Nations Unies

CAT/C/BGR/CO/6

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

15 décembre 2017

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le sixième rapport périodique de la Bulgarie *

1.Le Comité contre la torture a examiné le sixième rapport périodique de la Bulgarie (CAT/C/BGR/6) à ses 1590e et 1593e séances (voir CAT/C/SR.1590 et 1593), les 20 et 21 novembre 2017, et a adopté les présentes observations finales à sa 1607e séance, le 30 novembre 2017.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite du dialogue qu’il a eu avec la délégation de l’État partie ainsi que des réponses orales et des renseignements écrits qui lui ont été fournis en réaction à ses préoccupations.

B.Aspects positifs

3.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après, ou y a adhéré :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 22 mars 2012 ;

b)La Convention relative au statut des apatrides, le 22 mars 2012 ;

c)La Convention sur la réduction des cas d’apatridie, le 22 mars 2012.

4.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures que l’État partie a prises pour réviser sa législation dans des domaines intéressant la Convention, notamment :

a)Les modifications apportées le 1er juillet 2012 aux articles 72 à 74 de la loi sur le Ministère de l’intérieur et l’introduction dans l’article 74 du nouvel alinéa a) qui renvoie notamment à la notion de « nécessité absolue » pour l’usage d’armes à feu, de la force physique ou de dispositifs auxiliaires par les forces de l’ordre ;

b)La modification apportée à la loi sur les étrangers, qui interdit la détention d’enfants non accompagnés, en 2013 ;

c)La modification apportée à la loi sur la représentation en justice, qui améliore l’accès à la justice des groupes et des personnes socialement défavorisés et renforce le contrôle du mécanisme d’assistance, ainsi que l’adoption de la stratégie nationale sur la migration, l’asile et l’intégration pour la période 2015-2020 ;

d)Les modifications apportées à la loi sur l’exécution des peines et la détention provisoire, en janvier 2017.

5.Le Comité salue également les initiatives que l’État partie a prises pour modifier ses politiques, programmes et mesures administratives afin de donner effet à la Convention, notamment :

a)La publication du décret no 152 du Conseil des ministres portant création de trois nouveaux postes au bureau national de l’aide juridictionnelle, le 17 juillet 2012, et la mise à niveau du mécanisme d’assistance par des avocats d’astreinte ainsi que l’augmentation du budget du bureau national de l’aide juridictionnelle d’environ deux millions d’euros, depuis 2013 ;

b)L’approbation par le Ministre de la justice de la stratégie de prévention et de répression contre la corruption au sein de la Direction de l’exécution des peines, en 2012 ;

c)L’adoption de la stratégie nationale pour l’intégration des Roms (2012-2020), qui prévoit notamment de combattre les discours incitant à la haine dans la presse et en ligne ;

d)L’adoption par le Ministère de l’intérieur de l’ordonnance sur l’usage de la force et des moyens spéciaux, en 2015 ;

e)L’adoption de la stratégie nationale de prévention et de répression de la corruption pour la période 2015-2020, en avril 2015, et la mise en place d’un conseil national sur les politiques de lutte contre la corruption, en mai 2015 ;

f)L’adoption par le Conseil des ministres du programme national de prévention de la violence familiale et de protection des victimes, tel que proposé par le Ministère de l’intérieur, le 29 avril 2015 ;

g)L’adoption de la stratégie nationale sur la migration, l’asile et l’intégration pour la période 2015-2020, le 10 juin 2015 ;

h)L’adoption d’une stratégie nationale de lutte contre la traite pour la période 2017-2021.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Questions en suspens issues du cycle précédent

6.Au paragraphe 35 de ses précédentes observations finales (CAT/C/BGR/CO/4-5), le Comité a demandé à la Bulgarie de lui faire parvenir de plus amples renseignements sur les sujets particulièrement préoccupants qu’il avait relevés au paragraphe 9 (jouissance des garanties juridiques fondamentales par les personnes privées de liberté), au paragraphe 10 (usage excessif de la force et des armes à feu par les forces de l’ordre), et au paragraphe 28 (manifestations de discrimination et d’intolérance, notamment les discours de haine et les actes de violence, à l’encontre de certaines minorités nationales, religieuses et sexuelles). Le Comité remercie l’État partie pour ses réponses sur ces questions et pour les informations concrètes qu’il a fournies le 21 décembre 2012 (CAT/C/BGR/CO/4-5/Add.1). Au vu de la teneur de ces renseignements, le Comité considère que les recommandations formulées aux paragraphes 9, 10 et 28 de ses observations finales ont été partiellement appliquées (voir par. 9 à 12, 29 et 30 du présent document).

Définition de la torture et inscription de la torture dans le Code pénalen tant qu’infraction distincte

7.Tout en notant que lors de l’Examen périodique universel, en mai 2015, l’État partie a accepté la recommandation d’adopter une définition de la torture incluant tous les éléments figurant dans la Convention, le Comité constate toujours avec préoccupation qu’à ce jour, aucune définition complète de la torture comprenant tous les éléments figurant à l’article premier de la Convention n’a été introduite dans le Code pénal. Il est également préoccupé de ce que la loi ne fait pas de la torture une infraction distincte et que les poursuites concernant les actes relevant de la torture sont toujours fondées sur différents articles du Code pénal. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que l’imprescriptibilité ne concerne toujours que les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité (art. 1er et 4).

8. Le Comité recommande à nouvea u (voir CAT/C/BGR/CO/4-/5, par.  8) à l’État partie d’adopter une définition de la torture qui inclue tous les éléments mentionnés à l’article premier de la Convention. Il devrait également prendre des mesures efficaces pour faire de la torture une infraction distincte et spécifique dans sa législation et garantir que les peines encourues soient à la mesure de la gravité de ce crime, comme le prévoit le paragraphe  2 de l’ article  4 de la Convention. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o 2 (2007) sur l’application de l’ article  2, dans laquelle il indique que si la définition de la torture en droit interne est trop éloignée de celle énoncée dans la Convention, le vide juridique réel ou potentiel qui en découle peut ouvrir la voie à l’impunité. L’État partie devait veiller à ce que l’interdiction absolue de la torture ne soit susceptible d’aucune dérogation et que les faits constitutifs d’actes de torture soient imprescriptibles.

