Nations Unies

CERD/C/DEU/CO/19-22

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

30 juin 2016

Français

Original : anglais

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport de l’Allemagne valant dix-neuvième à vingt-deuxième rapports périodiques *

Le Comité a examiné le rapport de l’Allemagne valant dix-neuvième à vingt-deuxième rapports périodiques (CERD/C/DEU/19-22) à ses 2337e et 2338e séances (voir CERD/C/SR.2337 et SR.2338), les 5 et 6 mai 2015. À sa 2348e séance, le 13 mai 2015, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction la soumission, dans les délais, du rapport de l’État partie valant dix-neuvième à vingt-deuxième rapports périodiques, qui contient des informations détaillées sur la suite donnée aux recommandations contenues dans les précédentes observations finales du Comité (CERD/C/DEU/CO/18) et a été établi en concertation avec des représentants d’organisations de la société civile. Il prend acte de la contribution et de la participation de l’Institut allemand pour les droits de l’homme.

Le Comité sait également gré à la délégation nombreuse et plurielle de l’État partie des informations complémentaires qu’elle a fournies par oral en réponse aux questions soulevées par le Comité au cours de leur dialogue franc et constructif.

B.Mesures positives

Le Comité accueille avec satisfaction les faits nouveaux survenus dans l’État partie, dans le domaine de la lutte contre la discrimination raciale, sur le plan tant de la législation que de la politique générale, depuis la soumission du précédent rapport, notamment :

a)L’adoption de la modification apportée à l’article 46 du Code pénal qui prévoit que les motivations racistes sont considérées comme des circonstances aggravantes spécifiques aux fins de la détermination des peines, comme l’avait recommandé le Comité dans ses précédentes observations finales (voir CERD/C/DEU/CO/18, par. 26) ;

b)L’intention de revoir le Plan national d’action contre le racisme en tenant compte de l’adoption d’une approche plus stratégique, ainsi que des recommandations formulées dans les présentes observations finales et en accordant une attention particulière à la discrimination croisée ;

c)La suppression de la procédure mise en place par le Land du Bad‑Wurtemberg qui consistait à faire remplir un questionnaire aux ressortissants des 57 États membres de l’Organisation de la Conférence islamique qui demandaient la nationalité allemande, procédure que le Comité avait jugée discriminatoire dans ses précédentes observations finales (ibid., par. 19) ;

d)La volonté exprimée par la Chancelière Angela Merkel en 2013, lors du sixième Sommet de l’intégration, de remplacer la notion d’intégration par celles d’inclusion, de participation et de respect dans les politiques de l’État partie consacrées aux minorités ethniques en Allemagne.

Le Comité note également avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments suivants depuis l’examen de son précédent rapport :

a)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en décembre 2008 ;

b)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en 2009 ;

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2009 ;

d)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, en 2009 ;

e)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, en 2013 ;

f)Le Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité, relatif à l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques, en 2011.

C.Préoccupations et recommandations

Absence de données ventilées sur la composition de la population

Le Comité note que l’État partie, compte tenu de son histoire, est réticent à l’idée de classer sa population par appartenance ethnique. Il rappelle toutefois les préoccupations soulevées dans ses précédentes observations finales (par. 14), à savoir, le fait que l’État partie n’a pas fixé de critères adaptés et précis permettant de produire des statistiques fiables sur la composition de sa population, et rappelle qu’il est important de disposer de données statistiques fiables pour pouvoir repérer et combattre la discrimination raciale. Il note avec une préoccupation particulière que le terme « personnes issues de l’immigration » continue d’être employé pour qualifier les personnes susceptibles d’être victimes de discrimination raciale, alors même que cette notion peut désigner de nombreux citoyens allemands et exclure certaines minorités installées en Allemagne depuis plusieurs siècles (art. 1, par. 1 et 4).

