Nations Unies

CAT/C/CHE/CO/7

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

7 septembre 2015

Original: français

Comité contre la torture

Observations finales concernant le septième rapport périodique de la Suisse*

Le Comité contre la torture a examiné le septième rapport périodique de la Suisse (CAT/C/CHE/7), à ses 1336e et 1339e séances, les 3 et 4 août 2015 (voir CAT/C/SR.1336 et 1339), et a adopté les observations finales ci-après à sa 1352e séance, le 13 août 2015.

A.Introduction

Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir accepté la procédure facultative pour l’établissement des rapports car elle permet de mieux cibler le dialogue entre l’État partie et le Comité.

Le Comité se félicite du dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie, et remercie celle-ci pour les réponses détaillées apportées aux questions posées et aux préoccupations exprimées par les membres du Comité.

B.Aspects positifs

Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2014.

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures législatives mises en place par l’État partie de façon à donner effet à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, notamment:

a)L’adoption en 2010 d’une loi fédérale sur la coordination entre la procédure d’asile et la procédure d’extradition;

b)L’adoption du Code de procédure pénale suisse, entré en vigueur en 2011, qui notamment consacre «l’avocat de la première heure»;

c)L’adoption en 2011 d’une norme pénale contre la mutilation d’organes génitaux féminins.

Le Comité salue également les autres efforts que déploie l’État partie pour donner effet à la Convention, notamment:

a)L’adoption, en 2012, d’un plan d’action national contre la traite des êtres humains (2012-2014) et l’organisation en 2013 de la première campagne nationale de sensibilisation à la traite;

b)L’adoption, en 2013, d’un programme national de lutte contre les mariages forcés (2013-2018);

c)L’adoption, en 2013, d’une convention entre la Cour de justice, le Tribunal pénal et le ministère public, régulant les mesures de substitution à la détention.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition et incrimination de la torture

Le Comité reste préoccupé par la position de l’État partie qui ne considère pas nécessaire l’introduction de la torture comme crime spécifique de droit commun,malgré la recommandation du Comité réitérée dans ses observations finales précédentes (voir CAT/C/CR/34/CHE, par. 4 a) et 5 a) et CAT/C/CHE/CO/6, par. 5). Bien que des comportements pouvant être qualifiés d’actes de torture sont sanctionnés par différents articles du Code pénal, le Comité est d’avis que l’absence de criminalisation de la torture comme infraction pénale spécifique, recouvrant l’ensemble des éléments de la définition de l’article premier de la Convention, crée un vide juridique ouvrant la voie à l’impunité (art. 1 et 4).

Le Comité réitère la recommanda tion qu’il avait fait e à l’ É tat partie d’ érige r la torture en infraction pénale, en des termes pleinement conformes à l’article pr emier de la Convention, et de faire en sorte que les peines applicables pour d es actes de torture soient à la mesure de la gravité de ce crime. Le Comité attire l’attention de l’État partie sur son o bservation générale n o  2 (2007) sur l’application de l’article 2 par les États parties, dans laquell e il souligne , au paragraphe 11, qu’une définition de la torture la distinguant des autres infractions, a un effet préventif .

Garanties juridiques fondamentales

Toute en saluant l’introduction de «l’avocat de la première heure» (voir par. 5 b) ci­dessus), le Comité note que ce droit ne s’applique que dès le début de «l’arrestation provisoire» en matière d’enquête pour des crimes ou délits. Le Comité demeure préoccupé par l’absence du droit à l’assistance d’un avocat dans le cadre de la procédure «d’appréhension». Dans la pratique, des cas ont été signalés dans lesquels des personnes privées de liberté n’ont pas pu prévenir un proche de leur situation, être examinées par un médecin ou être informées de leurs droits dès le début de la privation de liberté (art. 2).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures efficaces pour garantir que toute personne privée de liberté dispose, dans la pratique et dès le début de la privation de liberté, de toutes les garanties juridiques fondamentales, à savoir, le droit d’avoir accès à un avocat, celui de prévenir ses proches ou d’autres personnes de son choix, et celui de pouvoir bénéficier d’un examen médical indépendant par un médecin de son choix.

