Nations Unies

CAT/OP/TUR/1

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

12 décembre 2019

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol et français seulement

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Rapport du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sur sa visite de conseil au mécanisme national de prévention de la Turquie

Rapport à l’attention de l’État partie * , **

Table des matières

Page

I.Introduction3

II.Mécanisme national de prévention4

III.Principaux obstacles rencontrés par le mécanisme national de prévention4

IV.Recommandations finales10

Annexes

I.List of places of deprivation of liberty visited by the Subcommittee11

II.List of Government officials and other persons with whom the Subcommittee met12

I.Introduction

1.Conformément au mandat que lui confère le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a effectué sa première visite en Turquie du 6 au 9 octobre 2015.

2.Le Sous-Comité était représenté par Mari Amos (chef de la délégation), Hans-Jörg Bannwart, Aisha Shujune Muhammad et June Caridad Pagaduan Lopez.

3.Le Sous-Comité était également assisté de deux spécialistes des droits de l’homme du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

4.La visite avait pour objectif d’offrir des services consultatifs et une assistance technique au mécanisme national de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de la Turquie, conformément à l’article 11 b) ii) et iii) du Protocole facultatif. Elle visait également à contribuer au renforcement des capacités et du mandat du mécanisme et à aider le mécanisme à évaluer ses besoins et les moyens requis pour renforcer la protection des personnes privées de liberté contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en Turquie.

5.Au cours de sa visite, la délégation du Sous-Comité a rencontré des responsables du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de la justice, du Ministère de la famille et des politiques sociales, du Ministère de l’intérieur, du Ministère de la défense nationale, du Ministère de la santé et du Ministère des affaires européennes. Des réunions ont également été organisées avec l’institution des droits de l’homme de la Turquie (désignée comme mécanisme national de prévention), le Bureau du Médiateur, le Vice-Premier Ministre et des parlementaires, ainsi qu’avec des représentants de la société civile (voir annexe I).

6.L’une des principales raisons de la visite étant d’offrir au mécanisme national de prévention des services consultatifs et une assistance technique, plusieurs rencontres ont eu lieu avec des membres du mécanisme afin de discuter du fonctionnement de celui-ci et de ses méthodes de travail et d’étudier les moyens de renforcer et d’accroître son efficacité, comme il est expliqué ci-après. Pour apprécier la manière dont le mécanisme applique ses méthodes de travail, la délégation du Sous-Comité l’a également accompagné dans la visite de deux lieux de privation de liberté, choisis par le mécanisme (voir annexe I). Lors de ces visites conjointes, les membres du Sous-Comité ont joué le rôle d’observateurs tandis que les membres du mécanisme conduisaient la visite.

7.Le Sous-Comité remercie les autorités turques d’avoir facilité sa visite, conformément aux obligations qui incombent à l’État partie en vertu du Protocole facultatif. Il les remercie également de l’avoir aidé à organiser les réunions voulues pour lui permettre de mieux comprendre le cadre juridique, structurel et institutionnel du mécanisme national de prévention.

8.Le présent rapport contient des recommandations et des observations adressées à l’État partie à cette fin, et formulées en application de l’article 11 b) iv) du Protocole facultatif.

9. Le Sous-Comité demande à l ’ État partie de lui répondre dans les six mois suivant la date de transmission du présent rapport, de lui rendre compte des mesures prises et de lui présenter une feuille de route en vue de la pleine mise en œuvre de ses recommandations.

10.Le présent rapport restera confidentiel jusqu’à ce que l’État partie décide de le rendre public.

11. Le Sous-Comité recommande par conséquent à l ’ État partie de demander la publication du présent rapport, comme l ’ ont fait d ’ autres États parties au Protocole facultatif, et souhaite être informé de la décision que prendra l ’ État partie à cet égard.

12.Le Sous-Comité tient à appeler l’attention de l’État partie sur le Fonds spécial créé par l’article 26 du Protocole facultatif. Les recommandations formulées dans les rapports rendus publics peuvent servir de fondement aux demandes présentées par l’État partie au Fonds spécial aux fins du financement de projets particuliers.

13.En outre, conformément à son mandat, tel que défini à l’article 11 b) ii) et iii) du Protocole facultatif, le Sous-Comité adressera séparément un rapport confidentiel au mécanisme national de prévention de la Turquie.

