Nations Unies

CED/C/MAR/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

12 novembre 2021

Français

Original : arabe

Anglais, arabe, espagnol et français seulement

Comité des disparitions forcées

Rapport soumis par le Maroc en application de l’article 29 (par. 1) de la Convention, attendu en 2015 *

[Date de réception : 10 septembre 2021]

I.Introduction

1.Le Royaume du Maroc a achevé la procédure de ratification de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées le 14 mai 2013 ; il avait signé la Convention le 6 février 2007, moins de deux mois après son adoption.

2.Le Royaume du Maroc a tenu à remettre son rapport initial, dont la rédaction a pris du retard pour deux raisons principales. D’une part, les autorités avaient la volonté d’élaborer le présent rapport dans la droite ligne du travail qui a été fait pour mener à bien l’expérience de justice transitionnelle dans le pays, qui a essentiellement donné des résultats fin 2018, lorsque le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) a réglé la plupart des cas de disparition. Ce dernier est l’institution nationale établie conformément aux Principes de Paris, chargée de suivre la mise en œuvre des recommandations de l’Instance Équité et Réconciliation (IER). D’autre part, des ateliers de réforme de la justice ont été organisés en application des dispositions de la Constitution de 2011. En particulier, le système pénal a été réformé, par une révision du Code de procédure pénale et du Code pénal. Ces derniers comprennent désormais des articles explicites concernant la mise en œuvre des recommandations de l’IER, des dispositions de la Constitution relatives à la criminalisation de la disparition forcée et des textes d’autres lois promulguées récemment, qui visent notamment à promouvoir l’édification d’un État de droit, au premier rang desquels figurent les dispositions relatives à la création d’un mécanisme national pour la prévention de latorture.

3.Le Royaume du Maroc rappelle qu’il déploie des efforts continus en matière de promotion et de protection des droits de l’homme, qui ont abouti à l’adoption en décembre 2017 du Plan d’action national en matière de démocratie et des droits de l’homme, document stratégique de référence qui prévoit des mesures législatives et institutionnelles destinées à protéger les droits humains contre toute violation grave. Le Royaume rappelle également qu’il interagit constamment avec le système des droits de l’homme des Nations Unies, en particulier le mécanisme des procédures spéciales relatif aux disparitions forcées. À cet égard, il a reçu le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires en 2009, a accueilli sa 108e session en 2016 et a tenu des réunions directes avec lui, dont les quatre dernières remontent à 2018 et 2019. En outre, en coordination avec le CNDH, le Royaume collabore de manière continue et durable avec le Groupe de travail, en lui fournissant des données et informations concernant les allégations de disparition dont il est saisi et qui ont déjà été traitées dans le cadre du mécanisme de justice transitionnelle. Dans la même optique, le Maroc a reçu le Rapporteur spécial sur la question de la torture en 2012, le Groupe de travail sur la détention arbitraire en 2013 et le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en 2017.

4.Le présent rapport a été élaboré par la Délégation interministérielle aux droits de l’homme relevant du Ministère d’État chargé des droits de l’homme et des relations avec le Parlement, conformément aux directives concernant la forme et le contenu des rapports que les États parties doivent soumettre en application de l’article 29 de la Convention (CDE/C/2). La Délégation a adopté une approche participative associant l’ensemble des pouvoirs publics, notamment les organes gouvernementaux et les institutions et organismes nationaux, en particulier le CNDH, qui avait présenté en mars 2020 son dernier rapport sur l’établissement de la vérité. Le Parlement et les associations de la société civile concernées, y compris les associations représentant les familles des victimes activement impliquées dans le processus de justice transitionnelle depuis plus d’une décennie et demie, ont également contribué à l’élaboration du présent rapport.

5.En soumettant le présent rapport sur les mesures prises pour mettre en œuvre la Convention, le Royaume du Maroc affirme qu’il a pu mettre fin aux violations flagrantes des droits de l’homme, y compris les disparitions forcées, grâce à la volonté politique suprême de l’État, à l’expérience nationale de justice transitionnelle menée par l’IER et aux dispositions relatives aux droits humains prévues dans la Constitution de 2011. Preuve de l’engagement de l’État marocain en faveur de la Convention, plus d’un quart de siècle après la libération des derniers survivants parmi les personnes disparues de force, on peut dire que le niveau de sensibilisation et de vigilance à l’égard de toute allégation de disparition a augmenté au sein de la société, y compris parmi les partis, les organisations de la société civile, les médias et les institutions universitaires. C’est peut-être l’acquis le plus important que le pays ait pu obtenir dans le cadre de la continuité de son système politique et constitutionnel et grâce à ses efforts de réconciliation progressifs visant à jeter, de manière cumulative, les bases d’un État de droit garant des droits humains.

6.Le Royaume du Maroc est conscient qu’en rompant définitivement avec la pratique de la disparition forcée dans les organes de l’État et les forces de l’ordre, il est entré depuis quelques années dans une ère nouvelle qui l’amène à instaurer l’État de droit, une culture des droits de l’homme et une gouvernance sécuritaire selon des pistes de réforme structurées. Il s’agit d’engagements constitutionnels, politiques, juridiques, réglementaires, éducatifs, culturels, préventifs et diplomatiques pris dans le cadre d’une pleine coopération avec les mécanismes internationaux des droits de l’homme et au titre des obligations découlant des instruments internationaux.

II.Cadre juridique général

A.Cadre constitutionnel et législatif

7.Conformément aux conclusions de l’expérience marocaine de justice transitionnelle, la Constitution de 2011 a été élaborée de manière à prévoir expressément la protection contre les disparitions forcées. En effet, l’article 23 souligne que « [l]a détention arbitraire ou secrète et la disparition forcée sont des crimes de la plus grande gravité et exposent leurs auteurs aux peines les plus sévères » et que « [n]ul ne peut être arrêté, détenu, poursuivi ou condamné en dehors des cas et des formes prévus par la loi ».

8.Dans l’article susmentionné, la violation constitutionnellement grave que représente la disparition forcée est déterminée selon trois aspects qui sont, de par leur ampleur et leur nature, analogues à ceux prévus par les dispositions régissant l’ordre public , puisqu’elle est qualifiée de crime de la plus grande gravité, emporte les peines les plus sévères et est condamnée dans son caractère secret. En outre, cette description est fidèle à celle qui a été adoptée dans le cadre de la justice transitionnelle pour lutter contre les disparitions forcées.

9.La criminalisation de la disparition forcée s’inscrit dans un cadre constitutionnel diversifié et cohérent de la protection des droits de l’homme et de la lutte contre les violations graves. L’acte de disparition forcée a été érigé en infraction tout en tenant compte de certaines obligations. Ainsi, l’article 23 de la Constitution souligne que « [t]oute personne détenue doit être informée immédiatement, d’une façon qui lui soit compréhensible, des motifs de sa détention et de ses droits, dont celui de garder le silence. Elle doit bénéficier, au plus tôt, d’une assistance juridique et de la possibilité de communication avec ses proches, conformément à la loi ».

10.La criminalisation de la disparition forcée se retrouve également dans le libellé constitutionnel du dernier alinéa de l’article précité selon lequel « [l]e génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et toutes les violations graves et systématiques des droits de l’homme sont punis par la loi ». Conformément à cette disposition, la disparition forcée érigée en crime par la Constitution et qualifiée de crime de la plus grande gravité est juridiquement, jurisprudentiellement et judiciairement équivalente aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre en termes de degré, de gravité et de conséquences.

11.Outre ce qui est mentionné aux deux paragraphes précédents, la protection constitutionnelle contre les disparitions forcées est renforcée par d’autres dispositions, notamment l’un des alinéas du préambule de la Constitution selon lequel il faut « accorder aux conventions internationales dûment ratifiées […] dès la publication de ces conventions, la primauté sur le droit interne », les premier et troisième paragraphes de son article 6 qui disposent respectivement que « [l]a loi est l’expression suprême de la volonté de la nation » et « [s]ont affirmés les principes de constitutionnalité, de hiérarchie et d’obligation de publicité des normes juridiques ».

12.Avec le même degré de protection, l’article 20 de la Constitution souligne que « [l]e droit à la vie est le droit premier de tout être humain. La loi protège ce droit ». Dans cette optique, l’article 22-3 considère que « [l]a pratique de la torture, sous toutes ses formes et par quiconque, est un crime puni par la loi ». Dans le cadre des garanties d’application de ces dispositions, la Constitution dispose également en son article 110 que « les magistrats du parquet sont tenus à l’application du droit et doivent se conformer aux instructions écrites, conformes à la loi, émanant de l’autorité hiérarchique » et en son article 117 que « le juge est en charge de la protection des droits et libertés et de la sécurité judiciaire des personnes et des groupes, ainsi que de l’application de la loi ».

13.Outre les mesures que le Royaume du Maroc a prises pour protéger toutes les personnes contre les disparitions forcées grâce aux efforts entrepris par l’Institution nationale des droits de l’homme depuis sa création en 1990, la législation pénale a traité de manière complexe le crime de disparition forcée. Ainsi, le projet de révision du Code pénal qui est actuellement examiné par le Parlement et le projet de Code de procédure pénale prévoient des dispositions criminalisant le crime de disparition forcée et des règles de procédure en la matière qui sont en conformité avec les normes internationales.

B.Les instruments ratifiés et leur place dans la constitution et dans la loi

14.Outre la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, qu’il a ratifiée et en vertu de laquelle ce rapport initial est soumis, le Royaume du Maroc a adhéré de manière précoce, progressive et qualitative à des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et au droit international humanitaire, dont les plus importants sont :

La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, ratifiée le 18 décembre 1970 et en application de laquelle 18 rapports ont été présentés et ont fait l’objet d’un examen ;

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ratifié le 3 mai 1979 et en vertu duquel 4 rapports ont été présentés et examinés ;

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié le 3 mai 1979 et en application duquel 6 rapports ont été présentés et ont fait l’objet d’un examen ;

La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ratifiée le 21 juin 1993 et en vertu de laquelle 4 rapports ont été présentés et examinés ;

La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ratifiée le 21 juin 1993 et en application de laquelle 4 rapports ont été présentés et ont fait l’objet d’un examen ;

La Convention relative aux droits de l’enfant, ratifiée le 21 juin 1993 et en vertu de laquelle 4 rapports ont été présentés et examinés ;

La Convention internationale pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, ratifiée le 21 juin 1993 et en application de laquelle un rapport initial a été présenté et a fait l’objet d’un examen ;

Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, ratifié le 2 octobre 2001 et en vertu duquel le deuxième rapport annexé au rapport unique valant troisième et quatrième rapports concernant l’application de ladite Convention a été présenté et examiné ;

Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, ratifié le 22 mai 2002 et en application duquel un rapport initial a été présenté et a fait l’objet d’un examen ;

La Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, ratifiée le 18 avril 2009 et en vertu de laquelle le rapport initial a été présenté et examiné ;

Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, concernant les communications présentées par des particuliers, ratifié le 8 avril 2009 ;

Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants auquel le pays a adhéré le 24 novembre 2014.

15.Le processus de justice transitionnelle a mené à la formulation de recommandations en faveur d’une plus grande adhésion au droit international des droits de l’homme. Ces recommandations en matière de droits de l’homme sont devenues les fondements de la réforme constitutionnelle et ont été constitutionnalisées. À ce propos, le Chef de l’État, Sa Majesté le Roi, est allé même jusqu’à les qualifier, dans son discours du 9 mars 2011, de recommandations judicieuses de l’Instance Équité et Réconciliation.

16.Le préambule de la Constitution fait partie intégrante de celle-ci et prévoit les fondements et les orientations des principes et dispositions constitutionnels en prévoyant ce qui suit :« accorder aux conventions internationales dûment ratifiées par lui, dans le cadre des dispositions de la Constitution et des lois du Royaume, dans le respect de son identité nationale immuable, et dès la publication de ces conventions, la primauté sur le droit interne du pays, et harmoniser en conséquence les dispositions pertinentes de sa législation nationale ». Ceslignes préambulaires consacrent le principe de la primauté des instruments internationaux et engagent le Royaume du Maroc à poursuivre l’harmonisation de sa législation interne avec les instruments internationaux qu’il a ratifiées, conformément à la Constitution.

17.En application de cette disposition préambulaire, le législateur a ajouté un alinéa à l’article 5 du Code de procédure pénale selon lequel « [l]’action publique des infractions pour lesquelles la prescription n’est pas prévue par la loi ou un instrument international ratifié par le Royaume du Maroc et publié au Bulletin officiel est imprescriptible ». Aussi, les juges peuvent, à l’occasion de leur interprétation des faits et de la motivation de leurs jugements et décisions, s’appuyer sur les dispositions contenues dans un instrument international ratifié par le Royaume, les adapter et les réadapter, si nécessaire, conformément à la loi. À cet égard, plusieurs décisions ont été rendues dans le cadre de la Convention relative aux droits de l’enfant et de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

C.Cas de disparition forcée portés devant la justice

18.Depuis la ratification par le Royaume du Maroc de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, aucun cas de disparition forcée au sens de ladite Convention n’a été enregistré, ce qui confirme que le pays a définitivement rompu, en droit et en pratique, avec ce type de violations graves.

D.Autorités et institutions chargées de la mise en œuvre de la Convention

19.Les thèmes de la Convention et les obligations qui en découlent relèvent de la lutte contre le crime de disparition forcée, dont sont chargées les autorités et institutions suivantes :

La Présidence du m inistère p ublic est chargée de superviser les activités des différents parquets auprès des différentes juridictions, de surveiller l’exercice de l’action publique par les parquets et d’observer son déroulement, et d’assurer le suivi des affaires dont sont saisis les tribunaux et auxquelles le ministère public est partie ;

Les magistrats du siège sont la seconde autorité chargée de lutter contre les disparitions forcées et de donner effet aux dispositions de la Convention, conformément aux pouvoirs qui leur sont conférés par la Constitution et la loi et dans le cadre des garanties d’un procès équitable ;

Les autres autorités administratives et judiciaires, dans le cadre de leurs compétences et domaines d’intervention respectifs, dotent le ministère public des moyens lui permettant de s’acquitter de ses fonctions, en lui fournissant les données, informations et renseignements dont elles disposent, et en assurant l’application de la loi. À cet égard, le Ministère de l’intérieur, par le biais de la Direction générale de la sûreté nationale, l’Inspection générale des forces auxiliaires et la Brigade nationale de la police judiciaire, ainsi que la Gendarmerie royale et la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion veillent, dans le cadre de leurs compétences respectives, à la mise en œuvre des dispositions de la Convention ;

Les officiers de police judiciaire, placés sous l’autorité du ministère public, sont investis des pouvoirs d’enquête et d’investigation dans toutes les affaires liées à des allégations ou à des cas de disparition forcée ;

L’Autorité gouvernementale chargée de la justice s’occupe de toutes les questions relatives à la coopération judiciaire bilatérale en matière pénale. Les autres autorités gouvernementales en charge des affaires étrangères, de la coopération internationale, de la santé, de la famille, de l’enfance et des migrations sont chargées de la mise en œuvre des dispositions de la Convention relatives aux droits humains et de l’élaboration des rapports connexes ;

Le Ministère d’État chargé des droits de l’homme a pour mandat de promouvoir et de protéger les droits de l’homme en général, d’assurer la concertation et la coordination avec toutes les autorités, instances et institutions nationales et avec les organisations de la société civile pour élaborer et soumettre le rapport, de collaborer avec le Comité sur les disparitions forcées et de coordonner la collaboration avec le Groupe de travail sur les disparitions forcées s’agissant des allégations dont il est saisi.

20.Le Conseil national des droits de l’homme (CNDH), conformément à l’article 161 de la Constitution, est une institution nationale pluraliste et indépendante, chargée de connaître de toutes les questions relatives à la défense et à la protection des droits de l’homme et des libertés, à la garantie de leur plein exercice et à leur promotion, ainsi qu’à la préservation de la dignité, des droits et des libertés individuelles et collectives des citoyennes et citoyens.

21.En 2012 et 2013, un dialogue national sans précédent sur la réforme de la justice s’est tenu dans le Royaume du Maroc, ce qui a abouti à l’adoption de la Charte de la réforme du système judiciaire. Il s’agit d’un document national de référence pour le cadre juridique et institutionnel régissant la protection des droits de l’homme contre toute violation grave, dont notamment :

Rationaliser les procédures privatives de liberté, notamment l’arrestation, la détention, la fermeture des frontières, la confiscation des passeports, et les autres procédures touchant à la vie privée des personnes et à l’inviolabilité du domicile et de la correspondance, en n’y recourant qu’en cas de nécessité ;

Lutter contre les violations des droits de l’homme ;

Donner effet aux mesures préventives et répressives pour faire face à ces violations avec fermeté et rigueur ;

Lutter résolument contre la torture, la détention arbitraire et la disparition forcée ;

Protéger les droits des détenus en mettant en œuvre les dispositions juridiques liées à l’inspection des conditions de détention afin de les rendre conformes aux normes en la matière et de les humaniser.

E.Les disparitions forcées dans les travaux de l’Instance Équité et Réconciliation

22.Les travaux de l’Instance Équité et Réconciliation ont été couronnés par la publication d’un rapport final qui brosse un tableau complet des violations graves des droits de l’homme commises au Maroc entre 1956 et 1999. Le rapport comporte également les résultats des investigations menées par l’Instance et qui ont permis de lever le voile sur le sort d’un certain nombre de personnes portées disparues ou dont le sort est inconnu. Il dresse en outre une liste des cas de disparitions forcées, de personnes au sort inconnu et de victimes des événements sociaux restés en suspens et pour lesquels l’IER recommande la poursuite des investigations pour les élucider.

23.L’IER et la Commission de suivi de la mise en œuvre des recommandations de l’IER, créée au sein du CNDH, sont parvenues à examiner et à élucider 805cas de disparitions forcées, un nombre supérieur à celui des demandes que lui avaient soumises les familles des victimes et les organisations non gouvernementales nationales et internationales. Les cas se répartissent comme suit :

702 dans lesquels la vérité a été pleinement rétablie par l’IER et la Commission de suivi ;

101cas dans lesquels la vérité a été rétablie, mais pour lesquels les ayants droit doivent présenter les documents requis par la loi ;

Deux cas pour lesquels le Comité de suivi a estimé que les enquêtes menées n’avaient pas permis d’établir l’étendue de l’implication ou de la responsabilité d’un organisme étatique dans la disparition.

24.L’IER a classé 66cas comme dossiers en suspens et a recommandé la poursuite des investigations afin d’élucider leur sort. La Commission de suivi a repris les investigations en ce sens et a obtenu des résultats concernant la plupart des 66cas. Les noms des personnes concernées ainsi que les résultats obtenus ont été publié dans un rapport paru en 2010. S’agissant des cas non élucidés restants, en l’occurrence neuf, la Commission de suivi a poursuivi ses investigations et s’est déclarée convaincue de ce qui suit :

Il existe des preuves solides du décès de six cas ;

Le cas d’une personne n’est pas lié à une disparition forcée ;

Deux cas dans lesquels les investigations n’ont pas permis d’aboutir à des faits confirmés, des données exactes ou des convictions fortes quant à leur décès.

III.Mise en œuvre des articles de la Convention

Article premier : Exceptions et disparitions forcées

25.Le Parlement, conformément à l’article 59 de la Constitution, ne peut être dissous pendant l’exercice des pouvoirs exceptionnels. En vertu de cette définition explicite, l’exercice des pouvoirs exceptionnels ne se limite pas aux états d’urgence exceptionnels prévus par le droit international, notamment à l’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’expression « exercice des pouvoirs exceptionnels » signifie que le contrôle constitutionnel dont est chargé le Parlement est exercé par l’autorité gouvernementale dans sa gestion de l’état d’exception.

26.En conséquence, la Constitution reconnaît que les libertés et droits fondamentaux qui y sont prévus demeurent garantis dans la pratique, et prévoit qu’il est mis fin à l’état d’exception dans les mêmes formes que sa proclamation, dès que les conditions qui l’ont justifié n’existent plus. Dans tous les cas, la non- dissolution du Parlement reste la garantie la plus solide contre les disparitions forcées et autres violations flagrantes des droits de l’homme, en ce sens que le Parlement garde son rôle de demander des comptes au Gouvernement par le biais de questions urgentes, de mettre en place des missions d’information et de former des commissions d’enquête. À cela s’ajoutent les compétences des autorités judiciaires et le rôle confié au CNDH pour s’attaquer directement aux violations graves.

27.Au lendemain des actes terroristes commis au Maroc en mai 2003, la loi no 03.03 relative à la lutte contre le terrorisme a été promulguée alors que le processus de justice transitionnelle allait être lancé. Les règles de procédure prévues par ladite loi ont été intégrées au Code de procédure pénale, qui garantit les règles d’un procès équitable. Compte tenu de la gravité et de la complexité des infractions terroristes et des investigations minutieuses qu’elles requièrent, le législateur a prévu, en vertu de ladite loi, que la durée de la garde à vue est fixée à quatre-vingt-seize heures renouvelable deux fois, pour une durée de quatre‑vingt-seize heures chaque fois sur autorisation écrite du ministère public, et ce après avoir entendu le suspect et examiné son état (art. 80 du Code de procédure pénale). Dans pareil cas, les droits du suspect sont soumis aux mêmes règles prévues par la loi précitée.

Article 2 : Définition de la disparition forcée

28.Bien que le Code pénal ne définisse pas la disparition forcée au sens de la Convention, il prévoit un ensemble de dispositions légales, en l’occurrence les articles 436 à 440, qui visent à protéger les personnes contre les actes d’enlèvement, de détention et d’emprisonnement. Ainsi, l’article 436 traite de l’acte d’enlèvement à travers quatre qualifications, à savoir l’enlèvement, l’arrestation, la détention et la séquestration d’une personne quelconque, sans ordre des autorités constituées. Ledit article traite également des qualifications légales des auteurs de l’acte d’enlèvement ou d’arrestation exécuté soit avec port d’un uniforme ou d’un insigne réglementaire, soit sous un faux nom ou sur un faux ordre de l’autorité publique ou avec usage d’un moyen de transport motorisé.

29.En application de cette dernière disposition, l’article 436 renvoie à l’article 384, qui sanctionne pénalement toute personne qui revêt publiquement un costume présentant une ressemblance avec un uniforme, ce qui conduit à croire − au moyen du raisonnement par l’absurde − qu’on a affaire à un fonctionnaire de l’État susceptible de commettre des infractions d’enlèvement, d’arrestation ou de détention sans ordre de l’autorité compétente. À ce propos, l’article 384 précise les costumes ayant une ressemblance de nature à causer une méprise dans l’esprit du public avec les uniformes des autorités suivantes : les Forces armées royales, la Gendarmerie royale, la sûreté nationale, l’administration des douanes, ou tout fonctionnaire exerçant des fonctions de police judiciaire ou des forces de police auxiliaire.

30.L’article 436 prévoit une autre restriction pour protéger la victime de l’acte criminel, en sanctionnant un tel acte commis pour atteindre un objectif personnel ou satisfaire des envies personnelles. L’article 437 renforce également la protection de la victime d’un acte d’enlèvement, d’arrestation, de détention ou de séquestration sans mandat si l’acte en question a eu pour but de procurer aux auteurs des otages, soit pour préparer ou faciliter la commission d’un crime ou d’un délit, soit pour favoriser la fuite ou assurer l’impunité des auteurs d’un crime ou d’un délit. Il en est de même si ces actes ont eu pour but l’exécution d’un ordre ou l’accomplissement d’une condition et notamment le paiement d’une rançon. Dans le même contexte, l’article 438 porte de la soumission de la victime à des tortures corporelles, tandis que l’article 440 traite des formes de traitement auxquelles la victime d’enlèvement est soumise.

31.Il convient de rappeler que le législateur marocain n’a pas défini le fonctionnaire de manière restrictive puisque, selon l’article 224 du Code pénal, sont réputés fonctionnaires toutes personnes qui sont investies d’une fonction ou d’un mandat au service de l’État, des administrations publiques, des municipalités, des établissements publics ou à un service d’intérêt public. Cette disposition constitue une autre garantie dans le cadre de l’identification d’une personne qui agit avec la permission, le soutien ou l’agrément de l’État.

32.Si la loi marocaine en vigueur prévoit une description complexe de l’acte de violation, le projet de code pénal actuellement à l’examen au Parlement, définit le crime de disparition forcée conformément à la définition qu’en donne la Convention, et fixe des peines proportionnées à la gravité de l’acte incriminé conformément au principe d’aggravation progressive de la peine (art. 231-9 à 231-15 du projet de code pénal). Cela sera abordé dans le cadre de la réponse donnée à l’article 4 ci-après.

33.Du point de vue de l’expérience marocaine de la justice transitionnelle, l’Instance Équité et Réconciliation a adopté la définition internationalement reconnue. Au cours de son mandat 2004-2005 et dans le cadre de sa compétence temporelle (1956-1999) et de sa compétence matérielle, dont la principale est la disparition forcée et d’autres violations graves des droits de l’homme, l’IER s’est fondée sur la définition internationale de la disparition forcée dans ses travaux sur l’établissement de la vérité, la détermination des responsabilités politiques, juridiques et morales par rapport à ce qui s’était passé, l’indemnisation des victimes et l’institution de garanties de non-répétition.

34.La justice transitionnelle marocaine a abordé la notion de disparition forcée selon deux définitions correspondant à deux phases distinctes. La première phase remonte à l’époque de l’Instance d’arbitrage indépendante pour l’indemnisation des préjudices matériels et moraux subis par les victimes de la disparition et de la détention arbitraire et leurs ayants droits qui, lors de son mandat allant de 2000 à 2003, a adopté la définition synthétique suivante : « Tout comportement des services de l’État conduisant à l’arrestation sans fondement juridique, à la privation de liberté et à la séquestration d’une personne dans un lieu tenu secret suivi du refus de répondre aux interrogations la concernant de manière à dissimuler le sort qui lui est réservé et à la soustraire à la protection de la loi ». Cette définition de disparition forcée, adoptée lors de cette phase, est le résultat d’un effort jurisprudentiel et va au-delà de la définition juridique qui en est donnée dans le Code pénal, tout en se rapprochant de celle internationalement reconnue, du fait de l’accent mis sur la privation de liberté, l’entretien du secret sur le lieu de détention et le maintien de la personne dans l’inconnu, privée de toute protection juridique.

35.En formulant cette définition, l’Instance d’arbitrage indépendante est partie d’un cadre de référence dans lequel il était indiqué ce qui suit : « Avant qu’elle ne commence à rendre ses décisions, l’Instance d’arbitrage a commencé à identifier divers cas de disparition forcée et de détention arbitraire, compte tenu de la législation interne et des normes internationalement reconnues. Elle a également classé toutes les demandes et en a fait une étude préliminaire puis, dans un second temps, elle a passé en revue la littérature existante sur les centres de détention secrets, quelques études comparatives sur l’expérience de certains pays d’Amérique du Sud, ainsi que l’expérience de l’Afrique du Sud en la matière. Outre l’examen de certains cas de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, l’Instance d’arbitrage a recueilli des données importantes, grâce à une lecture attentive de tous les jugements rendus dans les grands procès − politiques −, ce qui l’a aidé à traiter de nombreuses questions et à identifier les faits avec précision ». C’est ainsi que l’Instance d’arbitrage a élaboré son cadre de référence autour de la notion de disparition forcée, et en a fait, en tant que violation de la plus haute gravité, la base d’indemnisation, et de par sa nature même, la base pour identifier les autres cas de violation des droits de l’homme.

