Comité pour l’élimination de la discrimination raciale
Renseignements reçus de l’État de Palestine au sujet de la suite donnée aux observations finales concernant son rapport valant rapport initial et deuxième rapport périodique *
[Date de réception : 22 septembre 2020]
Renseignements communiqués par l’État de Palestine comme suite aux observations finales
Introduction
1.À sa 2764e séance, le 23 août 2019, le Comité a adopté ses observations finales après avoir examiné le rapport de l’État de Palestine valant rapport initial et deuxième rapport périodique. Il a demandé à l’État de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aurait donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 10 a), 14 a) et c) et 20 b) des observations finales (CERD/C/PSE/CO/1-2), datées du 20 septembre 2019. L’État de Palestine présente ci-après des informations préliminaires sur les recommandations susmentionnées et entend inclure des renseignements complémentaires actualisés dans ses troisième et quatrième rapports périodiques.
2.L’État de Palestine remercie le Comité pour le dialogue constructif qu’il a mené avec la délégation palestinienne et pour ses observations finales, qui comprennent des éléments positifs et montrent que le Comité a apprécié les progrès réalisés par l’État dans l’exécution de ses obligations internationales. Les observations formulées par le Comité présentent un grand intérêt et l’équipe nationale chargée du suivi de l’application de la Convention (ci-après dénommée « l’équipe nationale ») s’emploie à y donner suite, aux niveaux national et international. Créée en application du décret présidentiel du 7 août 2019, l’équipe nationale est présidée par le Ministère des affaires étrangères et des émigrés et composée de membres des ministères compétents. Dès la réception des observations finales, les membres de l’équipe nationale ont déterminé les tâches à accomplir pour y donner suite, avant de se les répartir entre eux et d’en assigner, par l’intermédiaire du Conseil des ministres, à toutes les autres entités publiques non-membres de l’équipe, comme les municipalités, le Ministère de l’information et le Ministère de la culture, en vue de parvenir à l’application effective de la Convention au niveau national. Cette initiative faisait suite à la recommandation du Comité selon laquelle l’État de Palestine devrait diffuser ses observations finales auprès de tous les organes de l’État chargés de la mise en œuvre de la Convention, y compris les municipalités.
3.L’équipe nationale a inscrit dans une matrice toutes les observations finales du Comité et, pour chaque observation, les mesures à prendre pour y donner suite, l’organe chargé de l’appliquer, les délais à respecter et les indicateurs de mesure des résultats. Par la suite, plusieurs réunions et rencontres ont été tenues afin que soit établi, à partir de la matrice, un plan national global visant à mettre en application toutes les recommandations au cours de la période 2020-2023. Un projet de plan national a été adopté, avant d’être soumis à de vastes consultations nationales avec l’ensemble des autorités publiques compétentes, les organisations de la société civile, le secteur privé et le milieu universitaire. L’État de Palestine est résolu à associer toutes les entités nationales concernées, car il s’agit d’un plan national qui ne mobilise pas seulement les pouvoirs publics.
4.Il était prévu que les représentants des entités nationales concernées se réunissent en personne pour examiner le projet et formuler à son sujet des observations et des suggestions, mais les consultations ont dû être reportées en raison de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19). Si l’état d’urgence se poursuit, elles se tiendront à distance, par visioconférence, dès que possible.
5.Après avoir été modifié compte tenu des observations formulées à l’occasion des consultations nationales, le plan sera adopté par l’intermédiaire du Mécanisme national de suivi de la mise en œuvre des instruments relatifs aux droits de l’homme. Il sera ensuite soumis à un comité d’experts composé de représentants de toutes les autorités publiques, puis au Haut Comité ministériel chargé du suivi de l’adhésion de l’État de Palestine aux conventions, protocoles et traités internationaux, dirigé par le Ministère des affaires étrangères et des émigrés. Une fois la version finale adoptée, le plan sera diffusé, sous la coordination du Conseil des ministres, à toutes les entités nationales chargées d’en suivre l’exécution.
6.En raison de la pandémie de COVID-19, l’état d’urgence est en vigueur dans l’État de Palestine depuis le 5 mars 2020, ce qui a entraîné la fermeture d’institutions officielles et d’entités privées et totalement perturbé les travaux jusqu’à ce jour et, par conséquent, ralenti l’action et l’obtention de résultats concrets.