II.Mécanisme national de prévention

14.La Turquie a ratifié le Protocole facultatif le 27 septembre 2011. L’État partie a par la suite désigné l’institution des droits de l’homme de la Turquie, créée peu de temps auparavant, en tant que mécanisme national de prévention par un décret du Conseil des ministres publié le 28 janvier 2014. Cette institution est une entité publique chargée de protéger et de promouvoir les droits de l’homme, notamment en recevant les plaintes déposées par des particuliers. Elle est administrée par les membres de son conseil consultatif des droits de l’homme et appuyée par une équipe d’experts et d’experts associés.

Activités

15.La loi no 6332 de 2012 portant création de l’institution des droits de l’homme de la Turquie a été adoptée avant que cette institution ait été désignée en tant que mécanisme national de prévention. C’est pourquoi elle ne définit pas expressément le rôle que doit jouer l’institution des droits de l’homme en tant que mécanisme national de prévention. Lors de la visite du Sous-Comité, il était déjà question de réviser cette loi. Jusqu’alors, néanmoins, aucun instrument législatif ne décrivait la structure et les activités du mécanisme national de prévention, ni les conditions requises pour en devenir membre.

16.Cependant, dans la pratique, un service de lutte contre la torture et les mauvais traitements établi au sein de l’institution des droits de l’homme agit en tant que mécanisme national de prévention. Il est habilité à effectuer des visites régulières dans les lieux de détention, à élaborer des rapports sur ces visites, à les présenter aux autorités compétentes et à les rendre publics, et à examiner et évaluer les rapports d’autres organes de surveillance. En outre, en vertu des pouvoirs conférés à l’institution des droits de l’homme, le Service de lutte contre la torture est habilité à demander des informations et des documents à toute personne, instance publique et organisation et à créer un comité composé de personnalités éminentes pour procéder à des analyses et à des enquêtes in situ sur les questions relevant de sa compétence. Le mécanisme national de prévention peut aussi formuler des observations, qui ne sont pas de nature contraignante, sur les projets de loi à l’étude et les lois en vigueur. Il n’a cependant pas encore publié de rapport annuel et, en l’absence de tout texte législatif lui étant expressément consacré, il n’est pas juridiquement tenu de soumettre un rapport annuel au Parlement.

17.Le Sous-Comité constate que le mécanisme national de prévention se heurte à plusieurs obstacles qui l’empêchent de s’acquitter pleinement et efficacement de ses fonctions. La partie ci-après du rapport est consacrée aux obstacles en question et aux recommandations adressées à l’État partie.

III.Principaux obstacles rencontrés par le mécanisme national de prévention

18.L’État partie est certes libre de déterminer la structure institutionnelle de son mécanisme national de prévention, mais il doit impérativement veiller à ce que celui-ci soit pleinement conforme aux dispositions du Protocole facultatif, comme énoncé dans les Directives du Sous-Comité concernant les mécanismes nationaux de prévention. Il est également fondamental que l’indépendance fonctionnelle et opérationnelle du mécanisme soit garantie, compte dûment tenu des Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

Fondements juridiques

19.Une des lacunes criantes du mécanisme national de prévention dans son fonctionnement actuel est l’absence de texte législatif distinct définissant ses fonctions et son mandat et lui conférant l’indépendance opérationnelle et institutionnelle, le pouvoir et les attributions dévolus à un tel mécanisme, comme l’exigent la quatrième partie du Protocole facultatif et les Directives concernant les mécanismes nationaux de prévention. Cela réduit considérablement l’efficacité du mécanisme, en particulier pour ce qui est de la suite donnée à ses recommandations par les autorités. Le Sous-Comité note également que le Code de procédure pénale de l’État partie n’autorise pas expressément le mécanisme à avoir accès aux dossiers concernant les détenus, y compris les détenus en attente de jugement, notamment aux registres de détention et d’incidents et aux dossiers médicaux.

