Nations Unies

CERD/C/TUN/20-22

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

16 décembre 2022

Français

Original : arabe

Anglais, arabe, espagnol et français seulement

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Rapport valant vingtième à vingt-deuxième rapports périodiques soumis par la Tunisie en application de l’article 9 de la Convention, attendu en 2012 * , **

[Date de réception : 1er juillet 2022]

Table des matières

Paragraphes Page

Introduction1−74

Méthode d’élaboration du rapport8−114

I.Renseignements d’ordre général12−755

1.Information relatives à la composition ethnique de la population12−355

2.Modifications apportées au système des droits de l’homme36−719

3.Plans d’action et autres mesures de mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban au niveau national72−7515

II.Cadre constitutionnel, législatif et institutionnel de lutte contre la discriminationraciale (art. 1er et 2)76−10115

1.Mesures prises ou envisagées afin de s’assurer que l’article 21 de la Constitution couvre la discrimination raciale76−7715

2.Discrimination indirecte selon la loi organique no2018-50 et d’autres dispositions relatives à la discrimination raciale78−8316

3.Mesures spéciales84−8517

4.Décrets d’application de la loi organique no2018-50 et création de la Commission nationale de lutte contre la discrimination raciale86−9317

5.Instance des droits de l’homme94−9518

6.Mesures prises afin d’éviter les chevauchements de compétences entre l’Instance des droits de l’homme et la Commission nationale de lutte contre la discrimination raciale96−10019

7.Ségrégation et discrimination raciales (art. 3)10119

III.Mesures prises pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (art. 4)102−13020

1.Mesures prises pour lutter contre la notion de supériorité raciale ou la haine raciale et contre toute incitation à la discrimination raciale102−11020

2.Prise en considération de la motivation raciste en tant que circonstanceaggravante en droit pénal tunisien111−11421

3.Jurisprudence relative à la loi organique no2018-50115−12022

4.Mesures prises pour faciliter l’accès de toute victime à la justice121−12523

5.Prérogatives de la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA)126−13024

IV.Mesures permettant aux groupes protégés par la Convention de jouir pleinement de leurs droits(art. 5, 6 et 7)131−23325

1.Droits civils et politiques132−13825

2.Mesures garantissant l’accès à la justice et le droit à un procès équitable139−14526

3.Formes de réparation et de compensation accordées dans des affaires de discrimination raciale considérées adéquates en droit interne146−14726

4.Charge de la preuve dans les procès civils relatifs à des faits de discrimination raciale14827

5.Population amazighe149−15227

6.Droits sociaux économiques et culturels des groupes protégés par la Convention153−18027

7.Lutte contre la traite des personnes181−20732

8.Mesures prises dans le cadre de la pandémie de COVID-19 pour protéger les personnes les plus vulnérables à la discrimination et les différents groupes protégés par la Convention, y compris les non-ressortissants208−22736

9.Renseignements d’ordre général sur le système éducatif et mesures de lutte contre les termes discriminatoires et péjoratifs228−23039

10.Mesures visant à sensibiliser les professionnels des médias à la lutte contre la discrimination raciale231−23339

Introduction

1.La Tunisie soumet son rapport valant vingtième à vingt-deuxième rapports périodiques en application de l’article 9 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et conformément à la recommandation figurant au paragraphe 29 des observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, qui a été formulée à l’issue des séances d’examen de son rapport valant dix-huitième et dix-neuvième rapports périodiques, tenues les 16 et 17 février 2009.

2.Le présent document a été établi selon la procédure simplifiée d’établissement des rapports et comporte les réponses à la liste de points du Comité reçue le 21mai 2021.

3.Le présent rapport fait suite aux changements importants survenus en Tunisie depuis fin 2010, à savoir la transformation du système politique et l’instauration d’un régime démocratique, qui ont entraîné des changements majeurs à tous les niveaux. Cette période a été marquée par plusieurs rendez-vous électoraux essentiels : l’élection de l’Assemblée nationale constituante, qui a élaboré la Constitution de 2014, les élections législatives et présidentielles de 2014 et celles de 2019, sans oublier les élections municipales de 2018.

4.Le présent rapport couvre également la période postérieure au 25juillet 2021, date de la proclamation de l’état d’exception.

5.Le présent rapport a été élaboré par la Commission nationale de coordination, d’élaboration et de présentation des rapports et de suivi des recommandations dans le domaine des droits de l’homme (ci-après dénommée la Commission nationale) selon une démarche participative.

6.Le présent rapport rend compte des progrès réalisés dans l’application des articles de la Convention, des principaux faits nouveaux survenus en matière législative, réglementaire, judiciaire, administrative et institutionnelle et des changements pratiques plus généraux, ainsi que des difficultés et défis que l’État doit surmonter pour s’acquitter pleinement des obligations découlant de la Convention.

7.La Commission nationale souhaite que le présent rapport national génère de nouvelles occasions de dialogue constructif et de collaboration fructueuse entre l’État tunisien et le Comité de l’Organisation des Nations Unies, qui contribueront au renforcement des efforts de lutte contre toutes les formes de discrimination raciale.

Méthode d’élaboration du rapport

8.La Commission nationale a adopté une démarche participative et consultative pour l’établissement du présent rapport. Dans ce cadre, elle a collaboré avec l’Institut danois des droits de l’homme et le Groupement international pour les droits des minorités.

Deux ateliers de formation ont été organisés à l’intention des membres de la Commission nationale, à savoir :

Un atelier sur la discrimination et les formes de discrimination croisées et multiples (15 et 16décembre 2021) ;

Un atelier sur le cadre normatif de la lutte contre la discrimination raciale et les règles de référence pour l’établissement du rapport national (24 et 25février 2022).

9.La Commission nationale a également organisé des ateliers de dialogue et de concertation avec des organismes nationaux indépendants et des composantes de la société civile, parmi lesquels les suivants :

Un atelier de dialogue et de concertation au sujet du rapport national, qui s’est tenu le 11mars 2022 avec des organismes nationaux indépendants ;

Un atelier de dialogue avec les associations engagées dans la lutte contre la discrimination, organisé le 22mars 2022 à l’occasion de la célébration de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, en présence de représentants de 10 associations actives dans ce domaine ;

Une consultation régionale organisée au gouvernorat de Médenine le 12mai 2022, avec la participation de représentants de 20 associations de défense des droits de l’homme de la région et des gouvernorats avoisinants ;

Une consultation régionale organisée le 13mai 2022, à laquelle ont pris part un groupe de 20 enfants et 20 jeunes du Centre de l’enfance Ajim Djerba du gouvernorat de Médenine ;

Une consultation nationale organisée le 24mai 2022 à Tunis, avec la participation de représentants de 25 associations actives dans le domaine des droits de l’homme et de représentants des structures exécutives des instances nationales indépendantes ;

Une consultation nationale organisée le 27 mai 2022, à laquelle ont participé 30 enfants des deux sexes et 30 jeunes filles et garçons.

Les recommandations issues de ces consultations sont jointes au présent rapport (annexe 1).

10.Il convient de noter que le mécanisme de consultation adopté par la Commission nationale avec des groupes d’enfants, d’adolescents et de jeunes constitue un modèle de bonne pratique dont il convient de s’inspirer lors de l’établissement des rapports nationaux. Ce mécanisme a d’ailleurs servi à élaborer le rapport sur les droits de l’enfant.

11.Cette expérience que la Commission s’efforce d’institutionnaliser et de généraliser à l’élaboration de tous les rapports nationaux s’inscrit dans le droit fil des recommandations des comités onusiens et des objectifs de développement durable, qui visent à mieux faire connaître les dispositions des conventions internationales aux différentes parties prenantes, quel que soit leur âge, et à leur offrir un cadre de dialogue où elles peuvent exprimer librement leur avis et formuler des recommandations au sujet de différentes thématiques liées aux droits de l’homme.

I.Renseignements d’ordre général

1.Informations relatives à la composition ethnique de la population

12.L’institution nationale chargée d’établir des statistiques, à savoir l’Institut national de la statistique (INS), réalise tous les dix ans un recensement général de la population et de l’habitat via un questionnaire établi par un groupe d’experts, assorti d’indicateurs qui ont vocation à être ensuite utilisés pour l’élaboration de plans stratégiques de développement et de plans sectoriels.

13.Dans le cadre de l’accomplissement de ses missions, l’Institut national de la statistique adopte une démarche fondée sur les droits de l’homme lors de l’établissement du contenu des questionnaires, tout en tenant compte de la protection des données personnelles et de la liberté des personnes de répondre à ces questionnaires.

14.Bien que la Tunisie ait pris note de la recommandation du Comité de l’ONU l’invitant à fournir des données statistiques sur la composition ethnique de la population, collectées sur la base de l’auto-identification, le questionnaire de l’INS ne comporte pas de rubrique relative à la composition ethnique ou religieuse de la population et il n’existe donc pas d’informations détaillées à ce sujet, ni en ce qui concerne les minorités nationales, ethniques ou autochtones.

15.Il convient de souligner que l’État tunisien consacre le principe d’égalité et de non‑discrimination dans son système législatif et s’efforce de s’y conformer lors de l’élaboration de ses politiques, programmes et plans d’action, qui sont applicables à tous sans discrimination fondée sur la race, la couleur, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique ou le sexe. L’État procède également au contrôle de toute violation de la législation et des textes en vigueur commise par des individus ou des groupes d’individus, y compris s’agissant d’abus discriminatoires motivés par le racisme.

16.L’État tunisien estime que l’existence d’une documentation relative à de tels faits peut contribuer de façon notable à promouvoir des politiques publiques respectueuses des droits de l’homme, s’agissant notamment des droit individuels et collectifs des groupes vivant sur son territoire, mais rappelle que la réalisation de telles bases de données exige des ressources techniques et financières suffisantes.

17.L’Institut national de la statistique a réalisé en 2021 l’Enquête nationale sur la migration internationale. Il s’agit de la première étude sur la question migratoire jamais réalisée en Tunisie. L’enquête, réalisée entre juillet 2020 et mars 2021, dresse un état des lieux du phénomène migratoire et vise les catégories de migrants suivants : les non migrants (résidents tunisiens), les migrants actuels, les migrants de retour et les étrangers résidents en Tunisie.

18.Les résultats de cette enquête sont présentés ci-après.

Étrangers résidents en Tunisie

19.Un immigré ou un étranger résident en Tunisie est défini comme toute personne qui réside en Tunisie depuis six mois ou plus, ou compte rester plus de six mois, que sa situation de résidence soit régulière ou non (définition figurant dans l’étude).

20.Au sens de cette définition, le nombre d’étrangers résidant en Tunisie s’élevait à 58 990 en 2020. En comparaison avec le recensement de 2014, l’effectif de la population étrangère résidente en Tunisie a enregistré un accroissement absolu d’environ 6000personnes, soit un taux d’accroissement global de 11,4% depuis 2014, contre un taux de 6,2% pour la population résidente totale.

Répartition spatiale des étrangers en Tunisie

21.La population étrangère qui réside en Tunisie se caractérise par une forte concentration géographique. Elle est installée en grande partie dans les régions du Grand Tunis (50,2 %) et du centre-est (27,7 %), et, dans une moindre mesure, dans les régions du sud (7,3 %) et du nord-est (5,5 %). Les régions de l’ouest du pays (nord-ouest et centre‑ouest), frontalières avec l’Algérie, enregistrent des taux plus faibles, puisqu’elles accueillent ensemble 9,4 % des résidents étrangers, dont 56,8 % sont de nationalité algérienne.

Répartition de la population étrangère totale en Tunisie, par région de résidence

Région

Nombre estimatif d ’ étrangers

Pourcentage (%)

Grand Tunis

29 641

50,2

Centre- e st

16 337

27,7

Nord- o uest et c entre- o uest

5 517

9,4

Nord- e st

4 279

7,3

Sud

3 216

5,5

Total

58 990

100

Répartition des étrangers résidant en Tunisie par nationalité

22.Trois quarts des étrangers qui résident en Tunisie sont originaires de pays africains, dont la moitié proviennent des pays du Maghreb et l’autre moitié d’autres pays d’Afrique, principalement subsaharienne.

23.Un pourcentage de 18,5% des étrangers résidant en Tunisie est originaire de pays européens, 6,5% du Moyen-Orient et 1,6% d’autres pays du monde.

Répartition des étrangers résidant en Tunisie par région de provenance

Région

Nombre estimatif d ’ étrangers

Pourcentage (%)

Maghreb arabe

21 818

37

Autres pays africains

21 466

36,4

Moyen-Orient

3 861

6,5

Pays européens

10 927

18,5

Autres pays

918

1,6

Total

58 990

100

24.L’enquête nationale sur la population et l’habitat a montré une diminution du nombre de ressortissants de certains pays par rapport à leur nombre enregistré lors du recensement de 2014. Le nombre de résidents issus de pays européens a diminué, passant de 15 000 à près de 11 000 personnes, principalement en raison de la situation pandémique à laquelle la Tunisie était confrontée au moment de l’enquête (juillet 2020-mars 2021). Un certain nombre de résidents a en effet quitté le pays pendant la pandémie de COVID-19, en particulier les européens. Le nombre de ressortissants africains, hors pays du Maghreb, a augmenté, passant de 7 200 à 21 466, dont un tiers d’Ivoiriens, suivis par des ressortissants de la République démocratique du Congo, de la Guinée et du Mali.

25.Le ratio hommes/femmes parmi les résidents étrangers en Tunisie est relativement équilibré (29 481 hommes et 29 509 femmes). Ce rapport atteint son maximum parmi les ressortissants des pays africains hors Maghreb, avec 1 920 hommes pour 1 000 femmes, et son minimum parmi la communauté maghrébine avec 619 hommes pour 1 000 femmes.

26.L’âge moyen des migrants est de 36,2 ans : celui des migrants issus de pays africains hors Maghreb est de 26,6 ans et celui des Européens de 49,9 ans.

Population étrangère résidente en Tunisie âgée de 15 ans et plus selon la région de provenance et la nature du diplôme ( En pourcentage )

Région

Diplômés du supérieur

Non diplômés du supérieur

Maghreb

24,2

75,8

Autres pays africains

26,5

73,5

Moyen-Orient

47,8

52,2

Pays européens

57,2

42,8

Autres pays

64,1

35,9

Total

34,5

65,5

27.Les statistiques indiquent qu’en 2020, 5 678 réfugiés et demandeurs d’asile (45% de réfugiés et 53% de demandeurs d’asile) relevaient de la compétence du Bureau du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) en Tunisie, qui a enregistré 200 nouvelles demandes d’asile cette année-là. Le Bureau a dénombré parmi les personnes relevant de sa compétence 1 899 femmes et filles, réparties comme suit:

593 filles de moins de 18 ans;

1 306 femmes de plus de 18 ans ;

777 femmes et filles en situation de handicap.

Minorités

28.La notion de minorité n’est pas définie avec précision dans la législation tunisienne, qu’elle soit ethnique, raciale, religieuse ou linguistique.