Rappelant sa recommandation précédente concernant les données statistiques, le Comité recommande à l ’ État partie de s ’ efforcer de procéder à une analyse plus complète et de concevoir des outils qui lui permettront d ’ obtenir une vue d ’ ensemble de la composition de sa population, conformément à la recommandation générale n o  8 (1990) du Comité concernant l ’ interprétation et l ’ application des paragraphes 1 et 4 de l ’ article premier de la Convention, et aux paragraphes 10 à 12 de ses directives révisées pour l ’ établissement des rapports (CERD/C/2007/1). À ce propos, l ’ État partie devrait fournir des renseignements sur les langues maternelles, les langues couramment parlées ou tout autre indicateur de la diversité ethnique, ainsi que toute information sur l ’ ascendance ou l ’ origine nationale ou ethnique découlant d ’ enquêtes sociales. À défaut de données chiffrées, il devrait fournir une description qualitative des caractéristiques ethniques de la population. Ces données, notamment celles relatives aux minorités nationales, devraient être recueillies à titre volontaire et anonyme et sur la base du principe de l ’ auto-identification.

Définition de la discrimination raciale et applicabilité de la Convention au plan national

Le Comité note que, selon ce qu’affirme l’État partie, la Convention est directement applicable dans l’ordre juridique interne, toutefois il est préoccupé de constater qu’il n’existe pas, dans la législation nationale, de définition de la discrimination raciale qui soit conforme à l’article premier de la Convention et que cela a une incidence directe sur l’incapacité de l’État partie à lutter comme il se doit contre la discrimination raciale exercée à l’égard de tous les groupes de population qui nécessitent une protection au regard de la Convention. En particulier, faute d’une définition légale, les juges semblent hésiter à invoquer la Convention dans les tribunaux allemands. S’il est conscient qu’il importe de lutter contre l’extrême droite et le néonazisme, le Comité note en outre avec inquiétude que ces termes continuent d’être employés pour renvoyer à la notion plus vaste de discrimination raciale, que le terme « xénophobie » est employé pour désigner la discrimination raciale au sens de l’article premier de la Convention, et que le terme « différences culturelles » est utilisé pour désigner la diversité ethnique (art. 1er, par. 1 ; 2 et 6).

En plus de rappeler sa précédente recommandation (ibid., par. 15), le Comité prie instamment l ’ État partie :

a) D ’ incorporer la Convention dans son système juridique afin d ’ assurer son application directe par les tribunaux allemands et afin que chacun soit pleinement protégé par ses dispositions ;

b) De veiller à ce que sa législation comporte une définition de la discrimination raciale qui soit pleinement conforme au paragraphe 1 de l ’ article premier de la Convention, et qui désigne clairement la discrimination raciale de façon à garantir la pleine protection des groupes ou des individus qui en ont besoin au regard de la Convention ;

c) De sensibiliser la population à la définition de la discrimination raciale et à ses répercussions sur les victimes en organisant des campagnes dans les établissements d ’ enseignement à tous les niveaux, ainsi que dans la sphère publique et dans les médias ;

d) De lui communiquer dans son prochain rapport périodique des informations concrètes sur l ’ application de la Convention par les tribunaux et dans les procédures administratives.

Absence d’une législation complète contre la discrimination

Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour harmoniser sa législation nationale avec la Convention, en particulier de l’adoption de la loi générale sur l’égalité de traitement, de la protection garantie par la Loi fondamentale, notamment par les articles 1er et 3 de cette loi, et de la modification apportée à l’article 46 du Code pénal pour ajouter la discrimination raciale au nombre des circonstances aggravantes prises en compte aux fins de la détermination des peines en matière pénale. Il note toutefois avec inquiétude que la loi générale sur l’égalité de traitement ne traite pas de la discrimination raciale exercée par les autorités publiques, ne prévoit pas la possibilité d’une action collective et n’encourage pas suffisamment les procédures judiciaires, compte tenu de leur coût, qui peut entraver l’accès à un recours utile. Il relève en outre avec préoccupation que s’il est vrai que la Loi fondamentale peut en principe être invoquée devant les tribunaux à l’encontre des autorités publiques, dans la pratique, les tribunaux administratifs ne se fondent que rarement sur celle-ci dans les affaires de discrimination raciale, et les victimes ne peuvent pas obtenir d’indemnisation dans le cadre des mêmes procédures. Le Comité note donc avec préoccupation que, compte tenu des lacunes de la législation nationale, il est difficile de lutter efficacement contre la discrimination raciale (art. 2, 4 et 6).