36.La seconde phase de l’expérience de justice transitionnelle, qui a duré vingt-trois mois (janvier 2004-novembre 2005), est celle pendant laquelle l’Instance Équité et Réconciliation a mené ses travaux. Lors du lancement de cette phase, la notion de disparition forcée a été analysée à partir du cadre de référence suivant : « La disparition forcée, violation complexe affectant un grand nombre de droits fondamentaux internationalement reconnus et protégés, constitue l’une des violations graves qui entrent dans la compétence de l’IER. Il s’agit d’une violation d’autant plus grave que les préjudices qu’elle engendre affectent non seulement la victime, mais également sa famille et ses proches, et partant, la société entière, le but escompté à travers le recours à cette pratique étant essentiellement de susciter la peur et la terreur en portant atteinte au droit à la vie ».

37.L’Instance Équité et Réconciliation a élaboré ses propres faits constitutifs de la disparition forcée, en se fondant sur les éléments suivants :

La disparition forcée est contraire aux obligations en matière de droits de l’homme adoptées dans le préambule de la Constitution du Royaume telles qu’elles sont universellement reconnues (Constitution de 1996) ;

La disparition forcée viole les obligations du Maroc en matière de droit international des droits de l’homme ;

La disparition forcée ne reconnaît pas le sort de la victime et refuse de révéler son sort ;

La disparition forcée est précédée d’une détention arbitraire sans fondement juridique ;

La disparition forcée échappe au contrôle de la justice ;

Par disparition forcée, on entend l’enlèvement ou l’arrestation d’une personne et sa séquestration, contre son gré, dans un lieu secret en la privant de sa liberté et en la soustrayant à toute protection juridique ;

La disparition forcée a lieu dans un centre de détention irrégulier ;

La violation est commise illégalement par le fait de fonctionnaires de l’autorité publique, d’individus ou de groupes agissant au nom de l’État.

38.L’IER, en vertu de son statut, entend par « disparition forcée l’enlèvement ou l’arrestation d’une ou de plusieurs personnes et leur séquestration, contre leur gré, dans des lieux secrets en les privant indûment de leur liberté, par le fait de fonctionnaires de l’autorité publique, d’individus ou de groupes agissant au nom de l’État, ou la non reconnaissance de ces faits et le refus de révéler le sort qui leur est réservé, les soustrayant à toute protection légale ».

39.Les groupes de travail spécialisés de l’IER − le groupe de travail chargé des investigations, le groupe de travail chargé des réparations et le groupe de travail chargé des recherches et études − se sont employés à donner effet à cette définition dans différents domaines d’intervention. Ainsi, elle a été adoptée par le Groupe de travail chargé des réparations lorsqu’il devait statuer sur les dossiers des victimes de disparition forcée libérées ou de leurs ayants droit. Par exemple, dans le cadre de ses activités quasi judiciaires portant sur les réparations individuelles et menées dans le cadre de la justice transitionnelle, « […] Considérant que l’Instance Équité et Réconciliation a constaté, à partir de l’étude des pièces du dossier, que le cas de M. [...] relevait des cas de disparition forcée, conformément à la législation interne et en application des normes et instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par le Maroc et inscrits dans le préambule de la Constitution, que ladite disparition est précédée d’une détention illégale, sans fondement juridique ni mandat judiciaire ou jugement, n’ayant pas eu lieu dans un lieu de détention légal et ayant causé divers préjudices graves à sa famille et à ses proches, ce qui fait que sa détention est dépourvue de toute base légale ; par conséquent, il est nécessaire d’octroyer à ses ayants droit des indemnisations pour les préjudices matériel et moral subis ».

40.On peut aussi rappeler, par exemple, que : « Considérant que l’Instance Équité et Réconciliation a constaté, à travers l’examen du dossier, que le cas de Mme [...] relève des cas de disparition forcée, qui est l’enlèvement ou l’arrestation d’une ou plusieurs personnes et leur séquestration, contre leur gré, dans des lieux secrets en les privant indûment de leur liberté, par le fait de fonctionnaires de l’autorité publique, d’individus ou de groupes agissant au nom de l’État, ou la non reconnaissance de ces faits et le refus de révéler le sort qui leur est réservé les soustrayant à toute protection juridique, ce qui constitue une violation des dispositions de la législation interne et des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ».

41.Cette définition a servi de base aux centaines de décisions arbitrales rendues dans le cadre des réparations individuelles, autrement dit les décisions quasi judiciaires faisant suite aux mesures d’indemnisation prises dans le cadre de la justice transitionnelle, en fonction du nombre de cas recensés de personnes au sort inconnu qui ont été évoqués plus haut. Ainsi, compte tenu du bilan positif de la justice transitionnelle, la lutte contre la disparition forcée s’est enracinée dans la culture juridique et s’est inscrite dans le cadre de référence général des droits de l’homme au Maroc, tandis que la société, le Gouvernement, le Parlement et le pouvoir judiciaire ont acquis l’immunité contre toute allégation d’arrestation ou de détention qui pourrait être décrite comme relevant de la disparition forcée.

Article 3 : Autres actes constitutifs d’une disparition forcée

42.Selon l’article 218-1 du Code pénal, les actes ayant le caractère de disparition forcée, à savoir l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute forme de privation de liberté, pouvant être commis par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent sans l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État sont considérés comme des actes terroristes. À ce titre, ces actes sont régis par le Code de procédure pénale s’agissant de l’enquête et de l’instruction.

43.En outre, le droit national reconnaît à toute personne dont les droits ont fait l’objet d’une violation quelconque, y compris la disparition forcée, par qui que ce soit, le droit de porter plainte devant les autorités judiciaires compétentes, celle-ci pouvant être déposée directement auprès du juge d’instruction ou du tribunal. Dans ce contexte, la Présidence du ministère public, qui dispose dans son organigramme d’une division spéciale chargée des questions relatives aux droits de l’homme, publie à l’intention des magistrats des directives concernant ce qui suit :

Les encourager vivement à prêter une attention particulière à la gestion des plaintes des citoyens relatives à des allégations de violations des droits de l’homme, à répondre favorablement à ces plaintes en procédant à leur examen immédiat et en accélérant l’enquête à leur sujet, à prendre les décisions judiciaires appropriées à leur sujet dans les plus brefs délais et à informer les intéressés des résultats obtenus par tous les moyens possibles ;

Les encourager vivement à lutter avec fermeté et rigueur contre les violations des droits et libertés et à ordonner que des enquêtes et des investigations soient menées sans délai et sans hésitation en utilisant les pouvoirs qui leur sont conférés par la loi à cet égard, en particulier lorsqu’il s’agit d’allégations de torture ou de détention arbitraire ;

Souligner l’importance du rôle des autorités judiciaires dans le contrôle de la régularité des conditions de placement des personnes dans les hôpitaux psychiatriques ;

Les encourager vivement à organiser des visites régulières d’inspection des conditions de détention, à élaborer de rapports sur ces visites, à vérifier la légalité de la détention et à s’assurer que les conditions et les droits prévus par la loi sont bien respectés.

Insister sur la nécessité de collaborer de manière positive avec les mécanismes nationaux de protection établis par le Conseil national des droits de l’homme.

Dans le même contexte, la Présidence du ministère public a publié en 2019 un guide à l’intention des magistrats sur la lutte contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ce guide contient des informations sous forme d’instructions adressées aux procureurs.

Article 4 : Disparition forcée dans le projet de révision du Code pénal

44.Les cumuls et les progrès quantitatifs et qualitatifs en matière de droits de l’homme réalisés dans le cadre de la justice transitionnelle se sont concrétisés dans la Constitution de 2011, ce qui a assuré la conformité du projet de révision du Code pénal avec cette évolution. Ainsi, la section V du chapitre 2 dudit projet intitulée « Des crimes et délits portant atteinte aux droits et libertés des personnes » prévoit des dispositions spécifiques au crime de disparition forcée et se situe hiérarchiquement entre la section intitulée « Des abus d’autorité commis par des fonctionnaires contre les particuliers » et celle consacrée à la torture.

45.Par disparition forcée, dans le projet de code pénal, on entend « l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi. La disparition forcée est punie de dix à vingt ans d’emprisonnement et d’une amende de 10 000 à 100 000 dirhams » (art. 231-9).

46.« La peine est la réclusion de quinze à vingt ans et l’amende de 20 000 à 200 000 dirhams si l’infraction de disparition forcée est commise :

1)Contre un agent de la force publique ou un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ;

2)Contre un témoin, une victime ou une partie civile pour avoir fait une déposition, porté plainte ou intenté une action en justice ou pour l’empêcher de faire une déposition, de porter plainte ou d’intenter une action en justice ;

3)Par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteurs ou de complices ;

4)Contre un groupe de personnes à la fois ;

5)Avec préméditation et avec usage ou menace d’une arme ;

6)Avec menace de porter atteinte à des personnes ou à des biens ;

7)Soit en portant un uniforme ou un insigne réglementaire ou paraissant tel dans les termes de l’article 384, soit en se présentant sous un faux nom ou en présentant un mandat d’arrêt ou de dépôt annulé ou falsifié ;

8)Avec usage d’un moyen de transport motorisé » (art. 231-10).

47.« La peine est la réclusion de vingt à trente ans et l’amende de 50 000 à 500 000 dirhams lorsque l’infraction de disparition forcée est commise contre un mineur de moins de 18 ans ; une personne dont la situation vulnérable, due à son âge, à une maladie, à un handicap, à une déficience physique ou psychique, est apparente ou connue de l’auteur ; ou une femme enceinte dont la grossesse est apparente ou connue de l’auteur. Est puni de la même peine quiconque enlève des enfants soumis à une disparition forcée ou des enfants dont les parents ou l’un d’eux sont victimes de disparition forcée, ainsi que quiconque contrefait, dissimule ou détruit des documents prouvant l’identité des mineurs visés. La même peine s’applique lorsque la disparition forcée est précédée, accompagnée ou suivie de torture ou d’agression sexuelle, lorsqu’elle entraîne la mort sans intention de la donner, ou lorsqu’elle est exercée de manière habituelle » (art. 231-11).

48.« Est puni de l’emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende de 5 000 à 50 000 dirhams, quiconque, ayant connaissance d’une infraction de disparition forcée déjà tentée ou consommée, n’a pas aussitôt averti les autorités judiciaires ou administratives. Sont exceptés de la présente disposition les parents et alliés du criminel jusqu’au quatrième degré inclusivement, sauf en ce qui concerne les crimes commis ou tentés sur un mineur de moins de 18 ans, une femme enceinte, une personne infirme ou une personne connue pour ses facultés mentales faibles » (art. 231-12). En outre, « quiconque fournit sciemment un lieu, des outils ou des moyens pour l’arrestation, la séquestration, l’enlèvement ou le transfert de la victime est puni des mêmes peines » (art. 231-14).

49.Toutefois, quiconque fait spontanément cesser une disparition forcée bénéficie d’une excuse atténuante selon les cas prévus à l’article 231-13 du présent Code. Ainsi, lorsqu’une personne victime de disparition forcée est libérée en bonne santé avant que ne se soient écoulés certains délais fixes depuis le jour de son arrestation, séquestration ou enlèvement, la peine est alors réduite selon le cas.

Article 5 : Disparition forcée et crime contre l’humanité

50.L’article 23 de la Constitution dispose que « [l]e génocide et tous autres crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et toutes les violations graves et systématiques des droits de l’homme sont punis par la loi ». Il ne fait aucun doute que ces descriptions des violations les plus graves du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire ont été inscrites dans le document suprême de la nation, grâce à la volonté politique suprême de l’État, à l’implication croissante du Maroc dans le système international des droits de l’homme et aux résultats des travaux de l’Instance Équité et Réconciliation.

51.Considérant que la disparition forcée, en tant qu’infraction grave, est couverte conformément à la Constitution par la définition qu’en donne l’article 5 de la Convention, le projet de révision du Code pénal a incorporé les qualifications pénales les plus graves et les peines les plus sévères applicables aux infractions prévues dans le chapitre II relatif aux crimes et délits portant atteinte aux droits et libertés des personnes et dont font partie les abus d’autorité commis par des fonctionnaires contre les particuliers, la torture, la disparition forcée, le trafic de migrants, le trafic d’organes humains et le trafic d’êtres humains.

52.Outre les éléments de réponse donnés lors de la discussion de l’article 4, le projet de code pénal considère également l’acte de disparition forcée comme l’un des cinq actes les plus graves constitutifs du crime contre l’humanité passibles de la réclusion à perpétuité, dès lors qu’il est commis en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique ayant pour but l’arrestation, la détention ou l’enlèvement de personnes, suivis de leur disparition et accompagnés du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort qui leur est réservé ou de l’endroit où elles se trouvent dans l’intention de les soustraire à la protection de la loi pendant une période prolongée (art. 448-4).

Article 6 :Responsabilité pénale

53.Les dispositions du Code pénal régissant les règles générales de la responsabilité pénale s’appliquent à la disparition forcée. Ainsi, selon l’article 132 dudit Code, toute personne saine d’esprit et capable de discernement est personnellement responsable des infractions qu’elle commet, des crimes ou délits dont elle se rend complice, des tentatives de crimes et des tentatives de crimes ou délits qu’elle réalise.

54.Les articles 128 à 131 du Code pénal régissent la coaction et la complicité en matière pénale et décrivent sans aucune ambiguïté les formes et manifestations qu’elles prennent. Selon ces articles, « [s]ont considérés comme coauteurs, tous ceux qui, personnellement, ont pris part à l’exécution matérielle de l’infraction de disparition forcée et sont considérés comme complices ceux qui, sans participation directe à cette infraction, ont :

Par dons, promesses, menaces, abus d’autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices coupables, provoqué cette action ou donné des instructions pour la commettre ;

Procuré des armes, des instruments ou tout autre moyen qui aura servi à l’action sachant qu’ils devaient y servir ;

En connaissance de cause, aidé ou assisté l’auteur ou les auteurs de l’action, dans les faits qui l’ont préparée ou facilitée;

En connaissance de leur conduite criminelle, habituellement fourni logement, lieu de retraite ou de réunions à un ou plusieurs malfaiteurs exerçant des brigandages ou des violences contre la sûreté de l’État, la paix publique, les personnes ou les propriétés. ».

Le Code prévoit que le complice est puni de la même peine que l’auteur principal de l’infraction.

55.En ce qui concerne la responsabilité pénale du subordonné et du supérieur pour l’acte de disparition forcée, il n’existe aucun texte en droit marocain qui permet l’exemption de peine pour ce crime sous prétexte de recevoir des ordres du supérieur. À cet égard, les dispositions relatives au crime de torture et ayant trait à la qualité de fonctionnaire ayant commis un crime contre l’intégrité et les libertés de la personne − ces dispositions ayant été précédemment incorporées dans le Code pénal en préparation du processus de justice transitionnelle − s’appliquent également au crime de disparition forcée et sont régies par les articles 224 à 232. Ces dispositions sont d’autant plus applicables en raison de l’unité du fond et de la forme, puisque le crime de torture est une violation grave étroitement associée à la disparition forcée en tant que pratique portant atteinte au droit à la vie, à l’intégrité physique et à la sécurité de la personne. C’est ce qu’en conclu la justice transitionnelle par l’intermédiaire de l’Instance Équité et Réconciliation qui s’est prononcée sur ce point, conformément aux normes internationales en la matière.

56.Selon les articles susmentionnés, les éléments, formes et descriptions liés au crime de torture, lesquels sont applicables à la disparition forcée, comprennent ce qui suit :

«Sont réputés fonctionnaires publics, pour l’application de la loi pénale, toutes personnes qui, sous une dénomination et dans une mesure quelconques, sont investies d’une fonction ou d’un mandat même temporaires, rémunérés ou gratuits et concourent à ce titre, au service de l’État, des administrations publiques, des municipalités, des établissements publics ou à un service d’intérêt public. »(art. 224‑1) ;

« La qualité de fonctionnaire public s’apprécie au jour de l’infraction ; elle subsiste toutefois après la cessation des fonctions lorsqu’elle a facilité ou permis l’accomplissement de l’infraction. » (art. 224-2) ;

« Tout magistrat, tout fonctionnaire public, tout agent ou préposé de l’autorité ou de la force publique qui ordonne ou fait quelque acte arbitraire, attentatoire soit à la liberté individuelle, soit aux droits civiques d’un ou plusieurs citoyens, est puni de la dégradation civique ;

S’il justifie avoir agi par ordre de ses supérieurs hiérarchiques dans un domaine de leur compétence, pour lequel il leur devait obéissance, il bénéficie d’une excuse absolutoire. En ce cas, la peine est appliquée seulement aux supérieurs qui ont donné l’ordre ;

Si l’acte arbitraire ou attentatoire à la liberté individuelle a été commis ou ordonné dans un intérêt privé ou pour la satisfaction de passions personnelles, la peine encourue est celle édictée aux articles 436 à 440. » (art. 225) ;

« Les crimes prévus à l’article 225 engagent la responsabilité civile personnelle de leur auteur ainsi que celle de l’État, sauf recours de ce dernier contre ledit auteur. » (art. 226) ;

« Les fonctionnaires publics, les agents de la force publique, les préposés de l’autorité publique, chargés de la police administrative ou judiciaire, qui ont refusé ou négligé de déférer à une réclamation tendant à constater une détention illégale et arbitraire, soit dans les établissements ou locaux affectés à la garde des détenus, soit partout ailleurs, et qui ne justifient pas en avoir rendu compte à l’autorité supérieure, sont punis de la dégradation civique. » (art. 227) ;

« Tout surveillant ou gardien d’un établissement pénitentiaire ou d’un local affecté à la garde des détenus qui a reçu un prisonnier sans un des titres réguliers de détention prévus à l’article 653 du Code de procédure pénale ou a refusé, sans justifier de la défense du magistrat instructeur, de présenter ce prisonnier aux autorités ou personnes habilitées à le visiter, en vertu des dispositions des articles 600 à 622 du Code de procédure pénale, ou a refusé de présenter ses registres auxdites personnes habilitées, est coupable de détention arbitraire et puni d’un emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 200 à 500 dirhams. » (art. 228).

57.En plus de ce qui précède, le législateur marocain a obligé toute personne ayant eu connaissance de la survenance d’un crime, qu’il s’agisse d’un supérieur ou d’un subordonné, d’en informer les autorités compétentes sous peine de responsabilité pénale. Selon l’article 42 du Code de procédure pénale, « [t]oute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur du Roi ou au procureur général du Roi et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ». L’article 43 dudit Code dispose que « [t]oute personne qui aura été témoin d’un attentat, soit contre la sûreté publique, soit contre la vie ou la propriété d’un individu sera pareillement tenue d’en donner avis au procureur du Roi, au procureur général du Roi ou à la police judiciaire. Si la victime est mineure ou présentant un handicap mental, l’autorité judiciaire ou administrative compétente doit en être informée ». En outre, l’article 299 du Code pénal précise qu’« [e]st puni de l’emprisonnement d’un mois à deux ans et d’une amende de 200 à 1 000 dirhams ou de l’une de ces deux peines seulement, quiconque, ayant connaissance d’un crime déjà tenté ou consommé, n’a pas aussitôt averti les autorités ».

Article 7 : Peines pour enlèvement, détention et séquestration

58.Le législateur marocain a, en vertu des articles 218-1 et 436 à 440 du Code pénal, érigé en infractions les faits d’enlèvement, d’emprisonnement et de détention décrits lors de la discussion de l’article 2 ci-dessus et a prévu des peines pénales proportionnées à leur gravité. L’article 436 dispose que « [s]ont punis de la réclusion de cinq à dix ans, ceux qui, sans ordre des autorités constituées et hors le cas où la loi permet ou ordonne de saisir des individus, enlèvent, arrêtent, détiennent ou séquestrent une personne quelconque. Si la détention ou la séquestration a duré trente jours ou plus, la peine est la réclusion de dix à vingt ans.

Si l’arrestation ou l’enlèvement a été exécuté soit avec port d’un uniforme ou d’un insigne réglementaire ou paraissant tels dans les termes de l’article384, soit sous un faux nom ou sur un faux ordre de l’autorité publique ou avec usage d’un moyen de transport motorisé, soit avec menaces d’un crime contre les personnes ou les propriétés, la peine est la réclusion de vingt à trente ans.

La peine prévue au 3ealinéa ci-dessus est applicable lorsque la personne ayant commis l’acte est l’une des personnes exerçant une autorité publique ou l’une des personnes prévues à l’article225 du présent Code si l’acte est commis pour atteindre un objectif ou satisfaire des envies personnels ».

59.Outre la peine prévue à l’article 225 mentionné lors de la discussion de l’article 6 ci‑dessus, et à l’article 436, le Code pénal aborde les peines aggravées dans ses articles 436‑1, 437 et 438. Ainsi, l’article 436-1 dispose que « lorsque l’auteur de l’enlèvement ou de la séquestration est l’un des époux, un fiancé, un conjoint divorcé, un ascendant, un descendant, un frère, un gardien (kafil), un tuteur ou une personne ayant autorité sur la victime ou ayant sa charge ou lorsque la victime est soumise à d’autres violences de quelque nature que ce soit, la peine privative de liberté sera portée :

1)De dix à vingt ans de réclusion, dans le cas prévu au premier alinéa de l’article 436 du présent Code ;

2)De vingt à trente ans de réclusion, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article 436 du présent Code ».

En outre, l’article437 dispose que « [l]orsque l’enlèvement, l’arrestation, la détention ou la séquestration a eu pour but de procurer aux auteurs des otages, soit pour préparer ou faciliter la commission d’un crime ou d’un délit, soit pour favoriser la fuite ou assurer l’impunité des auteurs d’un crime ou d’un délit, la peine est la réclusion à perpétuité. Il en est de même lorsque ces actes ont eu pour but l’exécution d’un ordre ou l’accomplissement d’une condition et notamment le paiement d’une rançon ». L’article438 prévoit que « [l]orsque la personne enlevée, arrêtée, détenue ou séquestrée a été soumise à des tortures corporelles, les coupables sont, dans tous les cas prévus aux articles précédents, punis de mort ».

Comme le prévoit l’article439 dudit Code pénal, les peines fixées aux articles436, 437 et 438 sont, suivant les modalités prévues auxdits articles, applicables à ceux qui procurent sciemment soit un lieu pour détenir ou séquestrer les victimes, soit un moyen de transport ayant servi à leurs déplacements.

60.Dans le même contexte, le Code pénal a prévu des dispositions particulières en cas d’acte d’enlèvement ou de détention sur mineur, l’article471 disposant que « [q]uiconque, directement ou indirectement, use de violence, de menace ou de fraude pour enlever un mineur de moins de dix-huit ans, ou pour le faire enlever, détourner ou déplacer des lieux où il était mis par ceux ayant autorité sur lui, sera puni d’une peine d’emprisonnement de cinq à dix ans ». L’article472 dispose également que « [l]orsque le mineur ainsi enlevé, détourné ou déplacé est âgé de moins de douze ans, la peine est la réclusion de dix à vingt ans. Toutefois, si le mineur est retrouvé vivant avant qu’ait été rendu le jugement de condamnation, la peine est la réclusion de cinq à dix ans ».

61.En ce qui concerne les circonstances d’atténuation de la peine, l’article 440 dudit Code pénal dispose que « [t]out coupable qui, spontanément, a fait cesser la détention ou la séquestration, bénéficie d’une excuse atténuante au sens de l’article 143 du présent Code, suivant les modalités suivantes :

1.Dans les cas prévus aux articles 437 et 439, lorsque la personne arrêtée, enlevée détenue ou séquestrée comme otage est libérée en bonne santé avant le cinquième jour accompli depuis celui de l’arrestation, enlèvement, détention ou séquestration, la peine est réduite à la réclusion de cinq à dix ans. Cette excuse est applicable si les actes criminels ont pour but l’exécution d’un ordre ou l’accomplissement d’une condition et si la libération a eu lieu sans que l’ordre ait été exécuté ou la condition accomplie ;

2.Dans les cas prévus aux articles 436 et 439 :

Lorsque la personne détenue ou séquestrée a été libérée, en bonne santé, avant le délai de dix jours accomplis depuis celui de l’arrestation, de l’enlèvement, de la détention ou de la séquestration, la peine est l’emprisonnement d’un à cinq ans ;

Lorsque cette libération a eu lieu entre le dixième jour et le trentième jour accomplis depuis l’arrestation, l’enlèvement, la détention ou la séquestration, la peine est la réclusion de cinq à dix ans.

3.Dans le cas prévu à l’article 440, lorsque la personne libérée spontanément avait été préalablement soumise à des mauvais traitements au sens de l’article 438, la peine est la réclusion de dix à vingt ans ».

Article 8 : De la prescription de l’infraction de disparition forcée

62.Le législateur marocain, conformément à ses obligations internationales en matière de droits de l’homme, a fixé une règle décisive à l’article 5 du Code de procédure pénale selon lequel : « L’action publique des infractions pour lesquelles la prescription n’est pas prévue par la loi ou un instrument international ratifié par le Royaume du Maroc et publié au Bulletin officiel est imprescriptible ». L’article 653-1 dudit Code dispose que « [l]es peines prononcées pour des infractions pour lesquelles la prescription n’est pas prévue par la loi ou un instrument international ratifié par le Royaume du Maroc et publié au Bulletin officiel sont imprescriptibles ».

63.Il est notoire que dans le domaine pénal, le délai de prescription a force obligatoire et que les règles qui le régissent négativement ou positivement ont la même force et ne peuvent être violées. Par conséquent, la règle susmentionnée est considérée comme une manifestation de la transcendance du droit international des droits de l’homme sur le droit national, et une forme de respect par le Maroc de ses engagements internationaux. Le législateur est donc intervenu pour mettre cette règle en conformité avec les dispositions de la Constitution et de la Convention internationale sur les disparitions forcées.

64.Les choix opérés par la justice transitionnelle à travers les travaux de l’IER reposent sur cinq piliers, à savoir la responsabilité morale, politique et juridique de l’État ; la mise au jour des violations des droits de l’homme, dont la disparition forcée, en tant que violation multiple portant gravement atteinte à d’autres droits, constitue l’infraction principale permettant d’identifier les autres violations graves ; la réparation des préjudices individuels et collectifs ; la proposition de garanties de non-répétition et la contribution à la consolidation des bases de la réconciliation.

65.L’IER n’a sciemment pas opté pour les poursuites pénales, par recommandation ou par saisine. Cependant, elle a fourni aux victimes un mécanisme pour révéler la vérité sur les disparitions forcées et sur toute violation grave en remettant à chaque victime ou à ses ayants droit, à l’occasion de la réparation, un document officiel − semblable dans la forme à un jugement ou à une décision judiciaire − qui comprend un récapitulatif de l’acte de disparition forcée, des préjudices subis par la victime et des qualifications juridiques selon le droit international et le droit national, mentionne la reconnaissance de la responsabilité de l’État et précise les mesures de réparation.

66.En outre, l’IER a organisé des audiences publiques. Il s’agit de l’une des mesures les plus fortes et les plus importantes pour briser l’oubli, le tabou et le silence qui entouraient le dossier des disparitions forcées dans le passé. En outre, elle a fourni aux victimes des éléments de preuve sur la matérialité du crime de disparition forcée. L’IER a estimé que « les audiences publiques avaient pour priorité de rétablir les victimes dont les droits avaient été violés dans leur dignité et de les réhabiliter, de faire partager leurs souffrances, de soulager les séquelles psychologiques qu’elles avaient endurées et de préserver la mémoire collective. Ces auditions publiques dont certaines ont été transmises en direct par les média audiovisuels publics ont joué un rôle pédagogique important en direction des responsables, de l’opinion publique, de la société et des nouvelles générations, et constitué un moment de grande intensité sur la voie de l’équité et de la réconciliation. Depuis la fin des années 1990, de nombreux ouvrages et publications traitant des souffrances vécues par les victimes de violations ont paru au Maroc et ont contribué en grande mesure à la définition des faits incriminés et à la détermination des types et dates de violations, ce qui en a fait l’une des références importantes dans l’établissement de la vérité ».