7.La poursuite par Israël de l’occupation coloniale et de l’adoption de politiques et de mesures illégales et discriminatoires demeure le plus gros obstacle auquel l’État de Palestine fait face pour s’acquitter de ses obligations. Israël s’emploie sans relâche à annexer de grandes parties du territoire de la Palestine, à briser son unité géographique et à modifier sa structure démographique, en tenant un discours raciste qui repose sur le prétendu « droit des Juifs » de coloniser toute la Palestine historique et en niant le droit du peuple palestinien − à savoir les habitants originels du pays − à l’autodétermination et à l’indépendance nationale, droit reconnu par les organisations internationales et par le droit international. De plus, le Gouvernement américain actuel adhère à l’idéologie colonialiste israélienne, qui est fondée sur des éléments totalement racistes, notamment sur la supériorité ethnique du peuple israélien sur les Palestiniens. En témoigne la loi discriminatoire relative à la citoyenneté, qui octroie aux seuls Juifs le droit à l’autodétermination et prive le peuple palestinien de tout droit sur son territoire, du droit à l’autodétermination et du droit au retour des réfugiés. Ainsi, le Gouvernement américain a présenté un plan qu’il a qualifié « d’accord du siècle », qui correspond au projet israélien colonial et raciste, puisqu’il permet l’annexion du territoire palestinien, et nie les droits du peuple palestinien. Ce plan a bien évidemment été adopté en violation flagrante du droit international et des résolutions applicables des organisations internationales, ainsi qu’au mépris du consensus international favorable à la solution des deux États et des droits inaliénables des Palestiniens, où qu’ils vivent ou soient réfugiés, notamment le droit au retour, le droit à l’autodétermination, et le droit à un État de Palestine indépendant ayant Jérusalem pour capitale. Ce plan porte aussi gravement atteinte au système international multilatéral fondé sur le droit.
8.Dans ce contexte, il convient de noter que de nombreux acteurs internationaux ont qualifié de violation du droit international l’annexion par Israël, Puissance occupante, de territoires de l’État de Palestine et que la communauté internationale doit demander des comptes à Israël. Nous soutenons sans réserve la déclaration publiée par 47 rapporteurs spéciaux de l’ONU le 16 juin 2020, qui rappellent que l’annexion d’un territoire occupé constitue une violation grave de la Charte des Nations Unies et des Conventions de Genève, et est contraire à la règle fondamentale affirmée à maintes reprises par le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale, selon laquelle l’acquisition de territoires par la guerre ou par la force est inadmissible. Les rapporteurs spéciaux font également valoir que la communauté internationale a interdit l’annexion précisément parce qu’elle provoque la guerre, des ravages d’ordre économique, l’instabilité politique, des violations systématiques des droits de l’homme et des souffrances généralisées.
9.Toujours selon la déclaration, ce que réalise Israël, Puissance occupante, est la vision d’un apartheid du XXIe siècle. L’accord du nouveau gouvernement de coalition israélien visant à annexer des parties importantes de la Cisjordanie palestinienne occupée après le 1er juillet violerait un principe fondamental du droit international, et doit être résolument rejeté par la communauté internationale.
10.Les rapporteurs spéciaux rappellent également dans cette déclaration qu’à de nombreuses reprises, l’Organisation des Nations Unies a indiqué que l’occupation israélienne, vieille de 53 ans, était la source de graves violations des droits de l’homme du peuple palestinien. Ces violations comprennent la confiscation de terres, la violence des colons, les lois de planification discriminatoires, la confiscation de ressources naturelles, la démolition d’habitations, le transfert forcé de population, le recours excessif à la force et à la torture, l’exploitation de la main-d’œuvre, les atteintes massives au droit à la vie privée, les restrictions imposées aux médias et à la liberté d’expression, les attaques visant des militantes et des femmes journalistes, la détention d’enfants, l’empoisonnement par l’exposition à des déchets toxiques, les expulsions et déplacements forcés, le dénuement matériel et l’extrême pauvreté, la détention arbitraire, l’absence de liberté de circulation, l’insécurité alimentaire, l’application discriminatoire des lois et l’imposition d’un système à deux niveaux, fondé sur l’appartenance ethnique et la nationalité, en ce qui concerne les droits civils et politiques, économiques, sociaux et culturels.
11.Dans la déclaration, les rapporteurs spéciaux affirment aussi que l’annexion ne fera qu’aggraver les violations des droits de l’homme et que ce qui resterait de la Cisjordanie serait des bantoustans palestiniens, c’est-à-dire des îlots de terre déconnectés, encerclés par Israël et sans lien territorial avec le monde extérieur. Israël a récemment promis de maintenir un contrôle de sécurité permanent entre la mer Méditerranée et le Jourdain. Ainsi, le lendemain de l’annexion serait la cristallisation d’une réalité déjà injuste : deux peuples vivant dans le même espace, dirigés par le même État, mais n’ayant pas du tout les mêmes droits. C’est la vision d’un apartheid du XXIe siècle.