Le Comité invite l ’ État partie à prendre des mesures concrètes pour :

a) Procéder à une évaluation de la loi générale sur l ’ égalité de traitement et d ’ autres textes de loi contre la discrimination afin de déceler les lacunes qui empêchent de garantir une protection complète et effective et des recours utiles contre la discrimination raciale, conformément à la Convention ;

b) Interdire la discrimination raciale sous toutes ses formes, y compris la discrimination indirecte, dans la législation fédérale et la législation des États fédérés (Länder) et dans toutes les branches du droit et tous les domaines de la vie publique, en application du paragraphe 1 de l ’ art icle premier de la Convention ;

c) Soutenir la création de centres de conseil non gouvernementaux accessibles contre la discrimination dans l ’ ensemble du pays et d ’ agences publiques de lutte contre la discrimination dans tous les Länder.

Propos haineux et incitation à la discrimination raciale

Le Comité note que le Gouvernement a pris des mesures pour promouvoir la tolérance et lutter contre la discrimination raciale en abandonnant l’emploi de termes tels « qu’intégration », qui peuvent supposer une obligation pour les minorités de s’assimiler, pour privilégier les notions « d’inclusion », de « participation » et de « respect ». Il estime cependant qu’il reste beaucoup à faire à tous les niveaux, au sein du Gouvernement fédéral et à l’échelle des Länder, pour décourager les actes de discrimination raciale. Il est extrêmement préoccupé par la prolifération et la diffusion des idées racistes véhiculées par certains partis et mouvements politiques et par le peu de mesures efficaces qui ont été prises pour sanctionner fermement ces propos et ces comportements et les décourager. Il note avec inquiétude que ces propos sont susceptibles d’encourager les actes racistes, notamment la violence, à l’égard de groupes protégés par la Convention (art. 2, 4 et 7).

À la lumière de sa recommandation générale n o 35 (2013) concernant la lutte contre les discours de haine raciale, le Comité rappelle ses précédentes recommandations (ibid., par. 16) et recommande en outre à l ’ État partie, lorsqu ’ il traite les questions qui intéressent les minorités ethniques au sein de sa population, de montrer clairement qu ’ il est déterminé à promouvoir la compréhension et la tolérance entre la population majoritaire et les divers groupes ethniques dans son discours et par ses actes. Il lui recommande également :

a) De redoubler d ’ efforts et d ’ employer tous les moyens possibles pour lutter contre la vague de racisme et l ’ endiguer, en particulier en condamnant fermement toutes les déclarations racistes des dirigeants politiques, des représentants des autorités publiques et des personnalités publiques, notamment en engageant des procédures pénales ;

b) De mettre en place une stratégie globale, notamment une formation obligatoire, pour mieux sensibiliser les policiers, les procureurs et les juges à la notion de discrimination raciale et aux moyens de lutter contre ce phénomène, et pour garantir que tout acte susceptible d ’ avoir été motivé par des considérations racistes fasse l ’ objet d ’ une enquête efficace et que, selon qu ’ il est opportun, ses auteurs soient inculpés et sanctionnés ;

c) De prendre les mesures voulues pour lutter contre la prolifération des actes et des manifestations de racisme sur Internet, notamment en bloquant l ’ accès aux sites Web consacrés à l ’ incitation à la discrimination et à la haine raciales ;

d) De faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques sur les tendances observées en matière d ’ incitation à la haine raciale et de violence raciste, notamment sur les tendances islamophobes, de sorte que l ’ on puisse évaluer l ’ efficacité des mesures qu ’ il a adoptées pour lutter contre l ’ incitation à la haine raciale.

