Nations Unies

CAT/C/LUX/CO/8

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

2 juin 2023

Original : français

Comité contre la torture

Observations finales concernant le huitième rapport périodique du Luxembourg *

1.Le Comité a examiné le huitième rapport périodique du Luxembourg à ses 1987e et 1990e séances, les 26 et 27 avril 2023, et a adopté les présentes observations finales à sa 2003e séance, le 8 mai 2023.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du huitième rapport périodique de l’État partie. Il sait gré à l’État partie d’avoir accepté la procédure simplifiée de présentation des rapports, qui permet de mieux cibler le dialogue entre l’État partie et le Comité, et d’avoir soumis son rapport à temps.

3.Le Comité apprécie l’occasion qui lui a été donnée d’engager un dialogue constructif avec la délégation de l’État partie et accueille avec satisfaction les réponses orales et écrites apportées aux questions et aux préoccupations soulevées pendant l’examen du rapport périodique.

B.Aspects positifs

4.Le Comité constate avec satisfaction que, depuis l’examen de son précédent rapport périodique, l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après, ou y a adhéré :

a)La Convention sur la réduction des cas d’apatridie, le 21 septembre 2017 ;

b)La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul), le 7 août 2018 ;

c)Le Protocole relatif à la Convention de 1930 sur le travail forcé (no 29) de l’Organisation internationale du Travail, le 18 mars 2021 ;

d)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le 1er avril 2022.

5.Le Comité accueille également avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour réviser sa législation afin de donner effet aux recommandations du Comité et de mieux appliquer la Convention, notamment :

a)L’adoption de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire ;

b)L’adoption de la loi du 8 mars 2017 renforçant les garanties procédurales en matière pénale ;

c)L’adoption de la loi du 28 février 2018 renforçant la lutte contre l’exploitation de la prostitution, le proxénétisme et la traite des êtres humains à des fins sexuelles ;

d)L’introduction, en mars 2022, d’un droit pénal pour mineurs en conflit avec la loi.

6.Le Comité salue également d’autres efforts que déploie l’État partie pour donner effet à la Convention, notamment :

a)La création, en 2015, d’un comité interministériel chargé de veiller à la mise en œuvre des recommandations des mécanismes internationaux de protection des droits humains ;

b)L’adoption, en 2016, du Plan d’action national contre la traite des êtres humains ;

c)La création, en 2018, d’un poste de contrôleur externe des lieux privatifs de liberté, qui est chargé de veiller au respect des droits fondamentaux des détenus ;

d)L’introduction, en 2018, d’un régime de détention individuelle pour les détenus ;

e)L’introduction, en 2022, d’une réforme de la protection de la jeunesse visant une plus grande conformité avec la Convention relative aux droits de l’enfant.

7. Le Comité se félicite en outre de l ’ engagement de l ’ État partie en faveur du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture , et l ’ encourage à continuer d ’ y contribuer et à envisager d’ augmenter le montant de ses contributions.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Questions en suspens issues du cycle précédent

8.Dans ses précédentes observations finales, le Comité avait demandé à l’État partie de lui faire parvenir des renseignements sur la suite donnée à ses recommandations concernant les conditions de détention, les actes racistes et xénophobes à l’égard de détenus étrangers, la justice pour mineurs et les pouvoirs du procureur. Le Comité regrette que, malgré le rappel adressé le 26 août 2016 par le Rapporteur pour le suivi des observations finales, l’État partie n’ait fourni aucune réponse dans le cadre de la procédure de suivi des observations finales.

Garanties juridiques fondamentales

9.Le Comité prend note des garanties procédurales visant à prévenir la torture et les mauvais traitements énoncées dans le Code de procédure pénale, lequel consacre notamment le droit à un interprète aux articles 3-2 et 3-3. Il prend également note du fait que les personnes privées de liberté se voient remettre une fiche d’information sur leurs droits, disponible en plusieurs langues. Il s’inquiète toutefois d’informations selon lesquelles le droit de toute personne placée en garde à vue de s’entretenir avec un avocat dès le début de la mesure, garanti à l’article3-6 du Code de procédure pénale, n’est pas toujours respecté en pratique. Tout en prenant note du fait que l’article 39 du Code de procédure pénale garantit le droit d’être examiné sans délai par un médecin, le Comité reste préoccupé par le fait que les examens médicaux se font en présence d’un agent de la force publique et que, en l’absence de ce dernier, le détenu est menotté. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles des personnes doivent parfois attendre plusieurs heures avant de pouvoir aviser un tiers de leur détention (art. 2, 11 et 16).

