NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/CHE/618 mars 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L ’ ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Sixième rapport périodique des États parties devant être soumis en 2000

Additif

SUISSE *, **

[2 juillet 2008]

TABLE DES MATIÈRES

Chapitre Paragraphes Page

Liste des abréviations4

I.GÉNÉRALITÉS1 − 216

A.Remarques préliminaires16

B.Adhésion de la Suisse à l’Organisation des Nations Unies2 − 36

C.La Suisse au Conseil des droits de l’homme4 − 56

D.Ratifications et signatures d’instruments internationaux6 − 77

E.Constitution suisse8 − 108

F.Principaux projets législatifs terminés (aperçu)119

G.Projets législatifs en cours12 − 1711

H.Visite du Comité européen pour la prévention de la tortureet des traitements inhumains ou dégradants en Suisse18 − 1913

I.Jurisprudence du Comité et de la Cour européenne des droitsde l’homme relative à la Convention20 − 2113

II.COMMENTAIRE ARTICLE PAR ARTICLE22 − 19214

A.Article 1: Définition de la torture2214

B.Article 2: Interdiction absolue de la torture23 − 2514

C.Article 3: Principe du non‑refoulement26 − 10415

D.Article 4: Punissabilité des actes de torture105 − 10731

E.Article 5: Compétence universelle108 − 11032

F.Article 6: Mesures destinées à assurer la présence du suspect111 − 11533

G.Article 7: Juger ou extrader et garantie d’un traitement équitable116 − 13634

H.Article 8: Coopération internationale dans le domainede l’extradition13738

I.Article 9: Entraide judiciaire internationale en matière pénale138 − 13938

J.Article 10: Formation du personnel et des agents travaillant avec des personnes privées de liberté140 − 15539

K.Article 11: Exercice de la surveillance sur le traitementdes détenus156 − 16741

L.Article 12: Enquête rapide et impartiale en cas de torture168 − 18243

M.Article 13: Droit de plainte et protection du plaignantet de témoins183 − 18747

TABLE DES MATIÈRES ( suite )

Chapitre Paragraphes Page

N.Article 14: Droit de la victime à une indemnité équitable188 − 18948

O.Article 15: Sort des preuves illicites190 − 19149

P.Article 16: Interdiction des actes constitutifs de peinesou traitements cruels, inhumains ou dégradants19249

III.RÉPONSES AUX PRÉOCCUPATIONS ET RECOMMANDATIONSEXPRIMÉES PAR LE COMITÉ DANS SES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS (CAT/C/CR/34/CHE)193 − 20649

A.Absence de définition de la torture194 − 19649

B.Projet de loi fédérale sur l’usage de la contrainte197 − 19850

C.Constatations du Comité comme motif de révisiond’une affaire19950

D.Garantie du droit à une procédure équitable et à l’exercicedes droits sociaux et économiques pour les demandeurs d’asile20050

E.Utilisation abusive des «assurances diplomatiques»201 − 20550

F.Continuer à contribuer au Fonds de contributionsvolontaires des Nations Unies20651

Liste des abréviations

Textes légaux a

aCP

Ancien Code pénal suisse, du 21 décembre 1937

CEDH

Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, du 1ernovembre 1950

CP

Code pénal suisse, du 21 décembre 1937

CPP

Code de procédure pénale suisse, du 5 octobre 2007

Cst.

Constitution fédérale de la Confédération suisse, du 29 mai 1874

DPMin

Loi fédérale sur le droit pénal des mineurs, du 20 juin 2003

LAsi

Loi fédérale sur l’asile, du 26 juin 1998

LAVI

Loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions, du 4 octobre 1991

LEtr

Loi fédérale sur les étrangers, du 16 décembre 2005

LFIS

Loi fédérale sur l’investigation secrète, du 20 juin 2003

LMSI

Loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure, du 21 mars 1997

LSCPT

Loi fédérale sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication, du 6 octobre 2000

LSEE

Loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers, du 26 mars 1931

LUsC

Loi fédérale sur l’usage de la contrainte et des mesures policières dans les domaines relevant de la Confédération, du 20 mars 2008

LTAF

Loi fédérale sur le Tribunal administratif fédéral, du 17 juin 2005

LTF

Loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005

LTPF

Loi fédérale sur le Tribunal pénal fédéral, du 4 octobre 2002

OIE

Ordonnance sur l’intégration des étrangers, du 13 septembre 2000

OP-CAT

Protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du 18 décembre 2002

PPF

Loi fédérale sur la procédure pénale, du 15 juin 1934

PPMin

Loi fédérale régissant la procédure pénale applicable aux mineurs

Recueils de législation et de jurisprudence, messages du Conseil fédéral a

ATF

Recueil des arrêts du Tribunal fédéral suisse

FF

Feuille fédérale

RO

Recueil officiel des lois fédérales

RS

Recueil systématique du droit fédéral

Organes fédéraux, organisations internationales, comités et co m missions

AELE

Association européenne de libre-échange

CAT

Comité contre la torture des Nations Unies

CCDJP

Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police

Cour EDH

Cour européenne des droits de l’homme

CPT

Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants

CRA

Commission suisse de recours en matière d’asile

DDPS

Département fédéral de la défense, de la protection de la populationet des sports

DFAE

Département fédéral des affaires étrangères

DFE

Département fédéral de l’économie publique

DFI

Département fédéral de l’intérieur

DFJP

Département fédéral de justice et police

HCR

Haut‑Commissariat aux Réfugiés

ODM

Office fédéral des migrations

ONU

Organisation des Nations Unies

TAF

Tribunal administratif fédéral

UE

Union européenne

I. GÉNÉRALITÉS

A. Remarques préliminaires

1.Le quatrième et dernier rapport de la Suisse, daté du 18 décembre 2002 (CAT/C/55/Add.9), couvrait en principe la période du 1er juillet 1996 au 30 juin 2000; il contenait quelques informations plus récentes sur des points particuliers. Il a été examiné par le Comité le 21 juin 2005 dont les observations finales ont été publiées sous la cote (CAT/C/CR/34/CHE). Ce dernier a demandé à la Suisse de lui fournir des renseignements complémentaires, ce qu’elle a fait par courrier des 15 juin 2005, 10 mai 2007 et 27 novembre 2007 (voir les documents CAT/C/CHE/CO/4/Add.1 et 2). Le présent rapport couvre en principe la période allant du 1er juillet 2000 au 30 avril 2008.

B. Adhésion de la Suisse à l’Organisation des Nations Unies

2.En date du 3 mars 2002, suite à un débat démocratique intense, autant le peuple (à 54,6 %) que la majorité des cantons (par 11 2/2 contre 9 4/2 suffrages) ont approuvé l’initiative populaire «Pour l’adhésion de la Suisse à l’Organisation des Nations Unies (ONU)».

3.Le 10 septembre 2002, la Suisse est devenue membre de l’ONU. Cette adhésion figurait parmi les priorités du Conseil fédéral pour la législature 1999-2003.

C. La Suisse au Conseil des droits de l’homme

4.La Suisse a été élue au Conseil des droits de l’homme le 9 mai 2006 par 140 voix sur 191 et a pris une part active et constructive dans les travaux qui ont conduit à l’adoption de la résolution 60/251 de l’Assemblée générale de l’ONU. Conformément à cette résolution:

a)La Suisse s’engage à coopérer pleinement avec le Conseil des droits de l’homme dans le but d’en faire un organe fort, efficace et équitable des Nations Unies pour la promotion et la protection des droits de l’homme, notamment en s’engageant fermement à œuvrer à la réalisation des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, dont le droit au développement et en les mettant tous sur un pied d’égalité;

b) En outre, la Suisse réaffirme son soutien au Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et aux autres fonds, programmes et agences de l’ONU, notamment en contribuant aux actuels efforts de réforme du système de surveillance des traités, et en particulier en évaluant l’opportunité d’un document de base commun, complété par des rapports spécifiques à soumettre à chaque organe de surveillance des traités;

c)En outre, la Suisse s’engage à promouvoir les droits de l’homme au plan international, notamment en aidant les États à s’acquitter de leurs obligations en matière de droit de l’homme au travers de dialogues sur les droits humains, d’échanges d’experts, d’une coopération technique et de conseils;

d)Enfin, la Suisse reconnaît son engagement de promouvoir les droits de l’homme au plan national, notamment en envisageant de ratifier le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants que la Suisse a signé au mois de juin 2004.

5.En date du 8 mai 2008, la Suisse a été l’un des premiers pays à faire l’objet d’un examen par le Conseil des droits de l’homme dans le cadre de l’Examen périodique universel. Le rapport de la Suisse (A/HRC/WG.6/2/CHE/1) a été défendu notamment par la Cheffe du Département fédéral des affaires étrangères. Le 13 mai 2008, le Conseil des Droits de l’homme a adopté son rapport sur la Suisse (A/HRC/8/41). Sur les 30 recommandations formulées, la Suisse en a acceptées cinq, rejetées deux et en examinera 23 (voir A/HRC/8/41/Add.1).

D. Ratifications et signatures d’instruments internationaux

6.Depuis la mise à jour du quatrième rapport, la Suisse a ratifié ou signé, sur le plan universel, les instruments suivants relatifs à la protection contre la torture:

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, ratifié le 26 juin 2002 et entré en vigueur pour la Suisse le 26 juillet 2002;

b)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, signé le 25 juin 2004;

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, ratifié le 19 septembre 2006 et entré en vigueur pour la Suisse le 19 octobre 2006;

d)La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, signée le 12 décembre 2000, son Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, ainsi que son Protocole additionnel contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, ratifiés le 27 octobre 2006 et entrés en vigueur le 26 novembre 2006;

e)Le Protocole facultatif relatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, signé le 15 février 2007.

7.De surcroît, sur le plan régional, il convient de mentionner la signature, la ratification et/ou l’entrée en vigueur des instruments relatifs à la protection des droits de l’homme suivants:

a)Les Protocoles nos 1 et 2 à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, entrés en vigueur le 1er mars 2002;

b)Le Protocole additionnel du 18 décembre 1997 à la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées, entré en vigueur pour la Suisse le 1er octobre 2004;

c)Le Protocole no 13 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, relatif à l’abolition de la peine de mort en toutes circonstances (STE 187), entré en vigueur pour la Suisse le 1er juillet 2003;

d)Le Protocole no14 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, amendant le système de contrôle de la Convention, ratifié le 25 avril 2006 (pas encore entré en vigueur);

e)La Convention sur la cybercriminalité (STE 185), signée le 23 novembre 2001 (ch. 169);

f)Le Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité, relatif à l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques (STE 189), signé le 9 octobre 2003.

E. Constitution suisse

8.Le 1er janvier 2000 est entrée en vigueur la nouvelle Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.). Parmi les modifications importantes, il y a lieu de mentionner la réforme de la justice.

9.La réforme de la justice vise à sauvegarder la capacité de fonctionnement du Tribunal fédéral, à améliorer la protection juridique et à jeter les fondements de l’unification de la procédure pénale suisse. Elle est réalisée en plusieurs étapes et les travaux se poursuivent. Sont entrées en vigueur:

a)Le 1er avril 2003: les bases constitutionnelles nécessaires à l’unification de la procédure pénale (art. 123 Cst.) et à la création du Tribunal pénal fédéral (art. 191a, al. 1, Cst.);

b)Le 1er septembre 2005: la base constitutionnelle pour la création du Tribunal administratif fédéral (art. 191a, al. 2, Cst.);

c)Le 1er janvier 2007: notamment la garantie de l’accès au juge (art. 29a, 191b Cst.) et la garantie de l’indépendance judiciaire (art. 191c Cst.).

10.Le 8 février 2004, le peuple et les cantons ont accepté l’initiative populaire fédérale «Internement à vie des délinquants extrêmement dangereux et non amendables». Un nouvel article 123a de la Constitution est ainsi entré immédiatement en vigueur; sa teneur est la suivante:

Article 123a

1Si un délinquant sexuel ou violent est qualifié d’extrêmement dangereux et non amendable dans les expertises nécessaires au jugement, il est interné à vie en raison du risque élevé de récidive. Toute mise en liberté anticipée et tout congé sont exclus.

2De nouvelles expertises ne sont effectuées que si de nouvelles connaissances scientifiques permettent d’établir que le délinquant peut être amendé et qu’il ne représente dès lors plus de danger pour la collectivité. L’autorité qui prononce la levée de l’internement au vu de ces expertises est responsable en cas de récidive.

3Toute expertise concernant le délinquant est établie au moins par deux experts indépendants qui prennent en considération tous les éléments pertinents.

F. Principaux projets législatifs terminés (ape r çu)

11.Depuis la mise à jour du quatrième rapport, la Suisse a adopté les principaux projets législatifs suivants:

a)Révision de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (incitation à la violence et violence lors de manifestations sportives, LMSI I) du 24 mars 2006, entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (ch. 189 et 251);

b)Loi fédérale sur les étrangers (loi sur les étrangers, LEtr; entrée en vigueur le 1erjanvier 2008);

c)Révision de plusieurs dispositions de la loi fédérale du 26 juin 1998 sur l’asile (LAsi; entrées en vigueur le 1er avril 2004 dans le cadre de la loi fédérale du 19 décembre 2003 sur le programme d’allègement budgétaire 2003;

d)Révision partielle du 16 décembre 2005 de la loi fédérale du 26 juin 1998 sur l’asile (LAsi; entrée en vigueur en partie le 1er janvier 2007 et en partie le 1er janvier 2008;

e)Loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; entrée en vigueur le 1er janvier 2007);

f)Loi fédérale du 4 octobre 2002 sur le Tribunal pénal fédéral (LTPF; entrée en vigueur le 1er avril 2004);

g)Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP):

−La partie générale révisée du Code pénal (CP; entrée en vigueur le 1er janvier 2007);

−La modification concernant l’internement à vie des délinquants extrêmement dangereux (entrée en vigueur prévue le 1er juillet 2008);

−Les articles 123, 189 et 190 (entrés en vigueur le 1er avril 2004);

−L’article 182 (entré en vigueur le 1er décembre 2006);

−L’article 386 (entré en vigueur le 1er janvier 2006);

h)Loi fédérale du 20 juin 2003 régissant la condition pénale des mineurs (droit pénal des mineurs; DPMin; entrée en vigueur le 1er janvier 2007);

i)Révision partielle de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur l’aide aux victimes d’infractions (LAVI; entrée en vigueur le 1er octobre 2002);

j)Révision totale de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur l’aide aux victimes d’infractions (entrée en vigueur le 1er janvier 2009);

k)Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale; CPP; entrée en vigueur prévue en 2010).

G. Projets législatifs en cours

1. Droit procédural

12.Le 22 août 2007, le Conseil fédéral a approuvé une version retravaillée de la loi fédérale sur la procédure pénale applicable aux mineurs (PPMin). En effet, il avait été décidé que le projet initial soit rediscuté avec des praticiens cantonaux, afin de mieux prendre en compte les exigences de la mise en œuvre. Cette nouvelle version a été discutée par le Conseil des États le 11 décembre 2007 et quelques modifications ont été apportées. Les débats au Conseil national devraient se dérouler durant la session d’été 2008. L’objectif est que cette loi entre en vigueur en même temps que le Code de procédure pénale.

2. Droit pénal

13.Le 23 avril 2008, le Conseil fédéral a adopté le message relatif à la modification de lois fédérales en vue de la mise en œuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Ce projet prévoit l’introduction, dans le Code pénal, d’une nouvelle infraction de crimes contre l’humanité et l’énumération expresse des crimes de guerre les plus graves. Une nouvelle répartition des compétences entre les autorités civiles et militaires de poursuite pénale est également prévue en ce qui concerne la poursuite des génocides, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre. La compétence pour poursuivre les auteurs de tels actes serait ainsi réglée de la manière suivante: la justice civile suisse est compétente pour poursuivre et juger les civils suisses et les étrangers (civils ou militaires). Les autorités militaires ne seraient compétentes que pour poursuivre et juger les actes commis par les membres de l’armée suisse et les personnes (suisses ou étrangères, civiles ou militaires) ayant commis une des infractions susmentionnées contre un membre de l’armée suisse. Si la Suisse est en état de guerre, les autorités militaires sont seules compétentes. Le message sera traité par le Parlement courant 2008.

14.Le 27 juin 2007, le Conseil fédéral a adopté le Message concernant l’initiative populaire «Pour l’imprescriptibilité des actes de pornographie enfantine» et la loi fédérale sur la prescription de l’action pénale en cas d’infractions sur les enfants. Le Conseil fédéral rejette la solution préconisée par les auteurs de l’initiative, à savoir faire des actes d’ordre sexuel avec les enfants des actes imprescriptibles, mais propose néanmoins de prolonger les délais de prescription actuellement prévus en ne faisant courir les délais de prescription qu’à partir de la majorité de la victime d’atteinte à l’intégrité physique ou sexuelle, lorsque celle-ci avait moins de 16 ans au moment des faits. Il se calque ainsi non seulement sur ce qui est prévu dans la plupart des législations européennes, mais également dans la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, adoptée par le Comité des ministres le 12 juillet 2007. Le 6 mars 2008, le Conseil national a rejeté l’initiative populaire et a accepté le contre-projet indirect du Conseil fédéral. Le 13 mai 2008, la Commission des affaires juridiques du Conseil des États a proposé à l’unanimité de rejeter l’initiative populaire et d’approuver le contre-projet indirect du Conseil fédéral. Le dossier sera traité par le Conseil des États lors de la session d’été 2008.