Garanties juridiques fondamentales

9.Le Comité reste préoccupé par :

a)Le fait qu’il soit toujours possible de placer, en-dehors du cadre de la procédure pénale, des personnes en détention administrative au poste de police pendant vingt-quatre heures avant qu’elles soient officiellement accusées d’une infraction et que ces personnes soient, pendant cette période, interrogées par la police, souvent sans avoir accès à un avocat et alors qu’elles sont le plus exposées à des violences de la part des forces de l’ordre ;

b)Les informations selon lesquelles les personnes arrêtées ne sont souvent pas informées de leurs droits dans le cadre de la procédure pénale, notamment le droit d’avoir accès à un avocat ; ces personnes sont souvent dissuadées, au moyen de manipulation, de menaces et de mauvais traitements, d’exercer les droits figurant dans la déclaration de droits ; plus de 70 % des personnes placées en détention n’ont pas accès à un avocat dès le début de la procédure pénale ; et certaines ne sont pas représentées par un avocat pendant toute la procédure ;

c)Le fait que les personnes placées en détention administrative n’ont le plus souvent accès à un avocat qu’à la fin des vingt-quatre heures de détention et que les entretiens se déroulent en présence d’un policier ;

d)Les informations selon lesquelles les avocats d’astreinte choisis sur le registre national de l’aide juridictionnelle ne sont pas indépendants de la police et que rien ne garantit aux personnes détenues le droit d’être assistées par le conseil de leur choix ;

e)Les informations selon lesquelles les blessures observées sur les personnes admises dans des lieux de détention aux fins d’enquête ne sont pas consignées dans le dossier médical, les examens médicaux sont souvent réalisés en présence de policiers, et les comptes rendus des examens sont de mauvaise qualité voire inexistants (art. 2, 12 à 14 et 16).

10. L’État partie devrait veiller à ce que toutes les personnes détenues, y compris celles qui sont arrêtées ou placées en détention administrative, bénéficient en fait et en droit de toutes les garanties juridiques fondamentales contre la torture , et ce , dès le début de la privation de liberté, conformément aux normes internationales. L’État partie devrait contrôler l’application de ces garanties aux personnes privées de liberté et veiller à ce que tout agent de l’État qui, dans la pratique, ne les respecte pas fasse l’objet de sanctions disciplinaires ou d’une autre mesure appropriée. Ces garanties devraient comprendre le droit des personnes détenues :

a) D’être informées dans les plus brefs délais et dans une langue qu’elles comprennent, oralement et par écrit, de leurs droits, notamment en se voyant présenter, sous forme écrite, une déclaration de droits  ; d’être informées des raisons de leur arrestation, et de toute accusation portée contre elles  ; de signer un document attestant qu’elles ont compris les informations reçues  ;

b) De bénéficier dans les meilleurs délais et en toute confidentialité de l’assistance d’un avocat indépendant de la police, à titre gratuit si besoin, et ce , dès le début de la privation de liberté, y compris pendant la période de détention administrative de vingt-quatre heures , et pendant toute la détention  ;

c) De solliciter et de passer un examen médical confidentiel effectué par un médecin indépendant, de subir un examen médical dans les vingt-quatre heures suivant leur arrivée dans un lieu de détention et de voir toute blessure à leur arrivée et les résultats de l’examen médical dûment consignés dans leur dossier médical  ;

d) D’informer de leur situation un membre de leur famille ou toute autre personne de leur choix immédiatement après leur arrestation  ;

e) D’être présentées dans les quarante-huit heures suivant leur arrestation devant un tribunal compétent, indépendant et impartial  ;

f) De contester la légalité de la détention dans le cadre d’une procédure d’ habeas corpus et de voir leur détention consignée dans un registre sur le lieu de détention et dans un registre central des personnes privées de liberté auxquels leurs avocats ou les membres de leur famille peuvent avoir accès, conformément à l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement.

Utilisation excessive de la force et impunité pour actes de tortureet mauvais traitements

11.Le Comité est préoccupé par :

a)Les informations concernant une augmentation, en particulier dans les prisons de Sofia et de Burgas, de l’usage excessif de la force, notamment de façon délibérée, par les agents de la force publique contre des personnes, y compris des femmes et des mineurs, au cours de leur arrestation et dans les locaux de détention de la police, et durant la détention administrative et la période d’enquête préliminaire ;

b)Les informations indiquant qu’un tiers des personnes détenues dans des locaux de police sont victimes de mauvais traitements, parfois d’une gravité telle qu’ils sont susceptibles de constituer des actes de torture, et peuvent être passées à tabac, menottées à des objets fixes, et recevoir des coups de matraque et des impulsions électriques, et que les personnes appartenant à la communauté rom subiraient deux fois plus de violences physiques que les Bulgares de souche ;

c)Les allégations selon lesquelles la police ne tient pas un registre de l’usage de la force ou de moyens spéciaux contre les personnes détenues et les blessures ne sont pas enregistrées ;

d)Les informations selon lesquelles les policiers qui utilisent la force illégalement à l’encontre de personnes qui ont été arrêtées et placées en détention sont rarement poursuivis et punis, et ceux qui sont reconnus coupables de torture ou de mauvais traitements infligés à des détenus sont condamnés à des peines légères, telles que des amendes ou des peines avec sursis, car ils ne sont le plus souvent poursuivis que pour des lésions corporelles légères (art. 2, 12 à 14 et 16).