10. L ’ État partie devrait veiller à ce que toutes les personnes arrêtées ou détenues bénéficient, en droit et dans la pratique , de toutes les garanties fondamentales dès le début de leur privation de liberté, notamment à ce qu ’ elles s oient assistées par un avocat, ou si nécessaire, bénéficient d ’ une aide juridictionnelle de qualité , et qu’elles a ient le droit de demander et d’ obtenir d ’ être examinées en toute confidentialité par un médecin indépendant. À cet égard, l’ État partie devrait garantir que les examens médicaux sont effectués hors de l ’ écoute et de la vue de tout policier ou membre du personnel pénitentiaire , et sans que la personne concernée soit menottée, sauf si le médecin concerné demande explicitement le contraire, et voir à ce que les dérogations à ce principe ne soient consenties que de manière exceptionnelle et strictement nécessaire . L ’ État partie devrait également veiller à ce que toutes les personnes arrêtées ou détenues p uissent informer un proche ou un tiers de leur choix de leur placement en détention.

Détention préventive

11.Le Comité prend note des conditions de placement en détention préventive prévues à l’article 94 du Code de procédure pénale, qui exigent un minimum de gravité des faits en cause pour justifier une telle mesure. Néanmoins, il note que sur l’ensemble de la population carcérale, 43 % des détenus seraient en détention préventive. Le Comité s’inquiète de l’existence d’une présomption de risque de fuite lorsque la personne est étrangère ou n’a pas sa résidence légale au Luxembourg. Cette présomption de fuite permettant au juge d’instruction de placer la personne en détention préventive, elle impose des conditions moins strictes que celles applicables aux personnes ayant leur résidence légale au Luxembourg. Tout en notant qu’un détenu peut faire une demande de remise en liberté provisoire, le Comité s’inquiète du fait que la durée de la détention préventive n’est pas encadrée par les textes de loi. En ce qui concerne les mineurs, le Comité se félicite de l’introduction d’un projet de loi établissant une durée maximale de détention préventive des mineurs. Il note toutefois avec préoccupation que celle-ci peut totaliser douze mois (art. 2, 11 et 16).

12.L ’ État partie devrait :

a)Adopter les mesures nécessaires, y compris législatives, pour mettre fin à la présomption d’un risque de fuite en matière criminelle basée uniquement sur le fait que la personne concernée est étrangère ou n’a pas sa résidence légale au Luxembourg et, s’agissant d’une mesure de contrainte privative de liberté, faire reposer la détention avant jugement sur une évaluation au cas par cas déterminant qu’elle est raisonnable et nécessaire au regard de toutes les circonstances ;

b)Poursuivre la réforme du droit pénal et de la procédure pénale et, dans ce cadre, raccourcir la durée de détention préventive des mineurs, en conformité avec les recommandations du Comité des droits de l ’ enfant ;

c)Promouvoir activement, au sein des parquets et auprès des juges, le recours à des mesures de substitution à la détention préventive, conformément aux Règles minima des Nations Unies pour l ’ élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) et aux Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l ’ imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok).

Conditions de détention

13.Le Comité salue la réduction de 31 %, observée entre 2010 et 2020, du taux d’incarcération par rapport au nombre d’habitants, et prend note du taux d’occupation des établissements pénitentiaires, qui s’élevait à 77 % en 2021. Il prend note avec satisfaction des efforts en cours visant à assurer de manière pérenne la séparation des prévenus et des condamnés. Le Comité se félicite de l’accès gratuit aux soins médicaux et aux médicaments offert aux détenus, et note qu’un projet de règlement grand-ducal garantit une consultation médicale dans un délai de vingt-quatre heures à partir de l’arrivée au centre de détention. Le Comité relève avec intérêt les efforts réalisés afin de mieux prendre en charge et prévenir les troubles psychologiques au sein des prisons. Néanmoins, il s’inquiète que les ressources allouées à cette prise en charge ne soient pas suffisantes pour assurer un même niveau de soins que celui des patients traités hors du système pénitentiaire (art. 2, 11 et 16).