Institution nationale des droits de l’homme et mécanisme national de prévention

Le Comité prend note avec satisfaction des informations fournies par la délégation confirmant que l’État partie prendra une décision finale sur la création d’une institution permanente de défense des droits de l’homme à la fin de l’année 2015. À cet égard, le Comité rappelle l’importance d’établir le plus vite possible une institution nationale pleinement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) pour renforcer l’exécution des obligations émanant de la Convention par les différents cantons. Le Comité prend note également des informations concernant le manque de ressources financières suffisantes allouées à la Commission nationale de prévention de la torture, établie comme mécanisme national de prévention en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention (art. 2).

Le Comité recommande à l’État partie d’accélérer la procédure de mise en place d’une véritable institution nationale de défense des droits de l’homme dotée d’un mandat conforme aux Principes de Paris et de fournir à cette institution les ressources huma ines et financières nécessaires . L’ É tat partie devrait aussi fournir les ressources nécessaires à la Commission nationale de prévention de la torture pour lui permettre de s’acquitter efficacement du mandat de mécanisme national de prévention.

Violences policières

Le Comité s’inquiète d’informations reçues indiquant que les affaires présumées d’usage abusif de la contrainte et de comportements racistes des services de la police et de l’immigration ne sont pas systématiquement portées à la connaissance des autorités, même en présence de constats médicaux faisant état de lésions. Il note aussi avec préoccupation des rapports indiquant l’absence d’enquêtes efficaces et rapides, comme l’a constaté la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Dembele c. Suisse (2013). À cet égard, le Comité regrette que l’État partie n’ait pas encore créé une instance indépendante permettant d’enquêter sur les cas individuels, malgré la recommandation du Comité réitérée dans ses observations finales précédentes (voir CAT/C/CR/34/CHE, par. 4 g),etCAT/C/CHE/CO/6, par. 9). Le Comité regrette aussi l’insuffisance de données statistiques fournies par l’État partie au niveau national concernant les allégations de violences ou des mauvais traitementscommis par des agents des forces de l’ordre. En ce qui concerne les données présentées relatives aux cantons de Genève, Vaud et Zurich, il relève avec préoccupation qu’un grand nombre d’affaires ont été classées sans suite et que dans les quelques cas qui ont abouti à des sanctions, celles-ci n’étaient que d’ordre disciplinaire (art. 2, 12, 13 et 16).

Le Comité exhorte l’ É tat partie à:

a) Créer un mécanisme indépendant habilité à recevoir toutes les plaintes relatives à des violences ou à des mauvais traitements de la part d e membres des forces de l’ordre et à enquêter de manière diligente, efficace et impartiale sur ces plaintes;

b) Veiller à ce que les rapports médicaux qui constatent des lésions dénotant des mauvais traitements soient envoyés sans délai à ce mécanisme indépendant chargé d’un examen approfondi;

c) Poursuivre les personnes soupçonnées d’avoir infligé des tortures ou des mauvais traitements et, lorsqu’elles sont reconnues coupables, à veiller à ce qu’elles soient condamnées à des peines à la mesure de la gravité de leurs actes;

d) Faire en sorte que les victimes bénéficient de mécanismes de recours efficaces et d’une réparation .

Violences à l’égard des femmes

Le Comité salue les mesures de sensibilisation et autres mesures législatives (voir par. 5 c) ci-dessus) prises par l’État partie au sujet de la violence à l’égard des femmes. Néanmoins, le Comité demeure préoccupé par le nombre élevé de poursuites liées à la violence domestique qui sont classées (70 %), en raison en partie de leur suspension par l’autorité compétente avec l’accord tacite de la victime. Le Comité salue, à cet égard, l’avis favorable du Conseil fédéral à la proposition de modifier la législation afin d’introduire l’audition obligatoire de la victime avant de pouvoir classer l’affaire. Le Comité note également avec préoccupation qu’en cas de condamnation pour violences domestiques, les peines encourues sont légères (art. 2).