Enquêtes sur les actes racistes : les faiblesses institutionnelles

Le Comité note que, de l’aveu de sa délégation, l’État partie peine à enquêter efficacement sur la série de meurtres commis par le Nationalsozialistischer Untergrund (faction clandestine nationale-socialiste). Il n’en demeure pas moins préoccupé de constater que l’État partie ne reconnaît toujours pas les défaillances systémiques qui l’empêchent de mettre en évidence les considérations racistes qui ont motivé ces actes et d’y réagir, ce qui pourrait cacher un racisme institutionnel. Il est alarmé par les informations qui lui ont été communiquées par la société civile, selon lesquelles les informateurs recrutés par les forces de l’ordre au cours de l’enquête sont eux-mêmes des partisans du Nationalsozialistischer Untergrund et l’un des témoins, qui a clairement exprimé son soutien au mouvement, a bénéficié d’une assistance juridique fournie par l’État au cours de la procédure. Le Comité note avec préoccupation que même dans le rapport établi par la commission d’enquête parlementaire sur ces manquements, il n’est pas fait expressément mention de la discrimination raciale et des motivations racistes des meurtres commis. Tout cela porte à croire que c’est sans doute la discrimination structurelle qui est à l’origine de l’incapacité de l’État à mettre en évidence les motivations racistes de ces actes (art. 2, 5 et 6).

Le Comité prie instamment l ’ État partie :

a) S ’ agissant de l ’ enquête menée sur la faction clandestine nationale-socialiste :

i) De faire le nécessaire pour qu ’ au cours de l ’ enquête, qui n ’ a pas encore été achevée, tout soit mis en œuvre pour mettre clairement en évidence les considérations racistes qui ont motivé les meurtres commis, et de prendre toutes les mesures voulues pour mettre au jour les autres dimensions du mouvement, son ampleur, ses affiliations et la menace qu ’ il est encore susceptible de représenter à ce jour ;

ii) De prendre les mesures voulues à l ’ égard de tous les agents des forces de l ’ ordre qui, dans le cadre de l ’ enquête, se sont rendus coupables d ’ actes de discrimination, en particulier à l ’ égard des victimes et de leurs familles.

b) Rappelant ses précédentes observations finales (ibid., par. 18), et pour éviter que les mêmes faits se reproduisent :

i) D ’ introduire dans le Règlement des services de police et les Directives relatives à la procédure pénale et à la procédure simplifiée des dispositions énonçant expressément l ’ obligation d ’ enquêter sur toute motivation raciste ou tout autre motif discriminatoire et d ’ en recueillir des preuves, parallèlement à la modification apportée à l ’ article  46 du Code pénal ;

ii) D ’ améliorer son système de collecte de données statistiques sur les plaintes pour crime motivé par la haine, notamment en obligeant officiellement tous les organes chargés de l ’ application des lois à enregistrer toutes les affaires de cette nature et à transmettre aux autorités fédérales les statistiques y relatives, ventilées par langue maternelle, langue couramment parlée ou autre indicateur de la diversité ethnique, et de faire en sorte que ces informations soient régulièrement rendues publiques ;

iii) De veiller à ce que tous les actes commis contre des groupes ayant besoin d ’ une protection au regard de la Convention fassent l ’ objet d ’ une enquête sous l ’ angle de la discrimination raciale, à ce que la victime soit placée au centre de l ’ enquête et à ce que des données soient systématiquement recueillies sur les différents indicateurs de discrimination raciale, notamment le nom de la victime, ainsi que sur d ’ autres critères de discrimination croisée, par exemple son sexe et sa religion ;

iv) De dispenser aux agents des forces de l ’ ordre une formation obligatoire et de les soumettre d ’ office à des tests sur la discrimination raciale et les mesures de lutte contre celle-ci, et de rendre compte des plaintes pour crime motivé par la haine et d ’ enquêter sur celles-ci ;

v) D ’ améliorer la représentation des minorités ethniques au sein des forces de l ’ ordre, au plan fédéral et à l ’ échelle des Länder.