14. L ’ État partie devrait garantir la consultation médicale des détenus immédiatement après leur admission au centre de détention , éventuellement prévoir un délai subsidiaire de vingt-quatre heures en cas d ’ impossibilité momentanée et améliorer la qualité des soins de santé mentale dispensés aux détenus.

Violence en détention

15.Le Comité déplore une augmentation du nombre de violences entre détenus au sein des établissements pénitentiaires. Il est préoccupé par les informations selon lesquelles ces violences seraient dues principalement au trafic de drogue présent dans les établissements pénitentiaires et à la concentration des détenus dans les cellules (art.2, 11 et 16).

16. Le Comité demande à l ’ État partie de renforcer les mesures de prévention et de réduction de la violence entre détenus, notamment en mettant en place des stratégies de prévention appropriées prévoyant le suivi et la consignation de ces incidents afin que toute allégation donne lieu à une enquête et que les responsables aient à répondre de leurs actes.

Fouilles

17.Tout en notant que le Code de procédure pénale assortit le recours à la fouille intime de conditions strictes, notamment l’existence de risques sérieux que la personne dissimule des objets, des documents ou des effets produits d’un crime ou d’un délit ou qui ont permis de commettre un crime ou un délit, le Comité s’inquiète que la fouille intégrale ne soit pas assortie de conditions similaires (art. 2, 11 et 16).

18. L ’ État partie devrait exercer une surveillance rigoureuse des procédures de fouille corporelle et garantir que ces fouilles ne sont pas dégradantes, les fouilles corporelles invasives ne devant être pratiquées que dans des cas exceptionnels, de la manière la moins invasive possible, par du personnel compétent du même sexe et dans le plein respect de la dignité et de l ’ identité de genre de la personne , conformément aux règles 50 à 53 de l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela). Le Comité invite l’État partie à mener une réflexion sur les mesures de substitution aux fouilles corporelles invasives (fouilles intimes et intégrales), notamment le recours à des moyens électroniques tels que le scanner corporel.

Régime disciplinaire

19.Le Comité prend note de l’abolition du régime cellulaire strict par la loi du 20 juillet 2018 portant réforme de l’administration pénitentiaire et son remplacement par un régime cellulaire plus souple permettant un contact avec des codétenus. Il note toutefois avec préoccupation que le régime disciplinaire prévu par cette loi, qui est repris dans les règlements intérieurs de centres pénitentiaires, est imprécis. Or, la procédure disciplinaire en détention relevant de la matière pénale, il est essentiel que le détenu sache à l’avance les comportements qui l’exposent à une sanction disciplinaire. Le Comité regrette que les sanctions soient cumulatives et sans limites, ce qui porte atteinte aux principes de prévisibilité et de nécessité des peines. S’il salue l’existence de recours contre les décisions disciplinaires prévue aux articles 34 et 35 de la loi du 20 juillet 2018, le Comité s’inquiète que ces recours n’aient pas d’effet suspensif. Il s’interroge en outre sur le manque de pluralité et de pluridisciplinarité dans la composition de la commission de discipline (art.2, 11 et 16).

20.L ’ État partie devrait :

a)Poursuivre la réforme réglementaire en cours portant sur l’organisation des centres pénitentiaires, de manière à préciser les actes susceptibles de faire l’objet d’une sanction disciplinaire ;

b)Adopter des règlements intérieurs propres à chaque centre pénitentiaire et qui instaurent une échelle de sanctions claire selon les comportements ;

c)Mettre en place des délais plus courts pour les recours contre les décisions disciplinaires et prévoir que ces recours aient un effet suspensif ;

d)Instaurer des mesures pour accroître la pluralité et la pluridisciplinarité dans la composition de la commission de discipline.