67.L’IER a organisé sept auditions publiques dans cinq régions du Maroc en vue de recueillir des témoignages oraux sur les graves violations des droits de l’homme que le pays avait connues entre 1956 et 1999. Ces témoignages ont été publiquement livrés par les victimes de ces violations devant les membres de l’IER et en présence d’organisations de défense des droits de l’homme et d’organisations culturelles, politiques, syndicales, d’autorités et d’instances élues, de la presse et de médias audiovisuels, de journalistes des deux sexes et d’invités étrangers et locaux.

68.L’un des aspects les plus importants des auditions publiques est le rôle éducatif et pédagogique qu’elles ont joué en vue de sensibiliser l’État et la société sur la nécessité de s’attacher aux droits de l’homme et d’ancrer en eux l’intime conviction de devoir les préserver et les promouvoir. Elles ont également souligné la nécessité d’œuvrer à un règlement équitable et définitif du dossier des violations, et de mettre en place les garanties de non-répétition. Cela passe par la reconnaissance officielle et publique de l’ampleur qu’ont eu ces violations dans notre pays, des souffrances qu’elles ont fait endurer aux victimes, à leurs familles, à leurs proches et à leurs connaissances, et des effets psychologiques, qu’elles ont engendrés aux niveaux local et national.

69.Ont pris part à ces audiences les victimes qui disposaient de la capacité de dénonciation et souhaitaient exprimer leurs souffrances en public, à leur façon et dans la langue de leur choix. Les victimes participantes ont été sélectionnées sur la base d’une classification approximative dans laquelle les périodes historiques se chevauchent avec les événements majeurs et les grands procès. Ces audiences se sont déroulées sous la forme d’une série de séances, chaque séance étant consacrée à une seule victime qui présente son témoignage individuellement et qui ne peut être accompagnée que de la personne de son choix.

70.Les auditions précitées ont été organisées du 21décembre 2004 au 3mai 2005 à Rabat, Figuig, Errachidia, Marrakech, Khénifra et AlHoceïma. Voici les données « statistiques » relatives à ces auditions :

Proportion de femmes et d’hommes : femmes 27 % − Hommes : 73 %.

Proportion par tranche d’âge : moins de 45 ans : 13 % − Plus de 45 ans : 82 %.

Proportion de témoins-victimes directes et indirectes : victimes indirectes : 15 % − victimes directes : 85 % .

Type de violation subie par les témoins ou leurs proches : Disparition forcée : 11% − Exil collectif : 6 % − Décès pendant la durée de la violation : 5 % − Préjudice subi au niveau collectif : 2 % − Détention arbitraire : 76 %.

Centres de détention dans lesquels les témoins ou leurs proches ont été détenus le plus longtemps : Postes de police : 18 % − Postes de gendarmerie : 7 % − Casernes militaires : 3 % − Centres secrets : 70 %.

Incidents liés à la violation et soulevés lors des auditions publiques : Événements du Rif : 5 % − Luttes partisanes : 47 % − Événements de Skhirate : 3 % − Conflits politiques postindépendance : 12 % − Mouvement islamique : 3 % − Mouvements de protestation : 15 % − La Gauche marxiste : 13 %.

Article 9 : Compétence territoriale et compétence d’attribution

71.La compétence des juridictions marocaines pour connaître du crime de disparition forcée est fondée sur les dispositions de la Constitution, en vertu de laquelle la disparition forcée est considérée comme l’un des crimes de la plus haute gravité, et sur les dispositions du Code pénal, qui prévoit les peines les plus sévères à cet égard. Les articles 10, 11 et 12 se lisent comme suit : « Sont soumis à la loi pénale marocaine, tous ceux qui, nationaux, étrangers ou apatrides, se trouvent sur le territoire du Royaume, sauf les exceptions établies par le droit public interne ou le droit international. Sont considérés comme faisant partie du territoire, les navires ou les aéronefs marocains quel que soit l’endroit où ils se trouvent, sauf s’ils sont soumis, en vertu du droit international, à une loi étrangère. La loi pénale marocaine s’applique aux infractions commises hors du Royaume lorsqu’elles relèvent de la compétence des juridictions répressives marocaines [...] ».

72.La disparition forcée, dans le projet du code pénale, est considérée comme un crime qui porte atteinte aux droits et libertés des personnes. Les juridictions nationales demeurent compétentes pour connaître de tout crime commis sur le territoire marocain, quelle que soit la nationalité de l’auteur.

73.Selon l’article 705 du Code de procédure pénale, les juridictions du Royaume sont également compétentes pour connaître des crimes ou délits commis en haute mer sur des navires battant pavillon marocain, quelle que soit la nationalité de leurs auteurs. Il en est de même pour les crimes ou délits commis dans un port de mer marocain à bord d’un navire marchand étranger. Les tribunaux compétents sont ceux du premier lieu d’accostage et ceux du lieu de l’arrestation au cas où l’auteur de l’infraction est ultérieurement arrêté au Maroc.

74.En outre, les juridictions marocaines, en vertu de l’article 706 du Code de procédure pénale, sont compétentes pour connaître des crimes ou délits commis à bord des aéronefs marocains, quelle que soit la nationalité de l’auteur de l’infraction, et le sont également pour connaître des crimes ou délits commis à bord des aéronefs étrangers si l’auteur ou la victime est de nationalité marocaine ou si l’appareil atterrit au Maroc après la commission du crime ou du délit. Les tribunaux compétents sont ceux du lieu de l’atterrissage en cas d’arrestation au moment de cet atterrissage et ceux du lieu de l’arrestation au cas où l’auteur de l’infraction est ultérieurement arrêté au Maroc. Par ailleurs, les articles 707 à 712 dudit Code comprennent également des dispositions relatives à l’engagement de poursuites contre des personnes qui se trouvent sur le sol marocain et qui ont commis à l’étranger des actes érigés en infractions par la législation marocaine.

75.Le projet de code de procédure pénale pose le principe de la compétence universelle restreinte afin de lutter contre l’impunité, en prévoyant la possibilité pour les juridictions marocaines de poursuivre et de condamner toute personne se trouvant sur le territoire national et ayant commis hors du Royaume un acte de génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre ou l’un des actes visés par les instruments internationaux ratifiés par le Maroc ou auxquels il a adhéré et publiés au Bulletin officiel.

Aussi, tout étranger faisant l’objet d’une demande d’extradition peut être poursuivi et condamné par les juridictions marocaines, s’il a commis hors du territoire du Royaume des crimes ou délits réprimés par la législation interne, et s’il n’a pas été possible de l’extrader vers l’État requérant pour l’une des considérations visées par ledit Code.

Article 10 : De la poursuite d’un étranger

76.La législation nationale prévoit que toute personne se trouvant sur le territoire marocain soit arrêté, placé en détention et poursuivi pour avoir commis l’un des actes réprimés par la loi. L’article 704 du Code de procédure pénale régit cette situation en disposant ce qui suit :

Les juridictions du Royaume sont compétentes pour connaître de toute infraction commise sur le territoire marocain, quelle que soit la nationalité de son auteur ;

Toute infraction, dont l’un des éléments constitutifs a été commis au Maroc, est réputée avoir été commise sur le territoire du Royaume ;

La compétence des juridictions marocaines pour juger le fait principal s’étend à tous les faits de complicité ou de recel même perpétrés hors du Royaume et par des étrangers.

Les étrangers jouissent des mêmes droits et garanties consacrés par le Code de procédure pénale que les Marocains, ainsi que du droit de prendre contact avec les services consulaires à tous les stades de l’instruction, qu’il s’agisse de celle menée par la police judiciaire, le ministère public ou le juge d’instruction.

Article 11 : Des droits du suspect et des garanties d’un procès équitable

77.La compétence pour examiner et statuer sur les actes de disparition forcée, comme expliqué ci-dessus, appartient au pouvoir judiciaire, qui est l’autorité compétente en vertu de la Constitution et de la loi. Les normes de preuve relatives à l’accusation et à la condamnation judiciaire reposent sur le principe de la liberté de la preuve, qui est l’une des caractéristiques de la théorie de la preuve en matière pénale. À cet égard, l’article 286 du Code de procédure pénale dispose que « [h]ors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuves, et le juge décide d’après son intime conviction et sa décision doit comporter ce qui justifie cette conviction [...] S’il estime que la preuve n’est point rapportée, il constate la non culpabilité du prévenu et prononce son acquittement ».

78.Les articles 117, 118, 119, 120, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 127 et 133 de la Constitution consacrent les dispositions des articles 14 et 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques relatives au droit à un procès équitable. Ainsi, il a été établi ce qui suit :

Le juge est en charge de la protection des droits et libertés et de la sécurité judiciaire des personnes et des groupes, ainsi que de l’application de la loi ;

L’accès à la justice est garanti à toute personne pour la défense de ses droits et de ses intérêts protégés par la loi ;

Le droit de recours devant la juridiction administrative ;

La consécration de la présomption d’innocence et l’insistance sur le procès dans sa globalité ;

La justice est gratuite pour ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes ;

Les dommages causés par une erreur judiciaire ouvrent droit à réparation ;

Les audiences sont publiques ;

Les jugements sont motivés ;

Les jugements définitifs s’imposent à tous ;

Les juridictions ordinaires ou spécialisées sont créées ;

Il ne peut être créé de juridiction d’exception.

79.L’article 133 de la Constitution énonce le droit de saisir la Cour constitutionnelle pour exception d’inconstitutionnalité d’une loi dont dépend l’issue du litige et qui porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. Ainsi, le document constitutionnel a élevé le droit à un procès équitable et ses garanties au rang de droits juridiques adossés aux normes des droits de l’homme et aux garanties institutionnelles qui assurent leur meilleure mise en œuvre. Une loi organique a été élaborée pour définir les conditions et les modalités de soulèvement de l’exception d’inconstitutionnalité d’une loi, en application de l’article 133. Il s’agit d’une disposition instituant un dispositif de contrôle qui donne aux citoyens une garantie supplémentaire afin de jouir pleinement de leurs droits et libertés, en plaidant devant les tribunaux, lors de l’examen d’une affaire, que la loi dont dépend l’issue du litige porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.

80.Le Code de procédure pénale repose sur un ensemble de principes reconnus dans le préambule, à savoir :

La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties. Elle doit garantir la séparation des autorités chargées de l’action publique et des autorités de jugement ;

Les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles ;

Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie. Les atteintes à sa présomption d’innocence sont prohibées et réprimées dans les conditions prévues par la loi ;

Le doute doit lui profiter ;

Elle a le droit d’être informée des preuves à charge, d’en discuter et d’être assistée d’un défenseur ;

Il doit être statué sur l’accusation dont cette personne fait l’objet dans un délai raisonnable ;

Toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction.

81.Le Code de procédure pénale fait obligation à l’officier de police judiciaire de prendre plusieurs mesures garanties par la loi au profit de la personne arrêtée ou placée en garde à vue, telles que prévenir sa famille dès qu’a été prise la décision de la placer en garde à vue, conformément aux articles 67 et 82 dudit Code, et de l’informer immédiatement, dans une langue qu’elle comprend, de ses droits énoncés à l’article 66, notamment des motifs de son arrestation, du droit de garder le silence, du droit de contacter un proche, du droit à l’aide juridictionnelle et du droit de se faire assister par un avocat de son choix ou de demander la désignation d’un avocat commis d’office dans le cadre de l’aide juridictionnelle.

Présomption d’innocence

« L’accusé est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été juridiquement établie par une décision ayant acquis la force de la chose jugée, à l’issue d’un procès équitable où toutes les garanties légales sont réunies.

Le doute doit lui profiter. » (art. 1er du Code de procédure pénale).

Procès-verbal de police judiciaire

« Le procès-verbal est le document écrit, rédigé par l’officier de police judiciaire dans l’exercice de ses fonctions. Il comprend ses constations, les déclarations qu’il a reçues ainsi que les opérations qu’il a effectuées. »

« Le procès-verbal doit comprendre notamment le nom de son rédacteur, sa qualité, le lieu de son travail et sa signature. Il y est fait mention de la date et de l’heure de l’accomplissement de l’acte et de l’heure de la rédaction du procès‑verbal si elle est différente de celle de l’accomplissement de l’acte. »

« Le procès-verbal d’audition comprend l’identité de la personne entendue et le numéro de sa pièce d’identité, le cas échéant, ses déclarations et les réponses apportées aux questions de l’officier de police judiciaire. » (art. 24 du Code de procédure pénale).

Droits et garanties dont bénéficie la personne entendue lors de la rédaction du procès-verbal

« S’il s’agit d’un suspect, l’officier de police judiciaire est tenu de l’informer des faits qui lui sont reprochés.

La personne entendue lit ou se fait lire ses déclarations et mention en est faite dans le procès-verbal. Ensuite, l’officier de police judiciaire enregistre les ajouts, les modifications ou les observations faits par celle-ci ou fait mention de leur inexistence.

La personne entendue signe le procès-verbal, à côté de la signature de l’officier de police judiciaire après ses déclarations et les modifications éventuelles, et écrit son nom. Si elle ne peut écrire ou signer, elle appose son empreinte digitale et mention en est faite dans le procès-verbal.

L’officier de police judiciaire et la personne entendue certifient les ratures et les renvois.

Si la personne entendue ne veut pas signer ou apposer son empreinte digitale ou ne sait pas le faire, il en est fait mention dans le procès-verbal avec mise en évidence des causes. » (art. 24 du Code de procédure pénale).

Assistance d’un interprète lors de la garde à vue

« Si la personne entendue parle une langue ou un dialecte que l’officier de police judiciaire ne maîtrise pas, celui-ci fait appel à un interprète. Sil’intéressé est sourd ou muet, l’officier de police judiciaire fait appel à toute personne pouvant converser avec lui. Le procès-verbal doit comporter le nom et la signature de l’interprète ou de la personne à laquelle il est fait appel » (art. 21).

Droits du prévenu relatifs à l’assistance d’un défenseur pendant le procès

« Le prévenu ou son représentant légal peut se faire assister d’un avocat à tous les stades de la procédure. » (art. 315 du Code de procédure pénale).

« L’assistance d’un défenseur est obligatoire devant les tribunaux criminels.

Elle est également obligatoire en matière de délits dans les cas suivants :

1)Lorsque le prévenu est mineur de moins de 18 ans, muet, aveugle ou atteint de tout autre handicap de nature à compromettre sa défense ;

2)Dans les cas où le prévenu encourt la relégation » (art. 316 dudit Code) ;

3)Dans le cas où le prévenu ne peut, en raison « de son état, se présenter à l’audience » (art. 312 dudit Code).

Interprétation pendant le procès

« Le président fait comparaître le prévenu.

Si ce dernier parle une langue, un dialecte ou un idiome difficilement intelligible pour les juges, les parties ou les témoins, ou s’il est nécessaire de traduire une pièce versée aux débats, le président nomme d’office, à peine de nullité, un interprète. » (art. 318 du Code de procédure pénale).

Droits du prévenu lors de son audition par le tribunal

« Le président interroge le prévenu sur son identité et lui énonce l’inculpation dont il fait l’objet. » (art. 319 du Code de procédure pénale).

« Il fait procéder, s’il y a lieu, à l’appel des témoins et les invite à quitter la salle. Il procède ensuite à l’interrogatoire du prévenu. » (art. 320 dudit Code).

« Le président peut ordonner la lecture des procès-verbaux de constat, de ceux de perquisition ou de saisie, des rapports d’experts, ainsi que de tous documents utiles à la manifestation de la vérité.

Il peut également, lors de l’interrogatoire du prévenu, ordonner la lecture des interrogatoires auxquels il a été procédé au cours de l’information ou d’information pour infractions connexes.

En cas d’incident contentieux, la juridiction statue. » (art. 321 dudit Code).

« Le ministère public, les parties ou leurs conseils, peuvent par l’intermédiaire du président ou avec l’autorisation de celui-ci, poser des questions au prévenu. Il en va de même pour les juges dans les formations collégiales.

Si le président refuse de poser une question et qu’un incident soit soulevé, il est statué par la juridiction. » (art.322 dudit Code).

Droits du prévenu de soulever des objections préliminaires

« Les demandes de renvoi pour incompétence, si ce n’est en raison de la matière, les exceptions tirées de la nullité, soit de la citation, soit de la procédure antérieurement suivie, les questions préjudicielles doivent, à peine de forclusion, être présentées avant toute défense au fond.

Le tribunal statue sans délai sur ces demandes et peut, à titre exceptionnel, surseoir à leur examen par décision motivée jusqu’à ce qu’il soit statué sur le fond.

Il est passé outre aux débats, tout droit de recours étant réservé pour être exercé en même temps que le recours contre la décision sur le fond. » (art. 323 dudit Code).

82.Le projet de révision du Code de procédure pénale prévoit les garanties renforcées suivantes :

Le renforcement des garanties relatives au contact de la personne placée en garde à vue avec son avocat, en lui accordant le droit de communiquer avec ce dernier dès la première heure de son arrestation ;

L’obligation pour l’officier de police judiciaire d’indiquer sur le procès-verbal les nom et prénom ainsi que la qualité de la personne contactée, le moyen de contact utilisé et la date et l’heure de la notification faite à ladite personne ;

L’institution d’un registre informatisé national et régional de la garde à vue permettant de centraliser les données relatives aux personnes gardées à vue, et mis à la disposition du ministère public et des instances exerçant dans le domaine du droit ;

La protection renforcée contre la torture, en entérinant un ensemble de mesures visant à prévenir la torture et à donner plus de crédibilité à la procédure d’instruction, notamment :

« L’obligation pour l’officier de la police judiciaire de soumettre la personne placée en garde à vue à un examen médical après avoir avisé le ministère public lorsqu’il constate lui-même les symptômes d’une maladie ou des indices ou traces exigeant cette mesure ;

L’obligation pour le ministère public de soumettre le suspect à un examen médical lors de sa présentation soit suite à sa demande ou d’office après avoir constaté des traces justifiant un examen médical, sous peine d’irrecevabilité/de rejet des aveux obtenus ;

La déclaration du prévenu consignée au procès-verbal de police judiciaire est nulle s’il n’est pas procédé à l’examen médical, dont la demande a été faite par le prévenu lui-même ou son conseil ;

Tout acte relatif à une personne placée en garde à vue, s’il est accompli après l’expiration du délai légal de la garde à vue ou après la prolongation légalement autorisée de celle-ci, est considéré comme nul et non avenu. Les actes accomplis pendant la durée légale de la garde à vue demeurent valides ;

L’obligation pour le Procureur du Roi ou l’un de ses adjoints de se rendre dans les lieux de garde à vue s’il est informé d’une arrestation arbitraire ou d’un acte arbitraire. ».

Article 12 : Signalement des cas de disparitions forcées et enquêtes etinvestigations en la matière

83.Le Royaume du Maroc veille à ce que les autorités judiciaires et les institutions compétentes mènent des enquêtes et investigations promptes et impartiales chaque fois qu’il est porté à leur connaissance l’existence d’actes qui constitueraient des infractions commis en tout lieu relevant de leur juridiction. Il s’agit des enquêtes judiciaires, des investigations du Conseil national des droits de l’homme et de celles menées dans le cadre de la justice transitionnelle.

84.Le législateur, en vertu du Code de procédure pénale, a instauré une protection juridique en faveur des victimes, en saisissant le ministère public, le juge d’instruction ou le tribunal de leurs plaintes, et a fait obligation aux autorités judiciaires d’ouvrir une enquête à leur sujet. Il a également introduit plusieurs procédures et mesures nécessaires pour assurer la protection des plaignants, de leurs représentants, des témoins et d’autres personnes participant aux procédures d’enquête et de poursuite, et en a confié la mise en œuvre à la police judiciaire. L’article82-5 dispose que « [l]e procureur du Roi, le procureur général du Roi ou le juge d’instruction procède à la prise des mesures de protection susceptibles de garantir la protection de la victime ainsi que celle des membres de sa famille, de ses proches ou de ses biens, contre tout dommage auquel elle pourrait s’exposer en raison de la plainte qu’elle a déposée. À cet effet, il peut être mis à la disposition de la victime :

Un numéro de téléphone spécial de la police judiciaire ou des services de sûreté qu’elle peut composer à tout moment pour demander protection;

Une protection corporelle pour elle, pour les membres de sa famille ou ses proches assurée par la force publique;

Un changement des lieux de résidence et la non-divulgation des informations relatives à son identité.

La victime peut faire l’objet d’un examen par un médecin spécialiste et recevoir l’assistance sociale nécessaire, le cas échéant.

Si lesdites mesures de protection s’avèrent insuffisantes, toute autre mesure considérée comme une garantie effective au profit de l’ayant droit peut être prise par décision motivée.

La victime auteur du témoignage ou de la dénonciation bénéficie, selon le cas, des mesures de protection prévues aux articles 82-6 et 82-7. ».

85. Contrôle de l’activité de la police judiciaire par le ministère public

L’article 45 du Code de procédure pénale dispose ce qui suit :

Le procureur du Roi dirige, dans le ressort de son tribunal, l’activité des officiers et agents de la police judiciaire, et procède à leur notation à la fin de chaque année judiciaire ;

Le procureur général du Roi près la Cour d’appel procède à la notation de l’activité judiciaire des officiers de la division nationale ou régionale de la Police judiciaire, dans le ressort de laquelle est situé le siège ;

Le procureur du Roi veille au respect des procédures de garde à vue et de leurs délais, et les met en œuvre dans les lieux destinés à cet effet et situés dans le ressort de sa juridiction ; il veille également au respect des mesures garantissant l’humanisation des conditions de détention ;

Il est tenu de se rendre sur ces lieux à tout moment et chaque fois qu’il l’estime nécessaire, mais au moins deux fois par mois ; il est également tenu de contrôler les registres de garde à vue ;

Il dresse un rapport à l’issue de chaque visite et fait part au procureur général du Roi de toutes ses observations et des irrégularités constatées ;

Le procureur général du Roi prend les mesures et procédures susceptibles de faire cesser les irrégularités, et élabore à ce sujet un rapport qu’il soumet au Ministre de la justice.

86. Contrôle judiciaire de l’activité des officiers de police judiciaire

Les articles29, 30, 31, 32 et 33 du Code de procédure pénale se lisent comme suit :

« La chambre correctionnelle de la cour d’appel exerce un contrôle sur l’activité des officiers de police judiciaire pris en cette qualité.

Elle est saisie par le procureur général du Roi près la cour d’appel des manquements relevés à la charge des officiers de police judiciaire dans l’exercice de leurs fonctions.

La chambre correctionnelle de la cour d’appel, une fois saisie et après avoir reçu les réquisitions écrites du procureur général du Roi, fait procéder à une enquête et entend la déclaration de l’officier de police judiciaire en cause.

Ce dernier doit être invité à prendre connaissance de son dossier d’officier de police judiciaire tenu au parquet général de la cour d’appel.

Il peut se faire assister par un avocat. ».

« La chambre correctionnelle de la cour d’appel peut, sans préjudice des sanctions disciplinaires qui pourraient être infligées à l’officier de police judiciaire par ses supérieurs hiérarchiques, prononcer à son encontre l’une des peines suivantes :

Lui adresser des observations ;

Décider qu’il ne pourra temporairement exercer ses fonctions d’officier de police judiciaire pour une période n’excédant pas un an ;

Décider qu’il sera définitivement démis de ses fonctions d’officier de police judiciaire.

La décision de la chambre correctionnelle peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation, selon les conditions et modalités ordinaires. ».

« Si la chambre correctionnelle estime que l’officier de police judiciaire a commis une infraction à la loi pénale, elle ordonne en outre la transmission du dossier au procureur général du Roi. »

Garanties fondamentales relatives à l’activité du juge d’instruction

Les articles87 et 88 du Code de procédure pénale disposent ce qui suit :

« En matière de crime, le juge d’instruction procède à une enquête sur la personnalité des inculpés, ainsi que sur leur situation familiale et sociale. En matière de délit, cette enquête est facultative ;

Le juge d’instruction, ayant décidé de placer l’inculpé en détention provisoire, entreprend également des recherches sur les mesures visant à faciliter la réinsertion sociale dudit inculpé, s’il est âgé de moins de 20 ans et que la peine requise contre lui n’excède pas cinq ans ;

Cette enquête ou ces recherches peuvent être confiées soit à des officiers de police judiciaire, soit à toute personne ou institution habilitée à les mener ;

Il en résulte la création d’un fichier spécial qui est versé au dossier de la procédure. » ;

« Le juge d’instruction peut ordonner toutes mesures utiles, prescrire un examen médical ou confier à un médecin le soin de procéder à un examen médico-psychologique ;

Il peut, après avis du ministère public, ordonner que l’inculpé soit soumis à une cure de désintoxication, s’il apparaît que celui-ci souffre d’une intoxication chronique résultant de l’usage d’alcool, de stupéfiants ou de substances psychotropes ;

Cette cure s’effectue soit dans l’établissement où l’inculpé est détenu, soit dans un établissement spécialisé selon les conditions prévues par la loi. La procédure d’enquête est suspendue pendant la durée de la cure et le mandat de dépôt demeure valable ;

Lorsque ces examens sont demandés par l’inculpé ou son conseil, il ne peut les refuser que par ordonnance motivée. ».

Des interrogatoires et confrontations

L’article134 du Code de procédure pénale régit cette procédure comme suit :

Lors de la première comparution, le juge d’instruction relève l’identité de l’inculpé en lui faisant préciser ses nom, prénoms, filiation, date et lieu de naissance, état civil, profession, lieu actuel de sa résidence, antécédents judiciaires. Il prescrit, s’il y a lieu, toutes investigations propres à vérifier cette identité en soumettant notamment l’inculpé à l’examen du service anthropométrique ou à un examen médical ;

Le magistrat donne avis à l’inculpé de son droit de choisir un conseil et, à défaut de choix, il lui en fait désigner un d’office si l’inculpé le demande. Mention en est portée au procès-verbal ;

L’avocat a le droit d’assister à l’interrogatoire préliminaire portant sur l’identité de l’inculpé ;

Le juge d’instruction fait connaître expressément à l’inculpé les faits qui lui sont imputés, et l’avertit qu’il est libre de ne faire aucune déclaration. Mention de cet avertissement est portée au procès-verbal ;

Le juge d’instruction doit répondre à la demande de l’inculpé qui était gardé à vue ou à la demande de son conseil de le soumettre à un examen médical ; et il est tenu de l’ordonner d’office s’il constate sur l’inculpé des marques justifiant sa démarche, en désignant à cet effet un expert en médecine ;

Le juge avertit en outre l’inculpé qu’il devra l’informer de tout changement d’adresse. L’inculpé peut faire élection de domicile dans le ressort du tribunal ;

Si, dans ses réquisitions, le ministère public demande l’ouverture d’une enquête en demandant le placement en détention de l’inculpé, et que le juge d’instruction estime qu’il n’y a pas lieu de répondre à cette demande, ce dernier doit alors rendre une ordonnance motivée dans les vingt-quatre heures de ces réquisitions et la communiquer immédiatement au ministère public. ».

