Nations Unies

CAT/OP/NER/1

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

6 août 2020

Original : français

Anglais, espagnol et français seulement

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Visite effectuée au Niger du 29 janvier au 4 février 2017 : recommandations et observations adressées à l’État partie

Rapport établi par le Sous-Comité * , **

Table des matières

Page

I.Introduction3

II.Facilitation de la visite et coopération4

III.Méthodologie et plan du rapport4

IV.Mécanisme national de prévention4

A.Cadre institutionnel4

B.Principes à respecter dans la mise en œuvre du Mécanisme5

C.Recommandations6

V.Visites de terrain7

A.Cadre institutionnel7

B.Établissements pénitentiaires13

VI.Réforme législative18

A.Politique pénale18

B.Politique pénitentiaire19

VII.Conclusion19

Annexes

I.Liste des personnes rencontrées par le Sous-Comité20

II.Lieux de privation de liberté visités par le Sous-Comité23

I.Introduction

1.En application de l’article 11 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après « le Protocole facultatif »), le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après « le Sous-Comité ») a effectué sa première visite au Niger du 29 janvier au 4 février 2017.

2.La délégation était composée des membres suivants du Sous-Comité : Catherine Paulet (cheffe de la délégation), Hans-Jörg Bannwart (chef du Groupe de travail Afrique au sein du Sous-Comité), Joachim Gnambi Garba Kodjo (rapporteur du Sous-Comité sur le Niger) et Radhia Nasraoui.

3.Les membres du Sous-Comité ont bénéficié de l’assistance de trois membres du personnel du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, dont un fonctionnaire chargé de la sécurité, ainsi que d’un interprète local.

4.La visite avait pour objet de soutenir le Niger dans la mise en œuvre du mécanisme national de prévention prévu par l’article 3 du Protocole facultatif et d’effectuer une visite de terrain dans les lieux de privation de liberté.

5.La délégation du Sous-Comité (ci-après « la délégation ») a effectué des visites dans plusieurs types de lieux de privation de liberté et s’est entretenue avec les autorités nigériennes compétentes, dont le Premier Ministre par intérim et le Ministre d’État, Ministre de l’intérieur, le Président de l’Assemblée nationale, le Ministre de la justice et Garde des Sceaux, et des représentants des tribunaux et du parquet.

6.La délégation a également rencontré des représentants de la Commission nationale des droits humains, du Programme des Nations Unies pour le développement, de la société civile, du barreau et de l’ordre des médecins ainsi que d’organisations internationales. Elle tient à les remercier pour les informations précieuses qu’ils lui ont communiquées.

7.À l’issue de la visite, la délégation a, au cours d’une réunion tenue le 3 février 2017, présenté oralement aux autorités nationales nigériennes ses observations préliminaires et confidentielles.

8.Dans le présent rapport, l’expression « mauvais traitements » est utilisée au sens générique et vise toutes les formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

9.Le rapport du Sous-Comité demeurera confidentiel jusqu’à ce que les autorités nigériennes décident de le rendre public, en conformité avec l’article 16 (par. 2) du Protocole facultatif. Le Sous-Comité tient à attirer l’attention de l’État partie sur la possibilité de solliciter un financement du Fonds spécial établi conformément à l’article 26 du Protocole facultatif pour des projets spécifiques visant à mettre en œuvre les recommandations contenues dans le présent rapport, à la condition que ce dernier ait été rendu public.

10. Le Sous-Comité recommande au Niger d’envisager la publication du présent rapport conformément au paragraphe 2 de l’article 16 du Protocole facultatif.

11. Le Sous-Comité demande aux autorités nigériennes de lui rendre pleinement compte, dans les six mois qui suivront la transmission du présent rapport, des mesures qui auront été prises pour donner suite aux recommandations formulées.

II.Facilitation de la visite et coopération

12.Le Sous-Comité tient à remercier les autorités nigériennes de leur excellente coopération et pour avoir désigné comme agent de liaison et interlocutrice Rabiou Assetou Traoré, dont la diligence et la disponibilité ont contribué à faciliter la visite sur place.

13.Le Sous-Comité est aussi reconnaissant du soutien apporté par Ismail Kane Abdoulaye, analyste de Programme droits humains au Programme des Nations Unies pour le développement, qui a joué un rôle essentiel dans le bon déroulement de la visite.

14.Le Sous-Comité note avec satisfaction que le Gouvernement nigérien lui a accordé l’accès sans restriction aux lieux de détention, conformément au Protocole facultatif. Il regrette, néanmoins, que les pouvoirs nécessaires pour accéder à tous les lieux de privation de liberté, établis en accord avec le modèle du Sous-Comité, ainsi que les derniers textes des lois antiterroristes, requis préalablement à la visite, n’aient été fournis que tardivement. Il regrette aussi que les informations sur les postes de gendarmerie, les établissements militaires, les centres de détention pour étrangers, les centres de cantonnement des repentis, ainsi que les informations sur certains postes de police, comme la cellule antiterroriste de la police à Niamey, n’aient pas été fournies, ce qui n’a pas permis à la délégation de les intégrer dans les éléments pris en compte pour préparer sa visite. Finalement, le Sous-Comité regrette que les Ministères de la santé, de la défense, de la protection de la femme et de l’enfant, ainsi que des finances, qui jouent un rôle important dans la prévention de la torture, n’aient pu se faire représenter lors des réunions conjointes initiales et finales.

15.Le Sous-Comité note avec satisfaction le dialogue franc et constructif engagé avec les autorités lors du compte rendu de la mission et prend acte de l’engagement au plus haut niveau des pouvoirs publics de s’acquitter des obligations qui leur incombent en vertu du Protocole facultatif, exprimé notamment par Marou Amadou, Ministre de la justice et Garde des Sceaux. La preuve de cet engagement est la feuille de route envoyée par le Ministère de la justice un mois après la visite de la délégation, avec un plan d’action pour la mise en œuvre du Mécanisme national de prévention. Le Sous-Comité apprécie le niveau de professionnalisme, de coopération et d’efficience de tous les interlocuteurs rencontrés.

III.Méthodologie et plan du rapport

16.Le rapport du Sous-Comité comprend trois parties : la première aborde la question du Mécanisme national de prévention, que l’État partie n’a toujours pas mis en place ; la deuxième se concentre sur les conditions de détention telles qu’observées lors des visites de terrain ; et la troisième porte sur la réforme législative qui se révèle nécessaire, aussi bien dans le cadre de la politique pénale que de la politique pénitentiaire. Le Sous-Comité estime que ces chapitres traitent de problèmes structurels intrinsèquement liés entre eux et que leur examen commun est de nature à faire avancer la prévention de la torture et des mauvais traitements.

IV.Mécanisme national de prévention

A.Cadre institutionnel

17.L’État partie a adhéré au Protocole facultatif le 7 novembre 2014 et, en vertu de l’article 17 dudit Protocole, s’est engagé à mettre en place, dans un délai d’un an, un mécanisme national de prévention (ci-après « le Mécanisme »). Le Sous-Comité a effectué sa visite dans une période féconde de réformes législatives et de mise en œuvre de la politique nationale justice et droits humains et de son plan d’action. Le Sous-Comité se réjouit que l’État partie manifeste sa volonté de faire de la mise en place d’un mécanisme une priorité.

18.Les autorités rencontrées et la Commission nationale des droits humains (ci-après « la CNDH ») préconisent le rattachement du Mécanisme à la CNDH, notamment pour des motifs liés aux contraintes budgétaires de l’État partie et à l’indépendance institutionnelle de la CNDH, qui bénéficie d’une loi organique robuste.

19.Le Sous-Comité prend note de la loi no 2012-44, déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la CNDH, dont le texte lui a été transmis par les autorités de l’État partie. Il prend également note de ce que, selon l’article 19 de cette loi, la CNDH est habilitée à « effectuer des visites régulières, notifiées ou inopinées, dans les lieux de détention et [à] formuler des recommandations à l’endroit des autorités compétentes ». Elle a aussi pour mission de « lutter contre la torture, les actes de sévices et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conformément aux normes universelles, régionales ou nationales des droits humains », ce qui est au cœur du mandat d’un mécanisme national de prévention.