29.La diversité religieuse de la Tunisie se limite à quelques groupes de chrétiens et de juifs ainsi qu’à quelques musulmans chiites et bahaïs. Le 9juillet 1964, le Gouvernement tunisien a conclu avec le Vatican un accord régissant le statut de l’Église catholique, qui détient le plus grand nombre de lieux de culte en Tunisie, ainsi que l’exercice du culte catholique. En outre, au lendemain de son accession à l’indépendance, la Tunisie a promulgué la loi no58-78 relative au régime du culte israélite et à la protection des droits des communautés israélites en Tunisie. Le Ministère des affaires religieuses assure l’entretien et la protection des monuments chrétiens et juifs et leur alloue des crédits chaque fois que nécessaire. Ainsi, une somme de 15000dinars est affectée chaque année à l’entretien de la synagogue de la Ghriba et le Ministère supervise les opérations liées au pèlerinage annuel vers la Mecque (hajj).

30.En ce qui concerne les minorités linguistiques, il n’existe pas de chiffres officiels des locuteurs amazighs, lesquels sont principalement présents sur l’île de Djerba, à Tataouine (Chenini et Douiret), Matmata (Zraoua et Taoujout), Gafsa et Zaghouan et dans de nombreux petits villages en Tunisie. Ils sont également présents dans plusieurs villes et villages frontaliers avec l’Algérie, tels que Tébessa, le Kef et Siliana.

31.Le terme minorité est apparu pour la première fois dans les textes tunisiens lors de l’adoption du décret no2013-4522 du 12novembre 2013 portant organisation du Ministère des affaires religieuses, dont l’article12 est ainsi libellé :

« Le bureau des relations avec les organisations et les associations et de la coordination avec les organismes qui supervisent les affaires des minorités religieuses est chargé notamment : - de veiller au suivi des dossiers relatifs aux organisations et associations ayant relation avec les activités du Ministère ; - d’établir des rapports périodiques sur les travaux et les activités de ces organisations et associations. ».

32.Certains textes se réfèrent implicitement aux minorités, à l’instar du décret no2011‑115 du 2novembre 2011 relatif à la liberté de la presse, de l’imprimerie et de l’édition, qui utilise pour désigner une minorité une expression qui rappelle celle des textes internationaux relatifs aux droits de l’homme, à savoir : « une catégorie de personnes appartenant à une ethnie, une race ou une religion déterminée », à propos de l’incrimination de certains actes commis par voie de presse ou par toute publication éditée sous forme imprimée et visant « l’incitation à la haine entre les races, les religions ou les populations, en utilisant des actes bellicistes, la violence ou la publication d’idées fondées sur la discrimination raciale ».

33.D’autres textes n’utilisent pas le terme minorité, mais font implicitement référence aux minorités religieuses, comme l’article 292 du Code de procédure civile et commerciale qui dispose ce qui suit : « Aucun acte d’exécution ne peut, en outre, avoir lieu :

À l’égard des israélites : le samedi, les deux jours de Rochana et de Youm-Kipour, les deux premiers et les deux derniers jours de Souccoth (fête des Tabernacles), le jour de Pourim (fête d’Esther), les deux premiers et les deux derniers jours de Bissah (Pâques) et les deux jours de Chabouoth (Pentecôte) ;

À l’égard des chrétiens : le dimanche, le jeudi de l’Ascension, le 15août (Assomption), le 1ernovembre et le 25décembre (Noël).

34.Cette protection a été renforcée par plusieurs dispositions de la Constitution de 2014, laquelle a notamment consacré le principe de non-discrimination dans son article 21 aux termes duquel : « Les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination. L’État garantit aux citoyens et aux citoyennes les libertés et les droits individuels et collectifs. Il leur assure les conditions d’une vie digne. ».

35.Le chapitre II de la Constitution, intitulé « Droits et libertés », consacre l’ensemble des droits civils, politiques, économiques, culturels et sociaux qui garantissent une protection générale des minorités, notamment les articles 31 et 35 relatifs à la liberté d’expression et à la liberté d’association. Ces libertés permettent aux minorités de participer pleinement à la vie culturelle, religieuse, sociale, économique et publique. Le droit de participer à tous les aspects de la vie sociale à l’échelle nationale est essentiel, aussi bien s’agissant de promouvoir les intérêts des membres des minorités que de faire entendre leur voix et leurs revendications, en particulier via des associations permettant de mieux faire valoir leurs droits.

2.Modifications apportées au système des droits de l’homme

36.La Tunisie a réalisé des progrès notables en matière d’adhésion au système universel des droits de l’homme, tant au niveau législatif qu’institutionnel.

a)Renforcement de l’adhésion aux cadres internationaux et régionaux

37.Depuis l’examen de son dernier rapport national sur la Convention contre la discrimination raciale, la Tunisie a ratifié les instruments suivants :

La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ;

Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture ;

Le troisième Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications ;

Le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique ;

La publication en juillet 2018 de la Déclaration reconnaissant la compétence de la Cour africaine des droits de l’homme à recevoir des requêtes émanant de particuliers et d’organisations non gouvernementales, conformément au paragraphe6 de l’article34 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ;

La Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels ;

La Convention no108 du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel et son Protocole additionnel no181 concernant les autorités de contrôle et les flux transfrontières de données.

b)Sur le plan législatif

38.Le préambule de la Constitution consacre les principes et valeurs de la solidarité, du respect, de la tolérance et des valeurs humaines universelles et proclame son attachement aux droits de l’homme universels, à la complémentarité avec les peuples africains, à la coopération avec les peuples du monde et à la lutte contre toutes les formes de racisme. Faisant suite à la proclamation, le 25juillet 2021, de l’état d’exception en Tunisie, le décret présidentiel no2021-117énonce qu’il ne peut être porté atteinte aux acquis en matière de droits de l’homme et de libertés garantis par le système juridique national et international lors de l’édiction de décrets-lois et maintient le préambule de la Constitution de 2014, ainsi que son premier et son deuxième chapitres. La Constitution interdit la discrimination sous toutes ses formes et consacre les principes de l’égalité des droits et devoirs entre tous les citoyens et toutes les citoyennes et de l’égalité entre les régions. Elle dispose également que l’organisation et le fonctionnement de l’administration sont soumis aux principes de neutralité et d’égalité (art.15) et que les citoyens et citoyennes sont égaux en droits et en devoirs et devant la loi sans discrimination (art.21).

39.L’État tunisien a promulgué plusieurs textes destinés à renforcer le système des droits de l’homme, parmi lesquels les suivants :

La loi organique no2016-61 du 3août 2016, relative à la prévention et à la lutte contre la traite des personnes ;

La loi organique no 2017-7 du 14 février 2017, modifiant et complétant la loi organique no 2014-16 du 26 mai 2014 relative aux élections et aux référendums ;

La loi organique no2017-10 du 7mars 2017, relative au signalement des faits de corruption et à la protection des lanceurs d’alerte ;

La loi organique no2017-58 du 11août 2017, relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes ;

La loi organique no 2018-29 du 9 mai 2018, relative au code des collectivités locales ;

La loi no 2018-46 du 1er août 2018, relative à la déclaration de patrimoine et d’intérêts et à la lutte contre l’enrichissement illicite et les conflits d’intérêts ;

La loi organique no 2019-15 du 13 février 2019 portant loi organique du budget ;

La loi organique no 2019-9 du 23 janvier 2019 modifiant et complétant la loi organique no 2015-26 du 7 août 2015 relative à la lutte contre le terrorisme et à la répression du blanchiment d’argent ;

La loi no2021-37 du 16juillet 2021 relative à la réglementation du travail domestique.

40.Le cadre juridique des instances constitutionnelles indépendantes a également été mis en place et les lois suivantes ont été promulguées :

La loi organique no 2017-59 du 24 août 2017 relative à l’Instance de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption ;

La loi organique no 2018-47 du 7 août 2018 portant dispositions communes aux instances constitutionnelles indépendantes ;

La loi organique no 2018-51 du 29 octobre 2018 relative à l’Instance des droits de l’homme ;

La loi no 2019-60 du 9 juillet 2019 relative à l’Instance du développement durable et des droits des générations futures.

41.En septembre 2018, huit organismes publicsont signé un protocole d’accord visant à créer la Ligue des instances publiques indépendantes, le but étant de renforcer leur collaboration et coordonner les efforts, programmes et projets visant à promouvoir la culture de la citoyenneté et à protéger les droits de l’homme.

42.Afin de donner suite aux recommandations du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale concernant l’adoption d’une législation spécifique sur le délit de discrimination raciale, la Tunisie a promulgué la loi organique no 2018-50 du 23 octobre 2018 relative à l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

43.En outre, il existe plusieurs textes relatifs à la lutte contre la discrimination raciale, parmi lesquels les suivants :

Le décret-loi no2011-88 du 24septembre 2011 portant organisation des associations ;

Le décret-loi no2011-115 du 2novembre 2011 relatif à la liberté de la presse, l’imprimerie et l’édition ;

Le décret-loi no2011-116 du 2novembre 2011 relatif à la liberté de la communication audiovisuelle et portant création d’une Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA).

c)Sur le plan institutionnel

44.L’Instance nationale pour la prévention de la torture, créée par la loi organique no 2013-43 du 21 octobre 2013, dispose depuis 2018 de son propre budget, conformément aux dispositions de la loi la créant.

45.Au niveau de la présidence du Gouvernement, un Comité national chargé de l’harmonisation des textes juridiques relatifs aux droits de l’homme avec les dispositions de la Constitution et celles des instruments internationaux ratifiés par le pays a été créé par le décret gouvernemental no 2019-1196 du 24 décembre 2019.

46.La Commission nationale de lutte contre la discrimination raciale a été créée par le décret gouvernemental no 2021-203 du 7 avril 2021.

47.Une direction générale des droits de l’homme a été instituée auprès du Ministère de l’intérieur par le décret gouvernemental no 2017-737 et chargée d’orienter les citoyens, de les conseiller et d’examiner les requêtes et plaintes relatives à des violations des droits de l’homme. Une inspection des forces de sûreté a également été mise en place au sein de ce Ministère et chargée de superviser les activités des agents en s’assurant qu’ils respectent les droits de l’homme dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions.

48.Le décret gouvernemental no 2021-534 du 29 juin 2021 portant organisation du Ministère des affaires religieuses a créé le Bureau des droits de l’homme et des relations avec les organisations, les associations et les organismes de supervision des questions relatives aux minorités religieuses au niveau du Ministère.

49.Il convient de rappeler que la Tunisie a formellement aboli l’esclavage et affranchi les esclaves le 23janvier 1846.

50.Le 21mars 2013, à l’occasion du 173eanniversaire de l’abolition de l’esclavage, la Tunisie a célébré la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale sous le slogan suivant : « La Tunisie en ses multiples couleurs » et a proclamé, à partir de 2018, le 23janvier de chaque année Fête nationale de l’abolition de l’esclavage et de la traite des personnes. La même année, la Tunisie a reçu les documents officiels relatifs à l’inscription de l’expérience tunisienne d’abolition de l’esclavage au registre « Mémoire du monde » de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).

d)Place de la Convention dans l’ordre juridique interne

51.L’article 20 de la Constitution dispose ce qui suit : « Les conventions approuvées par le Parlement et ratifiées sont supérieures aux lois et inférieures à la Constitution. ». Ainsi, le droit tunisien reconnaît les instruments ratifiés, notamment ceux relatifs aux droits de l’homme, qui sont considérés comme faisant partie intégrante de son ordre juridique interne. Ils sont dotés d’une autorité supra-législative, ce qui veut dire qu’en cas de conflit entre le droit interne et un instrument international ratifié, les tribunaux peuvent appliquer directement les instruments relatifs aux droits de l’homme ratifiés, à l’exception des traités nécessitant la mise en place d’un cadre juridique interne en matière d’incriminations et de sanctions. Tout justiciable peut invoquer les dispositions des instruments internationaux devant les instances nationales, notamment judiciaires.

e)Mesures prises en vue de mieux faire connaître la Convention et programmes de formation et de renforcement des capacités

52.Compte tenu de l’évolution positive de l’action en faveur des droits de l’homme à tous les niveaux, plusieurs ministères et organismes publics indépendants ont déployé des programmes et activités visant à mieux faire connaître les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme en général, y compris la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Des actions de sensibilisation aux dispositions des conventions et des sessions de formation à leur contenu ont été organisées.

Sensibilisation et éducation

53.Au cours de l’élaboration du présent rapport, la Commission nationale de coordination, d’élaboration et de présentation des rapports et de suivi des recommandations dans le domaine des droits de l’homme a diffusé la Convention auprès de plus de 120participants, parmi lesquels des magistrats (voir par.9).

54.Fin 2020, la Commission nationale a publié, avec le soutien du Bureau du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) en Tunisie, un recueil des principaux instruments onusiens relatifs aux droits de l’homme ratifiés par l’État tunisien et l’a distribué aux magistrats, instances et organismes chargés de l’application de la loi, accompagné des instruments juridiques de ratification, afin de faciliter l’accès à ces instruments et leur mise en œuvre, étant donné qu’ils font partie intégrante de l’ordre juridique interne et sont dotés d’une autorité supra-législative.

55.En matière pédagogique, le Ministère de l’éducation s’attache à promouvoir les droits de l’homme. Les orientations générales de ce secteur sont en effet fondées sur les principes fondamentaux de la Constitution qui visent à assurer l’égalité des chances de tous les apprenants. Ces orientations s’inspirent d’une vision prospective qui tend à ancrer dans les esprits le concept d’éducation à la démocratie et aux droits de l’homme via la diffusion des valeurs qui y sont rattachées, à côté du partage des connaissances et perceptions y relatives. Il ne s’agit pas d’une éducation basée sur la simple transmission de connaissances, mais d’un enseignement fondé sur les valeurs humaines et les comportements.

56.Cette approche pédagogique des droits de l’homme se concrétise au moyen de l’intégration de cet enseignement dans le processus éducatif d’apprentissage et l’adoption d’un enseignement inclusif dont les fondements sont étroitement liés à l’aptitude des différents matériels pédagogiques à s’inspirer des valeurs et principes de la culture des droits de l’homme.

57.Parmi les axes d’amélioration de la qualité de l’enseignement figurent notamment la révision des programmes éducatifs et l’intégration des compétences nécessaires au XXIesiècle dans les programmes scolaires, ainsi que celle des compétences essentielles à la vie, des valeurs des droits de l’homme, de la démocratie, de la liberté, de l’égalité, de la tolérance, du dialogue, de l’apprentissage de la coexistence, de la non-violence, du rejet de l’extrémisme et de la haine. Les programmes scolaires sont également centrés sur les valeurs d’ouverture, d’acceptation des différences, d’égalité et de non-discrimination. En outre, les matériels pédagogiques et le système d’évaluation de la formation de base et continue des enseignants ont été révisés, l’enseignement des langues et des sciences a été renforcé et les technologies de l’information et de la communication ont été intégrées dans les programmes scolaires.

58.Dans le cadre de la mise en œuvre du partenariat entre le Ministère de l’éducation et l’ONU et en application de l’article 19 de la Convention relative aux droits de l’enfant, un guide pédagogique et une plateforme électronique interactive consacrée à l’éducation aux droits de l’homme, à la promotion de la liberté d’expression et à la lutte contre les discours de haine en milieu scolaire ont été mis au point à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’homme. La finalité du guide pédagogique est d’assurer la formation des formateurs, des enseignants, des animateurs et des apprenants en milieu scolaire.

59.La plateforme électronique interactive a été conçue sur la base de propositions faites par des élèves de plusieurs écoles primaires et secondaires de différentes régions de la République et elle est destinée aux élèves du premier cycle et du second cycle de l’enseignement secondaire âgés de 13 à 18ans. Elle concerne également les parents d’élèves, les enseignants spécialisés (pédagogie, psychologie et sociologie) et la société civile.