Garantie relative à l’information complémentaire devant la juridiction de jugement

L’article238 du Code de procédure pénale régit les actes relevant de cette garantie en prévoyant ce qui suit :

« La chambre correctionnelle peut, dans tous les cas, à la demande du procureur général du Roi, d’une des parties ou même d’office, ordonner tout acte d’information complémentaire qu’elle juge utile, lequel acte est accompli par l’un de ses membres ou un juge d’instruction délégué par la Chambre à cet effet ;

Le juge chargé de l’information complémentaire peut donner tous les ordres nécessaires, mais la chambre demeure compétente pour prononcer la mise en liberté provisoire de l’inculpé ;

Si la Chambre met fin à la détention provisoire de l’inculpé, celui-ci est immédiatement libéré, à moins qu’il ne soit détenu pour un autre motif. ».

87.Enquêtes menées dans le cadre de la justice transitionnelle

L’Instance Équité et Réconciliation a rencontré de sérieuses difficultés dans la conduite de ses enquêtes et investigations sur les disparitions forcées pour les raisons suivantes : la période relativement longue couverte par sa compétence temporelle (1956‑1999) pendant laquelle des preuves ont disparu ou perdu leur caractère concluant, le décès de nombreuses victimes et d’autres difficultés bien connues rencontrées lors d’expériences nationales de justice transitionnelle. Parmi les groupes de travail formés par l’IER figure le groupe de travail chargé des investigations, lequel a adopté un dispositif procédural diversifié en termes de procédures, de méthodes et de techniques de contrôle, de recherche, d’investigation et d’investigation. Ces procédures sont présentées dans les paragraphes ci-après.

88.L’IER enregistrait dans le dossier de chaque victime les informations contenues dans la demande qu’elle recevait, soit de la victime, si elle était vivante, soit de tout ayant droit. Se tenait ensuite une audition pour recueillir des données et des informations, soit auprès de la victime si elle était vivante, soit auprès de sa famille ou de ses proches qui avaient des déclarations supplémentaires à faire en vue d’éclairer le dossier.

89.Afin d’obtenir des compléments d’information et de vérifier les données obtenues de manière progressive, les éléments suivants ont été consultés :

Les sources des autorités et institutions officielles, ycompris les rapports et mémorandums du Ministère des droits de l’homme et du Conseil consultatif des droits de l’homme (CCDH), les décisions arbitrales rendues par l’Instance d’arbitrage indépendante pour l’indemnisation des victimes de la disparition forcée et de la détention arbitraire et les autres informations détenues par les autres institutions officielles, notamment le Ministère de l’intérieur ;

Les listes et rapports des organisations et associations nationales des droits de l’homme, notamment l’Association marocaine des droits de l’homme, l’Organisation marocaine des droits de l’homme, le Forum pour la Vérité et la Justice et le Forum pour la Vérité et la Justice (section Laayoune) ;

Les listes et rapports des grands défenseurs et des réseaux de coordination qui ont travaillé sur le dossier de l’asile politique, notamment en France et en Europe de l’Ouest ;

Les listes et renseignements obtenus des familles de personnes dont le sort est inconnu ;

Les informations et données contenues dans les documents judiciaires concernant les conflits à caractère politique et social, y compris les procès-verbaux de police et de gendarmerie, les procès-verbaux d’enquête préliminaire et d’information judiciaire, les actes d’accusation, les procès-verbaux d’audience, les jugements et décisions rendus par les juridictions de tous les degrés, les mémorandums et rapports d’éminents avocats défenseurs des droits de l’homme ;

Les informations et fiches personnelles des victimes contenues dans les rapports du Groupe de travail sur les disparitions forcées, ainsi que les listes et rapports du Comité international de la Croix-Rouge ;

Les listes et rapports d’Amnesty International et d’autres ONG internationales ;

Les informations et données essentielles publiées dans des journaux reconnus pour leur couverture des violations des droits de l’homme commises par le passé.

90.Après avoir collecté le maximum d’informations et de données liées au dossier, le groupe de travail concerné s’est chargé d’élargir le champ de recherche en procédant à ce quisuit :

Tenir des auditions avec d’anciennes victimes survivantes dont le parcours a croisé celui de la victime, que ce soit avant la détention ou dans un centre de détention ;

Recueillir des témoignages d’anciens fonctionnaires qui ont été témoins, directement ou indirectement, de violations des droits de l’homme dans le passé ;

Prendre note des informations contenues dans des registres et des documents détenus par les administrations de certains centres de détention ;

Prendre note des informations contenues dans des registres et documents détenus par des établissements par lesquels serait passée la victime alors qu’elle était en vie ou dans lesquels elle serait décédée, comme les hôpitaux et les morgues, ainsi que des registres d’entreprises privées de pompes funèbres et des livres et registres des services de gestion de cimetières ou des conservateurs de cimetières ;

Effectuer des visites dans les centres de détention et diverses zones où des violations massives des droits de l’homme se sont produites afin de recueillir des déclarations et témoignages susceptibles de participer à la manifestation de la vérité ;

Auditionner des avocats qui ont assuré la défense des droits de l’homme et de victimes dans de nombreux procès ;

Auditionner des personnalités politiques et syndicales, des journalistes et des intellectuels qui ont été au cœur des événements ou les ont suivis de près.

91.Après avoir recueilli des informations écrites et orales, pris connaissance des différents registres et documents et tiré des conclusions en la matière, l’ensemble des données ont été introduites dans la base de données de l’IER à laquelle une attention particulière a été portée. Ainsi, un dossier individuel comprenant des informations relatives à la victime et tout ce qui a été recueilli sur l’affaire qui la concernait a été consacré à chaque victime et à chaque demande reçue par l’IER. Celle-ci a classé la violation de disparition forcée en fonction des circonstances de l’espèce, des éléments de preuve disponibles et du contexte historique dans lequel elle avait été commise. Cette analyse lui a permis de procéder à la classification suivante :

Cas des personnes pour lesquelles n’existaient pas de fortes présomptions de disparition forcée ;

Cas des personnes pour lesquelles existaient de fortes présomptions de disparition forcée ;

Cas des personnes pour lesquelles existaient de fortes présomptions de décès, que ce soit lors d’une séquestration ou d’un enlèvement, lors d’incidents sociaux ou lors d’affrontements militaires ;

Cas des personnes pour lesquelles existaient de fortes présomptions de décès, des informations disponibles sur leur lieu d’inhumation étant disponibles ;

Cas des personnes condamnées à mort exécutées, dont le corps avait été remis aux familles pour l’inhumation ;

Cas des personnes condamnées à mort exécutées, dont le corps n’avait pas été remis à la famille et avait été enterré par les autorités.

92.En outre, le groupe de travail chargé des investigations a pu inspecter les cimetières pour vérifier si des dépouilles y sont enterrées, prélever des échantillons osseux sur les victimes afin de les soumettre à une analyse ADN si nécessaire, et les réinhumer selon les rites religieux observés. Une fois les travaux de l’IER terminés, la Commission de suivi de la mise en œuvre des recommandations de l’IER a poursuivi ses activités au sein du Conseil consultatif des droits de l’homme, qui a publié en décembre 2009 un rapport détaillant les procédures adoptées pour l’instruction et les résultats obtenus. Des exemples en sont donnés ci-après.

93.Les cas des personnes dont le sort demeure inconnu :

Poursuivre les investigations en vue de déterminer leur sort ;

Prendre contact avec les familles et les informer des résultats des investigations ;

Publier des décisions d’arbitrage sur les résultats obtenus concernant la détermination du sort et une recommandation concernant les dispositions à prendre en vue de résoudre les problèmes juridiques inhérents au décès ;

Soutenir les familles dans l’organisation des cérémonies religieuses en cas de décès.

94.S’agissant de la poursuite des investigations réalisées par l’IER, le CCDH, suite au renvoi des dossiers concernés par les investigations à la Commission de suivi et conformément au programme établi par la commission de coordination, a accompli les missions suivantes :

Le réexamen et la reclassification des dossiers concernés à la lumière des réponses des autorités publiques soumises à l’IER une journée avant la fin de son mandat et qui concerne les 66 cas classés dans son rapport final comme dossiers en suspens ;

L’analyse et la classification des demandes sujets à l’établissement de la vérité reçus par le CCDH après la fin du mandat de l’IER ;

L’élaboration de rapports individuels sur les dossiers pour lesquels la recherche et l’investigation ont été achevés ;

L’introduction des résultats, conclusions et décisions prises pour chaque dossier dans la base de données ;

La remise des dossiers relatifs à la réparation aux autres formes de préjudice et qui entrent dans le cadre des prérogatives de l’IER mais qui n’ont pas encore été traités aux commissions concernées.

95.La Commission de suivi a adopté la méthodologie employée par l’IER, reprenant ainsi les mêmes procédés dont notamment la visite des lieux d’inhumation et des centres de détention secrets, les démarches auprès des autorités publics, l’audition des témoins, l’identification des tombes et l’accueil et la visite des familles des victimes.

96.La Commission de suivi a recouru également aux services du ministère public en vue de donner ses instructions aux parties concernées, chacune selon ses prérogatives, pour l’exhumation des dépouilles de victimes des lieux d’inhumation mis au jour par les investigations de l’IER ou de la Commission de suivi, afin d’identifier ces personnes et ce, à travers l’examen des données anthropologiques ou les analyses d’ADN.

97.Ce travail d’investigation a été facilité par l’intervention d’un côté, du ministère public et d’un autre, des services de médecine légale de l’Hôpital Ibn Rochd de Casablanca et des experts des laboratoires nationaux de la Gendarmerie royale et de la police scientifique qui ont fait preuve de beaucoup de professionnalisme et d’un sens très haut de nationalisme, ce qui a permis de réaliser d’importants résultats. De même et dans les cas les plus difficiles, la commission a accompagné les familles dans les lieux de détention et d’exhumation, en présence des personnes qui ont procédé personnellement à l’inhumation pour présenter leur témoignage devant la famille. Des comptes rendus individuels sur les investigations relatives à des cas généralement classés parmi les disparitions forcées ou les personnes au sort inconnu ont également été rédigés.

98.Tout cela a permis non seulement d’obtenir des résultats importants qui ont dépassé les objectifs initialement fixés, mais aussi d’atteindre des objectifs additionnels, tels que la consolidation de la confiance des familles dans les efforts déployés pour révéler la vérité et de leur satisfaction à cet égard, et la sensibilisation des jeunes fonctionnaires aux divers services de l’État intervenant dans la procédure d’exhumation des dépouilles. En outre, la participation d’experts marocains aux activités de médecine légale et d’analyse génétique a montré l’importance qu’il y a à adopter ces deux branches dans le domaine de la recherche de la vérité et à les faire évoluer.

99.En ce qui concerne le contact et la communication avec les parties concernées par les investigations, la Commission de suivi a eu différents contacts avec les autorités publiques, en particulier le Ministère de la justice et les représentants des services de sécurité, ce qui lui a permis :

De recueillir des témoignages d’un certain nombre de responsables, d’anciens gardiens dans les centres de détention secrets et des cimetières ;

De collecter des informations précises sur les lieux de détention des victimes décédées lors de leur détention dans des centres identifiés dans leur majorité par l’IER et dont la commission a pu déterminer la date de certains, sans pour autant arriver à identifier leur tombe ;

De recueillir des témoignages des anciens gardiens de la prison de Tazmamart, en vue de lever le voile sur la manière d’inhumation des victimes dans la place jouxtant le bagne ;

De demander des explications sur certains éléments de réponses données par les autorités au sujet de certains cas en suspens parmi les 66 cas de personnes répertoriés dans le rapport final de l’IER et dont le sort demeure inconnu.

100. L’implication des familles des victimes et de leurs représentants

Dès sa constitution, la Commission de suivi s’est attachée à mettre en place une structure administrative réservée à l’accueil des familles des personnes au sort inconnu et des personnes décédées lors d’incidents sociaux ou en détention. La commission a également fait en sorte, en toute transparence et dans le cadre de la participation à la gestion des situations, de communiquer aux familles les résultats des investigations et de se concerter avec elles concernant les décisions à prendre avant le classement des dossiers.Par ailleurs, la commission s’est rendue au domicile de certaines familles et a organisé des rencontres avec elles ou avec les associations qui les représentent au siège du CCDH afin de discuter des démarches à suivre et des suggestions soumises par les familles. Parmi ces rencontres figurent :

Une rencontre d’information avec les représentants des familles de personnes au sort inconnu a été organisée au siège du CCDH, en présence de son président et des membres de la commission. Cette rencontre a été l’occasion de présenter les travaux de l’IER sur la question de vérité, la méthodologie de travail, les difficultés rencontrées et les tâches restant à accomplir ;

Une réception a été organisée en l’honneur des familles concernées par les cas non encore élucidés qui avaient été classés dans un groupe de 66 cas, et des décisions arbitrales ont été rendues en faveur des familles satisfaites des résultats et n’ayant pas fait l’objet de décision arbitrale auparavant ;

Des visites effectuées au domicile des familles des victimes des événements de juin 1981 et des rencontres organisées avec elles au siège du CCDH à Rabat et Casablanca afin de les informer des faits nouveaux liés à l’exhumation des dépouilles dans la caserne des sapeurs-pompiers, de leur remettre des certificats de décès délivrés par le Ministère de la justice et de les consulter au sujet de l’aménagement du cimetière dans lequel ont été réinhumées les victimes ;

Des réunions périodiques avec la commission représentant les familles des victimes des événements de juin 1981 ont été organisées afin de trouver des solutions aux problèmes d’intégration sociale, de formation professionnelle et de couverture santé rencontrés par ces familles, dont un nombre limité a vu les erreurs constatées dans les décisions d’indemnisation antérieures corrigées.

Dès l’obtention de nouvelles données sur les lieux d’inhumation, de multiples visites ont été effectuées au domicile des familles des victimes des événements de Nador et aux associations de la société civile. Des données anthropologiques ante mortem sur les victimes ont été collectées, avec la participation des familles et des associations susmentionnées, afin de les transférer aux services de médecine légale de l’Hôpital Ibn Rochd de Casablanca pour y effectuer les croisements nécessaires entre lesdites données et les données obtenues sur les restes humains par les médecins légistes.

Une rencontre avec des représentants de l’association Tazmamart a été organisée au siège du Conseil. Cette réunion a porté sur les résultats des enquêtes concernant la détermination du lieu d’inhumation des personnes décédées dans la prison de Tazmamart.

La sœur de feu M’hammed Ben Ahmed Abbas Elmarrakchi, connu sous le surnom d’Abou Fadi et dont le décès est advenu au centre de détention du barrage Al-Mansour Ad-Dahbi, a été contactée et des échanges avec le Ministère des affaires étrangères ont été engagés dans le but de s’assurer de la nationalité de l’intéressé qui, selon les rescapés des centres de détention d’Agdez et de M’gouna, est libanaise ou palestinienne.

101. Visite des cimetières

La commission a organisé des visites régulières aux cimetières identifiées ou potentielles sur lesquels l’IER a travaillé en vue d’y confirmer l’inhumation de certaines victimes ou d’y déterminer l’inhumation d’autres dont le décès avait été confirmé, mais dont le corps n’avait jamais été retrouvé, soit en raison de la confusion et des circonstances qui avaient entouré leur décès, soit du fait que les autorités aient retiré les dépouilles pour les enterrer dans des lieux inconnus ou refusé de les remettre à leur famille. Ces visites ont concerné :

Le cimetière de Yacoub Al Mansour à Rabat qui pourrait abriter la dépouille de Abdellatif Zeroul ;

Les cimetières d’Abi Bakr Ben Larbi et de Bab Al Kissa à Fès en vue de mettre des épitaphes sur les tombes des victimes des événements du 14 décembre 1990 et de déterminer le nombre de décès ;

L’ancienne caserne du Palais de Tazmamart en vue de s’assurer de l’évacuation des lieux et d’identifier la méthode employée pour enterrer les victimes.

102. Exhumation des dépouilles de certains personnes décédées et prélèvement d’échantillons osseux

Dans le cadre des missions qui lui ont été confiées, L’IER a procédé à l’identification des lieux d’inhumation des victimes dont le décès a été confirmé alors que la Commission de suivi a poursuivi les investigations sur les cas de victimes dont les lieux d’inhumation n’ont pas encore été déterminés et ceux dont l’identité n’a pas encore été établie.

En lançant les travaux d’investigation, la commission s’est retrouvée face à une série de tombes où il était difficile pour elle de reconnaître et d’identifier les dépouilles, ce qui a nécessité l’exhumation des corps, le prélèvement d’échantillons osseux et l’analyse de l’ADN de chaque dépouille et sa comparaison avec les éléments génétiques de la famille, avant d’être à nouveau inhumée.La commission s’est appuyée sur l’expertise des laboratoires pour vérifier les conclusions des enquêtes concernant l’identité des dépouilles de défunts dont la famille avait insisté sur le recours à une telle mesure.

La Commission de suivi a également tenu à associer les familles à cette procédure qui s’est déroulée en total respect des défunts et des rites funéraires islamiques observés dans pareille situation. Dans ce cadre, la commission a saisi le ministère public d’une requête visant à ordonner aux services de médecine légale d’exhumer les dépouilles de plusieurs défunts en vue d’étudier les données anthropologiques des ossements et de les comparer avec les données desdits défunts avant leur décès. La commission a procédé également à l’analyse de l’ADN des échantillons osseux et des dentitions, chaque fois qu’il était nécessaire.

Le recours à ces techniques s’est fait en total respect des dispositions légales et procédurales, en présence des autorités provinciales et locales, des responsables de la sécurité nationale, de la Gendarmerie royale, du Ministère des habous et des affaires islamiques et de la protection civile.Cela a permis d’identifier les cas suivants :

Les victimes des événements sociaux enterrées dans des fosses communes ;

Les dépouilles de victimes des événements du 20 juin 1981 exhumées de deux fosses isolées situées à l’intérieur du siège de la protection civile à Casablanca.

103.Sur la base d’informations confirmées et concordantes obtenues par l’IER, selon lesquelles un certain nombre de victimes des événements survenus à Casablanca le 20 juin 1981, ont été enterrées dans une fosse commune située à l’intérieur du siège des services de la protection civile à Casablanca, le parquet général près la cour d’appel de Casablanca a supervisé le jeudi 9 décembre 2005 les opérations d’exhumation des corps de ladite fosse, de prélèvement d’échantillons sur ces corps et de leur réinhumation dans des tombes individuelles.

Une délégation du CCDH a assuré le suivi étape par étape de ces opérations et en a informé les familles des victimes. Les opérations de fouilles ont commencé, en présence des représentants des différentes autorités compétentes, dans un terrain de football situé à l’intérieur de la Caserne des sapeurs-pompiers de l’arrondissement des Roches Noires à Casablanca, juste derrière son bâtiment principal.

Les opérations d’exhumation et de prélèvement ont été menées par une équipe composée de 13 médecins légistes et de trois excellents officiers de police scientifique, ainsi que par deux brigades de sapeurs-pompiers spécialement chargées des fouilles.

Des échantillons ont été prélevés et numérotés, et les dépouilles ont été réinhumées dans des tombes séparées et numérotées qui leur avaient été attribuées, avec l’approbation du délégué régional pour les habous et les affaires islamiques. Ces tombes se trouvent dans un endroit isolé jouxtant une voie publique et situé dans la grande cour de la même caserne, dont l’endroit en question peut être séparé.

104.Les dépouilles des victimes des événements sociaux de Nador, qui avaient été enterrées dans une fosse commune à l’intérieur de la caserne des sapeurs-pompiers de la ville, ont également été exhumées. Dans son rapport final, l’IER recense également les victimes de ces événements dont le lieu d’inhumation n’a pu être localisé. La Commission de suivi a maintenu le contact avec les autorités centrales afin de poursuivre les investigations pour localiser le lieu d’inhumation des victimes de ces événements. Les décisions arbitrales rendues par l’IER comprenaient également une recommandation adressée au Gouvernement l’invitant à informer les familles concernées de tout fait nouveau en la matière.

105.Dès que les autorités locales de Nador ont été notifiées le soir du 28 avril 2008 de la découverte des dépouilles dans la caserne des sapeurs-pompiers de la ville, des instructions ont été données − comme il est d’usage en pareil cas − par le procureur du Roi pour l’exhumation des corps et une délégation du CCDH, accompagnée d’un médecin légiste de l’hôpital Ibn Rochd de Casablanca, a fait le déplacement à Nador le 29 avril 2008 pour suivre de près l’opération d’exhumation des dépouilles.

À l’époque, le ministère public a publié un communiqué informant le public des résultats obtenus et des mesures prises. Pour sa part, le CCDH, en sa qualité d’organe chargé du suivi de la mise en œuvre des recommandations de l’IER, notamment celles relatives à la poursuite des investigations, a publié deux communiqués successifs rendant compte des suites données à ces recommandations.

106.Sur la base des résultats préliminaires ayant confirmé la relation des ossements exhumés avec les victimes des événements de 1984, le CCDH a poursuivi, en concertation avec le service de médecine légale et le procureur général du Roi, les démarches nécessaires pour procéder à l’identification des défunts. Le CCDH avait également pris contact avec les familles des victimes et les représentants de la société civile pour les informer de ces résultats, au moment où l’équipe des médecins légistes de l’hôpital Ibn Rochd de Casablanca s’attelait au dépouillement des ossements selon les techniques scientifiques en vigueur avant l’envoi d’échantillons au laboratoire d’analyse pour les comparer aux échantillons de salive prélevés sur les membres des familles concernées et déterminer l’identité des dépouilles.

107. Exemples d’investigations approfondies

Bien que les investigations menées par le groupe de travail chargé des investigations et la Commission de suivi pour déterminer l’identité des personnes décédées au centre de détention secret de Tazmamart et localiser leur lieu d’inhumation aient abouti à l’établissement de l’identité de toutes ces personnes grâce aux indices recueillis auprès de chaque tombe, la Commission de suivi a décidé de répondre aux demandes des familles concernées quant à la réalisation d’examens scientifiques pour confirmer l’identité des personnes concernées, et de leur donner ainsi satisfaction.

Ainsi, le CCDH a demandé au ministère public de donner l’ordre d’exhumer les dépouilles de toutes les personnes décédées et d’enregistrer et d’étudier leurs données anthropologiques. Cela a été fait les 12 et 13 novembre 2006 par des médecins légistes sur ordre du ministère public et en présence des autorités locales compétentes.

108. Exemples de poursuite des investigations pour l’élucidation de cas complexes

Les 19, 20 et 21 septembre 2006, à la demande du Conseil consultatif des droits de l’homme et sous le contrôle direct du ministère public, une commission, présidée par le procureur du Roi près le Tribunal de première instance et accompagnée de représentants des autorités locales, s’est rendue aux centres secrets de détention d’Agdez et de Kalaat M’Gouna pour y exhumer les dépouilles des personnes qui y étaient enterrées en vue d’étudier et de consigner les données anthropologiques de leurs ossements, et d’en prélever des échantillons pour analyse de l’ADN, si nécessaire.

Sous la supervision de tous les membres de la commission, quatre médecins légistes ont précédé à cette opération après que des sapeurs-pompiers ont ouvert les tombes et exhumé les dépouilles, qui ont été ensuite ensevelies dans des linceuls, placées dans des caisses en bois et réinhumées dans les mêmes tombes.

Il convient de noter que, puisque la famille du défunt Ouazan Belkacem a posé comme condition de classement de son dossier la réalisation d’analyses de l’ADN sur sa dépouille, ladite famille et le président du Forum Vérité et Justice se sont déplacés le 27 mai 2006 au cimetière d’Agdez afin d’y exhumer la dépouille et d’en prélever un échantillon osseux aux fins d’une analyse ADN devant permettre de déterminer son identité, son sexe et son identité génétique.

La dépouille du défunt Nafe’i Boudissi, qui avait été enterré dans l’un des anciens entrepôts situés derrière le quartier général de la police de Gourrama, a été exhumée, puis transportée au cimetière musulman situé dans le centre de la commune de Gourrama. L’opération s’est déroulée conformément aux procédures relatives à l’exhumation et au transport des corps.

La dépouille d’une personne décédée a été exhumée dans un centre de détention situé près du barrage Al-Mansour Ad-Dahbi, puis transportée au cimetière de Gourrama. Bien que l’IER n’ait reçu aucune demande de la part de la famille de M’hammed Ben Ahmed Abbas Elmarrakchi (connu sous le surnom d’Abou Fadi, selon les témoignages des victimes vivantes qui étaient détenues avec lui dans le complexe, Agdez et Kalaat M’Gouna), les données extraites des registres d’écrou consultés ont permis de déterminer l’adresse de sa famille au Liban. Les démarches entreprises par le Ministère des affaires étrangères à la demande du CCDH ont permis d’identifier les membres de sa famille et d’entrer en contact avec eux. Ainsi, il a été procédé à ce qui suit :

Les 13, 14 et 16 avril 2006, la commission et les membres de la famille du défunt ont effectué des visites préliminaires conjointes au centre de détention situé près du barrage Al-Mansour Ad-Dahbi. Durant ces visites, une rencontre a eu lieu avec les autorités publiques et les informations dont disposait la commission ont été communiqués aux membres de la famille. En outre, le témoignage de l’un des gardiens du centre a été recueilli, le lieu d’inhumation a été inspecté et les dispositions nécessaires pour l’exhumation et le transport de la dépouille ont été mises en place ;

Le 28 mai 2006, la dépouille de M’hammed Ben Ahmed Abbas Elmarrakchi, connu sous le surnom d’Abou Fadi, a été exhumée au centre situé près du barrage Al-Mansour Ad-Dahbi, puis placée dans un cercueil et transportée, conformément au souhait de la famille, au cimetière de M’Gouna, où elle a été inhumée ;

À la demande de la famille, des échantillons osseux ont été prélevés aux fins d’une analyse génétique.

109.Dans d’autres cas, des dépouilles ont été exhumées pour en prélever des échantillons en vue d’une analyse génétique. Cette décision est fondée sur les considérations suivantes :

La difficulté d’établir l’identité sur la base des investigations, étant donné l’absence de tout témoin susceptible de confirmer les informations contenues dans les registres officiels en ce qui concerne le cas d’Abdelhak Rouissi ;

La difficulté d’établir l’identité des victimes sur la base des investigations, faute de témoignages fiables dans les cas d’Abdeselam Taud, de Brahim El-Ouazzani, de Moulay Slimane Alaoui et de Mohamed Bennouna ;

L’exhumation des dépouilles représente en elle-même un progrès qualitatif dans la recherche de la vérité et le renforcement des capacités scientifiques en la matière.En adoptant une approche participative qui associe les différents acteurs à l’effort de l’établissement de la vérité, suivant une méthodologie qui vise à entériner les résultats obtenus, mais également à mettre en exergue les difficultés et les contraintes liées à la détermination de l’identité des personnes dans certains cas précis, à l’acceptation des résultats, et à l’amélioration des capacités scientifiques des services concernés, le CCDH a réussi l’exhumation de 182 dépouilles en vue de les transférer ou de s’assurer de l’identité des victimes ;

Depuis le début des travaux, la Commission de suivi de la mise en œuvre des recommandations de l’IER a été confrontée au caractère limitatif des capacités logistiques et humaines à même de réaliser l’analyse ADN des échantillons prélevés.

110.Afin de remédier à ces contraintes, le CCDH a organisé le 29 juin 2006 une journée d’études à laquelle a participé une équipe de médecins légistes argentins. Ces derniers ont présenté à l’auditoire marocain l’expérience argentine dans la conduite d’enquêtes approfondies pour déterminer l’identité des victimes de violations flagrantes des droits de l’homme, à travers l’examen anthropologique des dépouilles. Le CCDH a veillé à faciliter le déplacement à l’étranger de cadres du laboratoire de génétique de la Gendarmerie royale qui ont suivi une formation sur les techniques d’analyse d’ADN et ont vu leurs capacités renforcées en la matière.

