans ces régions sont victimes de discrimination de facto, car la pauvreté y est plus grande, et peinent depuis toujours à faire reconnaître leurs droits collectifs sur les terres et les territoires.

Le régime pénal appliqué aux personnes autochtones est le même que celui qui est appliqué à l’ensemble de la population, et les conditions de privation de liberté ainsi que l’exposition à la torture et aux mauvais traitements les touchent de la même manière. Les personnes privées de liberté dans les régions autonomes subissent aussi des conditions de surpopulation et d’insalubrité, aggravées par le manque d’infrastructures sanitaires locales.

La torture et les mauvais traitements représentent une atteinte permanente à l’intégrité des personnes autochtones privées de liberté, atteinte qui est subie au moment de l’arrestation, pendant les interrogatoires de police et à l’arrivée dans les lieux de réclusion, et qui fait partie du système disciplinaire. Les détenus sont l’objet d’un traitement irrespectueux de la part des autorités, qui s’exprime par des insultes qui vont de pair avec les mauvais traitements et la torture. Leur exposition à la torture et aux mauvais traitements est exacerbée par leur pauvreté, qui entrave leur accès aux services d’avocats, et par la faible présence institutionnelle dans leurs régions. Les autochtones ont encore moins de contact avec des défenseurs des droits de l’homme et n’ont pas la possibilité de porter plainte ou d’introduire des recours en protection, comme a pu l’observer la délégation du Sous‑Comité.

Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’instaurer des procédures visant à garantir que les sanctions imposées aux personnes autochtones tiennent compte de leur situation économique et social e et de leurs spécificités culture lles , et, les concernant, de pr ivilégier des sanctions autres que la privation de liberté. Il convient d ’ adopter une procédure spéciale d ’ admission et de traitement pénitentiaires pour les personnes autochtones, et d ’encourager et de faciliter l’ accompagnement des autorités autochtones et l a prestation d’un conseil juridique à leur intention .

Représailles

La délégation du Sous-Comité a constaté chez les détenus une crainte généralisée des représailles. Certains ont indiqué que le fait de se plaindre des conditions de détention ou d’insister pour recevoir des soins médicaux, voire de parler avec les membres de la délégation, risquait d’entraîner des représailles. Dans tous les lieux visités, ils citaient notamment la perte d’avantages, la dégradation des conditions de détention ou des restrictions appliquées à celles-ci et aux visites, le transfert ou encore le durcissement des sanctions disciplinaires.

Dans les lieux de réclusion qu’elle a visités dans les deux régions autonomes, la délégation du Sous-Comité a constaté un risque de représailles élevé et a demandé l’intervention urgente du mécanisme national de prévention. Ayant constaté des représailles, celui-ci a informé le Sous-Comité des mesures qu’il avait prises à cet égard.

Le Sous-Comité prie instamment l ’ État partie de s’efforcer avant tout de faire effectivement respecter l ’ article 15 du Protocole facultatif, qui interdit les représailles.

J.Aspects relatifs au cadre juridique et institutionnel de la prévention de la torture et des mauvais traitements

1.Définition de la torture en droit interne

La qualification actuelle de la torture, énoncée à l ’ article 486 du Code pénal, comporte des lacunes. De plus, comme l ’ a déjà indiqué le Comité contre la torture , la définition de la torture figurant dans le Code pénal n ’ est pas entièrement conforme à celle qui est donnée à l ’ article premier de la Convention puisqu ’ elle n ’englobe pas expressément les infractions commises par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement expr è s ou tacite. Le Code pénal militaire n ’ incrimine pas la torture mais prévoit seulement l ’ abus d ’ autorité, et les coups et blessures.

Le Sous-Comité fait sienne la recommandation du C omité contre la torture et recommande à l ’ État partie d ’ adopter une définition de la torture qui soit pleinement conforme à celle énoncée à l ’ article premier de la Convention. L ’ État partie doit aussi réviser le Code pénal militaire de façon à y introduire l ’ infraction de torture et à le rendre conforme aux dispositions de la Convention.

Tant que cette réforme n ’ aura pas été réalisée, le ministère public et le pouvoir judiciaire doivent utiliser la définition actuelle énoncée dans le Code pénal pour enquêter activement sur les actes de torture et les sanctionner.