12.Dans le même esprit, le 10 juin 2020, 271 spécialistes du droit international public ont adressé une lettre officielle au Gouvernement israélien, condamnant ses projets d’annexion. Selon eux, la réalisation de ces desseins violerait le droit à l’autodétermination et non seulement entraînerait, mais rendrait légales, des pratiques discriminatoires, notamment en ce qui concerne la citoyenneté et les droits de propriété. Le 23 juin 2020, 1 080 parlementaires de 25 pays européens ont adressé une lettre conjointe aux gouvernements et dirigeants européens pour s’opposer à l’annexion, qui, selon eux, remettrait en question les normes les plus fondamentales qui guident les relations internationales, y compris la Charte des Nations Unies. Dans le même contexte, le 24 juin 2020, 400 professeurs enseignant en Amérique du Nord et du Sud, en Europe et en Israël, ayant consacré des décennies de vie professionnelle à l’étude approfondie de l’histoire, de la culture, de la pensée, de la religion, de la littérature, de la politique et de la société juives, ont publié une lettre contre l’annexion, l’apartheid et la poursuite de l’occupation israélienne. Ils y avancent que l’annexion légaliserait officiellement des conditions d’apartheid en Israël et en Palestine.
13.L’État de Palestine connaît une grave pénurie de ressources financières, qui est artificielle car liée aux difficultés économiques causées par la guerre de la faim qu’Israël, Puissance occupante, mène contre le peuple palestinien avec l’appui du Gouvernement américain. Israël persiste également à voler des ressources naturelles, à se livrer à la piraterie et à confisquer les revenus palestiniens, en violation du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme. En parallèle, des campagnes de diffamation sont menées par diverses organisations non gouvernementales israéliennes, dont NGO Monitor, UK Lawyers for Israel et l’organisation qui se fait appeler UN Watch, qui maintiennent la pression sur les parlements de plusieurs pays pour les amener à adopter des résolutions empêchant le peuple palestinien d’obtenir des aides financières. En outre, le montant des aides étrangères a sensiblement diminué, ce qui a entraîné une profonde crise économique et miné la capacité d’action du Gouvernement palestinien au service de la population, une situation aggravée par la pandémie de COVID-19.
Suite donnée aux observations finales
Place de la Convention dans l’ordre juridique interne
Paragraphe 10 a) : Le Comité recommande à l’État partie d’incorporer pleinement et rapidement les dispositions de la Convention dans son droit interne, y compris par voie de publication au Journal officiel, et de prendre toutes les mesures possibles pour assurer l’application de la Convention sur l’ensemble de son territoire.
14.Compte tenu des responsabilités qui incombent à l’État de Palestine, de la décision interprétative no 5 de 2017 de la Cour constitutionnelle relative à l’intégration des instruments internationaux dans l’ordre juridique palestinien et de la recommandation du Comité, l’équipe nationale chargée du suivi de l’application de la Convention a estimé qu’il importait de publier cette dernière au Journal officiel. En conséquence, le Ministère des affaires étrangères et des émigrés a adressé au Conseil des ministres un mémorandum visant à ce que la Convention soit publiée sans délai au Journal officiel, accompagnée d’une note explicative destinée à confirmer que les dispositions de la Convention ne modifient pas l’ordre juridique palestinien, étant donné qu’il n’y a globalement pas de contradiction entre la législation en vigueur dans l’État de Palestine et la Convention.
15.Dans ce contexte, au vu des compétences que lui confère le droit et des exigences de l’intérêt public, le Conseil des ministres a publié, à l’occasion de sa réunion tenue à Ramallah le 17 février 2020, sa décision no 01/43/18/M.W/M.1 de 2020, dans laquelle il a demandé au Président de l’État de Palestine de prendre les mesures nécessaires pour faire publier au Journal officiel la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Afin que le Bureau des avis juridiques et de la législation achève les procédures liées à la publication, en préparation de la décision du Président, une copie conforme de la Convention en arabe a été demandée à la Section des traités du Bureau des affaires juridiques du Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies à New York, qui a répondu qu’il n’existait pas de copie conforme en arabe.
Harmonisation et conformité de la législation avec la Convention
Paragraphe 14 a) : Le Comité invite instamment l’État partie à assurer la participation de la population à la prise de décisions et à remédier au déficit actuel de l’état de droit en rétablissant un organe législatif parlementaire démocratiquement élu, tel que le Conseil législatif palestinien.
