Nations Unies

CED/C/SEN/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

14 octobre 2015

Original : français

Anglais, espagnol et français seulement

Comité des disparitions forcées

Examen des rapports soumis par les États parties en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention

Rapports des États parties attendus en 2012

Sénégal *

[Date de réception : 28 avril 2015]

Table des matières

Page

I.Introduction3

II.Cadre juridique5

III.Commentaires spécifiques à chaque article de la Convention 7

Article 17

Article 210

Article 313

Article 413

Article 513

Article 616

Article 717

Article 822

Article 924

Article 1025

Article 1125

Article 1227

Article 1330

Article 1434

Article 1535

Article 1635

Article 1737

Article 1846

Article 1948

Article 2049

Article 2150

Article 2250

Article 2351

Article 2452

Article 2554

I.Introduction

1.Le recours d’habeas corpus, qui garantit la protection de l’intégrité et de la sûreté de la personne est largement consacré au Sénégal, tant par la Constitution que le Code de procédure pénale.

2.En effet, l’article 7 de la Constitution garantit à tout individu le droit à la vie, à la liberté, à la sécurité, au libre développement de sa personnalité, et à l’intégrité corporelle.

3.L’article 9 de la loi fondamentale consacre également la présomption d’innocence, le principe de la légalité des infractions et le droit de la défense.

4.Ces garanties constitutionnelles sont protégées par le pouvoir judiciaire (art. 88 et 91 de la Constitution). Ainsi la privation de liberté, ordonnée par l’officier de police judiciaire, dans le cadre de la garde à vue ou dans le cas d’une détention décidée par le magistrat compétent, est strictement réglementée.

5.L’habeas corpus est une règle de droit qui garantit à une personne arrêtée une présentation rapide devant le juge afin qu’il statue sur la validité de son arrestation.

6.La règle de l’habeas corpus a pour fondement que, même détenue, une personne n’est pas sans droit. En fonction de cette règle, un prisonnier doit être relâché s’il est détenu sans raison valable aux yeux de l’autorité judiciaire, laquelle doit être placée dans une relative indépendance par rapport aux pouvoirs législatif et exécutif.

7.En vertu de ce principe, toute personne arrêtée a le droit de savoir pourquoi elle est arrêtée et de quoi elle est accusée. Ensuite, elle doit être amenée très rapidement devant un juge.

8.Ainsi présentée, cette règle est bien présente dans la législation pénale au Sénégal et le recours d’habeas corpus y existe.

9.L’article 91 de la Constitution fait du pouvoir judiciaire le gardien des droits et libertés et le principe de l’indépendance de celui-ci est posé par l’article 88 du même texte fondamental.

10.Le pouvoir judiciaire est exercé par le Conseil constitutionnel, la Cour suprême, la Cour des comptes et les Cours et tribunaux. Ces deux dispositions garantissent le droit pour chaque individu à ce que sa cause soit entendue.

11.Dans le prolongement de ces dispositions, on peut citer le Code pénal et le Code de procédure pénale.

12.Alors que le premier garantit la légalité des infractions et des peines, le second précise dans ses différentes dispositions les voies et moyens que les citoyens sénégalais doivent mettre en œuvre pour saisir le service public de la Justice en cas de violation de leur droit. Au cas où la décision rendue ne satisfait pas la victime, elle peut faire appel devant une juridiction supérieure. Le requérant peut se pourvoir, au besoin, en cassation.

13.La sécurité de la personne humaine dans le cadre d’une procédure judicaire est un droit à valeur constitutionnelle, et c’est la Constitution elle-même (art. 9) qui fait de l’atteinte aux libertés et des entraves volontaires à l’exercice d’une liberté un délit grave sévèrement puni par la loi.

14.Pour la mise en œuvre de ces dispositions constitutionnelles, l’un des grands principes qui caractérise la procédure pénale au Sénégal est que toute atteinte ou entrave à l’exercice d’une liberté ne peut être ordonnée que par une autorité habilitée par la loi, à savoir le corps des magistrats et celui des officiers de police judiciaire.

15.Aussi, le Code de procédure pénale a-t-il mis en place, à l’origine, des mesures très strictes concernant la garde à vue ordonnée par l’officier de police judiciaire et la détention relevant de la compétence du magistrat. Des sanctions disciplinaires et pénales en cas de violation sont prévues.

16.L’officier de police judiciaire est tenu de notifier à la personne arrêtée les motifs de sa garde à vue (art. 55, 55 bis, 55 t er, 56, 57, 58 et 59 du Code de procédure pénale).

17.La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (ci-après « la Convention »), adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 20 décembre 2006 et ouverte à la signature à Paris le 6 février 2007, consacre le droit de toute personne de ne pas être soumise à une disparition forcée. Elle requiert des États parties qu’ils adoptent des mesures à la fois préventives et répressives assurant son respect.

18.Le Sénégal a signé cette Convention le 6 février 2007 et l’a ratifiée le 24 septembre 2008 par la loi no 2008-61.

19.Entrée en vigueur pour le Sénégal le 11 décembre 2010, la Convention implique deux obligations principales.

20.Premièrement, les dispositions de la Convention doivent être mises en œuvre en droit interne. L’État actuel du droit sénégalais a été analysé à cette fin. Il apparaît déjà conforme à la majorité des exigences formulées par la Convention. Une conformité complète appelle néanmoins certaines modifications du Code pénal portant, plus précisément, sur :

•L’incrimination de la disparition forcée comme une infraction autonome excluant toute cause de justification;

•La fixation des peines;

•Et, la détermination des circonstances aggravantes et atténuantes relatives à cette infraction.