2.Problème de l’impunité

Dans leurs témoignages, plusieurs victimes présumées et d’autres personnes privées de liberté ont indiqué que les policiers et les agents pénitentiaires recouraient systématiquement à la torture et aux mauvais traitements. Lors de réunions tenues avec les autorités, le Bureau du Procureur général a indiqué qu’aucune enquête n’était menée sur des faits présumés de torture ; la Défenseuse publique a affirmé qu’elle n’avait pas reçu de plaintes pour mauvais traitements ou torture et l’un des magistrats de la Chambre pénale de la Cour suprême a soutenu qu’en sept années à ce poste, il n’avait jamais eu connaissance d’affaires de torture. L’État ne tient pas de registre officiel des affaires de torture et de mauvais traitements. Les personnes privées de liberté interrogées ne connaissaient pas les mécanismes administratifs et judiciaires de protection à leur disposition en cas de torture et de mauvais traitements.

Faute de communication régulière entre les personnes privées de liberté et leurs avocats, les juges de l’application des peines et les organismes de protection des droits de l’homme, les problèmes ne sont pas portés à la connaissance des autorités et ne font pas l’objet d’enquêtes. La délégation du Sous-Comité a en effet constaté des lacunes dans l’assistance aux personnes privées de liberté par les défenseurs publics dès le stade initial de la procédure pénale.

La délégation a aussi constaté que les victimes présumées de torture et de mauvais traitements craignaient de subir des représailles si elles portaient plainte. Le silence en cas de torture semble représenter la seule garantie contre d’éventuelles représailles. Les personnes privées de liberté ont indiqué que dénoncer celles-ci ne servait à rien et que les plaintes ne permettaient pas d’obtenir réparation des préjudices subis, de bénéficier de soins médicaux ni d’obtenir une garantie de non-répétition. Les victimes ont aussi indiqué que, face aux constantes agressions injustifiées de la part du personnel des centres de détention, la seule solution était la mutinerie, le chahut ou les comportements répréhensibles. La perception du risque encouru en cas de plainte et l’absence de suite donnée aux plaintes déposées nuisent à la crédibilité des systèmes pénitentiaire, policier et judiciaire et entament la confiance qui devrait leur être accordée.

De même, les personnes placées en détention provisoire dans les cellules des postes de police n’ont guère la possibilité de porter plainte pour torture ou mauvais traitements, car elles passent le reste de leur détention avant jugement et purgent parfois leur peine là-même où travaillent leurs tortionnaires.

La législation de l’État partie prévoit un système de contrôle disciplinaire des fonctionnaires de police et des centres pénitentiaires, et le décret no 51-2012, intitulé Règlement disciplinaire de la police nationale, érige les traitements cruels, inhumains ou dégradants en faute disciplinaire très grave. Or, le Sous-Comité n’a pas reçu les informations qu’il avait demandées sur les enquêtes en cours. Il estime que le régime des sanctions en cas de mauvais traitements est très lacunaire et qu’il ne respecte donc pas les critères établis dans la Convention contre la torture. Les postes de police et les prisons ont des bureaux de contrôle interne mais il n’existe apparemment pas de précédent d’enquêtes sur la torture et les mauvais traitements infligés. Le contrôle, par les autorités judiciaires, des conditions de détention dans les postes de police et les centres pénitentiaires est limité, malgré les pouvoirs conférés aux juges de l’application des peines. Les cellules des postes de police ne sont pas soumises à la surveillance judiciaire. Le fait que les autorités judiciaires n’inspectent pas les cellules de la police et le caractère lacunaire de l’observation, par les mécanismes des droits de l’homme, des conditions de détention dans les prisons et les postes de police font que les situations assimilables à la torture et aux mauvais traitements ne sont pas détectées, ce qui contribue à l’impunité.

Le contexte décrit laisse supposer qu’un grand nombre de cas restent méconnus. Après avoir entendu les témoignages des victimes et des organisations et s’être entretenue avec les hautes autorités judiciaires, la délégation du Sous-Comité a eu le sentiment que la passivité du Bureau du Procureur, des services de la Défense publique et du système judiciaire face à la torture et autres mauvais traitements renforçait le cercle vicieux de l’impunité et portait atteinte au droit des victimes à la justice.