16.L’application de cette recommandation dépend essentiellement du succès de la réconciliation nationale et de l’élection d’un organe législatif pour l’État de Palestine. De nombreux efforts et initiatives de réconciliation ont été engagés en vue de mettre fin aux divisions et de rétablir l’unité nationale. Il s’agit là de priorités nationales, comme l’ont établi à maintes reprises le Conseil national et le Conseil central, et comme l’a affirmé le Président à de nombreuses manifestations nationales et internationales et devant les organismes des Nations Unies. Il a finalement été convenu au niveau national que de nouvelles élections présidentielles et législatives seraient organisées, ce que le Président a annoncé en 2019. Toutefois, Israël, Puissance occupante, s’attache à saper les efforts de réconciliation nationale et à entraver la tenue des élections, en n’autorisant pas l’organisation d’élections à Jérusalem et en refusant de lever le blocus de la bande de Gaza, ce qui lui permet de perpétuer la division géographique entre la Cisjordanie et la bande de Gaza, au service de ses intérêts coloniaux.
17.Les efforts de réconciliation nationale ont abouti à la tenue, le 3 septembre 2020, d’une réunion historique entre les secrétaires généraux des factions nationales et le Président de l’État de Palestine, Mahmoud Abbas, sous l’égide de l’Organisation de libération de la Palestine, unique organe représentant légitimement le peuple palestinien. Le but était de lancer une initiative nationale conforme à la volonté sincère et aux objectifs et principes de la nation, qui permettrait de mettre véritablement fin aux divisions, de parvenir à la réconciliation et de concrétiser le partenariat national palestinien.
18.En dépit des difficultés susmentionnées, l’État de Palestine fait tout son possible pour favoriser la participation de la population à la prise de décisions. Les élections des conseils municipaux et locaux ont toujours lieu périodiquement et bon nombre de lois sont soumises à des débats auxquels participent les institutions de la société civile concernées, par l’intermédiaire de la Commission nationale chargée de l’harmonisation de la législation nationale avec les conventions et les normes internationales, qui travaille en partenariat avec ces institutions. Parmi les nombreux textes législatifs soumis à de tels débats, on peut citer le projet de loi sur la sécurité sociale et le projet de loi sur la protection de la famille contre la violence, qui a fait l’objet de discussions à plusieurs stades, en présence d’institutions de la société civile. La Commission chargée de l’harmonisation de la législation nationale a organisé plusieurs sessions de consultation avec les institutions de la société civile concernées, compte tenu de l’opposition de la population à la décision relative à la loi sur la cybercriminalité, qui a été modifiée de manière à répondre aux normes internationales et aux recommandations des institutions de la société civile. En outre, le Gouvernement palestinien travaille en étroite collaboration avec les organisations non gouvernementales de la bande de Gaza pour surmonter les divisions politiques et garantir le respect des droits de l’homme.
Paragraphe 14 c) : Le Comité invite instamment l’État partie à adopter un calendrier précis pour l’achèvement de l’examen du cadre législatif existant, en collaboration avec les organisations de la société civile, afin d’en garantir la conformité avec la Convention.
19.L’équipe nationale chargée du suivi de l’application de la Convention a tenu plusieurs réunions avec la Commission nationale chargée de l’harmonisation de la législation nationale avec les conventions et les normes internationales, qui travaille en partenariat avec les institutions de la société civile. À ces réunions, les deux entités ont examiné les observations finales du Comité et étudié par quels moyens l’État de Palestine pouvait, aux fins de l’harmonisation législative, s’acquitter de ses obligations découlant de l’adhésion à la Convention. De plus, un bref exposé sur l’importance d’adopter un calendrier pour l’examen législatif a été présenté aux membres de la Commission chargée de l’harmonisation de la législation nationale.
20.La Commission a accueilli avec satisfaction les observations finales du Comité et les a inscrites parmi les priorités de son plan de travail actualisé pour 2020, afin que la discrimination raciale soit érigée en infraction dans le droit palestinien. Une fois que la Convention aura été publiée au Journal officiel, aux fins de la promotion des droits de l’homme en Palestine et de l’application des obligations mises à la charge de l’État de Palestine par les instruments internationaux, la Commission entend veiller à l’intégration de la Convention à la législation nationale, par la modification des textes en vigueur ou par l’adoption de nouvelles lois, de manière à éliminer toute incompatibilité ou confusion dans l’ordre juridique interne. À cette fin, la Commission a entrepris de déterminer quelles dispositions du droit interne doivent être harmonisées avec la Convention. Les procédures de mise en conformité devraient se terminer prochainement, puisqu’il est prévu qu’elles soient réalisées dans un délai d’un an ; il faut néanmoins tenir compte des conditions sanitaires et politiques que traverse la Palestine.