Profilage racial et autres actes de discrimination raciale commis par des agentsdes forces de l’ordre

Le Comité est préoccupé par la portée extrêmement large du paragraphe 1 de l’article 22 de la loi sur la police fédérale, qui aux fins du contrôle de l’immigration, autorise la police à interpeller et à interroger toute personne se trouvant dans une gare, un train ou un aéroport, à l’obliger à présenter une pièce d’identité et à inspecter les biens en sa possession. Il note avec inquiétude que cette disposition de portée générale entraîne une discrimination raciale de fait, compte tenu, en particulier, des explications données par la délégation concernant les critères sur lesquels se fondent les policiers pour effectuer ces contrôles, notamment « leur perception dans telle ou telle situation » ou « l’apparence physique de la personne ». Il est également préoccupé par le manque de données exhaustives, ventilées par appartenance ethnique ou origine nationale, sur les personnes visées par ces contrôles aléatoires (art. 2, 4 c) et 5 b)).

Rappelant sa recommandation générale n o  31 (2001) concernant la discrimination raciale dans l ’ administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité prie instamment l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour lutter efficacement contre toute pratique des forces de l ’ ordre de la Fédération et des États fédérés qui reposerait sur le profilage racial, et y mettre fin, notamment :

a) De modifier ou d ’ abroger le paragraphe 1 de l ’ article 22 de la loi sur la police fédérale et de légiférer pour interdire le profilage discriminatoire ;

b) De réviser toute autre disposition susceptible de donner lieu au profilage racial ;

c) D ’ intégrer dans tous les programmes de formation et les programmes éducatifs à l ’ intention des membres des forces de l ’ ordre un module spécifique consacré à la définition de la discrimination raciale, au sens de l ’ article premier de la Convention ; de veiller à ce que, tout au long de leur carrière, les agents des forces de l ’ ordre soient de mieux en mieux sensibilisés à l ’ interdiction de la discrimination raciale et à ce que leur avancement soit subordonné à l ’ examen de leurs antécédents en matière de discrimination raciale et de profilage racial ;

d) D ’ instituer, tant au plan fédéral qu ’ à l ’ échelle des Länder, des mécanismes de plainte indépendants chargés d ’ enquêter sur les actes de discrimination raciale commis par des agents des forces de l ’ ordre ;

e) D ’ adopter une stratégie globale de formation et un système complet de vérification des qualifications à l ’ embauche et tout au long de la carrière des agents des forces de l ’ ordre de façon à garantir qu ’ ils s ’ acquittent des tâches qui leur sont confiées sans avoir recours au profilage racial, ni à aucune autre méthode qui entraînerait une discrimination raciale ;

f) D ’ ouvrir rapidement des enquêtes approfondies et impartiales sur toutes les allégations de profilage racial, de faire en sorte que les responsables aient à répondre de leurs actes et d ’ assurer des recours utiles, notamment une indemnisation et des garanties de non-répétition.

Discrimination et ségrégation en matière de logement

Le Comité rappelle les préoccupations exprimées dans ses précédentes observations finales (ibid., par. 17) concernant la discrimination indirecte fondée sur l’origine ethnique à laquelle le paragraphe 3 de l’article 19 de la loi générale sur l’égalité de traitement est susceptible de donner lieu. En vertu de cette disposition, un propriétaire peut refuser de louer ses appartements à certaines personnes, en vue de créer et de maintenir des structures résidentielles socialement stables et des ensembles immobiliers équilibrés ou un contexte économique, social et culturel équilibré. Le Comité note en outre avec préoccupation que cette loi prévoit une dérogation pour les propriétaires qui mettent en location moins de 50 logements. Il est également préoccupé par les informations faisant état d’une ghettoïsation de fait de certaines zones géographiques, où résident un pourcentage disproportionné de personnes d’origine ethnique autre qu’allemande (art. 3 et 5 e) iii)).

Le Comité rappelle sa recommandation précédente (ibid., par. 17) et demande à l ’ État partie de modifier la loi générale sur l ’ égalité de traitement, notamment le paragraphe 3 de l ’ article 19, afin de l ’ harmoniser avec les obligations qui lui incombe en vertu de la Convention. Il lui demande également d ’ ouvrir rapidement des enquêtes indépendantes et approfondies sur toutes les pratiques discriminatoires de la part d ’ acteurs privés, y compris en matière de crédit, de tenir les personnes responsables comptables de leurs actes et de garantir des voies de recours utiles, notamment d ’ offrir des réparations adéquates et des garanties de non-répétition.