12. L’État partie devrait  :

a) Réaffirmer sans ambiguïté, dans une déclaration publique adoptée au plus haut niveau, que l’impunité pour actes de torture et mauvais traitements ne sera pas tolérée  ; annoncer que des enquêtes seront ouvertes et des poursuites engagées rapidement et systématiquement contre les auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements, y compris contre leurs supérieurs hiérarchiques, et faire savoir que quiconque commet des actes de torture, en est complice ou les autorise tacitement sera tenu personnellement responsable devant la loi, fera l’objet de poursuites pénales et encourra les peines appropriées  ;

b) Mettre en œuvre et faire respecter l’ordonnance sur l’usage de la force et des moyens spéciaux, adoptée en 2015 par le Ministère de l’intérieur, donner au Comité des renseignements à jour sur l’élaboration des directives méthodologiques concernant l’utilisation de la force physique et des moyens spéciaux  ;

c) Dispenser une formation aux fonctionnaires de police et aux agents pénitentiaires sur les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois et sur l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement  ;

d) Veiller à ce que tous les actes de torture et les mauvais traitements imputés à des agents de l’État, y compris au sein de la police, donnent lieu sans délai à une enquête efficace et impartiale par un mécanisme indépendant à l’échelle nationale et sans lien institutionnel ou hiérarchique entre les enquêteurs et les auteurs supposés  ;

e) Faire en sorte que toutes les personnes faisant l’objet d’une enquête pour torture ou mauvais traitements soient immédiatement suspendues de leurs fonctions pour toute la durée de l’enquête, tout en assurant le respect du principe de la présomption d’innocence  ;

f) Faire en sorte que, dans l’ensemble du pays, toutes les salles d’interrogatoire des centres de détention soient équipées d’un système de télésurveillance et de dispositifs permettant l’enregistrement audio et vidéo des interrogatoires  ; que ces enregistrements soient mis gratuitement à la disposition des prévenus et de leur conseil et qu’ils puissent être utilisés comme éléments de preuve devant un tribunal  ;

g) Veiller à la tenue des registres où les cas de torture et de mauvais traitements peuvent être consignés  ;

h) Fournir au Comité dans son prochain rapport périodique des données actualisées sur le nombre de plaintes reçues faisant état d’actes de torture et de mauvais traitements par les forces de l’ordre et d’autres agents publics, avec des informations précises concernant les mesures prises pour enquêter sur les allégations de torture et de mauvais traitements, sur les poursuites éventuellement engagées, sur les condamnations et peines prononcées, y compris les sanctions disciplinaires, ainsi que sur les réparations accordées aux victimes.

Conditions de détention

13.Tout en prenant note des mesures adoptées par l’État partie pour fermer la plupart des centres de détention souterrains de la police, en rénover d’autres et procéder à des transferts entre certains centres de détention, le Comité constate toujours avec inquiétude que les conditions de détention dans les prisons et dans les postes de police ne se sont pas sensiblement améliorées au cours de la période considérée. Le Comité est préoccupé par :

a)L’absence d’amélioration des conditions matérielles dans la plupart des lieux de détention, en particulier les prisons de Sofia, Burgas et Varna qui ont été décrites comme impropres à l’habitation, et notamment la vétusté des bâtiments et des infrastructures, la surpopulation, les faibles effectifs du personnel pénitentiaire, l’absence d’hygiène et l’insuffisance des installations sanitaires et d’assainissement, l’impossibilité d’aller aux toilettes la nuit dans des lieux de détention, l’accès insuffisant à l’eau chaude et aux douches, les problèmes de chauffage, de coupures d’eau, de mobilier, de literie, de ventilation des cellules et d’éclairage naturel ou artificiel, les coupures d’électricité, le manque de nourriture et d’eau potable et leur mauvaise qualité, l’exiguïté des cellules, le manque d’activités motivantes et d’exercice physique, ainsi que la médiocrité des soins de santé  ;

b)Le manque de personnel pénitentiaire formé et les informations concernant des comportements agressifs du personnel pénitentiaire envers les détenus, notamment l’usage excessif de la force et de moyens spéciaux, ainsi que les passages à tabac de détenus dans les cellules, qui constituent des mauvais traitements ; l’absence de mécanisme de plainte efficace;

c)Les informations concernant la corruption dans le système pénitentiaire, où les détenus seraient obligés de payer les surveillants pour obtenir des services prévus par la loi, et le fait que les gardes du personnel pénitentiaire d’une durée de vingt-quatre heures n’ont pas été abolies  ;

d)Les carences des services médicaux, y compris la réalisation d’examens médicaux superficiels, l’absence de cohérence des dossiers médicaux et l’insuffisance des données qu’ils contiennent, l’accès limité à une aide spécialisée, le fait que les blessures soient rarement enregistrées et l’usage de la force et de moyens spéciaux  ;

e)La fréquence des violences entre détenus, en particulier dans les prisons de Sofia, Burgas et Varna, et le nombre élevé de décès en détention (art. 2, 10 à 14 et 16).

14. Le Comité rappelle ses précédentes recom mandations (voir CAT/C/BGR/CO/ 4 ‑ 5, par. 21) et recommande à l’État partie  :

a) D’intensifier ses efforts et d’augmenter les financements afin de rendre les conditions de vie dans les centres de détention conformes aux normes internationales telles que l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) et les Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok)  ;

b) D’accélérer la mise en œuvre de la stratégie visant à réformer les lieux de détention et d’augmenter les fonds alloués à cette fin  ; de renforcer le programme d’investissement pour la construction, la reconstruction et la modernisation des installations du système pénitentiaire et de probation, et de mettre en œuvre les projets de construction de nouvelles prisons  ;

c) De revoir entièrement son approche de la privation de liberté  ; de réduire la surpopulation carcérale, de respecter les délais pour la réparation, la rénovation et la réinstallation s’agissant des centres de détention existants et d’accélérer la construction de nouveaux lieux de détention  ; d’accélérer la mise en œuvre des mesures visant à ce que chaque détenu dispose d’un espace vital suffisant, conformément aux normes internationales  ;

d) D’accroître les crédits budgétaires alloués aux services de base fournis aux détenus, tels que l’accès à l’hygiène, y compris à des douches et à des toilettes, un système d’assainissement en état de fonctionnement et l’accès à l’eau, à un chauffage adéquat, à la ventilation, à l’éclairage naturel et artificiel, à de la nourriture et de l’eau potable de qualité et en quantité suffisantes, ainsi qu’à du mobilier et de la literie appropriés. L’État partie devrait également veiller à ce que toutes les personnes détenues, y compris celles placées à l’isolement, puissent faire de l’exercice et avoir des activités utiles  ;

e) De permettre à des organes indépendants de contrôle, notamment le Médiateur en tant que mécanisme national de prévention au titre du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, ainsi que d’autres mécanismes indépendants et impartiaux, y compris des organismes internationaux et des organisations de la société civile, d’effectuer régulièrement des visites inopinées dans tous les lieux de détention, y compris les postes de police, de s’entretenir en privé avec les détenus, de recueillir les plaintes des détenus concernant leurs conditions de détention et de traitement  ; de veiller à ce que les détenus ne fassent pas l’objet de représailles, et d’assurer un suivi efficace de ces plaintes  ;