21.Le Conseil des ministres a publié sa décision no 06/37/18/M.W/M.1 de 2019, portant création d’une équipe nationale chargée d’examiner le projet de code pénal palestinien de 2011. Les membres de l’équipe nationale ont établi un plan et un mécanisme pour l’examen du projet, en se fondant sur les normes et les instruments internationaux auxquels l’État de Palestine a adhéré, ainsi que sur les recommandations des organes conventionnels (dont fait partie le Comité), notamment celles relatives à l’incrimination de la discrimination dans tous les domaines de la vie et à l’adoption d’une définition exhaustive de la discrimination. L’équipe avait décidé que le projet amendé serait présenté aux institutions de la société civile et aux institutions nationales compétentes et ferait l’objet de consultations, et qu’au même moment, un portail électronique serait créé pour recueillir des observations y relatives. L’équipe a commencé à examiner le projet au début de 2020, mais la pandémie de COVID-19 et l’état d’urgence perturbent temporairement ses travaux. Les autorités font le nécessaire pour que les comités et équipes nationaux puissent poursuivre leur travail aussi efficacement que possible compte tenu des mesures préventives indispensables.
22.Une définition de la discrimination conforme aux instruments relatifs aux droits de l’homme, notamment à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, figure dans le projet de décision concernant la loi sur la protection de la famille contre la violence. De plus, une définition de la discrimination dans le domaine de l’emploi figure dans les recommandations que la Commission chargée de l’harmonisation de la législation nationale avec les conventions internationales a formulées suite à l’examen du Code du travail palestinien (loi no 7 de 2000), code qui fait l’objet de modifications visant à appliquer les normes internationales et les recommandations des organes conventionnels, notamment celles du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale et du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Un document d’orientation a été élaboré, dans lequel sont énumérés les points qui doivent être modifiés dans le droit du travail, qu’il s’agisse par exemple d’établir une définition de la discrimination, des mécanismes de surveillance et des procédures de poursuite, de supprimer toutes les exceptions, d’offrir des possibilités d’emploi égales, de garantir l’égalité de salaire pour un travail de valeur égale ou encore d’ériger la violence sexuelle en infraction. Une révision de la loi sur la fonction publique est en cours, qui vise notamment l’ajout d’une disposition interdisant et incriminant la discrimination sur le lieu de travail.
23.En ce qui concerne le statut personnel, le Conseil des ministres a créé, le 5 mars 2018, un comité technique chargé d’examiner l’ensemble des textes régissant le statut personnel et l’état civil et de les mettre à jour conformément aux normes internationales et en appliquant les meilleures pratiques. Composé de représentants d’institutions gouvernementales compétentes et de l’Union générale des femmes palestiniennes, le comité technique peut faire appel aux experts et spécialistes de son choix pour s’acquitter de ses fonctions. Le comité technique a entamé ses travaux en juillet 2018 et élaboré son plan d’action. Depuis lors, il n’a tenu que peu de réunions, du fait des campagnes d’opposition à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et du refus de certains groupes de la société de voir les lois relatives au statut personnel modifiées conformément à la Convention, ces lois reposant en grande partie sur des principes et préceptes religieux. Toutefois, l’équipe nationale chargée du suivi de l’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et le Haut Comité ministériel chargé du suivi de l’adhésion de l’État de Palestine aux instruments internationaux communiquent en permanence avec le Conseil des ministres en vue de relancer les activités du comité technique.
24.Des consultations ont été tenues avec les communautés chrétiennes de l’État de Palestine en vue de modifier la législation régissant leur statut personnel de manière à appliquer la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et les recommandations du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Ces groupes se sont montrés disposés à discuter de bon nombre des questions soulevées, et la communauté luthérienne a mis sa loi sur le statut personnel en conformité avec la Convention un an après que l’État de Palestine y a adhéré.
25.Des concertations ont eu lieu avec le Bureau du Haut-Commissariat des NationsUnies aux droits de l’homme à Ramallah en vue de l’organisation de cours de formation à l’intention du personnel du Bureau central palestinien de statistique, du Conseil supérieur de la magistrature, du ministère public, de la Commission chargée de l’harmonisation de la législation nationale, du Ministère de l’intérieur et du Ministère de la justice. À ce stade, il a été question des trois priorités arrêtées par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, notamment en ce qui concerne l’expérience d’autres pays en matière de mise en conformité des lois nationales avec les dispositions de la Convention et le respect du droit à la liberté d’opinion et d’expression. Les cours ont été reportés en raison de la pandémie de COVID-19, mais le Bureau du Haut-Commissariat assure un suivi continu de la question.