60.Cette plateforme constitue un espace privilégié permettant de promouvoir le droit des élèves d’exprimer librement leurs opinions et de les protéger contre la violence et les discours d’intolérance et de haine, en leur inculquant les compétences essentielles à la vie et en leur donnant les moyens de les prévenir. Elle propose également des jeux électroniques éducatifs, des matériels pédagogiques, un module de formation à l’intention des enseignants et des espaces d’interaction et de dialogue entre élèves, enseignants, parents et spécialistes.

61.À titre de contribution au dialogue des civilisations et des religions, le décret no2005‑1855 du 27juin 2005 a créé le Centre de recherches et des études pour le dialogue des civilisations et des religions comparées, l’a placé sous la tutelle conjointe du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique et du Ministère des affaires religieuses et l’a chargé d’effectuer des recherches approfondies et des études scientifiques au sujet du dialogue des civilisations et des religions comparées et notamment :

De contribuer à l’enrichissement du patrimoine intellectuel grâce au renforcement de la recherche scientifique et à l’élaboration des études d’évaluation et de prospection dans le domaine des civilisations et des religions comparées;

D’organiser des manifestations, des congrès et rencontres scientifiques en collaboration avec les institutions et instances nationales et internationales spécialisées, et ce, dans le cadre d’un réseau regroupant les institutions et organismes en relation avec ses activités;

De publier les recherches et études réalisées par le Centre sous forme de livres, publications et productions audiovisuelles ou électroniques;

D’organiser des cycles de formation et des journées d’études dans le domaine du dialogue des religions et des civilisations dans le cadre d’un partenariat avec d’autres institutions ;

Parmi les études réalisées en 2020-2021 par le Centre, on peut citer une revue scientifique et intellectuelle publiée en mars 2020 sur le phénomène du terrorisme abordé sous l’angle social et humain.

62.Le Ministère des affaires religieuses a également organisé plusieurs colloques, parmi lesquels les suivants :

Une journée d’étude sur la tolérance religieuse, le renforcement de la coexistence et le rejet de l’extrémisme (octobre 2017) ;

Un colloque sur le rôle de la coexistence religieuse dans la promotion du tourisme et la lutte contre le terrorisme (janvier-février 2018) ;

Un colloque international sur le mouvement d’acculturation entre les deux rives de la Méditerranée (12novembre 2019, Sousse) auquel ont participé des représentants du Secrétariat général de l’Union des universités arabes, des représentants d’universités algériennes, marocaines et iraquiennes, de l’Université de Barcelone (Espagne) et de l’Université Al Khawarizmi (Iran) ;

Un colloque national sur la promotion d’une culture de tolérance au service de la paix, organisé le 16novembre 2021 par le Ministère des affaires religieuses, sur recommandation du Directeur général du Centre et avec la participation de représentants des religions monothéistes.

Formation

63.Plusieurs programmes de renforcement des capacités en matière de droit international des droits de l’homme ont été déployés à l’intention des professionnels, des magistrats et autres responsables de l’application des lois. La formation des juges aux instruments relatifs aux droits de l’homme étant un élément important de leur parcours, des sessions de sensibilisation aux traités et à leur application ont été organisées à l’intention des magistrats en exercice. Des sessions de formation spécialisée ont également été organisées à leur intention dans des domaines tels que la lutte contre la traite des êtres humains, la discrimination raciale et la violence à l’égard des femmes.

64.Le 24septembre 2021, le Ministère de la justice a organisé, en collaboration avec le HCDH et l’association Mnemty, une session de formation à l’intention des juges cantonaux de Tunis, de l’Ariana et de Ben Arous à la loi organique no2018-50 relative à la lutte contre la discrimination raciale, qui a notamment porté sur les thèmes suivants :

La lutte contre la discrimination raciale en droit international (Convention internationale) et national (loi no 2018-50) ;

La discrimination raciale et l’accès à la justice : défis auxquels sont confrontés les victimes et les associations ;

Les applications de la loi no 50 par les tribunaux ;

L’application de la loi par les tribunaux constitue un indicateur important de mesure du respect des droits de l’homme.

65.Conformément aux dispositions de l’article premier du décret no2006-1169 du 13avril 2006 fixant les cycles de formation des agents des forces de sûreté intérieure relevant du Ministère de la justice, la formation comprend ce qui suit :

La formation de base ;

La formation continue.

Les programmes de formation de la Direction générale des prisons et de la rééducation ont bénéficié, à l’échéance du 21novembre 2020, à 1 494 agents, comme suit :

Formation de base : 586 bénéficiaires;

Formation continue : 908 bénéficiaires (voir annexe 2).

66.Le Ministère de la défense nationale a conçu un module intégré d’enseignement des droits de l’homme et du droit international humanitaire au sein des académies et écoles militaires, qui est dispensé tout au long des étapes de la formation, le but étant de promouvoir les principes universels des droits de l’homme et le respect des conventions internationales. En outre, des cours sur les droits de l’homme sont dispensés aux hauts responsables militaires et civils à l’Institut de la défense nationale et de nombreux représentants du ministère participent également à des séminaires et à des sessions de formation dans ce domaine, tant à l’échelle nationale qu’internationale.

67.Dans le cadre de la formation de base et continue des forces de sûreté intérieure, les cadres et agents du Ministère de l’intérieur chargés de l’application des lois reçoivent une formation de base et continue qui comprend des modules de formation au respect des droits de l’homme et des libertés publiques, ainsi qu’à la mise en œuvre de la loi no2016-5 relative aux garanties judiciaires accordées aux prévenus pendant la garde à vue. Des notes de service sont édictées dans le but de rappeler la nécessité de respecter la loi et de garantir à tous la jouissance de leurs droits et le respect de leur intégrité physique. Le Ministère de la défense nationale a également participé aux sessions de formation organisées par le HCR dans le cadre de sa contribution à l’élaboration d’un projet de loi sur la protection des réfugiés conforme aux normes internationales. Les travaux de la commission chargée de ce projet se poursuivent.

68.Les structures chargées de la formation et de l’enseignement supérieur du Ministère de la défense nationale intègrent les modules relatifs à la prévention de la traite des êtres humains et à tous les domaines des droits de l’homme et du droit international humanitaire dans les programmes de formation et d’enseignement académique et opérationnel, afin de développer les connaissances et compétences des militaires de tous grades en la matière, notamment dans le cadre de leurs missions dans les zones frontalières terrestres et maritimes.

69.Une fois installée, la Commission nationale de lutte contre la discrimination raciale a vocation à établir un plan d’action national et une stratégie de communication visant à promouvoir la culture de l’acceptation des différences et du vivre ensemble et à faire en sorte que les concepts d’égalité et de non-discrimination raciale soient conformes aux dispositions de la Convention internationale.

70.L’article3 de la loi organique no2018-50 relative à l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale dispose ce qui suit : « L’État fixe les politiques, les stratégies et les plans d’action à même de prévenir toutes formes et pratiques de discrimination raciale et de lutter contre tous les stéréotypes racistes courants dans les différents milieux. Il s’engage également à diffuser la culture des droits de l’homme, de l’égalité, de la tolérance et de l’acceptation de l’autre parmi les différentes composantes de la société. L’État prend, dans ce cadre, les mesures nécessaires pour les mettre en œuvre dans tous les secteurs, notamment la santé, l’enseignement, l’éducation, la culture, le sport et les médias. ».

71.Selon l’article 4 de la même loi : « L’État procède à la mise en place des programmes intégrés de sensibilisation et de formation contre toutes les formes de discrimination raciale dans tous les organismes et établissements publics et privés et assure le contrôle de leur exécution… ».

3.Plans d’action et autres mesures prises de mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban au niveau national

72.Outre la promulgation de lois, l’État tunisien a élaboré et mis en œuvre plusieurs programmes et stratégies sectoriels visant à mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban.

73.Il convient de rappeler que l’État tunisien formule ses politiques et stratégies publiques selon une approche fondée sur les principes d’égalité et de non-discrimination consacrés par la Constitution et les conventions internationales ratifiées, en vue de lutter contre les discrimination croisées ou multiples qui, dans de nombreux cas, peuvent dissimuler la discrimination raciale comme énoncé par la Convention et la législation nationale.

74.L’annexe 3 fait état des différents programmes, stratégies et plans d’action mis en œuvre par le Ministère de la femme, de la famille, de l’enfance et des personnes âgées en vue de protéger et faire valoir les droits des femmes et des enfants dans le respect des principes d’universalité et de non-discrimination sous toutes ses formes, ainsi que des programmes du Ministère des affaires sociales dans ce domaine.

75.Les différentes parties du présent rapport font également état des progrès accomplis et des difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban aux niveaux législatif, judiciaire et opérationnel.

II.Cadre constitutionnel, législatif et institutionnel de lutte contre la discrimination raciale (art. 1er et 2)

1.Mesures prises ou envisagées afin de s’assurer que l’article 21 de la Constitution couvre la discrimination raciale

76.L’article 21 de la Constitution dispose ce qui suit : « Les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en devoirs et sont égaux devant la loi sans aucune discrimination. ». Cette disposition couvre toutes les formes de discrimination, y compris la discrimination raciale. Après la promulgation de la Constitution de 2014, l’arsenal juridique a été renforcé par des textes importants relatifs à la lutte contre la discrimination en général et à la discrimination raciale en particulier.

77.Le caractère exhaustif de l’article 21 de la Constitution, qui concerne tous les citoyens et citoyennes, n’a pas empêché plusieurs autres textes, tels que la loi organique no2016-61, la loi organique no2017-58 et plus particulièrement la loi organique no2018-50, de veiller à ce que toutes les personnes présentes sur le territoire tunisien bénéficient de la protection nécessaire contre toute forme de discrimination, notamment raciale.

2.Discrimination indirecte selon la loi organique no 2018-50et d’autres dispositions relatives à la discrimination raciale

78.La discrimination est l’une des manifestations les plus graves de la violation du principe d’égalité, qui est garanti par le droit international, le droit humanitaire et la Constitution ; elle constitue également l’une des atteintes les plus graves aux droits des personnes et se produit chaque fois qu’une personne ne peut pas exercer ses droits humains ou autres droits sur un pied d’égalité avec les autres pour des raisons injustifiées.

79.La discrimination peut être directe et cette situation est couverte par la législation nationale, aussi bien en vertu de la Constitution qu’au sens de l’article2 de la loi organique no2018-50, qui définit la discrimination raciale comme suit : « Toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique ou toute autre forme de discrimination raciale au sens des conventions internationales ratifiées, qui a pour but de compromettre, d’entraver ou d’empêcher la jouissance ou l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits et libertés, ou de conférer des devoirs et des charges supplémentaires. Ne constitue pas une discrimination raciale toute distinction, exclusion, restriction ou préférence établie entre les Tunisiens et les étrangers, à condition de ne cibler aucune nationalité au détriment des autres, tout en prenant en compte les engagements internationaux de la République tunisienne. ».

80.La discrimination peut également être indirecte via des lois, des politiques ou des pratiques d’apparence neutres, mais qui ont un effet disproportionné sur l’exercice des droits énoncés dans les conventions, la Constitution ou les différentes législations nationales, sur la base de motifs de discrimination interdits. Partant de ce principe, il n’est pas nécessaire de définir la discrimination indirecte pour que son interdiction soit établie au niveau national, car le droit à une protection contre la discrimination directe et à un recours judiciaire n’exige pas l’existence d’un texte juridique ou législatif qui la définit ou l’incrimine. Le système juridique en place offre une protection suffisante contre les différentes formes de discrimination raciale et autres, qu’elles soient directes ou indirectes, grâce au caractère exhaustif des dispositions législatives et constitutionnelles qui garantissent une protection complète contre toutes les formes de discrimination.

81.La loi organique no2018-50 met l’accent sur la mise en œuvre des obligations qui incombent à la Tunisie au titre de l’article 4 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et traite de manière concise et approfondie des autres obligations, en attendant que la Commission nationale de lutte contre la discrimination raciale règle ces questions. La loi est structurée en cinq chapitres, qui se déclinent comme suit :

Dispositions générales ;

La prévention et la protection ;

Les procédures ;

Les peines encourues ;

La Commission nationale de lutte contre la discrimination raciale.

82.À l’exception des chapitresIII et IV (procédures et peines encourues, qui donnent effet aux obligations découlant de l’article 4 de la Convention, comme indiqué précédemment), les dispositions des autres articles de la loi organique sont complètes et exhaustives. Le chapitreV de la loi, consacré à la Commission nationale de lutte contre la discrimination raciale lui confie les missions suivantes : « [de] la collecte et [du] suivi des différentes données y afférentes et [de] concevoir et proposer les stratégies et les politiques publiques visant à éliminer toutes les formes de discrimination raciale. ».

83.Bien qu’il n’existe pas de définition de la discrimination indirecte dans la loi organique no2018-50, les deux commissions créées par la législation tunisienne, à savoir la Commission de lutte contre toutes les formes de discrimination, placée auprès de l’Instance des droits de l’homme, et la Commission nationale de lutte contre la discrimination raciale, mise en place par la loi relative à l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, devraient jouer un rôle important dans la détermination de la discrimination indirecte.

3.Mesures spéciales

84.La législation tunisienne n’interdit pas l’adoption de mesures spéciales visant à garantir les droits des personnes ou des groupes protégés par la Convention, conformément à la loi.

85.Parmi ces mesures, il convient de citer la mise en place de mécanismes inspirés du principe de la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant au profit des enfants migrants non accompagnés, qui ont été placés sous la tutelle de la Délégation générale à la protection de l’enfance, avec l’appui de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), en partenariat avec toutes les parties prenantes (sécurité, justice, acteurs sociaux, structures éducatives et sanitaires) ... (voir par. 178).

4.Décrets d’application de la loi organique no2018-50 et création de la Commission nationale de lutte contre la discrimination raciale

86.La loi organique no2018-50 constitue l’un des mécanismes législatifs les plus importants d’adaptation du système législatif national aux grandes lignes du Programme de développement durable à l’horizon 2030, qui s’articule autour des droits de l’homme et dont les principes les plus importants sont l’égalité et la non-discrimination. En effet, cette loi comporte une définition exhaustive de la discrimination raciale et reflète la situation de la Tunisie du point de vue de l’afflux de migrants de plusieurs nationalités venus travailler ou étudier au cours des dernières décennies, notamment les jeunes et les familles d’ascendance africaine, visés par les dispositions de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, ainsi que la promotion et le respect intégral de leurs droits. Les dispositions de la loi sont également conformes à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

87.En outre, la loi accorde aux victimes de discrimination raciale le droit à une assistance psychologique et sociale appropriée, à une protection juridique et à une réparation judiciaire juste et proportionnée aux préjudices matériel et moral subis. Cette loi érige la discrimination raciale en infraction autonome et prévoit des circonstances aggravantes dans certains cas.

88.La Commission nationale de lutte contre la discrimination raciale créée par le décret gouvernemental no2021-203 du 7avril 2021 qui fixe ses attributions, son organisation, ses modalités de fonctionnement, les procédures suivies devant elle et sa composition, constitue le mécanisme le plus apte à mettre en œuvre la loi organique no2018-50.