Éducation

Le Comité prend note des explications données par la délégation concernant les efforts faits pour resserrer l’écart entre les élèves appartenant à des minorités et leurs camarades, en particulier pour ce qui est de la maîtrise de la langue allemande, et les initiatives intéressantes qui ont été menées, notamment le « Centre d’échanges des mondes de l’enfance pour un enseignement et une formation contre les préjugés ». Il est préoccupé d’apprendre que le système éducatif allemand à trois niveaux, dans lequel on oriente rapidement les élèves vers différents niveaux d’enseignement, désavantage les élèves qui n’ont pas pour langue maternelle l’allemand, entraîne une surreprésentation des élèves appartenant à des minorités dans les établissements scolaires de niveau inférieur et réduit par là même leurs chances d’avoir accès à l’enseignement supérieur et à l’emploi en Allemagne. Le Comité est également préoccupé par la forte représentation des minorités, notamment des Sintis, des Roms, des personnes désignées sous le nom de Noirs par l’État partie et des personnes appartenant à d’autres minorités intersectorielles, telles que les musulmans, dans les établissements d’enseignement de niveau inférieur, ainsi que dans les écoles qui se trouvent dans des zones marginalisées. Il note en outre avec inquiétude qu’un tel système entraîne une ségrégation à l’encontre de certains groupes de population marginalisés, qui n’ont pas véritablement la possibilité d’améliorer leur niveau d’instruction et d’avoir davantage de débouchés sur le marché du travail (art. 3, 5 e) et 6).

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour garantir l ’ égalité d ’ accès à l ’ éducation, notamment :

a) De mener une réflexion de fond sur la manière de remédier aux résultats inférieurs des enfants issus de minorités ethniques ;

b) De renforcer les mesures spéciales qu ’ il a prises pour relever le niveau d ’ instruction des enfants issus de minorités ethniques, en particulier en empêchant qu ’ ils soient marginalisés et en réduisant les taux d ’ abandon scolaire ;

c) De lutter à tous les niveaux contre la ségrégation de fait à l ’ encontre des minorités ethniques, notamment des Sintis et des Roms, dans le domaine de l ’ enseignement, en tenant compte du lien étroit qui existe entre cette ségrégation et la discrimination exercée dans les domaines du logement et de l ’ emploi.

Emploi

Le Comité prend note des efforts que l’État partie a faits pour combler l’écart entre les groupes de population ayant besoin d’une protection au regard de la Convention et la population majoritaire pour ce qui est de l’accès à l’emploi. Il relève toutefois avec préoccupation que le taux de chômage des premiers reste deux fois supérieur à celui de la seconde. Il est particulièrement inquiet d’apprendre que les femmes musulmanes sont victimes de discrimination ethnoreligieuse sur le marché du travail (art. 2, 5 et 6).

Rappelant sa recommandation générale n o  30 (2004) concernant la discrimination contre les non - ressortissants et sa recommandation générale n o  32 (2009) sur la signification et la portée des mesures spéciales dans la Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale , le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De procéder à une évaluation approfondie des mesures prises à ce jour pour améliorer l ’ accès des membres des minorités ethniques à l ’ emploi, en s ’ intéressant également au recoupement entre le sexe et la religion. Le Comité encourage en particulier l ’ État partie à évaluer le programme XENOS de façon à pouvoir produire des données statistiques ventilées, notamment par appartenance ethnique et par langue ;

b) De renforcer les mesures mises en œuvre au plan fédéral et à l ’ échelle des Länder pour assurer une meilleure insertion des minorités ethniques sur le marché du travail et lutter contre la discrimination structurelle dont elles sont victimes ;

c) De redoubler d ’ efforts pour encourager le recrutement de membres de minorités ethniques dans les secteurs tant public que privé, en adoptant des mesures spéciales selon qu ’ il convient ;

d) D ’ enquêter efficacement sur les cas de discrimination raciale dans le domaine de l ’ emploi et d ’ assurer aux victimes des voies de recours appropriées.