3. Droit public

15.Le 24 juin 2004, la Suisse a signé le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Conseil fédéral a adopté le 8 décembre 2006 le message portant approbation et mise en œuvre dudit protocole. Il y propose, en accord avec les cantons, de créer une commission fédérale de prévention de la torture en tant que «mécanisme national de prévention». Des solutions décentralisées ont été rejetées après un examen attentif. La commission doit être composée de 12 membres nommés pour quatre ans. Ses tâches et ses compétences sont largement déterminées par les dispositions du Protocole facultatif. Elle aura notamment le droit inconditionnel de visiter tous les lieux, y compris leurs installations et équipements, où pourraient se trouver des personnes privées de liberté. Le projet est pendant devant le Parlement, qui pourrait l’approuver dans le courant de l’année 2008.

16.Le 20 mars 2008, le Parlement a adopté en votation finale la loi fédérale sur l’usage de la contrainte et des mesures policières dans les domaines relevant de la Confédération (LUsC). Cette loi a pour objectif de régler de manière uniforme l’usage de la contrainte policière dans le domaine de compétence de la Confédération, en particulier dans le cadre des rapatriements d’étrangers, ainsi que d’assurer que tout recours à la contrainte soit proportionné. L’usage de la force physique, de moyens auxiliaires et d’armes doit être proportionné aux circonstances et préserver de la manière la plus large possible l’intégrité de la personne concernée. Suite à une procédure d’élimination des divergences particulièrement longue, l’usage des dispositifs incapacitants («Taser») a été admis à de strictes conditions. En revanche, les techniques d’utilisation de la force physique susceptibles d’entraver les voies respiratoires ou de causer une atteinte importante à la santé des personnes concernées ne sont pas autorisées. Les médicaments ne peuvent être administrés ou prescrits que sur des indications médicales et ne peuvent pas être utilisés en lieu et place de moyens auxiliaires, pour calmer ou endormir la personne. Seules des personnes spécialement formées peuvent être engagées par les autorités pour des opérations nécessitant l’usage de la contrainte. La loi s’applique à toute autorité fédérale amenée à faire usage de la contrainte ou de mesures policières dans le cadre de l’exécution de ses tâches.

17.Depuis un certain temps, un débat est lancé pour savoir si les besoins en renseignements peuvent encore être satisfaits, afin d’évaluer la situation et de prendre les décisions utiles, mais aussi de détecter à temps les dangers cachés. L’actuelle révision de la loi instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI II) doit tenir compte de l’évolution de la menace en Europe de l’Ouest. Elle vise à étendre la recherche d’informations par les services de renseignements de manière ciblée, afin qu’elle soit proche des standards européens en la matière. L’usage des nouvelles mesures fera l’objet de contrôles sévères. Le Conseil fédéral a adopté son message à l’intention du Parlement le 15 juin 2007.

H. Visite du Comité européen pour la prévention de la torture e t des traitements inhumains ou dégradants en Suisse

18.La quatrième visite – de suivi – du Comité européen pour la prévention de la torture et des traitements inhumains ou dégradants (CPT) en Suisse a eu lieu du 20 au 24 octobre 2003 pour visiter la section de la prison de l’aéroport de Zurich Kloten qui héberge les personnes en attente d’éloignement («prison no 2») de même que la zone de transit de l’aéroport international de Zurich. Dès la fin de sa visite, la délégation a déclaré à des représentants de la Confédération et du canton de Zurich qu’elle n’avait constaté aucun indice permettant de conclure à l’application de la torture ou de mauvais traitements graves. Dans le rapport qu’il a adressé au Conseil fédéral en mars 2004, le CPT s’est exprimé de manière circonstanciée sur la situation qui règne à la prison no 2 et dans la zone de transit de l’aéroport de Zurich et a émis un certain nombre de recommandations, commentaires et demandes d’informations à l’adresse des autorités suisses. Dans ses prises de position du 27 février 2002 et du 27 octobre 2004, le Conseil fédéral a d’une part exposé les mesures qui avaient été mises en œuvre et d’autre part répondu aux commentaires et aux demandes d’information du CPT.

19.Du 24 septembre au 5 octobre 2007, le CPT a effectué sa cinquième visite en Suisse. Durant cette visite, la délégation a apporté une attention particulière aux conditions de détention des personnes à l’encontre desquelles une mesure d’internement ou des mesures thérapeutiques institutionnelles ont été ordonnées, ainsi qu’aux conditions dans les unités de sécurité. La délégation s’est également penchée sur la situation des personnes mineures et des jeunes adultes placés dans des institutions éducatives. Pour autant que le Conseil fédéral en décide ainsi, le rapport du CPT sera publié en même temps que la prise de position de la Suisse durant le dernier trimestre 2008.

I. Jurisprudence du Comité et de la Cour européenne des droits de l’homme relative à la Convention

20.Durant la période en question, 29 nouvelles communications individuelles ont été formées contre la Suisse. En même temps, trois communications ont été déclarées irrecevables et six ont été rayées du rôle. Une violation de l’article 3 de la Convention en cas de renvoi a été constatée dans trois cas et niée dans sept cas. Lorsque le Comité a constaté une violation de l’article 3 de la Convention, l’auteur de la communication a été mis au bénéfice de l’admission provisoire (deux cas) ou reçu le statut de réfugié (un cas).

21.La Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH) a communiqué dans la période concernée une seule requête individuelle en demandant des précisions sur le grief allégué d’une violation de l’article 3 CEDH. Dans un cas où ce grief avait été soulevé, la Cour EDH a constaté une violation de l’article 2 CEDH (droit à la vie) du fait que les autorités n’avaient pas mené une enquête effective sur les circonstances du décès du fils des requérants. Par rapport au grief d’une violation de l’article 3, elle a estimé qu’il n’y avait pas eu violation de cette disposition dans son volet matériel et qu’aucune question distincte ne se posait quant à la violation de l’aspect procédural de cette disposition, les circonstances étant identiques à celles concernant le grief tiré de l’article 2 (arrêt Scavuzzo-Hager du 7 février 2006, req. 41773/98). Dans une autre affaire, elle a déclaré la requête irrecevable pour inépuisement des voies de recours internes (décision Ch e ridjian c. Suisse du 14 juin 2005, req. 13791/02).

II. COMMENTAIRE ARTICLE PAR ARTICLE

A. Article 1: Définition de la torture

22.Il peut être renvoyé ici au paragraphe 8 du rapport initial (CAT/C/5/Add.17), aux paragraphes 6 à 12 du troisième rapport périodique (CAT/C/34/Add.6), ainsi qu’aux paragraphes 9 à 13 du quatrième rapport périodique (CAT/C/55/Add.9).

B. Article 2: Interdiction absolue de la torture

23.Les informations fournies aux paragraphes 34 à 37 du rapport initial sont toujours valides, sous réserve des précisions suivantes.

24.L’article 32 de l’ancien Code pénal (aCP), prévoyant que l’acte ordonné par la loi, ou par un devoir de fonction ou de profession ne constituait pas une infraction, a été remplacé par l’article 14 du Code pénal dont la teneur est la suivante: «Quiconque agit comme la loi l’ordonne ou l’autorise se comporte de manière licite, […]». Ce nouvel article «limite les sources de justification à l’obligation légale et à l’autorisation légale. Il ne mentionne plus le devoir de fonction ni le devoir professionnel, qui ne constituent pas, de l’avis unanime de la doctrine, une source justificative autonome. La mention du devoir de fonction et du devoir professionnel ne peut dès lors qu’induire en erreur en faisant penser que l’accomplissement de ces devoirs peut justifier une infraction, même s’il ne s’appuie pas sur la loi.».

25.Le Code de procédure pénale unifiée consacre également l’interdiction absolue du recours à la torture ou au mauvais traitement dans le cadre d’une procédure pénale. En effet, l’article 3, paragraphe 2, al. c et d, du Code de procédure pénale exige des autorités pénales qu’elles se conforment notamment à «la maxime voulant qu’un traitement équitable et le droit d’être entendu soient garantis à toutes les personnes touchées par la procédure» et à «l’interdiction d’appliquer des méthodes d’enquête qui sont attentatoires à la dignité humaine». Par ailleurs, l’article 140 du Code de procédure pénale interdit les moyens de contrainte, le recours à la force, les menaces, les promesses, les tromperies et les moyens susceptibles de restreindre la faculté de penser ou le libre arbitre dans l’administration des preuves, même si la personne concernée a consenti à leur mise en œuvre. Les preuves administrées en violation de ces principes ne sont en aucun cas exploitables (art. 141 CPP).

C. Article 3: Principe du non-refoulement

26.En guise d’introduction, il y a lieu de se référer aux paragraphes 38 à 41, et 43 à 44 du rapport initial, aux paragraphes 8 à 16 du deuxième rapport périodique (CAT/C/17/Add.12), aux paragraphes 15 à 16 du troisième rapport périodique, ainsi qu’aux paragraphes 16 et 17 du quatrième rapport périodique.

1. Extradition

27.Durant la période considérée, une seule requête contestant une décision suisse autorisant l’extradition a été déposée le 18 octobre 2002. Par décision du 7 mai 2003, le Comité a conclu que l’extradition de la requérante vers l’Espagne n’était pas constitutive d’une violation des articles 3 et 15 de la Convention.

2. La révision partielle de la loi sur l’asile et la révision totale de la loi sur les étrangers

28.La nouvelle loi sur l’asile (LAsi), entrée en vigueur en octobre 1999, a fait l’objet d’une révision partielle en 2005, laquelle a été acceptée par le peuple en septembre 2006 à 67 % des votants. Les dispositions relatives au principe de l’État tiers sûr, une procédure d’asile entière dans les centres d’enregistrement et les aéroports y compris un recours éventuel, le nouveau statut des personnes admises à titre provisoire, de même que des nouveaux modèles de financement ont constitué les éléments principaux de cette révision de la loi sur l’asile.

29.Certaines dispositionsde la révision partielle de la loi sur l’asile sont déjà entrées en vigueur le 1er janvier 2007. Il s’agit notamment de la nouvelle formulation du motif de non‑entrée en matière (NEM) en cas d’absence de documents de voyage ou d’identité. De plus, une nouvelle réglementation des cas de rigueur est déjà entrée en force. Le reste des nouvelles dispositions légales est entré en vigueur en janvier 2008. La procédure d’asile à l’aéroport est désormais similaire à celle qui a lieu à la frontière.

30.Le Parlement suisse a adopté en décembre 2005 un projet de révision totale de la loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers (LEtr) datant de 1931. Un référendum a abouti et le peuple a accepté cette loi à 68 % des votants le 24 septembre 2006. Cette nouvelle loi sur les étrangers est entrée en vigueur en janvier 2008. Les objectifs principaux en sont les suivants:

a)Poursuite de la politique d’admission restrictive des travailleurs ressortissants des États non membres de l’UE-25 limitée aux personnes qualifiées;

b)Amélioration du statut juridique des étrangers et renforcement de la politique d’intégration;

c)Renforcement des dispositions visant à lutter contre les abus de droit.

31.Cette loi entend assouplir la législation sur les étrangers dans certains domaines, mais la renforcer dans d’autres. Elle prévoit notamment un regroupement familial accéléré des enfants de moins de 12 ans en souhaitant ainsi favoriser leur intégration rapide. La loi accorde le maintien de l’autorisation de séjour en cas de séparation ou de divorce lorsque l’étranger a résidé durant trois ans en Suisse et s’est intégré avec succès. La violence conjugale devient également un motif qui peut justifier pour la victime, après un divorce ou une séparation, la poursuite du séjour en Suisse. Par ailleurs, les cantons ont la possibilité de n’octroyer une autorisation de séjour ou de courte durée qu’en cas de participation à un cours de langue par exemple. L’officier d’état civil peut en se fondant sur la nouvelle loi refuser son concours en présence d’un mariage de complaisance manifeste.

32.En outre, le statut des personnes admises à titre provisoire a été amélioré. Par ailleurs, les mesures de contrainte afin de garantir l’exécution du renvoi ont été renforcées.

3. Les nouveautés de la loi sur l’asile

a) Les mineurs non accompagnés

33.La révision partielle de la LAsi apporte des améliorations de la protection des requérants d’asile mineurs. Désormais, les mineurs non accompagnés bénéficieront de l’assistance d’une personne de confiance désignée pour les aider à accomplir toutes les démarches déterminantes dans la prise de décision.

34.En vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant, les mineurs non accompagnés ont droit à une protection particulière. Sous l’ancien droit suisse, les autorités cantonales compétentes étaient déjà tenues de prendre des mesures tutélaires en faveur de ces personnes. Lorsqu’il n’était pas possible de désigner immédiatement un tuteur ou un curateur, une personne de confiance devait être chargée de défendre les intérêts du mineur pendant la durée de la procédure d’asile. Toutefois, sous l’ancien droit, la prise de mesures tutélaires et la désignation d’une personne de confiance présupposaient l’attribution du mineur à un canton.

35.Avec le nouveau droit, des mesures tutélaires doivent être prises et une personne de confiance doit être désignée immédiatement lorsque des actes de procédure déterminants pour la décision d’asile, allant au-delà d’une audition sommaire, sont accomplis dans le cadre d’une procédure à l’aéroport ou au centre d’enregistrement, ce qui assure une représentation des intérêts de l’enfant dès le début de la procédure (art. 17, al. 3, LAsi). La personne de confiance guide et soutient le mineur non accompagné pour la durée de la procédure d’asile et de renvoi. Toutefois, son mandat prend fin à la nomination d’un curateur ou d’un tuteur au sens du Code civil, ou à la majorité de l’intéressé. Comme c’était le cas jusqu’ici, les services compétents à l’aéroport (par exemple, la police aéroportuaire) ou dans le centre d’enregistrement informent les autorités cantonales en cas de demande d’asile déposée par un mineur non accompagné, de façon à ce qu’elles puissent désigner immédiatement la personne de confiance et engager les autres mesures tutélaires nécessaires. De son côté, l’autorité cantonale communique sans tarder à l’Office fédéral des migrations (ODM) ou au Tribunal administratif fédéral, ainsi qu’aux mineurs le nom de la personne de confiance désignée et toutes les mesures tutélaires prises.

b) Les cas de rigueur

36.Selon l’article 14, alinéa 2, LAsi, le canton peut déposer auprès de l’ODM une demande de reconnaissance d’un cas de rigueur grave en faveur des requérants d’asile qui lui ont été attribués, en raison de l’intégration poussée de la personne concernée. Une telle procédure est envisageable quel que soit le stade de la procédure d’asile, pour autant que l’étranger séjourne en Suisse depuis au moins cinq ans à compter du dépôt de sa demande d’asile, que les autorités aient toujours été au courant de son lieu de séjour et que son identité soit connue. Sont ainsi concernés les requérants d’asile ayant une procédure ordinaire ou extraordinaire ouverte, ceux ayant fait l’objet d’une décision de non-entrée en matière, ainsi que les requérants d’asile déboutés devant quitter la Suisse. Ces personnes ne peuvent cependant pas initier cette procédure et n’ont qualité de partie que lorsque l’ODM a été saisi par le canton d’une demande de reconnaissance d’un cas de rigueur grave.