89.L’importance de ce mécanisme institutionnel réside notamment dans les attributions qui lui ont été confiées et dans sa composition, qui inclut des représentants de plusieurs ministères, un représentant du Parlement, un représentant de l’Instance des droits de l’homme, un représentant du secteur des médias, un représentant de l’Institut national de la statistique et cinq représentants de la société civile choisis sur la base de critères relatifs aux associations les plus actives dans le domaine de la lutte contre la discrimination raciale et qui respectent les principes d’intégrité, de redevabilité et de transparence financière conformément à la législation et aux textes réglementaires en vigueur.

90.Selon l’article 2 du décret précité, la Commission nationale de lutte contre la discrimination raciale est notamment chargée de ce qui suit :

Recueillir et assurer le suivi des différentes données relatives à la discrimination raciale, observer les violations et suggérer les mesures nécessaires ;

Concevoir et proposer les stratégies et politiques publiques susceptibles d’éliminer toutes les formes de discrimination raciale et d’exclure les stéréotypes racistes, en coordination et coopération avec les ministères et structures concernés, dans le cadre des plans de développement ;

Prévenir toutes les formes et pratiques de discrimination raciale, lutter contre les pratiques discriminatoires dans les divers secteurs, en particulier l’éducation, le sport, la santé, la culture et les médias et diffuser la culture de l’égalité, de la tolérance, de l’acceptation de l’autre et de la coexistence ;

Améliorer la coordination entre les différents intervenants dans le domaine de la lutte contre la discrimination raciale et la collaboration avec les mécanismes nationaux agissant dans ce domaine ;

Proposer des programmes et des sessions de formation visant à renforcer les capacités des différents intervenants en matière de lutte contre la discrimination raciale ;

Proposer des programmes de sensibilisation, de formation et d’éducation à la lutte contre toutes les formes de discrimination raciale dans toutes les structures et tous les établissements publics et privés et veiller au suivi de leur exécution ;

Coopérer avec les organisations de la société civile et toutes les associations œuvrant dans le domaine de la lutte contre toutes les formes de discrimination raciale en vue d’aider la Commission à réaliser ses programmes ;

Émettre un avis sur les projets de textes législatifs et réglementaires portant sur la lutte contre toutes les formes de discrimination raciale ;

Exprimer un avis sur le projet du rapport de la Tunisie relatif à la discrimination raciale, en coordination avec toutes les parties concernées.

91.Le secrétariat permanent de la Commission nationale a été confié à la Direction générale des droits de l’homme de la présidence du Gouvernement, qui a été chargée de compléter la désignation des membres de la Commission et de l’aider à entamer l’exercice de ses activités. Dans ce cadre, la Direction générale des droits de l’homme a pris diverses mesures afin que la Commission puisse accomplir ses missions dans les meilleures conditions possibles, parmi lesquelles les suivantes :

La désignation des membres de la Commission nationale en tenant compte du principe de parité, étant précisé que les membres de la Commission nationale sont nommés par arrêté du Ministre chargé des droits de l’homme, sur proposition des ministères et structures concernés, pour un mandat de trois (3) ans renouvelable une seule fois, parmi les candidat(e)s qui répondent aux exigences d’intégrité, d’impartialité et d’expérience dans le domaine des droits de l’homme ;

Le lancement d’un appel public à candidatures en vue de la désignation, au sein de la Commission, de cinq membres issus de la société civile, notamment des associations les plus actives dans le domaine de la lutte contre la discrimination raciale, en tenant compte des principes d’intégrité, de redevabilité et de transparence financière, conformément à la législation et aux textes réglementaires en vigueur.

92.La Direction générale des droits de l’homme s’efforce de mettre en place la Commission nationale dans les meilleurs délais et de finaliser sa composition en nommant le reste des membres représentant les différentes parties prenantes. Une fois installée, la Commission a vocation à définir son plan d’action, sa stratégie et ses priorités et à déterminer les besoins et ressources nécessaires à la réalisation de ses objectifs.

93.Conformément aux dispositions de l’article11 de la loi organique no2018-50, la Commission nationale transmet son rapport annuel à l’Assemblée des représentants du peuple, dans le cadre de contacts directs avec le Parlement.

5.Instance des droits de l’homme

94.La loi organique portant création de l’Instance des droits de l’homme a été élaborée grâce à une démarche participative et à des consultations nationales et régionales auxquelles ont pris part les différentes parties prenantes. Selon cette loi, l’Instance est conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) en ce qu’elle dispose de larges prérogatives, dont celle de veiller au respect, à la protection, à la promotion et au renforcement des droits de l’homme et d’assurer le suivi des violations constatées, de mener toutes enquêtes et investigations nécessaires et d’adopter toutes les mesures et procédures juridiques à sa disposition visant à y remédier. Toute ingérence dans les travaux de l’Instance est interdite, quelle qu’en soit l’origine.

95.Les membres de l’Instance sont élus par le Parlement sur la base de critères de compétence, d’expérience et d’intégrité. Ils sont tenus d’exercer leurs fonctions à plein temps et en toute indépendance. Dans l’exercice de leurs fonctions, ils jouissent de l’immunité conformément à la Constitution et à la loi et bénéficient d’un régime spécial de rémunération. L’Instance est dotée de l’autonomie administrative et financière conformément aux dispositions de l’article premier de la loi organique qui l’a créée. Elle dispose d’un budget indépendant qu’elle établit, examine et exécute en toute indépendance, sans contrôle préalable.

6.Mesures prises afin d’éviter les chevauchements de compétences entre l’Instance des droits de l’homme et la Commission nationale de lutte contre la discrimination raciale

96.Selon l’article premier de la loi organique no2018-51relative àl’Instance des droits de l’homme, cette dernière mène les enquêtes nécessaires sur tout ce qu’elle reçoit comme données sur des violations des droits de l’homme, quelles que soient leur nature et leur source.

97.L’article 14 de la même loi dispose que l’Instance est habilitée à détecter tous les cas de violations des droits de l’homme et des libertés, à mener les enquêtes et investigations nécessaires et à prendre toutes les démarches et mesures juridiques pour y remédier conformément aux dispositions de ladite loi, et que l’Instance se coordonne avec l’Instance nationale pour la prévention de la torture et les autres instances intervenant dans le domaine des droits de l’homme et des libertés, et échange avec elles toutes les données et informations relatives aux plaintes.

98.En outre, l’article 15 charge l’Instance d’enquêter sur les violations des droits de l’homme et des libertés, soit de sa propre initiative, soit à la suite d’une plainte déposée devant elle par :

Toute personne physique ou morale ayant subi les violations susmentionnées ou par toute personne légalement habilitée à cet effet ;

Des enfants, leurs tuteurs ou leurs assistants ;

Des organisations, associations et instances agissant au nom des personnes ayant subi des violations des droits de l’homme et des libertés ;

Il convient de rappeler que l’Instance comprend une commission pour l’élimination de toutes les formes de discrimination.

99.En revanche, comme indiqué plus haut, la Commission nationale de lutte contre la discrimination raciale est une instance gouvernementale rattachée à la présidence du Gouvernement, chargée d’autres tâches prévues à l’article 2 du décret gouvernemental no 2021-203 (voir par. 90).

100.Bien qu’elles s’entrecroisent, les fonctions de ces deux entités sont relativement différentes : l’une traite de la discrimination en général et l’autre de la discrimination raciale en particulier. On peut ainsi conclure à l’absence de chevauchement de compétences, sachant que le principe général préconise la complémentarité entre les mécanismes des droits de l’homme.

7.Ségrégation et discrimination raciales (art.3)

101.Le législateur tunisien érige en infraction pénale la ségrégation et la discrimination raciales et l’article 9 de la loi organique no2018-50 dispose ce qui suit à ce sujet : « Est puni d’un an à trois ans d’emprisonnement et/ou d’une amende de 1 000 à 3 000 dinars, quiconque aura commis l’un des actes suivants :

L’incitation à la haine, à la violence et à la ségrégation, à la séparation, à l’exclusion ;

Ou la menace de le faire à l’encontre de toute personne ou groupe de personnes fondé sur la discrimination raciale. ».

III.Mesures prises pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (art. 4)

1.Mesures prises pour lutter contre la notion de supériorité raciale ou la haine raciale et contre toute incitation à la discrimination raciale

102.L’État tunisien a adopté une série de textes juridiques dans le cadre de la mise en conformité de la législation nationale avec les dispositions de l’article 4 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale concernant la lutte contre toutes les formes d’intolérance et de haine fondées sur le racisme. Parmi les textes adoptés à cet effet, on peut citer les suivants.

103.Le décret-loi no 2011-88 portant organisation des associations comporte plusieurs dispositions relatives à la lutte contre l’extrémisme et la discrimination. Son article 3 précise ce qui suit : « Les associations doivent respecter dans leurs statuts, activités et financement, les principes de l’État de droit, de la démocratie, du pluralisme, de la transparence, de l’égalité et des droits de l’homme tels que consacrés par les conventions internationales ratifiées par la République tunisienne » et aux termes de son article 4 : « ll est interdit aux associations d’adopter dans leurs statuts, communiqués, programmes ou activités des appels à la violence, à la haine, à l’intolérance ou à la discrimination, sur des bases religieuses, catégorielles, sexistes ou régionales. ».

104.L’article 4 du décret-loi no 2011-87 du 24 septembre 2011 organisant les partis politiques interdit à ces entités d’adopter dans leurs statuts, communiqués, programmes ou activités des appels à la violence, à la haine, à l’intolérance ou à la discrimination, sur des bases religieuses, catégorielles, sexistes ou régionales.

105.Il convient de mentionner également à cet égard l’article 52 du décret-loi no 2011-115 du 2 novembre 2011 relatif à la liberté de la presse, l’imprimerie et l’édition, qui dispose ce qui suit : « Est puni d’un an à trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 000 à 2 000 dinars quiconque appelle directement, en utilisant l’un des moyens indiqués à l’article 50 du présent décret-loi, à la haine entre les races, les religions, ou les populations, et ce, par l’incitation à la discrimination et l’utilisation de moyens hostiles, de la violence, ou de la diffusion d’idées fondées sur la discrimination raciale. ».

106.Selon l’article 69 dudit décret : « Les infractions commises par voie de presse ou par tout autre moyen d’information font l’objet de poursuites conformément aux dispositions ci‑après :

Premièrement : en cas de diffamation ou d’injures prévues respectivement à l’article 55 et à l’article 57 du présent décret-loi, les poursuites ne peuvent être engagées que sur requête de la personne visée par la diffamation ou l’injure. Les poursuites peuvent toutefois être engagées à l’initiative du ministère public si la diffamation ou l’injure vise une catégorie de personnes appartenant à une ethnie, une race ou une religion déterminée et que son but est l’incitation à la haine entre les races, les religions ou les populations, en utilisant des moyens hostiles, la violence ou la publication d’idées fondées sur la discrimination raciale, conformément aux dispositions de l’article 52 du présent décret-loi... ».

107.L’article 52 du même décret-loi dispose ce qui suit : « Est passible d’un an à trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 000 à 2 000 dinars quiconque appelle directement, en utilisant l’un des moyens indiqués à l’article 50 du présent décret- loi, à la haine entre les races, les religions, ou les populations, et ce, par l’incitation à la discrimination et l’utilisation de moyens hostiles, de la violence, ou de la propagande pour des idées fondées sur la discrimination raciale. ».

108.L’article 70 du même texte précise que toute association, dont il est établi qu’elle a été créée depuis un an avant la date des faits, peut, à condition d’être habilitée par ses statuts à défendre les droits de l’homme et à lutter contre les formes de discrimination fondées sur la race, le sexe ou la religion, exercer l’action privée liée à l’infraction indiquée à l’article 51 du présent décret-loi. Si l’infraction a lieu contre des personnes déterminées, il ne lui est permis d’introduire cette action que sur accord écrit formel des personnes concernées.

109.La loi organique no2015-26 du 7août 2015 relative à la lutte contre le terrorisme et à la répression du blanchiment d’argent, telle que modifiée par la loi organique no2019-9 du 23janvier 2019, comporte plusieurs dispositions visant à lutter contre différentes formes d’extrémisme, de terrorisme, de violence et de haine. Son article 14 érige en infraction terroriste l’accusation d’apostasie et l’appel à celle-ci et l’incitation à la haine, à l’animosité entre les races, les religions et les doctrines ou le fait d’en faire l’apologie.

110.Sur le plan judiciaire, le tribunal de première instance de Tunis a été saisi de deux plaintes pour discrimination raciale sur les réseaux sociaux. Une enquête a été ouverte et confiée aux juridictions compétentes afin qu’elles statuent sur ces infractions et procèdent au traitement de ces plaintes.

2.Prise en considération de la motivation raciste en tant que circonstance aggravante en droit pénal tunisien

111.La loi organique no2018-50 incrimine plusieurs comportements et prévoit l’aggravation des peines conformément aux obligations découlant de l’article 4 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Son article 8 dispose ce qui suit : « Est puni d’un mois à un an d’emprisonnement et/ou d’une amende de 500 à 1 000 dinars, quiconque aura commis un acte ou aura tenu des propos comportant une discrimination raciale, au sens de l’article 2 de la présente loi, méprisants ou portant l’atteinte à la dignité.

112.La peine est portée au double dans les cas suivants :

Si la victime est un enfant ;

Si la victime est en situation de vulnérabilité du fait de son âge avancé, du handicap, de l’état de grossesse apparent, du statut d’immigrant ou de réfugié ;

Si l’auteur de l’acte a une autorité de droit ou de fait sur la victime ou s’il a abusé des pouvoirs de sa fonction ;

Si l’acte est commis par un groupe de personnes, qu’ils soient auteurs principaux ou coauteurs.

113.L’article9 de la même loi dispose ce qui suit : « Est puni d’un an à trois ans d’emprisonnement et/ou d’une amende de 1 000 à 3 000 dinars, quiconque aura commis l’un des actes suivants :

L’incitation à la haine, à la violence et à la ségrégation, à la séparation, à l’exclusion ;

Ou la menace de le faire à l’encontre de toute personne ou groupe de personnes fondé sur la discrimination raciale ;

La diffusion d’idées fondées sur la discrimination raciale, la supériorité raciale ou la haine raciale, par quelque moyen que ce soit ;

L’éloge des pratiques de discrimination raciale par quelque moyen que ce soit ;

La formation, l’adhésion ou la participation à un groupe ou une organisation qui supporte, de façon claire et répétée, la discrimination raciale ;

L’appui ou le financement des activités, associations ou organisations à caractère raciste.

Les peines prévues par la présente loi n’excluent pas l’application de peines plus sévères prévues par la législation en vigueur et la responsabilité pénale n’exclut pas l’engagement de poursuites disciplinaires. ».

114.L’article 10 de la même loi précise ce qui suit : « Si l’auteur des faits mentionnés à l’article 9 ci-dessus est une personne morale, la peine est d’une amende de 5 000 à 15 000 dinars. La poursuite de la personne morale ne fait pas obstacle à ce que les peines prévues par la présente loi soient prononcées à l’encontre de ses représentants, ses dirigeants, ses associés ou ses agents si leur responsabilité personnelle a été établie. ».