111.Les efforts du CCDH dans ce domaine ont été couronnés par la signature, le 12février 2008, d’un protocole d’accord avec le Ministère de la justice (Direction des affaires pénales et de la grâce), le Ministère de l’intérieur (laboratoire national de la police scientifique) et le Haut Commandement de la Gendarmerie royale (laboratoire de génétique). Suite à la signature de ce protocole, le laboratoire de génétique de la Gendarmerie royale a procédé à des analyses génétiques sur les corps exhumés dans le cadre des recherches relatives à sept cas considérés comme prioritaires par le CCDH. Lors de ces analyses, le laboratoire de génétique s’est appuyé sur les tests d’ADN-Y et les tests d’ADN mitochondrial, techniques pour lesquelles le personnel du laboratoire a reçu une formation spéciale.

Après avoir procédé à une évaluation scientifique et objective des résultats obtenus dans les sept cas, la Commission de suivi composée des laboratoires nationaux susmentionnés, du Ministère de la justice et du CCDH Commission de suivi a reclassé les échantillons prélevés, de manière à livrer les résultats dans des délais acceptables, conformément aux attentes des familles, et à renforcer les capacités scientifiques des services concernés. Cette opération s’est déroulée sur la base des données figurant dans le tableau ci-après :

Cas

Investigations approfondies menées pour déterminer l’identité des dépouilles

Extraction des données anthropologiques

Analyse génétique jugée utile

Oui

Non

Oui

Non

Oui

Non

Cas de décès à Tazmamart

×

×

×

Cas de décès à Tagounit

×

×

×

Cas de décès à M’Gouna

×

×

×

Cas de décès à Gourrama

×

×

×

Cas de décès lors des événements de Casablanca du 20 juin 1981

×

×

×

Cas de décès lors des événements de Nador de janvier 1984

×

×

×

Cas individuels séparés

×

×

×

Sur la base de ces données et du reclassement, le CCDH a arrêté la liste définitive des cas nécessitant une identification des corps au moyen de l’analyse d’ADN, et ce, suivant une nouvelle méthodologie qui a consisté en :

L’entrée en contact, en étroite collaboration avec les laboratoires de la Gendarmerie royale et de la police scientifique, avec un laboratoire international ayant une grande expérience dans le prélèvement d’ADN, ce qui a conduit à la signature, le 17 février 2009, d’un protocole complémentaire au protocole initial entre le CCDH et un laboratoire de génétique français ;

Le transfert des échantillons concernés à l’étranger en deux temps : le premier lot le 20 avril 2009 et le second le 5 juillet 2009.

112.Il convient de préciser que, grâce aux recherches approfondies menées par la Commission de suivi, le nombre de victimes décédées identifiées a été revu à la hausse. Ainsi, il est passé de 27 à 46 pour les événements sociaux de 1965 à Casablanca, de 26 à 79 pour les événements de 1981 à Casablanca et de 11 à 16 pour les événements de 1984 à Nador.

113. Enquêtes relevant de la compétence du Conseil national des droits de l’homme

En application des dispositions de l’article 171 de la Constitution, la loi no 76-15 relative à la réorganisation du Conseil national des droits de l’homme a été promulguée pour renforcer les prérogatives du Conseil en matière de protection des droits de l’homme, y compris ses pouvoirs d’enquête, notamment par la création des trois mécanismes nationaux suivants :

1)Le Mécanisme national de prévention de la torture, créé pour donner effet aux obligations que le Maroc a souscrites par son adhésion au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, a pour mandat d’effectuer des visites régulières dans les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté et de formuler des recommandations visant à protéger ces personnes, à humaniser les conditions de détention et à prévenir la torture et les mauvais traitements ;

2)Le Mécanisme national de recours pour les enfants victimes de violation de leurs droits, conformément aux dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant, a pour mission de recevoir les plaintes, de les examiner, de procéder aux investigations nécessaires de statuer sur les plaintes, d’organiser des auditions et de prévenir les violations des droits de l’enfant ;

3)Le Mécanisme national de protection des droits des personnes en situation de handicap, en application des dispositions de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, est chargé de recevoir les plaintes, de les examiner, de procéder aux investigations nécessaires, de statuer sur les plaintes, d’organiser des auditions et de prévenir les violations des droits des personnes handicapées.

114.En matière d’enquête, d’investigation et de prévention, conformément à l’article5 de la loi précitée, le CCDH, « [d]ans le cadre de ses missions de protection, […] procède à l’observation des violations des droits de l’homme dans toutes les régions du Royaume. LeConseil peut procéder aux enquêtes et investigations nécessaires au sujet des violations des droits de l’homme et élabore des rapports comprenant les conclusions de ses travaux. Iladresse lesdits rapports aux autorités compétentes assortis de ses recommandations. Ilinforme également les parties concernées par la violation objet de l’enquête ou de l’investigation et leur fournit les éclaircissements nécessaires. ».

115.En ce qui concerne la coopération des autorités, aux termes de l’article précité, « [t]oute entrave ou opposition aux missions du Conseil lorsqu’il effectue des actes d’enquête et d’investigation, de la part d’un responsable, d’un fonctionnaire ou de toute autre personne au service de l’administration, sans tenir compte des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, fait l’objet d’un rapport du Conseil à transmettre aux autorités concernées aux fins de prendre les mesures nécessaires, puis en informer le CCDH. Celui‑ci examine tous les cas de violation des droits de l’homme, soit de sa propre initiative, soit sur plainte des parties concernées ou en vertu d’une procuration de ces parties. ».

116.S’agissant de l’inspection des lieux de détention et des établissements pénitentiaires, conformément à l’article 11 de ladite loi, « le Conseil effectue, dans le cadre de l’exercice de ses missions en matière de protection des droits de l’homme, des visites aux lieux de détention et aux établissements pénitentiaires et surveille les conditions des détenus et le traitement qui leur est réservé, ainsi qu’aux centres de protection de l’enfance et de la réinsertion, aux établissements de protection sociale, aux établissements hospitaliers spécialisés dans le traitement des maladies mentales et psychiques et aux lieux de rétention des étrangers en situation irrégulière ».

117.L’article13 précise que le Mécanisme national de prévention de la torture examine la situation des personnes privées de liberté et le traitement qui leur est réservé en procédant à :

Des visites régulières et des visites à effectuer chaque fois que le Conseil le demande, aux différents lieux où des personnes privées de liberté ou susceptibles d’en être privées, en vue de renforcer leur protection contre la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants ;

La formulation de toute recommandation dont la mise en œuvre pourrait améliorer le traitement et la situation des personnes privées de liberté et prévenir la torture ;

La soumission de toute proposition ou observation au sujet de la législation en vigueur ou à propos des projets ou propositions de loi ayant trait à la prévention de la torture.

Articles13, 14 et 16 : Extradition, expulsion et déportation − Coopération bilatérale en matière pénale

118.Le présent rapport traite des articles 13, 14 et 16 pris conjointement, étant donné la complémentarité des questions qui y sont abordées concernant l’extradition et la coopération judiciaire en matière pénale. À ce propos, le rapport donne des informations d’ordre juridique et trois exemples de conventions de coopération bilatérale que le Royaume du Maroc a signées, parallèlement à l’amélioration de la conformité de son système juridique au droit international des droits de l’homme.

119.Que ce soit en principe, dans la Constitution, dans les conclusions de l’expérience de justice transitionnelle, dans le droit ou dans la pratique, la disparition forcée n’est en aucun cas considérée comme une infraction politique ou comme un fait connexe à une telle infraction. Les éléments de réponse donnés dans les parties consacrées aux articles 3, 4 et 5 apportent des clarifications en ce sens. Ainsi, conformément aux deuxième et troisième paragraphes de l’article 13 de la Convention, le crime de disparition forcée est de plein droit compris au nombre des infractions donnant lieu à extradition dans tout traité d’extradition conclu entre des États parties avant l’entrée en vigueur de la Convention. L’extradition au Royaume du Maroc est, quant à elle, régie par le chapitre IV du Code de procédure pénale.

120. De la procédure d’extradition

« La procédure d’extradition permet à un État étranger d’obtenir de l’État marocain la remise d’un inculpé ou condamné non ressortissant marocain qui, étant l’objet d’une poursuite intentée au nom de l’État requérant ou d’une condamnation prononcée par une de ses juridictions de droit commun, est trouvé sur le territoire du Royaume. Néanmoins, l’extradition n’est accordée que si l’infraction cause de la demande a été commise :

Soit sur le territoire de l’État requérant par un ressortissant de cet État ou par un étranger ;

Soit en dehors de son territoire par un ressortissant de cet État ;

Soit en dehors de son territoire par un étranger non marocain, quand l’infraction est au nombre de celles dont la loi marocaine autorise la poursuite au Maroc, alors même qu’elles ont été commises par un étranger à l’étranger. » (art. 718 du Code de procédure pénale).

En outre, « [a]ucune remise ne pourra être faite à un gouvernement étranger de personnes n’ayant pas été l’objet de poursuites ou d’une condamnation pour une infraction prévue par le présent Code » (art. 719 dudit Code).

121. Des conditions de l’extradition

« Les faits qui peuvent donner lieu à l’extradition, qu’il s’agisse de la demander ou de l’accorder, sont les suivants :

1)Tous les faits punis de peines criminelles par la loi de l’État requérant ;

2)Les faits punis de peines correctionnelles par la loi de l’État requérant, quand le maximum de la peine d’emprisonnement encourue, aux termes de cette loi, est égal ou supérieur à un an, ou, s’il s’agit d’un condamné, quand la peine prononcée par la juridiction de l’État requérant est égale ou supérieure à quatre mois d’emprisonnement.

En aucun cas l’extradition n’est accordée si le fait n’est pas puni par la loi marocaine d’une peine criminelle ou correctionnelle.

Les faits constitutifs de tentative ou de complicité sont soumis aux règles précédentes, à condition qu’ils soient punis par la loi de l’État requérant et par le droit marocain ;

Si la demande d’extradition vise plusieurs actes distincts punis chacun par la législation des deux Parties d’une peine privative de liberté, mais dont certains sont passibles d’une peine d’emprisonnement inférieure à un an, l’extradition n’est accordée que si le maximum de la peine encourue, d’après la loi de l’État requérant, pour l’ensemble de ces actes, est égal ou supérieur à deux ans d’emprisonnement.

Si la personne réclamée a fait antérieurement l’objet, dans un État tiers, d’une condamnation définitive à quatre mois d’emprisonnement ou plus, l’extradition est accordée suivant les règles précédentes, c’est-à-dire seulement pour les crimes ou délits, mais sans égard à la durée de la peine encourue ou prononcée pour la nouvelle infraction.

Les dispositions précédentes s’appliquent aux infractions commises par des militaires, marins ou assimilés, lorsque l’infraction pour laquelle la remise est demandée ne constitue pas une violation d’obligation militaire, mais est punie par la loi marocaine comme une infraction de droit commun, sous réserve des règles suivies pour la remise des marins déserteurs. » (art. 720 du Code de procédure pénale)

122.L’extradition n’est pas accordée :

1)Lorsque la personne réclamée est de nationalité marocaine au moment de la commission de l’infraction pour laquelle elle est demandée ;

2)Lorsque l’infraction pour laquelle elle est demandée est considérée comme une infraction politique ou comme un fait connexe à une telle infraction ;

Cette règle particulière s’applique également si les autorités marocaines ont des raisons sérieuses de croire que la demande d’extradition motivée par une infraction de droit commun a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir un individu pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d’opinions politiques ou que la situation de cet individu risque d’être aggravée.

Toutefois, l’attentat à la vie d’un chef d’État, d’un membre de sa famille ou d’un membre du Gouvernement ne sera pas considéré parmi les cas auxquels s’appliquent les restrictions visées aux deux alinéas précédents.

De même, ne sont pas considérés comme relevant de ces cas de figure les actes commis au cours d’une insurrection ou subversion portant atteinte à l’ordre public s’ils constituent des actes de barbarie ou de vandalisme, ou d’une extermination massive interdite par les conventions internationales.

3)Lorsque les crimes ou délits sont commis sur le territoire du Royaume du Maroc ;

4)Lorsque les crimes ou délits, quoique commis hors du territoire du Royaume, y ont été poursuivis et jugés définitivement ;

5)Lorsque, d’après la loi de l’État requérant ou la loi marocaine, la prescription de l’action s’est trouvée acquise antérieurement à la demande d’extradition, ou la prescription de la peine antérieurement à l’arrestation de la personne réclamée et d’une façon générale toutes les fois que l’action publique de l’État requérant est éteinte.

123. De la transmission des demandes d’extradition

« La demande d’extradition est formulée par écrit et transmise par la voie diplomatique.

Les demandes d’extradition doivent inclure ce qui suit :

1)L’original ou la copie conforme du jugement devenu définitif ou du mandat d’arrêt, ou bien toute décision adoptée par l’autorité judiciaire compétente, ayant la même force pour la Partie requérante ;

2)Un exposé des faits qui motivent la demande d’extradition, et plus particulièrement le lieu, la date et les circonstances de leur perpétration et la qualification juridique correspondante, ainsi que la copie des textes de loi qui leur sont applicables ;

3)Le signalement aussi précis que possible de la personne réclamée et toute autre renseignement de nature à déterminer son identité et sa nationalité ;

4)L’engagement à respecter les dispositions de l’article 723 susmentionné (art. 727 du Code de procédure pénale).

124. De la transmission de la demande d’extradition au Ministère de la justice – Intervention judiciaire

« La demande d’extradition est, après vérification des pièces, transmise, avec le dossier, par le Ministre des affaires étrangères au Ministre de la justice, qui s’assure de la régularité de la requête et lui donne telles suites que de droit. » (art. 728 du Code de procédure pénale).

En cas d’urgence et sur demande directe des autorités judiciaires de l’État requérant ou sur avis des services de l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL), le procureur du Roi près le tribunal de première instance ou l’un de ses substituts peut ordonner l’arrestation provisoire de l’étranger réclamé dès qu’il reçoit la demande d’extradition, par courrier postal ou par tout moyen de transmission plus rapide permettant d’en conserver une trace écrite ou matérielle, qui indique l’existence d’une des pièces mentionnées à l’alinéa 1 de l’article 726 susmentionné.

« Une demande officielle est simultanément adressée par voie diplomatique au Ministre des affaires étrangères. ».

Le procureur du Roi donne avis de cette arrestation, sans délai, au Ministre de la justice et au procureur général du Roi près le Conseil suprême » (art. 729 du Code de procédure pénale).

Lors de la comparution de la personne dont l’extradition est demandée devant la chambre criminelle de la Cour de cassation, deux cas de figure peuvent se présenter :

1)Si l’intéressé déclare renoncer au bénéfice de la procédure prévue en matière d’extradition et consent formellement à être livré aux autorités de l’État requérant, il est donné acte par la cour de cette déclaration. Copie de cette décision est transmise sans retard par les soins du procureur général au Ministre de la justice, pour toutes fins utiles ;

2)Dans le cas contraire, la chambre criminelle, statuant sans recours, donne son avis motivé sur la demande d’extradition. Cet avis est défavorable si la cour estime que les conditions légales ne sont pas remplies, ou qu’il y a erreur évidente. Cet avis est définitif et l’intéressé, s’il n’est pas détenu pour un autre motif, est alors mis d’office en liberté. Le dossier est alors transmis dans les huit jours au Ministre de la justice et les autorités de l’État requérant sont notifiées de la décision par la voie diplomatique ;

Si l’avis est favorable, le procureur général près la Cour de cassation adresse dans les huit jours une décision approuvant la demande d’extradition au Ministre de la justice, qui propose, s’il y a lieu, à la signature du Premier Ministre un décret autorisant l’extradition. Cedécret est communiqué au Ministre des affaires étrangères qui le notifie à l’agent diplomatique de l’État requérant accrédité au Maroc. Le décret est ensuite adressé au Ministre de l’intérieur pour notification à l’intéressé et exécution.

Si, dans le délai d’un mois à compter de la notification de cet acte, l’extradé n’a pas été reçu par les agents de l’État requérant, sans donner la moindre justification à ce retard, il est mis en liberté et ne peut plus être réclamé pour les mêmes faits (art.735, 736 et 736 du Code de procédure pénale).

125. La convention franco-marocaine

Une convention d’extradition a été signée entre le Royaume du Maroc et la République française le 18 avril 2011. Celle-ci prévoit que l’extradition est notamment refusée « lorsque la Partie requise a des raisons sérieuses de croire que la demande d’extradition motivée par une infraction de droit commun a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d’opinions politiques ou que la situation de cette personne risque d’être aggravée pour l’une ou l’autre de ces raisons ». Cette disposition est prévue à l’article 721 du Code de procédure pénale.

126.La convention d’extradition entre le Royaume du Maroc et la République française précise également les autres cas de refus d’extradition, à savoir lorsque la personne réclamée serait jugée dans la Partie requérante par un tribunal d’exception ; lorsque l’infraction pour laquelle l’extradition est demandée est considérée par la Partie requise comme une infraction exclusivement militaire ; lorsque la « personne réclamée » a fait l’objet dans la Partie requise d’un jugement définitif de condamnation, de relaxe ou d’acquittement, pour la ou les infractions à raison desquelles l’extradition est demandée ; lorsque l’action publique ou la peine sont prescrites ; ou lorsque la demande d’extradition se rapporte à l’exécution d’une peine résultant d’une décision judiciaire rendue par défaut à laquelle la personne réclamée n’a pas acquiescé et que son droit d’exercer le recours en opposition n’est pas garanti après l’extradition.

127.La convention prévoit en outre les cas suivants dans lesquels l’extradition peut être refusée :

Si la personne réclamée a fait l’objet, de la part de la Partie requise, de poursuites pour la ou les infractions à raison de laquelle l’extradition est demandée ou si les autorités judiciaires de la Partie requise ont décidé de ne pas engager de poursuites ou de mettre fin aux poursuites qu’elles ont exercées pour la ou les mêmes infractions ;

Si conformément à la législation de la Partie requise, il incombe à ses tribunaux de connaître de l’infraction pour laquelle elle a été demandée ;

Si la personne réclamée a fait l’objet d’un jugement définitif de condamnation, de relaxe ou d’acquittement dans un État tiers pour l’infraction ou les infractions à raison desquelles l’extradition est demandée ;

Si l’infraction motivant la demande d’extradition a été commise hors du territoire de la Partie requérante et que la législation de la Partie requise n’autorise pas la poursuite de la même infraction commise hors de son territoire ;

Pour des considérations humanitaires, si la remise de la personne réclamée est susceptible d’avoir pour elle des conséquences d’une gravité exceptionnelle, en raison de son âge ou de son état de santé.

128.La convention décrit en détail la procédure et les pièces qui accompagnent la demande d’extradition, notamment « un exposé des faits pour lesquels l’extradition est demandée, du lieu et de la date de leur perpétration, de leur qualification légale et des références aux dispositions légales qui leur sont applicables, indiqués le plus exactement possible » (par. 2 c de l’article 6 intitulé « Procédure d’extradition et pièces à produire »).

129.Le paragraphe 2 d dudit article 6 précise qu’il faut inclure « les textes des dispositions légales applicables à l’infraction ou aux infractions pour lesquelles l’extradition est demandée, les peines correspondantes et les délais de prescription. Lorsqu’il s’agit d’infractions commises hors du territoire de la Partie requérante, le texte des dispositions légales ou conventionnelles attribuant compétence à ladite Partie ».

130.En outre, la convention d’extradition traite de la règle de la spécialité, de la ré‑extradition vers un État tiers, de l’arrestation provisoire, du concours de requêtes, de la remise temporaire ou ajournée, du transit, des langues à employer et d’autres mesures procédurales. En ce qui concerne les relations avec d’autres accords, l’article 18 de ladite convention dispose que « [l]a présente Convention ne porte pas atteinte aux droits et engagements des Parties résultant de tout autre traité, convention ou accord ». Selon l’article 19, « [l]es Parties se consultent sur l’interprétation et l’application de la présente Convention par la voie diplomatique ».

131. La convention britannico-marocaine

Le 15 avril 2013, le Royaume du Maroc et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ont signé une convention d’extradition, dont l’article 6 précise les mesures à suivre et les pièces à fournir dans le cadre d’une demande d’extradition en disposant que « [o]utre les conditions énoncées au paragraphe 2 du présent article, la demande d’extradition concernant une personne qui a été condamnée pour une infraction pour laquelle l’extradition est demandée doit être accompagnée de ce qui suit :

Des documents indiquant que la personne réclamée est bien celle qui est visée par le verdict de culpabilité ;

Une copie du jugement ou du procès-verbal de condamnation ou, à défaut de copie, une déclaration d’une autorité judiciaire attestant que la personne a été condamnée ;

Une copie de la peine prononcée, si la personne recherchée a été condamnée, et une déclaration précisant les modalités d’exécution de la peine ; et

Dans le cas d’une personne condamnée par défaut, les engagements ou renseignements relatifs aux conditions prévues à l’article 13-1 g) ;

Les pièces accompagnant la demande d’extradition sont acceptées comme preuves dans la procédure d’extradition si elles sont authentifiées par le principal agent diplomatique ou consulaire de l’État requérant en poste dans l’État auquel est adressée la demande ou si elles sont certifiées conformes suivant les règles établies par la loi de ce dernier État.

132. La convention luso-marocaine

La convention d’extradition signée entre le Royaume du Maroc et la République portugaise, qui s’appuie sur le droit international des droits de l’homme et le droit international humanitaire, pourrait inspirer d’autres accords en matière pénale.

Définition des infractions politiques

La convention d’extradition définit les infractions qui ne revêtent pas un caractère politique en disposant que « lorsque, au regard du droit interne de la Partie requise, il s’agit d’une infraction politique ou connexe à une infraction politique. Aux fins de l’application de cet alinéa, ne sont pas considérées comme infractions politiques :

Le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et les infractions prévues par les Conventions de Genève de 1949 relatives au droit humanitaire;

Les faits mentionnés dans la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée le 17 décembre 1984 par l’Assemblée générale des Nations Unies ;

Les infractions prévues par les conventions multilatérales pour la prévention et la répression du terrorisme auxquelles les deux Parties sont ou seront parties, et par tout autre instrument pertinent des Nations Unies, notamment sa Déclaration sur les mesures visant à éliminer le terrorisme international.

133. Reconduite à la frontière

Cette procédure est régie par la loi no 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l’émigration et l’immigration irrégulières, dont l’article 21 dispose ce qui suit :

« La reconduite à la frontière peut être ordonnée par l’administration, par décision motivée, dans les cas suivants :

1)Si l’étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire marocain, à moins que sa situation n’ait été régularisée postérieurement à son entrée ;

2)Si l’étranger s’est maintenu sur le territoire marocain au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée au territoire marocain, sans être titulaire d’une carte d’immatriculation régulièrement délivrée ;

3)Si l’étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour a été refusé ou a été retiré, s’est maintenu sur le territoire marocain au-delà du délai de quinze jours, à compter de la date de notification du refus ou du retrait ;

4)Si l’étranger n’a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour et s’est maintenu sur le territoire marocain au-delà du délai de quinze jours, suivant l’expiration du titre du séjour ;

5)Si l’étranger a fait l’objet d’une condamnation par jugement définitif pour contrefaçon, falsification, établissement sous un autre nom que le sien ou pour défaut de titre de séjour ;

6)Si le récépissé de la demande de carte d’immatriculation qui avait été délivré à l’étranger lui a été retiré ;

7)Si l’étranger a fait l’objet d’un retrait de sa carte d’immatriculation ou de résidence, ou d’un refus de délivrance ou de renouvellement de l’une de ces deux cartes, dans les cas où ce retrait ou ce refus ont été prononcés, en application des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, en raison d’une menace à l’ordre public.

134. De l’expulsion

S’agissant de l’expulsion, l’article 25 de la même loi se lit comme suit :

« L’expulsion peut être prononcée par l’administration si la présence d’un étranger sur le territoire marocain constitue une menace grave pour l’ordre public sous réserve des dispositions de l’article 26 ci-dessous ;

La décision d’expulsion peut à tout moment être abrogée ou rapportée ».

135. De la non-expulsion

L’article 26 de ladite loi dispose que « [n]e peuvent faire l’objet d’une décision d’expulsion :

1)L’étranger qui justifie par tous moyens qu’il réside au Maroc habituellement depuis qu’il a atteint au plus l’âge de 6 ans ;

2)L’étranger qui justifie par tous moyens qu’il réside au Maroc habituellement depuis plus de quinze ans ;

3)L’étranger qui réside régulièrement sur le territoire marocain depuis dix ans, sauf s’il a été étudiant pendant toute cette période ;

4)L’étranger, marié depuis au moins un an, avec un conjoint marocain ;

5)L’étranger qui est père ou mère d’un enfant résidant au Maroc, qui a acquis la nationalité marocaine par le bienfait de la loi, en application des dispositions de l’article 9 du dahir no 1-58-250 du 21 safar 1378 (6 septembre 1958) précité, à condition qu’il exerce effectivement la tutelle légale à l’égard de cet enfant et qu’il subvienne à ses besoins ;

6)L’étranger résidant régulièrement au Maroc sous couvert de l’un des titres de séjour prévus par la présente loi ou les conventions internationales, qui n’a pas été condamné définitivement à une peine au moins égale à un an d’emprisonnement sans sursis ;

7)La femme étrangère enceinte ;

8)L’étranger mineur.

Aucune durée n’est exigée pour l’expulsion si la condamnation a pour objet une infraction relative à une entreprise en relation avec le terrorisme, aux mœurs ou aux stupéfiants ».

Article 15 : Coopération en matière de lutte contre les disparitions forcées

136.On ne dispose pas de données sur la coopération entre le Royaume du Maroc et un État partie à la Convention pour porter assistance aux victimes des disparitions forcées et pour rechercher, localiser et libérer les personnes portées disparues et, en cas de décès, pour exhumer leurs dépouilles, déterminer leur identité et les restituer.

137.Cependant et conformément aux Conventions de Genève de 1949 et à leurs Protocoles additionnels en vertu desquels le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) est chargé du suivi du dossier des Marocains disparus à l’intérieur des territoires marocain et algérien, le CNDH poursuit, depuis la création de l’IER et en coordination avec les pouvoirs publics, sa coopération avec le CICR afin de fournir les réponses et les documents nécessaires relatifs aux cas de disparition survenus dans le contexte du conflit armé dans les provinces du sud du Royaume et dont les autorités marocaines ont été saisies. Le CNDH a ainsi tenu avec le CICR 23 réunions au cours desquelles 427 cas de disparition liés au conflit susmentionné ont été examinés, ce qui a conduit à la classification suivante :

Sur 427 cas, 13 cas constituant des doublons ont été supprimés ;

4 cas de victimes qui sont encore en vie ;

121 civils morts en détention ;

123 soldats morts lors d’affrontements armés ;

165cas dans lesquels la source n’a pas fourni suffisamment de renseignements pour effectuer des recherches approfondies sur l’identité des personnes concernées.