20.Le Sous-Comité ne se prononce pas sur l’opportunité de créer un mécanisme qui soit un organe distinct ou intégré au sein d’une institution nationale des droits de l’homme. Il note, cependant, que les dispositions de l’article 19 de la loi portant création de la CNDH ne suffisent pas, en elles-mêmes, à satisfaire les garanties requises à l’article 18 du Protocole facultatif.

B.Principes à respecter dans la mise en œuvre du Mécanisme

21.Bien que l’État partie soit libre de déterminer le format institutionnel de son Mécanisme, il est impératif que le Mécanisme soit conforme aux prescriptions du Protocole facultatif, telles que développées par les Directives du Sous-Comité concernant les mécanismes nationaux de prévention (CAT/OP/12/5), et tienne dûment compte des Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

22.Le choix institutionnel du Mécanisme devrait faire l’objet d’une consultation élargie, inclusive et transparente des différentes parties prenantes, y compris les différents organes nationaux de surveillance des droits de l’homme et des lieux de privation de liberté, les différents partis politiques représentés au Parlement et les organisations de la société civile ayant une expertise en matière de prévention de la torture.

23.Le mandat et les attributions du Mécanisme en matière de visite doivent être clairement définis dans un texte législatif, qui devrait couvrir tous les lieux où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté sur l’ordre d’une autorité publique ou avec son consentement exprès ou tacite, tel que défini à l’article 4 du Protocole facultatif. Si l’option choisie par l’État partie est l’adossement du Mécanisme à la CNDH, la loi no 2012‑44 portant création de la CNDH devrait être modifiée pour prendre en compte les critères du Protocole facultatif. Cela veut dire que le Mécanisme devrait pouvoir accéder même aux services de l’État où des personnes ont été détenues sans intervention préalable de l’institution judiciaire, comme dans le cas présumé du service appelé la « coordination ».

24.Le texte législatif devrait aussi habiliter le Mécanisme à choisir librement les lieux de privation de liberté à visiter, le moment des visites, annoncées ou inopinées, et les personnes avec lesquelles s’entretenir en privé, et à avoir accès à tous les renseignements nécessaires, y compris personnels et confidentiels, afin de pouvoir examiner la situation des personnes privées de liberté et améliorer leur traitement et leurs conditions de détention, conformément aux articles 19 et 20 du Protocole facultatif.

25.La sélection des membres du Mécanisme devrait obéir à des critères expressément énoncés dans la loi, assurer l’équilibre entre les sexes et tenir compte du pluralisme ethnique de l’État partie, comme l’indique l’article 18 du Protocole facultatif. Même adossé à la CNDH, la mise en place d’un mécanisme au Niger nécessitera une augmentation du nombre de commissaires, et leur champ de compétences devrait être élargi au domaine de la santé. Les membres du Mécanisme ne devraient pas occuper une position susceptible de donner lieu à des conflits d’intérêts. Il serait vivement souhaitable, par exemple, que les membres du Mécanisme ne soient pas choisis parmi des personnes occupant des postes actifs dans la fonction publique ou dans le système de justice pénale, même s’ils renoncent temporairement à leur fonction.

26.Le texte législatif devrait aussi spécifier la durée du mandat des membres, qui peut être renouvelable, avec des mandats échelonnés si possible, ainsi que les motifs éventuels de révocation. Les membres et le personnel devraient jouir de privilèges et d’immunités et le Mécanisme devrait établir une stratégie pour empêcher des représailles contre ses membres et contre les personnes qui lui fournissent des informations.

27.Conformément aux paragraphes 1 et 3 de l’article 18 du Protocole facultatif, le Mécanisme devrait jouir d’une autonomie financière et fonctionnelle et obtenir des ressources nécessaires pour l’exercice effectif de son mandat. Cela implique quel’État partie devrait veiller à ce qu’une allocation spécifique de fonds soit versée au Mécanisme.Ce financement devrait être de nature à permettre au Mécanisme d’exécuter son programme de visites dans toutes les régions du pays et de mener des activités de suivi. Si le Mécanisme est adossé à la CNDH, la demande de budget du Mécanisme devrait être établie par le Mécanisme lui-même, sur la base de son plan de travail, et devrait être soumise aux autorités de l’État séparément de celui de la CNDH. Une fois le budget approuvé, la prise de décisions concernant l’utilisation des ressources spécifiques du Mécanisme demeure la prérogative du Mécanisme lui-même.

28.Si l’État partie choisit l’adossement du Mécanisme à la CNDH, le Sous-Comité suggère, afin de garantir son autonomie de fonctionnement et sa visibilité, de confier ses fonctions à une structure parallèle, dotée de ses propres personnel et budget. Il est important de veiller à ce que le public, en particulier les personnes privées de liberté, et les différentes parties prenantes connaissent le travail et le mandat du Mécanisme et comprennent son activité axée sur la prévention, la confidentialité et l’analyse systémique des causes de la torture et des mauvais traitements. Les méthodes de travail et les garanties pour préserver l’indépendance du Mécanisme, y compris la coopération et l’échange d’informations avec la CNDH, devraient être établies dans des règlements internes. Le rapport annuel du Mécanisme qui doit être publié, conformément à l’article 23 du Protocole facultatif, devrait être autonome par rapport à celui de la CNDH.

C.Recommandations

29.Le Sous-Comité prend bonne note de la feuille de route élaborée pour asseoir les bases d’un mécanisme indépendant et de l’établissement d’un calendrier pour sa mise en place.

30.En application du mandat conféré par les dispositions de l’article 11 b) du Protocole facultatif, le Sous-Comité est prêt à fournir des conseils et l’assistance technique nécessaire pour soutenir l’État partie dans ce processus.

31. Bien qu’il appartienne à l’État partie de décider sous quelle forme le Mécanisme serait le plus efficace, le Sous-Comité recommande de prendre en compte les éléments suivants :

a) Le Mécanisme devrait être établi conformément aux dispositions pertinentes du Protocole facultatif et des Principes de Paris ;

b) Le choix institutionnel du Mécanisme devrait faire l’objet d’une procédure transparente, inclusive et participative pour déterminer quelle configuration institutionnelle serait la structure la plus efficace pour prévenir la torture, éviter le chevauchement des mandats et éviter la duplication des efforts. Cela devrait également s’appliquer au processus de sélection et de nomination des membres du Mécanisme, qui devrait être conforme aux critères publiés dans un texte législatif. Le processus de sélection devrait aussi assurer l’équilibre entre les sexes et tenir compte du pluralisme ethnique. Les membres devraient posséder collectivement les compétences et les connaissances requises pour leur mandat, y compris des connaissances médicales, et ne devraient pas occuper de positions susceptibles de donner lieu à des conflits d’intérêt s  ;

c) Le mandat et les attributions du Mécanisme devraient être clairement énoncés dans un texte législatif, qui devrait aussi couvrir tous les lieux où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté sur l’ordre d’une autorité publique ou avec son consentement exprès ou tacite, tel que défini à l’article 4 du Protocole facultatif ;

d) Les visites devraient pouvoir être effectuées de la manière et avec la fréquence décidées par les membres du Mécanisme. Cela comprend la possibilité de mener des entretiens privés avec les personnes privées de liberté et le droit d’effectuer en tout temps des visites inopinées dans tous les lieux de privation de liberté, conformément aux dispositions du Protocole facultatif ;

e) L’indépendance financière et opérationnelle du Mécanisme devrait être garantie par la loi et dans la pratique. Les ressources nécessaires devraient être allouées pour permettre le bon fonctionnement du Mécanisme ;

f) L’État partie devrait publier et diffuser largement les rapports annuels du Mécanisme.

V.Visites de terrain

A.Commissariats de police et gendarmeries

32.Dans le cadre de cette visite, la délégation s’est rendue dans cinq commissariats de police et une gendarmerie à Niamey (voir annexe II).