f) De redoubler d’efforts pour introduire dans le système pénal des mesures non privatives de liberté en tant que solutions de substitution à la détention, conformément aux Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo)  ;

g) D’augmenter les effectifs d’agents pénitentiaires qualifiés, de dispenser aux agents une formation continue, notamment sur les dispositions de la Convention et la gestion des prisons, y compris la prévention de la violence entre détenus, de prendre des mesures pour abolir les gardes du personnel pénitentiaire d’une durée de vingt-quatre heures  ; de mener sans délai des enquêtes indépendantes sur les agents de l’État responsables de la corruption dans le système pénitentiaire et d’engager des poursuites à leur encontre  ;

h) De mener sans délai des enquêtes approfondies et impartiales sur tous les cas de décès en détention, de rendre les résultats de ces enquêtes publics, de poursuivre les personnes responsables des violations de la Convention qui ont conduit à ces décès et, si elles sont reconnues coupables, de les punir en conséquence  ; de veiller à ce que tous les cas de décès en détention donnent lieu à un examen médico ‑ légal indépendant  ; de fournir le rapport d’autopsie aux membres de la famille de la victime et, si demande en est faite, de les autoriser à faire pratiquer une autopsie indépendante  ; et de veiller à ce que les tribunaux de l’État partie acceptent les résultats des autopsies et des examens médico ‑légaux indépendants comme éléments de preuve dans les procédures pénales et civiles  ;

i) D’améliorer la qualité des services de santé fournis aux détenus  ; de procéder rapidement à un examen médical des personnes à leur arrivée dans les centres de détention et après un transfert, afin notamment de détecter les maladies infectieuses et d’en prévenir la propagation  ; de recruter davantage de médecins qualifiés  ; de conserver correctement les dossiers et registres médicaux, notamment ceux utilisés pour l’enregistrement des blessures  ; d’établir des règles sur la manière de traiter les demandes d’assistance médicale privée des détenus  ; de faciliter les consultations de spécialistes extérieurs, notamment pour les soins dentaires et psychiatriques; et d’arrêter de menotter ou d’immobiliser d’une autre manière les prisonniers qui se font soigner à l’extérieur.

Traitement des personnes placées en institution, y compris des personnesayant un handicap mental

15.Le Comité est toujours préoccupé par les informations selon lesquelles :

a)Les personnes présentant des handicaps mentaux et psychosociaux placées dans des institutions médicales publiques et municipales sont toujours privées de leur capacité juridique et ne bénéficient pas de garantiesjuridiques, de procédure et de fond, suffisantes pour être protégées contre des restrictions excessives et jouir du droit à l’intégrité mentale et physique ;

b)Le nombre de cas de placement en institution sans consentement, inapproprié ou inutile, est élevé ; les personnes privées de leur capacité juridique n’ont aucun recours en cas de violations de leurs droits et il n’existe pas de dispositif indépendant d’inspection ou de surveillance des établissements de santé mentale, lesquels sont encore aujourd’hui situés dans des endroits reculés ;

c)Des responsables des établissements dans lesquels les personnes handicapées sont placées participent encore aux procédures d’admission et aux mécanismes de tutelle, ce qui peut donner lieu à un conflit d’intérêts et aboutir à une détention de fait, et le placement est décidé à la demande d’un tiers et non pas de la personne handicapée ;

d)Les traitements médicamenteux et les moyens de contrainte chimique sont utilisés de manière excessive ; des traitements et thérapies psychiatriques intrusifset irréversibles, comme l’administration de neuroleptiques, sontappliqués de force, sans le consentement des intéressés ; on constate des cas de violence parmi les patients, par exemple des comportements d’autodestruction ; le personnel a des comportements punitifs fondés sur le handicap des personnes concernées ;

e)Les conditions matérielles dans certains établissements sont telles qu’elles constituent un traitement inhumain et dégradant, notamment l’utilisation d’espaces clos par des barreaux (« des cages »), l’absence de mobilier, les mauvaises conditions d’hygiène et l’insuffisance de l’accès aux installations sanitaires ;

f)Les ministères chargés de la santé, du travail, de la politique sociale et de l’éducation et de la recherche scientifique n’ont pas renouvelé les agréments accordés aux institutions de la société civile, ce qui amoindrit la capacité de superviser ces institutions ;

g)Les mineurs placés dans des centres d’accueil pour enfants ayant des handicaps mentaux et psychosociaux ont fait l’objet d’actes de négligence, de harcèlement et de violence.

16. L’État partie devrait  :

a) Faire en sorte que la législation nationale prévoie des garanties juridiques effectives pour toutes les personnes ayant des handicaps mentaux et psychosociaux contre l’hospitalisation forcée dans le cadre civil, notamment au moyen d’un réexamen judiciaire du placement, et l’imposition d’un traitement psychiatrique et médical sans consentement dans les établissements psychiatriques, y compris l’utilisation de moyens de contention chimique et physique  ;

b) Revoir le statut juridique des patients et veiller à ce que leur consentement soit demandé concernant l’hospitalisation et l’administration d’un traitement médical psychiatrique, et garantir qu’ils puissent exercer leur droit de former un recours contre une décision de leur administrer un traitement ou de les hosp italiser sans leur consentement ;

c) Garantir le droit du patient d’être entendu en personne par le juge qui ordonne l’hospitalisation et veiller à ce que le tribunal demande toujours l’avis d’un psychiatre qui n’est pas rattaché à l’établissement psychiatrique qui admet le patient  ;

d) Faire en sorte que des visites des établissements psychiatriques soient régulièrement effectuées par un organe externe spécialement mandaté, indépendant vis-à-vis des autorités de santé, et mettre en place un mécanisme de plainte indépendant  ;

e) Envisager des alternatives moins restrictives à l’internement forcé pour les personnes présentant des handicaps mentaux et psychosociaux  ;

f) Mener sans délai des enquêtes impartiales sur toutes les plaintes dénonçant des mauvais traitements subis par des personnes présentant des handicaps mentaux et psychosociaux hospitalisées dans un établissement psychiatrique, faire traduire les responsables en justice et assurer réparation aux victimes  ;

g) Prendre des mesures pour prévenir toute forme de mauvais traitement s dans les établissements psychiatriques et autres institutions  ; veiller à ce que le recours à des traitements médicamenteux corresponde strictement à un besoin médical et qu’il n’en soit pas fait une utilisation abusive, notamment par la mise en place de dispositifs internes d’inspection  ; tenir compte des Principes pour la protection des personnes atteintes de maladie mentale et pour l’amélioration des soins de santé mentale.