20.Le Sous-Comité constate également que la priorité a été donnée aux fonctions de surveillance du mécanisme national de prévention tandis que les autres fonctions, comme celles relatives aux activités de plaidoyer et de sensibilisation, à la formulation d’observations sur les lois en vigueur et les projets de loi et au renforcement des capacités, ont été négligées. Cela peut être dû en partie à l’absence d’une loi distincte qui conférerait au mécanisme de telles fonctions, en plus de son mandat de visite, et le doterait de ressources humaines lui permettant d’être davantage tourné vers l’extérieur.

21.Si la structure institutionnelle du mécanisme national de prévention est laissée à l ’ appréciation de l ’ État partie, il n ’ en reste pas moins que celui-ci doit impérativement légiférer pour garantir la pleine conformité du mécanisme avec le Protocole facultatif et les Directives du Sous-Comité concernant les mécanismes nationaux de prévention . Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de réviser le Code de procédure pénale et les autres lois applicables de façon à les modifier, si besoin, pour les mettre en conformité avec le cadre juridique régissant le s mécanismes nationaux de prévention et permettre au mécanisme de s ’ acquitter efficacement de son mandat de prévention, conformément au Protocole facultatif . En outre, le Sous-Comité juge essentiel que l ’ État partie garantisse, tout au long du processus d ’ élaboration de la loi sur le mécanisme national de prévention et de révision de la législation connexe, la participation entière, effective et concrète des différents partis politiques représentés au Parlement et des organisations de la société civile disposant des compétences pertinentes en matière de prévention de la torture.

22. Le Sous-Comité tient à souligner combien il importe que le mécanisme national de prévention soit investi, par la loi, des fonctions fondamentales d ’ un tel mécanisme, à savoir qu’il soit habilité :

a) À examiner régulièrement la façon dont sont traitées les personnes privées de liberté dans tous les lieux de détention, comme établi à l ’article  4 du Protocole facultatif, y compris en ayant rapidement, régulièrement et librement accès à tous les renseignements concernant les personnes privées de liberté jugés pertinents par le mécanisme national de prévention , conformément à l ’article 20  b) du Protocole facultatif  ;

b) À formuler des recommandations à l ’ intention des autorités compétentes  ;

c) À dialoguer avec les autorités compétentes , selon l ’ obligation qui leur serait faite, au sujet de la suite donnée à ses recommandations.

Le cadre juridique régissant le mécanisme national de prévention devrait également permettre à celui-ci de se tourner vers l’extérieur et notamment de présenter des propositions et des observations sur la législation en vigueur et les projets de loi, les activités de plaidoyer et de sensibilisation et les mesures de renforcement des capacités. Il devrait aussi exiger que le financement du mécanisme national de prévention provienne d ’ un poste budgétaire distinct dans le budget de l ’ État, afin de garantir son autonomie financière et opérationnelle constante. En outre, il devrait définir les privilèges et immunités accordés aux membres du mécanisme et à ceux qui contribuent au travail de celui-ci, notamment aux experts et aux acteurs de la société civile, tout en garantissant la protection des personnes qui communiquent des renseignements au mécanisme .

Indépendance

23.La question de l’indépendance, bien que sensible, est au cœur des préoccupations du Sous-Comité. À cet égard, le Sous-Comité relève avec préoccupation : a) l’absence de critères connus pour la sélection des membres du mécanisme national de prévention ; b) les nominations largement laissées à la discrétion du pouvoir exécutif, sans que le public et la société civile soient suffisamment informés ; c) l’absence de représentation pluraliste et multidisciplinaire des membres du mécanisme. Le Sous-Comité rappelle à l’État partie que sa pratique actuelle n’est pas conforme aux Directives concernant les mécanismes nationaux de prévention ni aux dispositions du Protocole facultatif, étant donné que la sélection des membres du mécanisme national de prévention ne fait pas l’objet d’une procédure ouverte, transparente et non exclusive.

24.Le fait que 9 des 11 membres du conseil d’administration de l’institution des droits de l’homme soient choisis soit par le Président turc, soit par le Conseil des ministres a porté à croire que ces organes étaient interdépendants, ce qui constitue un obstacle important aux yeux du grand public et de la société civile et a été signalé comme une entrave à leur collaboration. En outre, le fait que le grand public ait été peu consulté au sujet de la mise en place du mécanisme national de préventiona suscité le scepticisme de la société civile, avec laquelle le mécanisme devrait collaborer harmonieusement. De plus, l’absence de distinction claire entre le mécanisme et l’institution pour ce qui est des membres de leur conseil d’administration, de leur personnel et de leur fonctionnement nuit à l’indépendance institutionnelle et fonctionnelle du mécanisme.