1.Conditions matérielles et sanitaires de détention

33.La délégation a constaté que les personnes détenues dans les commissariats l’étaient dans des conditions qui ne satisfaisaient pas aux Règles Nelson Mandela. Certaines cellules étaient de très petite taille : les cellules individuelles à la Brigade antiterroriste mesuraient 2,59 m2, celles de la police judiciaire où se trouvaient 2 détenus lors de la visite mesuraient 5,60 m2, celle du commissariat de Yantala qui abritait 2 détenus mesurait 8,77 m2 et la cellule du commissariat central, qui mesurait 15,63 m2, a abrité jusqu’à 7 gardés à vue, selon les informations obtenues des détenus. La plupart des cellules manquaient de lumière (soit naturelle soit artificielle) et les fenêtres étaient parfois remplacées par des trous, comme au commissariat de la police judiciaire, ou fermées, comme pour la cellule pour femmes et enfants de la Brigade antiterroriste. Les cellules ne disposaient pas de conduits d’aération suffisants. Aucune des cellules visitées n’était équipée de toilettes ou de douches, à l’exception de celles de la Brigade antiterroriste, qui étaient en très mauvais état. Aucun produit d’hygiène personnelle n’était mis à la disposition des gardés à vue, qui dormaient à même le sol, sans matelas, couverture ou protection contre les moustiques, dans des cellules parfois très insalubres qui dégageaient une forte odeur d’urine et d’excréments, à l’exemple des cellules du commissariat central et du commissariat de Yantala, où un coin de la cellule avec un simple trou pour l’écoulement vers l’extérieur servait de toilettes.

34.Il ressort des entretiens que la délégation a eus que la plupart des commissariats et gendarmeries visités n’avaient pas de budget pour nourrir les personnes en garde à vue, qui sont alimentées par leurs propres familles ou, parfois, par les officiers eux-mêmes, une fois par jour.

35.La délégation a aussi constaté qu’aucun espace approprié n’avait été prévu pour permettre l’exercice quotidien en plein air des personnes maintenues en garde à vue pendant des périodes prolongées, en particulier à la Brigade antiterroriste, où les personnes placées en garde à vue peuvent rester jusqu’à un mois, selon la loi.

36.La délégation a été informée, au commissariat de Yantala, qu’il n’y avait pas de cellules pour les femmes ou les enfants. Ceux-ci sont placés sur le banc face au bureau d’accueil et, en cas de nécessité, sont menottés au banc.

37. Le Sous-Comité recommande aux autorités nigériennes d’améliorer les conditions de détention dans les commissariats et les gendarmeries et de prendre les mesures nécessaires pour :

a) Que les cellules individuelles ne soient occupées la nuit que par un seul détenu et que les cellules de 2,59 m 2 à la Brigade antiterroriste ne soient utilisées que pour des périodes de quelques heures ;

b) Que les cellules de garde à vue soient aérées et suffisamment éclairées à la lumière naturelle et artificielle  ;

c) Améliorer les conditions d’hygiène et de salubrité dans les locaux de garde à vue  ;

d) Fournir des matelas, couchages et moustiquaires aux personnes en garde à vue ;

e) Doter les commissariats et les gendarmeries d’un budget pour l’achat de nourriture  ;

f) S’assurer que les personnes gardées à vue ont accès à l’eau potable à l’intérieur des locaux, aux toilettes, aux douches et à des produits d’hygiène personnelle ;

g) Que chaque détenu puisse avoir une heure au moins par jour d’exercice physique en plein air  ;

h) Que des cellules séparées soient prévues pour les femmes et les mineurs, particulièrement au commissariat de Yantala et à la police judiciaire.

2.Garanties juridiques fondamentales

a)Droit d’être informé de ses droits et des motifs de son arrestation

38.Le Code de procédure pénale nigérien ne garantit pas le droit de la personne gardée à vue d’être informée de ses droits, ni son droit d’être informée des motifs de son arrestation ou des charges qui pèsent contre elle.

39.La délégation a appris que les droits des détenus étaient indiqués dans le procès‑verbal, rédigé en français par l’officier de police. Conformément à l’article 57 du Code de procédure pénale nigérien, les personnes gardées à vue procèdent elles-mêmes à la lecture du procès-verbal, sauf si elles déclarent ne pas savoir lire ; dans ce cas, la lecture et la traduction leur en sont faites par un interprète ou par un officier de police dans leur langue. Cependant, il ressort des entretiens que la délégation a eus que la plupart des personnes gardées à vue s’étant déclarées illettrées ou parlant une langue locale ont signé (ou mis leur empreinte digitale) leur procès-verbal sans en connaître le contenu. En conséquence, la plupart des détenus, à l’exception de ceux à la Brigade antiterroriste, ont déclaré ne pas avoir été informés de leurs droits, et aucun ne savait dans quelle situation pénale il se trouvait et quelles seraient les suites de la procédure.

40.Il a été rapporté à la délégation que la plupart des personnes détenues pour des actes terroristes présumés à Diffa, dans le cadre des opérations militaires, n’avaient été informées ni de leurs droits, ni des motifs de leur arrestation avant leur arrivée à la Brigade antiterroriste de Niamey, soit entre quatre et neuf jours après leur arrestation.

41. Le Sous-Comité recommande à l’État partie d’adopter les mesures législatives et administratives nécessaires pour garantir que toutes les personnes privées de liberté soient informées de l’ensemble de leurs droits et des motifs de leur arrestation dès le tout début de la privation de liberté, et des charges qui pèsent contre elles, dès que possible. Ces informations devraient être transmises dans un premier temps oralement, dans un langage clair et une langue que les personnes comprennent, si nécessaire avec l’aide d’un interprète, puis être fournies par écrit aux personnes concernées. Des informations à ce sujet devraient par ailleurs être portées à la connaissance de tous dans tous les lieux de détention au moyen d’affiches posées là où les détenus peuvent les voir.

b)Droit d’accès à un avocat

42.L’article 71 du Code de procédure pénale garantit la notification au suspect de son droit de prendre un avocat à partir de la vingt-quatrième heure de la garde à vue sous peine de nullité de la procédure. Dans le cas de suspects d’actes terroristes, le nouvel article 605.5 du Code de procédure pénale, introduit par la loi no 2016-21 du 16 juin 2016, étend le délai de notification du droit d’être assisté par un avocat à quarante-huit heures de la garde à vue. Le Sous-Comité note que la loi ne garantit pas le droit des personnes détenues d’avoir accès à un avocat, mais plutôt la notification de ce droit, dans les vingt-quatre à quarante-huit heures de la garde à vue. En conséquence, l’accès effectif à un avocat pourrait se prolonger au-delà de ces délais. Il ressort des entretiens que la délégation a eus que la plupart des personnes gardées à vue n’auraient pas été informées de leur droit de consulter un avocat, et que celles qui en avaient été informées à la Brigade antiterroriste n’avaient pas fait valoir leur droit. D’autres informations recueillies par la délégation révèlent qu’un bon nombre d’avocats n’auraient accès à leurs clients qu’après l’audition devant la police.

43.Le Code de procédure pénale ne garantit pas non plus le droit des détenus de consulter leurs avocats de manière confidentielle. La délégation a appris que les rencontres entre les détenus et leurs avocats auraient lieu parfois devant des agents de police.

44.Des barrières géographiques et économiques nuisent à l’accès à l’assistance juridique au Niger. D’après les informations reçues, il n’y a que 146 avocats, dont 24 avocats stagiaires, au Niger, et 145 d’entre eux sont installés à Niamey. Étant donné la situation de pauvreté d’une grande partie de la population et la pénurie d’avocats hors de Niamey, l’accès à l’assistance d’un défenseur professionnel se révèle difficile. L’Agence nationale de l’assistance juridique et judiciaire a été créée par la loi no 2011-42 du 14 décembre 2011 pour faciliter l’accès à la justice des plus démunis, surtout dans les régions rurales. Cependant, d’après les informations obtenues par la délégation, les commis d’office ne sont pas des avocats et n’ont pas l’expérience ou les compétences nécessaires.

45. Le Sous-Comité recommande à l’État partie d’apporter à la législation les modifications voulues afin de garantir que les personnes gardées à vue puissent, indépendamment du motif de la garde à vue, avoir accès à un avocat de leur choix ou commis d’office à partir du moment de leur arrestation (voir A/HRC/16/51, Pratique 10, point 2) et bénéficient de sa présence dès le premier interrogatoire. Ce droit devrait comprendre la possibilité de s’entretenir avec un avocat en toute confidentialité et, en tous cas, pas à portée d’ouïe des agents de police . Les commis d’office devraient posséder une expérience et des compétences suffisantes au vu de la nature de l’infraction et, dans la mesure du possible, être des avocats. Les autorités devraient envisager d’accroître le nombre d’avocats formés dans le pays chaque année et de les inciter à s’installer dans les différentes régions du pays.

c)Droit à un examen médical

46.Conformément à l’article 71 du Code de procédure pénale, toute personne déférée doit être accompagnée d’un certificat médical attestant qu’elle n’a pas subi de sévices. Le Sous‑Comité est préoccupé, cependant, par le fait que cette disposition du Code n’était appliquée qu’à la Brigade antiterroriste, où l’examen médical est réalisé par un médecin commissaire à la Direction nationale de la police, ce qui pourrait créer un conflit d’intérêts.