Le Comité recommande à l’ É tat partie de:

a) Modifier la législation afin d’assurer que , dans les cas susceptibles de suspension potestative conformément à l’article 55 a ) du Code pénal, la victime soit consultée et do nne son accord explicite , lib re et éclairé avant que le ministère public ne puisse suspendre la procédure ;

b) V eiller , dans tous les autres cas de violence envers les femmes, à ce qu’ils fassent l’objet de poursuites d’office, efficaces et impartiales, et que les auteurs soient poursuivis et punis conformément à la gravité de leurs actes;

c) Continuer de s ensibiliser et former le corps judiciaire et les membres des forces de l’ordre au sujet de toutes les violences à l’égard des femmes et de leur poursuite d’office;

d) Continuer de mener des campagnes de sensibilisation du public, en particulier des jeunes, visant à combattre la violence familiale et les stéréotypes sexistes.

Tout en saluant la modification en juillet 2013 de l’article 50 de la loi fédérale sur les étrangers, le Comité se déclare préoccupé par des informations selon lesquelles le seuil «d’intensité» de la violence subie requis et l’exigence en matière de preuves restent trop élevés, ne permettant pas aux personnes étrangères victimes de violences conjugales de se séparer de leur conjoint violent sans pour autant perdre leur permis de séjour (art. 2, 13, 14 et 16).

Le Comité exhorte l’État partie à appliquer la protection de l’article 50 de la loi fédérale sur les étrangers aux personnes étrangères qui ont été reconnu es comme victimes de violences conjugales au sens de la l oi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions, en excluant toute apprécia tion requérant un seuil trop élevé d’intensité de violence pour pouvoir bénéficier de cette protection .

Non-refoulement

Le Comité prend acte des informations données par l’État partie indiquant qu’une évaluation des risques de violation du principe de non-refoulement est effectuée dans chaque cas. Toutefois, le Comité s’inquiète des rapports indiquant que cette évaluation ne tient pas suffisamment compte des informations au sujet de la situation dans le pays d’origine. À cet égard, le Comité note avec préoccupation les allégations de tortures subies par deux Tamouls renvoyés de force au Sri Lanka, et prend acte de l’engagement de l’État partie de ramener les personnes concernées en Suisse et de cesser les renvois vers ce pays. Enfin, le Comité exprime sa préoccupation quant aux rapports faisant état des extraditions faites sur la seule base des assurances diplomatiques fournies par les pays d’origine assurances qui, d’après les informations reçues, ne semblent pas avoir été respectées dans certains cas (art. 3)

L’État partie ne devrait en aucune circonstance expulser, renvoyer ou extrader une personne vers un État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture. Le Comité rappelle sa position selon laquelle les États parties ne peuvent en aucun cas recourir aux assurances diplomatiques comme garanties contre la torture ou les mauvais traitements lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire qu’une personne risque d’être soumise à la torture si elle retourne dans son pays. L ’État partie devrait examiner minutieusement, sur le fond, chaque cas particulier, y compris la situation générale en matière de torture dans le pays de retour. I l devrait mettre en œuvre des dispositifs efficaces de suivi en cas de refoulement et assurer la protection , le retour et la réparation aux personnes renvoyées , dans les cas de tortures et mauvais traitements subis suites à des décisions de renvoi ou extradition , conformément à l’article 14 de la Convention.

Le Comité relève avec préoccupation que les recours contre les décisions d’expulsion n’ont pas d’effet suspensif et que le renvoi peut être immédiatement exécutoire conformément à l’article 64 d) et 68, paragraphe 4, de la loi fédérale sur les étrangers. Le Comité regrette aussi que la procédure accélérée de refus d’entrée sur le territoire à l’aéroport, prévue à l’article 65 de la loi fédérale sur les étrangers, n’ait toujours pas été modifiée afin de garantir l’effet suspensif du recours et de permettre une évaluation approfondie sur les risques de violation du principe de non-refoulement (art. 3).