Défaut d’enquête sur la mort de 238 enfants ayant un handicap mental

17.Le Comité est profondément préoccupé par la réponse de l’État partie concernant l’absence d’enquête sur la mort de 238 enfants ayant un handicap mental, décédés pendant la période 2000-2010, les trois quarts d’entre eux de maladies évitables, et de deux autres enfants morts dans des circonstances analogues à l’établissement de Medven, peu de temps avant l’examen par le Comité du précédent rapport périodique. Le Comité est atterré par la déclaration de l’État partie dans laquelle il indiquait que les 22 inspections réalisées dans les institutions en cause n’avaient pas permis d’établir qu’il y avait eu des traitements inhumains de la part du personnel, et se bornait à affirmer qu’en raison de lacunes dans les règles en vigueur, des enfants avaient été inhumés sans avoir été autopsiés.

18. Le Comité demande à l’État partie de faire ouvrir d’urgence une enquête sur la mort des 238  enfants placés en institutions spécialisées et des deux enfants décédés à Medven et de lui faire connaître, avant le 6 décembre 2018, les résultats de l’enquête et la suite qu’il aura donnée à cette affaire.

Institution du Médiateur et mécanisme national de prévention

19.Le Comité relève avec préoccupation que le Bureau du Médiateur, désigné comme mécanisme national de prévention en application du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, a été doté du statut B par le Sous-Comité d’accréditation de l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme car il n’est pas conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales (Principes de Paris), ce qui est également le cas de la deuxième institution nationale des droits de l’homme de l’État partie, la Commission pour la protection contre la discrimination. Il s’inquiète également de ce que le budget du mécanisme national de prévention ait été réduit et que cet organe n’ait pas le personnel suffisant pour s’acquitter efficacement de son mandat. Le Comité regrette en outre que le mécanisme ne soit pas en mesure d’effectuer fréquemment des visites dans tous les lieux où des personnes sont privées de liberté, comme les lieux de détention aux fins d’enquête, les centres spéciaux d’hébergement temporaire pour étrangers, les centres de prise en charge des mineurs et les institutions pour personnes présentant des handicaps mentaux et psychosociaux, et que les recommandations qu’il avait faites, en particulier en ce qui concerne les conditions de détention équivalant à de la maltraitance, n’aient pas toujours été prises en considération (art. 2, 11 à 13 et 16).

20. L’État partie devrait  :

a) Renforcer le B ureau du Médiateur et le doter de ressources humaines, matérielles et financières suffisantes, conformément aux Principes de Paris. Prendre des mesures qui reflètent entièrement les recommandations en vue de l’accréditation faites par le Sous-Comité d’accréditation et veiller à donner effet aux recommandations du Médiateur, y compris en ce qui concerne l’attribution de réparations aux victimes, l’engagement de poursuites contre les responsables et l’amélioration du traitement et des conditions matérielles dans les lieux de privation de liberté  ;

b) Prendre des mesures pour renforcer l’efficacité des fonctions de surveillance du mécanisme national de prévention et lui permettre de procéder régulièrement à des visites inopinées dans tous les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté, comme les lieux de détention aux fins d’enquête et les centres spéciaux d’hébergement provisoire pour étrangers, les centres de prise en charge des mineurs et les institutions pour personnes présentant des handicaps mentaux et psychosociaux  ; autoriser la surveillance régulière des lieux de privation de liberté par les organisations non gouvernementales, en complément de la surveillance effectuée par le mécanisme national de prévention, notamment des visites des hôpitaux psychiatriques et des institutions spécialisées dans la prise en charge des adultes et des enfants ayant des handicaps mentaux ou psychosociaux .

Non-refoulement

21.Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie ne semble pas se conformer aux obligations mises à sa charge par la Convention en ce qui concerne les personnes demandant l’asile ou une protection internationale. Il est également préoccupé par les informations crédibles, soumises par le Médiateur, selon lesquelles, en 2016, plusieurs cas de violations graves du droit interne et du droit international au cours de l’expulsion de ressortissants de pays tiers ont été portés à sa connaissance ; par l’expulsion de 2 500 personnes ; par l’extradition, en août 2016, de M. Abdullah Buyuk, de nationalité turque, malgré deux décisions, l’une du tribunal de la ville de Sofia et l’autre de la cour d’appel, s’y opposant, sans notification du Médiateur, lequel a considéré que l’extradition avait été effectuée en violation des articles 28 et 29 de la Constitution et de l’article 44 a) de la loi relative aux étrangers. D’après le Médiateur, M. Buyuk n’a pas eu la possibilité de former recours contre l’arrêté d’expulsion ou de préparer sa défense devant le tribunal (art. 2, 3 et 16).

22. L’État partie devrait  :

a) Veiller à s’acquitter pleinement des obligat ions qui découlent de l’article  3 de la Convention et faire en sorte que les individus placés sous sa juridiction soient traités avec équité et avec la considération voulue par les autorités compétentes à tous les stades de la procédure, et bénéficient, entre autres garanties, d’un réexamen effectif et impartial de leur situation par un mécanisme décisionnel indépendant, dans les cas d’expulsion, de renvoi ou d’extradition, avec effet suspensif  ;

b) S’acquitter de l’obligation de non-refoulement et garantir l’exercice du droit de faire recours dans le pays contre un arrêté d’expulsion quand il existe des motifs sérieux de croire que l’intéressé risque d’être soumis à la torture, et assurer le respect de toutes les garanties et mesures provisoires de protection dans le cadre des procédures d’asile et d’expulsion  ;

c) Suivre auprès des autorités turques la situation de M.  Buyuk et faire parvenir au Comité des informations faisant le point de cette situation  ;

d) Donner au Comité des renseignements à jour sur la situation de Youssef  Kayed et de Moussa Kamel Ismael depuis leur arrivée au Liban.