3.Jurisprudence relative à la loi organique no2018-50

a)Décisions rendues

115.Les instances judiciaires veillent à la protection des droits et libertés contre toute atteinte, comme le prévoit l’article 49 de la Constitution. Depuis son entrée en vigueur, les tribunaux tunisiens ont rendu plusieurs décisions fondées sur la loi organique no2018-50, dont les plus importantes sont les suivantes :

Le jugement no62196 du 5février 2019 rendu par le tribunal cantonal de Sfax, condamnant une personne qui a adressé des propos racistes à une autre personne dans l’intention de l’humilier et de porter atteinte à sa dignité ;

Le jugement correctionnel no39410 du 19février 2020 rendu par le tribunal cantonal d’El-Ouardia, condamnant une femme qui a adressé des propos racistes à une personne dans l’intention de l’humilier et de porter atteinte à sa dignité sur le fondement de l’article 8 de la loi no2018-50 ;

Le jugement correctionnel no20/1786 du 4juin 2020 rendu par la chambre correctionnelle du tribunal de première instance de Médenine condamnant une femme qui a adressé des propos racistes à un enfant sur le fondement de l’article 9 de la loino2018-50;

Le jugement correctionnel no20/1068 du 17mars 2021 rendu par le tribunal de première instance de l’Ariana, condamnant une femme qui a adressé des propos racistes à une personne dans l’intention de l’humilier et de porter atteinte à sa dignité sur le fondement de l’article 8 de la loi no2018-50;

L’affaire no 24022 du 19 décembre 2018, dans laquelle le juge d’instruction du tribunal de première instance de Médenine a rendu une ordonnance de clôture de l’instruction et mis en examen la personne impliquée, notamment dans des actes de discrimination raciale, sur le fondement de l’article 8 de la loi no 2018-50 ;

Le défèrement par le parquet du tribunal de première instance de Sousse 2, dans le cadre de la mise en œuvre de son pouvoir d’auto-saisine, de l’auteur présumé d’une infraction de discrimination raciale devant la chambre correctionnelle du même tribunal, dont l’examen a été fixé à l’audience du 25 mai 2021.

116.Il convient de noter que l’adoption de la loi no2018-50 a eu un impact particulier sur le système juridique tunisien, puisque les tribunaux acceptent désormais, à la demande de l’intéressé, des demandes de modification ou de suppression de patronymes à consonance raciste ou discriminatoire (vestiges de la période esclavagiste), sur la base des dispositions de la Convention ainsi que des dispositions de la loi interdisant tout comportement ou acte raciste. La Chambre de statut personnel du tribunal de première instance de Médenine a notamment accepté l’annulation et la modification du nom de famille d’une personne ayant une connotation raciste et discriminatoire par le jugement no39091 du 12décembre 2020. Le tribunal de première instance de Tunis a également statué sur une affaire similaire (voir le texte du jugement joint à l’annexe 4).

b)Plaintes et poursuites judiciaires

117.L’inspection générale du Ministère de la justice élabore depuis l’année judiciaire 2018-2019 des tableaux statistiques indiquant le nombre d’affaires de discrimination raciale jugées, conformément au tableau ci-joint.

Année judiciaire

Nombre d ’ affaires

2018 -20 19

198

2019 -20 20

169

118.L’article 6 (par. 2) de la loi organique no 2018-50 précise que les plaintes sont déposées auprès du procureur de la République territorialement compétent et enrôlées dans un registre spécial. Ces registres n’ont pas encore été ouverts auprès de tous les tribunaux, mais ont vocation, une fois établis, à donner accès à des données précises, actualisées et classées concernant toutes les plaintes et poursuites engagées en matière d’infractions de discrimination raciale.

c)Réparation accordée aux victimes de discrimination raciale

119.L’article 5 de la loi organique no2018-50 dispose ce qui suit : « Les victimes de la discrimination raciale jouissent du droit à :

La protection juridique conformément à la législation en vigueur ;

L’assistance sanitaire, psychologique et sociale adaptée à la nature de la discrimination raciale exercée à leur encontre et qui est à même d’assurer leur sûreté, leur sécurité, leur intégrité physique et psychologique et leur dignité ;

Une réparation judiciaire juste et proportionnée aux préjudices matériel et moral subis à cause de la discrimination raciale. ».

120.L’article 10 précise que la peine est une amende de 5 000 à 15 000 dinars si l’auteur des faits mentionnés à l’article 9 est une personne morale.

4.Mesures prises pour faciliter l’accès de toutes les victimes à la justice

121.La loi organique no2018-50 du 23octobre 2018 relative à l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale définit les procédures à suivre pour engager une action en justice fondée sur ses dispositions, à savoir :

Le dépôt d’une plainte contre quiconque commet un acte ou s’abstient de le faire ou profère des propos racistes par la victime elle-même, ou son tuteur si celle-ci est mineure ou ne jouit pas de la capacité juridique d’ester en justice ;

Le dépôt d’une plainte auprès du procureur de la République territorialement compétent et son enrôlement dans un registre spécial ;

La réception des plaintes par l’un des substituts du procureur de la République chargé des affaires de discrimination raciale et du suivi des investigations ;

La possibilité de porter plainte auprès du juge cantonal, qui doit en informer le procureur de la République dès son dépôt, l’enrôler dans un registre spécial et ouvrir une enquête sur commission rogatoire du procureur de la République ;

La saisine de toute affaire portée devant le procureur de la République dès l’enrôlement de la plainte, laquelle donne lieu à des investigations confiées par le parquet à des officiers de la police judiciaire spécialement formés à enquêter sur ces infractions et à lutter contre toutes leurs formes et manifestations, étant précisé que l’enquête doit être clôturée et ses résultats transmis au tribunal compétent dans un délai maximal de deux mois à compter du dépôt de la plainte.

122.Afin de protéger les droits des victimes de discrimination raciale, l’article 7 de la loi organique dispose ce qui suit : « Le tribunal territorialement compétent statue sur les plaintes formulées, au sens de la présente loi, suite à l’ordonnance rendue par le ministère public et en se référant aux conclusions et enquêtes. À la lumière de l’ordonnance, le tribunal peut ordonner des investigations supplémentaires par des actes complémentaires. ».

123.La loi organique no 2018-50 ne prévoit pas d’aide judiciaire, mais les justiciables peuvent en bénéficier en vertu des dispositions générales prévues à ce sujet par la loi no 2002‑52 du 3 juin 2002 y afférente, dont l’article premier précise que l’aide judiciaire peut être accordée à toute personne physique demanderesse ou défenderesse, et ce, à tous les stades de la procédure. En matière pénale, l’aide judiciaire peut bénéficier aussi bien à la partie civile qu’à celle qui demande la révision d’un procès. Elle peut aussi être accordée en ce qui concerne les délits passibles d’une peine d’emprisonnement au moins égale à trois ans, à condition que le requérant ne soit pas en situation de récidive. Les crimes demeurent soumis aux dispositions en vigueur relatives à la réquisition. L’aide judiciaire peut être accordée en ce qui concerne l’exécution des jugements et l’exercice du droit de recours. Elle peut également être accordée dans les affaires criminelles qui font l’objet d’un pourvoi en cassation.

124.Selon l’article 2 de la loi, les étrangers peuvent bénéficier de l’aide judiciaire lorsque les juridictions tunisiennes sont compétentes pour connaître des litiges les concernant, et ce, en application d’une convention d’entraide judiciaire conclue avec l’État dont il porte la nationalité et sous réserve du respect du principe de réciprocité.

125.Afin d’adapter l’aide judiciaire aux exigences du droit d’accès à la justice, le Ministère de la justice a créé en 2017 une commission placée auprès du Centre d’études juridiques et judiciaires, chargée d’évaluer la loi de 2002 et de proposer un projet de texte en la matière, en collaboration avec les divers intervenants dans ce domaine (magistrats, avocats, huissiers de justice, etc.). Ces mesures visent à mettre en œuvre la cible 16.3 de l’objectif de développement durable (ODD) 16 qui consiste à garantir à tous un égal accès à la justice.

5.Rôle de la HAICA dans la lutte contre la haine et la discrimination raciale

126.L’article15 (al.5) du décret no2011-116 relatif à la liberté de la communication audiovisuelle et portant création d’une Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA) dispose que cette Instance veille à l’organisation et à la régulation de la communication audiovisuelle par la création d’un paysage médiatique audiovisuel pluraliste, diversifié et équilibré, qui respecte les valeurs de liberté et de justice et rejette la discrimination fondée sur la race, le sexe ou la religion.

127.La HAICA a lancé un projet de mise en place d’un « Observatoire de détection du discours de haine dans les médias » visant à combattre les discours d’incitation à la violence, à la haine et au racisme sous toutes leurs formes dans les médias, qu’ils soient explicites ou implicites et excédant les limites de la liberté d’expression et de l’éthique professionnelle. Le projet a commencé à prendre forme en octobre 2015, lorsque la HAICA a mené une étude empirique sur l’incitation à la haine dans les médias audiovisuels, en s’appuyant sur une approche axée sur les droits de l’homme, en collaboration avec le Bureau du HCDH à Tunis.

128.Le projet vise à sensibiliser les médias aux abus susceptibles d’être commis par les uns et les autres et aux discours constituant une incitation à la violence et à la haine, qui risquent de mettre en péril le projet d’édification d’une société démocratique, ainsi qu’à mettre en place un cadre juridique national et international (au niveau des institutions membres du Réseau francophone des régulateurs des médias) de lutte contre les discours de haine dans les médias et à élaborer un code de conduite en matière de diffusion d’une culture de tolérance par les médias et les autorités de régulation membres du Réseau francophone des régulateurs des médias.

129.La HAICA a également publié plusieurs recommandations à l’issue du colloque intitulé « Langue et médias audiovisuels » organisé le 29mars 2018 sur la lutte contre la discrimination raciale et l’intolérance dans les médias, parmi lesquelles les suivantes :

La création d’un lexique des divers termes racistes dont l’usage devrait être interdit dans les médias audiovisuels ;

La nécessité pour les médias audiovisuels de contribuer à l’éducation en faveur de l’égalité, de la non-discrimination raciale sous toutes ses formes, de la promotion de la culture de la différence et de l’acceptation de l’autre, tout en renforçant les programmes culturels et en veillant à ce qu’ils soient présentés à une heure de grande écoute.

130.La HAICA a prononcé contre certains médias des sanctions, allant du rappel à l’ordre et de l’amende jusqu’à l’arrêt de la diffusion, pour violation des dispositions des décrets nos115 et 116 du 2novembre 2015 (annexe 5).

IV.Mesures permettant aux groupes protégés par la Convention de jouir pleinement de leurs droits (art. 5, 6 et 7)

131.Le régime tunisien repose sur le principe d’égalité et de non-discrimination, même si certaines pratiques sociales discriminatoires raciales existent encore. C’est pourquoi l’État a promulgué une loi spéciale et créé des institutions compétentes dans ce domaine. Une attention particulière est notamment accordée à la lutte contre ces pratiques lors de la mise en œuvre des stratégies et plans d’action, le but étant de réduire autant que possible les manifestations de discrimination raciale et de permettre à toutes les personnes présentes sur le territoire tunisien d’exercer leurs droits dans des conditions d’égalité, via une démarche à la fois préventive, éducative et répressive, tout en assurant la protection des victimes de discrimination raciale.

1.Droits civils et politiques

132.La loi électorale tunisienne garantit à tous les Tunisiens le droit de participer à la vie politique, sans distinction de couleur, de race ou d’origine ethnique. Le paysage politique, en particulier ces dernières années, a été marqué par une participation accrue des Tunisiens noirs et des Tunisiens de confession juive au Parlement et au Gouvernement, ce qui constitue une avancée positive en matière de participation à la vie publique.

133.Concernant la liberté de réunion et d’association, les populations noires, les minorités (bien que l’on ne dispose pas de données précises à leur sujet), les migrants et les réfugiés ont le droit de fonder des associations et de mener des activités associatives conformément à la législation en vigueur. En effet, il n’existe pas de données précises sur le nombre d’associations, étant donné que le système de classification et d’agrément a été abrogé et remplacé par le régime de déclaration (notification) conformément aux objectifs du décret‑loi no2011-88 portant organisation des associations, ce dont il résulte que les activités relatives aux droits de l’homme menées par les étudiants africains et les migrants s’inscrivent non seulement dans le cadre de l’objet des associations classées, mais également dans de nombreux domaines d’activité prévus par d’autres associations, indépendamment de leur classification.

134.Le nombre d’associations, en particulier celles qui œuvrent dans le domaine des droits de l’homme, a considérablement augmenté depuis 2011. Le nombre d’associations s’occupant de questions liées à la discrimination raciale et aux droits des minorités et celui des associations ayant inclus ces thèmes dans leurs programmes d’intervention, ont également augmenté. Plusieurs d’entre elles ont participé aux débats et discussions à l’Assemblée des représentants du peuple lors de l’adoption de la loi organique no2018-50.

135.Toutefois, la création d’associations se heurte à divers obstacles, notamment la complexité de mise en œuvre de la procédure de constitution et le silence du décret no88 au sujet de certaines questions relatives à l’examen des dossiers de création, soulevant des problèmes juridiques au niveau pratique. Cela vaut également pour tous ceux qui souhaitent créer une association, sans exclusion fondée sur la discrimination raciale.

136.Les associations de toutes sortes, quel que soit leur domaine d’activité, y compris les associations amazighes, exercent leur droit de réunion et participent aux consultations régionales et nationales organisées par l’État dans le cadre de l’élaboration de son rapport national périodique relatif aux droits de l’homme en général, notamment concernant la lutte contre la discrimination raciale ou la discrimination de manière générale.

137.Au cours de ces consultations, ces associations émettent des recommandations et suggestions au sujet de toutes les questions soulevées, en fonction de la nature de chaque rapport. L’association tunisienne de la culture amazighe a notamment accompagné la Commission nationale d’établissement des rapports tout au long du processus de consultation organisé pendant l’élaboration du présent rapport, sachant que cette association a déjà apporté sa contribution à la rédaction de plusieurs rapports nationaux soumis aux comités conventionnels et au Conseil des droits de l’homme.

138.La législation tunisienne garantit en outre aux groupes protégés par la Convention la liberté d’expression, la protection des données personnelles et l’accès à l’information dans les domaines susmentionnés.

2.Mesures garantissant l’accès à la justice et le droit à un procès équitable

139.La législation tunisienne consacre le principe de l’égalité devant la loi et prévoit un ensemble de garanties, telles que le droit à la présomption d’innocence (art.27 de la Constitution), le principe de la légalité des délits et des peines et le principe d’individualisation de la peine (art.28), ainsi que la légalité de la garde à vue et de la détention (art.29).

140.Dans le cadre de l’harmonisation de la législation nationale avec les normes internationales, le Ministère de la justice a adopté une stratégie de réforme du système judiciaire et pénitentiaire (2015-2019) qui vise à renforcer les droits des justiciables en rétablissant la confiance des citoyens, des professionnels et des partenaires envers le système judiciaire, via la réforme du cadre législatif et institutionnel. Cette stratégie s’articule autour de deux axes principaux qui concernent d’une part la qualité de la justice et la protection des droits des justiciables et, d’autre part, l’accès à la justice.

141.En vue de mettre en œuvre ces plans, plusieurs commissions ont été créées et chargées d’examiner les lois et leur conformité à la Constitution et aux normes internationales relatives au droit à un procès équitable (commissions chargées de réviser le Code de procédure pénale, le Code pénal, le Code de procédure civile et commerciale, le Code de l’arbitrage et le Code de la protection de l’enfant).