Le Comité, compte tenu de ses précédentes observations finales ( voir CAT/C/CHE/CO/6, par . 13 et 14), exhorte l’ É tat partie à modifier sa législation afin d’ offrir aux migrants sans papiers un recours juridictionnel effectif avec effet suspensif automatique contre les décision s de renvoi émises conformément aux articles 64, 64 d ) , 65 et 68 de la loi fédérale sur les étrangers . L’ É tat devrait aussi veiller à ce que la procédure accélérée de l’article 65 de la loi fédérale sur les étrangers fasse l’objet d’un examen individuel approfondi sur les risques de violation du principe de non-refoulement .

Tout en prenant note avec satisfaction du projet de modification de la loi sur l’asile ainsi que de l’assistance judiciaire gratuite accordée aux requérants d’asile dans certaines procédures de recours, le Comité constate que, jusqu’à présent, l’assistance juridique gratuite n’a encore été accordée ni dans la procédure de première instance, ni dans les procédures de recours Dublin, de réexamen, de révision ou de demandes multiples (art. 3).

L e Comité exhorte l’ É tat partie à veiller à ce que la procédure de révision de la l oi sur l’asile en cours garanti ss e aux requérants d’asile un accès gratuite à un avocat qualifié et indépendant pendant toutes les procédures de première instance et de recours ordinaires et extraordinaires.

Rapatriements forcés

Le Comité salue le contrôle effectué depuis juillet 2012 par la Commission nationale de prévention de la torture lors de rapatriements forcés par voie aérienne, mais note que sa présence n’est pas prévue dans les renvois forcés par bateau. Le Comité salue aussi l’accompagnement médical des renvois ainsi que la cessation de l’usage des médicaments avec effets sédatifs comme méthode de contrainte. Cependant, le Comité demeure préoccupé par le fait que l’enquête sur le cas de Joseph Ndukaku Chiakwa, décédé lors d’une tentative de renvoi en 2010, soit toujours en cours, après avoir été classée en 2012, puis ré-ouverte en 2013 suite au recours de ces proches (art. 12, 14 et 16)

Le Comité engage l’État partie à continuer à garantir la présence d’observateurs de la Commission national e de prévention de la torture lors de toutes les mesures d’éloignement par contrainte d’étrangers, y compris lors des renvois par bateau et sur les vols de retour conjoints coordonnés par l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne , dits vols Frontex . Le Comité encourage l’État partie à veiller à ce que l’administration non consensuel le de médicaments n’ait pas lieu dans le contexte des rapatriements et à ce que l’usage de la contrainte pendant le transfert soit toujours justifié dans le respect du principe de proportionnalité . Le Comité exhorte l’ É tat partie à accélérer la procédure concernant le décès de Joseph Ndukaku Chiakwa .

Détention administrative des migrants sans papiers

Tout en notant que seulement 2 % des cas de détention administrative de migrants concerne des mineurs, le Comité demeure préoccupé par le fait que la durée maximale de la détention administrative des enfants âgés de 15 à 18 ans reste de 12 mois. Le Comité note aussi avec préoccupation les informations faisant état des mises en détention systématiques des migrants sans papiers dans certains cantons, surtout ceux qui font l’objet d’une décision Dublin. En ce qui concerne les conditions de détention, le Comité salue la planification de nouveaux établissements adaptés, mais note que, jusqu’à présent, des migrants en détention administrative sont parfois hébergés dans des établissements de détention préventive et sont de fait soumis au même régime carcéral que les prévenus (art. 11 et 16).

L’État partie devrait mettre en place et appliquer des mesures alternatives à la détention administrative , n’utiliser la détention qu’en dernier recours , surtout en ce qui concerne les enfants non accompagnés et, lorsqu e la détention est nécessaire et proportionnée, pour une période aussi courte que possible. L’ É tat devrait poursuivre ses efforts afin de prévoir des structures spécialisées dans tous les cantons pour accueillir de s migrants placés en détention administrative, avec un régime adapté à sa finalité.