Justice des mineurs

21.Le Comité prend note de la réforme en cours du régime de la protection de la jeunesse, notamment les projets de loi no 7991 portant introduction d’une procédure pénale pour mineurs et no 7992 relatif aux droits des mineurs victimes et témoins dans le cadre de la procédure pénale, qui renforcent les garanties déjà existantes dans le Code de procédure pénale et en ajoutent de nouvelles, notamment la présence d’un avocat à toutes les mesures de protection dont fait l’objet le mineur. Le Comité prend également note avec satisfaction de l’ouverture de l’Unité de sécurité au sein du Centre socioéducatif de l’État, qui a permis une réduction du nombre des mineurs placés dans le centre pour adultes. Il regrette qu’il soit toujours possible d’incarcérer des mineurs dans des centres pénitentiaires pour adultes, tout en notant que la réforme en cours, notamment les projets de loi nos 7991 et 7994, prévoit d’interdire cette pratique au titre du principe selon lequel la privation de liberté est une mesure de dernier recours applicable uniquement pour des infractions entraînant une peine élevée (art.11 et 16).

22.Le Comité renouvelle les recommandations formulées dans ses précédentes observations finales et enjoint à l ’ État partie :

a)De p oursuivre la réforme en cours de l ’ organisation de la protection de la jeunesse, de sorte que les mineurs placés en détention soient strictement séparés des adultes, conformément aux articles 13.4 et 26.3 de l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l ’ administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing) et aux règles 17, 28 et 29 des Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté , et de manière à ce qu ’ ils ne soient privés de liberté qu ’ en dernier ressort et pour une période aussi brève que possible, conformément aux Règles de Beijing ;

b)De p romouvoir activement, au sein des parquets et auprès des juges, des mesures de substitution à l ’ incarcération, compte tenu des dispositions des Règles de Tokyo et des Règles de Bangkok ;

c)De p oursuivre la réforme en cours de l ’ organisation des régimes internes des centres pénitentiaires et des régimes de détention pénale pour mineurs en tenant compte des besoins spécifiques des enfants en situation d ’ incarcération, de leurs droits et de leur intérêt supérieur au sens de la Convention relative aux droits de l ’ enfant.

Usage de la force

23.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie selon lesquelles le projet de loi no 8065 visant à faire porter des caméras d’intervention (ou caméras-piétons) aux agents de police a été élaboré de manière à favoriser la désescalade, notamment au bénéfice du citoyen. Il s’inquiète toutefois que la prévention ainsi que la sanction des violences et de l’usage excessif de la force par les forces de l’ordre ne figurent pas parmi les objectifs principaux de ce projet de loi (art. 2, 12 et 13).

24. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour assurer une approche équilibrée dans l ’ usage des caméras-piétons, qui soit conforme aux principes de nécessité et de proportionnalité et tienne compte des effets de ces caméras sur l ’ ensemble de la société, notamment en ce qui a trait à la prévention, à la constatation des infractions et à la poursuite de leurs auteurs pour les infractions commises à l ’ encontre de personnes tierces, y compris l ’ usage excessif de la force par les forces de l ’ ordre.

Régime de l’asile et non-refoulement

25.Le Comité prend note avec satisfaction des dispositions favorables affichées par l’État partie en matière de protection internationale et de ses procédures en la matière, dont l’efficacité et la rapidité sont conformes aux obligations internationales relatives à la protection des droits humains. Le Comité salue les mesures mises en œuvre par l’État partie pour mettre fin à l’examen des caractéristiques sexuelles secondaires des demandeurs d’asile, y compris la photographie des organes génitaux, aux fins de détermination de leur âge. S’il salue la prise en charge par l’État des frais liés à l’offre de soins médicaux aux migrants, le Comité note avec préoccupation des informations selon lesquelles le personnel médical chargé du contrôle des demandeurs d’asile et des personnes bénéficiant de la protection internationale n’est pas adéquatement formé pour identifier et traiter les victimes de torture. Tout en prenant note des aides financières allouées aux demandeurs de protection internationale et des efforts récemment consentis par l’État partie pour les bonifier, le Comité s’inquiète qu’elles ne soient pas suffisantes pour assurer la réunification familiale (art. 3 et 11).

26.Eu égard aux recommandations formulées par le Comité dans ses précédentes observations finales , l ’ État partie devrait :

a)Renforcer la formation sur la détection, le traitement et l ’ orientation des victimes de la torture , de sorte que tous les travailleurs de première ligne soutenant les migrants, notamment les professionnels de la santé, soient en mesure de détecter rapidement et efficacement les survivants de la torture et leur apporter un soutien adéquat ;

b)Mener une réflexion sur les mesures législatives et administratives qui assureraient aux bénéficiaires d ’ une protection internationale le droit à une aide financière permettant d ’ organiser effectivement le regroupement des membres de leur famille.