25. Le Sous-Comité recommande par conséquent à l ’ État partie d ’ établir une procédure de nomination transparente et concurrentielle et de consulter les organisations de la société civile et d ’ autres parties prenantes ayant des compétences dans le domaine de la prévention de la torture, avant de procéder à la sélection des membres du mécanisme . L ’ État partie devrait faire en sorte que la candidature de personnes de différentes origines puisse être prise en considération dans le cadre de la sélection des membres du mécanisme , conformément au paragraphe 2 de l ’article 18 du Protocole facultatif.

26. Le Sous-Comité recommande également à l ’ État partie de distinguer clairement le mandat de l ’ institution nationale des droits de l ’ homme de celui du mécanisme national de prévention ou de définir les fonctions spécifiquement dévolues au mécanisme nationa l de prévention au sein de cette institution afin que celui-ci puisse les exerce r de manière complétement autonome, conformément aux Directives du Sous-Comité concernant les mécanisme s nationa ux de prévention .

27. Le Sous-Comité encourage l ’ adoption d ’ une loi, comme exposé au paragraphe  22, garantissant l ’ indépendance institutionnelle et opérationnelle du mécanisme , compte dûment tenu des Principes de Paris.

Visibilité et coopération

28.Le Sous-Comité a constaté un manque de coopération et d’interaction entre les autorités compétentes et le mécanisme national de prévention. Bien que plusieurs instances aient indiqué coopérer avec l’institution nationale des droits de l’homme, il semble que cette coopération ait plus souvent lieu dans le cadre des fonctions de cette instance en tant qu’institution nationale des droits de l’homme plutôt que de celles qu’elle exerce en tant que mécanisme national de prévention. Le Sous-Comité note que de nombreuses instances ont évoqué indifféremment l’institution et le mécanisme, ce qui témoigne d’un manque de compréhension du mandat spécifique du mécanisme et de son rôle distinct de celui de l’institution. Le Sous-Comité considère que le mécanisme est très peu visible au sein de l’institution nationale des droits de l’homme, ce qui peut avoir un effet préjudiciable sur son efficacité. En l’absence de mandat distinct, de tâches précises, de ressources propres et d’une coopération systématique avec les autres parties prenantes nationales et internationales, le mécanisme national de prévention peut difficilement être perçu comme une entité à part entière.

29.Le Sous-Comité note que l’État partie compte tout un éventail d’organes chargés de surveiller les lieux de privation de liberté, parmi lesquels le mécanisme national de prévention, le Bureau du Médiateur, la Commission parlementaire des droits de l’homme, les conseils de surveillance des prisons du Ministère de la justice et le Département des droits de l’homme du Commandement général de la Gendarmerie. Le chevauchement d’activités entre les organes surveillant les mêmes institutions pourrait créer une duplication des tâches, ce qu’il convient d’éviter afin d’utiliser au mieux les ressources. Cela risque également de créer une confusion de la part des autorités responsables des lieux de détention et de leur personnel quant au mandat et à la spécificité du mécanisme. Cela contribue, en outre, à atténuer l’efficacité des activités menées par le mécanisme et risque d’aboutir à des résultats incohérents en raison d’activités de surveillance parallèles.

30.Le Sous-Comité a constaté que, hormis quelques visites conjointes, il n’y a aucune interaction régulière ou coopération systématique entre les organes chargés de surveiller les lieux de privation de liberté et le mécanisme national de prévention. Le résultat est que les efforts entrepris pour prévenir la torture sont essentiellement de nature ponctuelle et irrégulière, dépourvus de stratégie d’ensemble, de suivi systématique, et de coordination. Le Sous-Comité tient à souligner que l’absence de cadre de coordination ne reflète pas la politique de tolérance zéro de l’État partie à l’égard de la torture et peut traduire l’absence d’une stratégie nationale cohérente et bien définie de prévention de la torture et des mauvais traitements.