47.La délégation a été informée que, même si les médecins ont l’obligation d’examiner les gardés à vue pour répondre à la réquisition, ils refusent de le faire sans être payés pour la consultation. Il n’existe pas de convention entre le Ministère de la justice et le Ministère de la santé pour couvrir ces frais et les personnes examinées sont censées les payer. La plupart des personnes gardées à vue que la délégation a rencontrées n’avaient pas été informées de leur droit à un examen médical et elles n’avaient pas été examinées.

48.Dans les cas de personnes malades gardées à vue, les familles sont appelées par la police pour conduire leurs proches à l’hôpital après avoir signé une fiche de « remise pour soins ». Si la personne n’a pas de famille, ce sont les policiers qui l’accompagnent.

49. Le Sous-Comité recommande qu’un examen médical soit pratiqué de manière systématique pour toute personne arrêtée, le plus tôt possible après son placement en garde à vue, par des médecins indépendants et formés au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul).

50. Le Sous-Comité recommande également à l’État partie de mettre en place une convention entre le Ministère de la justice et le Ministère de la santé afin de couvrir le coût de l’examen médical et des soins apportés aux personnes gardées à vue.

d)Information de la famille

51.Le Code de procédure pénale ne garantit pas ce droit. Il est ressorti des entretiens que la délégation a eus que le droit d’informer un membre de la famille des détenus n’est pas souvent respecté.

52. Le Sous-Comité recommande à l’État partie de garantir que, dans tous les cas et en toutes circonstances, les personnes placées en garde à vue puissent contacter leur famille ou d’autres personnes de leur choix dès le tout début de la privation de liberté. Les officiers de police judiciaire devraient également s’assurer que les détenus sont dûment informés des démarches entreprises pour leur compte.

e)Durée de la garde à vue et absence de procédure d’habeas corpus

53.Aux termes de l’article 71 du Code de procédure pénale, la durée de la garde à vue est de quarante-huit heures. Elle peut être prolongée sur autorisation du Procureur de la République d’un nouveau délai de quarante-huit heures. La délégation a constaté que les prolongations de la garde à vue se faisaient de manière presque automatique. Dans certains cas, selon les registres de la police judicaire, ce délai avait été dépassé, donnant lieu à des gardes à vue abusives de cinq à six jours. Des procès-verbaux de prolongation avaient été ajoutés aux registres, afin de justifier la prolongation, mais sans signature du Procureur. En outre, la délégation a appris que les détenus déférés après 10 h 30 n’étaient plus acceptés par le Bureau du Procureur et parfois avaient été gardés pendant un jour de plus par la police.

54.En ce qui concerne les affaires de terrorisme, le nouvel article 605.5 du Code de procédure pénale, introduit par la loi no 2016-21 du 16 juin 2016, étend le délai de garde à vue à quinze jours. Ce délai peut être prolongé d’un nouveau délai de quinze jours par autorisation écrite du parquet du pôle judiciaire spécialisé en matière de lutte contre le terrorisme ou du juge d’instruction.

55.Le Sous-Comité regrette que les personnes privées de liberté n’aient pas le droit de contester la légalité de leur détention devant une autorité judiciaire (habeas corpus) et que le contrôle juridictionnel de la garde à vue se fasse par le Procureur et non par une autorité judiciaire indépendante, objective et impartiale par rapport aux questions traitées. De même que les dispositions du Code de procédure pénale ne garantissent pas la comparution en personne de l’intéressé devant l’autorité, mais seulement l’autorisation de la prolongation par le Procureur.

56. Le Sous-Comité recommande à l’État partie de redoubler de vigilance pour s’assurer que la durée maximale de la garde à vue n’excède pas quarante-huit heures, renouvelable une fois dans des circonstances exceptionnelles dûment justifiées par des éléments tangibles . L’État devrait aussi apporter à la législation les modifications voulues pour garantir que toute personne détenue soit présentée physiquement, dans les quarante-huit heures qui suivent son arrestation, devant un juge indépendant et impartial par rapport aux questions traitées afin qu’il se prononce sur le caractère nécessaire du placement en détention et permette que la légalité de la garde à vue soit susceptible d’un recours .

f)Droit d’informer les autorités consulaires de sa détention

57.Au cours des visites réalisées, la délégation a rencontré des détenus ressortissants d’autres États. Aucun d’entre eux n’aurait été informé de son droit d’informer les autorités consulaires de sa détention.

58. Le Sous-Comité recommande que l’État partie prenne les mesures nécessaires afin que les autorités consulaires soient systématiquement informées de la mise en détention de l’un de leurs ressortissants et que cette information soit dûment inscrite dans le registre de garde à vue (personne contactée, date et heure).

3.Registres

59.La plupart des commissariats visités utilisaient deux registres journaliers, le registre de « main courante » et le registre d’écrou, à l’exception de la Brigade antiterroriste, où la délégation a eu seulement accès à des fiches journalières qui n’étaient pas remplies correctement, puisqu’elles ne mentionnaient pas systématiquement le jour d’arrivée à la Brigade ni le jour du déferrement auprès du Procureur. Lorsque la date d’arrivée à la Brigade était mentionnée sur les fiches, elle ne faisait pas référence à l’heure. Quand la délégation a demandé des renseignements additionnels au commissaire de la Brigade concernant l’absence de registres, celui-ci a indiqué qu’il s’agissait d’une défaillance. Cette absence rend difficile la vérification du respect des délais de garde à vue et l’existence d’une prorogation que le Procureur accorderait.

60.La délégation a constaté avec préoccupation des défaillances dans la tenue de registres dans d’autres commissariats et gendarmeries. Parfois, les registres ne présentaient pas de données relatives aux dates ou à l’heure de libération d’une personne gardée à vue, la date de déferrement au Procureur, la prolongation de la garde à vue, ainsi que sa durée. De plus, l’information concernant un détenu était souvent fractionnée et consignée dans différents registres, ce qui compliquait la compréhension de sa situation globale. Le système d’enregistrement est manuel, non informatisé et peu fiable.

61.La délégation a aussi constaté que les gardés à vue ne signaient jamais la colonne du registre concernant la liste des effets personnels saisis par l’autorité ayant procédé à l’arrestation, et qu’il n’existait pas de registres de plaintes, d’utilisation de moyens de contrainte, de mesures disciplinaires, de visites de proches ou d’avocats, de décès et de transfert hospitalier ou pénitentiaire.

62.Enfin, la délégation a remarqué que les registres médicaux faisaient défaut dans la plupart des commissariats et des postes de gendarmerie, à l’exception de l’infirmerie de la Brigade antiterroriste, où un infirmier-policier établissait un dossier médical archivé sur place.

63. Le Sous-Comité recommande à l’État partie de mettre en place un système harmonisé, centralisé et, si possible, informatisé sur toute l’étendue du territoire, consignant avec rigueur les données concernant les personnes placées en garde à vue, de manière systématique et complète, conformément aux Règles Nelson Mandela (règles 7 et 8).

64. Tous les commissariats et les gendarmeries devraient se doter de registres de visites médicales des arrivants, de consultations, d’extractions médicales et de décès.

4.Allégations de torture et de mauvais traitements

65.Le Sous-Comité n’a reçu que peu d’allégations de mauvais traitements à l’égard des personnes placées en garde à vue. Toutefois, le Sous-Comité reste préoccupé par les informations fournies par quelques détenus, qui auraient subi des violences par des policiers au moment de l’arrestation, notamment des coups de poings, ainsi que des coups assenés avec des cordes par des militaires, dans les cas de suspects d’actes terroristes. Certains prévenus rencontrés à la maison d’arrêt de Kollo ont confirmé avoir fait l’objet de sévices corporels et été dépouillés de leurs biens par des militaires au moment de leur arrestation. Un certain nombre de détenus se sont plaints aussi d’avoir fait l’objet d’un menottage serré, même à l’intérieur de la cellule pendant au moins douze heures, dans les cas de personnes détenues en relation avec des actes de terrorisme.