138.En outre, les articles714 et 715 du Code de procédure pénale traitent de la commission rogatoire en matière pénale et en distinguent deux types : une commission rogatoire internationale délivrée par des magistrats marocains et une commission rogatoire internationale en provenance de l’étranger. Ainsi, le législateur a habilité les magistrats marocains à délivrer des commissions rogatoires à exécuter hors du territoire national et il a chargé le Ministre de la justice de les délivrer par la voie diplomatique, sauf accords contraires ou en cas d’urgence nécessitant de les adresser directement à l’autorité compétente pour exécution. Dans ce dernier cas, une copie de la commission rogatoire et les pièces à l’appui doivent être adressées, en même temps, au Ministre de la justice pour être transmises par la voie diplomatique. Par ailleurs, les commissions rogatoires provenant de l’étranger sont exécutées comme celles délivrées sur le territoire du Royaume et conformément à la loi marocaine. Le Ministre de la justice peut autoriser les représentants de l’autorité étrangère (juges d’instruction ou fonctionnaires de police judiciaire) à assister en qualité d’observateurs à l’exécution des commissions rogatoires.

139.Les commissions rogatoires en provenance de l’étranger sont délivrées par voie diplomatique mais en cas d’urgence, elles peuvent être adressées directement aux magistrats compétents. Dans ce dernier cas, les résultats ne seront communiqués à l’autorité requérante qu’après réception de la copie transmise par voie diplomatique. Dans tous les cas, les commissions rogatoires sont renvoyées aux autorités requérantes par la voie diplomatique. L’entraide dans le cadre de commissions rogatoires comprend notamment la recherche et l’identification de personnes; l’audition de personnes; la remise aux autorités judiciaires étrangères des personnes détenues en qualité de témoins; la remise des actes judiciaires; les inspections, les perquisitions et les saisies; la collecte des éléments de preuve; et la transmission des originaux ou copies certifiées conformes des dossiers et documents.

Articles 17 et 18 : Dispositions relatives à la privation de liberté et à l’exercice du contrôle des lieux de détention

140. Dispositions relatives à la privation de liberté

De l’interdiction de la détention secrète

La Constitution du Royaume du Maroc a posé les principes et les règles régissant la privation de liberté. Ainsi, son article23, comme indiqué précédemment dans la partieII consacrée au cadre juridique général, dispose que « [n]ul ne peut être arrêté, détenu, poursuivi ou condamné en dehors des cas et des formes prévus par la loi. La détention arbitraire ou secrète et la disparition forcée sont des crimes de la plus grande gravité et exposent leurs auteurs aux punitions les plus sévères. Toute personne détenue doit être informée immédiatement, d’une façon qui lui soit compréhensible, des motifs de sa détention et de ses droits, dont celui de garder le silence. Elle doit bénéficier, au plus tôt, d’une assistance juridique et de la possibilité de communication avec ses proches, conformément à la loi. Laprésomption d’innocence et le droit à un procès équitable sont garantis. Toute personne détenue jouit de droits fondamentaux et de conditions de détention humaines. Elle peut bénéficier de programmes de formation et de réinsertion ».

En outre, les articles608 à 611 du Code de procédure pénale précisent ce qui suit :

« Nul ne peut être privé de liberté qu’en vertu d’une décision émanant de l’autorité judiciaire ordonnant sa détention préventive ou en vertu de l’exécution d’une décision ayant acquis autorité de la chosée jugée prononçant à son encontre une condamnation à l’emprisonnement, la détention ou la contrainte par corps, sous réserve des dispositions des articles 66 et 80 relatives à la garde à vue. La détention ne peut avoir lieu que dans des institutions pénitentiaires relevant du Ministère de la justice ;

Toute mise sous écrou en vertu de l’un des titres de détention prévus à l’article608 entraîne la constitution d’un dossier pour chaque détenu, que l’exécution du titre ait été effectuée par la force publique ou que l’intéressé s’est présenté de lui-même à l’établissement pénitentiaire pour y être incarcéré ;

Toute personne chargée de l’exécution d’un mandat de dépôt doit se conformer aux procédures prévues à l’article 15-2 de la loi no 98-23 relative à l’organisation et au fonctionnement des établissements pénitentiaires ;

Nul régisseur de prison ne peut, sous peine de se rendre coupable de détention arbitraire, recevoir ni détenir aucune personne qu’en vertu de l’un des titres de détention prévus à l’article 608 ci-dessus et après avoir inscrit ce document sur le registre d’écrou prévu à l’article 13 de la loi no 98-23 mentionnée à l’article précédent. ».

Dispositions relatives à la garde à vue

En ce qui concerne la décision de placement en garde à vue, le législateur marocain distingue le cas d’infractions flagrantes et celui d’infractions non flagrantes. Dans le premier cas, la personne est placée en garde à vue par l’officier de police judiciaire, qui doit en informer le parquet compétent, et dans le second cas, l’officier ne peut placer la personne en garde à vue qu’avec l’autorisation du parquet compétent.

Ainsi, selon l’article66 du Code de procédure pénale, « [s]i pour les nécessités de l’enquête, l’officier de police judiciaire est amené à garder à sa disposition une ou plusieurs des personnes visées à l’article65 ci-dessus, il ne peut les retenir plus de quarante‑huit heures à compter de l’heure où elles ont été arrêtées. Ensuite, notification en est faite au parquet général ».

Quant aux cas de non flagrance, l’article 80 dudit Code précise qu’« [e]n cas de crime ou de délit punissable d’une peine d’emprisonnement, si, pour les nécessités de l’enquête, l’officier de police judiciaire a besoin de garder une personne à sa disposition, il peut placer cette personne en garde à vue pour une durée maximale de quarante-huit heures, avec l’autorisation du ministère public. Il doit présenter la personne gardée à vue au Procureur du Roi ou au Procureur général du Roi avant l’expiration de ce délai. ».

Restrictions et contrôles en matière de garde à vue

L’officier de police judiciaire doit mentionner sur le procès-verbal d’audition de toute personne gardée à vue, le jour et l’heure à partir desquels elle a été gardée à vue ainsi que le jour et l’heure à partir desquels elle a été soit libérée, soit déférée devant le magistrat compétent.

Ces mentions doivent être spécialement émargées par la personne gardée à vue et, en cas de refus ou d’impossibilité d’émarger, il en est fait mention avec indication du motif.

Des données similaires doivent figurer dans le registre prévu à l’article précédent.

L’officier de police judiciaire prévient les proches de la personne retenue, dès qu’il est décidé de la placer en garde à vue par tout moyen, et il en fait mention dans le procès-verbal. Il est tenu de communiquer quotidiennement au ministère public la liste des personnes qui ont été placées en garde à vue au cours des dernières vingt-quatre heures.

Les garanties dont bénéficient les personnes gardées à vue

i.Le droit de garder le silence

« L’officier de police judiciaire informe immédiatement toute personne arrêtée ou placée en garde à vue, d’une façon qui lui soit compréhensible, des motifs de sa détention et de ses droits, dont celui de garder le silence. »

ii.Contact avec les proches et assistance judiciaire

« La personne arrêtée ou gardée à vue a le droit de bénéficier de l’assistance judiciaire et de la possibilité de contacter un de ses proches, et a le droit de désigner un conseil ainsi que le droit de demander sa désignation dans le cadre de la cadre de l’aide juridictionnelle. »

iii.La relation avec l’avocat

« La police judiciaire avise immédiatement l’avocat désigné et en informe le bâtonnier. Si l’intéressé demande la désignation d’un avocat dans le cadre de l’aide juridictionnelle, la police judiciaire en avise immédiatement le bâtonnier à qui incombe le choix de l’avocat. »

« À titre exceptionnel, sur demande de l’officier de police judiciaire, le représentant du ministère public peut, chaque fois qu’il s’agit d’un crime, autoriser le report du contact entre l’avocat et son client, à condition que ce report n’excède pas douze heures à compter de l’expiration de la moitié de la durée initiale de la garde à vue. »

« Toutefois, dans le cas d’une infraction terroriste ou d’infractions visées à l’article 108 du présent Code, le contact avec l’avocat intervient avant l’expiration de la durée initiale de la garde à vue. » (Les infractions visées à l’article 108 incluent notamment le meurtre, l’empoisonnement, l’enlèvement, la prise d’otage et le faux-monnayage.)

« Sous réserve de l’autorisation du procureur, l’avocat peut communiquer pendant trente minutes au plus avec la personne gardée à vue, sous la surveillance de l’officier de police judiciaire et dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l’entretien. »

« Toutefois si, en raison de la distance, il est difficile d’obtenir l’autorisation du Procureur, l’officier de police judiciaire peut, à titre exceptionnel, autoriser l’avocat à communiquer avec la personne gardée à vue, à condition que le ministère public en soit informé dans les meilleurs délais. »

iv.Le report du contact avec l’avocat

« À titre exceptionnel, sur demande de l’officier de police judiciaire, le procureur peut, au cas où les besoins de l’enquête l’exigent et chaque fois qu’il s’agit d’une infraction terroriste ou d’infractions visées à l’article 108 du présent Code, autoriser le report du contact entre l’avocat et son client, à condition que ce report n’excède pas douze heures à compter de l’expiration de la moitié de la durée initiale de la garde à vue. »

v.Documents et observations présentés par l’avocat

« L’avocat autorisé à communiquer avec la personne placée en garde à vue peut, pendant la prolongation de cette dernière adresser des documents et des observations écrites contre reçu à la police et au ministère public afin de les inclure dans le procès-verbal. »

vi.Registres de garde à vue et droits de la personne retenue

« Un registre côté et paraphé par le procureur de la République est tenu dans tous les lieux dans lesquels une personne est susceptible d’être placée en garde à vue.

L’identité de la personne placée en garde à vue, les motifs de cette dernière, l’heure à laquelle elle a débuté et celle à laquelle elle a pris fin, la durée de l’interrogatoire, les périodes de repos, l’état physique et de santé de la personne arrêtée et l’alimentation qui lui est fournie sont mentionnés dans ce registre.

La personne gardée à vue et l’officier de police judiciaire doivent signer ce registre dès la fin de la garde à vue. Si la personne gardée à vue est incapable de signer ou d’apposer son empreinte digitale ou s’abstient de le faire, mention en est faite dans le registre.

Le registre est présenté au procureur du Roi pour information et contrôle. Il le paraphe au moins une fois par mois.

Le procureur contrôle les conditions de la garde à vue. Il peut ordonner à tout moment qu’il y soit mis fin ou la comparution du gardé à vue devant lui. »

141. Contrôle des lieux de détention

En vertu de la loi, de nombreuses instances sont chargées des contrôles dans les lieux de privation de liberté afin de vérifier dans quelle mesure la législation en vigueur y est respectée dans la pratique. Ce contrôle, qu’il soit administratif, judiciaire ou exercé par des institutions nationales indépendantes, permet de constater les éventuels dysfonctionnements dans les établissements de privation de liberté.

A.Contrôle administratif

Avant la promulgation le 25août 1999 de la loi no23-98 relative à l’organisation et au fonctionnement des établissements pénitentiaires, qui constitue une révolution juridique en la matière, le fonctionnement des établissements pénitentiaires était régi depuis des décennies par les lois datant de l’époque coloniale (textes de 1915, 1930 et 1945).

Les attributions et l’organisation de la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion sont fixées par le décret no 2/9/722 du 21 mai 2009. Outre l’exécution des décisions judiciaires et la mise en œuvre de la politique gouvernementale en matière de sécurité des détenus, d’action sociale et culturelle et de structures et équipements connexes, ladite délégation a pour mission de mener des recherches et études sur le milieu carcéral et de proposer des modifications aux textes législatifs et réglementaires en vigueur afin de répondre aux exigences changeantes de la justice et de les rendre compatibles avec les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et à l’organisation des institutions carcérales. L’Administration centrale de la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion comprend une Inspection générale qui relève directement du Délégué général à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion.

L’Inspection générale, qui relève directement du Délégué général à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion, est chargée de l’informer de l’état d’avancement des services centralisés et déconcentrés et du centre de formation des personnels, d’examiner toute demande qui lui est confiée et d’effectuer d’après ses instructions, tous les travaux d’inspection, de recherche et d’étude.

Par ailleurs, l’article620 du Code de procédure pénale dispose qu’« [a]u niveau de chaque Wilaya, préfecture ou province, une commission de surveillance chargée notamment de veiller à la santé, à la sécurité, à la prévention des maladies, au régime alimentaire des détenus et à leurs conditions de vie, ainsi qu’à leur rééducation et réinsertion après leur libération en vue d’une meilleure adaptation sociale. Cettecommission est présidée par le wali, le gouverneur ou son délégué. Il est assisté du président du tribunal de première instance, du procureur du Roi près de ce tribunal, du juge d’application des peines, du représentant de l’autorité chargée de la santé, du président du Conseil régional, du président de la commune où se trouve l’établissement, des représentants des secteurs de l’éducation nationale, des affaires sociales, de la jeunesse et des sports et de la formation professionnelle. La commission comprend également des membres bénévoles, désignés par le Ministre de la justice parmi les membres d’associations ou parmi des personnalités connues pour l’intérêt qu’elles portent au sort des condamnés ».

L’article 621 dudit Code prévoit que « [l]a commission prévue à l’article précédent est habilitée à visiter les établissements pénitentiaires se trouvant sur le territoire de la wilaya, de la préfecture ou de la province. Elle soumet au Ministre de la justice les observations ou les critiques qu’elle croit devoir formuler, signale les abus à faire cesser et propose les améliorations à apporter.

Elle peut également recommander à la commission des grâces les détenus dignes d’être graciés. Elle ne peut en aucun cas se substituer aux autorités.

La commission est également habilitée à visiter les institutions pour mineurs délinquants mentionnées aux articles471 et 481. À cet effet, elle comprend également un juge des mineurs près le tribunal de première instance, des représentants des secteurs publics en charge de l’enfance. Elle peut également s’adjoindre des membres bénévoles désignés par le Ministre de la justice parmi les membres d’associations ou les personnalités connues pour l’intérêt qu’elles portent à la prise en charge et à la protection de l’enfance.

La commission soumet au Ministre de la justice les observations et critiques auxquelles il est fait mention au premier paragraphe du présent article. ».

B.Inspection judiciaire

Le législateur marocain a confié aux autorités judiciaires compétentes le mandat d’inspecter les lieux de privation de liberté et de veiller à ce que les personnes privées de liberté jouissent des garanties légales sanctionnées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Ces lieux comprennent les établissements pénitentiaires, les locaux de garde à vue, les établissements psychiatriques et les centres de détention pour mineurs. La loi considère la visite de ces lieux comme un mécanisme efficace de contrôle et de prévention pour encadrer juridiquement la privation de liberté, vérifier sa légalité et humaniser les conditions de détention. Elle fixe en outre des délais minimaux pour les visites qui doivent être effectuées de manière régulière et inopinée dans les établissements concernés, et ce comme suit :

S’agissant des locaux de police judiciaire où des personnes sont gardées à vue, le ministère public les visite au moins deux fois par mois, et à chaque fois que le procureur du Roi le juge nécessaire, veille au respect des procédures et des délais de la garde à vue, s’assure de l’application des mesures garantissant l’humanisation des conditions de détention et contrôle la légalité de la garde à vue et les registres y afférents (alinéas 4 et 5 de l’article 45 du Code de procédure pénale) ;

Quant aux établissements pénitentiaires, l’article 249 dudit Code dispose que le Président de la Chambre pénale ou son délégué visite les établissements pénitentiaires du ressort de la Cour d’appel au moins une fois tous les trois mois pour s’enquérir de la situation des inculpés placés en détention provisoire. L’article 616 dudit Code fait également obligation au juge de l’application des peines et au procureur du Roi ou à l’un de ses substituts de vérifier les conditions de détention des prisonniers au moins une fois par mois, le juge de l’application des peines étant chargé de dresser pour toute inspection un procès-verbal qu’il transmet immédiatement au Ministre de la justice ;

Le pouvoir judiciaire attache une grande importance au mécanisme de visite des lieux de privation de liberté. Cela se reflète dans les instructions écrites adressées aux magistrats concernant l’exécution des visites dans les établissements de privation de liberté, ainsi que dans le nombre de visites, qui a évolué au cours des dernières années comme indiqué dans le tableau ci-après :

Visites

2017

2018

2019

Locaux de garde à vue

18 253

19 249

22 540

Établissements pénitentiaires

249

844

937

Établissements psychiatriques

69

120

147

142. Contrôle effectué par le Conseil national des droits de l’homme

Le Conseil national des droits de l’homme, en tant qu’institution nationale créée conformément aux Principes de Paris, joue un rôle important dans le contrôle et la surveillance des conditions de détention. En 2013, le CNDH a publié un rapport intitulé « La crise dans les prisons, une responsabilité commune : 100 recommandations pour la protection des droits des prisonnières et des prisonniers ». Par ailleurs, la loi relative à la réorganisation dudit Conseil a renfoncé ses compétences en matière d’inspection des lieux de détention et des établissements pénitentiaires, de surveillance des conditions et du traitement des détenus, et de contrôle des centres de protection et de réinsertion des mineurs, des institutions de protection sociale, des hôpitaux psychiatriques et des lieux de rétention des étrangers en situation irrégulière.

Article 19 : Protection des données à caractère personnel

143.L’Instance Équité et Réconciliation a recommandé de prendre des dispositions juridiques concernant la conservation, la coordination et l’utilisation des archives, ainsi que les sanctions applicables. Elle a également recommandé que l’intégralité de ses archives, y compris tout ce qui concerne les disparitions forcées survenues entre 1956 et 1999, soient renvoyées au CCDH pour les organiser et déterminer les modalités et les conditions d’y accéder. Il convient également de rappeler que l’IER est la première institution publique qui s’est occupée, du point de vue des droits de l’homme, de la question de l’exhumation des dépouilles et de l’utilisation de l’expertise scientifique dans le domaine de la médecine légale et de l’analyse génétique.

144.L’article 24-1 de la Constitution dispose que « [t]oute personne a droit à la protection de sa vie privée », tandis que son article 27-2 prévoit que « [l]e droit à l’information ne peut être limité que par la loi, dans le but d’assurer la protection de tout ce qui concerne la défense nationale, la sûreté intérieure et extérieure de l’État, ainsi que la vie privée des personnes, de prévenir l’atteinte aux droits et libertés énoncés dans la présente Constitution et de protéger des sources et des domaines expressément déterminés par la loi ».

145.Dans la lignée des résultats obtenus dans le cadre de la justice transitionnelle et de la dynamique qu’elle a initiée en matière de promotion des droits humains, le législateur a promulgué en 2009 la première loi du genre relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel. Cette loi prévoit certaines définitions de référence en son article 1er, dont le libellé se comme suit :

« Données à caractère personnel » : toute information, de quelque nature qu’elle soit et indépendamment de son support, y compris le son et l’image, concernant une personne physique identifiée ou identifiable, dénommée ci-après « personne concernée » ;

Est réputée identifiable une personne qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments spécifiques de son identité physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale ;

« Données sensibles » : données à caractère personnel qui révèlent l’origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l’appartenance syndicale de la personne concernée ou qui sont relatives à sa santé, y compris ses données génétiques » ;

« Responsable du traitement » : la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou tout autre organisme qui, seul ou conjointement avec d’autres, détermine les finalités et les moyens du traitement de données à caractère personnel. Lorsque les finalités et les moyens du traitement sont déterminés par des dispositions législatives ou réglementaires, le responsable du traitement doit être indiqué dans la loi d’organisation et de fonctionnement ou dans le statut de l’entité légalement ou statutairement compétente pour traiter les données à caractère personnel en cause ;

« Consentement de la personne concernée » : toute manifestation de volonté, libre, spécifique et informée, par laquelle la personne concernée accepte que les données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement.

146.En matière de traitement et de consentement de la personne concernée, l’article 4 de ladite loi précise ce qui suit :

Le traitement des données, à caractère personnel ne peut être effectué que si la personne concernée a indubitablement donné son consentement à l’opération ou à l’ensemble des opérations envisagées ;

Les données à caractère personnel objet du traitement ne peuvent être communiquées à un tiers que pour la réalisation de fins, directement liées aux fonctions du cédant et du cessionnaire et sous réserve du consentement du préalable, de la personne concernée ;

Toutefois, ce consentement n’est pas exigé si le traitement est nécessaire :

Au respect d’une obligation légale à laquelle est soumis(e) la personne concernée ou le responsable du traitement ;

À l’exécution d’un contrat auquel la personne concernée, est partie ou à l’exécution de mesures précontractuelles prises à la demande de celle-ci ;

À la sauvegarde d’intérêts vitaux de la personne concernée, si elle est physiquement ou juridiquement dans l’incapacité de donner son consentement;

À l’exécution d’une mission d’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité publique, dont est investi le responsable du traitement ou le tiers auquel les données sont communiquées ;

À la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le destinataire, sous réserve de ne pas méconnaître l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée.

147.Par ailleurs, le traitement des données est soumis à une autorisation préalable, conformément à l’article 21 de la loi précitée selon lequel :

Le traitement des données sensibles est subordonné à une autorisation de la loi qui en fixe les conditions. À défaut, il doit être autorisé par la Commission nationale ;

Cette autorisation est accordée au vu du consentement exprès de la personne concernée ou lorsque le traitement des données est indispensable à l’exercice des fonctions légales ou statutaires du responsable du traitement ;

Outre l’ordre de la loi, le consentement exprès de la personne concernée ou l’obligation légale ou statutaire du responsable, l’autorisation préalable de la Commission nationale peut également être accordée dans les cas où :

1)Le traitement est nécessaire à la défense d’intérêts vitaux de la personne concernée ou d’une autre personne et si la personne concernée se trouve dans l’incapacité physique ou juridique de donner son consentement ;

2)Le traitement porte sur des données manifestement rendues publiques par la personne concernée et que son consentement au traitement des données peut légitimement être déduit de ses déclarations ;

3)Le traitement est nécessaire à la reconnaissance, l’exercice ou la défense d’un droit en justice et est effectué exclusivement à cette fin.

148.Les articles23 à 26 portent sur les obligations de confidentialité et de sécurité des traitements et de secret professionnel, tandis que les articles43 et 44 régissent le transfert de données vers un pays étranger. Quant aux articles51 à 62, ils traitent des sanctions pénales prévues par la loi.

Articles 20 et 22 : Contact avec le monde extérieur pendant la détention avant jugement et l’exécution de la peine

149.Dans la réponse donnée aux articles 17 et 18 de la convention concernant la garde à vue, il a été fait mention du droit du gardé à vue de communiquer avec ses proches et son conseil, ainsi que du droit de l’avocat d’adresser des documents et des observations écrites contre reçu à la police judiciaire ou au ministère public pendant la garde à vue, afin de les inclure dans le procès-verbal. Quant aux droits dont bénéficie le détenu pendant l’enquête judiciaire et l’exécution de la peine, ils sont précisés dans les paragraphes qui suivent.

150.La loi no 23-98 relative à l’organisation et au fonctionnement des établissements pénitentiaires prévoit des dispositions explicites régissant les relations des détenus avec l’extérieur, notamment en ce qui concerne les visites et la gestion des biens et des droits culturels.

Des relations des détenus avec l’extérie ur

En vue de faciliter la réinsertion familiale des détenus à leur libération, une attention particulière doit être portée au maintien et à l’amélioration de leurs relations familiales, pour autant que celles-ci paraissent souhaitables dans l’intérêt des uns et autres. (art. 74).

Des visites

Les détenus ont le droit de recevoir les membres de leur famille et leurs tuteurs.

Les visites sont organisées par le directeur de l’établissement, sauf si les détenus font l’objet d’une mise à l’isolement ordonnée par le magistrat chargé de l’instruction.

Toute autre personne peut être autorisée à rendre visite à un détenu, dans la mesure où cela ne nuit pas à la sécurité et au bon ordre de l’établissement, et apparaît favorable au traitement du détenu.

Le directeur de l’établissement peut déterminer, pour un détenu, la fréquence des visites ainsi que le nombre des visiteurs.

Sous réserve de garantie suffisante de sécurité, les directeurs des établissements pénitentiaires peuvent autoriser les visites dans un local spécial, en leur présence ou en présence d’un agent désigné par eux (art. 75).

Les visites se déroulent dans un parloir sans dispositif de séparation ou, en cas d’impossibilité, dans un local comportant un dispositif permettant la séparation des détenus de leurs interlocuteurs, sans pour autant les empêcher de se voir.

Le directeur de l’établissement peut toujours décider que les visites auront lieu dans un parloir avec dispositif de séparation dans les cas suivants :

a)S’il existe des raisons graves de redouter un incident ;

b)En cas d’incident au cours de la visite ;

c)À la demande du visiteur ou du détenu.

Pour les détenus malades qui ne sont pas en état de se déplacer, la visite peut avoir lieu exceptionnellement à l’infirmerie (art. 76).

Des visites des avocats

Les avocats communiquent avec les détenus soumis à la détention préventive, en vertu d’un permis délivré par l’autorité chargée de l’instruction ou par le ministère public compétent.

Les avocats sont autorisés à communiquer avec les condamnés en vertu d’un permis délivré par le procureur du Roi du lieu où se situe l’établissement pénitentiaire.

La communication s’effectue librement, dans un local aménagé à cette fin (art. 80).

La faculté de communiquer librement avec l’avocat ne peut être restreinte ou supprimée ni par l’interdiction de communiquer prononcée par le magistrat saisi du dossier de l’information, ni par des mesures disciplinaires de quelque nature qu’elles soient (art. 81).

Du traitement des étrangers

Les étrangers en instance d’extradition sont traités comme des détenus soumis à la détention préventive. Leurs avocats communiquent avec eux en vertu d’un permis de visite délivré par le procureur du Roi du lieu où se situe l’établissement pénitentiaire (art. 82).

Des doléances des détenus

Les détenus ont le droit de présenter leurs doléances, verbalement ou par écrit au directeur de l’établissement, au directeur de l’administration pénitentiaire, aux autorités judiciaires ou à la commission provinciale de contrôle prévue par le code de procédure pénale.

Les détenus peuvent demander à être entendus par les autorités administratives et judiciaires, à l’occasion des visites ou inspections. Les audiences qui leurs sont accordées ont lieu sous surveillance visuelle d’un membre du personnel de l’établissement mais hors portée de voix, sauf si ces autorités décident de se passer de cette surveillance.

Les requêtes doivent être examinées et recevoir la suite appropriée (art. 98).

De la gestion des biens

Le détenu conserve la gestion de ses biens extérieurs ; il a le droit de disposer des fonds inscrits à son compte nominatif avec possibilité de les envoyer à l’extérieur de l’établissement, dans la limite de sa capacité civile, sauf si ses biens et ses fonds font l’objet d’une confiscation ou saisie judiciaire.

Lorsqu’il s’agit d’un détenu soumis à la détention préventive, la gestion de ses fonds ou leur transfert à l’extérieur de l’établissement, sont soumis à l’autorisation de l’autorité judiciaire saisie de l’affaire.

Pour ses besoins personnels à l’intérieur de l’établissement, le détenu ne peut disposer de son compte nominatif que dans les limites fixées par l’administration pénitentiaire.

Toutefois, la gestion des biens extérieurs ne peut s’effectuer que par un mandataire qui doit être étranger à l’administration pénitentiaire (art. 102).

Des droits culturels

Le droit à la création artistique et intellectuelle est garanti à tous les détenus (art. 121).

Tout détenu a le droit de se faire livrer à ses frais, des journaux, revues et livres, sous réserve du contrôle en vigueur (art. 122).

151.La réponse donnée lors de la discussion de l’article6 de la Convention décrit en détail les peines et sanctions dont sont passibles les fonctionnaires, responsables ou surveillants pénitentiaires qui commettent des violations ou se rendent coupables d’autres formes d’abus et de pratiques arbitraires.

Article 21 : De l’exécution des peines − De la libération conditionnelle

152.Le Code de procédure pénale contient des dispositions qui régissent l’exécution des peines et la libération conditionnelle, tandis que la loi relative à l’organisation et au fonctionnement des établissements pénitentiaires prévoit des dispositions spécifiques à la libération.