142.En pratique, plusieurs programmes financés par l’Union européenne (UE) sont en cours d’exécution, notamment le Programme d’aide au partenariat, aux réformes et à la croissance inclusive (SPRING) visant à appuyer la réforme de la justice sur le plan tant structurel qu’humain, le Programme d’appui à la réforme de la justice et le Programme de coopération avec le Conseil de l’Europe pour l’efficacité de la justice, dont le but est de renforcer le processus de réforme démocratique et politique et de promouvoir l’indépendance et l’efficacité du pouvoir judiciaire.

143.En outre, un programme de traitement des affaires pénales en temps réel a également été mis au point dans le cadre du projet d’appui à la réforme de la justice financé par l’Union européenne (UE). Il s’agit d’un nouveau mécanisme de gestion des plaintes, dans le cadre duquel les dossiers relatifs à des prévenus en liberté sont directement transmis au Procureur général, accompagnés des procès-verbaux d’instruction, le but étant d’améliorer l’efficacité des tribunaux en réduisant les délais de réponse concernant chaque dossier, ainsi que le nombre de jugements rendus par contumace, de renforcer l’application effective des lois et de rendre justice à chacun dans des délais raisonnables, dans le cadre d’un procès équitable respectueux des droits de l’homme.

144.Dans le cadre de la garantie du droit d’accès à la justice et du renforcement des droits des justiciables, plusieurs mesures ont été adoptées, notamment la promulgation de la loino2002-52 relative à l’octroi de l’aide judiciaire (voir par.124 à 126).

145.Ces mesures contribuent à la réalisation de la cible 16.3 de l’objectif de développement durable (ODD) 16 visant à garantir à tous un égal accès à la justice.

3.Formes de réparation et de compensation accordées dans des affaires de discrimination raciale considérées comme adéquates en droit interne

146.L’article 5 de la loi no2018-50 de 2018 garantit aux victimes de discrimination raciale le droit à : « une réparation judiciaire juste et proportionnée aux préjudices matériel et moral subis du fait de la discrimination raciale », ce qui leur permet d’engager une action civile en même temps qu’une action publique pour demander réparation, en application de l’article7 du Code de procédure pénale, ou séparément en engageant une action civile autonome à l’issue d’une procédure pénale. À cet égard, il convient de citer l’affaire dans laquelle le tribunal cantonal d’El Ouardia, statuant sur l’action civile en réparation du préjudice moral subi par la victime d’un acte raciste, a ordonné le versement à cette dernière de la somme de 500 dinars à titre d’indemnité (jugement no39410 du 19février 2020).

147.Il convient également de noter que l’article 5 précité ne limite pas la demande d’indemnisation pour discrimination raciale à l’action publique, car ses dispositions sont formulées en termes généraux, de sorte que l’action en réparation peut être mise en mouvement dans tous les cas dans lesquels il est établi que la victime a subi une discrimination raciale au sens de l’article 2 de la Convention, y compris dans les cas de discrimination indirecte.

4.Charge de la preuve dans les procédures civiles relatives à des faits de discrimination raciale

148.En théorie, le système juridique tunisien prévoit des mécanismes de recours civils contre les infractions de discrimination raciale, mais en pratique, aucune plainte n’a été déposée jusqu’à la date du rapport et il n’est donc pas possible de prédire la manière dont les tribunaux sont susceptibles de traiter de telles affaires.

5.Population amazighe

Inscription des prénoms amazighs au registre de l’état civil

149.Le 15juillet 2020, le Ministère des affaires locales a publié une circulaire abrogeant la circulaire no1965-85 du 12décembre 1965 du Secrétaire d’État à la justice et du Secrétaire d’État à l’intérieur, qui imposait des restrictions quant au choix des prénoms donnés par les parents à leurs enfants lors de l’enregistrement au registre d’état civil. La nouvelle circulaire garantit le droit, en particulier celui des Tunisiens d’origine amazighe, d’inscrire les prénoms amazighs de leurs enfants aux registres d’état civil (annexe6). Les services chargés du contrôle de l’application de cette circulaire luttent contre les cas de non-application, qui sont le fait de certains fonctionnaires.

Exercice des droits sociaux et culturels de la population amazighe

150.Les Amazighs, qui représentent une partie importante du tissu social tunisien, jouissent de leurs droits à l’éducation, à la culture et à la santé, entre autres, sans discrimination, exclusion ou marginalisation.

151.Les institutions éducatives et culturelles valorisent le patrimoine culturel amazigh à toutes les occasions. L’école a vocation à enraciner, à affermir et à mettre en avant cette appartenance dans toutes ses composantes historiques et culturelles.

152.À partir de 2024, il est prévu d’intégrer l’étude de la culture amazighe dans les programmes scolaires officiels via des activités culturelles assurées par des clubs à l’intention des personnes intéressées.

6.Droits économiques, sociaux et culturels des groupes protégés par la Convention

a)Droit à l’éducation

153.Le système éducatif tunisien est fondé sur le principe de l’enseignement obligatoire et gratuit, lequel constitue un droit fondamental pour tous les Tunisiens âgés de 6 à 16ans, sans aucune discrimination fondée sur le sexe, l’origine sociale, la couleur ou la religion. C’est aussi un devoir qu’assument conjointement les individus et la collectivité. Les étrangers qui résident en Tunisie bénéficient également de ce droit sans exception ni restriction ou privilège. Sur cette base, l’accès à l’éducation des Tunisiens et des étrangers en âge d’être scolarisés est garanti par des textes législatifs et réglementaires. Il s’agit d’un acquis du système éducatif qui consacre les principes et valeurs propres à renforcer la dignité des personnes et à garantir les droits individuels.

Scolarisation des étrangers dans les établissements scolaires

154.Au cours de l’année scolaire 2020/21, les établissements d’enseignement ont accueilli 1 886 élèves étrangers aux différents niveaux de l’enseignement préparatoire, primaire et secondaire.

155.En ce qui concerne l’enseignement universitaire, des inscriptions et des bourses sont réservées aux étudiants étrangers dans les universités publiques tunisiennes, selon des accords et contrats conclus entre le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique et le pays d’origine de l’étudiant ou sur la base de candidatures individuelles. Les étudiants étrangers inscrits dans les universités publiques bénéficient d’une bourse universitaire et de services universitaires, de réductions de tarifs dans les transports publics et de soins médicaux et psychologiques dispensés via le système de sécurité sociale et de santé. Les étudiants qui ne bénéficient pas d’une bourse scolaire ont également accès à tous les services de santé des établissements publics. La participation aux clubs culturels et sportifs et aux associations d’étudiants étrangers est garantie dans toutes les institutions universitaires.

156.Les étudiants originaires de pays d’Afrique subsaharienne font partie intégrante de la communauté estudiantine des établissements universitaires tunisiens et bénéficient, au même titre que les Tunisiens, des services offerts par ces établissements. Les étudiants étrangers bénéficient d’un enseignement quasi-gratuit au sein des universités tunisiennes et ont le droit − tout comme les étudiants tunisiens − de poursuivre leurs études universitaires s’ils remplissent les conditions légales et pédagogiques requises pour l’admission et l’inscription. L’annexe7 indique le nombre d’étudiants étrangers inscrits dans des établissements publics au cours des années 2019, 2020 et 2021, selon leur nationalité.

b)Droit au logement

157.L’acquisition d’un bien immobilier est ouverte à tous les groupes sociaux et aux non‑ressortissants qui souhaitent résider légalement en Tunisie. Les mesures prises par l’État permettent à ces personnes d’acquérir un logement résidentiel construit par des promoteurs immobiliers agréés, conformément à certaines conditions.

158.La Tunisie compte parmi les pays qui participent à des projets, plans d’action et programmes mis en œuvre dans le cadre du Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-Habitat).

159.L’acquisition d’un logement et/ou l’obtention d’un financement pour sa construction ne sont pas assujettis à des critères d’origine ethnique ou nationale, de couleur du bénéficiaire ou de son ascendance. L’État met à la disposition des personnes qui souhaitent construire des logements des lotissements appropriés en termes de qualité et de quantité, ainsi que des espaces réservés aux équipements collectifs, sans aucune discrimination. Les étrangers peuvent acquérir des biens immobiliers après obtention d’une autorisation préalable.

c)Droit à la santé

160.Le Ministère de la santé intensifie les efforts déployés dans les différents secteurs et milieux afin que tous les groupes sociaux puissent bénéficier de tous les services de santé disponibles sans discrimination et s’emploie à les doter des moyens nécessaires à cet effet.

161.Afin de fournir des services de santé aux non-ressortissants qui résident en Tunisie, l’Office national de la famille et de la population a conclu en 2018 une convention de travail et de coopération avec l’OIM, relative à une prise en charge gratuite et à l’accès à des services de prévention, d’accompagnement et de soins de santé sexuelle et procréative.

162.En matière de promotion de la prévention des maladies transmissibles comme le VIH/sida, des séances de sensibilisation, d’éducation et d’information sur les services de santé sexuelle et d’éducation à la prévention des infections sexuellement transmissibles sont organisées à l’intention des migrants.

163.Dans le but d’assurer un bon accueil et une prise en charge adéquate des migrants au sein des structures et établissements publics de santé, la circulaire du 19 mars 2019 du Ministre de la santé, relative à l’accueil et à la prise en charge sanitaire des migrants, souligne la nécessité de dispenser des services de santé préventifs et curatifs à tous les migrants dont l’état de santé le justifie, qu’ils soient en situation régulière ou irrégulière, et d’assurer la prise en charge de leurs frais de santé conformément à la législation en vigueur.

164.En vertu de cette circulaire, les agents de santé sont tenus de respecter un certain nombre de règles, notamment les suivantes :

Assurer un bon accueil aux migrants et une prise en charge qui respecte leur dignité humaine et leurs droits fondamentaux sans aucune discrimination, en accordant une attention particulière aux groupes vulnérables : femmes enceintes, enfants, personnes âgées, personnes handicapées et victimes de la traite des êtres humains ;

Accélérer la dispense de soins de santé et de prise en charge des migrants dans les services d’urgence, même en l’absence de tout document d’état civil ou de carte de soins personnelle lors de l’admission, les procédures administratives concernant les frais de santé devant être réglées par la suite par le patient lui-même ou par toute institution ou organisation qui accepte de prendre en charge un patient en situation de précarité économique et sociale ;

Orienter les migrants qui ont besoin de soins vers les structures compétentes, selon qu’il convient et en fonction de leur état de santé, en les informant des traitements et services auxquels ils ont droit.

d)Statistiques sur les soins de santé fournis aux migrants au niveau des délégations

165.Entre septembre 2018 et août 2020, des soins de santé ont été dispensés à 7701personnes comme suit :

La majorité des bénéficiaires était composée de femmes (98,7%), dont 80,3% célibataires et 17,4% mariées ;

Concernant le niveau scolaire des bénéficiaires, 19,2 % étaient analphabètes, 23,3 % de niveau primaire, 35,8 % de niveau secondaire, 20,7 % de niveau supérieur et 1 % ayant bénéficié d’une formation professionnelle ;

Plus de la moitié des bénéficiaires était composée de travailleurs (61,7 %), 18,1 % d’étudiants et 20,2 % de chômeurs ;

La répartition par nationalité indique que la majorité des bénéficiaires était composée de ressortissant ivoiriens (82,6%), suivis par des camerounais (4,7%) et des maliens (4,2%) ;

Parmi les services fournis aux migrants, il convient de citer les suivants :

Sensibilisation, éducation et communication en matière de santé : 3841services (49,9%);

Soins de santé : 4 855 soins (63,0%) ;

Consultations psychologiques : 171 consultations (2,2%);

Orientation (le cas échéant) : 728 services (9,5%).

e)Droit au travail et à la sécurité sociale

166.Le droit au travail et à la sécurité sociale est régi par les mêmes principes que ceux sur lesquels repose l’ensemble du système juridique, à savoir l’égalité et le rejet de la discrimination sous toutes ses formes. Ces principes sont consacrés tant par la Constitution que par le Statut général de la fonction publique, le Code du travail et les conventions collectives du travail.

167.Concernant les réfugiés enregistrés auprès du Bureau du HCR à Tunis, ils peuvent, depuis 2020, obtenir une carte d’affiliation à la Caisse nationale de sécurité sociale leur permettant de bénéficier d’un régime de sécurité sociale et de divers services sociaux, sur présentation d’un contrat de travail visé par le Ministère de l’emploi ou d’une carte de commerçant pour les réfugiés qui se sont mis à leur compte.

Population étrangère selon le sexe et le type d’activité

Situation d ’ emploi

Hommes

Femmes

Actifs

49,5

22,1

Chômeurs

14,2

14,6

Inactifs

36,3

63,3

Total

100

100

168.Afin de mieux faire connaître ces questions, le Ministère de la formation professionnelle et de l’emploi exécute plusieurs programmes en collaboration avec divers partenaires. Ainsi, le programme THAMM vise à mettre progressivement en place un cadre législatif, institutionnel et réglementaire de la migration régulière et de la mobilité, à promouvoir les droits des travailleurs migrants et à lutter contre le travail forcé, le travail des enfants et la traite des personnes, en améliorant les mécanismes d’évaluation, de reconnaissance de qualification et de certification et en améliorant les connaissances et la gestion des données statistiques sur la migration régulière et la mobilité. Ce programme vise également à élaborer et à améliorer des programmes de migration organisée et à développer la collaboration entre les différentes parties concernées par le dossier de la migration.

f)Migrants, demandeurs d’asile et réfugiés

Cadre juridique, adoption du projet de loi sur l’asile et création d’une instance chargée d’examiner les demandes d’asile et de déterminer le statut de réfugié

169.Bien qu’elle ait ratifié la Convention relative au statut des réfugiés et son Protocole additionnel depuis 1967, la Tunisie ne dispose pas encore d’un cadre juridique national régissant l’asile. Par conséquent, toutes les procédures et demandes d’asile sont examinées par le HCR selon ses propres règles.

170.Le Centre d’études juridiques et judiciaires du Ministère de la justice supervise l’élaboration, dans le cadre d’une démarche participative, d’un projet de loi sur l’asile qui prévoit notamment la création d’une instance nationale de protection des réfugiés, chargée d’examiner les demandes d’asile et de statuer sur ces requêtes, d’assurer le suivi de la situation des réfugiés et de retirer ou, le cas échéant, de révoquer, le statut de réfugié. L’établissement du siège de cette instance est prévu à la capitale (Tunis) et elle a vocation à être composée de représentants de tous les ministères, d’un représentant de l’Instance des droits de l’homme, d’un représentant de l’Association tunisienne du Croissant-Rouge et d’un représentant du HCR à Tunis, sans droit de vote. Il est envisagé de confier la présidence de cette instance à un magistrat de troisième grade ayant compétence en matière d’asile. Ceprojet est encore à l’étude.

Cadre institutionnel

171.La Tunisie ne dispose pas de centres de rétention, mais de centres d’hébergement. Elle s’efforce à cet égard, en partenariat avec les organismes internationaux compétents (HCR, HCDH, OIM, etc.), de protéger ces groupes, notamment ceux en situation de vulnérabilité dans le but d’améliorer les services assurés en attendant de trouver des solutions pérennes.

172.Les migrants et réfugiés sont provisoirement hébergés dans des centres d’accueil répartis dans différentes régions du pays, en attendant que leur statut juridique soit examiné. L’État tunisien prend à sa charge les frais d’hébergement, de subsistance, de soins et de prise en charge de ces personnes et coordonne avec différentes structures et avec les représentants de leurs pays et certaines ONG concernées, comme l’OIM et le HCR, dans le but de leur venir en aide.