Mineurs non accompagnés demandeurs d’asile

Le Comité partage les préoccupations exprimées par le Comité des droits de l’enfant concernant les conditions d’accueil des mineurs demandeurs d’asile, parfois hébergés dans des bunkers militaires (voir CRC/C/CHE/CO/2­4, par. 69 f)). Il est préoccupé aussi par l’absence de «personnes de confiance» et de conseillers juridiques lors des auditions des mineurs non accompagnés pendant la procédure d’asile. Enfin, le Comité note avec préoccupation que 44 procédures d’asile concernant des mineurs non accompagnés ont été closes en 2014 en raison de la disparition de ces mineurs hébergés dans des centres d’accueil (art. 3, 12 et 16).

Le Comité invite l’ É tat partie à :

a) G arantir que l es conditions d’accueil des mineurs demandeurs d’ asile s oient adaptées à leur condition de mineurs ;

b) H onorer son engagement de garantir la présence de «personnes de confiance» et de conseillers juridique s dans toutes les auditions d e mineurs non accompagnés ;

c) E nquêter de manière approfondie sur les disparitions de mineurs non accompagnés hébergés dans des centres d’accueil et à rechercher et identifier ces enfants , qui ont pu être victimes de traite.

Conditions de détention

Le Comité est préoccupé par la surpopulation à la prison de Champ-Dollon, qui a conduit le Tribunal fédéral en 2014 à confirmer que les conditions de détention dans cette prison pouvaient s’apparenter à un traitement dégradant. Le Comité note également avec préoccupation que les tensions ethniques entre prisonniers dans cette prison ont abouti à trois journées de rixes en février 2014, générant des blessures sur 26 prisonniers et 8 gardiens. En ce qui concerne la détention avant jugement, le Comité prend acte de l’engagement de l’État partie d’appliquer un régime pénitentiaire moins restrictif aux prévenus. Cependant, il demeure préoccupé par le fait que la séparation stricte entre femmes et hommes n’est pas encore garantie à Champ-Dollon, ainsi qu’entre mineurs et adultes dans la plupart des prisons régionales, où les enfants ne bénéficient pas d’une prise en charge adéquate. Quant à l’accès aux soins des détenus, tout en prenant note du prochain rapport d’experts de Santé Prison Suisse, le Comité exhorte l’État partie à trouver une solution à l’accès inéquitable à la santé dans les différents cantons, notamment des personnes souffrant de troubles psychiques. Il partage, à cet égard, le constat de la Commission nationale de prévention de la torture sur l’isolement cellulaire de personnes souffrant de handicap mental sans possibilité de suivi thérapeutique en quartiers de haute sécurité. Enfin, le Comité prend note avec préoccupation que, selon l’appréciation du Tribunal fédéral de juillet 2014, les conditions matérielles de la détention policière dans le canton de Vaud s’apparentent à un traitement dégradant au vu de la durée excessive du séjour (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts pour améliorer d’urgence les conditions de détention conformément aux recommandations de la Commission nationale de prévention de la torture et, notamment:

a) De s ’employer de man ière plus soutenue à réduire la surpopulation carcérale à Champ-Dollon, en particulier par un recours accru à des peines alternatives à la prison, comme le travail d’utilité publique, conformément aux Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) et des Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok);

b) D’h onorer l’engagement d’adapter le régime des prévenus à leur statut de personnes non condamnées;

c) De m ettre en place les mesures nécessaires pour garantir la séparation stricte et une prise en charge adéquate entre adultes et mineurs, ainsi qu’entre hommes et femmes;

d) D’a méliorer les conditions matérielles de détention dans les postes de police vaudois et d’ assurer le respect absolu d e la durée maximale de détention policière ;

e) De m ener des enquêtes approfondies et impartiales sur tous les actes de violence commis dans les établissements pénitentiaires et de poursuivre les efforts déployés à Champ-Dollon en matière de prévention de la violence ;

f) De v eiller à ce que le régime d’isolement cellulaire en quartier de haute sécurité ne soit jamais appliqué aux personnes souffrant de handicap psychosocial ;

g) De v eiller à ce qu’un e prise en charge thérapeutique dans des établissements adaptés soi t assurée dans tous les cantons .