De la libération et de la sortie définitive de prison

« Le directeur de l’établissement pénitentiaire est tenu de libérer les personnes détenues provisoirement dont la libération a été ordonnée par l’autorité judiciaire compétente, ainsi que les détenus ou les contraignables par corps, qui ont purgé les peines prononcées à leur encontre, à moins que leur maintien en détention n’ait été ordonné.

La levée d’écrou de la personne mise sous écrou fait l’objet, dans l’établissement pénitentiaire concernée, d’une mention dans le dossier de cette personne, à sa libération ou à sa sortie définitive dudit établissement pour quelque motif que ce soit, ce motif devant être porté sur le titre de détention et le dossier du détenu dans lesquels sont également indiqués le jour et l’heure à partir desquels elle a été détenue et libérée. » (art. 614 du Code de procédure pénale).

De la libération conditionnelle et des modalités de son application

Lorsqu’il a donné des gages suffisants d’amendement, tout condamné à une peine privative de liberté pour crime ou délit peut bénéficier d’une libération conditionnelle s’il se trouve dans l’un des cas suivants :

Il a été condamné pour un délit pour lequel il a purgé une peine d’emprisonnement effective au moins égale à la moitié de la peine prononcée ;

Il a été condamné à une peine pénale ou à une peine délictuelle pour des faits qualifiés de délictueux ou pour un délit dépassant la moitié de la peine maximale prévue de cinq ans d’emprisonnement, pour laquelle il a purgé une peine d’emprisonnement effective au moins égale aux deux tiers de la peine prononcée.

S’il s’agit d’un relégué, la durée de la détention effective ne peut être inférieure à trois années à compter du jour où la mesure de relégation a pris effet (art. 622 du Code de procédure pénale).

Des demandes de libération conditionnelle

Le dossier de libération conditionnelle est constitué soit d’office, soit sur la demande de l’intéressé ou de sa famille, soit sur instruction du Ministre de la justice ou du directeur de l’administration pénitentiaire ou à l’initiative du juge de l’application des peines, par le chef de l’établissement pénitentiaire où le condamné purge sa peine.

Le dossier comportant l’avis motivé du chef de cet établissement est adressé par ce dernier au directeur de l’administration pénitentiaire et de la réinsertion.(art. 625 dudit Code).

Entre 2016 et 2020, la Commission de libération conditionnelle a enregistré un nombre record de demandes de libération conditionnelle, avec 2 404 dossiers reçus, dont 97 ont été traités.

De la restitution des effets personnel s le jour de la libération

Au moment de sa libération, chaque détenu reçoit les sommes résultantes de la liquidation de son compte nominatif et en donne décharge. Éventuellement, lui sont également remises les pièces justifiant du paiement des condamnations pécuniaires.

Les bijoux, objets, vêtements et effets personnels sont remis au détenu qui en donne décharge. Si l’intéressé refuse expressément de les recevoir, il en est fait remise à l’administration des domaines (art. 111 de la loi no 23-98 relative à l’organisation et au fonctionnement des établissements pénitentiaires).

Article 23 : Programmes de formation des responsables de l’application des lois

153.La formation des responsables de l’application des lois en matière de droits de l’homme revêt une importance croissante dans le travail des institutions et des secteurs concernés afin de donner effet aux résultats obtenus dans le cadre de la justice transitionnelle, aux dispositions de la Constitution et aux obligations qui en découlent pour le Royaume du Maroc.

154.Lorsqu’il s’est rendu au Maroc en juin 2009, le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires a effectué des visites de terrain à l’Institut Royal de la Police et des centres similaires de la Gendarmerie royale. Le Groupe de travail a examiné de nouveaux modèles de formation et des formes de collaboration et de partenariat avec le Conseil national des droits de l’homme et la Délégation interministérielle chargée des droits de l’homme. Il a également reçu des données sur la qualité du matériel de référence et du matériel tactique et pédagogique dans le domaine des droits de l’homme.

155.Il convient de préciser qu’en plus du droit international humanitaire et du droit des conflits armés, les écoles et centres de formation de la Gendarmerie royale ont adopté divers programmes de formation en matière de droits de l’homme, dont les plus importants portent sur les droits de la femme, les droits de l’enfant et le mécanisme national de prévention de la torture. Ces programmes abordent également le cadre normatif et les modèles d’études de cas. Entre 2018 et 2019, environ 17 883 officiers et sous-officiers ont bénéficié de ces programmes.

156.Tout au long des années 2014 et 2016, les provinces du sud du Royaume ont bénéficié du plus grand programme de formation sur « la sécurité et les droits de l’homme », et ce dans le cadre d’un partenariat et d’une collaboration entre le Ministère de l’intérieur, la Direction générale de la sûreté nationale, le Conseil national des droits de l’homme, la Délégation interministérielle aux droits de l’homme et le Centre Annakhil des Études, de Formation et de Médiation − centre d’études spécialisé qui a été dirigé par deux anciens membres de l’IER.

157.La première phase du programme, s’étendant de mars à juin 2014, a été consacrée à sa mise en œuvre au niveau central, ce qui a permis aux hauts fonctionnaires de la Direction générale de la sûreté nationale et les professeurs de l’Institut de police royale de Kénitra d’en bénéficier.

158.Lors de la deuxième phase, s’étalant entre juillet et septembre 2014, un avant-projet de référentiel didactique a été élaboré à partir des recherches individuelles effectuées par les personnes ayant participé à la première phase.

159.Lors de la troisième phase, 530participants issus des provinces du sud du Royaume et représentant tous les grades, notamment le préfet de police, les chefs divisionnaires, les commissaires centraux, les chefs de services, les officiers, les inspecteurs, les brigadiers et les gardiens de la paix, ont bénéficié du programme, qui a porté sur plusieurs sujets, notamment les Renseignements Généraux, les forces de maintien de l’ordre, la police judiciaire, les services de police municipale, les forces d’intervention rapide, le service de l’environnement.

160.Outre la participation qualitative des femmes cadres qui a atteint 90 %, le programme, dans sa phase allant du 1er janvier à fin juin 2015, s’est distingué par sa couverture de toutes les villes des provinces du sud, à savoir Smara, Laâyoune, Tan-Tan, Guelmim et Tata, puis retour à Laâyoune, Boujdour, et enfin Dakhla. Il convient de préciser que la session de formation organisée le 15 avril 2015 à Laâyoune a été marquée par la présence d’une délégation du Haut-Commissariat aux droits de l’homme. En outre, lors de la quatrième phase du programme menée de mars à juillet 2016, un groupe restreint de bénéficiaires sélectionnés au cours de la troisième phase a bénéficié d’une formation spéciale, qui avait abouti à la réalisation d’études individuelles et à la sélection d’une équipe candidate pour une formation générale.

161.Ce programme de formation a été dans toutes ses phases un remarquable succès grâce à des ateliers au cours desquels ont été analysés des documents onusiens d’une importance primordiale dans le travail des forces de sécurité, notamment les rapports des rapporteurs spéciaux sur la torture, la détention arbitraire et les droits culturels, les rapports issus de l’Examen périodique universel et ceux de l’Assemblée générale des Nations Unies et du Conseil de sécurité.

162.Un groupe de travail solide composé de fonctionnaires compétents ayant une grande expérience en droit et en droits de l’homme a contribué à la mise en œuvre de ce programme. Une équipe a été en outre constituée pour recevoir une formation générale et élaborer un guide de référence sur « la sécurité et les droits de l’homme », qui compte 375 pages et dont 60 % du contenu a été élaboré par les fonctionnaires participants. Il s’agit du premier guide de ce genre dans l’histoire de l’appareil sécuritaire et de celle des connaissances juridiques en la matière. Il a été adopté par la Direction générale de la sûreté nationale comme document de formation en matière de droits de l’homme.

163.Concurremment à la mise en œuvre du programme de formation, la Direction générale de la sûreté nationale a publié des notes explicatives dont les plus importantes sont :

Note no8360 du 27octobre 2015 sur les mesures préventives à observer lors de la garde à vue ou du placement sous surveillance relative à l’arrestation et au placement de personnes en garde à vue ou sous surveillance, actualisée par la note no21247 du 22décembre 2018 relative au dossier de l’état de santé physique des personnes détenues ;

Note no 2895 du 24 avril 2015 sur le renforcement des mécanismes de prévention de la torture et autres traitements humiliants ou dégradants ;

Note no 1425 du 5 mars 2015 relative à l’assistance aux victimes et aux témoins, actualisée par la note no 7217 du 1er mai 2018 relative à la protection des victimes, témoins, experts et dénonciateurs.

164.En décembre 2019, un programme stratégique et global a été lancé pour renforcer les capacités des magistrats en matière de droits de l’homme, notamment en familiarisant les procureurs et les juges aux normes internationales relatives aux droits de l’homme. L’encadrement de ce programme, mis en œuvre avec l’appui du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne, a été assuré par plus de 28 experts, dont 9 experts internationaux membres d’organes de traités, des experts du Conseil de l’Europe et de la Cour africaine des droits de l’homme, et d’anciens experts des mécanismes des procédures spéciales.

165.Le programme comprend deux volets. Le premier volet est consacré à l’initiation aux normes internationales relatives aux droits de l’homme par le biais d’un examen des conventions internationales, des fonctions et pouvoirs des organes conventionnels et d’autres mécanismes des Nations Unies, tels que les procédures spéciales et l’Examen périodique universel. La première partie du programme comprend deux sessions sur le thème des disparitions forcées : la première session traite de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en définissant les principes et obligations reconnus par ladite Convention, ainsi que les fonctions et pouvoirs du comité chargé de suivre sa mise en œuvre, tandis que la seconde porte sur le Groupe de travail sur les disparitions forcées et aborde les principaux droits auxquels il est porté atteinte lors d’une disparition forcée, le rôle du pouvoir judiciaire dans l’obtention de réparations au niveau national, ainsi que le mandat du Groupe de travail, ses méthodes de travail et les pouvoirs dont il est investi pour examiner les communications individuelles qui lui sont présentées.

166.La seconde partie du programme est axée sur la spécialisation et vise à approfondir les connaissances des magistrats sur les normes internationales des droits de l’homme et à les relier à leurs spécialisations respectives et tâches quotidiennes. Parmi les sujets les plus importants abordés figurent :

La protection du droit à la vie et la prévention des disparitions forcées;

La prévention de la torture et des mauvais traitements;

Le droit de l’individu à la sécurité de sa personne et à la protection contre les arrestations arbitraires et les normes relatives à la protection des personnes privées de liberté ;

Le droit à un procès équitable.

Le programme comprend également une formation spéciale en matière de protection du droit à la vie et de prévention des disparitions forcées, laquelle traite de questions liées aux normes internationales relatives aux droits de l’homme et aux voies de recours internationales, régionales et nationales.

167.Jusqu’en juillet 2021, 672 participants, dont 380 magistrats du parquet, 93 magistrats du siège, 110 cadres et fonctionnaires de la Présidence du ministère public, 13 cadres et fonctionnaires du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, 11 cadres et fonctionnaires du Conseil national des droits de l’homme, 23 officiers de police judiciaire de la Sûreté nationale, 22 officiers de la Gendarmerie royale, 8 fonctionnaires de la Délégation générale à l’administration pénitentiaire, 4 fonctionnaires du Ministère de la justice, 4 fonctionnaires de la Rabita Mohammedia des Oulémas et 4 représentants d’organisations internationales, ont bénéficié de ce programme.

Article 24 : De l’action civile − réparation des préjudices

Dans le cadre du présent article, la réparation des préjudices est abordée sous deux angles distincts, à savoir celui de la procédure pénale et celui du régime de réparation des préjudices introduit par l’Instance Équité et Réconciliation.

168.Le chapitre IV du Code de procédure pénale traite des fondements et conditions d’introduction de l’« action civile ». Ainsi, l’article 7 dispose que « [l]’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement subi un dommage corporel, matériel ou moral, directement causé par l’infraction ».

En outre, « [l]es associations déclarées d’utilité publique peuvent se constituer partie civile, si elles ont été légalement constituées depuis au moins quatre ans avant la commission des faits incriminés, en cas de mise en mouvement par le ministère public ou la partie civile d’une action publique concernant une infraction touchant leurs centres d’intérêts figurant dans leur statut ».

« Toutefois, en ce qui concerne les associations précitées chargées de la lutte contre les violences faites aux femmes, elles ne peuvent selon leur statut se constituer partie civile qu’après avoir obtenu l’autorisation écrite de la victime. »

S’agissant de l’extinction et de la prescription de l’action publique, les articles 12, 13 et 14 dudit Code se lisent comme suit :

« Lorsque la juridiction répressive est saisie de l’action publique et de l’action civile, la survenance d’événements éteignant l’action publique laisse subsister l’action civile qui reste soumise à la compétence de cette juridiction. » ;

« La partie lésée peut renoncer à son action, transiger, se désister, mais l’exercice de l’action publique ne se trouve, de ce fait, ni arrêté ni suspendu, à moins qu’elle ne soit éteinte en application de l’alinéa 3 de l’article 4 et sous réserve des dispositions de l’article 372. » ;

« L’action civile ne se prescrit que selon les règles admises en matière civile ;

Lorsque l’action publique est prescrite, l’action civile ne peut plus être intentée que devant la juridiction civile. ».

169.En ce qui concerne la réparation des préjudices, l’Instance Équité et Réconciliation a traité la question conformément aux règles et normes internationales et en s’inspirant des enseignements tirés des expériences nationales de justice transitionnelle à travers le monde. Partant de sa conception globale de la réparation des préjudices et considérant comme indissolublement liés l’établissement et la reconnaissance officielle et publique de la vérité, la réhabilitation et la préservation de la mémoire, l’IER a estimé que la réparation des préjudices ne devrait pas se limiter à la seule indemnisation des préjudices matériels et moraux, mais doit englober la réparation des préjudices individuels relatifs au règlement de la situation juridique et administrative, à la réhabilitation médicale et psychologique, à la réinsertion sociale, ainsi que la nécessité de réparer les préjudices communautaires qui ont touché aussi bien les régions témoins des violations graves ou ayant revêtu un caractère massif et systématique que les régions qui ont abrité des centres de détention secrète. L’IER a également adopté, dans le cadre du mécanisme de la médiation, une approche genre et de vastes programmes de réparation collective afin que les régions dont l’image avait été ternie bénéficient des programmes de développement économique et social destinés à les redresser et à les réhabiliter.

170.S’agissant de la réparation des préjudices individuels, l’IER a adopté les programmes suivants :

La réhabilitation de la victime au moyen de l’établissement de la vérité, contribuant ainsi à la réparation des séquelles laissées par les violations ;

L’indemnisation financière des préjudices matériels et moraux ;

La réhabilitation psychologique et médicale ;

La réinsertion sociale ;

La reprise des études et de la formation professionnelle ;

Le règlement de la situation juridique.

171.L’indemnisation financière représente un des aspects de la réparation des préjudices et une reconnaissance par l’État des violations graves subies par la victime. L’IER s’est fondée sur les critères suivants dans son évaluation des indemnisations :

L’adoption de la privation de liberté comme critère unifié pour toutes les victimes, ce qui a abouti à des indemnités égales, tout en tenant compte de la période passée par chaque victime en état de disparition forcée ou de détention arbitraire ;

(La prise en compte de la particularité de la disparition forcée en tant que violation complexe à laquelle d’autres violations sont associées, notamment la violation du droit à la vie, ou en tant que violation constitutive d’une menace permanente à ce droit à la vie ;

La prise en compte des conditions de détention et des violations associées, comme la torture, les agressions, les mauvais traitements et les atteintes à la dignité, que la victime a subies durant cette période ;

La prise en compte de la condition particulière des femmes et des violations spécifiques qu’elles ont dû subir ;

L’octroi aux victimes, dont la situation administrative a pu être réglée ou peut l’être, les mêmes indemnisations que celles accordées aux autres victimes, à l’exception des indemnisations pour perte de revenus ou occasions manquées ;

La fixation d’une indemnisation forfaitaire en faveur des autres victimes pour la perte de revenus ou pour des occasions manquées.

172.En ce qui concerne la participation des familles des victimes, l’expérience nationale en matière de justice transitionnelle a été marquée par la mise en place en 1999 d’une organisation de la société civile unique en son genre, à savoir le Forum marocain pour la vérité et la justice, au sein duquel des groupes de victimes de disparition forcée (victimes libérées ou de familles de victimes) et de victimes de graves violations des droits de l’homme, se sont organisés. Le défunt Driss Benzekri, un ancien détenu politique qui avait passé dix‑sept ans en prison et qui allait devenir le président de l’Instance Équité et Réconciliation, était le président fondateur de ce Forum. Quant à son successeur et deuxième président du Forum, le Dr Mohamed Sebbar (ancien prisonnier politique) était devenu depuis 2011 le secrétaire général du Conseil national des droits de l’homme. Durant le mandat de ce dernier, le Forum avait commencé à assurer le suivi de la mise en œuvre d’une part importante des recommandations formulées dans le cadre de la justice transitionnelle. Comme indiqué dans l’introduction, le projet du présent rapport avait été présenté à plusieurs associations et organisations concernées par la Convention, au premier rang desquelles le Forum marocain pour la vérité et la justice.

173.Le bilan de la justice transitionnelle en matière de réparation et de préservation de la mémoire jusqu’en décembre 2019 est présenté en détail dans les paragraphes ci-après. Entermes de réparations individuelles, le nombre total de victimes de violations flagrantes des droits de l’homme commises dans le passé et des ayants droit qui ont bénéficié d’une indemnisation financière s’élèvent à 19974victimes, pour un montant total estimé à 988269128,80dirhams. En ajoutant ce bilan dressé par l’Instance Équité et Réconciliation à celui de l’Instance d’arbitrage indépendante chargée de l’indemnisation (7780bénéficiaires pour un montant estimé à 960000000,00dirhams), on obtient un nombre total de 27754bénéficiaires pour un montant total de 1948269128,80dirhams. En plus des indemnisations matérielles, 1 417 victimes et ayants droit ont bénéficié de l’insertion sociale, 18 400 de la couverture santé et 564 victimes de violations commises dans le passé des recommandations appelant le Gouvernement à régulariser leur situation administrative et financière.

174.Quant à la préservation de la mémoire, de l’histoire et des archives, il convient de préciser que deux cimetières dans lesquels sont enterrés les corps de victimes des événements sociaux de Casablanca (1981) et de Nador (1984) ont été réhabilités, ainsi que deux autres cimetières, à Agdez et à M’Gouna, dans lesquels sont inhumées les dépouilles des victimes de disparition forcée. En collaboration avec certains partenaires, des ressources ont été mobilisées pour créer deux musées de la mémoire à Al-Hoceima et à Dakhla, ainsi que l’Institut royal pour la recherche sur l’histoire du Maroc. Un Master spécialisé en histoire contemporaine a également été mis en place à la Faculté des lettres et des sciences humaines de Rabat. De plus, dans le cadre de l’organisation et de la protection des Archives nationales, le Gouvernement a promulgué une loi spéciale sur les archives, en vertu de laquelle a été créée l’institution Archives du Maroc en tant qu’établissement public chargé de la préservation du patrimoine archivistique national. L’institution a officiellement reçu les archives de l’Instance d’arbitrage indépendante chargée de l’indemnisation et de l’Instance Équité et Réconciliation.

175.Pour ce qui est des réparations collectives, l’IER a recommandé la réhabilitation au sens général et collectif du terme afin de rétablir la confiance entre l’État et la population locale et de faciliter le processus de réconciliation. Cette recommandation concerne un ensemble de régions dans les provinces et préfectures de Figuig, Errachidia, Ouarzazate, Zagora, Tan-Tan, Azilal, Khemisset, Al-Hoceima, Nador, Hay Mohammadi (Casablanca), Khénifra, Midelt et Tinghir. Dans ce cadre, 149 projets ont été mis en œuvre, de manière participative et sur la base de schémas de développement territorial, dans les zones affectées en vue de soutenir les capacités des acteurs locaux, de préserver la mémoire, d’améliorer les conditions de vie des populations (amélioration des services, développement des sources de revenus alternatifs et protection de l’environnement) et de promouvoir la condition des femmes et des enfants. Ainsi, 159 799 892,00 dirhams ont été mobilisés pour réaliser ces projets.

Article 25 : Cadre juridique de la protection des enfants victimes et leprincipe de l’intérêt supérieur

176.Le système national de protection des droits de l’homme a cette particularité qu’il comprend plusieurs mécanismes de protection de l’enfance, que ce soit au niveau des organismes de l’État ou des institutions nationales, notamment le mécanisme national de recours pour les enfants victimes de violation de leurs droits. Le cadre juridique régissant l’enfance se caractérise par sa diversité, son pluralisme et sa complémentarité en matière de régularisation des situations. Outre les éléments de réponse données lors de la discussion de l’article 7, une profonde révision de la législation a permis d’en rendre une grande partie conforme aux dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant. Il s’agit notamment des textes suivants :

La loi sur la prise en charge (kafala) des enfants abandonnés (2002), qui a institué la procédure de la kafala et introduit des mesures et des mécanismes de suivi des enfants pris en charge ;

La loi relative à l’état civil et ses décrets d’application (2002) qui ont permis de résoudre le problème de l’état civil des enfants nés hors mariage et ont rétabli le droit de l’enfant à obtenir une identité ;

Le Code du travail (2003), qui a relevé l’âge minimum d’admission à l’emploi de 12 à 15 ans afin de l’aligner sur l’âge de fin de scolarité obligatoire, et prévu des sanctions privatives de liberté en cas de récidive pour les employeurs d’enfants de moins de 15 ans ;

Le Code de procédure pénale (2003), qui a relevé l’âge de la responsabilité pénale de 16 à 18 ans. Il a également rétabli la justice pour mineurs, mettant en place des procédures spéciales pour les enfants en danger.

Les modifications du Code pénal (2003), qui ont élargi le champ d’application de la protection des enfants, notamment en érigeant en infraction la discrimination, la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en assurant la cohérence avec les définitions du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, en levant le secret médical en cas d’infractions commises contre des enfants, en incriminant la torture tout en considérant son utilisation contre des enfants de moins de 18 ans comme une circonstance aggravante. En outre, le projet de code pénal, qui est en cours d’adoption, n’érige plus en infraction la mendicité des enfants.

La loi no 02.03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Maroc et à l’émigration et à l’immigration irrégulières (2003), qui prévoit des mesures de protection renforcées contre l’expulsion au profit de certaines catégories de personnes, comme les femmes étrangères enceintes, les étrangers mineurs sous la protection de son tuteur ou de la personne qui en a la charge (kafil), titulaire de la nationalité marocaine. La loi prévoit également des peines sévères pour participation à l’immigration illégale et à la traite des êtres humains.

Le Code de la famille (2004), qui comporte des dispositions garantissant la protection des droits de tous les membres de la famille et consacre expressément les principes suivants :

La non-discrimination, en prévoyant l’égalité entre l’homme et la femme pour ce qui concerne l’âge du mariage (18 ans) et l’égalité entre la fille et le garçon confiés à la garde, en leur laissant la latitude de choisir leur dévolutaire à l’âge de 15 ans, et en conférant à la petite fille et au petit-fils du côté de la mère, le droit d’hériter de leur grand-père, dans le legs obligatoire, au même titre que les petits-enfants du côté du fils ;

L’intérêt supérieur de l’enfant est pris en considération dans toutes les dispositions et mesures liées notamment à la garde, à la pension alimentaire, à la tutelle, à la représentation légale ;

Le droit à la vie, à la survie et au développement est consacré depuis la période de la grossesse, de l’accouchement et de l’allaitement jusqu’aux soins de santé, à la scolarisation et à la formation, avec l’adoption de mesures spéciales pour les enfants handicapés et les patients incapables de subvenir à leurs besoins, afin que l’obligation d’entretien ne soit pas levée, quel que soit leur âge ;

Le droit à l’identité est renforcé par la possibilité de rattacher la lignée de l’enfant né durant les fiançailles au fiancé, avec la possibilité de recourir à une expertise si nécessaire, notamment l’empreinte génétique ;

La protection de l’enfance est renforcée grâce à des dispositions régissant l’intégrité physique et mentale de l’enfant, les ayants droit à la garde et la déchéance de ce droit, ainsi que le droit de l’enfant à la protection contre l’exploitation, la violence et les mauvais traitements. Le rôle du ministère public dans la mise en œuvre de ces dispositions est également renforcé ;

La participation des enfants est renforcée en prévoyant des dispositions précisant qu’il est nécessaire de consulter l’enfant, s’il est majeur, pour établir sa filiation par reconnaissance, et à l’âge de 15 ans pour choisir la personne à qui sa garde serait confiée.

Le Code de la nationalité a été modifié (2007) pour mettre fin à la discrimination à l’égard des femmes et des enfants, en accordant aux enfants nés d’une mère marocaine et d’un père étranger le droit d’acquérir la nationalité marocaine, quel que soit le lieu de naissance, avec effet rétroactif.

La loi no 65-15 relative aux établissements de protection sociale (2018), qui a introduit de nouvelles dispositions régissant les modalités de création et de gestion desdits établissements ainsi que d’autres dispositions relatives à l’amélioration de la qualité de l’accueil et de la prise en charge dans ces établissements, en particulier ceux destinés aux enfants en situation difficile.

Annexes

Annexe I : Mesures prévues dans le plan d’action national en matière de démocratie et des droits de l’homme

Le plan comprend 435 mesures articulées autour de quatre axes principaux : 1) démocratie et gouvernance ; 2) droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux ; 3) protection et promotion des droits catégoriels ; et 4) cadre juridique et institutionnel.

Ci-après sont mentionnées, à titre d’exemple, les mesures de protection des droits de l’homme prévues au niveau institutionnel pour prévenir l’impunité, renforcer la gouvernance sécuritaire et consolider les garanties juridiques pertinentes (il convient de préciser que chaque sous-axe comporte des mesures liées à la communication, à la sensibilisation et au renforcement des capacités).

I.Gouvernance sécuritaire

Objectif général : Assurer l’équilibre entre les exigences du maintien de la sécurité et de l’ordre public et celles du respect des droits de l’homme.

Objectifs spécifiques :

Renforcer les garanties juridiques et institutionnelles pour la sécurité des biens et la protection des citoyennes et des citoyens pris individuellement et collectivement.

Améliorer les services de sécurité sur le plan quantitatif et qualitatif.

Renforcer la confiance des citoyennes et des citoyens envers les services de sécurité, en prenant pleine conscience de leurs droits et responsabilités.

Mesures : Volet législatif et institutionnel

1)Conforter le rôle de contrôle par le Parlement de la responsabilité du maintien de la sécurité et de l’ordre public.

2)Doter les institutions chargées de la sécurité des ressources humaines, financières et techniques nécessaires.

3)Prendre en considération la dimension sécuritaire dans l’élaboration des plans d’urbanisme, la conception de nouvelles zones résidentielles et de quartiers de la périphérie des villes, pour assurer la sécurité des citoyennes et des citoyens.

4)Prendre en considération l’obligation et la proportionnalité lors de l’usage de la force dans la dispersion des rassemblements publics et des manifestations pacifiques.

5)Documenter, par voie audiovisuelle, les interventions des forces de l’ordre visant à disperser les rassemblements publics.

6)Réviser les dispositions légales de manière à permettre à la personne détenue d’être accompagnée par la défense, dès sa mise en garde à vue, et continuer l’harmonisation du cadre législatif régissant l’enquête préliminaire, la garde à vue, la perquisition et l’ensemble des procédures de la police judiciaire, conformément aux normes internationales en la matière.