66. Le Sous-Comité recommande que le personnel de police et les agents de l’État autorisés à procéder à des arrestations reçoivent périodiquement des instructions claires et catégoriques rappelant l’interdiction absolue et impérative de toute forme de torture et de mauvais traitements et qu’il ne faut pas employer plus de force qu’il n’est strictement nécessaire. Le Sous-Comité rappelle à l’État partie qu’il doit veiller à ce que ses autorités compétentes procèdent systématiquement et sans délai à une enquête impartiale chaque fois qu’il existe des motifs raisonnables de croire que des tortures ou mauvais traitements ont été commis. Si le menottage est jugé indispensable et aucune autre forme de contrôle ne peut être utilisée , celui-ci ne doit pas être très serré et ne doit pas être utilisé plus de temps qu’il n’est nécessaire.

5.Personnel

67.Le Sous-Comité note que des formations visant à sensibiliser les officiers de police aux droits de l’homme ont été organisées par l’État partie. Il relève néanmoins l’insuffisance de ces actions, qui n’ont pas lieu de manière régulière et ne ciblent pas la prévention de la torture, comme l’indiquent les officiers de police eux-mêmes. Le Sous-Comité prend aussi en considération la préoccupation des agents de police concernant le manque d’expertise technique pour diligenter des enquêtes, le manque d’équipements et l’importance de renforcer la police scientifique pour établir des preuves et ne pas se baser seulement sur des aveux.

68. Le Sous-Comité rappelle que, selon les articles 10 et 11 de la Convention contre la torture, l’État partie a l’obligation de veiller à ce que l’enseignement et l’information concernant l’interdiction absolue de la torture et des mauvais traitements fassent partie intégrante de la formation continue du personnel. Le Sous-Comité demande aux autorités de mieux former les officiers de police judiciaire aux techniques d’interrogatoire et de donner les moyens aux services de police technique et scientifique de réaliser des examens et des analyses d’ordre scientifique à des fins de constatation des infractions pénales et d’identification de leurs auteurs . Le Sous-Comité encourage l’État partie à solliciter l’assistance technique du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et l’aide financière des donateurs internationaux afin de renforcer la formation du personnel.

B.Établissements pénitentiaires

69.La délégation s’est rendue à la maison d’arrêt de Kollo, située à 35 km de Niamey. Construite comme centre de réinsertion en 1984, elle accueille désormais notamment des détenus impliqués dans des affaires liées au terrorisme.

1.Conditions matérielles de détention

70.La maison d’arrêt de Kollo abritait 1 031 détenus au moment de la visite, dont 10 femmes (1 condamnée), 2 mineurs en conflit avec la loi et 3 enfants gardés par leurs mères en prison. Parmi les détenus, 94 % (971) étaient des prévenus, 53 prisonniers étaient des condamnés et 80 % (821, dont 5 femmes et 350 étrangers) étaient des personnes accusées d’appartenir à Boko Haram. Ni les autorités gouvernementales, ni le régisseur par intérimn’ont indiqué clairement quel était le nombre de places de cette maison d’arrêt.

71.Il existait quatre quartiers de détention : le quartier des femmes, le quartier des suspects d’actes terroristes (« quartier BH »), le quartier des détenus de droit commun et le quartier des fonctionnaires et autres détenus séparés du reste de la population pénale (par exemple, des anciens politiciens, militaires, douaniers ou gestionnaires). Les mineurs en conflit avec la loi n’étaient pas séparés des adultes, mais deux nouveaux quartiers dédiés aux mineurs et aux femmes étaient en état avancé de construction, grâce au soutien financier du Comité international de la Croix-Rouge. Le Sous-Comité est préoccupé de ce que l’État partie n’applique pas le principe de la séparation entre prévenus et condamnés et entre mineurs et adultes, tel que prévu dans le décret no 99-368/PCRN/MJ/DH du 3 septembre 1999, déterminant l’organisation et le régime intérieur des établissements pénitentiaires (art. 5).

72.Les quartiers étaient organisés en cellules collectives autour d’une cour centrale et les détenus pouvaient rester dans la cour de 6 h 00 à 20 h 00. Des blocs sanitaires avec douches étaient installés dans les cours mais la nuit, les cellules étant fermées, les prisonniers devaient utiliser des seaux pour satisfaire leurs besoins, sans aucune intimité.Du savon était distribué en fonction de sa disponibilité. La délégation a pu constater que la nourriture fournie par l’établissement était insuffisante en quantité et en qualité. Les détenus mangeaient deux fois par jour, principalement du maïs, du riz ou du sorgho. L’alimentation en viande était d’une seule ration par semaine.

73.Le quartier BH était fortement surpeuplé. Conformément au décompte de prisonniers par cellule fourni pas le régisseur par intérim, les 20 cellules collectives accueillaient entre 17 et 53 prisonniers, et l’espace au sol pour chaque détenu tournait autour de 0,80 m2, générant promiscuité et risques d’abus et de violence, ainsi que problèmes d’hygiène et de santé (dermatoses, épidémies, etc.). Ce décompte indiquerait aussi que 151 personnes n’auraient pas de place dans les cellules. Le Sous-Comité a appris que, compte tenu de la surpopulation et afin d’éviter la promiscuité et la chaleur suffocante, les personnes âgées, les malades, les chefs de cour et les personnes considérées comme « sages » passaient la nuit à l’extérieur dans la cour centrale ou dans la mosquée. Les conditions d’hygiène de ce quartier (infesté de punaises, état déplorable des latrines, etc.) étaient particulièrement mauvaises.

74.Dans les quartiers des détenus de droit commun et des fonctionnaires, les détenus vivaient dans une certaine salubrité. Les cellules collectives étaient moins peuplées et l’espace au sol pour chaque détenu variait entre 3,2 et 6 m2. Les cellules étaient propres, aérées, et les détenus dormaient sur des matelas.

75.En ce qui concerne le quartier des femmes, 8 femmes et 3 enfants y étaient logés dans une cellule collective de 26,06 m2, située hors de la zone de détention hommes.Elles dormaient sur des nattes et leurs effets personnels étaient posés par terre. La cellule était propre et il y avait de l’eau potable à l’intérieur, mais elle n’était pas assez éclairée et manquait de lumière artificielle. Les femmes vaquaient hors de la cellule en journée de 6 h 00 à 20 h 00 et pouvaient préparer leurs repas dans les cuisines communes extérieures.

76.Les détenus n’avaient pas accès aux journaux ou aux téléviseurs, le seul contact avec le monde extérieur était assuré par des visites familiales, sur la base de l’autorisation du Procureur ou du juge d’instruction. Les prisonniers de droit commun et du quartier des fonctionnaires pouvaient recevoir des visites une fois pendant la semaine et le week-end, alors que ceux du quartier BH seulement les mardis. Un seul visiteur par détenu était autorisé, et les entretiens avaient lieu sans aucune intimité dans des parloirs accueillant cinq personnes par tour, pour une durée de cinq à dix minutes, même pour des personnes venant de loin, comme par exemple Diffa, à 1 345 km de Kollo. Pour les détenus de droit commun, la communication téléphonique avec la famille était possible, sous la surveillance des agents, par l’intermédiaire du Comité international de la Croix-Rouge, mais pas dans tous les cas. Certains détenus du quartier BH ont déclaré ne pas avoir la possibilité de contacter leurs avocats, ni par téléphone, ni par courrier, sauf à l’initiative de leur conseil.

77.Les prisonniers s’occupaient de la cuisine, du nettoyage des cellules et des toilettes quotidiennement. Il existait un atelier de couture ainsi qu’une bibliothèque, mais ces installations n’étaient pas utilisées par manque de personnel. Il n’y avait aucun cadre formel pour assurer l’éducation ou la formation des détenus, et les prisonniers n’avaient pas la possibilité de faire du sport.