173.Le Ministère de l’intérieur a ouvert les centres d’hébergement relevant de son autorité aux mécanismes de contrôle externe, afin qu’ils puissent les visiter et procéder au suivi des conditions concrètes de vie et d’hébergement et proposer des solutions visant à les faire évoluer et à les améliorer. Il convient d’ailleurs de citer les visites effectuées auprès de ces centres par des équipes de Médecins du monde (MDM), du Comité international de la Croix‑Rouge (CICR), de la Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme (LTDH) et de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires étrangères du Parlement européen.

174.En collaboration avec le Bureau du HCDH en Tunisie et le Bureau du HCR en Tunisie, le Ministère de l’intérieur organise au profit des agents des forces de l’ordre des différents corps de la garde nationale et de la sûreté des sessions de formation au droit international des droits de l’homme et à l’application des lois. Le Ministère prend les mesures nécessaires destinées à protéger les droits et l’intégrité physique et mentale de toutes les personnes sans discrimination, conformément aux principes onusiens relatifs aux droits de l’homme et à la législation nationale en la matière. Il s’emploie également à traiter toutes les plaintes et requêtes relatives à des violations des droits de l’homme émanant de personnes alléguant avoir subi un préjudice ou de certaines organisations nationales ou internationales, et à prendre, le cas échéant, des mesures administratives, disciplinaires ou pénales contre tout contrevenant.

175.Les centres d’encadrement et d’orientation sociale implantés dans un certain nombre de gouvernorats s’engagent à accueillir les réfugiés vulnérables (enfants non accompagnés, femmes enceintes, personnes handicapées...) et à leur fournir divers services d’hébergement, de prise en charge et de soins. Au cours des six premiers mois de 2020, les services de sûreté ont transféré 5 personnes de sexe masculin au Centre d’encadrement et d’orientation sociale de Sfax, qui leur a réservé un bon accueil, assuré leur prise en charge sociale et enquêté sur leur situation. Il a également facilité l’accès de ces personnes aux soins de santé et leur a fourni un interprète chaque fois que la situation l’exigeait, en coordination avec des représentants de la société civile et des organisations internationales, comme le Bureau du HCR en Tunisie et le Conseil tunisien pour les réfugiés.

176.Les efforts se poursuivent afin de régler les questions soulevées par l’afflux de migrants et de réfugiés, de manière à garantir à la fois leur liberté de circulation et de faciliter leur intégration sociale. Face au flux incessant de migrants vers la Tunisie, notamment dans la région de Médenine, du fait de l’instabilité persistante qui règne en Libye, une politique pragmatique et efficace est envisagée afin d’y remédier, tout en assurant la sécurité des migrants, conformément aux principes des droits de l’homme consacrés par la Constitution.

177.Le Bureau du HCR en Tunisie, l’Association tunisienne du Croissant-Rouge et l’OIM fournissent un hébergement, des moyens de subsistance et des soins médicaux aux migrants et aux réfugiés, en attendant l’examen de leurs dossiers et la régularisation de leur situation.

Prise en charge des enfants migrants

178.Le Bureau de soutien au système de justice pour mineurs du Ministère de la justice examine avec le plus grand soin les problèmes auxquels font face les enfants migrants non accompagnés. Les juges de la famille, les juges pour enfants et les représentants du ministère public assurent directement le suivi de ces cas, en coordination avec les membres des forces de l’ordre. Dans le cadre des mesures qu’elles prennent au sujet des enfants en conflit avec la loi, ces autorités tiennent compte de la situation des enfants en danger et des enfants victimes, afin de leur permettre d’accéder à des soins de santé, notamment psychologiques, et de jouir de leur droit à l’éducation en attendant que s’achève la procédure de retour dans leur pays, ce qui implique un examen approfondi de la situation de chacun de ces enfants. Le Bureau a participé à une réunion de coordination avec le Ministère de la femme, de la famille, de l’enfance et des personnes âgées concernant la prise en charge des enfants migrants non accompagnés, à l’issue de laquelle plusieurs recommandations ont été formulées, à savoir :

Créer un groupe de travail multisectoriel conjoint chargé de suivre la situation des enfants migrants ;

Trouver des solutions rapides afin de protéger ces enfants, notamment en matière d’hébergement ;

Unir les efforts de toutes les parties prenantes et partager les informations, les données et les responsabilités concernant la prise en charge de ces enfants ;

S’attaquer à la question de la migration des enfants à tous les niveaux, en tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant ;

Établir un manuel des procédures de prise en charge des enfants migrants ;

Renforcer les capacités des intervenants dans le domaine de la migration ;

Élaborer une stratégie d’urgence concernant la prise en charge des enfants migrants, qu’ils soient accompagnés ou non accompagnés.

La mise en œuvre de ces recommandations est en cours.

Difficultés et défis

179.Parmi les problèmes et défis qui se posent en ce qui concerne la question des migrants, il convient de citer ce qui suit :

La plupart des migrants et des réfugiés ne disposent pas de documents d’identité et certains d’entre eux se déclarent sous de fausses identités ou de fausses nationalités, ce qui pose des problèmes en matière de sécurité ;

La plupart des migrants et des réfugiés refusent de se soumettre à des examens médicaux lorsqu’ils sont arrêtés, alors que certains d’entre eux sont porteurs de maladies infectieuses ;

Il existe des difficultés à gérer l’hébergement des migrants dans les centres qui leur sont dédiés ;

Les migrants refusent de s’installer à Zarzis ou Sfax et insistent pour rester dans les centres d’hébergement de Médenine, dont la capacité d’accueil maximale est dépassée ;

Les organisations en charge des migrants ne parviennent pas à déterminer leur nombre total et leur nationalité ;

Il y a des difficultés à transférer les migrants vers les centres d’hébergement en raison de leur grand nombre et faute de moyens de transport suffisants.

180.Les difficultés liées à la prise en charge des migrants tiennent également au manque de ressources matérielles, logistiques et humaines. L’importance et le caractère délicat de la question des migrants, des réfugiés et des personnes déplacées militent en faveur de son réexamen à l’échelle internationale.

7.Lutte contre la traite des personnes

État

Pourcentage (%)

Tunisie

22,4

Côte d ’ Ivoire

72

Cameroun

1

Togo

0,4

Guinée

0,6

Mali

1

Autres pays africains

1,4

Asie (Japon et Philippines)

0,4

Pays arabes (Algérie, Syrie)

0,6

a)Données sur la traite des personnes liée à la migration

181.Le nombre total de personnes victimes de la traite en 2020 était de 907 cas. Les deux tiers des victimes étaient des femmes (63,7%), plus de la moitié (52%) était composée d’enfants et 2 victimes sur 5 (40,4%) étaient des étrangers.

Victimes enregistrées auprès de l’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes en 2020, par nationalité (pourcentage)

Traite des personnes selon la forme de traite concernant les étrangers enregistrés en 2020

Forme de traite

Pourcentage d ’ étrangers (%)

Exploitation sexuelle

0,3

Travail forcé

98,9

Exploitation économique des enfants

2

P ratiques analogues à l ’ esclavage

0

Traite et vente d ’ enfants

15,4

Autres formes de traite

8,3

b)Mise en œuvre de la loi organique no2016-61 et résultats de la Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes (2018-2023)

182.En application de l’article 46 de la loi précitée et avec l’appui technique de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), l’Instance a élaboré, selon une démarche participative, la Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes (2018‑2023).

183.L’Instance a également établi un plan d’action de mise en œuvre des principaux éléments de la Stratégie au cours des années 2017 à 2019. Ces activités sont conformes aux cibles 16.2, 16.4 (objectif 16) et 5.2 (objectif 5) des objectifs de développement durable.

184.Le but de la Stratégie est d’instaurer une démarche globale de lutte contre la traite, notamment pour ce qui est d’appliquer les mesures de protection et de fournir une assistance aux victimes, outre l’établissement d’une base de données sur la traite des personnes, dont l’objectif est de faciliter les travaux de l’Instance. Cette Stratégie s’articule autour de quatre grands axes, à savoir la prévention, la protection, le suivi, le partenariat et la coopération.

185.Concernant les ressources humaines et financières, l’article 44 de la loi organique no2016-61 dispose que des crédits imputés sur le budget du Ministère de la justice sont alloués à l’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes pour l’exercice de ses missions. L’Instance continue de renforcer ses ressources, en particulier humaines. L’annexe9 récapitule les recommandations de l’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes figurant dans son rapport annuel de 2020. Dans le cadre de la Stratégie, les mesures ci-après ont été prises.

Sensibilisation

186.L’Instance s’est associée à la « Campagne cœur bleu contre la traite des êtres humains » et a mené, depuis sa création, de nombreuses actions de sensibilisation et d’information dans la capitale et dans plusieurs régions de l’intérieur. Elle a également organisé des rassemblements, des colloques, des conférences de presse et des campagnes de sensibilisation à la nécessité de lutter contre la traite, tout en faisant mieux connaître la loi organique no2016-61.

187.Elle a en outre signé deux accords dans le domaine de l’information afin de sensibiliser le public à la traite. Le 23janvier de chaque année a été décrété fête nationale de l’abolition de l’esclavage et de la traite et un timbre postal commémorant l’abolition de l’esclavage en Tunisie a été émis en janvier 2021. L’Instance a développé des partenariats avec des organisations internationales et régionales et conclu des accords de coopération avec certaines composantes de la société civile dans le but de mettre en œuvre sa Stratégie.

Renforcement des capacités

188.L’Instance a organisé plusieurs sessions de formations à l’intention des magistrats, des auditeurs de justice, des membres des forces de l’ordre, des responsables du Ministère des affaires sociales, du Ministère de la femme, du Ministère des affaires religieuses et du Ministère de la santé et des professeurs d’université.

189.Plus de 200 magistrats ont bénéficié de formations. Entre 2015 et 2018, des sessions de formation à l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et aux normes internationales relatives à la lutte contre le trafic et la traite des personnes ont été organisées à l’intention de tous les auditeurs de justice, de 125 magistrats du parquet et juges d’instruction et de 28 juges spécialisés dans la lutte contre la traite des êtres humains. En outre, plusieurs sessions de formation ont été organisées au profit des juges aux affaires familiales et des procureurs chargés des affaires de violence à l’égard des femmes auprès de tous les tribunaux de première instance.

190.En ce qui concerne la justice militaire, quatre magistrats ont bénéficié d’une formation à la lutte contre la traite des personnes, organisée à Ankara par le centre de formation du Partenariat pour la paix, l’objectif étant de renforcer les capacités des participants à traiter de manière efficace les problèmes liés à la traite des personnes et de les sensibiliser aux mécanismes et mesures de lutte contre ce phénomène.

191.Quelque 25 officiers de police judiciaire relevant des forces de l’ordre ont suivi quatre formations à la traite des personnes et huit formateurs nationaux ont été sélectionnés. En outre, 104 personnes ont participé à quatre sessions de formation organisées par l’Instance au niveau des régions.

192.Des agents des centres de protection sociale ont participé à des formations et à des ateliers sur les méthodes d’identification des victimes et 26 participants ont été désignés points focaux. En outre, 25 agents de protection de l’enfance ont bénéficié d’un enseignement dans le cadre d’un programme de formation des formateurs et 41 délégués régionaux ont participé à plusieurs formations.

193.En 2018, l’Instance a organisé, en partenariat avec l’OMI, 29 activités de formation au profit de plus de 2 000 participants.

194.Depuis 2020, l’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes, en coordination avec le Bureau du Conseil de l’Europe à Tunis, dispense un cours en ligne intitulé « help »» qui porte sur la lutte contre la traite des êtres humains, dont la première session, qui s’est déroulée d’avril à septembre 2020, a été lancé les 13 et 14février 2020. Cette session a réuni 41 Marocains et Tunisiens, parmi lesquels des membres des organismes agissant dans le domaine de la lutte contre la traite des personnes, des agents de sûreté relevant des unités chargées d’enquêter sur les infractions relatives à la traite, des avocats, des travailleurs sociaux et des juristes. L’annexe 8 récapitule les sessions de formation à la lutte contre la traite des enfants, organisées en partenariat avec l’OIM.

Mécanisme national d’orientation des victimes de la traite des personnes

195.L’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes a créé et mis en place un mécanisme national de détection, de suivi et d’orientation des victimes de la traite des personnes, dans le cadre d’un partenariat stratégique avec les secteurs public et privé, la société civile et la communauté internationale. Il s’agit d’un mécanisme national visant à identifier les victimes de la traite, à les orienter vers les services appropriés et à leur apporter une aide et une protection.

196.Lors de l’élaboration du mécanisme, les rôles des institutions publiques et des organisations non gouvernementales ont été bien définis, dans l’objectif d’établir un cadre général et des fondements clairs et de promouvoir une démarche participative, de la détection de l’infraction à la réinsertion sociale des victimes ou à leur retour volontaire dans leur pays d’origine, le but étant d’éviter qu’elles fassent à nouveau l’objet de traite. Les victimes bénéficient de toute l’assistance et de la protection que dicte leur situation, conformément aux normes internationales et nationales pertinentes.

197.En partenariat avec le Conseil de l’Europe, l’Instance a mis en place un mécanisme national d’orientation visant à établir une feuille de route définissant les rôles des différents intervenants dans le cadre d’un réseau unifié, structuré et intégré garantissant des services plus efficaces et plus rapides aux victimes, via une série d’outils destinés à faciliter la coordination entre les parties et à garantir les droits et la protection des victimes.

198.Afin de s’assurer de l’efficacité du mécanisme et de son application effective, l’Instance a décidé de le tester avant de l’adopter définitivement. Il a donc été procédé en 2020 à des simulations déployées au cours de trois ateliers régionaux organisés dans divers gouvernorats.

Collecte de données

199.L’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes a établi, avec le soutien de l’OIM, un rapport annuel sur les victimes de la traite des personnes ayant bénéficié d’une aide. L’Instance élabore actuellement un système d’information qui doit lui permettre de numériser le processus de prise en charge et de réunir des statistiques sur les diverses situations enregistrées.

c)Mesures de protection des victimes

200.L’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes est notamment chargée des missions suivantes :

Fournir une assistance médicale au rétablissement physique et psychologique des victimes ;

Renseigner les victimes sur les procédures judiciaires et administratives à suivre en vue d’obtenir une indemnisation adéquate ;

Aider les victimes à présenter des requêtes visant à obtenir l’aide judiciaire ;

Recevoir les signalements de traite des personnes et les transmettre aux instances juridictionnelles compétentes ;

Définir les principes directeurs permettant d’identifier les victimes de la traite des personnes et de leur apporter l’assistance nécessaire ;

Collaborer avec les diverses autorités publiques compétentes chargées de l’application des procédures de protection et d’assistance aux victimes, aux témoins et aux lanceurs d’alerte ;

Assurer, en coordination et en collaboration avec les organisations non gouvernementales, le suivi des dossiers des victimes auprès des pouvoirs publics et leur apporter assistance, en cas de besoin, dans le but de lever les obstacles entravant l’accès à leurs droits ;

Fournir l’aide sociale nécessaire aux victimes, l’objectif étant de faciliter leur réinsertion sociale et de leur assurer un hébergement.

201.Tous les intervenants se mobilisent contre la traite des êtres humains, conformément à la loi et aux mécanismes mis en place à cette fin. En ce qui concerne les enfants, le délégué à la protection de l’enfance peut saisir la justice et intervenir en faveur de tout enfant, quel que soit son statut en matière d’immigration, d’asile ou de toute autre situation, lorsque ses droits, comme ceux de tout enfant tunisien, sont violés.