Situation des demandeurs d’asile et des migrants

23.Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié la Convention relative au statut des apatrides et la Convention sur la réduction des cas d’apatridie et d’avoir établi une procédure de détermination de la condition d’apatride mais il est préoccupé par les modifications apportées à la loi relative à l’asile et aux réfugiés, qui donnent un fondement légal à la détention des demandeurs d’asile pour des motifs liés à l’immigration ; il est également préoccupé par lesmauvaises conditions matérielles dans les centres d’accueil, l’absence de dispositif permettant de repérer les personnes en situation de vulnérabilité, la suppression de l’allocation mensuelle que percevaient les demandeurs d’asile et l’insuffisance des garanties de procédure dans l’évaluation de la situation des demandeurs et l’octroi de la protection internationale. Il est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles des demandeurs d’asile sont brutalisés par la police des frontières, et notamment par le blocage par la force de l’entrée sur le territoire bulgare d’au moins 59 demandeurs d’asile et migrants à la frontière turque entre mars et novembre 2015, les violences qu’ils auraient subies de la part des agents des forces de l’ordre et la mort suspecte d’un Afghan en octobre 2015 ; à cela s’ajoutent le vol de leurs affaires personnelles et de leur argent et les actions illicites de groupes de milices à l’égard des migrants. Le Comité constate aussi avec inquiétude que les migrants qui entrent irrégulièrement en Bulgarie sont systématiquement placés en détention pour une durée pouvant aller jusqu’à dix-huit mois (art. 2, 11 à 13 et 16).

24. L’État partie devrait  :

a) Veiller à ce que les personnes qui ont besoin d’une protection internationale ne soient pas arbitrairement placées en détention, assurer un contrôle judiciaire de la détention, étudier des mesures de substitution à la détention et interdire le placement en détention des enfants  ;

b) Ne pas enregistrer les enfants seuls appréhendés alors qu’ils entraient irrégulièrement sur le territoire comme étant « accompagnés » par des adultes avec lesquels ils n’ont pas de lien et mettre en place un organe unique chargé de coordonner la politique de protection de l’enfant  ;

c) Dispenser des formations sur la conduite à adopter envers les migrants et les autres personnes vulnérables afin d’empêcher que les demandeurs d’asile soient brutalisés par les agents des forces de l’ordre, y compris par la police des frontières  ; ouvrir sans délai des enquêtes sur tous les cas d’utilisation excessive de la force  ;

d) Mettre en œuvre des procédures permettant de repérer les personnes en situation de vulnérabilité, notamment en fournissant les services d’interprètes  ; procéder à des évaluations individuelles de chaque situation  ; et faire en sorte que des garanties procédurales suffisantes soient offertes dans les procédures de protection et de détermination du statut de réfugié  ;

e) Veiller à ce que les personnes vulnérables, notamment les victimes de torture et de mauvais traitements, soient repérées rapidement et de manière fiable, et leur permettre d’accéder à des soins de santé e t à des services psychologiques ;

f) Prendre des mesures pour qu’il ne soit procédé à aucun refoulement, et mettre en place des systèmes d’entrée accessibles et tenant compte des besoins de protection aux po ints de passage de la frontière ;

g) Prévenir la stigmatisation des migrants et les attaques contre eux, y compris les vols dont ils sont victimes de la part d’agents des for ces de l’ordre et d’acteurs non étatiques tel s que des groupes d’ autodéfense  ; et empêcher les particul iers d’appréhender des migrants ;

h) Rétablir le versement d’une allocation mensuelle aux demandeurs d’asile, et améliorer les conditions matérielles dans les centres d’accueil afin de garantir des c onditions de vie satisfaisantes ;

i) Réduire la surpopulation dans les centres de détention pour migrants, notamment à Busmanti et à Lyubimets .

Violence familiale et violence faite aux femmes

25.Le Comité demeure préoccupé par la fréquence et le nombre des cas de violence familiale, et notamment de viol conjugal, qui, l’écrasante majorité des victimes étant des femmes, constituent une forme de violence fondée sur le genre, ainsi que par le fait que la violence familiale n’est toujours pas définie dans le Code pénal comme une infraction spécifique. Il constate également avec inquiétude que les victimes n’ont qu’un mois pour demander une ordonnance de protection, qui ne peut pas être modifiée en cas d’aggravation des violences, que les décisions judiciaires rendues en vertu de la loi sur la protection contre la violence familiale ne sont susceptibles d’aucun recours, et qu’il n’existe pas suffisamment de foyers gérés par les pouvoirs publics pour accueillir les femmes victimes de violence familiale et leurs enfants. Il est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles les forces de l’ordre et le parquet seraient insuffisamment formés et sensibilisés à la gestion des cas de violence familiale et à la protection des victimes (art. 2, 12 à 14 et 16).

26. Rappelant sa précédente recommandati on (voir CAT/C/BGR/CO/4-5, par.  25), le Comité engage l’État partie à  :

a) Modifier sa législation en vue d’inclure la violence familiale, y compris le viol conjugal, dans le Code pénal comme une infraction spécifique p ouvant être poursuivie d’office ;

b) Inciter les victimes à signa ler les violences aux autorités ; faire en sorte que toutes les allégations de violence à l’égard des femmes, notamment de violence familiale et de violence sexuelle, soient enregistrées par la police et fassent dans les meilleurs délais l’objet d’enquê tes impartiales et approfondies ; remédier à la médiocrité des techniques d’enquête et à la mauvaise gestion des preuves dans les affaires de violence fa miliale, en particulier de viol ;

c) Veiller à ce que toutes les victimes de violence fondée sur le genre et de violence familiale bénéficient d’une protection, notamment d’ordonnances d’éloignement, et aient accès à des services médicaux et juridiques, y compris à des services d’accompagnement, à des recours et des mesures de réparation et de réadaptation, ainsi qu’à des centres d’accueil sûrs et suffisamment financés par l’État, sur tout le territoire  ;

d) Mettre en place un mécanisme de plainte efficace et indépendant à l’intention des victimes de violence familiale  ;

e) Fournir une formation obligatoire à la police et à d’autres membres de la force publique, aux procureurs, aux juges et aux travailleurs sociaux sur la vulnérabilité des victimes de violence fondée sur le genre, notamment de violence familiale ;

f) Recueillir des données statistiques sur la violence familiale, la violence sexuelle et d’autres formes de violence envers les femmes, y compris le viol conjugal, ventilées en fonction de l’âge et de l’appartenance ethnique des victimes et de leur lien avec l’auteur des violences, ainsi que sur le nombre de plaintes relatives à ce type de violences, sur les enquêtes, les poursuites et les condamnations auxquelles elles ont donné lieu et sur les peines prononcées.