78. Le Sous-Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures fortes, y compris le recours aux différentes mesures de substitution à la privation de liberté, afin de réduire la surpopulation carcérale constatée dans la maison d’arrêt de Kollo, spécialement au sein du quartier BH. L’État devrait aussi améliorer les conditions de détention dans ce quartier en a) s’assurant que les détenus aient un espace raisonnable dans les cellules, b) s’assurant qu’ils disposent de matelas, couchages et moustiquaires, c) veillant à ce que les cellules soient aérées et suffisamment éclairées à la lumière naturelle et artificielle, d) améliorant les conditions d’hygiène et de salubrité, et e) faisant en sorte que les détenus puissent accéder aux toilettes de jour comme de nuit .

79. Le Sous-Comité recommande à l’État partie d’assurer l’accès à une nourriture adéquate , à l’eau potable à tout moment et aux articles de toilette nécessaires, y compris pour répondre aux besoins spécifiques des femmes . L’État partie devrait, en outre, garantir la séparation des différentes catégories de détenus et finaliser d’urgence les travaux des nouveaux quartiers pour les femmes et les mineurs, afin de les transférer au plus tôt.

80. Le Sous-Comité appelle l’État partie à faire en sorte que tous les détenus soient traités sur un pied d’égalité et puissent avoir accès au même temps de visite. Dans la mesure du possible, les détenus doivent être placés dans des prisons situées près de leur domicile . Des mesures devraient être prises pour compenser l’inconvénient d’une détention dans un établissement éloigné, par exemple par le cumul de visites durant des jours consécutifs . Les détenus doivent aussi être autorisés, sous la surveillance nécessaire, à communiquer avec leur famille et leurs amis à intervalles réguliers, par correspondance écrite et par téléphone , et toute restriction à ce droit devrait être prise par un organe indépendant pour la durée la plus courte possible. La correspondance avec les conseils doit être autorisée aussi souvent que nécessaire et effectuée de manière confidentielle. Les détenus doivent être tenus régulièrement au courant des événements les plus importants, soit par la lecture de journaux, soit par des émissions . Le Sous ‑ Comité recommande à l’État partie de mettre en place un programme éducatif en prison, facilitant l’accès à la formation professionnelle et à la bibliothèque , et permettant l’accès à l’enseignement aux niveaux primaire et secondaire, en particulier des détenus analphabètes et des jeunes détenus , ainsi qu’au niveau supérieur, afin de soutenir la réadaptation des détenus et leur réintégration dans la communauté. Des activités récréatives et culturelles devraient être organisées , et le travail des détenus devrait être rémunéré de façon équitable .

2.Torture et mauvais traitements et système de plaintes

81.La délégation a reçu des allégations selon lesquelles des détenus auraient été frappés par des gardiens à l’aide de tuyaux, de bâtons, de câbles ou de chicotes sur le corps dénudé en guise de punition, lorsqu’ils avaient commis une faute et avant de les envoyer en cellules d’isolement. Ces punitions auraient eu lieu devant les cellules ou dans l’espace réservé aux gardiens à l’entrée de la prison. La délégation a trouvé à l’entrée de la prison, à proximité immédiate du poste de garde, des morceaux de tuyaux et des bâtons par terre. D’autres détenus ont indiqué avoir été frappés à coups de bâton par des gardiens pour les inciter à se dépêcher à rentrer en cellule lors de la fermeture, le soir. Le Sous-Comité note que le décret no 99-368/PCRN/MJ/DH interdit de manière explicite au personnel pénitentiaire de se livrer à des actes de violence sur les détenus (art. 32).

82.Même si le régisseur fait des visites régulières à l’intérieur des cours et reçoit les détenus sur demande, conformément à l’article 55 du décret no 99-368/PCRN/MJ/DH, il n’y a pas de procédures formelles permettant aux détenus de formuler des plaintes sur leur traitement ou leurs conditions de détention.

83. Le Sous-Comité recommande que le personnel pénitentiaire reçoive périodiquement des instructions claires et catégoriques rappelant l’interdiction absolue et impérative de toute forme de torture et de mauvais traitements, tel qu’indiqué dans la législation interne.

84. Il recommande aussi d’instaurer un mécanisme permettant à toute personne détenue de porter plainte de manière confidentielle pour torture ou mauvais traitement, ou pour ses conditions de détention, auprès de la direction de la prison ainsi qu’auprès d’organes de contrôle indépendants , et d’inclure l’inspection de ces plaintes dans les mécanismes de visite instaurés . Des procédures doivent aussi garantir que ces plaintes ne donneront lieu à aucunes représailles . Le Sous-Comité recommande également que le mécanisme mis en place assure une enquête indépendante et impartiale sur toutes ces plaintes dans un délai raisonnable, conformément aux articles 12 et 13 de la Convention contre la torture .

3.Accès aux soins

85.Le Sous-Comité regrette que l’examen médical d’entrée des détenus ne soit pas fait par un médecin et que l’équipe de soins ne soit composée que d’un infirmier (major de police), qui peut néanmoins prendre l’avis du médecin de la caserne de Niamey. Les soins d’urgence sont réalisés à l’hôpital de proximité.

86.La délégation a été informée que les cas psychiatriques étaient normalement transférés à Niamey, mais dans la maison d’arrêt se trouvaient au moment de la visite deux personnes avec des troubles psychiatriques en détention depuis un mois parce qu’elles n’avaient pas d’autre domicile.

87.Il a été rapporté à la délégation que les évacuations sanitaires ne se feraient pas dans de brefs délais et retarderaient ainsi la prise en charge médicale des urgences. Même s’il n’y a pas de registre des décès, la délégation a constaté qu’au cours de la période 2015-2016, six cas de décès avaient été répertoriés dans l’ordinateur du greffier. Les cas de décès feraient l’objet de rapports que la direction de la maison d’arrêt compilerait, mais la délégation n’a pas pu vérifier ces rapports.

88. Le Sous-Comité recommande à l’État partie que l’organisation des soins et la prise en charge sanitaire de la population pénale soient définies par le Ministère de la santé, en articulation avec les Ministères de la justice et de l’intérieur, sur le principe de l’accès pour tous les détenus à des soins de même qualité que ceux disponibles dans la société nigérienne . Un service de nuit devrait être mis en place pour répondre aux urgences médicales et les maisons d’arrêt devraient se doter de véhicules pour permettre l’évacuation rapide des urgences médicales vers l’hôpital . Un psychiatre devrait également être mis à disposition au sein du système carcéral et les détenus souffrant d’un handicap mental devraient être transférés dès que possible dans un service de santé mentale .

89. L’État partie devrait s’assurer qu’un examen médical est effectué systématiquement par un médecin indépendant au moment de l’admission dans toutes les prisons. Si le personnel de santé constate des signes de torture ou mauvais traitements lors des examens pratiqués sur les détenus ou lors des consultations, il doit le consigner et le signaler aux autorités médicales, administratives ou judiciaires compétentes . Des mécanismes doivent être mis en place afin de pouvoir faire état de ces cas et de garantir la protection des victimes contre toutes représailles.

90. Tout cas de décès en détention doit être immédiatement transmis à un organe indépendant et impartial, afin qu’une enquête puisse établir les circonstances du décès.

91. Le Sous-Comité recommande la mise en place de registres des visites médicales des arrivants, des consultations, des extractions médicales et des décès, indiquant les circonstances et les causes, ainsi que la destination de la personne décédée. Il recommande également d’assurer au personnel de santé pénitentiaire des formations régulières sur les pathologies et les publics représentés ainsi que sur le Protocole d’Istanbul.

4.Registres

92.La délégation a constaté que la maison d’arrêt disposait de plusieurs registres généralement bien tenus, avec consignation des transferts et extractions. Cependant, la délégation a relevé avec préoccupation que le registre d’écrou ne contenait aucune information entre 1999 et 2005, et le greffier n’a pas pu donner d’explication à cette défaillance.

93.Le Sous-Comité est aussi préoccupé par l’absence de registres de plaintes dans la maison d’arrêt, ainsi que par le manque de registres des sanctions disciplinaires, des effets personnels, des événements et des décès, bien que prévus dans le décret no 99‑368/PCRN/MJ/DH, déterminant l’organisation et le régime intérieur des établissements pénitentiaires (art. 43).