37.Le nouvel article 14, alinéa 2, LAsi, est entré en vigueur le 1er janvier 2007. Pendant l’année 2007, 948 demandes de reconnaissance d’un cas de rigueur ont été déposées auprès de l’ODM. 800 de ces affaires ont été traités de manière positive, 40 ont été rejetées et 108 étaient encore pendantes au 1er janvier 2008.

c) La procédure d’asile à l’aéroport

38.Depuis le 1er janvier 2008, la procédure d’asile aux aéroports de Zurich-Kloten et Genève-Cointrin se déroule comme une procédure à la frontière ou une procédure engagée dans un centre d’enregistrement et de procédure de la Confédération. En vertu de l’ancien droit, le renvoi d’un requérant d’asile à destination d’un État tiers ou de son pays d’origine n’entrait en ligne de compte qu’à condition que les allégations de l’intéressé aient été manifestement invraisemblables ou indéfendables et qu’il n’y ait eu aucun obstacle au renvoi. Avant la notification de la décision de renvoi, l’ODM consultait le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) qui disposait d’un «droit de veto» (art. 23, al. 3, aLAsi). En cas d’entrée en Suisse, l’intéressé était dirigé vers un centre d’enregistrement et de procédure de la Confédération, où la procédure se poursuivait. Actuellement, l’article 23, alinéa 1, LAsi, prévoit la possibilité de rendre une décision matérielle négative ou une décision de non-entrée en matière déjà à l’aéroport. Dans les cas prévus par la LAsi, une audition portant sur les motifs d’asile a lieu en présence d’un représentant d’une organisation d’aide aux réfugiés. La décision doit être notifiée dans les vingt jours (auparavant: 15 jours) suivant le dépôt de la demande. S’il n’est pas possible de rendre une décision dans ce laps de temps, l’office attribue le requérant à un canton (art. 23, al. 2. LAsi). L’intéressé peut recourir auprès du tribunal administratif fédéral dans un délai de cinq jours ouvrables à compter de la notification de la décision et ce, aussi bien contre une décision d’asile matérielle négative assortie d’une décision de renvoi que contre une décision de non-entrée en matière. La durée de séjour maximale dans un logement de la zone de transit d’un aéroport est désormais de soixante jours (auparavant: vingt-cinq jours). Le requérant d’asile peut demander l’examen de la légalité et de l’adéquation de l’assignation d’un lieu de séjour à l’aéroport ou d’un autre lieu approprié conformément à l’article 22, al. 3 et 4, LAsi, en tout temps. La mise en détention (selon l’article 76, al. 1 let. b ch. 5, LEtr) peut faire l’objet d’un recours aux mêmes conditions.

d) Le conseil juridique dans les centres d’enregistrement et dans les aéroports

39.Conformément à l’article 17, alinéa 4, LAsi, le Conseil fédéral a réglementé la question de l’accès au conseil juridique dans les centres d’enregistrement et dans les aéroports. Ainsi, l’ODM informe les requérants d’asile qui déposent une demande dans un aéroport ou dans un centre d’enregistrement, par écrit ou d’une autre manière appropriée et dans une langue qui leur est compréhensible, de la possibilité qu’ils ont de faire appel à un conseiller juridique ou à un représentant légal. Il met à leur disposition les moyens de communication appropriés ainsi que les adresses utiles. Les contacts entre le conseiller juridique ou le représentant légal et son mandant peuvent avoir lieu dans les centres d’enregistrement durant les heures de visite. Les requérants sont libres de chercher des renseignements juridiques hors du lieu où ils sont hébergés. Dans les aéroports internationaux de Zurich-Kloten et de Genève-Cointrin, le conseil juridique est assuré sur place par des œuvres d’entraide.

e) Les voies de recours

40.Dans le cadre de la révision de la loi sur l’asile, des dispositions ont été prévues afin d’unifier et d’accélérer la procédure de recours auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF), instance qui a remplacé la Commission suisse de recours en matière d’asile depuis le 1er janvier 2007. En matière d’asile, le TAF statue en dernière instance sur les recours contre les décisions de l’ODM.

41.Concrètement, toute décision négative ou décision de non-entrée en matière rendue par l’ODM peut faire l’objet d’un recours auprès du TAF. Le recours est généralement dirigé contre le refus d’octroi de l’asile ou de la protection provisoire et le prononcé du renvoi. L’article 108 LAsi prévoit également la possibilité de recourir contre une décision de refus d’entrée provisoire ou d’attribution du lieu de séjour à l’aéroport (art. 22, 23 LAsi). En vertu de l’article 108, alinéa 1, LAsi, le recours doit être introduit dans le délai de trente jours dès la notification de la décision. Le délai de recours contre une décision de non-entrée en matière et contre une décision de renvoi dans le cadre d’une procédure accélérée menée à l’aéroport est fixé à cinq jours ouvrables suivant la notification. En principe, tout recours a un effet suspensif, y compris les recours contre les décisions de non-entrée en matière et contre les décisions prises dans la procédure à l’aéroport. Par contre, l’usage d’une voie de droit ou d’un moyen de droit extraordinaire ne suspend pas l’exécution du renvoi, sauf si l’autorité compétente en décide autrement (art. 112 LAsi). Tel sera notamment le cas si la demande de réexamen ne semble pas d’emblée vouée à l’échec.

4. Autres dispositions particulières nouvelles dans le domaine de l’asile

a) Les émoluments

42.Il a été constaté que les demandes de réexamen déposées auprès de l’ODM sont, pour une large part, manifestement infondées, voire abusives. C’est notamment le cas lorsqu’il apparaît clairement que la demande de réexamen a été déposée dans le seul but d’empêcher l’exécution imminente d’une décision de renvoi. Sur la base de ce constat, la loi révisée a introduit une disposition prévoyant de soumettre au paiement d’un émolument les demandes de réexamen en première instance, en incluant l’obligation de faire une avance de frais (art. 17b LAsi). Si, à la clôture définitive de la procédure d’asile et de renvoi, une personne dépose une demande de réexamen, l’ODM percevra désormais un émolument, à moins que la demande ne soit partiellement ou intégralement agréée. Sont exemptées du paiement de cet émolument, les personnes indigentes dont la demande n’apparaît pas d’emblée vouée à l’échec, à condition qu’elles en fassent la demande. Le montant de l’émolument dont la personne ayant déposé la demande doit effectivement s’acquitter est indiqué dans le dispositif de la décision concernant la demande de réexamen.

43.Lorsqu’une personne dépose une demande de réexamen, l’ODM peut en outre prélever une avance de frais dont le montant correspond au coût présumé de la procédure. Les demandes de réexamen devant être traitées dans des délais particulièrement courts, l’ODM a la possibilité d’évaluer les conséquences du prélèvement d’une avance de frais. En effet, suivant l’ampleur des retards dans la procédure causés par le prélèvement d’une avance de frais et l’importance des coûts qui en découlent, il peut être préférable pour l’ODM de renoncer à l’avance de frais. Si la personne ne fait pas l’avance de frais qui lui incombe, sa demande de réexamen fait l’objet d’une décision de non-entrée en matière, qui peut être contestée par la voie d’un recours auprès du TAF. L’ODM renonce au prélèvement d’une avance de frais si la personne est indigente et que sa demande n’apparaît pas d’emblée vouée à l’échec. Il renonce également au prélèvement d’une avance de frais dans les procédures concernant un mineur non accompagné si la demande de ce dernier n’apparaît pas d’emblée vouée à l’échec.

44.Le montant des émoluments perçus pour la procédure de réexamen et de l’avance de frais, s’élève en règle générale à CHF 1 200.

45.La nouvelle disposition sur les émoluments est également applicable lorsqu’une personne dépose une nouvelle demande d’asile après clôture définitive de la procédure ou après retrait de la demande d’asile, à condition que le requérant ne soit pas retourné dans son État d’origine entre-temps.

b) Le concept d’État tiers sûr

46.Depuis le 1er janvier 2008, les requérants d’asile ayant, avant de déposer leur demande d’asile, séjourné dans un État tiers sûr dans lequel ils peuvent retourner peuvent être renvoyés dans ce pays sans qu’il ne soit entré en matière sur leur requête (art. 34, al. 2, LAsi). Le Conseil fédéral est habilité à désigner des États tiers sûrs.

47.Pour appliquer ce motif de non-entrée en matière, certaines conditions doivent, en principe, être remplies: d’une part, les intéressés doivent avoir séjourné dans le pays en question, d’autre part, ils doivent pouvoir y trouver protection. La notion d’État tiers sûr englobe également les pays où le requérant a déjà obtenu l’asile ou une protection effective comparable (first countries of asylum) avant d’arriver en Suisse. Étant donné que le principe de l’État tiers sûr a notamment pour priorité de permettre l’exécution efficace des décisions de renvoi, une garantie de réadmission émanant de l’État tiers est requise.

48.Cette nouvelle réglementation fait clairement la distinction entre les États sûrs en général et les États que le Conseil fédéral désigne comme étant sûrs. S’agissant des premiers, les autorités compétentes en matière d’asile doivent, pour tout renvoi, prouver au cas par cas que le pays en question est sûr, c’est-à-dire qu’il respecte le principe du non-refoulement. Quant aux seconds, il n’est plus nécessaire d’apporter la preuve de la sûreté, celle-ci étant présumée. Néanmoins, cette présomption peut être attaquée par le requérant.

49.Le 14 décembre 2007, le Conseil fédéral a désigné l’ensemble des États de l’Union européenne et des États de l’Association européenne de libre-échange (AELE) (Norvège, Islande, Liechtenstein) comme des États tiers sûrs.

50.La nouvelle disposition remplace le renvoi préventif vers un État tiers qui était applicable jusqu’au 31 décembre 2007. Ainsi, la décision de non-entrée en matière et de renvoi vers l’État tiers met désormais un terme définitif à la procédure en Suisse et la procédure comporte les garanties suivantes: le renvoi immédiat vers l’État tiers n’est plus possible et le requérant peut séjourner en Suisse jusqu’à l’entrée en force de la décision de non entrée en matière (NEM); en outre, le recours a effet suspensif. Le délai de recours est de cinq jours ouvrables.

51.Les différents cas d’application prévus par la loi sont les suivants:

a)Le requérant peut retourner dans un État tiers sûr désigné par le Conseil fédéral, dans lequel il a séjourné auparavant;

b)Le requérant peut retourner dans un État tiers dans lequel il a séjourné auparavant et qui respecte dans le cas d’espèce le principe du non-refoulement;

c)Le requérant peut poursuivre son voyage vers un État tiers pour lequel il possède déjà un visa et dans lequel il peut demander protection;

d)Le requérant peut se rendre dans un État tiers compétent, en vertu d’un accord international, pour mener la procédure d’asile et de renvoi; cela couvrira la procédure Dublin, qui n’entrera en vigueur en Suisse que le 1er novembre 2008;

e)Le requérant peut poursuivre son voyage vers un État tiers dans lequel vivent des proches parents ou des personnes avec lesquelles il entretient des liens étroits.

52.Toutefois, la loi prévoit trois dérogations. Ainsi, une NEM et un renvoi vers l’État tiers seront exclus lorsque:

a)Des proches parents du requérant ou des personnes avec lesquelles il entretient des liens étroits vivent en Suisse;

b)Le requérant a manifestement la qualité de réfugié;

c)L’office est en présence d’indices d’après lesquels l’État tiers n’offre pas une protection efficace au regard du principe du non-refoulement.

c) La non entrée en matière pour défaut de documents d’identité

53.La loi sur l’asile connaissait déjà une disposition de non-entrée en matière (NEM) appliquée depuis 1998 aux demandes d’asile déposées par des personnes qui ne remettaient pas de documents de voyage ou d’autres documents permettant aux autorités de les identifier dans un délai de quarante‑huit heures après le dépôt de la demande d’asile. La pratique a cependant montré que cette disposition n’a pas produit les effets escomptés et n’a pas incité davantage de requérants d’asile à remettre les documents en leur possession.

54.Compte tenu de ce qui précède, la loi révisée a prévu une nouvelle formulation de ce motif de NEM (art. 32, al. 2, let. a et al. 3, LAsi) de telle façon qu’il puisse être appliqué de manière plus systématique, dans le but d’augmenter le nombre de documents produits et de garantir ainsi l’identification des requérants d’asile.

55.Pour ce faire, seuls sont dorénavant admis comme documents suffisants les documents de voyage et les pièces d’identité au sens strict, à l’exclusion d’autres documents.

56.La formulation proposée est conforme au droit international au regard des exceptions prévues à la NEM:lorsque des motifs excusables justifient l’absence de papiers, la qualité de réfugié est manifeste ou de plus amples investigations sont nécessaires. Ainsi, elle tient compte de la situation des réfugiés pouvant invoquer des motifs pertinents et crédibles, en ce sens qu’il est entré en matière sur les demandes émanant de ces réfugiés, même s’ils sont dépourvus de papiers, soit parce que leur qualité de réfugié a pu être établie au terme de l’audition, soit parce qu’il n’est pas possible de statuer sur leur demande à l’issue de l’audition et que l’introduction d’autres mesures d’instruction se révèle nécessaire pour pouvoir établir leur qualité de réfugié. L’interdiction de refoulement est également respectée, dans la mesure où il est entré en matière sur des demandes pour lesquelles il n’est pas possible de rendre de décision de renvoi, l’introduction d’autres mesures d’instruction se révélant préalablement nécessaire pour constater l’existence d’éventuels empêchements à l’exécution du renvoi.

57.En outre, la NEM n’est pas applicable non plus, à l’instar de l’ancien droit, lorsque le requérant rend vraisemblable que, pour des motifs excusables, il ne peut pas remettre ses documents dans le délai de quarante‑huit heures. Dans tous les cas, une audition sur les motifs d’asile a lieu en présence d’un représentant d’une œuvre d’entraide. De surcroît, depuis le 1er avril 2004, l’exécution immédiate du renvoi n’est plus possible et le recours contre toute décision de NEM a effet suspensif automatique. Le délai de recours est de cinq jours ouvrables.

5. Les nouveautés de la loi sur les étrangers

a) Le renvoi de la Suisse

58.Comme dans l’ancien droit, les autorités compétentes peuvent renvoyer l’étranger de Suisse sans décision formelle (art. 64, al. 1, et art. 65, al. 1, LEtr). Selon la nouvelle loi, en revanche, l’autorité compétente doit rendre une décision sur demande immédiate (art. 64, al. 2, et art. 65, al. 2, LEtr). À la frontière, la décision peut faire l’objet d’un recours dans les trois jours après sa notification. Le recours n’a pas d’effet suspensif. L’autorité de recours doit décider dans les dix jours de la restitution de l’effet suspensif (art. 64, al. 2, LEtr). A l’aéroport, la décision peut faire l’objet d’un recours dans les quarante‑huit heures après sa notification. L’autorité de recours doit statuer dans les soixante‑douze heures (art. 65, al. 2, LEtr). Le recours a effet suspensif.

59.Dans la perspective de la participation opérationnelle de la Suisse à l’accord Schengen (prévue pour le 1er novembre 2008), un renvoi prononcé aux frontières extérieures Schengen, soit pour la Suisse, aux aéroports d’où proviennent des voyageurs hors de l’espace Schengen, doit toujours être notifié au moyen d’un formulaire standard indiquant les voies de droit. Un éventuel recours n’a pas d’effet suspensif et le renvoi est en principe immédiatement exécutoire.

b) Le regroupement familial des personnes admises à titre provisoire

60.L’article 85, alinéa 7, LEtr, permet aux conjoint et aux enfants célibataires de moins de 18 ans des personnes admises provisoirement en Suisse de pouvoir bénéficier du regroupement familial et, par conséquent, du même statut que la personne se trouvant déjà en Suisse, ceci aux conditions cumulatives suivantes:

La personne admise provisoirement en Suisse peut déposer une telle demande au plus tôt trois ans après le prononcé de cette mesure;

Elle vivra en ménage commun en Suisse avec les personnes bénéficiant du regroupement familial;

Toute la famille disposera d’un logement approprié;

Toute la famille ne dépendra pas de l’aide sociale.

61.Aucune statistique n’est disponible. Cependant, il est possible d’indiquer que très peu d’affaires ont été examinées par l’ODM durant la première année d’application de cette base légale.

c) L’autorisation de séjour pour les personnes admises provisoirement

62.Tout étranger séjournant en Suisse depuis plus de cinq ans et bénéficiant d’une admission provisoire peut déposer auprès de son canton de domicile une demande d’octroi d’une autorisation de séjour conformément à l’article 84, alinéa 5, LEtr. Le canton peut accepter ou refuser cette demande. En cas de refus, une procédure peut être ouverte sur le plan cantonal. Si le canton accepte l’octroi d’une autorisation de séjour, il doit transmettre l’affaire à l’ODM, avec un préavis positif. Si l’ODM accepte la reconnaissance d’un cas de rigueur grave (examen approfondi effectué sur la base des informations fournies par le canton et du dossier fédéral, notamment en tenant compte du niveau d’intégration en Suisse de l’étranger concerné, de sa situation familiale et de l’exigibilité d’un retour dans son pays de provenance), il permettra au canton d’octroyer une autorisation de séjour et mettra fin à l’admission provisoire. Pendant l’année 2007, 3 395 personnes ont pu bénéficier de cette réglementation.

6. L’assistance

a) Aide sociale et aide d’urgence dans le domaine de l’asile

63.L’extension de l’exclusion de l’aide sociale aux personnes ayant fait l’objet d’une décision négative d’asile et de renvoi entrée en force est une des modifications centrales de la révision de la LAsi. Cette réglementation était déjà applicable aux personnes frappées d’une décision de non-entrée en matière (NEM) depuis avril 2004.

64.L’exclusion de l’aide sociale signifie que les personnes ayant fait l’objet d’une décision négative d’asile assortie d’une décision de renvoi entrée en force et les personnes frappées d’une décision de non-entrée en matière assortie d’une décision de renvoi entrée en force sont exclues du système d’aide sociale de la loi sur l’asile. Ces personnes sont tenues de quitter la Suisse de manière autonome. Elles reçoivent, en cas de besoin et sur demande, l’aide d’urgence. Les cantons sont compétents pour octroyer l’aide d’urgence. Il s’agit essentiellement de créer une césure pour les personnes déboutées afin de les sensibiliser à leur obligation de quitter la Suisse (désavantage par rapport aux personnes avec une procédure d’asile en suspens qui peuvent attendre la décision en Suisse).