Enfants demandeurs d’asile

27.S’il prend note des efforts déployés par l’État partie pour assurer que la rétention administrative se fasse dans de bonnes conditions, le Comité rappelle que le recours à cette mesure doit s’effectuer uniquement en ultime recours, et que cela est d’autant plus important lorsque des familles avec enfants sont concernées. La rétention liée à l’immigration, même de courte durée et quelles que soient les conditions, peut en effet avoir des effets néfastes et durables sur le développement des enfants. Concernant les mineurs non accompagnés, le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer les services d’accueil, notamment en matière d’hébergement et de soutien scolaire. Il prend note du fait qu’un projet de loi à l’examen prévoit qu’ils ne puissent être placés en rétention que dans des circonstances exceptionnelles, ainsi que des mesures en place pour assurer leur protection, notamment la désignation d’un administrateur ad hoc chargé de défendre leurs intérêts. Il s’inquiète toutefois qu’il n’y ait pas d’interdiction formelle du placement d’enfants en situation de migration dans un centre de détention administrative (art. 11).

28.Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre ses efforts pour assurer la protection des mineurs en situation de migration. L ’ État partie devrait veiller à ce que les enfants et familles avec enfants ne soient pas détenus uniquement en raison de leur statut au regard de la législation sur l ’ immigration.

Juridiction universelle

29.Le Comité note que la loi du 27 février 2012 portant adaptation du droit interne aux dispositions du Statut de Rome de la Cour pénale internationale transpose le Statut de Rome, mais n’inclut pas l’élément de juridiction universelle prévu dans la loi du 9 janvier 1985 qu’elle remplace (art. 5, 6, 7, 12, 13 et 14).

30.Le Comité encourage l ’ État partie à prendre les mesures nécessaires pour établir sa compétence universelle pour juger les crimes de torture , conformément à l’article 5 (par. 2) de la Convention.

Traite des êtres humains

31.S’il prend note des efforts déployés par l’État partie pour éliminer la traite des êtres humains, le Comité constate avec préoccupation la hausse du nombre de cas et l’émergence du travail forcé comme nouvelle forme prédominante d’exploitation au sein de l’État partie, notamment dans les domaines de la construction et de la restauration. Le Comité note que cette hausse du nombre de cas est en partie due aux améliorations apportées au système de détection, notamment l’octroi de formations aux agents de l’État et la mise en œuvre de programmes de prise en charge des victimes. Le Comité s’inquiète de lacunes observées dans les données présentées par l’État partie, notamment un manque fondamental de données sur l’exploitation sexuelle des enfants. Il est également préoccupé par l’accès des victimes aux mesures de réparation, qui demeure difficile, et s’interroge sur le faible nombre de demandes d’indemnisation (art. 2 et 16).

32.L ’ État partie devrait :

a)Poursuivre ses efforts pour enrayer la traite des êtres humains, y compris en élaborant un nouveau plan national, de manière à en renforcer la prévention et la répression, notamment en ce qui concerne le travail forcé ;

b)Améliorer la collecte de données relative s à la traite des êtres humains dans le pays en mobilisant les acteurs étatiques concernés, de sorte à produire de manière centralisée des statistiques cohérente s et fiables, notamment sur toutes les formes d ’ exploitation sexuelle des enfants et la vente d ’ enfants ;

c)Prendre des mesures pour assouplir les conditions d ’ accès des victimes aux indemnisations octroyées par les juridictions et par l ’ État, en mettant notamment fin à leur subordination à l ’ absence d ’ indemnisation par les auteurs , et renforcer la sensibilisation des victimes et des acteurs concernés quant à la possibilité d ’ indemnisation ;

d)Définir des procédures formelles permettant d ’ évaluer la vulnérabilité des victimes de la traite des êtres humains, notamment aux fins d ’ exploitation sexuelle, et garantir que, quelle que soit la forme qu ’ elle prend, la traite donne lieu à des enquêtes approfondies, que les auteurs présumés sont poursuivis et les coupables dûment sanctionnés , et que les victimes ont accès à une protection , à une réparation effective et à une réadaptation aussi complète que possible ;