94. L’État partie devrait veiller à ce que les registres des prisons soient tenus de manière rigoureuse tout au long de l’année, afin qu’ils constituent un suivi efficace du parcours du détenu et, ainsi, une véritable garantie contre les mauvais traitements et les pratiques abusives. Les autorités des prisons devraient établir un « cahier d’observation » ou « main courante » pour répertorier l’ensemble des événements survenant dans la prison, un registre des plaintes internes des détenus, ainsi que des registres disciplinaires, des moyens de contrainte et des valeurs pécuniaires ou non pécuniaires des détenus.

5.Procédure disciplinaire

95.La délégation est préoccupée par le fait que des détenus ont été placés dans des cellules disciplinaires dans des conditions matérielles non conformes aux Règles Nelson Mandela. Elle a constaté notamment que les cellules étaient sans aération/ventilation, à part des petites fenêtres percées dans les portes. La superficie des cellules était de 4 m2 et elles abritaient de deux à trois détenus, parfois quatre, selon le régisseur. Des détenus de droit commun et des détenus du quartier BH y logeaient ensemble ; un détenu du quartier BH portait des menottes à l’intérieur de la cellule au moment de la visite, tel qu’autorisé par le décret no 99-368/PCRN/MJ/DH. Un des détenus souffrait d’évidentes perturbations psychiatriques, et la délégation n’a pas pu établir une conversation avec lui. Les cellules étaient dépourvues de point d’eau et les détenus utilisaient un seau pour faire leurs besoins naturels à l’intérieur, dégageant une odeur pestilentielle.

96.Les détenus étaient placés en isolement de trois jours à un mois pour des motifs tels que possession d’un téléphone portable. Aucun des détenus en isolement n’avait été informé de la durée de sa mise en isolement, et certains même pas du motif. Les détenus soumis à ces mesures sortaient une fois par jour, entre une demi-heure et deux heures, selon les détenus, pour faire des corvées (balayer, nettoyage des latrines, cuisine, etc.). Conformément au décret no 99-368/PCRN/MJ/DH, le régisseur recueille toutes les informations utiles et se prononce sur la mesure disciplinaire, sans procédure contradictoire.

97.La délégation a aussi constaté que les femmes détenues étaient confinées en cellule au moment de la visite, en guise de punition collective, parce qu’un téléphone portable avait été trouvé lors d’une fouille de leur cellule.

98. Le Sous-Comité recommande que les autorités des prisons de l’État partie ne recourent à l’isolement que dans les cas strictement nécessaires et de dernier recours pour des périodes aussi brèves que possible en conformité avec les Règles Nelson Mandela. Toute décision de placement en isolement doit faire l’objet d’une procédure régulière afin d’établir les faits et de donner la possibilité au détenu de se défendre lors d’un examen indépendant. Pour cela, le Sous-Comité recommande à l’État partie d’adopter un règlement sur la base duquel toutes les décisions de placement en isolement seront conformes aux normes internationales et aux Règles Nelson Mandela et d’en informer l’ensemble des détenus. Une fois la mesure décidée, la personne concernée doit être immédiatement informée de la décision et doit pouvoir contester cette décision par voie interne et/ou judiciaire. En aucun cas les punitions collectives ne devraient être permises. Les moyens de contrainte ne doivent pas être utilisés à titre de sanctions disciplinaires . Les personnes souffrant de troubles mentaux ne devraient jamais être soumises à l’isolement cellulaire et les détenus qui, en raison de leur dangerosité, sont susceptibles d’avoir une mauvaise influence sur leurs codétenus devraient être placés dans des cellules séparées. Le Sous-Comité invite également l’État partie à veiller à ce que les cellules d’isolement de la maison d’arrêt de Kollo soient réaménagées de sorte que leur taille soit conforme aux normes internationales, qu’elles soient ventilées et exposées à la lumière, et qu’elles aient des toilettes et un accès à l’eau ou, au minimum, que les détenus puissent satisfaire leurs besoins naturels au moment voulu et avoir accès aux douches.

6.Nécessité d’un corps pénitentiaire spécialisé et formation

99.Si les maisons d’arrêt sont sous la tutelle du Ministère de la justice, le personnel appartient à la garde nationale, rattachée au Ministère de l’intérieur. Il n’existe pas, en conséquence, de corps pénitentiaire spécialisé et formé pour la surveillance et la gestion des détenus. La délégation a constaté une insuffisance de personnel lors de la visite. En effet, la proportion de personnel pénitentiaire par rapport au nombre de prisonniers, excluant le personnel administratif, était d’un agent pour 140 prisonniers.

100.Pour pallier cette insuffisance, les responsables de prisons s’appuient sur une « police intérieure » qui, conformément au décret no 99-368/PCRN/MJ/DH, est composée de détenus, appelés « sarkis » ou chefs de cours, sous le contrôle du personnel. Les sarkis sont désignés par le régisseur, en collaboration avec le greffier en chef et les agents de sécurité, sur la base d’un comportement exemplaire, et servent de relais avec les détenus. De ce fait, les sarkis bénéficieraient de privilèges étendus quant à leur régime de détention. Ce système d’autogestion implique en général que tout rapport entre le détenu et l’administration pénitentiaire soit filtré par les sarkis, ce qui pourrait engendrer une corruption à l’intérieur de la prison.

101. Le Sous-Comité recommande à l’État partie de créer un corps pénitentiaire spécialisé avec un statut civil et de veiller à ce que l’enseignement et l’information concernant l’interdiction de la torture et des mauvais traitements fassent partie intégrante de la formation du personnel pénitentiaire.

102. Le Sous-Comité recommande de surveiller attentivement les situations d’autogestion dans les prisons, afin de prévenir les abus et la corruption . Aucune autorité d’ordre disciplinaire ne doit être octroyée à des personnes ne faisant pas partie de l’administration pénitentiaire, laquelle doit exercer toute tâche fondée sur l’exercice d’un pouvoir régalien en vertu d’une procédure claire et efficace. Les autorités devraient faire en sorte que tous les détenus soient traités sur un pied d’égalité et éradiquer la corruption, en sanctionnant les auteurs et en informant les détenus et les familles de leurs droits.

VI.Réforme législative

A.Politique pénale

1.Définition de la torture et recevabilité des aveux

103.Le Sous-Comité note que la Constitution nigérienne interdit la torture à l’article 14, mais cette interdiction n’est pas inscrite expressément dans la législation. Depuis l’adhésion du Niger à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 5 octobre 1998, l’État partie n’a toujours pas adopté de disposition pénale qui définisse et criminalise explicitement la torture. Les actes de torture sont pénalisés seulement quand ils sont constitutifs de crimes contre l’humanité ou crimes de guerre (art. 208.2 à 208.4) ou en tant que circonstances aggravantes (art. 244, 267 et 399.12). Le Sous-Comité constate, en outre, que les règles relatives à l’administration de la preuve du Code de procédure pénale (art. 414 à 443) ne sont pas suffisamment claires pour laisser penser que les aveux obtenus sous la torture ne seraient pas admis par les tribunaux. Au moment de la visite, la délégation a été informée par le Ministre de la justice qu’un projet de loi sur la torture allait être considéré par le Conseil des ministres. Le Ministre a partagé la définition du crime de torture, prévue par le projet, qui semblait être conforme à l’article premier de la Convention contre la torture. Cependant, le Sous-Comité regrette de ne pas avoir reçu le projet de loi que la délégation avait demandé à l’État partie.

104. Le Sous-Comité rappelle que la définition et l’incrimination de la torture doivent être considérées comme une priorité. Le Sous-Comité appelle l’État partie à accélérer le processus de réforme législative et à prendre les mesures nécessaires pour promulguer dans les plus brefs délais le nouveau projet de loi sur la torture, afin de remédier au vide juridique actuel favorisant l’impunité.

105. Le Sous-Comité recommande, en outre, de prendre les mesures législatives nécessaires afin d’expliciter dans la loi nationale que les aveux obtenus illégalement, notamment sous la torture, ne peuvent avoir de valeur probante devant les tribunaux, conformément à l’article 15 de la Convention contre la torture.