65.L’aide d’urgence, garantie par l’article 12 de la Constitution., signifie concrètement la mise à disposition d’un hébergement simple (hébergement d’urgence, abri de protection civile, etc.), de la nourriture par distribution de repas dans les structures d’hébergement, de bons de repas ou de prestations pécuniaires journalières ainsi qu’en cas de besoin de soins médicaux d’urgence. Dans chaque cas, l’aide d’urgence est adaptée aux besoins de la personne concernée. La situation actuelle des personnes vulnérables (par exemple, mineurs non accompagnés, personnes malades) peut être prise en compte (par exemple, hébergement en appartement au lieu d’en hébergement d’urgence). La personne concernée dispose des voies de droit ordinaires (instances cantonales jusqu’au Tribunal fédéral) contre un refus d’aide d’urgence ou une aide d’urgence insuffisante.

b) L’intégration des étrangers

66.Selon la loi fédérale sur les étrangers et l’ordonnance sur l’intégration des étrangers, les personnes admises à titre provisoire peuvent nouvellement aussi profiter des mesures d’intégration. Les cantons sont compétents pour l’intégration. La Confédération octroie aux cantons une contribution forfaitaire aux frais d’intégration. L’intégration sociale et professionnelle figure au premier plan.

c) L’aide au retour (EAR)

67.La nouvelle loi fédérale sur les étrangers (LEtr) et la loi sur l’asile (LAsi ) révisée ont entraîné certains changements dans le domaine de l’aide au retour. Pour la première fois, les services-conseils en vue du retour (art. 93 LAsi) et le conseil en vue du retour dans les centres d’enregistrement sont expressément mentionnés dans les prescriptions légales. Ainsi, le législateur a reconnu toute leur importance. Depuis l’interruption de l’aide sociale, les personnes frappées d’une décision de non-entrée en matière entrée en force ne sont plus exclues de l’aide au retour et des prestations peuvent désormais leur être versées même si le délai imparti pour quitter la Suisse est échu. Dès lors, à partir de 2008, tous les requérants d’asile perçoivent l’intégralité des prestations d’aide au retour. Les seuls motifs d’exclusion de l’aide au retour sont la délinquance, la violation de l’obligation de coopérer et le fait de disposer de moyens financiers suffisants ou d’importantes valeurs patrimoniales.

68.Un projet pilote actuellement en cours d’élaboration prévoit de permettre à certains groupes de personnes relevant du droit des étrangers de bénéficier de l’aide au retour puisque, pour la première fois, l’entrée en vigueur de l’article 60 LEtr permet de venir en aide aux personnes à protéger particulièrement vulnérables qui, en application des prescriptions, quittent volontairement la Suisse. Prévu pour durer deux ans, ce projet pilote s’adresse aux victimes et aux témoins de la traite d’êtres humains ainsi qu’aux personnes particulièrement menacées d’être exploitées dans l’exercice de leur activité lucrative.

69.Désormais, conformément à l’article 92, al. 2, LAsi, les programmes réalisés à l’étranger peuvent également viser à prévenir la migration irrégulière. La prévention de la migration irrégulière (PiM) contribue à la réduction à court terme du risque de migration primaire ou secondaire en Suisse. Le message relatif à la révision partielle de la loi sur l’asile précise à cet égard qu’il est prioritaire de proposer aux personnes fuyant un conflit ou une catastrophe d’autres lieux de séjour dans leur région de provenance et de mettre sur pied des campagnes d’information et de sensibilisation. En plus des projets d’aide structurelle jusqu’à présent mis en œuvre dans des programmes spécifiques à certains pays avec l’aide de la Direction du développement et de la coopération, la PiM revêtira toujours plus d’importance à l’avenir.

7. La protection des données dans le domaine de l’asile

70.Conformément à l’article 97, al. 1 LAsi, il est interdit de communiquer des données personnelles à l’État d’origine ou de provenance que cette communication met en danger la personne concernée ou ses proches. De même, il est interdit de divulguer à l’État d’origine ou de provenance des informations se rapportant au dépôt d’une demande d’asile (cf. art. 97, al. 1 in fine).

71.Lors des démarches en vue du départ, l’autorité compétente précisera uniquement, le cas échéant, le simple fait que l’intéressé ne possède pas d’autorisation de séjour valable en Suisse. Il sied de préciser que l’autorité peut prendre contact avec l’État d’origine ou de provenance pour obtenir les documents de voyage nécessaires à l’exécution du renvoi, dès qu’une décision négative ou de non-entrée en matière a été rendue en première instance. En d’autres termes, ces démarches peuvent être entreprises avant même l’entrée en force formelle de la décision de première instance. Au surplus, les démarches en vue de l’obtention de documents de voyage ne sont pas interrompues par le dépôt d’un recours ou d’une voie de droit extraordinaire.

72.En vue de l’exécution d’une décision de renvoi, les autorités sont amenées à communiquer un certain nombre de données personnelles (ainsi que les données biométriques) à l’État d’origine ou de provenance. La révision partielle de la LAsi a permis de compléter le catalogue des données afin de mieux répondre aux exigences posées par la pratique. En particulier, il a été prévu d’étendre la communication également aux informations relatives à une procédure pénale pendante en Suisse. Toutefois, cette communication ne devrait pas revêtir un caractère systématique. En effet, en vertu de la disposition de l’article 97, alinéa 3, let. g, LAsi, la communication d’indications sur les procédures pénales ne devrait intervenir que dans le cas d’espèce lorsque «la procédure de réadmission et le maintien de la sécurité et de l’ordre publics dans l’État d’origine l’exigent et qu’il n’en découle aucun danger pour la personne concernée». Il convient de rappeler que la communication de données en matière pénale est régie par la loi fédérale sur l’entraide internationale en matière pénale.

8. Les mesures de contrainte

73.Lors de la révision de loi sur les étrangers, les dispositions concernant les mesures de contrainte ont été durcies. De nouveaux motifs de détention ont été institués (rétention, détention en vue de l’exécution du renvoi ou de l’expulsion à partir des centres d’enregistrement, détention en vue du renvoi ou de l’expulsion en cas de non-collaboration à l’obtention des documents de voyage, détention pour insoumission, assignation et interdiction de pénétrer dans une région déterminée si l’intéressé est frappé d’une décision exécutoire de renvoi ou d’expulsion et s’il n’a pas respecté le délai qui lui était imparti pour quitter le territoire) et la durée maximale de détention a été étendue de 12 à 24 mois. Depuis le 1er janvier 2007, la LEtr prévoit les mesures de contraintes ci-après:

a) La rétention (art. 73 LEtr)

74.La rétention (art. 73 LEtr) peut être prononcée par les autorités fédérales et cantonales. Elle doit permettre, d’une part, de notifier une décision relative au statut de séjour, comme par exemple une décision d’asile. Mais elle est ordonnée aussi et surtout afin d’établir l’identité d’une personne ayant l’obligation de collaborer à cet effet. La rétention dure le temps nécessaire pour effectuer les recherches prévues ou notifier la décision (transport compris) mais ne peut toutefois excéder trois jours.

b) L’assignation d’un lieu de résidence et l’interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 74 LEtr)

75.L’assignation d’un lieu de résidence et interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 74 LEtr) remplit deux fonctions. Elle offre, d’une part, un instrument à l’encontre d’étrangers qui troublent ou menacent la sécurité et l’ordre publics (notamment en cas de violation de la loi sur les stupéfiants) mais ne peuvent être renvoyés immédiatement de Suisse. Cette forme de détention est d’autre part applicable aux personnes dont le renvoi ou l’expulsion ne peut être exécuté mais que les autorités souhaitent néanmoins tenir éloignées d’un lieu donné. Depuis le 1er janvier 2007, une assignation peut être prononcée si l’étranger est frappé d’une décision exécutoire de renvoi ou d’expulsion et n’a pas respecté le délai qui lui était imparti pour quitter le territoire.

c) La détention en phase préparatoire (art. 75 LEtr)

76.La détention en phase préparatoire (art. 75 LEtr) vise à assurer l’exécution d’une procédure de renvoi ou à préparer la décision relative au séjour. Elle peut être ordonnée lorsque la personne visée séjourne illégalement en Suisse et remplit l’un des motifs de détention prévus à l’article 75, alinéas a à h, LEtr (refuse de décliner son identité lors de la procédure d’asile ou de renvoi, pose plusieurs demandes d’asile sous des identités différentes, pénètre dans une zone qui lui est interdite, menace sérieusement d’autres personnes, etc.). Le 1er janvier 2007, la durée maximale de la détention en phase préparatoire a été étendue de trois à six mois au plus.

d) La détention en vue du renvoi ou de l’expulsion (art. 76 LEtr)

77.La détention en vue du renvoi ou de l’expulsion (art. 76 LEtr) est ordonnée lorsqu’une décision de renvoi ou d’expulsion – pas forcément exécutoire – a été notifiée, que l’exécution du renvoi est imminente et qu’un motif de détention est donné (la personne concernée quitte la région qui lui est assignée, pénètre dans une zone qui lui est interdite, franchit la frontière malgré une interdiction d’entrer en Suisse et ne peut pas être renvoyé immédiatement, menace sérieusement d’autres personnes, etc.). L’exécution du renvoi doit être objectivement possible et applicable même contre la volonté de la personne visée. L’autorité compétente est tenue d’entreprendre sans tarder les démarches nécessaires en vue du renvoi (principe de célérité). Le 1er janvier 2007, la durée maximale de la détention a été prolongée de neuf à dix‑huit mois. Pour les mineurs âgés de 15 à 18 ans, la détention ne peut excéder douze mois. Depuis le 1er janvier 2008, il est en outre possible de mettre en détention la personne lorsque la décision de renvoi prise en vertu d’une décision de non-entrée en matière est notifiée dans un centre d’enregistrement et que l’exécution du renvoi est imminente. La durée de ce type de détention ne peut excéder vingt jours.

e) La détention en vue du renvoi ou de l’expulsion en cas de non-collaboration à l’obtention des documents de voyage (art. 77 LEtr)

78.Cet état de fait spécial relatif à la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion (art. 77 LEtr), nouvellement inscrit dans la loi, est applicable depuis le 1er janvier 2007. Cette détention peut être ordonnée afin d’assurer l’exécution du renvoi ou de l’expulsion aux conditions suivantes: une décision exécutoire a été prononcée, la personne visée n’a pas quitté la Suisse dans le délai imparti, l’autorité doit se procurer elle-même les documents de voyage. Cette mesure entre en considération notamment lorsqu’il y a risque de voir l’étranger passer à la clandestinité aussitôt que l’autorité sera en possession des documents de voyage. La durée de la détention ne peut excéder soixante jours.

f) La détention pour insoumission (art. 78 LEtr)

79.Introduite le 1er janvier 2007, la détention pour insoumission (art. 78 LEtr) vise à faire changer de comportement un étranger tenu de quitter la Suisse lorsque, malgré les efforts déployés par les autorités, le renvoi ou l’expulsion exécutoire de l’intéressé ne peut se faire sans sa coopération. La détention pour insoumission constitue l’ultime moyen auquel il est fait recours lorsqu’il n’existe pas d’autre mesure de contrainte susceptible d’amener la personne séjournant illégalement en Suisse à retourner, contre sa volonté, dans le pays d’origine ou de provenance. Cette détention peut être ordonnée notamment lorsque l’étranger possédant les documents de voyage requis ne peut être rapatrié sans son assentiment dans le pays concerné. Cependant, cette forme de détention peut également servir à forcer l’étranger à coopérer pour obtenir les documents de voyage requis ou pour établir son identité. La détention pour insoumission peut être ordonnée pour une période initiale d’un mois, puis prolongée de deux mois, puis à nouveau de deux mois tous les deux mois. La durée maximale de détention est de 18 mois et de 9 mois pour les mineurs âges de 15 à 18 ans.

g) Statistiques

80.Il n’existe pas de statistiques fédérales détaillées dans le domaine des mesures de contrainte jusqu’à présent, étant donné que ces dernières sont de la compétence des cantons. Cependant, avec l’entrée en vigueur de l’article 15a de l’ordonnance sur l’exécution du renvoi et de l’expulsion d’étrangers (OERE;RS 142.281) le 1er janvier 2008, les autorités cantonales compétentes sont tenues de communiquer à l’ODM les données suivantes relatives aux mesures de contraintes:

a)Le nombre de détentions ordonnées et la durée de détention au cas par cas;

b)Le nombre de renvois directs de détenus;

c)Le nombre de mises en liberté;

d)La nationalité des personnes détenues;

e)Le sexe et l’âge des personnes détenues.

81.La transmission de ces données permet l’évaluation de l’efficacité des mesures de contrainte, selon la loi sur les étrangers, notamment en cas de détention administrative en vue du renvoi.

82.L’ODM a pour objectif que ces données puissent être saisies directement dans le système d’information central sur la migration (SYMIC) qui se trouve dans la phase d’introduction. En vue de cette réalisation, l’ODM est en train d’entreprendre les démarches nécessaires avec la collaboration des cantons. Selon toute probabilité, les travaux de programmation pour une solution automatisée seront terminés vers la fin 2009.

9. La jurisprudence de l’instance de recours en matière d’asile

a) Persécutions non étatiques: théorie de la protection

83.Dans une décision de principe du 8 juin 2006, l’ex-Commission de recours en matière d’asile (CRA) a procédé à un revirement de sa jurisprudence relative à la pertinence des persécutions non étatiques pour la reconnaissance de la qualité de réfugié, en décidant d’adopter la théorie de la protection en lieu et place de celle de l’imputabilité. Désormais, la question centrale qui se pose est de savoir si la personne persécutée ou craignant de l’être peut trouver une protection adéquate dans son pays d’origine. L’élément déterminant pour la reconnaissance de la qualité de réfugié est non plus l’auteur de la persécution, mais l’absence de protection face à une persécution ou une crainte de persécution, que cette déficience soit attribuée ou non à une intention délibérée de l’État. Dorénavant, il faudra se placer sous l’angle de la victime des persécutions et examiner si elle peut bénéficier de la protection des autorités de son pays d’origine. Cette nouvelle approche rend caduque la distinction entre persécution étatique directe et persécution étatique indirecte.

84.Ce revirement de jurisprudence a, en particulier, une incidence sur les requêtes introduites par des personnes victimes de persécutions de tiers et provenant d’États incapables de leur assurer une protection ou d’États, de facto, inexistants (failed St a tes). Sous l’ancienne pratique, ces personnes ne se voyaient, en règle générale, pas reconnaître la qualité de réfugié, mais leur renvoi faisait l’objet d’une mesure de substitution (admission provisoire). Actuellement, elles peuvent se voir reconnaître la qualité de réfugié, pour autant que toutes les autres conditions en matière d’asile soient remplies.

b) Persécutions spécifiques aux femmes

85.Dans une décision de 2006, la CRA a jugé qu’il y a également motif de persécution pertinent en matière d’asile, lorsque la persécution est uniquement liée au genre. En l’occurrence, en cas de rapt nuptial en Éthiopie, les femmes, notamment celles qui vivent dans les régions rurales, ne bénéficient en principe pas d’une protection adéquate de la part de l’État. Il existe une possibilité de refuge interne, en particulier à Addis-Abeba. Cette possibilité dépend des circonstances de chaque cas d’espèce, mais doit en tous cas être déniée lorsque la protection est requise contre une personne disposant de pouvoirs et de relations d’importance nationale.

c) Victimes de tortures et de viol: crédibilité d’allégations tardives

86.Dans deux décisions, l’instance s’est prononcée sur la crédibilité d’allégations tardives. Ainsi, pour une victime probable de mauvais traitements, le fait de taire, par honte, les détails de tortures (in casu, des brûlures pratiquées sur des parties intimes du corps) lors des auditions et de ne les mentionner d’une manière substantielle qu’au stade du recours, ne porte pas nécessairement atteinte à sa crédibilité. De même, le fait de n’alléguer un viol qu’au stade d’une procédure extraordinaire peut s’expliquer par les sentiments de culpabilité et de honte, de même que par les mécanismes de défense développés par la victime. Dans un tel cas, et dans la mesure où les autres éléments du dossier permettent d’admettre la vraisemblance de l’ensemble des faits en relation avec ce nouvel allégué, la demande de révision ou de réexamen ne saurait être rejetée au seul motif qu’il aurait pu être invoqué en procédure ordinaire.

d) Insoumission et désertion: pertinence en matière d’asile

87.Une éventuelle sanction pour insoumission ou désertion ne constitue une persécution déterminante en matière d’asile que si, pour un des motifs énoncés à l’article 3 LAsi, la personne concernée est punie plus sévèrement que ne le serait une autre dans la même situation (malus), ou que la peine infligée est d’une sévérité disproportionnée ou, encore, que l’accomplissement du service militaire exposerait cette personne à des préjudices relevant de la disposition précitée ou impliquerait sa participation à des actions prohibées par le droit international.