31.Le Sous-Comité relève également que plusieurs parties prenantes, dont la société civile, ont souhaité que le mécanisme national de préventionadopte une approche plus participative. Actuellement, le mécanisme national de préventionne fait pas participer activement les acteurs de la société civile à ses activités et ne profite pas pleinement de l’expertise d’autres instances, notamment de la mise en commun des mandats dans le domaine des droits de l’homme par les conseils provinciaux des droits de l’homme.

32.Au moment de sa visite, le Sous-Comité a observé que le mécanisme national de préventionn’avait pas encore publié de rapport annuel. En outre, le Sous-Comité a reçu des informations selon lesquelles les autorités n’examinent pas de manière proactive les rapports du mécanisme. En conséquence, le mécanisme est peu connu des organismes publics, de la société civile et du grand public.

33. Le Sous-Comité estime qu ’ il est fondamental que l ’ État partie commence par établir une vision claire et cohérente de son approche de la prévention de la torture, qui tienne compte des pratiques optimales et des données d ’ expérience des différentes instances nationales chargées de surveiller la situation des droits de l ’ homme et les lieux de détention. Cette analyse devrait permettre :

a) D ’ établir une feuille de route concernant la façon dont toutes les parties prenantes peuvent contribuer à la prévention de la torture dans l ’ État partie  ;

b) D ’ aider à déterminer, avec le mécanisme et les parties intéressées , comment éviter le chevauchement des mandats et les doubles emplois, et de définir quel modèle institutionnel serait le plus efficace pour prévenir la torture dans l ’ État partie  ;

c) De définir clairement le rôle joué par le mécanisme , les pouvoirs publics, la société civile et la coopération internationale, ainsi que les interactions entre ces acteurs  ;

d) D ’ encourager et de soutenir la coopération et les synergies entre ces acteurs afin d ’ améliorer l ’ efficacité globale du mécanisme nationa l de prévention .

34. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De prendre des mesures pour aider le mécanisme national de prévention à mieux faire connaître son mandat et ses activités aux autorités, y compris aux responsables des lieux de privation de liberté ne relevant pas du système pénitentiaire, notamment au Ministère de la santé et au Ministère de la famille et des affaires sociales, afin de renforcer la coopération  ;

b) De réorganiser la structure institutionnelle de l ’i nstitution des droits de l ’ homme de la Turquie afin de différencier ses fonctions de celles du mécanisme national de prévention  ;

c) De contribuer à améliorer la visibilité des travaux du mécanisme, par exemple en soutenant les campagnes de sensibilisation du public, en produisant, dans différentes langues, des matériels d ’ information concernant le mandat et les activités du mécanisme et en les distribuant au personnel des lieux de détention, aux détenus et à la société civile et en informant les magistrats , les avocats et le grand publi c du mandat du mécanisme .

35. Le Sous-Comité recommande en outre à l ’ État partie de veiller à ce que le mécanisme nationa l de prévention soit reconnu comme une composante clef du système national de prévention de la torture et des mauvais traitements. À cet égard, il recommande que le mécanisme ait un rôle davantage tourné vers l ’ extérieur et, notamment, qu ’ il dialogue davantage avec la société civile et les institutions chargées de questions relatives aux droits de l ’ homme afin de rechercher d ’ éventuelles synergies, y compris dans le cadre de la surveillance des hôpitaux psychiatriques, des centres de d étention pour migrants, des foyers pour personnes âgées et des orphelinats.

36. L e Sous-Comité encourage l ’ État partie à mettre en place, de concert avec le mécanisme , un cadre institutionnel pour examiner le s rapports de visite du mécanisme et en assurer le suivi. Il lui recommande de faciliter la publication de tous les rapports établis par le mécanisme et de veiller à ce que le mécanisme établisse un rapport annuel qui soit traduit et transmis au Sous-Comité , en ayant à l’esprit l ’article 23 du Protocole facultatif et le paragraphe 29 des Directives du Sous-Comité concernant les mécanismes nationaux de prévention , qui renvoient tous deux à l ’ obligation des États parties de publier et de diffuser largement les rapports annuels des mécanisme s nationa ux de prévention . L ’ État partie est, en outre, encouragé à réfléchir à ces rapports et à incorporer les questions qu ’ ils soulèvent dans l a planification de se s politiques.