e)Mettre en place des structures d ’ hébergement apportant une réponse adéquate aux besoins psychologiques et psychiatriques spécifiques des victimes ;

f) Continuer de fournir , à l ’ intention des policiers, des gardes-frontières, des agents des services de l ’ immigration, des magistrats du parquet, des inspecteurs du travail et des mines, des professionnels de santé et des autres acteurs concernés, des formations spécialisées sur la détection et l ’ identification des victimes de la traite, en mettant l ’ accent sur les personnes vulnérables, notamment les enfants potentiellement victimes de vente, de prostitution ou d’exploitation pour la production de contenus montrant des abus sexuels sur enfant  ;

g) Poursuivre ses campagnes nationales de prévention dénonçant le caractère criminel de la traite des êtres humains.

Violence sexuelle et fondée sur le genre

33.Le Comité note les informations reçues de l’État partie selon lesquelles le droit luxembourgeois n’incrimine pas le féminicide, bien que le Code pénal prévoie, en l’état, une circonstance aggravante de haine dans la commission de certains crimes et délits, y compris la haine en fonction du sexe. Il est en outre préoccupé par le délai de prescription pour le viol, établi à dix ans, ce qui est anormalement bas.

34.L ’ État partie devrait faire en sorte que tous les cas de violence fondée sur le genre, y compris les violences intrafamiliales, en particulier ceux qui sont liés à des actes ou à des omissions de la part des pouvoirs publics ou d ’ autres entités qui engagent la responsabilité internationale de l ’ État partie au regard de la Convention, donnent lieu à une enquête approfondie, que les auteurs présumés soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées, et que les victimes ou leur famille obtiennent réparation, notamment sous la forme d ’ une indemnisation adéquate. L ’ État partie devrait également élever le délai de prescription pour le viol.

Personnes intersexes

35.Le Comité prend note de la mise en œuvre du Plan d’action national pour la promotion des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes, présenté en juillet 2018, qui prévoit notamment des actions interdisant la « normalisation » des traitements médicaux non vitaux pratiqués sans consentement libre et éclairé de la personne intersexe et la cessation de leur remboursement par l’État. Il s’inquiète toutefois que ces principes n’aient pas encore été transposés dans la loi luxembourgeoise.

36.L ’ État partie devrait poursuivre ses efforts, notamment dans le cadre de l ’ élaboration en cours d ’ un avant-projet de loi sur les opérations chirurgicales des variations du développement sexuel, visant à mettre fin à la pratique d ’ actes médicaux irréversibles, en particulier d ’ opérations chirurgicales sur des enfants intersexes qui ne sont pas encore en mesure de donner leur plein consentement librement et en toute connaissance de cause, sauf lorsque de telles interventions sont absolument nécessaires du point de vue médical. Des mesures devraient aussi être prises pour garantir l ’ accès des victimes de telles interventions à des recours utiles et renforcer la collecte de statistiques sur cette question.

Procédure de suivi

37.Le Comité demande à l ’ État partie de lui faire parvenir au plus tard le 12 mai 2024 des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée à ses recommandations concernant les fouilles, la violence sexuelle et fondée sur le genre, et les personnes intersexes (voir par .  18, 34 et 36). Dans ce contexte, l ’ État partie est invité à informer le Comité des mesures qu ’ il prévoit de prendre pour mettre en œuvre, d ’ ici à la soumission de son prochain rapport, tout ou partie des autres recommandations formulées dans les présentes observations finales.

Autres questions

38.L ’ État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, au moyen des sites Web officiels et par l ’ intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales, et à informer le Comité des activités menées à cet effet.

39.Le Comité prie l’État partie de soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le neuvième, le 12 mai 2027 au plus tard. À cette fin, et compte tenu du fait que l’État partie a accepté d’établir son rapport selon la procédure simplifiée, le Comité lui fera parvenir en temps utile une liste préalable de points à traiter. Les réponses de l’État partie à cette liste constitueront le neuvième rapport périodique qu’il soumettra en application de l’article 19 de la Convention.