88.En application de cette interprétation, l’instance de recours a jugé que, en Érythrée, la peine sanctionnant le refus de servir ou la désertion est démesurément sévère; elle doit être rangée parmi les sanctions motivées par des raisons d’ordre politique («malus absolu»). Les personnes nourrissant une crainte fondée d’être exposées à une telle peine doivent être reconnues comme réfugiées.

e) Article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

89.S’appuyant sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, l’instance de recours s’est prononcée à plusieurs reprises sur la question de la compatibilité de l’exécution du renvoi d’une personne atteinte dans sa santé avec le respect de l’article 3 de CEDH. Ainsi, l’expulsion d’un malade du sida en phase terminale peut, dans des circonstances tout à fait extraordinaires, conduire à une violation de l’article 3 CEDH. Toutefois, l’expulsion d’une personne atteinte du sida est en tous les cas licite au regard de l’article 3 CEDH tant que la phase finale de la maladie ne s’est pas encore déclarée. De même, à certaines conditions très particulières, l’exécution du renvoi d’un demandeur d’asile débouté, atteint dans sa santé physique ou psychique, ou présentant des risques de suicide, peut constituer une violation de l’article 3 CEDH.

f) Mineurs

90.Dans l’examen du caractère raisonnablement exigible de l’exécution du renvoi, l’intérêt supérieur de l’enfant constitue un facteur à prendre en considération. Des possibilités d’insertion (ou de réinsertion) dans le pays d’origine rendues plus difficiles en raison d’une intégration avancée de l’enfant en Suisse peuvent conduire à l’inexigibilité de l’exécution du renvoi de l’ensemble de sa famille.

91.La personne de confiance dotée de connaissances juridiques doit assurer la défense des intérêts du mineur non accompagné durant la procédure d’asile. À cette fonction centrale sont attachées certaines exigences quant à la qualification et la formation de la personne de confiance ainsi qu’à la manière dont celle-ci s’acquitte de sa charge. Si la personne de confiance a manifestement agi contre les intérêts du mineur non accompagné ou s’est manifestement abstenue d’accomplir les actes que commandait la défense de ses intérêts, on doit considérer qu’elle a failli à sa tâche et que son comportement a entraîné une violation du droit d’être entendu. Si la décision de l’ODM révèle des vices qui font qu’un éventuel recours n’apparaît pas dénué de chances de succès, la défense des intérêts du mineur non accompagné commande que les vices de cette décision lui soient expliqués et qu’un soutien lui soit accordé pour déposer un recours; il ne suffit pas de simplement l’adresser à un bureau de consultations juridiques.

g) Droit d’être entendu

92.Le droit d’être entendu comprend diverses facultés dont celle de l’intéressé de s’exprimer avant le prononcé d’une décision qui lui est défavorable et celle de produire des preuves sur des faits susceptibles d’influencer la décision et d’en exiger l’administration. Le droit d’être entendu n’empêche pas l’autorité de décision de procéder à une appréciation anticipée des preuves et d’en refuser l’administration, lorsqu’il peut être admis que ces preuves ne seraient manifestement pas susceptibles de conduire à une décision plus favorable au requérant.

93.Il y a violation du droit d’être entendu lorsque, en particulier, l’autorité ne permet pas à l’intéressé de s’exprimer de manière complète sur la pertinence des moyens de preuves que celui-ci a offerts ni n’indique la raison pour laquelle il est amené à en refuser l’administration.

94.Dans une autre décision, la CRA a précisé ce qui suit: au droit de la partie d’être entendue avant qu’une décision ne soit rendue est indissociablement liée l’obligation pour l’autorité saisie de tenir compte des allégations de cette partie et d’exposer de manière circonstanciée dans la motivation de la décision les raisons pour lesquelles celles-ci ont été écartées. L’obligation de motiver implique, pour l’autorité saisie, qu’elle indique les motifs retenus pour fonder sa décision, afin de permettre à la partie de recourir en connaissance de cause et à l’autorité de recours de se prononcer sur la légalité de la décision entreprise.

h) Recours

95.Le droit à un recours effectif prévu à l’article 13 CEDH n’est pas violé du seul fait que le recours contre une décision de non-entrée en matière doit être déposé dans un délai de cinq jours ouvrables. Cependant, le fait pour une personne de n’avoir pas été en mesure de recourir à temps en raison d’un cumul de facteurs défavorables (très court délai de recours, décision querellée nécessitant une traduction, impossibilité de trouver un mandataire) peut constituer un obstacle non fautif et justifier ainsi la restitution du délai de recours. La brièveté du délai de recours contre les décisions de non-entrée en matière impose à l’autorité de première instance un respect particulièrement strict des dispositions de procédure applicables.

10. L’exécution des renvois

96.La Suisse a signé ces quatre dernières années neuf accords de réadmission, afin de formaliser la coopération entre la Suisse et les pays de destination des personnes rapatriées. À l’heure actuelle, 42 accords de réadmission conclus par la Suisse sont en vigueur. Ces accords fixent, dans un texte, les conditions-cadre pour un retour de la personne concernée par le renvoi dans la dignité et la sécurité.

97.Même si le nombre de demandes d’asile a fortement baissé depuis 2002, les demandes de soutien à l’exécution des renvois des cantons auprès de la Confédération n’ont pas diminué. La Division rapatriements, créée en 1997 et chargée de soutenir les cantons en matière d’identification et de renvois de ressortissants étrangers en situation irrégulière en Suisse, s’est constamment professionnalisée, tout comme les corps de police cantonaux qui opèrent sur des vols spéciaux. Dans ce cadre, le 11 avril 2002, la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) a approuvé diverses mesures relatives à l’harmonisation de l’exécution des renvois sous contrainte (directives relatives aux rapatriements sous contrainte par voie aérienne). Depuis le 1er juillet 2003, les autorités cantonales et fédérales, intervenant dans l’exécution des renvois, travaillent sur la base de l’accord entre la CCDJP et le Département fédéral de justice et police (DFJP) sur le déroulement des rapatriements effectués sous escorte et par voie aérienne (Accord relatif à la constitution d’équipes d’escorte), qui a été conclu dans l’objectif d’optimiser la collaboration et l’entraide administrative réciproque pour l’exécution des décisions de renvoi et d’expulsion effectués par voie aérienne. C’est ainsi qu’il existe en Suisse un pool de plus de 200 agents de police formés spécifiquement pour les rapatriements sous contrainte.

98.Lors de son assemblée d’automne 2003, la CCDJP a approuvé la constitution du comité d’experts «Retour et exécution des renvois», appelé à succéder au groupe de travail «Exécution des renvois». Le 2 février 2004, le chef du DFJP et le président de la CCDJP ont signé le mandat du nouveau comité d’experts. Sa mission consiste à poursuivre, sur le plan opérationnel, la mise en œuvre de mesures visant à concrétiser des optimisations d’ordre institutionnel et organisationnel dans le domaine de l’exécution des renvois. Ses tâches sont notamment les suivantes:

a)Adapter les instruments existants en matière d’exécution des renvois, notamment en poursuivant leur développement;

b)Analyser l’évolution du domaine des retours et de l’exécution des renvois;

c)Identifier les mesures et les améliorations à entreprendre.

99.En vue du bon déroulement des vols spéciaux, le comité d’experts «Retour et exécution des renvois» a notamment institué, en automne 2004, un sous-groupe de travail «Organisation du dispositif nécessaire au sol» chargé de définir, pour les aéroports de Berne-Belp, Genève‑Cointrin et Zurich‑Kloten, des normes minimales uniformes destinées à réglementer les prestations spécifiques fournies sur place. Le groupe de travail ayant établi lesdites normes uniformes pour les principaux aéroports de la Suisse a été maintenu. Il sert aujourd’hui à échanger les expériences entre les différents corps cantonaux de police en charge des différents aéroports et de discuter des problèmes qui sont survenus ou qui pourraient survenir pendant l’embarquement, pendant le vol ou lors de la réadmission dans le pays d’origine. Ensuite, il propose des solutions au comité d’experts «Retour et exécution des renvois».

100.Depuis septembre 2005, le service aéroportuaire de l’ODM chargé de l’organisation des départs (swissREPAT), fournit, désormais également à l’aéroport de Genève-Cointrin, l’ensemble des prestations liées au départ autonome ou sous contrainte par voie aérienne (par exemple organisation du retour, versement de viatiques et de contributions dans le cadre de l’aide au retour) pour tous les cantons.

101.Depuis le 1er juillet 2006, seuls les policiers, ayant suivi le cours obligatoire d’agent d’escorte ou de chef d’équipe, peuvent intervenir lors des rapatriements par voie aérienne. Si un canton n’est pas en mesure de mettre à disposition le nombre nécessaire d’accompagnateurs, des agents supplémentaires doivent être sollicités auprès d’autres corps de police dans le cadre de l’entraide administrative.

102.Le 18 août 2006, Unique (aéroport Zurich SA) et l’ODM ont conclu une convention sur la mise à disposition d’une équipe médicale (un médecin d’urgence qualifié et un secouriste IAS/CRS diplômé) lors du rapatriement sous contrainte par voie aérienne de personnes déboutées. Ce nouveau concept sert de base pour assurer une gestion centralisée de l’accompagnement médical au service des cantons. L’exécution des renvois étant de la compétence des cantons, la requête s’effectue sur demande des cantons et sur ordonnance médicale.

103.Dans la perspective de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’asile au 1er janvier 2008 et des séjours plus longs dans la zone de transit aux aéroports, le comité d’experts s’est engagé pour qu’un hébergement approprié et conforme aux exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CEDH) soit assuré aux demandeurs d’asile dans la zone internationale des aéroports de Zurich-Kloten et Genève-Cointrin.

104.En ce qui concerne le nombre de rapatriements effectués sous contrainte, en 2007, environ 13 % des personnes ayant quitté la Suisse ont été rapatriées sous contrainte (10 % sont retournées dans leur pays d’origine de manière volontaire). Les disparitions des personnes représentent la plus grande part, soit 44 % des personnes ayant quitté la Suisse.

D. Article 4: Punissabilité des actes de torture

105.Les informations fournies aux paragraphes 46 à 50 du rapport initial, ainsi que les adjonctions et modifications signalées aux paragraphes 18 à 28 du deuxième rapport périodique, aux paragraphes 55 à 57 du troisième rapport périodique et au paragraphe 62 du quatrième rapport périodique, peuvent être complétées comme suit.

106.L’entrée en vigueur pour la Suisse de la Convention pour la prévention et la répression des crimes de génocide a nécessité quelques modifications du Code pénal. Ainsi, un nouvel article 264 CP réprimant expressément le génocide a été introduit. Il sanctionne ce crime d’une peine privative de liberté à vie ou d’une peine privative de liberté de dix ans au moins. Par ailleurs, le génocide fait désormais partie des actes préparatoires délictueux prévus à l’article 260bis, alinéa 1, CP. Compte tenu de sa gravité, le génocide est soumis à la juridiction fédérale (art. 336, al. 2, CP). Si une personne est inculpée de plusieurs infractions dont les unes sont soumises à la juridiction militaire et les autres à la juridiction ordinaire, le Conseil fédéral pourra déférer le jugement de toutes ces infractions aux tribunaux militaires ou aux tribunaux ordinaires (art. 221 du Code pénal militaire [CPM]).

107.Les dispositions relatives à la prescription de l’action pénale ont également fait l’objet d’une modification. Depuis le 1er octobre 2001, l’article 97 CP (art. 70 aCP) prévoit qu’en cas d’infractions graves à l’intégrité sexuelle des enfants, la prescription court en tout cas jusqu’au jour où la victime a 25 ans. Cette modification vise à permettre aux jeunes victimes de se libérer du lien de dépendance psychique et/ou économique qui le lie à son bourreau et à lui permettre de faire un travail psychologique avant de décider de dénoncer l’infraction. Comme déjà évoqué, un projet visant à faire partir le délai de prescription de l’action pénale dès la majorité de la victime est actuellement pendant devant le Parlement.

E. Articles 5: Compétence universelle

108.Les renseignements fournis par la Suisse dans son rapport initial, au paragraphe 52, sont à compléter par les paragraphes ci-dessous.

109.Depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal le 1er janvier 2007, les conditions d’application territoriale sont réglées par les articles 3 à 7 CP. Le nouveau système reprend dans les grandes lignes l’ancien, avec quelques différences cependant. L’article 3 CP correspond en substance à l’article 3 aCP et prévoit l’application du Code pénal à quiconque commet un crime ou un délit en Suisse (principe de la territorialité). Lorsque l’acte est commis dans un navire battant pavillon suisse, l’article 4, alinéa 2, de la loi sur la navigation maritime (LNM) prévoit que le droit suisse est applicable. Une disposition analogue est prévue pour les aéronefs à l’article 97, alinéa 1, de la loi sur l’aviation. L’article 4 CP reprend l’article 4 aCP et prévoit l’application du Code pénal à quiconque commet à l’étranger un crime ou un délit contre l’État et la défense nationale. L’article 5 CP est nouveau, il permet de poursuivre en Suisse, indépendamment du droit étranger (double incrimination non exigée), les auteurs de graves infractions d’ordre sexuel commises à l’étranger sur des mineurs. L’auteur de l’infraction sera poursuivi en Suisse quelle que soit sa nationalité, pourvu qu’il ait son domicile ou sa résidence habituelle en Suisse. L’article 6 CP correspond en substance à l’article 6bis aCP et prévoit la compétence de la Suisse lorsque l’infraction a été commise à l’étranger et que la Suisse s’est engagée à la poursuivre en vertu d’un accord international (compétence universelle). Deux modifications notables sont cependant à mentionner dans le domaine de l’application du droit le plus favorable: 1) le tribunal suisse est tenu d’évaluer et de comparer les conséquences globales des sanctions qu’il prononce; et 2) il n’a plus l’obligation d’appliquer le droit étranger. Finalement, l’article 7 CP reprend le contenu des articles 5 et 6 aCP et prévoit ainsi la compétence de la Suisse pour les infractions commises à l’étranger si l’auteur ou la victime est suisse (principe de la personnalité active, responsabilité passive) ou, si cela n’est pas le cas, si l’auteur n’est pas extradé et qu’il a commis un crime particulièrement grave proscrit par la communauté internationale (principe de la compétence déléguée). Dans tous ces cas de figure, le Code pénal ne sera applicable que si l’acte est aussi réprimé dans l’État où il a été commis (exigence de la double incrimination), si l’auteur se trouve en Suisse ou qu’il est remis à la Suisse en raison de cet acte et si, selon le droit suisse, l’acte peut donner lieu à extradition, mais que l’auteur n’est pas extradé. Par conséquent, la compétence de la Suisse est donnée dans toutes les hypothèses prévues par l’article 5 de la Convention.

110.La justice militaire a été amenée, sur la base des articles 3, alinéa 1, ch. 9 et 108 à 114 CPM, à poursuivre et à juger des présumés criminels de guerre (violation des Conventions de Genève du 12 août 1949). Durant la période considérée, la justice militaire a été amenée à connaître 25 affaires de ce type. Des 14 affaires relatives à l’ex-Yougoslavie, 11 ont été classées sans suite, une s’est terminée par un non-lieu, une a fait l’objet d’un jugement d’acquittement en 1997 et une est encore pendante. Des six affaires concernant le Rwanda, trois ont été classées sans suite, deux affaires ont été transférées au Tribunal pénal international pour le Rwanda et une affaire s’est terminée par une condamnation. Des deux affaires qui concernent le Sierra Leone, une a été classée sans suite et l’autre a fait l’objet d’une entraide judiciaire. Trois autres affaires concernent d’autres pays encore (Congo et Côte d’Ivoire).

F. Article 6: Mesures destinées à assurer la présence du suspect

111.Le paragraphe 53 du rapport initial doit être complété par les paragraphes ci-dessous.

112.Le nouveau Code de procédure pénale prévoit différentes possibilités pour assurer la présence d’une personne soupçonnée d’avoir commis une des infractions visées à l’article 4 de la Convention.

113.L’arrestation provisoire des articles 217 et suivants CPP permet à la police, sans mandat, de priver de liberté une personne fortement soupçonnée d’avoir commis une infraction (flagrant délit, arrestation immédiatement après l’acte, informations fiables, etc.). L’objectif de cette mesure est de permettre à la police de procéder aux premières investigations, afin de déterminer si la personne doit être immédiatement relâchée ou présentée au ministère public. Si les soupçons et les motifs de détention sont confirmés par les premières investigations, la personne est présentée au ministère public. L’article 219, alinéa 1, CPP précise que la police doit informer la personne de ses droits au sens de l’article 158 CPP (notamment son droit au silence et celui de faire appel à un avocat). La durée de l’arrestation provisoire ne peut excéder vingt‑quatre heures.

114.Une fois que la personne est remise au ministère public, celui-ci doit interroger sans délai le prévenu et procéder immédiatement à l’administration des preuves aisément disponibles (art. 224, al. 1, CPP). Il va ensuite proposer au tribunal des mesures de contrainte la détention provisoire ou une mesure de substitution. D’après l’article 221 CPP, la détention provisoire n’est admissible que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d’avoir commis un crime ou un délit et qu’il y a sérieusement à craindre qu’il se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction envisagée en prenant la fuite, qu’il compromette la recherche de la vérité ou qu’il compromette sérieusement la sécurité d’autrui par des crimes ou des délits graves. Durant la procédure de détention, le défenseur peut assister aux auditions du prévenu et à l’administration d’autres moyens de preuves. Le prévenu peut quant à lui communiquer en tout temps et sans surveillance avec son défenseur, que ce soit oralement ou par écrit (art. 223 CPP).

115.Des mesures moins sévères que la détention provisoire peuvent être ordonnées par le juge si elles permettent d’atteindre le même but (art. 237 CPP). Font notamment partie de ces mesures la fourniture de sûretés, la saisie des papiers d’identité et autres papiers officiels, l’assignation à résidence ou encore l’obligation de se présenter régulièrement à un service administratif.