Couverture des lieux de détention

37.La portée de l’action du mécanisme national de prévention est limitée, en particulier, par des facteurs géographiques. Le Sous-Comité est conscient des importantes lacunes qui existent en matière de surveillance des lieux de privation de liberté en Turquie et qui sont dues au fait que le mécanisme national de prévention ne dispose pas de bureaux régionaux, ni du budget voulu ou des capacités nécessaires pour effectuer des visites dans les quelque 10 000 lieux de détention que compte le pays, selon les estimations des pouvoirs publics.

38. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de dresser une liste complète de s différents types de lieu x où se trouvent des personnes privées de liberté, au sens de l ’article  4 du Protocole facultatif, et de veiller à renforcer les capacité s du mécanisme en tenant compte du nombre de lieux de privation de liberté dont il a la charge, y compris les établissements de protection sociale, les centres de détention militaires et les centres de d étention pour migrants, sur tout le territoire de l ’ État partie. À cette fin, une nouvelle loi sur le mécanisme national de prévention devrait idéalement prévoir la création de bureaux régionaux dans les sept régions de l ’ État partie et le mécanisme devrait disposer des ressources nécessaires pour faire appel à des compétences extérieures, selon que de besoin, afin d ’élargir sa zone d ’ action.

Ressources

39.Le Sous-Comité constate avec préoccupation que le mécanisme ne dispose pas des capacités voulues pour mener à bien un travail de prévention complet, comprenant des visites, des visites de suivi, et des activités de plaidoyer, de formation et de mobilisation du public, en particulier si l’on tient compte de l’insuffisance de ses compétences internes médicales, psychologiques et autres, par exemple dans les domaines du travail social, de la sécurité, de la pédagogie et des questions liées à l’enfance. En octobre 2015, le mécanisme était composé de 11 membres, 15 experts et plusieurs experts auxiliaires et associés, principalement des avocats, qui tous exerçaient également des fonctions dans le cadre de l’institution nationale des droits de l’homme. Le Sous-Comité relève avec inquiétude que tous les membres du mécanisme travaillent à temps partiel, ce qui limite leur aptitude à s’acquitter de leurs fonctions. En outre, il est particulièrement préoccupé par le fait que le régime financier strict auquel le mécanisme national de prévention est soumis limite considérablement sa capacité de recruter du personnel supplémentaire afin de diversifier ses compétences internes. En outre, le Sous-Comité note avec inquiétude que l’absence d’un budget distinct et de locaux et d’espaces de bureau qui lui soient propres nuit à l’indépendance financière et opérationnelle du mécanisme.

40. Le Sous-Comité rappelle à l ’ État partie qu ’ en application du paragraphe 3 de l ’article  18 du Protocole facultatif, il est légalement tenu de dégager des ressources financières et humaines adéquates. Le mécanisme national de prévention devrait être doté des ressources nécessaires pour pouvoir accroître son personnel d ’ appui et mettre à la disposition de ses membres les compétences et les connaissances professionnelles requises pour mener à bien son programme de visites dans toutes les régions du pays . Il est recommand é à l ’ État partie, dès qu ’ il aura eu connaissance des besoins du mécanisme, d ’ allouer à ce lui-ci d es ressources suffisantes pour lui permettre de mener des visites de suivi et de s ’ acquitter de ses autres fonctions essentielles au titre du Protocole facultatif. De même, les ressources allouées par l ’ État partie devraient permettre au mécanisme de diversifier sa composition , notamment en recrutant des membres disposant des compétences médicales, psychologiques et autres pertinentes. À cet égard, l ’ État partie devrait envisager de faire en sorte que les membres du mécanisme occupent un poste à plein temps et rémunéré afin que le mécanisme puisse s’acquitter des fonctions qui lui incombent au regard du Protocole facultatif. En outre, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ appliquer avec souplesse le statut général de la fonction publique au mécanisme national de prévention, ou de l ’ en exempter, afin que le mécanisme puisse recruter du personnel supplémentaire, renforcer sa coopération avec la société civile et compter sur le concours de professionnels extérieurs indépendants, convenablement rémunérés et formés, et dotés des compétences appropriées.