Traite des personnes

27.Le Comité prend note des mesures que l’État partie a prises pour combattre la traite des êtres humains, notamment l’adoption de la stratégie nationale de lutte contre la traite pour la période 2017-2021, mais il constate avec préoccupation que la Bulgarie demeure un pays d’origine en ce qui concerne la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, d’exploitation du travail et de prélèvement d’organes et de fluides corporels. Il est également préoccupé par le décalage entre la législation, les stratégies et leur mise en œuvre et par le fait qu’elles ne portent pas sur les causes profondes de la traite, en particulier en ce qui concerne les femmes roms. Le Comité est également préoccupé par l’insuffisance de l’aide fournie aux victimes de la traite, notamment par le fait que peu de foyers leurs sont destinés, qu’il n’existe pas de dispositif permettant de repérer les victimes, que les soins de santé qui leur sont apportés sont insuffisants et qu’il n’existe pas de service spécialisé pour les enfants victimes de la traite (art. 2, 3, 14 et 16).

28. L’État partie devrait  :

a) Appliquer rigoureusement la législation pour combattre la traite des êtres humains, ouvrir rapidement des enquêtes approfondies et impartiales sur toute allégation de traite, poursuivre les personnes qui en sont accusées et, si elles sont reconnues coupables, les condamner à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes  ;

b) Prendre des mesures efficaces pour prévenir et éliminer la traite des êtres humains, notamment en dispensant aux agents de l’État, en particulier aux membres des forces de l’ordre, aux agents de l’immigration et aux membres du parquet, une formation spécialisée concernant les méthodes permettant de repérer les victimes de la traite, les enquêtes sur les faits de traite, la poursuite des auteurs et les peines applicables, et créer un mécanisme de repérage des victimes de la traite ;

c) Veiller à la mise en œuvre effective de la stratégie nationale de lutte contre la traite pour la période 2017-2021, fournir à la Commission nationale de lutte contre la traite des êtres humains les ressources financières nécessaires pour remplir son mandat, élargir la coopération avec les organisations non gouvernementales et mener des campagnes nationales de prévention mettant l’accent sur la nature criminelle de la traite ;

d) Améliorer la protection des victimes de la traite et leur fournir, en particulier aux mineurs, un soutien ainsi que des mesures de réparation, notamment une aide juridictionnelle gratuite, un suivi médical et psychologique spécialis é et des mesures de réinsertion ; accroître le nombre de refuges et de centres de crise et améliorer l’assistance apportée aux victimes pour signaler les faits de traite à la police, notamment en créant un num éro d’urgence accessible vingt- quatre heures sur vingt ‑quatre ;

e) Poursuivre la coopération internationale en matière de prévention et de répression des formes transnationales de traite avec les pays d’origine, de transit et de destination et empêcher le renvoi de victimes de la traite dans leur pays d’origine lorsqu’il y a des motifs sérieux de craindre qu’elles y soient soumises à la torture  ;

f) Fournir au Comité des données ventilées complètes sur le nombre d’enquêtes menées, de poursuites engagées et de condamnations prononcées dans des affaires de traite ainsi que sur les mesures de réparation effectivement accordées aux victimes.

Discrimination, violence et crimes de haine à l’égard des groupes vulnérables

29.Le Comité est préoccupé par les informations concernant la forte augmentation depuis 2014 des violences à l’égard des groupes minoritaires comme les Roms, les musulmans − avec des atteintes à leurs lieux de culte −, les migrants, les réfugiés et demandeurs d’asile, les Turcs, les Juifs, les personnes d’ascendance africaine et les membres de minorités sexuelles, ainsi que des militants des droits de l’homme qui les défendent. Le Comité constate avec inquiétude que, parmi les membres des forces de l’ordre qui ont été poursuivis pour ce type d’infraction, principalement pour avoir infligé des blessures légères, peu ont été reconnus coupables, et ceux qui l’ont été ont ensuite été condamnés à des peines avec sursis ou à des amendes (art. 2, 12 à 14 et 16).

30. L’État partie devrait  :

a) Définir les crimes de haine dans son droit interne et mettre en place des protocoles visant à les prévenir et à garantir qu’au pénal, les motifs relevant de la discrimination constitu ent une circonstance aggravante ;

b) Enquêter systématiquement sur les actes de violence et de discrimination, poursuivre les auteurs et, s’ils sont re connus coupables, les condamner ; fournir au Comité des informations sur l’issue de toute procédure concernant les attaques menées par le parti Ataka contre la communauté musulmane en 2011, près de la mosquée Banya Bashi à Sofia ;

c) Redoubler d’efforts en vue d’éliminer les stéréotypes concernant les Roms et les autres groupes minoritaires vulnérables et la discrimination dont ils sont victimes, en intensifiant les campagnes de sensibilisatio n à destination du grand public ;

d) Prendre des mesures concrètes afin que les membres de la communauté rom et des autres groupes et minorités vulné rables ne soient pas stigmatisés ; veiller à ce que l’usage excessif de la force par les forces de l’ordre envers des membres de ces communautés fasse promptement l’objet d’enquêtes impartiales et que les aut eurs soient poursuivis et punis ; offrir aux victimes les voies de recours et les réparations prévues par la Convention, notamment en ce qui concerne l’indemnisation et les dommages-intérêts.

Formation

31.Le Comité prend note de la formation professionnelle dispensée aux agents publics, mais il est préoccupé par le fait que les agents de la force publique, les gardes frontière, le personnel pénitentiaire et les policiers ne reçoivent pas une formation suffisante sur les dispositions de la Convention, notamment l’interdiction absolue de la torture, sur la violence à l’égard des femmes et sur la traite des êtres humains. Il relève également avec inquiétude que les professionnels de la santé qui travaillent auprès de personnes privées de liberté ne sont pas tous formés à l’application du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul). Le Comité constate en outre avec préoccupation que peu d’informations sont disponibles concernant les effets de cette formation sur les bénéficiaires, notamment les membres des forces de l’ordre, le personnel pénitentiaire et les gardes frontière (art. 10).