Discours et crimes de haine à caractère raciste
Paragraphe 20 b) : Le Comité engage l’État partie à veiller à ce que les lois ne soient pas utilisées pour intimider, harceler, arrêter, détenir ou poursuivre des journalistes, des défenseurs des droits humains ou des opposants politiques qui ont exercé leur droit à la liberté d’opinion et d’expression.
26.Avant d’examiner les mesures prises au niveau national comme suite à cette recommandation, il y a lieu de rappeler la recommandation générale no 35 (2013) sur la lutte contre les discours de haine raciale, dans laquelle le Comité recommande que les phénomènes de discours de haine soient identifiés et nommés et que les liens entre les discours et les normes consacrées par la Convention soient étudiés.
Au paragraphe 14 de ladite recommandation, le Comité « recommande que la négation ou les tentatives publiques de justification de crimes de génocide et de crimes contre l’humanité, tels que définis en droit international, soient déclarées délits punissables par la loi ». Il y souligne aussi que « l’expression d’opinions sur des événements du passé » ne devrait pas être interdite ni punie. Au paragraphe 15, le Comité estime que, pour identifier un discours de haine, plusieurs éléments devraient être pris en compte, notamment le climat économique, social et politique dans lequel le discours a été prononcé et les objectifs du discours. À cet égard, l’État de Palestine partage l’avis du Comité selon lequel « le discours consistant à protéger ou à défendre les droits fondamentaux de personnes et de groupes ne devrait pas faire l’objet de sanctions pénales ou autres ». Par conséquent, la diffusion d’informations sur les faits historiques de la lutte du peuple palestinien et les revendications relatives à la protection des droits du peuple palestinien et à la fin de l’occupation coloniale israélienne ne peuvent en aucun cas être considérées comme des discours de haine. Toute tentative de classer ces actes parmi les discours de haine n’est autre qu’un détournement du droit international et une atteinte au droit du peuple palestinien à l’autodétermination, à sa quête de liberté et à sa lutte légitime pour l’indépendance, et est incompatible avec le contenu de la recommandation générale du Comité concernant le droit à l’autodétermination.
27.Dans ce contexte, l’État de Palestine condamne les discours de haine et continuera à les combattre en principe. Dire la réalité de l’occupation coloniale est non seulement un droit, mais un devoir dont les Palestiniens s’acquitteront jusqu’à ce que l’occupation ait pris fin et l’État de Palestine ait accédé à l’indépendance, et ce malgré la campagne de diffamation systématique qu’Israël, Puissance occupante, mène par l’intermédiaire du Ministère israélien des affaires stratégiques et de la sécurité intérieure en vue de détourner l’attention de la communauté internationale des violations dont il se rend coupable. Dans le cadre de cette campagne, Israël accuse le peuple palestinien de diffuser des discours de haine et poursuit ses politiques d’arrestation systématique et généralisée des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme, dans le but d’affaiblir leur rôle sociétal, culturel et politique et de les empêcher de révéler ses violations et la vérité.
28.Dans le même temps, des organisations non gouvernementales israéliennes extrémistes, dont NGO Monitor, UK Lawyers for Israel et UN Watch, promeuvent et encouragent la discrimination raciale tout en continuant de nier et même de justifier les crimes internationaux qui sont commis contre le peuple palestinien. Il s’agit d’organisations racistes qui profèrent des discours de haine extrêmes. Or, au paragraphe 21 de sa recommandation générale sur la lutte contre les discours de haine raciale, le Comité souligne que ces organisations doivent être déclarées illégales et interdites.
29.Les journalistes palestiniens subissent toutes formes de répression et de violations de la part des soldats de l’occupation israélienne. Ils sont poursuivis ou arrêtés pendant l’exercice de leurs activités professionnelles, peuvent être assassinés ou se voir empêchés de couvrir certains événements. Certains se font agresser et sont victimes de toutes sortes de blessures (fractures, brûlures ou étranglement), et voient leur matériel détruit. D’autres sont soumis à la détention arbitraire, sans motif d’accusation précis, ou se voient refuser l’accès à des lieux où se déroulent des événements. Pour ne donner qu’un exemple parmi tant d’autres, le journaliste Moaz Amarna a perdu l’œil gauche en novembre 2019, alors qu’il couvrait une attaque des forces d’occupation israélienne contre des manifestants palestiniens à Al-Khalil.