41. Le paragraphe 1 de l ’ article 18 du Protocole facultatif, ainsi que le paragraphe 8 d es Directives du Sous-Comité concernant les mécanismes nationaux de préventi on , exige nt également de garantir la pleine indépendance des mécanismes nationaux de prévention dans leur financement et leur fonctionnement . Cela implique que le mécanisme créé au sein d ’ une institution nationale des droits de l ’ homme jouisse d ’ une telle autonomie non seulement à l ’ égard de l ’ État partie qui l ’ a désigné, mais aussi de l ’ institution plus vaste qui l ’ abrite. Le Sous-Comité recommande par conséquent à l ’ État partie de veiller à ce que les fonds alloués au mécanisme fassent l ’ objet d ’ un poste budgétaire distinct dans le budget annuel de l ’ État et à ce que le mécanisme nationa l de prévention dispose d ’ une infrastructure et de locaux propres .

42. Le Sous-Comité recommande également à l ’ État partie de faciliter la formation conjointe des membres et du personnel du mécanisme national de prévention afin de renforcer leur capacité à s ’ acquitter efficacement, collectivement et individuellement, des fonctions incombant au mécanisme nationa l de prévention au regard du Protocole facultatif . Cette formation devrait porter sur les techniques d ’ entretien, les procédures de visite et les compétences requises pour déceler les signes et les risques de torture et de mauvais traitements afin de permettre au mécanisme d ’arrêter des modalités de travail et une méthode de visite exhaustive permettant de mettre en évidence les difficultés institutionnelles et systématiques, y compris celles rencontrées par les populations vulnérables privées de liberté, et porter également sur d ’ autres activités liées à la prévention , mentionnées au paragraphe 39 ci-dessus.

43. Le Sous-Comité souhaite être informé, à titre prioritaire, des mesures prises par l’État partie pour allouer au mécanisme d es ressources humaines et financières suffisantes et garantir sa complète autonomie financière et opérationnelle.

IV.Recommandations finales

44.Le Sous-Comité rappelle que la prévention de la torture constitue une obligation continue et de large portée de l’État partie, objectif qui peut être en partie atteint grâce à un mécanisme national de prévention efficace.

45. Le Sous-Comité prie par conséquent l ’ État partie de l ’ informer, chaque année, de toute éventuelle révision législative ou modification de politique, ou de tout autre fait nouveau pertinent concernant le mécanisme , pour lui permettre de continuer à l’ aider à s ’ acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du Protocole facultatif.

46.Le Sous-Comité souligne que sa visite offre à la Turquie une occasion idéale de montrer qu’elle est disposée et prête à s’acquitter de ses obligations internationales au titre du Protocole facultatif, notamment dans le contexte des négociations relatives au chapitre 23 (« Pouvoir judiciaire et droits fondamentaux »), menées aux fins de l’adhésion de l’État partie à l’Union européenne. Il considère que sa récente visite de conseil et le présent rapport marquent le début d’un dialogue constructif avec l’État partie. Le Sous-Comité est disposé à aider la Turquie à s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du Protocole facultatif, en particulier en lui fournissant une assistance technique et des avis, afin d’atteindre leur objectif commun, qui est de prévenir la torture et les mauvais traitements dans les lieux de privation de liberté de l’État partie.

47. Le Sous-Comité encourage par conséquent l ’ État partie à se prévaloir rapidement de s es avis, comme prévu à l ’ article 11 b) du Protocole facultatif, dès que le besoin de tels avis et d ’ une assistance se fait sentir. En outre, et comme indiqué au paragraphe  11 du présent rapport , le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de rendre public le présent rapport, considérant que cela constitue en soi une mesure de prévention. Il lui recommande également de faire distribuer ce rapport à tous les organes et services publi c s compétents.