32. Rappelant sa précédente recommandation (voir CAT/C/BGR/CO/4 -5, par.  20), le Comité recommande à l’ État partie  :

a) De mettre en place à l’intention des membres des forces de l’ordre, du personnel pénitentiaire, des juges, des procureurs et des avocats une formation obligatoire concernant les dispositions de la Convention, l’interdiction absolue de la torture, la violence à l’égard des femmes et la traite des êtres humains  ; et de dispenser aux membres des forces de l’ordre une formation concernant les Principes de base relatifs au recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les respons ables de l’application des lois ;

b) De veiller à ce que le Protocole d’Istanbul constitue un élément central de la formation dispensée à tous les professionnels de santé et autres agents de la fonction publique qui travaillent auprès de personnes privées de liberté  ;

c) D’élaborer et d’appliquer des méthodes spécifiques pour évaluer l’efficacité des programmes de formation et d’enseignement relatifs aux dispositions de la Convention destinés aux agents des forces de l’ordre et aux autres agents publics et de déterminer dans quelle mesure ces programmes contribuent à rédu ire le nombre de cas de torture ;

d) De dispenser aux membres des forces de l’ordre, aux procureurs et aux juges une formation relative aux méthodes d’enquête non coercitives.

Mesures de réparation en faveur des victimes de torture

33.Le Comité prend note de l’existence de la loi sur l’aide et l’indemnisation financière des victimes d’actes criminels, qui est en cours de modification, mais est préoccupé par le fait que, pendant la période à l’examen, l’État partie n’a pris aucune mesure de réparation ou de réadaptation en faveur de victimes de torture (art. 14).

34. L’État partie devrait veiller à ce que les victimes de torture et de mauvais traitements obtiennent réparation, y compris les moyens nécessaires à leur réadaptation, et puissent exercer le droit d’obtenir une indemnisation juste et adéquate, et à ce que ce droit soit reflété dans les modifications de la loi sur l’aide et l’indemnisation financière des victimes d’actes criminels. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o 3 (2012) concernant la mise en œuvre de l’article 14 de la Convention, dans laquelle il précise la teneur et la portée de l’obligation faite aux États parties d’accorder une réparation complète aux victimes de la torture et recommande à ces États de modifier leur législation en conséquence.

Aveux forcés

35.Bien qu’étant informé par l’État partie que le droit bulgare érige en infraction toute action coercitive illicite visant à soutirer des aveux et prévoit des garanties contre l’utilisation de déclarations obtenues sous la torture comme preuves dans des procédures judiciaires, le Comité constate avec préoccupation qu’il n’existe toujours pas de législation interdisant expressément l’admission comme preuves d’éléments obtenus par la torture et des mauvais traitements. Il constate également avec inquiétude que les tribunaux n’examinent pas les circonstances dans lesquelles les déclarations, y compris celles par lesquelles la personne concernée reconnaît sa culpabilité, sont obtenues, et que des procureurs ont présenté au tribunal des déclarations obtenues en violation des procédures prévues par la loi, qui sont demeurées au dossier pendant toute la procédure. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles, dans un grand nombre de cas, des enfants ont dit avoir été forcés d’avouer des actes qu’ils n’avaient pas commis (art. 2, 15 et 16).

36. Rappelant sa précédente recommandati on (voir CAT/C/BGR/CO/4-5, par.  18), le Comité recommande à l’État partie d’adopter une loi interdisant expressément l’utilisation en tant que preuves, dans toute procédure judiciaire, de déclarations obtenues par la torture ou toute forme de coercition, conformément à l’article 15 de la Convention. En outre, l’État partie devrait  :

a) Veiller à ce que toutes les personnes, y compris mineures, condamnées sur la base de preuves obtenues par la torture ou des mauvais traitements bénéficient d’un nouveau procès et obtiennent une réparation appropriée  ;

b) Veiller à ce que les déclarations obtenues par la torture ne puissent en pratique être invoquées comme élément de preuve dans aucune procédure, si ce n’est contre la personne accusée de torture ;

c) Faire prendre par son pouvoir judiciaire, et notamment par la Cour suprême de cassation, des mesures visant à réexaminer les condamnations fondées uniquement sur des aveux, puisque nombre d’entre elles pourraient avoir eu pour fondement des éléments obtenus par la torture et des mauvais traitements  ; ouvrir sans délai des enquêtes impartiales sur ces cas, prendre les mesures correctives appropriées, et indiquer si des fonctionnaires ont été poursuivis et punis pour avoir extor qué des aveux par la contrainte ;

d) Fournir au Comité des renseignements sur les cas dans lesquels des aveux ont été jugés irrecevables au motif qu’ils avaient été obtenus par la torture et indiquer si des fonctionnaires ont été poursuivis et punis pour avoir extorqué de tels aveux.

Procédure de suivi

37. Le Comité demande à l’État partie de lui f aire parvenir au plus tard le 6  décembre 2018 des renseignements sur la suite qu’il aura donnée à ses recommandations concernant l’usage excessif de la force, le mécanisme national de prévention et la situation des demandeurs d’a sile et des migrants (voir par. 12  b), d) à f), 20 et 24 b) à e)). Dans ce contexte, l’État partie est invité à informer le Comité des mesures qu’il prévoit de prendre pour mettre en œuvre, d’ici la soumission de son prochain rapport, tout ou partie des autres recommandations formulées dans les présentes observations finales.

Autres questions

38. Le Comité invite l’État partie à ratifier les pri ncipaux instruments des Nations  Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie.

39. L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, au moyen des sites Web officiels et par l’intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales.

40. Le Comité prie l’État partie de soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le septième, le 6 décembre 2021 au plus tard. À cette fin, et compte tenu du fait que l’État partie a accepté d’établir son rapport selon la procédure simplifiée, le Comité lui adressera en temps voulu une liste préalable de points à t raiter. Les  réponses de l’État partie à cette liste constitueront le septième rapport périodique qu’il soumettra en application de l’ article  19 de la Convention.