202.Le délégué à la protection de l’enfance de Sfax a ainsi pris en charge certaines victimes de l’exploitation et de la traite des personnes, conformément aux dispositions de la loi organique no2016-61 du 3août 2016.

203.Le bureau du délégué à la protection de l’enfance de Sfax a reçu, le 25 février 2021, un signalement émanant d’une association de défense des droits de l’enfant au sujet d’un mineur originaire d’un pays subsaharien, né le 9 janvier 2004, arrivé en Tunisie via la frontière algérienne et demandeur d’asile, qui avait été victime du vol de tous ses papiers et de détournement et d’abus sexuels commis par un jeune tunisien âgé de 31 ans, et ce, le dimanche 22 août 2021. Le délégué à la protection de l’enfance a donné suite au signalement conformément aux dispositions des articles 237 et suivants du Code pénal et de l’article 2 de la loi organique no 2016-61 du 3 août 2016 relative à la prévention et à la lutte contre la traite des personnes. En effet, il a avisé le Procureur de la République du tribunal de première instance de Sfax 1 chargé de poursuivre l’accusé (requête no1193/2021 du 25 août 2021).

204.Parallèlement, le mineur a immédiatement bénéficié d’un accompagnement et d’un suivi psychologiques au sein du service de pédopsychiatrie de l’hôpital universitaire Hédi Chaker à Sfax (affaire no1192/2021 des 25 et 27août 2021).

d)Assistance sociale et hébergement des victimes

205.Les victimes de la traite des personnes de nationalité tunisienne et étrangère sont hébergées dans les centres de protection sociale du Ministère des affaires sociales destinés aux personnes défavorisées et déplacées. Les enfants mineurs sont placés dans un centre de protection de l’enfance qui offre des services de prise en charge médicale et psychologique.

206.En 2020, 71 victimes ont été prises en charge par les centres de protection sociale, comme suit :

Centres de protection sociale de Tunis : 36 victimes, dont 17 filles et 19 garçons ;

Centres d’encadrement et d’orientation sociale : 35 victimes, dont 13 femmes et 22 hommes.

207.Divers services de soins de base et de protection sociale et médicale sont dispensés aux victimes qui résident dans ces centres, qui sont dotés d’équipes pluridisciplinaires composées de travailleurs sociaux, de psychologues, de prestataires de soins de santé et de cadres médicaux et paramédicaux. En 2020, les victimes hébergées dans ces centres ont bénéficié des prestations suivantes : assistance psychologique (39 personnes), insertion familiale (7), aide sociale (35), assistance matérielle (9), insertion professionnelle (4) et services de soins de santé (27).

8.Mesures prises dans le cadre de la pandémie de COVID-19 pour protéger les personnes les plus vulnérables à la discrimination et les différents groupes protégés par la Convention, y compris les non-ressortissants

208.Des mesures spéciales ont été prises pour protéger les groupes vulnérables, considérés comme étant les plus à risque d’infection ou de complications liées à la COVID-19. Le décret gouvernemental no2020-208 du 2mai 2020 portant fixation des prescriptions de confinement ciblé a imposé un confinement total à certains groupes de personnes, notamment les femmes enceintes, les mères d’enfants de moins de 15ans, les personnes handicapées et les personnes atteintes de maladies chroniques.

209.Malgré la fermeture de certains services médicaux et structures de soins, le Ministère de la santé a pris plusieurs mesures visant à garantir l’accès des malades aux soins requis, àsavoir :

Le recensement des groupes les plus touchés par la COVID-19, le but étant de répondre au mieux à leurs besoins sanitaires particuliers et de les protéger, afin de réduire le nombre de cas critiques et de décès ;

Le déploiement d’efforts exceptionnels visant à assurer la disponibilité permanente des médicaments, notamment ceux contre les maladies chroniques, des équipements de protection individuelle et des dispositifs médicaux, ainsi qu’à éviter aux personnes vulnérables d’avoir à se déplacer pour se faire soigner, de manière à réduire leur exposition aux risques ;

La garantie d’un accès prioritaire aux dispensaires pour les personnes souffrant de maladies chroniques et celles suivies dans les hôpitaux, dans le contexte des interruptions touchant les services médicaux et les transports ;

La fourniture ininterrompue des services de soins de santé vitaux ou urgents, tels que les services de vaccination, de soins destinés aux femmes enceintes et aux mères, de santé reproductive et de soins ciblant les groupes vulnérables comme les enfants, les femmes et les personnes âgées, les prestations des centres de nutrition et les services dentaires d’urgence.

210.Ces mesures ont été appliquées au profit de tous les intéressés, sans aucune discrimination et dans la limite des moyens disponibles, notamment les capacités d’accueil des hôpitaux et des centres de santé.

211.Les autorités gouvernementales compétentes (Ministère des affaires sociales, services chargés des relations avec les instances constitutionnelles et la société civile et des droits de l’homme, Ministère de l’intérieur), en coordination avec l’OIM, le HCR, certaines composantes de la société civile et plusieurs municipalités, ont pris l’initiative de fournir aux migrants touchés par la pandémie, en particulier ceux ayant perdu un emploi, une aide financière et en nature équivalente à celle accordée aux citoyens tunisiens touchés par la pandémie.

212.Dans le même contexte, l’Union tunisienne de solidarité sociale a assuré la fourniture de 1 350 aides alimentaires et de 400 aides financières (d’une valeur de 200 dinars chacune) aux migrants touchés par la pandémie.

213.Une commission chargée d’assurer le suivi de la situation des migrants et des demandeurs d’asile a été créée auprès de la présidence du Gouvernement et chargée d’élaborer un plan d’action visant à coordonner l’action des différentes parties concernées et à définir toutes les formes d’intervention et les mécanismes de distribution de l’aide à ces groupes. La Commission était composée de représentants du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, du Ministère des affaires étrangères, du Ministère des affaires sociales, de l’Assemblée des représentants du peuple, de l’OIM, du HCR, de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat et de certaines municipalités, ainsi que de représentants de la société civile militant en faveur des droits des migrants et des demandeurs d’asile, comme l’Association Tunisie terre d’asile, le Conseil tunisien pour les réfugiés et l’Association des étudiants et stagiaires africains de Tunis.

214.Une plateforme numérique a également été mise en place pour la gestion des dons et des aides en ligne, dont le rôle était de recevoir les demandes d’assistance émanant d’étudiants étrangers, de réfugiés et de demandeurs d’asile ou de leurs représentants, quel que soit leur statut juridique, ainsi que les aides matérielles et les dons des particuliers, des entreprises et des institutions.

215.La plateforme a reçu 787 demandes d’assistance concernant 1 342 personnes et 403colis ont été distribués. Les données ventilées par sexe ne sont toutefois pas disponibles.

216.En avril 2020, pendant le confinement, le Délégué à la protection de l’enfance, en coordination avec les différents intervenants, a apporté aux migrants originaires d’Afrique subsaharienne toute l’assistance nécessaire en termes d’hébergement, d’aide matérielle et de suivi médical. Avec l’appui de l’OIM, 600 aides financières de 100 à 200 dinars chacune ont notamment été fournies et distribuées par le maire de l’arrondissement El Boustan et le chargé des relations extérieures de la municipalité de Sfax.

217.Le village d’enfants SOS de Maharès a également apporté une aide matérielle à toutes les familles originaires d’Afrique subsaharienne résidant dans certains quartiers (notamment de Hafara et Rabth). L’action a été menée dans le cadre d’un réseau intégré composé de plusieurs établissements de santé, dont l’hôpital universitaire Hédi Chaker de Sfax et l’hôpital universitaire Habib Bourguiba, de la Direction régionale de la santé de Sfax, du village d’enfants SOS de Maharès, de l’OIM, du HCR, du Conseil tunisien pour les réfugiés, de la municipalité de Sfax et de l’Union tunisienne de solidarité sociale.

Programme national « Azima »

218.Ce programme a été lancé en mars 2020, au tout début de la pandémie, par le Service des relations avec les instances constitutionnelles et la société civile et des droits de l’homme, présidé par le Chef du Gouvernement. Il comprenait des représentants des partenaires, des organismes publics (10 ministères), du Centre d’information, de formation, d’études et de documentation sur les associations « IFADA » et d’un certain nombre d’organisations nationales et internationales de la société civile. Les gouverneurs ont assuré l’exécution de ce programme au niveau régional via 24 comités régionaux.

219.Ce programme a participé à la campagne nationale de prévention et de protection contre la COVID-19, visant à atténuer les conséquences de la propagation rapide de la pandémie, son but étant d’assurer la protection de toute personne résidant sur le territoire tunisien, quel que soit son statut juridique. Le programme a été financé par des ressources extrabudgétaires émanant d’organisations nationales et internationales et de particuliers qui ont fourni des moyens de prévention et de protection contre la COVID-19, grâce à un réseau de volontaires et de citoyens, ainsi qu’aux moyens logistiques et à la communication.

220.Au cours de sa mise en œuvre, le programme a connu plusieurs phases, allant de la sensibilisation à la nécessité de respecter les protocoles sanitaires, en passant par les campagnes de distribution de moyens de prévention et de protection des groupes vulnérables contre les effets de la pandémie, jusqu’à la participation à la campagne nationale de vaccination, conformément à la décision du Ministre de la santé du 25décembre 2020 de créer un comité technique chargé de diriger la campagne nationale de vaccination contre le SARS-CoV-2.

221.Parallèlement aux mesures de confinement total décrétées par le Gouvernement du 9au 16mai 2021, un numéro d’appel gratuit (80107785) a été activé dès le 10mai 2021, accessible 24 heures sur 24, destiné à informer et conseiller les citoyens sur toute question liée à la pandémie de COVID-19.

222.Des sessions de formation ont également été organisées à l’intention des migrants, parmi lesquelles les suivantes :

Le 6 mars 2021, une session de formation à distance sur les techniques de communication ;

Le 2 avril 2021, une session de formation à distance sur les techniques de communication à l’intention des migrants afin de les inciter à s’inscrire sur la plateforme de vaccination ;

Le 30avril 2021, une session de formation à l’intention des migrants sur les aspects scientifiques de la vaccination.

223.Dans le but de garantir l’accès des migrants aux vaccins contre la COVID-19, le Ministère de la santé a veillé à les inscrire sur la plateforme EVAX, indépendamment de leur statut juridique au regard de l’immigration. Tous les individus et groupes, quel que soit leur statut, ont ainsi été vaccinés sans aucune discrimination et même les personnes ne disposant pas de pièces d’identité ont été enregistrées dans la rubrique réservée aux sans-papiers et vaccinées. Dans le cadre des journées de vaccination portes ouvertes, tous les migrants qui se sont présentés aux centres de vaccination ont été vaccinés sans aucune condition.

224.Concernant les statistiques relatives au nombre de migrants vaccinés contre la COVID-19, le Ministère de la santé ne dispose pas de données précises, notamment parce que les personnes concernées n’ont pas toujours présenté de documents d’identité, rendant difficile la détermination de leur statut légal et la collecte de données à ce sujet, aussi bien à travers la base de données de la plateforme EVAX ou même à travers les données recueillies au niveau des différents services régionaux de santé.

225.Les forces armées tunisiennes ont participé activement et sans relâche à l’effort national de vaccination des Tunisiennes et des Tunisiens ainsi que des étrangers résidant en Tunisie, conformément à la Stratégie nationale élaborée à cette fin, qui a établi les priorités en matière de vaccination selon des critères objectifs et scientifiques, sans aucune discrimination liée à la couleur, au sexe, à la race, à l’appartenance ou à toute autre forme de discrimination raciale.

Contribution de l’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes à la lutte contre la pandémie de COVID-19

226.L’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes a élaboré un projet de stratégie nationale de formation couvrant tous les besoins et demandes des intervenants en matière de formation à la lutte contre la traite, compte tenu du contexte de la pandémie de COVID-19.

227.En 2020, pendant la pandémie de COVID-19 et conformément aux protocoles sanitaires, plusieurs sessions de formation ont été organisées et des outils et supports de formation ayant vocation à être utilisés par les formateurs au cours des séances de formation ont été élaborés afin de faire connaître aux victimes leurs droits et les informer de l’existence de points focaux relevant des organismes de lutte contre la traite des personnes. Plusieurs réunions ont également été organisées dans le cadre de la mise en place du Mécanisme national de référencement et d’orientation des victimes.

9.Renseignement d’ordre général sur le système éducatif et mesures prises pour lutter contre les termes discriminatoires et péjoratifs

228.La loi d’orientation no2002-80 du 23juillet 2002 relative à l’éducation et à l’enseignement scolaire comporte plusieurs dispositions relatives aux droits de l’homme et à la diffusion d’une culture de l’acceptation des différences et de la citoyenneté, parmi lesquelles les suivantes :

L’article 3 selon lequel le système éducatif : « a pour but d’enraciner l’ensemble des valeurs partagées par les Tunisiens et qui sont fondées sur la primauté du savoir, du travail, de la solidarité, de la tolérance et de la modération. Elle est garante de l’instauration d’une société profondément attachée à son identité culturelle, ouverte sur la modernité et s’inspirant des idéaux humanistes et des principes universels de liberté, de démocratie, de justice sociale et des droits de l’homme » ;

L’article 8, qui dispose ce qui suit : « L’école veille à éduquer l’élève au respect des valeurs communes et des règles du vivre-ensemble. ».

229.C’est dans cet esprit que le système éducatif tunisien d’éducation aux droits de l’homme et de diffusion de la culture des droits de l’homme s’appuie sur les orientations suivantes :

L’enseignement de l’éducation islamique, de la pensée islamique et de l’histoire au niveau préparatoire et secondaire ;

L’enseignement de la philosophie au niveau secondaire ;

Le développement des capacités et des compétences comportementales, l’éducation à la diversité et le rejet de l’intolérance, de la violence et de la haine en milieu scolaire ;

L’enseignement des droits de l’homme au niveau supérieur.

230.Les paragraphes 55 à 60 contiennent des informations sur les mesures que prend le Ministère de l’éducation en la matière. Les paragraphes 150 à 152 donnent des informations sur les droits culturels de la population amazighe.

10.Mesures prises pour sensibiliser les professionnels des médias à la lutte contre la discrimination raciale

231.Voir les paragraphes 126 à 130 qui évoquent le rôle de la HAICA.

232.Le Conseil de presse, fondé en septembre 2020, est le premier conseil de presse indépendant dans la région d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Sa création marque une étape fondamentale dans le processus de réforme des médias engagé en Tunisie depuis 2011. Il a vocation à jouer un rôle essentiel en matière de protection de la liberté de la presse et de promotion du droit à la liberté d’expression dans le pays. Il doit également organiser des sessions de perfectionnement à l’intention des journalistes et recevoir les plaintes du public au sujet des dérives déontologiques des médias.

233.Le Conseil de presse est composé de trois membres, qui représentent les journalistes, les propriétaires des médias et la société civile, et qui ont été nommés par le Syndicat national des journalistes tunisiens, la Fédération tunisienne des directeurs de journaux, le Syndicat général des médias affilié à l’Union générale tunisienne du travail, la Chambre syndicale des propriétaires des chaînes de télévision privées et la Ligue tunisienne des droits de l’homme, qui représente le public au Conseil.