Annexe I

[Anglais seulement]

List of places of deprivation of liberty visited by the Subcommittee

Ankara Sincan T Type Prison

Ankara Police Department

Annexe II

[Anglais seulement]

List of Government officials and other persons with whom the Subcommittee met

I.Authorities

Numan Kurtulmuş, Deputy Prime Minister

Ministry of Justice

Hilal İbrahim Dizman, Head of the Department for Foreign Relations, Directorate General for Prisons and Detention Houses

Hacı Ali Açıkgül, Head of the Department for Human Rights, Directorate General for International Law and Foreign Relations

Oner Aydın, Rapporteur Judge

Ministry of Foreign Affairs

Hasan Ulusoy, Director General for Multilateral Political Affairs, Deputy Directorate General for the Council of Europe and Human Rights

Yonca Gündüz Özçeri, Deputy Director, Deputy Directorate General for the Council of Europe and Human Rights

Togan Oral, Head of the Department for Human Rights, Deputy Directorate General for the Council of Europe and Human Rights

Buket Kabakçı, Head of the Department for the Council of Europe, Deputy Directorate General for the Council of Europe and Human Rights

Ministry for European Union Affairs

Çağri Çakır, Coordinator of the Department for Political Affairs, Ministry for European Union Affairs

Cemre Artan, European Union Affairs Expert

Ministry of Health

Esra Alataş, Head of Department for Public Health, Directorate General for Public Health

Olcay Peri, Medical Doctor, Directorate General for Public Health

Uğur Ortaç, Assistant Health Expert, Directorate General for Public Health

M. Kemal Çetin, Medical Doctor, Directorate General for Health Services

Murat Yıldırım, Medical Doctor, Directorate General for Health Services

Mustafa Emre Yatman, Head of the Department for Common Health Services and Doctor, Public Hospitals Agency

Ministry of Family and Social Policies

Ercüment Işık, Deputy Head of Department, Department of European Union and Foreign Affairs

Mesut Demirtaş, Deputy Head of Department for Social Rehabilitation Services, Directorate General for Child Services

Deniz Samyeli Güneş, Unit Coordinator at Maintenance Services for Persons with Disabilities, Directorate General for Persons with Disabilities and Elderly Services

Bülent Karakuş, Social Worker and Unit Coordinator, Directorate General for Persons with Disabilities and Elderly Services

Ministry of Interior

Ramazan Seçilmiş, Deputy Head of Department, Department of European Union Affairs and Foreign Relations

Uğur Tuncer, Assistant Expert for European Union Relations, Department of European Union Affairs and Foreign Relations

Önder Bakan, Head of Department for Support Services, Directorate General of Migration Administration

Hasan Basari Karakuş, Coordinator of Centres, Directorate General of Migration Administration

Tuğçe Er, Assistant Expert at Coordination Centres, Directorate General of Migration Administration

Ahmet Küçükikiz, Assistant Expert at the Department for Foreigners, Directorate General of Migration Administration

Büşra Pekşen, Assistant Expert at the Department for Foreigners, Directorate General of Migration Administration

Havva Tuğba Saygın, Assistant Expert at the Department for Foreigners, Directorate General of Migration Administration

Ebubekir Kurt, Assistant Expert in the Department for the Protection of Victims of Trafficking in Persons, Directorate General of Migration Administration

Hasan Hüseyin Gümüş, Police Officer at the Department for International Protection, Directorate General of Migration Administration

Ismail Mermer, Department of Legal Consultancy, Turkish National Police

Oğuz Yurdaer, Department for the Fight against Terrorism, Turkish National Police

Ismet Yüzügüllü, Department of Public Order, Turkish National Police

Doğan Özer, Department of Frontiers, Turkish National Police

Ahmet Özkurt, Head of Department for Foreign Relations and Human Rights, General Command of Gendarmerie

Serhat Demiral, Section Head of the Department for Human Rights, General Command of Gendarmerie

Ministry of National Defence

Yasin Akdeniz, Section Head, Department of Military Justice

Members of Parliament

Şafak Pavey

Sezgin Tanrikulu

II.National preventive mechanism

Hikmet Tülen, President

Aydin Bingöl, Vice President

Abdurrahman Eren

Gülden Sönmez

Levent Korkut

Mehtap Karaburçak Tuzcu

Selamet İlday

Nihat Bulut

Salih Melek

Yusuf Şevki Hakyemez

Muzaffer Şakar, Expert

Ekin Bozkurt Şener, Expert

III.Others

Ombudsman Institution

Mehmet Elkatmış, Ombudsman

Servet Alyanak, Judge

Mustafa Aydın Ertunç, Expert

Başak Manav, Assistant Expert

And additional staff