Le Sous-Comité exhorte l ’ État partie à mettre en place des mécanismes d ’ enquête immédiate et impartiale en cas de plainte pour torture et mauvais traitements, et à appliquer les sanctions voulues, afin de prévenir et de combattre l ’ impunité dont jouissent les auteurs de ces faits .

Le Sous-Comité recommande à l’État partie de mettre en place un mécanisme de gestion systématique, confidentiel et indépendant des plaintes pour torture et mauvais traitements dans les lieux de détention, en tenant compte des informations demandées par le Comité contre la torture, c’est-à-dire en veillant à ce que soient précisés le type d’infraction, l’appartenance ethnique, le sexe, les enquêtes menées, les jugements rendus, ainsi que les condamnations prononcées et les réparations octroyées.

Le Sous-Comité recommande que le personnel affecté aux lieux de privation de liberté donne en permanence aux détenus des renseignements sur le droit de porter plainte au sujet des traitements reçus et sur les mécanismes prévus à cet effet . Les informations sur les mécanismes de plainte doivent aussi être communiquées aux membres de la famille des détenus.

Le Sous-Comité recommande aux autorités d ’ établir des protocoles particuliers , dans le cadre des fonctions du Bureau du Procureur , pour la conduite des enquêtes sur les actes de torture et les mauvais traitements, conformément au principe de confidentialité, en veillant à ce que ces protocoles prévoient l’application de mesures de protection des victimes et des témoins contre toute forme d ’ intimidation et de représailles , y compris la mise à pied , pendant la procédure pénale ou disciplinaire , des personnes accusées d ’avoir commis de tels actes. Il leur recommande aussi de faire en sorte que les enquêtes sur les faits de torture permettent de déterminer la responsabilité, par action ou par omission, des agents et de leurs supérieurs hiérarchiques.

Le Sous-Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que l a conduite d’ enquête s sur les faits de torture et de mauvais traitements soit une priorité du système de contrôle disciplinaire. Il lui demande de revoir les règles disciplinaire s afin de rendre la torture et les mauvais traitements passibles de sanctions ten ant compte de la gravité de tels faits, conformément à l ’ article 4 (par. 2) de la Convention. Étant donné que l ’ État d ispense une formation aux droits de l ’ homme, le Sous-Comité lui demande d’en faire bénéficier également le personnel chargé de l ’ inspection et du contrôle interne et d e mettre l ’ accent , dans le cadre de cette formation, sur l ’ application de normes internationales telles que le Protocole d ’ Istanbul. L’ État devrait crée r un système général d ’en registre ment des antécédents disciplinaires du personnel pénitentiaire et des fonctionnaires de police.

Le Sous-Comité prie l ’ État partie de créer un programme national de prise en charge des victimes de la torture pour réparer les préjudices subis et de mettre sur pied une campagne sur la non-répétition pour prévenir la torture.

L’ouverture des lieux de privation de liberté à la présence d’organisations de la société civile contribue à prévenir la torture. À cet égard, le Sous-Comité salue la coopération établie entre l’État partie et certaines organisations, dont la Commission permanente des droits de l’homme, la Fédération internationale Terre des Hommes et Casa Alianza, qui aident et accompagnent les personnes privées de liberté. Il note néanmoins avec préoccupation que, dans la pratique, l’accès sollicité par d’autres organisations de la société civile, dont le Centre nicaraguayen des droits de l’homme et l’Initiative pour les droits de l’homme en matière de diversité sexuelle, a été retardé ou empêché.

Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ élargir sa politique de collaboration avec les organisations de la société civile qui souhaitent prom ouvoir et prot éger les droits de l ’ homme des personnes privées de liberté, et de faciliter l ’ accès de ces organisations aux lieux de privation de liberté et leur travail à l’intérieur de ceux ‑ci.