Personnes intersexuées

Le Comité salue la décision du Conseil fédéral de se prononcer à la fin de 2015 sur les recommandations que la Commission nationale d’éthique pour la médecine humaine avait faites au sujet des interventions chirurgicales non nécessaires et parfois irréversibles pratiquées sur des personnes intersexuées (ayant des variations de l’anatomie sexuelle) sans le consentement effectif et éclairé des personnes concernées. Cependant, le Comité note avec préoccupation que ces interventions, qui entraîneraient des souffrances physiques et psychologiques, n’ont encore donné lieu à aucune enquête, sanction ou réparation (art. 2, 12, 14 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie , eu égard à la prochaine décision du Conseil f édéral :

a) D e prendre les mesures législatives, administratives et autres mesures nécessaires pour garantir le respect de l’intégrité physique et l’autonomie des personnes intersexuées et pour que nul ne soit soumis durant l’enfance à des traitements médicaux ou chirurgicaux visant à déterminer le sexe d’un enfant qui ne présentent aucun caractère d’urgence médicale , ainsi que l’a recommandé la Commission national e d’éthique pour la médecine humaine et le Comité des droits de l’enfant ( voir CRC/C/CHE/CO/2 ­ 4, par. 43 b ) ) ;

b) D ’a ssurer des services de conseil et un accompagnement psychosocia l gratuit pour les personnes concernées et leurs parents et d e les informer sur la possibilité de r e porter tout e décision sur des traitement s non nécessaire jusqu’à que la personne concernée puisse se prononcer par elle-même;

c) D ’enquêter sur les cas de traitements médicaux ou chirurgicaux qu e des personnes intersexuées auraient subi s sans avoir donné leur consentement effectif et d’adopter des mesures législatives afin d’accorder réparation à toutes les victimes, y compris une indemnisation adéquate .

Formation

Tout en prenant note des renseignements fournis sur les programmes de formation destinés à la police et au personnel pénitentiaire, le Comité regrette de n’avoir reçu que peu d’informations sur la formation dispensée à d’autres agents de l’État en contact avec des personnes privées de liberté. Il note aussi avec préoccupation que le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) n’est pas intégré dans la formation. Enfin, le Comité s’inquiète de ce qu’il n’existe pas de méthodologie spécifique pour évaluer l’efficacité des programmes de formation à destination des forces de l’ordre et personnel pénitentiaire au sujet de l’interdiction absolue de la torture et des mauvais traitements (art. 10).

L’État partie devrait renforcer l’action qu’il mène pour fournir des programmes de formation sur les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention à l’intention de tous les agents concernés, ainsi qu’une formation systématique et pratique au Protocole d’Istanbul. Il devrait aussi mettre au point des méthodologies spécifiques concernant l’évaluation des programmes de formation s ur l’interdiction absolue de la torture et des mauvais traitements qui sont dispensés aux forces de l’ordre et personnel péniten tiaire .

Procédure de suivi

Le Comité demande à l’État partie de présenter, d’ici le 14 août 2016, des renseignements sur la suite donnée à ses recommandations figurant au paragraphe 10, sur les violences policières, en particulier au point b), sur la nécessite d’envoyer les rapports médicaux qui constatent des lésions dénotant des mauvais traitements au mécanisme indépendant chargé de leur examen, au paragraphe 13, sur le principe de non-refoulement, au paragraphe 18, sur les mineurs non accompagnés requérants d’asile, et au paragraphe 19, sur les conditions de détention, en particulier au point e), sur la nécessité de mener des enquêtes sur tous les actes de violence commis dans les établissements pénitentiaires.

Autres questions

Le Comité invite l’État partie à envisager d’accélérer le processus de ratification des principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, à savoir:

a)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées;

b)La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille;

c)Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels;

d)Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques;

e)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications;

f)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, par le biais des sites web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

Le Comité invite l’État partie à présenter son prochain rapport périodique, qui sera le huitième, le 14 août 2019 au plus tard. À cette fin, le Comité adressera en temps voulu à l’État partie une liste préalable de points puisque l’État partie a accepté d’établir son rapport conformément à la procédure facultative.