Discrimination croisée

Le Comité prend note des explications qui lui ont été données par la délégation concernant le droit des structures religieuses à l’autodétermination, garanti par le paragraphe 1 de l’article 9 de la loi générale sur l’égalité de traitement et par les dispositions spéciales qu’il contient. Il relève toutefois avec préoccupation que la dérogation à cette loi risque d’entraîner une discrimination indirecte à l’égard des musulmans et d’autres groupes de population dans l’accès à l’emploi (art. 2, 5 et 6).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager d ’ abroger ou de modifier le paragraphe 1 de l ’ article 9 de la loi générale sur l ’ égalité de traitement pour satisfaire aux obligations découlant de la Convention, en veillant à ce que toute dérogation prévue par cette loi concerne uniquement les entités religieuses organisées.

Le Comité prend acte des préoccupations justifiées de l’État partie et des mesures que celui-ci a prises pour lutter contre l’antisémitisme, mais il note avec inquiétude que l’État partie ne prend pas les mesures qu’il convient pour lutter contre d’autres formes de discrimination raciale, notamment le racisme institutionnel à l’égard des musulmans, ainsi que la discrimination dont sont victimes les femmes issues de minorités, ou le recoupement entre la discrimination à l’égard des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués et la discrimination raciale.

Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer les mesures prises pour sensibiliser sa population, notamment les représentants de la fonction publique et les agents des forces de l ’ ordre, à l ’ islamophobie et à la discrimination croisée fondée sur l ’ appartenance ethnique, la religion, le sexe et l ’ orientation sexuelle, et pour promouvoir la tolérance entre les divers groupes ethniques qui composent sa population.

Sintis et Roms

Le Comité prend note des différentes mesures prises par l’État partie pour lutter contre le racisme à l’égard des Sintis et des Roms, mais il est préoccupé de constater que les membres de ces groupes de population sont aujourd’hui encore la cible d’actes et de propos racistes. Il note en outre avec inquiétude que les membres des communautés sinti et rom continuent d’être victimes de discrimination dans l’accès au logement, à l’éducation, à l’emploi et aux soins de santé, et que les mesures prises par l’État à l’heure actuelle pour remédier à cette situation sont insuffisantes (art. 2, 5 et 6).

Rappelant ses précédentes observations finales (ibid., par. 21 et 27) et à la lumière de sa recommandation générale n o  27 (2000) concernant la discrimination à l ’ égard des Roms et de sa recommandation générale n o  32 , le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à adopter des mesures spéciales et des programmes en faveur des Roms, notamment des migrants roms arrivés en Allemagne au cours des trente dernières années et, dans le cadre de ces mesures et programmes :

a) De concevoir et de mettre en œuvre, au moyen de ressources suffisantes, un plan d ’ action complet, soumis à un contrôle adéquat, pour garantir l ’ accès au logement, à l ’ éducation, à l ’ emploi et aux soi ns de santé sans discrimination  ;

b) D ’ intégrer toutes les questions relatives aux droits des minorités dans les stratégies visant à remédier aux inégalités dont sont victimes les Roms, notamment la protection et la promotion de l ’ identité, de la langue et de la culture roms et la garantie de la dignité et de l ’ égalité ;

c) De promouvoir la tolérance, de s ’ employer à mieux faire connaître les communautés rom et sinti, et de condamner publiquement toute attaque visant ces communautés ;

d) D ’ envisager de déclarer une journée de commémoration du génocide rom survenu au cours de la Deuxième Guerre mondiale dans le cadre d ’ une démarche générale visant à mieux faire connaître l ’ histoire des Roms en Allemagne.