Anexo I

[ Español únicamente]

Lista de personas con quienes se reunió el Subcomité

I.Autoridades

Daniel Ortega, Presidente de la República

Ana Isabel Morales, Ministra de la Gobernación

Carlos Najar, Ministro por la Ley Ministerio de la Gobernación

Orlando Gómez, Viceministro de Relaciones Exteriores

Aminta Grenara, Primera Comisionada, Directora General de la Policía Nacional

Martin Jasquin, comandante de regimiento, Subdirector DGME

Directora Migración y Extranjería

Julio Cesar Orozco, Director, Sistema Penitenciario Nacional

Glenda Zavala, Comisionada General, Policía Nacional

Juan Ramón Grádiz, Comisionado General, Policía Nacional

Evenor Martínez, MIGOB

Omar Cabezas Lacayo, Procurador para la Defensa de los Derechos Humanos

Irma Dávila, Comisión de Justicia de la Asamblea Nacional

Filiberto Rodríguez, Comisión de Paz, Defensa, Gobernación y Derechos Humanos de la Asamblea Nacional

Jeanne Mercedes Palacios, Directora Nacional de Defensa

Elena del Carmen López, Procuradora Especial de Cárceles

Armando Aragón, Jefe Nacional de Planificación, Seguimiento, Ayuda y Control

Zoraya Blandón, Asesora del Procurador, Procuraduría para la Defensa de los Derechos Humanos

Rafael Solís Cerda, Magistrado

Armengol Cuadra, Presidente de la Sala Penal

Zacarías Duarte, Director General, Instituto de Medicina Legal

Clarisa Ibarra, Directora, Defensoría Pública

Hernán Estrada, Procurador General de la República

Ana Julia Guido, Fiscala General

Sonia Castro, Ministra de Salud

Etelvina Salazar, Directora, Hospital Psicosocial José Dolores Fletes Valle

Julio César Chávez, Subdirector General, Sistema Nacional Penitenciario

Francisco Fonseca, Fiscal de la Junta Directiva del Patronato Nacional de Privados de Libertad

Luis Amado Peña

Magdalena Reyes González, secretaria de la Junta Directiva

Evis Sandino

Miriam Obando, primera vocal

II.Naciones Unidas

Pablo Mandeville, Coordinador Residente del Sistema de las Naciones Unidas, Programa de las Naciones Unidas para el Desarrollo (PNUD)

Socorro Gross, Representante de la Organización Panamericana de la Salud y de la Organización Mundial de la Salud

Mónica Merino, Representante Residente Adjunta, PNUD

Jorge Navas, Oficial de Programa, Área de Gobernabilidad Democrática, PNUD

Álvaro Herdocia, Coordinador de Programa y Proyectos Regionales, PNUD

Rinko Kinoshita Representante Adjunta, UNICEF

Ana Lucía Silva, Coordinadora del Área de Protección, UNICEF

Otilia Morales, Oficial de Protección, UNICEF

Paivi Kovalainen, Asistente Técnica en Protección Especial, UNICEF

III.Organismos de la sociedad civil

Casa Alianza

Centro Nicaragüense de Derechos Humanos

Comisión Permanente de Derechos Humanos

Federación Internacional Terre des Hommes

Iniciativa desde la Diversidad Sexual por los Derechos Humanos

Anexo II

[ Español únicamente]

Lista de lugares de privación de libertad visitados por el Subcomité

I.Centros penitenciarios

Centro penitenciario de Granada

Centro penitenciario de Tipitapa “La Modelo” (incluido el módulo de máxima seguridad)

Centro penitenciario de mujeres “La Esperanza”

Centro penitenciario de Chinandega

Centro penitenciario de Matagalpa

Centro penitenciario de Bluefields

II.Delegaciones policiales

Delegación policial Distrito Núm. 1, Managua

Delegación policial Distrito Núm. 2, Managua

Delegación policial Distrito Núm. 4, Managua

Delegación policial Distrito Núm. 6, Managua

Delegación policial de Granada

Delegación policial de Masaya

Delegación policial de Nindirí

Delegación policial de Bilwi (Puerto Cabezas)

Delegación policial de Bluefields

Delegación policial de León

Delegación policial de Jinotega

III.Otros

Dirección de Auxilio Judicial (“El Chipote”)

Albergue de Migrantes de la Dirección General de Migración y Extranjería (Managua)