30.À ce propos, dans la déclaration qu’ils ont publiée le 16 juin 2020, 47 rapporteurs spéciaux de l’ONU signalent que les défenseurs palestiniens et israéliens des droits de l’homme qui, de façon pacifique, appellent l’attention du public sur des violations, sont calomniés, traduits en justice ou considérés comme des terroristes. Ils font également état, parmi les graves violations des droits de l’homme du peuple palestinien, de restrictions imposées aux médias et à la liberté d’expression et d’attaques visant des militantes et des femmes journalistes.
31.Pour ce qui est des entraves à la couverture médiatique, certains organes de presse sont directement pris pour cible. Ainsi, sur ordre du Ministre israélien de l’intérieur, les autorités d’occupation ont fermé les bureaux de la chaîne Palestine TV à Jérusalem à la fin de 2019, pour une durée de six mois, et l’ordre de fermeture a été renouvelé le 10 mai 2020 pour six mois supplémentaires. Les équipes de la chaîne sont interdites d’exercer toute activité de journalisme et d’assurer une couverture médiatique depuis Jérusalem. La fermeture de tout organe de presse, en particulier lorsqu’elle touche une grande institution comme Palestine TV, est l’une des plus graves entraves à l’information. Cette interdiction imposée au travail journalistique fait qu’aucune information ne sera disponible pendant une longue période et pas seulement en ce qui concerne un événement particulier.
32.D’après le rapport du comité des libertés du Syndicat des journalistes palestiniens, au premier semestre de 2020, 259 violations israéliennes contre des journalistes ont été enregistrées sur le territoire de l’État de Palestine, dont 59 − les plus graves − à Jérusalem, ce qui montre que la couverture médiatique dans la capitale est plus directement visée. Selon le rapport, 14 journalistes (femmes et hommes) ont été blessés par des tirs des forces d’occupation israélienne, 7 ont été blessés directement au corps par des grenades lacrymogènes, des grenades étourdissantes et des canons à eau, et 41 ont souffert d’étouffement à cause des gaz lacrymogènes. Les forces d’occupation ont arrêté 17 journalistes (femmes et hommes), en ont détenus 96 et les ont empêchés de prendre des photos et de recueillir des informations. Elles en ont traduits 16 devant les tribunaux israéliens, dont 7 ont été cités à comparaître. Plus d’une cinquantaine de journalistes ont été agressés avec du gaz et encore plus ont été amendés et ont subi des violations, ou ont été expulsés de la vieille ville de Jérusalem et de la mosquée Al-Aqsa.
33.Les forces d’occupation coloniale israéliennes s’attaquent également à divers organes de presse en bombardant et en détruisant leurs bureaux et leurs véhicules, en les faisant fermer à la suite de la diffusion d’informations, ou encore en piratant les fréquences des chaînes satellitaires palestiniennes. De même, Israël, Puissance occupante, continue de détenir un certain nombre de journalistes palestiniens dans ses prisons ; celui qui s’y trouve depuis le plus longtemps est Mahmoud Issa, originaire de Jérusalem, condamné à la prison à perpétuité et détenu depuis 1993.
Mesures nationales prises dans ce contexte
34.Le Mécanisme national de suivi de la sécurité des journalistes et de la question de l’impunité en Palestine a été créé en juin 2019. Chargé de signaler les infractions et les violations commises contre les journalistes sur le territoire de l’État de Palestine, le Mécanisme est composé de représentants d’organes gouvernementaux, dont le Cabinet du Premier Ministre, le Ministère de l’information, le Ministère de l’intérieur et le Ministère des affaires étrangères et des émigrés, ainsi que du Syndicat des journalistes palestiniens − en tant que partenaire national de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) en Palestine − et des institutions de la société civile.
35.Le Mécanisme s’occupe aussi de recueillir des renseignements sur les violations commises contre des journalistes, grâce à l’expérience et aux compétences de chacun de ses membres, et soumet ses rapports à l’UNESCO. Des activités de formation professionnelle portant sur la collecte d’informations sur les atteintes aux droits humains des journalistes sont dispensées à ses membres, en collaboration avec l’organisation Al-Haq, la Commission indépendante pour les droits de l’homme et le Haut-Commissariat aux droits de l’homme.