G. Article 7: Juger ou extrader et garantie d’un traitement équit a ble

1. Introduction

116.Les renseignements fournis par la Suisse aux paragraphes 55 à 59 de son rapport initial, au paragraphe 32 de son deuxième rapport périodique, aux paragraphes 63 à 69de son troisième rapport périodique, ainsi qu’aux paragraphes 64 à 74 de son quatrième rapport périodique peuvent être complétés de la façon suivante.

2. Droit fédéral

117.Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle partie générale révisée du Code pénal le 1er janvier 2007, le principe aut dedere aut judicare est réglé aux articles 5 à 7 CP. Le Code pénal suisse est ainsi applicable aux auteurs ayant commis, à l’étranger, des crimes ou délits prévus par ces dispositions, pour autant qu’ils ne soient pas extradés.

118.La modification du Code pénal militaire et de la procédure pénale militaire (PPM) mentionnée au paragraphe 63 du quatrième rapport périodique est entrée en vigueur le 1er mars 2004. Ainsi, l’article 190 CPM prévoit que la durée des arrêts disciplinaires et de dix jours au plus et l’article 55a PPM prévoit que la durée de l’arrestation provisoire ne peut excéder vingt‑quatre heures à compter du moment de l’appréhension.

119.La modification de la procédure pénale militaire relative à la protection des témoins, mentionnée au paragraphe 64 du quatrième rapport, est entrée en vigueur le 1er juin 2004. Les articles 98a et suivants PPM permettent désormais au juge d’instruction ou au président du tribunal, avec l’approbation du tribunal militaire de cassation, de prendre toute une série de mesures pour garantir l’anonymat de la personne appelée à témoigner.

120.Le nouveau Code de procédure pénale prévoit l’adoption d’un modèle de poursuite pénale unique (modèle «ministère public»), une définition uniforme de la compétence matérielle des tribunaux pénaux ainsi qu’une unification du système des voies de recours.

121.Afin de renforcer encore la garantie d’un traitement équitable, le Code de procédure pénale étend de manière importante les droits de la défense et, partant, les garanties de procédure des personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions, comme exigé par l’article 7, alinéa 3, de la Convention. Parmi les nouveautés importantes, on peut notamment mentionner ceci:

a)Article 3, alinéa 1, CPP: Les autorités pénales respectent la dignité des personnes impliquées dans la procédure, à tous les stades de celle-ci. Elles se conforment notamment à l’interdiction d’appliquer des méthodes d’enquête qui sont attentatoires à la dignité humaine;

b)Article 4, alinéa 1, CPP: Les autorités pénales sont indépendantes dans l’application du droit et ne sont soumises qu’aux règles du droit et de l’équité;

c)Article 129 CPP: Dans toutes les procédures pénales et à n’importe quel stade de celles-ci, le prévenu a le droit de charger de sa défense un conseil juridique [...];

d)Article 140 CPP: Les moyens de contrainte, le recours à la force, les menaces, les promesses, les tromperies et les moyens susceptibles de restreindre la faculté de penser ou le libre arbitre sont interdits dans l’administration des preuves;

e)Article 141 CPP: Les preuves administrées en violation de l’article 140 ne sont en aucun cas exploitables;

f)Article 149 CPP: S’il y a lieu de craindre qu’un […] prévenu […] [puisse], en raison de [sa] participation à la procédure, être [exposé] à un danger sérieux menaçant [sa] vie ou son intégrité corporelle ou un autre inconvénient grave, la direction de la procédure prend, sur demande ou d’office, les mesures de protection appropriées;

g)Article 158 CPP: Au début de la première audition, la police ou le ministère public informent le prévenu dans une langue qu’il comprend: a) qu’il peut refuser de déposer et de collaborer, b) qu’il a le droit de faire appel à un défenseur ou de demander un défenseur d’office.

h)Article 159 CPP: Lors d’une audition menée par la police, le prévenu a droit à ce que son défenseur soit présent et puisse poser des questions;

i)Article 200 CPP: La force ne peut être utilisée qu’en dernier recours pour exécuter les mesures de contrainte; l’intervention doit être conforme au principe de la proportionnalité;

j)Article 219 CPP: La police établit immédiatement après l’arrestation l’identité de la personne arrêtée, l’informe dans une langue qu’elle comprend des motifs de son arrestation et la renseigne sur ses droits au sens de l’article 158. Elle informe ensuite sans délai le ministère public de son arrestation.

122.À noter également que le Code de procédure pénale unifiée intègre les dispositions clefs des récentes lois fédérale sur les investigations secrètes (LFIS) et loi fédérale sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (LSCPT).

123.La LFIS est entrée en vigueur le 1er janvier 2005. L’investigation secrète consiste pour des membres de la police, qui ne sont pas identifiables comme tels, à infiltrer des milieux criminels sous une fausse identité pour enquêter sur certaines infractions. La loi fédérale tient compte des exigences de l’efficacité de la poursuite pénale tout en garantissant qu’il soit procédé de façon correcte du point de vue des règles de l’État de droit. Le recours à des agents infiltrés est limité à l’enquête sur des crimes particulièrement graves, énumérés de façon exhaustive. Les opérations impliquant des agents infiltrés doivent en outre être proportionnées aux crimes commis et avoir été approuvées par le juge.

124.La LSCPT est entrée en vigueur le 1er janvier 2002. Les conditions auxquelles une telle surveillance peut être autorisée sont désormais les mêmes sur tout le territoire suisse: il faut que de graves soupçons pèsent sur la personne visée quant à la commission de l’une des infractions pénales énumérées exhaustivement dans la loi. Il faut en outre que la gravité de l’acte justifie la surveillance et que celle-ci soit ordonnée par une autorité judiciaire.

125.Le 24 mars 2006, les Chambres fédérales ont adopté la révision de la loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (incitation à la violence et violence lors de manifestations sportives, LMSI I). Les nouvelles dispositions, entrées en vigueur le 1er janvier 2007, créent les bases visant à juguler la violence lors de manifestations sportives et améliorent les possibilités de mettre sous séquestre le matériel de propagande incitant à la violence. Le texte de loi prévoit notamment la saisie centralisée des données relatives aux personnes connues pour afficher un comportement violent lors de manifestations sportives dans un système d’information national (HOOGAN). Les nouvelles mesures préventives (interdiction de périmètre, interdiction de se rendre dans un pays donné, obligation de se présenter à la police, garde à vue de 24 heures au maximum) ont en outre pour but d’éviter que des personnes aient des comportements violents lors de manifestations sportives. Les bases juridiques de trois mesures (interdiction de périmètre, obligation de se présenter à la police, garde à vue de vingt‑quatre heures au maximum) ont une durée de validité limitée à fin 2009. Le 30 août 2006, le Conseil fédéral a décidé de mettre en œuvre dès le 1er janvier 2007 les modifications de la loi et de son ordonnance d’exécution. Il a adopté, fin août 2007, un message relatif à une disposition constitutionnelle sur le hooliganisme, en vue de la reconduction des trois mesures temporaires. Parallèlement, les cantons examinent si l’option d’un concordat serait souhaitable. En cas de décision dans ce sens, le Conseil fédéral projette de retirer son message.

126.Une autre révision de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI) II; ch. 23) vise à étendre la recherche d’informations par les services de renseignements. Dans les seuls domaines du terrorisme, du service de renseignements politiques ou militaires prohibé et du commerce illicite de substances radioactives, il sera possible, en cas de menaces concrètes, de surveiller la correspondance par poste et télécommunication à titre préventif, de procéder à des observations de personnes dangereuses dans les lieux qui ne sont pas librement accessibles, y compris au moyen d’appareils techniques, et de perquisitionner secrètement des systèmes informatiques. Le projet a donné lieu à des critiques ponctuelles lors de la procédure de consultation. Le message du Conseil fédéral à l’intention du Parlement a été adopté le 15 juin 2007.

3. Droit cantonal

127.Tant que le Code de procédure pénale suisse n’est pas en vigueur, la procédure pénale est toujours réglée par les cantons. Durant la période examinée, quelques cantons suisses ont procédé à la révision de dispositions de leur Code de procédure pénale, notamment en intégrant la dernière jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

128.Dans le canton d’Argovie, le nouvel article 62, alinéa 1, du CPP-AG prévoit que la prévenu doit être informé, lors de sa première arrestation, de son droit au silence, de son droit de se faire représenter par un défenseur, ainsi que de son droit à bénéficier d’un avocat d’office et d’exiger la présence d’un traducteur. Quant au nouvel article 67 de l’ordonnance sur l’exécution des peines, il prévoit que les détenus reçoivent une assistance médicale suffisante et des soins spéciaux supplémentaires sur indication médicale. En outre, il prévoit que les détenus ont le droit de faire quotidiennement une promenade à l’air libre, ainsi que le devoir de pourvoir à une hygiène personnelle appropriée. Enfin, le canton doit veiller à ce que les détenus soient assurés contre les accidents et la maladie.

129.Le Code de procédure pénale du canton de Lucerne a connu deux révisions durant les années précédentes. La première révision consistait d’abord à transférer l’ordonnance sur le juge de l’arrestation (Haftrichterverordnung) dans le Code de procédure pénale. Elle a ensuite mis en œuvre la LFIS, la loi fédérale sur les profils ADN et la LSCPT. La deuxième révision était destinée à assurer la mise en œuvre de la nouvelle partie générale du Code pénal.

130.Le canton de Schwyz a introduit, à l’article 23 CPP-SZ, le droit du prévenu de garder le silence dès son arrestation (modification entrée en vigueur le 1er janvier 2003). Par ailleurs, l’ordonnance sur l’exécution des mesures a été modifiée (entrée en vigueur le 1er janvier 2007) et prévoit notamment que le détenu a le droit de consulter un avocat, un médecin et de communiquer avec un proche.

131.Dans le canton de Soleure, le nouvel article 41quater CPP-SO prévoit que les proches d’une personne arrêtée soient immédiatement informés. De plus, le nouvel article 93, alinéa 1, CPP‑SO, donne au prévenu le droit de garder le silence, étant entendu qu’il doit être rendu attentif à ce droit avant l’interrogatoire. L’article 15 du règlement intérieur de la prison préventive de Soleure et d’Olten donne au détenu le droit d’exiger une assistance médicale.

132.Dans le canton de Thurgovie, le Code de procédure pénale a été révisé à deux reprises depuis le dernier rapport de la Suisse. La première révision, entrée en vigueur le 7 octobre 2006, facilite la procédure de vérification des conditions de la détention provisoire ou de sécurité auprès de la Chambre d’accusation. La deuxième révision a été entreprise afin de prendre en considération les nouveautés apportées par la nouvelle partie générale révisée du Code pénal et la loi fédérale sur le droit pénal des mineurs. Elle a modifié ainsi complètement la loi d’introduction au Code pénal, ainsi que l’ordonnance sur l’exécution des peines et mesures (Justizvollzugsverordnung). Cette ordonnance prévoit notamment que le détenu est informé de ses droits et devoirs dès son entrée dans l’établissement privatif de liberté et règle les modalités des examens médicaux, ainsi que les congés et les contacts avec l’extérieur.

133.Le canton du Tessin a modifié son Règlement cantonal sur l’exécution des peines et mesures pour les adultes, entré en vigueur le 9 mars 2007. L’article 37 dudit règlement reconnaît à la personne détenue le droit à l’assistance médicale; plus précisément, le détenu doit subir une visite médicale au plus tard dans les sept jours qui suivent le début de la détention et au cours de la deuxième semaine précédant la mise en liberté.

134.Dans le canton de Vaud, une modification du Code de procédure pénale vaudois, entrée en vigueur le 1er janvier 2006, a consigné qu’en préambule à sa première audition, le prévenu doit être informé, outre du fait qu’il est partie au procès et de l’infraction qui lui est reprochée, de ses droits de partie, notamment de son droit au silence (art. 190, al. 1, CPP-VD).

135.En ce qui concerne le canton de Zurich, le nouvel article 11 CPP-ZH donne expressément le droit à toute personne faisant l’objet d’une arrestation de garder le silence et de faire appel à un avocat. L’article 63 CPP-ZH prévoit que la personne arrêtée a le droit de contacter un proche, pour autant que le but de l’instruction ne soit pas mis en danger. L’ordonnance sur l’exécution des peines et mesures, entrée en vigueur le 1er janvier 2007, prévoit notamment que chaque personne détenue est informée de ses droits et de ses devoirs et fait l’objet d’un examen médical dès son entrée dans l’établissement privatif de liberté. Durant la détention, l’établissement doit veiller à la bonne santé physique et mentale des personnes détenues. Ces principes valent également pour les personnes en détention préventive, de sécurité ou en vue de l’expulsion. La correspondance avec des proches est garantie et les détenus peuvent recevoir de la visite au moins une fois par semaine.

136.Le canton de Zoug consacre le droit au silence à l’article 25, alinéa 1 CPP-ZG. Le droit de faire appel à un avocat est prévu à l’article 10bis CPP-ZG (dès le 1er janvier 2008 à l’article 12, al. 3 CPP-ZG) et le droit de contacter un proche à l’article 19 CPP-ZG.

H. Article 8: Coopération internationale dans le domaine de l’extradition

137.Les renseignements fournis par la Suisse dans son rapport initial sont toujours d’actualité (par. 60 à 63).

I. Article 9: Entraide judiciaire internationale en matière pénale

138.Les renseignements fournis par la Suisse dans son rapport initial sont toujours d’actualité (par. 60 à 63), sous réserve de la précision apportée au paragraphe ci‑dessous.

139.Le 1er février 2005 le deuxième protocole additionnel à la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale est entré en vigueur pour la Suisse. Ce deuxième protocole a pour objectif d’adapter les instruments de l’entraide judiciaire à des circonstances nouvelles (globalisation des marchés, évolution des technologies, etc.). L’adhésion à ce nouvel instrument ne constitue néanmoins pas une véritable innovation pour la Suisse, car la plupart des dispositions qu’il contient se trouvent déjà dans des accords bilatéraux passés avec les États voisins, ou dans la loi du 20 mars 1981 sur l’entraide pénale internationale (EIMP).

J. Article 10: Formation du personnel et des agents travaillant avec des personnes privées de liberté

140.Il convient de se référer aux renseignements fournis par la Suisse aux paragraphes 69 et 70 de son rapport initial, au paragraphe 36 du rapport complémentaire, aux paragraphes 72 à 74 du troisième rapport périodique et aux paragraphes 77 à 81 du quatrième rapport périodique de la Suisse.

141.Le 21 novembre 2002, le Chef du Département fédéral de l’intérieur a approuvé le nouveau Règlement concernant l’examen professionnel d’agent de détention. Cet examen ponctue une formation pratique et théorique de trois ans et permet d’obtenir le brevet fédéral d’agent de détention. Il s’agit d’une formation poussée qui se concentre principalement sur les quatre branches suivantes: psychologie, univers carcéral, droit et psychiatrie/médecine.

142.Le 11 janvier 2006, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a adopté une nouvelle recommandation sur les règles pénitentiaires européennes. Cette recommandation tient notamment compte du travail effectué par le CPT, ainsi que des développements dans le domaine pénal en Europe et met à jour l’ancienne recommandation no R (87) 3 du Comité des ministres du 12 février 1987. À titre de rappel, le Tribunal fédéral s’inspire souvent de ces règles car elles sont le reflet des traditions juridiques connues des États membres.

143.Le concordat des cantons du nord-ouest et de la Suisse centrale et le concordat oriental prévoient que les cantons veillent à se doter en nombre suffisant de personnel et à leur offrir une formation initiale, des cours de perfectionnement et une formation continue appropriés (art. 12, resp. 8 des concordats). Le concordat romand prévoit quant à lui que la Conférence édicte des recommandations en matière de sécurité, d’encadrement, d’assistance, de formation et de travail au sein des différents types d’établissements ou sections d’établissements affectés à l’exécution des peines privatives de liberté et des mesures (art. 12 concordat).

144.Sur la base des exigences du concordat, le canton d’Argovie a modifié son ordonnance sur l’exécution des peines et mesures, entrée en vigueur le 1er janvier 2007. L’article 3, let. c, de l’ordonnance prévoit que le Conseil d’État encourage la formation initiale, les cours de perfectionnement et la formation continue dans le cadre des lignes directrices du concordat. Les lignes directrices précitées se référent expressément à la Convention ONU contre la torture.

145.Dans le canton de Berne, la plupart des membres du personnel pénitentiaire ont effectué leur formation dans le Centre suisse de formation du personnel pénitentiaire de Fribourg. Ils ont ainsi tant suivi la formation de base de deux ans (avec un brevet fédéral à la clef), que des cours de perfectionnement ou des cours de formation continue, parmi lesquels on peut notamment citer: «prise en charge des détenus souffrant de problèmes psychiques» (sept semaines), «gestion des situations de violence», «gestion des situations de conflit interculturel».

146.Dans le cadre de l’introduction d’un nouveau concept d’exécution des peines et mesures basé sur les principes «agogiques» dans le pénitencier de Witzwil, les membres du personnel sont formés spécifiquement dans ce domaine (agogique = théorie de la direction et de l’accompagnement des personnes dans le monde du travail).

