NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/TUR/CO/3/Add.130 mars 2009

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALE

RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L ’ ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Commentaires du Gouvernement turc concernant les observations finales du Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale*

[17 mars 2009]

OBSERVATIONS INITIA LES DE LA TURQUIE SUR CERTAINES OBSE RVATIONS FINALES DU COMITÉ POUR L ’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

1.La Turquie accueille favorablement les observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale et prend note des aspects positifs relevés par le Comité à l’issue de l’examen de son rapport initial et de ses deuxième et troisième rapports périodiques, ainsi que des préoccupations et recommandations formulées par celui-ci. Il est à noter que la Turquie continuera de coopérer pleinement avec le Comité et tiendra compte de ses observations et recommandations avec une réelle volonté de lutter contre la discrimination raciale, partout où elle est constatée.

2.La Turquie continuera d’élaborer comme il convient ses rapports périodiques en tenant compte des points soulevés dans les observations finales pertinentes (CERD/C/TUR/CO/3) et répondra de manière plus précise aux préoccupations et recommandations formulées. Avant de présenter ses prochains rapports périodiques, la Turquie voudrait adresser au Comité les remarques initiales suivantes en réponse à certaines des observations finales formulées par celui‑ci.

3.Le Comité a recommandé à la Turquie d’examiner la possibilité d’incorporer une définition claire et complète de la discrimination raciale en droit interne et d’édicter une législation antidiscrimination complète, couvrant tous les droits et libertés protégés par l’article 5 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. L’article 90 de la Constitution turque dispose que les accords internationaux dûment entrés en vigueur ont force de loi. Ainsi, les accords internationaux ratifiés sont, en tant que tels, directement partie intégrante de la législation nationale. Lorsqu’elle a été approuvée par le Parlement turc le 16 octobre 2002, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale est devenue partie intégrante de la législation nationale turque, et la définition de la discrimination raciale énoncée dans la Convention est directement applicable en Turquie.

Concernant la législation antidiscrimination, il y a lieu de signaler que, dans la mesure où le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale n’oblige pas les États parties à adopter un texte de loi distinct portant interdiction de la discrimination raciale, la Turquie a modifié plusieurs lois afin d’interdire ce phénomène, au lieu d’adopter une loi‑cadre sur le sujet. La législation turque comporte plusieurs textes qui interdisent la discrimination raciale, à savoir, la Constitution (art. 10), le Code pénal (art. 3, 122 et 216), la loi sur le travail (art. 5), le Code civil (art. 8), la Loi fondamentale sur l’éducation nationale (art. 4 et 8), la loi sur les services sociaux et la protection de l’enfance (art. 4) et autres textes de loi.

4.Le Comité a également prié la Turquie de veiller à ce que l’article 216 du Code pénal soit interprété et appliqué conformément à l’article 4 de la Convention. Le paragraphe 1 de l’article 216 du Code pénal turc fixe les limites de la liberté d’expression dans le but de prévenir l’incitation à l’inimitié ou à la haine sociale, raciale, religieuse et régionale. L’objet de cet article est d’établir un équilibre entre des normes élevées concernant la liberté d’expression d’une part, et le traitement efficace du problème de l’incitation à la haine fondée sur les motifs évoqués ci‑dessus d’autre part.

La Turquie considère qu’il n’y a pas de société démocratique sans possibilité d’exprimer librement sa pensée. C’est sur la base de ce principe que l’infraction décrite ci-dessus a été définie. Pour qu’un acte relève du domaine d’application du paragraphe 1 de l’article 216, il doit constituer une menace concrète pour la sécurité publique. La menace de trouble à l’ordre public doit reposer sur des éléments concrets. Il est possible d’interdire la délivrance de discours et l’expression de pensées lorsqu’elles constituent un «danger évident et imminent» pour la société. Pour protéger la liberté d’expression, il est impossible d’appliquer une peine si la réalité d’un tel danger n’est pas établie sur la base d’éléments concrets et explicites.

5.Le Comité regrette que le rapport de la Turquie ne contienne aucune donnée statistique sur la composition ethnique de la population.

Le Gouvernement turc ne collecte, conserve ou utilise aucune donnée qualitative ou quantitative sur l’origine ethnique. Tout en convenant que des données ventilées sur l’origine ethnique, qui existent dans un certain nombre d’autres pays, peuvent aider à concevoir des politiques axées sur des mesures spéciales ciblant un groupe particulier, la Turquie considère que cette question est sensible, notamment dans les pays traditionnellement composés de sociétés multiculturelles. La diversité est profondément enracinée en Turquie. C’est pourquoi la Turquie a porté toute son attention sur les points communs et les aspirations collectives pour élaborer son cadre législatif et politique au lieu d’établir des stratégies à partir de l’évaluation des différences. Certains événements récents de l’histoire européenne contemporaine témoignent des dangers et des menaces inhérents à ces pratiques.

6.Le Comité a recommandé à la Turquie d’examiner la possibilité de modifier plus avant sa législation pour autoriser l’enseignement des langues traditionnellement utilisées dans le système national d’enseignement général public.

En Turquie, un grand nombre de langues sont traditionnellement utilisées dans la sphère privée. Les ressortissants turcs sont notamment d’origine grecque, arménienne, juive, assyrienne, celdanienne, bosniaque, circassienne, abkhaze, albanaise, bulgare, arabe, géorgienne, azéri et kurde. Le nombre de langues traditionnelles utilisées en Turquie peut atteindre des centaines, si ce n’est des milliers. Compte tenu de cette diversité, l’État n’a ni les moyens ni la capacité de proposer, dans le cadre du système éducatif public, l’enseignement de toutes les langues traditionnellement utilisées dans le pays.

La Turquie est en outre tenue de respecter le principe de non-discrimination dans l’enseignement de toutes les langues traditionnelles autres que le turc. Toute décision favorisant une ou deux langues parmi celles qui sont traditionnellement utilisées en Turquie peut être considérée comme étant discriminatoire pour ceux qui ne les parlent pas.

7.Le Comité prie la Turquie de rouvrir le séminaire théologique grec orthodoxe sur l’île de Heybeliada, de restituer les biens confisqués et dans ce contexte, d’exécuter rapidement tous les arrêts pertinents de la Cour européenne des droits de l’homme. Conformément à la législation turque, l’éducation religieuse à tous les niveaux d’enseignement n’est possible que dans les seuls établissements d’enseignement public. C’est pourquoi la Turquie a proposé de rouvrir l’École à Istanbul, sous l’égide des universités d’État. Une proposition qui n’a jusque‑là donné lieu à aucune réponse encourageante. À l’heure actuelle, le Ministre turc de l’éducation et le Conseil de l’enseignement supérieur s’efforcent de trouver une solution réaliste pour rouvrir l’école théologique de Heybeliada.

Pour ce qui est des réclamations foncières émanant des fondations de la minorité non musulmane, il y a lieu de signaler que le Gouvernement turc leur a donné suite et qu’il a modifié comme il convient la loi sur les fondations pour remédier à la situation.

En ce qui concerne l’exécution des arrêts pertinents de la Cour européenne des droits de l’homme relatifs aux réclamations foncières, il faut noter que la Turquie coopère pleinement avec la Cour et qu’il a été donné suite à tous ses arrêts sans exception.

-----