7)Renforcer le mécanisme d’interpellation et d’écoute direct par le Parlement concernant la responsabilité du maintien de la sécurité et de l’ordre public, élargir la pratique parlementaire au niveau de l’écoute et de l’interpellation, consolider l’action de l’institution parlementaire en matière d’enquête sur les violations des droits de l’homme, en soumettant les organes sécuritaires au contrôle parlementaire.

II.Lutte contre l’impunité

Objectif général :Lutter contre l’impunité.

Objectifs spécifiques :

Soutenir la primauté de la loi et respecter les droits de l’homme ;

Consacrer le rôle de la Justice dans la protection des libertés et rendre justice aux victimes ;

Garantir le droit à un procès équitable.

Mesures : Volet législatif et institutionnel

1)Continuer à incriminer tous les actes qui constituent une violation grave aux droits de l’Homme, conformément aux dispositions de la Constitution.

2)Consacrer le principe de non-impunité dans la politique pénale et dans les autres mesures publiques.

3)Assurer l’assistance juridique aux victimes de violations des droits de l’homme dans les différentes procédures judiciaires.

4)Renforcer les dispositions légales en matière de réparation pour les victimes de violations des droits de l’homme.

5)Protéger les plaignants, les témoins et les défenseurs des droits de l’homme contre tout mauvais traitement et intimidation à cause de leurs plaintes ou témoignages devant les autorités publiques et judiciaires.

6)Instaurer un cadre législatif et réglementaire indépendant pour l’institutionnalisation de la médecine légale.

7)Transmettre les résultats de l’enquête obtenus dans le cadre de l’expertise médicale dans les cas d’allégation de torture au ministère public dans les cas où une telle expertise n’a déjà pas été ordonnée.

8)Transmettre à la justice les résultats des investigations du mécanisme national de prévention de la torture.

9)Encourager les possibilités de recours en matière administrative et judiciaire afin de sauvegarder le principe de non-impunité et de garantir l’accès des victimes aux recours en réparation appropriés.

III.Protection juridique et judiciaire des droits de l’homme

Objectif général :Promouvoir la protection juridique et judiciaire des droits de l’homme.

Objectifs spécifiques :

Promouvoir l’adhésion au système international et régional des droits de l’homme.

Adopter une politique pénale moderne, fondée sur les principes des droits de l’homme.

Soutenir le rôle de la justice pour protéger les droits des personnes et des groupes, les libertés, la sécurité judiciaire, et l’application de la loi, en respectant les délais raisonnables.

Mesures : Volet législatif et institutionnel

1)Poursuivre l’adhésion et l’interaction avec les systèmes internationaux et régionaux des droits de l’homme.

2)Poursuivre l’adhésion aux conventions du Conseil de l’Europe, ouvertes aux pays non membres (Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants du 25 janvier 1996 ; Convention du Conseil de l’Europe sur les relations personnelles concernant les enfants du 15 mai 2003, Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels du 25 octobre 2007).

3)Poursuivre le dialogue juridique et jurisprudentiel sur l’élaboration du projet de Code de procédure administrative et la création du Conseil d’État.

4)Accélérer l’adoption des projets de loi relatifs au code pénal et au code de procédure pénale.

5)Créer un observatoire national de la criminalité et une banque de données nationale des empreintes génétiques.

6)Accélérer la mise en place des dispositions juridiques régissant les peines alternatives, dans le but de mettre fin aux problèmes liés à la garde à vue et à la surpopulation carcérale.

7)Établir des partenariats et des relations de coopération avec les institutions nationales et internationales des droits de l’homme pour assurer l’encadrement et la formation des magistrats et des avocats à la culture des droits humains, aussi bien sur le plan théorique que pratique.

8)Mettre en place une charte de l’efficience judiciaire, en vue d’une meilleure gestion des audiences et des délais, des affaires en instance, de la communication avec les citoyens, du traitement des plaintes et autres procédures similaires.

9)Promouvoir le rôle de la justice administrative dans l’instauration de l’État de droit, la consécration du principe de la primauté du droit et le respect des droits de l’homme.

10)Accélérer la mise en place d’un système intégré pour traiter les plaintes concernant les droits des usagers.

Annexe II

Bilan de la justice transitionnelle

Dans un premier temps, l’Instance Équité et Réconciliation est parvenue à un ensemble de conclusions concernant les personnes disparues, qu’elle a présentées dans son rapport final :

Personnes décédées en détention et dont les lieux d’inhumation ont été identifiés : 90, dont 32 à Tazmamart, 32 à Agdez, 16 à Kelâat M’Gouna, 8 à Tagounite, 1 à Gourrama et 1 au barrage El Mansour Eddahbi ;

Personnes décédées lors d’affrontements armés et dont les lieux de d’inhumation ont été identifiés : 9, dont un groupe de 7 personnes décédées en 1960 (groupe Barkatou et Moulay Chafii) et un autre de 2 personnes décédées en 1964 (groupe Cheikh El Arab) ;

Personnes décédées lors d’événements sociaux : 325, dont 50 lors des événements de 1965, 114 lors de ceux de 1981, 49 lors de ceux de 1984 et 11 lors de ceux de 1990 ;

Personnes décédées lors d’une détention arbitraire ou d’une disparition forcée : 172 à Dar Bricha, Dar El Mokri, Derb Moulay Cherif, Tafnidilt et l’aéroport d’Anfa à Casablanca ;

Personnes décédées lors d’affrontements armés dans les provinces du sud : 144, dont 40 personnes qui ont perdu la vie sur le champ de bataille et ont été enterrées dans des lieux connus, 88 qui sont mortes lors de combats distincts entre 1975 et 1989, 12 dont l’identité n’a pas été déterminée car leurs corps ont été brûlés, 4 qui sont décédées des suites de blessures subies lors d’affrontements, après avoir été interpellées et hospitalisées. Ces quatre dernières ont été enterrées dans des tombes ordinaires ;

Personnes encore en vie : 66 personnes qui ont été capturées à la suite d’affrontements armés et remises au Comité international de la Croix-Rouge qui les a transférées à Tindouf le 31 octobre 1996 ;

Personnes au sort inconnu : 66 cas dans lesquels les éléments constitutifs d’une disparition forcée sont présents et qui nécessitent la poursuite des investigations.

L’amélioration de la méthode de travail, l’adoption d’une approche participative visant à associer les familles et à les informer des obstacles à l’élucidation complète de la vérité et le recours à l’expertise scientifique dans l’identification de plusieurs victimes ont permis à la Commission de suivi de la mise en œuvre des recommandations de l’IER d’obtenir des résultats significatifs et de traiter des dossiers complexes et anciens qui remontaient parfois aux années 1960. Les résultats sont les suivants :

Localisation des tombes de personnes dont les lieux d’inhumation étaient inconnus : La Commission de suivi a pu localiser les tombes d’un certain nombre de personnes dont le décès avait été confirmé mais dont les lieux d’inhumation demeuraient inconnus. Ces cas concernent des victimes des événements sociaux de 1965 et 1981 à Casablanca et de ceux de 1984 à Nador, ainsi que des personnes décédées lors des événements du 3 mars 1973.

Victimes des émeutes de mars 1965 inhumées au cimetière des Martyrs de Casablanca : L’IER avait déjà déterminé l’identité de 27victimes des émeutes de mars 1965 à Casablanca et n’avait reçu que huit demandes de familles de victimes. La Commission de suivi a réussi à obtenir les adresses des familles des victimes à partir des registres des hôpitaux où elles avaient été transportées avant leur inhumation. Elle a cherché les proches des victimes qui n’avaient pas soumis leurs demandes à l’IER, et a assisté les familles dans la préparation de leurs dossiers, l’identification des tombes de leurs proches et l’obtention des certificats de décès. La commission a également aidé les familles à organiser les funérailles en présence d’associations de la société civile et des autorités publiques locales.

Victimes inhumées au cimetière des Martyrs de Casablanca et mentionnées dans le rapport final de l’IER

Brahim ben Hammou, 34 ans, carré 21, rangée 1, tombe no 163.

Ahmed El-Moussaoui, 19 ans, carré 21, rangée 1, tombe no 21.

Idriss Abdel Qahar, environ 15 ans, carré 21, rangée 4, tombe no 183.

Jilali Ben Bouchaïb, âge non précisé, carré 21, rangée 1, tombe no 9.

Mustapha Jelloul Ben Abdelkader, 14 ans, carré 21, rangée 1, tombe no 176.

Mbarek Zewaq ben Abdallah, 42 ans, carré 21, rangée 1, tombe no 155 .

Rahhal Sidki, 31 ans, carré 21, rangée 1, tombe no 18.

Soulaymane Guermoudi, 22 ans, carré 21, rangée 1, tombe no 22.

Abdellatif Mourtada, 17 ans, carré 21, rangée 2, tombe no 7.

Abdallah Qatad, 18 ans, carré 21, rangée 1, tombe no 13.

Ali Ben Bella, 34 ans, carré 21, rangée 1, tombe no 167.

Ali Bensaïd, 25 ans, carré 21, rangée 1, tombe no 2.

Lahcen Ben Ahmed, 37 ans, carré 21, rangée 1, tombe no 172.

Mohammed Ben Mohammed, 21 ans, carré 21, rangée 1, tombe no 9.

Fatna Bint Ahmed, 40 ans, carré 21, rangée 1, tombe no 159.

Fatima Bent Abbas, âge non précisé, carré 21, rangée 1, tombe no 3.

Mustapha Bouhammal Ben Abdelkader, 14 ans, carré 21, rangée 1, tombe no 5.

Hafid Bekri, 13 ans, carré 20, rangée 1, tombe no 1.

Rachida Ben Lhaymer Zayed, 7 ans, carré 10, rangée 4, tombe no 145.

Lebridi Mohammed, 26 ans, inscrit au registre de la morgue de Casablanca.

Bouhmal Mustapha, âge non précisé, inscrit au registre de la morgue de Casablanca.

Guermoudi Mustapha, 12 ans, inscrit au registre de la morgue de Casablanca.

Victimes inhumées au cimetière des Martyrs de Casablanca et dont les noms sont pour la première fois mentionnés par la Commission de suivi

Brahim Loujib, 26 ans, carré 20, rangée 1, tombe no 52.

Ahmed Oukrati, 24 ans, carré 21, rangée 1, tombe no 156.

Ahmed El-Samahi, 12 ans, carré 21, rangée 4, tombe no 184.

Abdessalam Bensoussa, 33 ans, carré 21, rangée 2, tombe no 13.

Abdallah bin Ahmed, 70 ans, carré 21, rangée 4, tombe no 16.

Ali ben Abdallah Hama, 31 ans, carré 20, rangée 1, tombe no 23.

Mohammad Dalal, 33 ans, carré 21, rangée 3, tombe no 131.

Mohammad Al-Halimi, 55 ans, carré 20, rangée 3, tombe no 43.

Mustapha Hammouchi, 30 ans, carré 21, rangée 4, tombe no 18.

Moussa ben Ali, 25 ans, carré 21, rangée 1, tombe no 160.

Al-Zahra bint Mohammad, 27 ans, carré 20, rangée 1, tombe no 44.

Ahmed El-Zahar, 34 ans, carré 21, rangée 3, tombe no 196.

Victimes inhumées au cimetière musulman nord de Sbata à Casablanca et dont les noms sont mentionnés dans le rapport final de l’IER

Hadj Mohammed Ben Takourt, 50 ans, carré 14, rangée 14, tombe no 411.

Abderrahmane Labsi, 28 ans, carré 14, rangée 14, tombe no 411.

Victimes inhumées au cimetière musulman nord de Sbata à Casablanca et dont les noms sont pour la première fois mentionnés par la Commission de suivi

Mahjoub El-Asri, 45 ans, carré 14, rangée 14, tombe no 383.

Mohammed El-Huraidhi, 26 ans, carré 14, rangée 14, tombe no 396.

Ruqayya Bent Ahmed, 23 ans, carré 14, rangée 14, tombe no 378.

Victimes répertoriées dans le rapport final de l’IER et dont les tombes ne sont toujours pas identifiées

Ayyad Taloui, 40 ans, inscrit au registre de l’hôpital Ibn Rushd sous le numéro 524.

Fadla Bent, 70 ans, a été enregistrée au service de réanimation de l’hôpital Ibn Rushd, sans qu’un numéro lui soit attribué et avec la mention touchée par les balles.

Fatna Bent Allal, 65 ans, a été enregistrée au service de réanimation de l’hôpital Ibn Rushd, sans qu’un numéro lui soit attribué et avec la mention touchée par les balles.

Victimes répertoriées pour la première fois par la Commission de suivi et dont les tombes ne sont toujours pas identifiées

Abdelhak Moumen, 19 ans, son nom n’est mentionné dans aucun registre.

Abdelkarim Mbarek, âge non précisé, enregistré à l’hôpital Ibn Rushd sous le numéro 741.

Mohammed Badaoui, 37 ans, aucune information n’a été reçue à son sujet ni sur les circonstances de sa disparition.

Ahmed El-Anouari, âge non précisé, aucune information n’a été reçue à son sujet ni sur les circonstances de sa disparition.

Il est à noter que les tombes mentionnées ci-après, situées au cimetière musulman nord de Sbata à Casablanca et où sont inhumées − selon des témoignages solides et concordants recueillis par la Commission de suivi − les victimes des incidents du 23 mars 1965, ne portent aucun nom, soit parce que les victimes qui y sont enterrées ont été enregistrées à l’hôpital ou au service de santé comme personnes non identifiées, soit parce que le registre du cimetière n’indique pas l’autorité qui les a transférées au cimetière.

Victimes non identifiées inhumées au cimetière islamique nord de Sbata à Casablanca

L95, chambre mortuaire, carré 20, rangée 1, tombe no 51.

L97, chambre mortuaire, carré 20, rangée 1, tombe no 53.

L98, chambre mortuaire, carré 21, rangée 3, tombe no 175.

L99, chambre mortuaire, carré 21, rangée 3, tombe no 179.

L100, chambre mortuaire, carré 21, rangée 3, tombe no 183.

L101, chambre mortuaire, carré 21, rangée 3, tombe no 196.

L102, chambre mortuaire, carré 21, rangée 4, tombe no 175.

L103, chambre mortuaire, carré 21, rangée 4, tombe no 179.

L115, chambre mortuaire, carré 21, rangée 4, tombe no 191.

L121, chambre mortuaire, carré 21, rangée 4, tombe no 1.

447, Hôpital Ibn Rushd, carré 21, rangée 1, tombe no 157.

453, Hôpital Ibn Rushd, carré 21, rangée 1, tombe no 63.

22, non précisé, carré 21, rangée 2, tombe no 159.

24, indéfini, carré 21, rangée 1, tombe no 162.

444, indéfini, carré 21, rangée 4, tombe no 20.

447, indéfini, carré 21, rangée 3, tombe no 87.

472, non précisé, carré 21, rangée 2, tombe no 155.

479, non précisé, carré 21, rangée 1, tombe no 161.

5 892 non précisé, carré 21, rangée 4, tombe no 13.

Victimes des émeutes sociales du 20 juin 1981 à Casablanca (enterrées dans des fosses communes) : Lorsque l’IER a obtenu des informations précises et concordantes selon lesquelles un certain nombre de victimes décédées lors desdits événements ont été enterrées sur un terrain de football à l’intérieur de la caserne des sapeurs-pompiers de Casablanca, une délégation du CCDH a observé le processus d’exhumation, le prélèvement d’échantillons et la réinhumation des corps dans des tombes individuelles, sous la surveillance du ministère public et en présence des autorités locales.

Le CCDH a conclu un accord avec les familles des victimes, selon lequel le site de réinhumation serait transformé en un cimetière ordinaire dans le cadre des programmes de réparation communautaire et de préservation de la mémoire. Forte d’une collaboration avec la commission des familles, la Commission de suivi a rencontré des familles qui n’avaient jamais déposé de demande auprès de l’IER. De plus, le Comité a pu, après les investigations approfondies qu’il a menées, confirmer la mort des suites de blessures par balles d’autres victimes dont on ignorait le sort.

Liste définitive des vingt-quatre (24) victimes identifiées des événements de Casablanca de 1981, enterrées sur le terrain de football de la caserne des sapeurs-pompiers de Casablanca et dont les noms sont mentionnés dans le rapport final de l’Instance Équité et Réconciliation : 1) Lhachemi Abdelaaziz ; 2) Mohammed Himaoui ; 3) Hassib Mustapha ; 4) Bachar Mohsen ; 5) Moussaïd Driss ; 6) Ali Ben Yazid Afekhkhar ; 7) Akrouti Saïd Boujemaa ; 8) Hilal Saïd ; 9) Maghri Mohammed ; 10) Abderrahim Bourejja ; 11) Brahim Koundi ; 12) Hnabou Abderrazzak ; 13) Boukbouche Mhammad Ben El Arabi ; 14) Rizki Rabiaa ; 15) Alilou Mustapha ; 16) Mahfoud Ben Lahcen ; 17) Makhfi Mustapha ; 18) Mohammed Ben M’hammed ; 19) Abderrahmane Ben Sissani ; 20) Lazrak Redouane ; 21) Khadim Abdallah ; 22) Ben Loulad Larbi ; 23) Brahim Ben Ahmed ; 24) Hassan Zeroual Ben Mohammed.

Liste définitive des cinquante (50) victimes identifiées des événements de Casablanca de 1981, enterrées au stade de la caserne des sapeurs-pompiers de Casablanca et dont les noms sont mentionnés pour la première fois par la Commission de suivi : 1)El Khalili Miloud ; 2)Bendrif Ahmed ; 3)Dadi Mohammed ; 4)El Ani Abdellatif ; 5)Basli Hassan ; 6)Bouchaib Bakri ; 7)Abdellah Chorouk ; 8)Fakh Abdelouahed ; 9)Dadi Abdelhaq ; 10)Fazza Mohammed ; 11)El Saoudi Saleh ; 12)Mohammed Hajib ElBouamiri ; 13)AtifRehhal Ben Bouchaib ; 14)Benmat Abdennebi ; 15)Hantri Hassan ; 16)Bouairin Zoubida ; 17)Mezkour Mostapha ; 18)Rochdi Ahmed ; 19)Hani Jamal ; 20)Mehtaj Abdellatif ; 21)Himdi Fatima ; 22)Bennar Fatima ; 23)Jamal Medjou ; 24)Said Souidi ; 25)Belhar Ahmed ; 26)Zghaidi Mostapha ; 27)Jamal Sghir Laarbi ; 28)Brahim Bourk ; 29)Hamdaoui Youssef ; 30)Jamali Abdellah ; 31)Mardi El Hussein ; 32)Kadmi Mostapha ; 33)Saghrouchni Youssoufi M’hamed ; 34)Azouagh Hassan ; 35)Saidi Ahmed ; 36)Bouhli Abdelaziz ; 37)Ben Maitallah Mahfoud ; 38)Bnou Hajr Abdelhadi ; 39)Sayyadi Bouchaib ; 40)Assem Abderrahim ; 41)Assem Mouh ; 42)El Hassan Bouhssoun ; 43)Mohammed Salem Sherraf ; 44)Kaka Driss ; 45)Zouhir Abdelouahed ; 46)Meftouh Brahim ; 47)Abderrahim Oubssidas ; 48)Ramzi Abderrazak ; 49)Mofakkir Abderrazak ; 50)Abdelkader Boukhari.

Victimes des événements de Casablanca de 1981 enterrées dans des tombes individuelles

Alexander James John, lapidé à mort par des manifestants, son nom a été mentionné dans le rapport final de l’IER.

Nadim Lehcen, décédé dans une clinique privée des suites de blessures par balles, son nom a pour la première fois été cité par la Commission de suivi.

Victimes des événements de janvier 1984 à Nador : Suite aux requêtes déposées par les familles des victimes décédées lors des événements tragiques qui ont éclaté à Nador et dans les localités voisines, et sur la base des investigations qu’elle a menées, l’IER a pu déterminer l’identité de 10 personnes décédées par balles lors de ces émeutes, alors que leur lieu d’inhumation n’a pu être identifié. Après la localisation du charnier où les victimes ont été inhumées à la caserne des sapeurs-pompiers de Nador, la Commission de suivi a mené une enquête approfondie et a réussi à identifier six nouvelles victimes décédées lors des mêmes événements et inhumées dans ledit site.

L’examen anthropologique mené par une équipe de médecins légistes a montré que les restes appartenaient à 16 corps, dont les données pour la plupart étaient compatibles avec les informations fournies par les familles à la Commission de suivi. Pour obtenir une confirmation supplémentaire, il a été décidé de faire une analyse ADN pour identifier chaque corps. À cette fin, des échantillons osseux ont été envoyés à un laboratoire de génétique français, et les premiers résultats ont montré la relation entre les restes et lesdits événements.

Liste définitive des dix (10) victimes identifiées des événements de Nador de 1981, inhumées à la caserne des sapeurs-pompiers de Nador et dont les noms ont été mentionnés dans le rapport final de l’IER : 1)Aouja Mostapha de Beni Nsar; 2)Bouarourou Saleh de Nador; 3)Mimoune Lmjahdi de Zeghanghane; 4)El Tarhib Hakim de Nador; 5)Fares Zouhir de Nador; 6)Mrabet Najim de Nador; 7)Abdelaziz El Jirari de Nador; 8)El Fayda Yahya de Nador; 9)Abdelkhalek Houari de Nador; 10)Loukili Lkhlifa de Nador.

Liste définitive des six (06) victimes identifiées des événements de Nador 1981, inhumées à la caserne des sapeurs-pompiers de Nador et dont les noms sont mentionnés pour la première fois par la commission de Suivi:1)Abderrazak El Masoudi de Zeghanghane; 2) Azed Ahmed Najim de Nador; 3)Ami Abdelhamid de Nador; 4)Boudouasser Abdellah de Nador; 5)Karim Ratbi de Zaïo; 6)Abdesslama Mostapha de Nador.

Victimes décédées lors des événements de mars 1973 : La Commission de suivi a poursuivi les enquêtes sur les victimes décédées lors des événements qu’a connus le Maroc en mars 1973. Après avoir entendu de nombreux témoins, dont des victimes des mêmes événements et des responsables de l’hôpital situé à Errachidia, la commission a pu confirmer l’inhumation de Mohammed Bennouna et Moulay Slimane Alaoui au cimetière musulman du quartier El Massira à Errachidia (dit Lahdeb). Pour vérifier le lieu d’inhumation, la Commission de suivi, sous la direction du ministère public et en présence des autorités locales, a observé l’exhumation des dépouilles par un médecin légiste. Les échantillons osseux ont d’abord été transférés au laboratoire de la Gendarmerie royale. Ensuite, il a été décidé de prélever de nouveaux échantillons qui ont été transférés au laboratoire de génétique français mandaté.

Cas non résolus mentionnés dans le rapport final de l’IER (66 cas)

Dans son rapport final, l’IER a conclu qu’elle n’a pas été en mesure de faire toute la lumière sur 66 cas de disparition forcée, tout en recommandant que les enquêtes soient poursuivies pour déterminer le sort des victimes concernées.

Pour cette raison, le CCDH a poursuivi ses investigations sur cette question, et a analysé les informations relatives aux 66cas susmentionnés que l’IER avait reçues à la veille de la fin de son mandat, et a décidé de ne pas les considérer car elles avaient été soumises tardivement, à la toute fin du mandat de l’IER.

La Commission de suivi s’est appuyée sur ces informations pour examiner et classer ces cas. Elle a également adressé une correspondance aux autorités publiques pour obtenir des informations complémentaires concernant certains dossiers. Sur cette base, la commission a classé ces cas comme suit :

Cas de disparition pour lesquels la Commission de suivi a conclu qu’elles étaient survenues pour des raisons politiques : Il s’agit de 49 cas, dont une personne encore en vie, en l’occurrence M. Abrouk El-Alami, qui a été contraint de fuir en Algérie, puis en Yougoslavie. Il a disparu en 1964 et sa famille n’a reçu aucune information sur son sort pendant toute cette période. Un deuxième cas concerne M. Mohamed El‑Baakili, né en 1931, qui a été détenu arbitrairement pendant un an au centre de détention de l’aéroport de Casablanca-Anfa, dit Courbis, après les événements de mars 1973, avant d’être transféré à la prison civile de Casablanca. Après sa libération, il souffrait d’une maladie mentale à cause des actes de torture qu’il avait subis. En 1980, il a quitté son domicile à cinq heures du matin et n’y est jamais retourné. Son sort est resté inconnu jusqu’en 1983, date à laquelle il est rentré chez lui en mauvaise santé. Quatre mois plus tard, il a de nouveau disparu à cause de la maladie mentale dont il souffrait.

Les 47 autres cas concernent des personnes, dont trois filles et deux femmes, décédées dans différents centres de détention. Il s’agit des personnes suivantes :

Filles : El Moussaoui El Batoul ; Ezzhou Rkia ; Tsselem Sellami.

Deux femmes : Khayra Talbi ; Lhmadi Cheikh Ahmed Fatma.

Hommes (42 en tout) : Ahmed Ould Sidi Ould Abdelhadi ; Mohamed Fadel Jed Ahhlou Essayed ; Makhlouf Mohamed Salem Ould Laabid Ould Hmma ; Babit Sidi El Mehjoub ; Taleb Ben Mohamed Mouloud ; Myyara El Mehjoub Ibrahim ; Mouloud L’hcen Essayda ; Mohamed Salem Hamdi Abdellah ; Sidi Ahmed Ibrahim Lmouahed ; El Cadi El Khalil M’hamed El Moussaoui ; El Hifd Ould Hmma Ould M’barek ; Najem Ould Ibrahim Ould Ahmed Salem ; Radi Mohamed M’barek Ben Louled Ben Abdellah ; Ibrahim Salem Ould Ahmed O H’mida ; Ouhmman Nafae Ben Mmillid Hmma ; Mohamed Lamine Ould Sidi Ould Laabid Ould Hmma ; Mohssine Amrani ; Jamil Mohamed El Haj Amrou ; Salem Abdellatif ; El Jawhari Hammou ; Ait Nacer Sidi Mohamed ; Hebbaz Boujmaa ; Oufkir Ali Ben Dehhan ; Abdellah Ould Massoud Ould Abdelkader ; Hassna Ould Bichri Ould Sidi ; Abdeselam Herrafi ; Omar Abdelouahed Ben Abdelkader ; H’mmadi Ould Bichri Ould Sidi; Mohamed Salem Ould Ahmed Elabd Ould Yehdih; Widadi Ibrahim Saleh; Bennouna Ahmed Ben Abderrahmane; Chemlal Amrou; ElKhalil Ben Diddi; Hassan Ammar Sknna Blaoue; Bounane L’hbib; Ezzhou Mohamed; Mohamed El Kouri El Moussaoui; Essa’di M’barek; Aba Mohamed Salem; Chouikh Ould Ali; Mohamed Ould Ali; Mohamed Boufousse.

L’annexe des cas de personnes dont le sort demeure inconnu fournit des informations sommaires sur chaque cas.

Cas de disparition non motivés par des considérations politiques : Il s’agit de neuf cas, dont deux personnes mortes noyées, à savoir Mustapha Amrani et El Sayyed Sid Ahmed. Cependant, en analysant les informations obtenues, la Commission de suivi est parvenue à la conclusion que la disparition des sept autres cas suivants n’avait aucune motivation politique : Nejmi El Mokhtar, Bouzraa Ahmed, Kejjari Hassan, Idrissi Moulay Hamid, Mouloud Bouleh, El Fakir Abdelaziz et Derched L’hbib Ben Mahmoud.