Demandeurs d’asile et migrants « tolérés »

Le Comité prend note avec satisfaction de l’assurance que la délégation lui a donnée concernant les mesures administratives et judiciaires prises pour lutter contre les attaques racistes visant des demandeurs d’asile. Il n’en demeure pas moins préoccupé par l’augmentation des agressions violentes visant des demandeurs d’asile et des migrants dits « tolérés », dont la loi restreint la liberté de circulation et qui sont souvent contraints de loger dans des structures d’hébergement partagées, ce qui les expose d’autant plus aux violations des droits de l’homme. Il note en outre avec inquiétude que certaines dispositions de la loi sur les demandeurs d’asile, concernant en particulier l’accès limité de ceux-ci aux prestations sociales et aux services sociaux, sont incompatibles avec la Convention (art. 2, 5 et 6).

Le Comité demande à l ’ État partie de veiller à garantir pleinement aux demandeurs d ’ asile et aux migrants « tolérés » les droits des non-ressortissants, en droit et d ans la pratique, et notamment :

a) D ’ abroger la législation des Länder et les textes municipaux qui obligent les demandeurs d ’ asile et les personnes ayant obtenu la suspension des mesures d ’ expulsion dont elles faisaient l ’ objet à résider dans des structures d ’ hébergement collectives ;

b) De prendre des mesures particulières pour assurer la protection des demandeurs d ’ asile contre la violence raciste, notamment d ’ enquêter sur les actes racistes ;

c) De veiller à ce que les demandeurs d ’ asile puissent jouir de leurs droits à l ’ éducation et à la santé sans restrictions ;

d) De poursuivre ses campagnes de sensibilisation et de promouvoir la tolérance et la compréhension entre les communautés et à l ’ égard des demandeurs d ’ asile.

D.Autres recommandations

Communications individuelles

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour donner suite aux recommandations qu’il a formulées concernant la communication no 48/2010, TBB-Turkish Union in Berlin/Brandenburg c. Allemagne (« l’affaire Sarrazin »), et de donner des informations sur ces mesures. Il lui rappelle qu’il doit prendre des mesures efficaces pour lutter contre les discours de haine raciale, conformément à la recommandation générale no35 concernant la lutte contre les discours de haine raciale.

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

À la lumière de sa recommandation générale no33 (2009) concernant le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie, lorsqu’il transpose la Convention dans son ordre juridique interne, de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009. Il lui demande en outre de déterminer dans quelle mesure son Plan national d’action contre le racisme lui permet de mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au plan national.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

À la lumière de la résolution 68/237 de l’Assemblée générale proclamant la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine pour 2015-2024 et de la résolution 69/16 sur le programme d’activités de la Décennie, le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre un ensemble adapté de mesures et de politiques. Il lui demande de faire figurer dans son prochain rapport des renseignements précis sur les mesures concrètes qu’il aura adoptées dans ce cadre, compte tenu de la recommandation générale no34 (2011) sur la discrimination raciale envers les personnes d’ascendance africaine.

Ratification d’autres instruments

Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions intéressent directement les communautés qui peuvent faire l’objet de discrimination raciale, comme la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Consultations avec les organisations de la société civile

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et d’élargir le dialogue avec les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, dans le cadre de l’élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales.

Diffusion

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour diffuser et faire connaître la Convention sur tout son territoire, de faire en sorte que ses rapports périodiques soient rendus publics et soient accessibles au moment de leur soumission, et de diffuser largement les observations finales du Comité dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu’il convient.

Document de base

Relevant que l’État partie a soumis son document de base en 2009, le Comité l’encourage à présenter un document de base mis à jour, conformément aux directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier celles concernant le document de base commun, adoptées par la cinquième Réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, tenue en juin 2006 (HRI/GEN.2/Rev.6, chap. I).

Suite donnée aux observations finales

Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur modifié, le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 10 et 19.

Paragraphes d’importance particulière

Le Comité souhaite en outre appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 6 à 9, et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

Élaboration du prochain rapport périodique

Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses vingt-troisième à vingt‑sixième rapports, en un seul document, d’ici au 15 juin 2018, en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1) et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité demande instamment à l’État partie de respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques et la limite de 42 400 mots fixée pour le document de base commun.