147.Dans tous les établissements privatifs de liberté, des cours internes sont régulièrement dispensés, entre autre sur les thèmes «proximité – distance», «gestion des personnes atteintes de troubles psychiques», «prévention de la violence», «prévention du suicide» et «intervention de crise».

148.Enfin, plusieurs membres du personnel sont constamment formés dans le domaine de la pédagogie sociale ou du travail social.

149.En ce qui concerne le canton de Fribourg, il est à signaler que le taux d’activité des infirmières des prisons a été augmenté (70 % au lieu de 50 %) pour tenir compte des besoins accrus dans le domaine sanitaire. Par ailleurs, un programme de formation interne a été mis sur pied à l’intention du personnel, garantissant à l’ensemble du personnel une formation continue adaptée aux exigences actuelles.

150.Dans le canton de Glaris, le personnel des établissements pénitentiaires est constamment formé. Les aspects médicaux et psychologiques font partie intégrante du programme de formation. Pour le reste, l’accompagnement spirituel et l’aide sociale sont juridiquement garantis.

151.Dans le canton du Jura, le personnel de gardiennage suit régulièrement les cours de formation mis sur pied par le Centre suisse de formation du personnel pénitentiaire, à Fribourg. Le personnel du service d’application des peines et mesures suit également les séminaires de formation permanente organisés par le Concordat romand. S’agissant du personnel médical, la prison de Porrentruy bénéficie de services d’un médecin qui est en contact avec ses homologues romands.

152.Dans le canton de Soleure, la formation du personnel est effectuée par le Centre suisse de formation du personnel pénitentiaire à Fribourg. Le personnel médical se compose de médecins indépendants exerçant dans leur propre cabinet. Les soins sont ainsi dispensés de manière totalement indépendante.

153.Dans le canton du Valais, chaque agent d’escorte par voie aérienne a suivi une formation spécifique à Genève (Bas-Valaisans) et Zurich (Haut-Valaisans). Les critères suivants relatifs au choix des membres ont toujours été respectés, soit:

a)Disposer de plusieurs années d’expérience au sein de la police;

b)Posséder des qualités relationnelles supérieures à la moyenne et avoir du tact; disposer de qualités psychiques avérées; savoir résister au stress et au sentiment de frustration;

c)Être en bonne condition physique.

154.Par ailleurs, les chefs d’équipe doivent posséder des talents de négociateur et savoir s’imposer. De plus, pour rester constamment à jour, un cours «refresh» interne au corps est dispensé annuellement aux agents d’escorte par voie aérienne du canton du Valais.

155.Dans le canton de Zurich, chaque nouveau collaborateur de l’office de l’exécution des peines doit suivre des cours obligatoires durant lesquels il est rendu attentif aux principes généraux de l’exécution (respect de la dignité humaine, interdiction de la torture, interdiction de l’arbitraire, droit à l’égalité), ainsi qu’aux conditions à respecter pour limiter un droit fondamental. En ce qui concerne la garde à vue, il faut mentionner que le personnel chargé de la surveillance doit passer une procédure de sélection et suivre une formation de trois mois. Durant cette formation, toutes les informations garantissant une gestion respectueuse de la dignité de la personne arrêtée sont données.

K. Article 11: Exercice de la surveillance sur le traitement des d é tenus

156.Les renseignements fournis par la Suisse dans son rapport initial sont toujours d’actualité (par. 71).

157.Dans le canton de Zurich, une division de sécurité réservée aux personnes faisant l’objet d’une procédure pénale (forensische Sicherheitsstation) est entrée en fonction durant l’été 2007 au sein de la clinique psychiatrique de Rheinau. Cette division dispose de trois unités de neuf places chacune pour les traitements d’urgence et les interventions de crise, pour les traitements stationnaires des auteurs psychiquement atteints, ainsi que d’une unité d’accueil pour les patients soumis à des mesures. De plus, la construction de la nouvelle prison «Limmattal» est actuellement en cours; elle disposera de 72 places et son ouverture est prévue pour 2009.

158.À Berne, des transformations ont eu lieu dans le domaine des prisons et de la station de surveillance de l’hôpital de l’Île. Ainsi, à l’exception de la petite prison de Fraubrunnen, toutes les prisons de district ont été fermées. Les places ont été réparties entre cinq prisons régionales (Berne, Bienne, Burgdorf avec la prison de district de Fraubrunnen, Thoune et Moutier). La nouvelle prison régionale de Thoune est entrée en fonction en 2001. La rénovation de la prison régionale de Burgdorf a été reportée pour des raisons financières; la planification a été reprise entre-temps. L’ouverture est prévue pour l’année 2011. Au plus tard la même année, la fermeture de la prison de Fraubrunnen est prévue. En 2004, la nouvelle station de surveillance de l’hôpital de l’Île est entrée en fonction.

159.Des transformations ont également eu lieu dans le domaine des établissements et des foyers pour adolescents. Les divisions Haute sécurité et Intégration de l’établissement de Hindelbank ont été rénovées, resp. ouvertes en 2002. En 2006, le foyer extérieur Steinhof a fait l’objet d’un assainissement complet. En 2001, la division fermée d’observation et de triage de l’établissement St-Jean a été ouverte. Dans les deux établissements susmentionnés, l’offre des places de travail s’est grandement diversifiée durant la période couverte par le rapport. En 2004, toutes les communautés des foyers d’éducation de Lory ont été complètement assainies. En outre, une nouvelle communauté semi-ouverte a été ouverte. Un assainissement complet et une nouvelle conception du foyer d’éducation de Prêles est en prévision. L’ouverture par étape est prévue entre les années 2009-2011.

160.Dans le canton de Schwyz, a commencé au début de l’année 2007 l’exploitation de la division de sécurité (Sicherheitsstützpunkt) de Biberbrugg. Elle est au service de la prison préventive, de l’exécution des courtes peines privatives de liberté et des établissements LMC.

161.Le canton de Zoug a pu ouvrir sa nouvelle prison cantonale en 2003. Quant à l’établissement intercantonal de Bostadel à Menzingen, il a pu reprendre pleinement son exploitation en 2006 après avoir fait l’objet d’une extension en deux divisions plus sécurisées.

162Dans le canton de Fribourg, la construction d’un établissement pour l’exécution anticipée des peines dans les environs des établissements de Bellechasse est actuellement en cours. L’ouverture de ce nouvel établissement construit sur la base du nouveau Code pénal est prévue pour 2009.

163.Dans le canton de Saint-Gall, l’établissement de Saxerriet a été complètement rénové et celui de Bitzi transformé en centre de mesures. La prison régionale de Altstätten, construite récemment, a permis la fermeture de petites prisons qui ne garantissaient plus, ou de manière juste suffisante, les exigences d’une détention conforme à la dignité humaine. En outre, les travaux d’agrandissement et d’assainissement du foyer d’éducation pour les jeunes de Platanenhof, à Oberuzwil, ont été terminés en 2006. Le foyer dispose d’une nouvelle infrastructure pour l’exécution des placements en milieu fermé.

164.Dans le canton des Grisons, les travaux d’assainissement de l’établissement pénitentiaire cantonal de Realta, à Cazis, ont été terminés en 2006. Ces travaux se sont répartis sur cinq années.

165.Dans le canton de Thurgovie, l’annexe à la prison cantonale de Frauenfeld est entrée en fonction en 2007. Différentes petites prisons de district ne disposant plus d’infrastructures conformes ont ainsi pu être fermées.

166.Au Tessin, la prison préventive cantonale «La Farera», disposant de 57 places, est entrée en fonction. L’assainissement de l’établissement pénitentiaire «La Stampa» est en cours de planification.

167.Le 18 janvier 2008, le canton de Genève a inauguré «La Brenaz», une nouvelle prison disposant de 68 places. Ce nouveau bâtiment se trouve dans les environs immédiats de la prison de Champ-Dollon et contribuera ainsi à réduire la surpopulation de cette dernière.

L. Article 12: Enquête rapide et impartiale en cas de torture

168.Les renseignements fournis aux paragraphes 72 et 73 du rapport initial doivent être quelque peu précisés au regard du nouveau Code de procédure pénale.

169.D’après l’article 5 CPP, les autorités pénales engagent les procédures pénales sans délai et les mènent à terme sans retard injustifié. Lorsqu’un prévenu est placé en détention, la procédure doit être conduite en priorité. La poursuite revêt un caractère impératif; ainsi, les autorités pénales sont tenues d’ouvrir et de conduire une procédure lorsqu’elles ont connaissance d’infractions ou d’indices permettant de présumer l’existence d’infractions (art. 7 CPP).

170.Afin d’éviter tout risque de partialité dans l’instruction du dossier ou dans le cadre de la procédure de jugement, le Code de procédure pénale prévoit différents motifs de récusation. Ainsi, toute personne exerçant une fonction au sein d’une autorité pénale est tenue de se récuser notamment lorsqu’elle a un intérêt personnel dans l’affaire, lorsqu’elle a agi à un autre titre dans la même cause, en particulier comme membre d’une autorité, conseil juridique d’une partie, expert ou témoin ou encore lorsque d’autres motifs sont de nature à la rendre suspecte de prévention (art. 56 CPP). Bien que la récusation soit en principe obligatoire (art. 57 CPP), l’article 58 CPP donne aux parties la possibilité de déposer une demande de récusation. L’article 59 CPP précise en outre que les opérations auxquelles a participé une personne tenue de se récuser sont annulées et répétées si une partie le demande au plus tard cinq jours après qu’elle a eu connaissance de la récusation.

171.D’après l’article 302 CPP, les autorités pénales sont tenues de dénoncer aux autorités compétentes toutes les infractions qu’elles ont constatées ou qui leur ont été annoncées dans l’exercice de leurs fonctions, si elles ne sont pas elles mêmes compétentes pour poursuivre.

172.Le Code de procédure pénale ne fait pas dépendre l’ouverture de la procédure pénale de la connaissance de l’auteur ou de sa présence sur le territoire suisse. Les investigations préliminaires ont justement notamment pour objectif de déterminer le ou les auteurs de l’infraction. Néanmoins, lorsque malgré les investigations nécessaires, l’auteur ou son lieu de séjour restent inconnus, le ministère public peut suspendre l’instruction (art. 314 CPP); il doit reprendre celle-ci si le motif de suspension disparaît (art. 315 CPP). Si l’auteur a pu être déterminé, mais qu’il ne comparaît pas aux débats de première instance après y avoir été convoqué à deux reprises, les débats peuvent être conduits en son absence (procédure par défaut des articles 366 et suivants CPP).

173.Dans le canton d’Appenzell Rhodes-extérieures, le ministère public s’est occupé de quatre plaintes pour mauvais traitements (reprochés à police). Deux cas, qui remontent à plus de six ans, concernaient des incidents ayant eu lieu lors d’une arrestation et se sont révélés infondés. La troisième procédure concernait une dispute entre un policier et un proche de l’auteur d’un homicide. Cette procédure a été confiée à un juge d’instruction extraordinaire hors canton et s’est terminée par une transaction entre les parties. La dernière procédure, encore en cours, concerne une plainte déposée par un suspect suite à une intervention policière. Il découle néanmoins du dossier que l’auteur de la plainte l’a introduite pour des motifs purement chicaniers.

174.Dans le canton de Bâle-Ville, les tribunaux se sont occupés de plusieurs cas mettant en cause le comportement de policiers dans l’exercice de leur fonction:

a)La Cour d’appel a acquitté au bénéfice du doute deux policiers condamnés en première instance pour abus d’autorité et, pour l’un d’entre eux, pour lésions corporelles simples. D’après la Cour, les déclarations des parties (auteurs présumés, victimes) et les témoignages ne permettaient pas de déterminer avec certitude les auteurs des infractions;

b)Le Président du Tribunal pénal de Bâle-Ville a condamné un policier pour abus d’autorité au sens de l’article 312 CP à une peine privative de liberté de trente jours avec sursis pendant deux ans. Celui-ci avait, lors de la procédure d’arrestation, notamment insulté, menacé et rudoyé un ressortissant russe ayant commis un larcin;

c)Le Président du Tribunal de Bâle-Ville a acquitté deux policiers exerçant des fonctions dirigeantes après qu’ils aient exécuté une opération destinée à vérifier l’identité d’une centaine de personnes membres d’une organisation nationaliste et durant laquelle toutes ces personnes ont été retenues sur la terrasse d’un restaurant durant environ une heure. À l’appui de sa décision, le Président a expliqué qu’une telle opération était justifiée, afin de prévenir la commission d’éventuels acte de violences par les personnes contrôlées;

d)Dans une affaire où un citoyen accusait deux policiers de l’avoir menotté vigoureusement et de lui avoir ainsi occasionné des lésions à l’épaule, la Chambre des recours a renvoyé le dossier au ministère public pour complément de preuves. Le ministère public avait en effet classé l’affaire aux motifs que l’intervention un peu musclée de deux policiers lors d’un contrôle était licite, sans qu’il ait procédé à des investigations supplémentaires – nécessaires selon la Chambre des recours.

175.Dans le canton de Fribourg, l’Office des juges d’instruction a enregistré 22 procédures concernant un ou plusieurs agents de la Police cantonale. Il était reproché à ces agents la commission des infractions suivantes: lésions corporelles simples, voies de fait, mise en danger de la vie d’autrui, diffamation, calomnie et/ou violation de domicile. Quinze procédures ont été closes par une ordonnance de non-lieu, cinq par une ordonnance de refus d’ouvrir l’action pénale et un par un classement sans suite; une procédure est toujours en cours. Hors cadre pénal, plusieurs plaintes ont été adressées directement à la Direction de la sécurité et de la justice (DSJ), notamment concernant les conditions de détention des personnes en semi-détention et concernant les températures trop élevées dans les fourgons de police, lors des transports de détenus. La DSJ a examiné ces plaintes et adopté des mesures adéquates (nouvelles procédures de contrôle pour les personnes en semi-détention; amélioration de la ventilation dans les fourgons de police).

176.Le canton de Neuchâtel fait mention de cinq affaires:

a)Le recours du plaignant – qui accusait des policiers de violence à son égard – a été rejeté et les recours de deux policiers – condamnés en première instance pour abus d’autorité – ont été admis par le Tribunal fédéral, au motif que leur droit d’être entendus n’avait pas été respecté tout au long de la procédure. Au départ de cette même affaire, un classement de la plainte avait été annulé par la Chambre d’accusation. La procédure est en cours;

b)Un prévenu a recouru contre sa condamnation à la peine de quatre mois d’emprisonnement et contre la suspension de cette peine au profit du renvoi du condamné dans un hôpital. Il invoquait une déclaration des Nations Unies du 9 septembre 2005 (résolution 3452) et son article 2 prohibant tout acte de torture ou autre peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant, soutenant qu’au vu de son état de santé actuel, son enfermement dans un hôpital psychiatrique constituait une torture. Dans son arrêt, la Cour de cassation a relevé que la mesure de traitement était valablement fondée sur la loi et ne constituait pas un acte prohibé par l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (une disposition mise en œuvre en particulier par la Convention contre la torture du 10 décembre 1984);

c)Si on ne peut pas parler ici de torture, on peut discerner un traitement contraire au droit qui a permis à la police de prêter main forte à un office cantonal qui avait décidé de procéder au renvoi d’une ressortissante étrangère et de son enfant mineur en situation irrégulière en Suisse. C’est ce que la Cour de cassation a constaté dans son arrêt. La Cour a du reste simultanément signalé au chef du département cantonal en charge de la police qu’elle partageait le souci de l’avocat de la recourante «que les dispositions nécessaires soient prises pour que des méthodes aussi déloyales, véritablement indignes d’un État de droit, ne puissent avoir cours à l’avenir»;

d)Dans deux autres affaires, l’intervention musclée de la police, qui était dénoncée par des plaignants, a été reconnue comme proportionnée à la situation. La première des deux affaires montre d’ailleurs à nouveau que l’ordonnance de classement d’une plainte dirigée contre des agents avait été annulée par arrêt de la Chambre d’accusation.

177.Dans le canton du Tessin, 20 dossiers ont été ouverts suite à des dénonciations pour mauvais traitements commis par les autorités. Cinq cas sont toujours pendants, tandis que 15 cas ont été clôturés par le Procureur pour non‑lieu. Ces décisions de classement, qui ont été rendues après un examen sérieux et approfondi des dénonciations, ont été motivées par l’absence d’un ou plusieurs éléments constitutifs de l’infraction et par le désintérêt du dénonciateur. En général, ces cas concernent des agents de la police cantonale ou communale pour des infractions allant des voies de fait aux lésions corporelles simples, en passant par les infractions contre l’honneur et l’abus d’autorité.

178.Il est encore à signaler qu’une procédure pénale à l’encontre de deux agents de la police cantonale a été ouverte en 2005. Ceux‑ci avaient volé, et dans un cas même séquestré et frappé, des requérants d’asile. La Cour d’assises de Lugano a intégralement confirmé, le 19 juin 2007, l’acte d’accusation établi par le Procureur général et a ainsi reconnu que les deux agents de police, qui avaient déjà été placés en détention préventive pour quelques semaines au début de l’enquête, étaient coupables de vols répétés, séquestre de personnes et enlèvement, abus d’autorité répétés et voies de fait répétées. Pour l’un d’entre eux, elle a en outre retenu l’infraction de discrimination raciale. Par conséquent, la Cour a infligé à l’un des agents de police une peine privative de liberté de vingt mois avec sursis pendant quatre ans et à l’autre agent une peine privative de liberté de quinze mois avec sursis pendant trois ans.