2.Le recours à la détention provisoire et les mesures de substitution à la détention

106.Le Code de procédure pénale encadre la détention provisoire (art. 132, 132.1), dont la durée maximale est de six mois en matière correctionnelle (renouvelable une fois pour la même durée) et de dix-huit mois en matière criminelle (prolongeable une fois pour une durée maximale de douze mois). Le Sous-Comité est préoccupé par le fait que, d’après diverses sources et entretiens, ces délais sont souvent dépassés. La nouvelle loi no 2016-21 du 16 juin 2016 augmente la durée maximale de la détention provisoire à quatre ans en matière criminelle dans le cadre du terrorisme.

107.Le Sous-Comité s’alarme du fait que la détention provisoire semble être la règle au lieu d’être l’exception. Même si le Code de procédure pénale prévoit la possibilité de fournir un cautionnement (art. 138), celui-ci est hors de portée des capacités financières de la majorité des détenus. Le Sous-Comité estime qu’outre le fait que le recours systématique à la détention provisoire contribue fortement à la surpopulation carcérale, il semble être le symptôme de dysfonctionnements du système judiciaire.

108. Le Sous-Comité recommande à l’État partie : a) d’éviter un recours systématique à la détention provisoire. La détention avant jugement doit reposer sur une évaluation au cas par cas déterminant si elle est raisonnable et nécessaire au regard de toutes les circonstances ; b) d’étudier la possibilité d’appliquer d’autres mesures de substitution à la détention avant jugement, comme l’assignation à résidence, l’obligation de se présenter régulièrement à un service administratif ou la saisie des documents d’identité ; c) de libérer les prévenus dont la durée passée en détention provisoire atteint la durée maximale de la peine qui pourrait être prononcée pour l’infraction.

B.Politique pénitentiaire

Mécanisme d’exécution de peines et politique de réinsertion

109.Le Code de procédure pénale prévoit le sursis à l’exécution de la peine sans ou avec mise à l’épreuve (titres IV et V). Cependant, il ressort des entretiens que la délégation a eus que ces mesures sont rarement utilisées. En ce qui concerne le travail d’intérêt général, l’ordonnance no 99-11 du 14 mai 1999, portant création, composition, organisation et attributions des juridictions des mineurs, complétée par le décret no 2006-023/PRN/MJ du 20 janvier 2006, prévoit la possibilité d’astreindre le mineur à un travail d’intérêt général. Cependant, ces mesures sont rarement utilisées. Au moment de la visite, la délégation a appris qu’il y avait un projet de loi sur les travaux d’intérêt général au niveau du Gouvernement, afin d’étendre ces mesures à toutes les juridictions et à toutes les catégories de condamnés. Le Sous-Comité salue cette initiative et espère sa rapide adoption et mise en œuvre.

110. Le Sous-Comité recommande l’État partie d’ accélérer le processus de réforme de la législation pénale et de prendre les mesures nécessaires pour revoir les pratiques en matière de condamnation afin d’appliquer des peines de substitution de nature à désengorger les prisons . L’État partie devrait étendre les travaux d’intérêt général à toutes les catégories de condamnés et avoir davantage recours à la libération conditionnelle.

VII.Conclusion

111.Le Sous-Comité rappelle que ce rapport ne constitue que la poursuite du dialogue constructif de coopération avec les autorités nigériennes en ce qui concerne les problèmes ci‑dessus énumérés.

112. Le Sous-Comité demande au Gouvernement nigérien de lui adresser, dans un délai de six mois à compter de la date de transmission du présent rapport, une réponse avec une description détaillée des mesures prises par l’État partie pour donner suite à ses recommandations.

113. Le Sous-Comité recommande au Niger de solliciter la publication du présent rapport eu égard au caractère didactique et préventif de ses recommandations.

Annexes

Annexe I

[Français uniquement]

Liste des personnes rencontrées par le Sous-Comité

I.Autorités gouvernementales

Ministère de l’intérieur, de la sécurité, de la décentralisation et des affaires religieuses

Mohamed Bazoum, Ministre d’État, Ministre de l’intérieur, de la sécurité publique, de la décentralisation et des affaires religieuses

Boubacar Issaka Oumarou, Office central de répression du trafic illicite des stupéfiants, Direction générale de la police nationale (DGPN)

Yaou Diaouga, Direction de la police judiciaire, DGPN

Zakari Hamadou, Direction générale de l’administration, de la sécurité pénitentiaire et de la réinsertion

Kaka Abdoulaye, Service central de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée

Hassan Zakari Mahamadou Bassirou, Direction de la sécurité publique

Ministère de la justice et des droits de l’homme

Marou Amadou, Ministre de la justice et Garde des Sceaux

Ibrahim Jean Étienne, Protection judiciaire juvénile

Rabiou Assetou Traoré, Direction des droits de l’homme

Idé Oumazou Zazi, Division des affaires pénales

Adamsu Bibata

Ministère des affaires étrangères, de l’intégration africaine et des Nigériensà l’étranger

Abdul-Aziz Salifou

Cabinet du Premier Ministre

Oumaria Mamane, Conseiller principal du Premier Ministre

II.Assemblée nationale

Ousseini Tinni, Président

Souley Dioffo, député

Karimoun Niandou, député

Abdou Madougou, Cabinet du Président

III.Cour d’appel de Niamey

Mai Moussa Elhadji Basshir, Président du Tribunal de grande instance hors classe

Cheibou Samna Soumana, Procureur de la République

Maïdama Hadiza Malam Manzo, Premier substitut du Procureur de la République

Mahamadou Mourtala, Substitut du Procureur

Nouhou Abdourahamane Soumaïla, Substitut du Procureur

Ibrahim Boukari Sally, Pôle antiterrorisme

Aly Akine, doyen des juges d’instruction

Yousouf Salao, juge d’instruction

IV.Organismes des Nations Unies

Viviane Van Steirteghem, Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF)

Giuseppe Loprete, Organisation internationale pour les migrations

Nicole Kouassi, Programme des Nations Unies pour le développement

Belkacem Machane, Programme alimentaire mondial

Abdouraouf Gnon-Konde Traoré, Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés

Alpha Pathe Barry, BCR

Ismail Kane Abdoulaye, Haut-Commissariat aux droits de l’homme

Hervé Kuate, Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés

Dimitri Sanga, Commission économique pour l’Afrique

Marina Schramm, Organisation internationale pour les migrations

Valérie Svobodovà, Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés

V.Société civile

Commission nationale des droits humains

Khalid Ikhiri, Président

Tahirou Issa, Commissaire

Amadou Doro, Commissaire

Houssa Hamidou Talibi, Commissaire

Fatoumata Sidikou, Commissaire

Ordre des avocats du Niger

Yayé Mounkaila, bâtonnier

Nassirou Lawali, avocat

Ibrah Mahamane Sani, avocat

Ordre des médecins-pharmaciens et chirurgiens-dentistes

Almoustapha Illo, Président du Conseil national de l’ordre

Maman Kaka, Vice-Président du Conseil national de l’ordre

Boubacar Maidanda

Idrissa Sitta

Yahaya Abou

Organisations non gouvernementales

Collectif des organisations de défense des droits de l’homme et de la démocratie (CODDHD)

Réseau nigérien des organisations non gouvernementales et associations de développement de défense des droits de l’homme et de la démocratie (RODADDH)

Mouvement nigérien pour la promotion et la défense des droits de l’homme et des peuples (MNDHP)

Réseau des défenseurs des droits humains (RDDH)

Prisonniers sans frontières (PRSF Niger)

Association nigérienne pour la défense des droits de l’homme (ANDDH)

VI.Organismes internationaux et donateurs

Benjamin Gnaléga, Commission de l’Union africaine

Francesca Moledda, Union européenne

Liza Finelli, Comité international de la Croix-Rouge

Boukar Youra, Institut danois pour les droits de l’homme (IDDH)

Rebecca Doffina, ambassade des États‑Unis

Nils Wortmann, ambassade d’Allemagne

Ignacio Vitorica, ambassade d’Espagne

Annexe II

[Français uniquement]

Lieux de privation de liberté visités par le Sous-Comité

Gendarmeries

Gendarmerie nationale (brigade de recherche)

Commissariats de police

Direction de la police judiciaire

Direction de la police de Niamey/Commissariat central de Niamey

Service de protection des femmes et des mineurs (logé au commissariat central)

Commissariat de Yantala

Cellule antiterroriste de la police à Niamey

Maisons d’arrêt

Centre de réinsertion de Kollo