36.Le Syndicat des journalistes a organisé plusieurs cours de formation sur la sécurité des journalistes et sur la manière de traiter avec les forces de sécurité sur le terrain ; plus de 200 journalistes en ont bénéficié. En outre, en collaboration avec le Ministère de l’intérieur et la Commission indépendante pour les droits de l’homme, une série d’ateliers a été organisée sur les pratiques les plus propices à la sécurité des journalistes que peuvent adopter les membres des organes de sécurité et les journalistes eux-mêmes sur le terrain. Le Syndicat des journalistes publie également des rapports périodiques sur les atteintes commises contre des journalistes, qui sont publiés au niveau international par l’intermédiaire de la Fédération internationale des journalistes, dont le Syndicat est membre. Selon le rapport du comité des libertés du Syndicat pour 2020, le nombre de violations commises contre des journalistes a sensiblement diminué et le Gouvernement palestinien attache beaucoup d’intérêt au respect des libertés liées à l’information. Le Gouvernement est déterminé à veiller au respect de la liberté de la presse et de la liberté d’expression, ainsi qu’à l’acceptation et à la prise en considération de la critique constructive, en adoptant des politiques et des lois qui contribuent à protéger la population et les journalistes.
37.Les autorités palestiniennes se sont engagées à sensibiliser le personnel des organes de justice et de l’application des lois à l’importance que revêt la Convention pour ce qui est de protéger les droits et libertés publics et de rejeter les discours de haine tout en respectant le droit à la liberté d’opinion et d’expression et en n’utilisant pas la loi pour intimider les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme et les opposants politiques. Un programme de formation complet sur les dispositions de la Convention a été élaboré à l’intention des magistrats, afin que les dispositions de la Convention soient concrètement appliquées dans les décisions de justice au cours de l’année judiciaire 2020-2021.
38.D’après les registres électroniques des tribunaux de l’État de Palestine, entre août 2019 (moment de l’examen du rapport de l’État de Palestine par le Comité) et le 20 août 2020, 79 affaires relatives à des discours de haine et à la liberté d’opinion et d’expression ont été enregistrées. Les prévenus ont été innocentés dans 25 affaires et condamnés dans seulement 3 affaires ; dans 2 d’entre elles, la peine prononcée était une peine de prison d’une durée de trois mois et, dans la troisième, il s’agissait d’une amende de 200 dinars jordaniens ou l’équivalent en monnaie légale. Au total, 51 affaires sont encore en instance. On remarque une évolution encourageante de la proportion des acquittements par rapport au nombre total d’affaires et au nombre de condamnations : des décisions d’acquittement ont été prononcées dans 32 % du total des affaires enregistrées sur la période d’un an et dans 90 % des affaires tranchées. Cela prouve que la Convention est appliquée.
Affaires relatives à la liberté d’opinion et d’expression
Disposition |
Nombre d’affaires enregistrées |
Nombre d’acquittements |
Nombre de condamnations |
Nombre d’affaires en instance |
Article 150 du Code pénal, relatif à l’incitation au fanatisme religieux |
58 |
18 |
0 |
40 |
Article 24 de la loi sur la cybercriminalité, relatif à la diffusion d’informations incitant au racisme sur les réseaux électroniques |
15 |
4 |
3 |
8 |
Article 161 du Code pénal, relatif à l’incitation d’autrui à commettre des actes de racisme et de sectarisme |
5 |
3 |
0 |
2 |
Articles 37 et 48 de la loi sur la presse et les publications, relatifs à la diffusion d’informations sur la sécurité et la police |
1 |
0 |
0 |
1 |
Total |
79 |
25 |
3 |
51 |
39.Le ministère public de l’État de Palestine travaille à l’élaboration d’un guide sur les procédures d’action unifiée en matière de cybercriminalité. En partenariat avec de nombreux organismes nationaux et institutions internationales œuvrant dans le domaine des droits de l’homme, le Ministère de l’intérieur a publié un guide sur la façon de traiter avec les journalistes sur le terrain. Le manuel a été utilisé à l’occasion de nombreux ateliers rassemblant des représentants de tous les organes de sécurité et des membres du Syndicat des journalistes, qui ont été organisés dans toutes les provinces et auxquels ont participé environ 300 membres des forces de sécurité, employés d’organes de presse et journalistes. En outre, le Ministère de l’intérieur continue d’organiser, à l’intention des représentants de tous les organes de sécurité, des ateliers sur la distinction entre l’exercice de la liberté d’opinion et d’expression et l’incitation.
40.Il convient de noter que, dans le cadre des travaux de la Ligue des États arabes, avec les autres États qui en sont membres, l’État de Palestine travaille à la promulgation d’une loi-cadre arabe sur la lutte contre les discours de haine, qui vise à prévenir, à combattre et à incriminer les discours de haine et à promouvoir le dialogue et la tolérance entre toutes les composantes de la société, en application des instruments internationaux pertinents. L’État de Palestine s’efforcera de respecter toutes les dispositions de cette loi et d’harmoniser sa législation nationale avec elle, de manière à promouvoir les principes d’égalité et de non‑discrimination.