179.À Zurich, au cours des dernières années, quelques plaintes pénales ont été déposées à l’encontre de policiers par des requérants d’asile. Le ministère public n’a cependant rendu une ordonnance ou ouvert une action pénale que dans de très rares cas. En règle générale, les investigations menées ne permettaient d’aboutir qu’à l’interruption de la procédure. Ces  considérations laissent à penser que, dans la plupart des cas, les plaintes pénales ne sont introduites que comme moyen de défense ou comme tentative ultime d’échapper à une expulsion.

180.Les trois cas suivants sont cependant à mentionner:

a)Dans la première affaire, un prévenu a accusé un fonctionnaire de lui avoir passé les menottes et de les avoir serrées si fort qu’elles lui auraient occasionné des douleurs. Le fonctionnaire de police aurait ensuite emmené le prévenu à la prison préventive, toujours menotté, et l’aurait traité de «sale étranger» et de «sale nègre». Après avoir été condamné à CHF 800 d’amende pour voie de faits en première instance, le fonctionnaire de police a finalement été acquitté au bénéfice du doute par la Chambre d’accusation;

b)Dans une deuxième affaire, un policier a été condamné pour avoir contraint une requérante d’asile à des rapports sexuels, d’abord dans son bureau, puis dans le dortoir du Terminal A de la zone de transit de l’aéroport de Zurich. Le Tribunal de district a condamné le policier à une peine privative de liberté de six mois, avec sursis pendant deux ans pour infraction à l’article 189, alinéa 1, CP. Sur recours, la Chambre d’accusation a confirmé le verdict de culpabilité, mais a réduit la peine privative de liberté à cinq mois, avec sursis pendant deux ans;

c)La dernière affaire met en cause deux fonctionnaires de police qui auraient fait un usage disproportionné de la force lors du contrôle d’une personne suspectée d’avoir trempé dans une affaire de stupéfiants. Sur recours du plaignant, la Chambre d’accusation a confirmé le jugement du Tribunal de district qui acquittait les fonctionnaires de police. Il ne ressortait en effet pas des actes que ceux-ci avaient dépassé les limites de la violence nécessaire pour interpeller l’individu par ailleurs agressif au moment de l’interpellation.

181.S’agissant des plaintes déposées par des détenus, le canton de Zurich mentionne ceci:

a)Un détenu de la prison de l’aéroport de Zurich a déposé plainte pénale contre plusieurs policiers, ainsi que le directeur de la prison, après avoir été emmené hors de sa cellule pour être expulsé. Il prétendait avoir été victime de lésions corporelles et d’abus d’autorité. Le Tribunal de district de Bülach a rejeté le recours du plaignant contre la décision de non-lieu rendue par le ministère public;

b)Une agression commise par un collaborateur de la zone de sécurité de la prison de Pfäffikon a fait l’objet d’une enquête interne. À l’issue de cette enquête, le collaborateur en question a fait l’objet d’un avertissement et a été muté à la prison de l’aéroport de Zurich;

c)Quelques détenus se sont pour le reste plaints d’avoir été maltraité par le personnel pénitentiaire. Les enquêtes menées par l’autorité hiérarchiquement supérieure (direction de l’établissement, direction de l’office, direction du département) ont démontré que ces plaintes étaient en principe infondées;

d)En 2006, une pétition a été déposée par des détenus de l’établissement pénitentiaire de Pöschwies et contenait 17 points critiquant le règlement de l’établissement et le comportement du personnel. La direction de la justice et de l’intérieur a répondu à chacune des critiques et aux suggestions faites par les détenus, notamment par le biais d’une prise de position complète de l’office de l’exécution des peines et mesures. Cette prise de position a été également publiée sur internet. Tandis que certaines requêtes devaient être rejetées pour des motifs juridiques, de sécurité, techniques ou économiques, certaines demandes ont été immédiatement mises en œuvre (par exemple au sujet des vêtements et des visites dans des salles pour familles).

182.La «Ombudstelle» n’a quant à elle enregistré aucune plainte pour mauvais traitements commis par les membres d’une autorité.

M. Article 13: Droit de plainte et protection du plaignant et de t é moins

183.Les informations fournies dans les rapports précédents doivent être complétées par les paragraphes ci-dessous.

184.En ce qui concerne la protection des témoins, l’article 149 CPP prévoit que la direction de la procédure peut prendre les mesures appropriées lorsqu’il y a lieu de craindre qu’un témoin, une personne appelée à donner des renseignements, un expert, un traducteur ou un interprète puissent être exposés à un danger sérieux menaçant leur vie ou leur intégrité corporelle. Parmi ces mesures, on peut notamment mentionner le fait d’assurer l’anonymat de la personne concernée, de procéder à l’audition en l’absence des parties ou à huis clos ou encore de modifier l’apparence et la voix de la personne à protéger ou la masquer.

185.S’agissant de la protection des victimes, c’est avant tout la LAVI qui contient les dispositions les plus importantes dans ce domaine. D’après cette loi, les autorités doivent protéger la personnalité de la victime à tous les stades de la procédure pénale (art. 5 LAVI). Par ailleurs, l’identité de la victime ne peut être révélée en dehors de l’audience publique d’un tribunal que si cela se révèle nécessaire dans l’intérêt de la poursuite pénale ou si la victime y consent. Le huis clos peut être prononcé lorsque les intérêts prépondérants de la victime l’exigent. Finalement, les autorités évitent de mettre en présence le prévenu et la victime lorsque celle-ci le demande. La victime peut se faire accompagner d’une personne de confiance lorsqu’elle est interrogée en tant que témoin ou personne appelée à fournir des renseignements. Elle peut refuser de déposer sur des faits qui concernent sa sphère intime (art. 7 LAVI).

186.Une révision partielle de la LAVI est entrée en vigueur le 1er octobre 2002. Elle visait à renforcer la protection des enfants dans le cadre de la procédure pénale, notamment en interdisant toute confrontation entre l’auteur et la victime s’il s’agit d’infractions à l’intégrité sexuelle ou si elle pourrait entraîner un traumatisme psychique pour l’enfant (art. 10b LAVI). La révision prévoit également que les auditions de l’enfant sont limitées à deux au maximum, la première devant intervenir le plus vite possible (art. 10c LAVI). Par ailleurs, l’autorité chargée de l’administration de la justice pénale peut décider de classer la procédure si l’intérêt de l’enfant l’exige et qu’il l’emporte manifestement sur l’intérêt de l’État à la poursuite pénale. Dans un tel cas, les autorités compétentes veillent à ce que des mesures de protection de l’enfant soient, si nécessaire, ordonnées (art. 10d LAVI).

187.La LAVIa également fait l’objet d’une révision en profondeur qui entrera en vigueur le 1er janvier 2009. Les dispositions relatives à la position et la protection de la victime au procès pénal sont en très grande partie identiques à celles de la loi actuelle, mais figurent désormais au chapitre 6 (art. 34‑40 LAVI). Lorsque le CPP entrera en vigueur, ce chapitre 6 sera abrogé dès lors que les dispositions qu’il contient ont été directement intégrées dans le CPP (art. 116 s, ainsi que 152 suiv. CPP). Aucun changement matériel d’envergure n’a été effectué dans le cadre de ce transfert. Tout comme le prévoit la LAVI, le CPP permet à la victime de se faire accompagner d’une personne de confiance à tous les stades de la procédure. De plus, il est prévu que les autorités pénales doivent éviter que la victime soit confrontée avec le prévenu. La victime d’une infraction contre l’intégrité sexuelle peut exiger d’être entendue par une personne du même sexe. À noter que le CPP distingue la victime et le lésé. N’est qualifiée de victime que la personne qui a subi une atteinte directe à l’intégrité psychique, physique ou sexuelle (art. 116 CPP); dans les autres cas, il s’agit d’un lésé (art. 115 CPP). La distinction est importante car la victime dispose de droits supplémentaires dans la procédure pénale, comme le droit à la protection de la personnalité, les droits des articles 152 et suivants CPP susmentionnés, le droit de refuser de témoigner, le droit à l’information et le droit à une composition particulière du tribunal (art. 117 CPP). Le lésé quant à lui, et pour autant qu’il participe à la procédure, dispose des mesures de protection des articles 149 et suivants CPP mentionnées au paragraphe 185 ci-avant. Comme cela a toujours été le cas jusqu’ici, la victime peut se constituer partie civile et ainsi faire valoir ses prétentions civiles à l’encontre de l’auteur.

N. Article 14: Droit de la victime à une indemnité équitable

188.Il y a lieu de se référer aux renseignements fournis par la Suisse aux paragraphes 76 à 78 de son rapport initial, ainsi qu’aux paragraphes 52 à 57 du deuxième rapport périodique, qui sont toujours d’actualité, sous réserve des précisions ci-dessous.

189.La révision totale de la LAVI mentionnée au paragraphe 188 ci-dessus a passablement modifié le système de l’indemnisation de la victime. Cette révision avait pour objectif de combler diverses lacunes, ainsi que d’améliorer la structure de la loi. Parmi les principales modifications matérielles figure la prolongation de deux à cinq ans du délai de péremption prévu pour le dépôt d’une demande d’indemnisation et de réparation morale. Les victimes mineures d’infractions graves, notamment d’infractions contre l’intégrité sexuelle, bénéficient d’un régime spécial; elles peuvent déposer une demande jusqu’à la date de leurs 25 ans. En outre une délimitation plus nette entre l’aide à plus long terme fournie par les centres de consultation et les prestations d’indemnisation est assurée. Ainsi, l’aide à plus long terme sera accordée jusqu’à ce que l’état de santé de la victime soit stationnaire et que les autres conséquences de l’infraction soient, dans toute la mesure du possible, supprimées ou compensées (art. 13). Quant à l’indemnisation, elle couvrira les coûts médicaux et de soins lorsque l’état de santé de la victime est devenu stationnaire, ainsi que la perte de gain, la perte de soutien et les frais funéraires (art. 19 suiv.). Les victimes d’infractions continueront de recevoir une réparation morale, mais celle-ci sera désormais plafonnée (art. 22 s). Enfin, la révision supprime tout droit à une indemnisation et à une réparation morale lors d’infractions survenues à l’étranger (art. 3), les victimes et leurs proches domiciliés en Suisse ayant droit comme par le passé aux prestations fournies par les centres de consultation (art. 17).

O. Article 15: Sort des preuves illicites

190.Les paragraphes 79 à 82 du rapport initial doivent être précisés par le paragraphe ci‑dessous.

191.Comme mentionné plus haut, les preuves obtenues par des moyens de contrainte, le recours à la force, des menaces, des promesses, de la tromperie ou des moyens susceptibles de restreindre les facultés intellectuelles ou le libre arbitre ne sont en aucun cas exploitables (art. 140 e.r. avec l’article 141, al. 1, CPP).

P . Article 16: Interdiction des actes constitutifs de peines ou tra i tements cruels, inhumains ou dégradants

192.Il convient de se référer au paragraphe 82 du rapport initial qui est toujours d’actualité.

III. RÉPONSES AUX PRÉOCCUPATIONS ET R E COMMANDATIONS EXPRIMÉES PAR LE COMITÉ DANS SES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS (CAT/C/CR/34/CHE)

Remarques liminaires

193.Le 15 juin 2005 et le 27 novembre 2007, la Suisse a d’ores et déjà pris position sur nombre des sujets de préoccupation et sur les recommandations (voir les documents CAT/C/CHE/CO/4/Add.1 et 2). Les remarques suivantes ne concernent ainsi que les points qui n’ont pas encore été abordés dans lesdites prises de position ou se limitent à les mettre à jour.

A. Absence de définition de la torture

194.Comme la Suisse a eu l’occasion de l’exprimer à plusieurs reprises, la création d’une norme pénale réprimant expressément la torture ne paraît pas nécessaire dès lors que les dispositions pénales en vigueur dans notre pays couvrent et sanctionnent sévèrement tous les comportements pouvant être qualifiés d’actes de torture (tels que les infractions contre la vie et l’intégrité physique, les infractions contre la liberté, les infractions contre l’intégrité sexuelle, les infractions contre l’honneur, l’abus d’autorité, etc.).

195.La Suisse est persuadée que ce système ne fait pas obstacle à une prévention et à une détection fondamentalement plus efficace des actes de torture et que, partant, l’objectif de la Convention soit moins garanti dans un tel cas.

196.Pour mémoire, lorsque le comportement de l’auteur est constitutif de plusieurs infractions, il y a ce qu’on appelle un concours d’infractions. En cas de concours, le juge peut, conformément à l’article 49 CP, sanctionner l’auteur de la peine prévue par l’infraction la plus grave et l’augmenter dans une juste proportion. Il ne pourra cependant pas excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction.

B. Projet de loi fédérale sur l’usage de la contrainte

197.Comme évoqué au paragraphe 16 du présent rapport, la loi sur l’usage de la contrainte a été adoptée par le Parlement le 20 mars 2008; le délai référendaire échoit le 10 juillet 2008.

198.S’agissant de la présence d’une personne indépendante lors de l’expulsion, nous nous permettons de renvoyer à notre prise de position du 27 novembre 2007 où cette problématique est abondamment développée.

C. Constatations du Comité comme motif de révision d’une affaire

199.S’il est vrai que le droit fédéral ne prévoit pas expressément l’admission d’une requête individuelle par le Comité comme motif de révision per se, il y a lieu de préciser que l’institution de la révision ne concerne que l’instance de recours (le Tribunal administratif fédéral en matière d’asile). Or, dans le domaine de l’asile, en l’absence de motif de révision, il appartient à l’autorité de première instance – l’ODM – de tenir compte des constatations du Comité. Ainsi, lorsque le retour forcé du requérant violerait l’article 3 de la Convention, l’exécution du renvoi est illicite et l’ODM ordonne par conséquent au minimum une admission provisoire.

D. Garantie du droit à une procédure équitable et à l’ exercice des droits sociaux et économiques pour les demandeurs d’asile

200.Il peut être renvoyé ici aux informations complètes mentionnées aux paragraphes 27 et suivants du présent rapport, singulièrement aux paragraphes 32 à 42 et 72 à 77.

E. Utilisation abusive des «assurances diplomatiques»

201.La Suisse a toujours condamné le recours à des assurances diplomatiques pour contourner l’interdiction absolue de la torture, y compris dans le contexte actuel de la lutte contre le terrorisme. Elle a défendu cette position dans le cadre du Conseil de l’Europe et des Nations Unies.

202.Dans la pratique, une distinction est faite entre les cas de renvoi et les cas d’extradition. Les assurances diplomatiques ne peuvent constituer un moyen approprié que dans des cas d’extradition parce que l’État qui demande l’extradition a un intérêt crucial à respecter les assurances fournies. Il n’est pas recouru à de telles garanties en cas de renvoi selon la loi sur l’asile ou la loi sur les étrangers.

203.Avant l’extradition d’une personne, la Suisse procède à une analyse des risques soigneuse à chaque fois que la personne concernée invoque le danger d’être soumise à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants ou si des circonstances particulières ou la situation générale des droits de l’homme dans le pays concerné le requièrent. Lorsque cette analyse mène à la conclusion que le risque d’une violation des droits de l’homme ne peut pas être exclu, la possibilité d’éliminer ce risque par l’obtention d’assurances diplomatiques est examinée.

204.La Suisse demande des garanties diplomatiques formelles, qui peuvent inclure un mécanisme de contrôle permettant aux représentants du pays d’assister à la procédure à l’encontre de la personne extradée et de visiter celle-ci en détention en tout temps et sans annonce préalable. Si nécessaire, les garanties incluent également une information des autorités suisses de tout changement du lieu de détention et de l’état de santé de la personne ainsi que le droit de celle-ci de communiquer librement et sans surveillance avec le défenseur de son choix et de contacter en tout temps les représentants de la Suisse (cf. l’arrêt 1C_205/2007 du Tribunal fédéral du 18 décembre 2007, dont la publication est prévue et qui renvoie à de nombreux arrêts antérieurs). Les garanties sont données, le cas échéant, dans une forme juridique contraignante en accord avec le droit international.

205.Jusqu’à présent, un seul cas est connu dans lequel les assurances demandées par la Suisse n’ont pas été respectées. Il s’agit de l’extradition vers l’Inde de deux citoyens turcs en 1997. La violation ne concernait toutefois pas l’interdiction de la torture mais le principe de la célérité. Suite à ces faits, la Suisse n’a plus accepté de demandes d’extradition venant de l’Inde.

F. Continuer à contribuer au Fonds de contributions volontaires des N a tions Unies

206.De 2000 à 2004, la Suisse a versé annuellement un montant de CHF 80 000 au Fonds de contributions volontaires de l’ONU pour les victimes de la torture. Ce montant s’est élevé à CHF 50 000 − en 2005 et 2006 et à CHF 100 000 − en 2007.

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