21.Un projet de loi est actuellement en cours d’élaboration. Le nouveau Code pénal qui sera voté incessamment comporte une section III intitulée « Des disparitions forcées ». Et l’article 153 y relatif dans le nouveau texte dispose :

« Constitue une disparition forcée, l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimilation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi.

Toute personne qui ordonne, commandite ou participe à une disparition forcée est passible d’une peine de réclusion ou de détention criminelle de dix ans à vingt ans.

Est puni des mêmes peines, le supérieur qui :

•sachant que des subordonnés placés sous son autorité et son contrôle effectif commettent ou tentent de commettre un crime de disparition forcée;

•s’abstenant de tenir compte d’information qui l’indiquaient clairement;

•exerçant sa responsabilité et son contrôle effectif sur les activités auxquelles le crime de disparition forcée était lié;

•n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour empêcher ou réprimer la commission d’une disparition forcée ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d’enquête et de poursuite.

L’ordre ou l’instruction émanant d’une autorité publique civile, militaire ou autre ne peut être invoqué pour justifier la disparition forcée. »

22.Deuxièmement, conformément à l’article 29, paragraphe 1, de la Convention, le Sénégal est tenu de rendre compte au Comité des disparitions forcées des mesures de mise en œuvre de la Convention. Le Sénégal se conforme à cette obligation à travers le présent rapport, lequel, accompagné du document de base, suit dans sa présentation et son contenu, les directives adoptées par le Comité. Il est le fruit d’une collaboration entre le Ministère de la Justice, le Comité sénégalais des droits de l’homme, le Conseil consultatif national des droits de l’homme et les organisations de la société civile. Ce rapport renseigne sur l’état actuel du droit sénégalais lequel, comme il a été indiqué précédemment, est en très grande partie déjà conforme à la Convention.

23.Il est pris acte de ce que le Comité, après avoir pris connaissance du rapport, disposera de la faculté d’émettre des commentaires et observations conformément aux dispositions de l’article 29, paragraphe 3, et de demander des renseignements complémentaires conformément aux dispositions de l’article 29, paragraphe 4.

24.Conscient de la nécessité d’amender sa législation, le Sénégal s’engage à tenir le Comité informé de l’évolution que connaîtra dans les prochains mois l’élaboration du projet de loi visant à une mise en œuvre intégrale des dispositions de la Convention. En effet, le Code pénal et le Code de procédure pénale connaîtront, cette année, de larges modifications et les projets y relatifs sont déjà déposés à l’Assemblée nationale.

II.Cadre juridique

A.Dispositions constitutionnelles, pénales et administratives relatives à l’interdiction de la disparition forcée

25.En l’état actuel du droit sénégalais, la disparition forcée constitutive d’un crime contre l’humanité est bien incriminée de manière spécifique (voir infra, commentaire formulé sous l’article 5 de la Convention). La disparition forcée, telle que définie par l’article 2 de la Convention, n’est, en revanche, pas incriminée en tant qu’infraction autonome. Toutefois, un tel acte sera en toute hypothèse illégal car il contreviendrait aux droits fondamentaux consacrés non seulement par les dispositions internationales directement applicables en droit sénégalais (notamment le droit à la liberté et à la sûreté consacré par l’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les articles 4, 5 et 6 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples), mais aussi par les dispositions nationales constitutionnelles (art. 7 et 8 de la Constitution) et pénales existantes (loi no 2007-02 du 12 février 2007 modifiant le Code pénal, et dont l’article 2 intègre dans le droit positif sénégalais les crimes de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, en reprenant intégralement les définitions et incriminations consacrées par le Statut de Rome, d’une part, et la loi no 2007-05 du 12 février 2007 modifiant le Code de procédure pénale, introduisant dans le corpus législatif les principes de la compétence universelle et l’imprescriptibilité des crimes de génocide, de guerre et des crimes contre l’humanité, d’autre part).

B.Autres instruments internationaux qui traitent de la disparition forcée auxquels l’État du Sénégal est partie

26.Le Sénégal a ratifié et mis en œuvre en droit interne le Statut de la Cour pénale internationale lequel inclut dans la compétence de la Cour les crimes de disparition forcée lorsqu’ils sont constitutifs d’un crime contre l’humanité.

27.Il est par ailleurs utile de souligner que le Sénégal est partie aux principaux instruments internationaux de protection des droits fondamentaux (répertoriés dans le document de base) dont les dispositions seraient violées par un acte de disparition forcée.

C.Place de la Convention dans l’ordre juridique interne, applicabilité directe par les tribunaux ou les autorités administratives

28.Les éléments relatifs à la place qu’occupent les instruments internationaux dans la hiérarchie des normes et l’applicabilité directe de leurs dispositions sont renseignés dans le document de base. Il faut simplement rappeler que les Conventions ont une autorité supérieure à celle des lois en droit sénégalais et ont vocation à s’appliquer directement dans l’ordre juridique.

D.Façon dont la législation interne garantit qu’il ne peut être dérogé à l’interdiction de la disparition forcée

29.Il est renvoyé aux commentaires formulés sous l’article 1 de la Convention.

E.Autorités compétentes

30.Les autorités compétentes pour chaque élément traité par la Convention seront renseignées, au fur et à mesure, dans les commentaires formulés spécifiquement sous chaque article de la Convention.

F.Exemples de décisions judiciaires ou de mesures administratives dans lesquelles les dispositions de la Convention ont été appliquées ou dans lesquelles des violations de la Convention ont été établies, et de mesures administratives qui ont contrevenu à la Convention

31.Aucune décision judiciaire portant sur une disparition forcée n’a été rapportée et aucune mesure administrative de la nature évoquée n’a été rapportée.

32.Les dispositions législatives et réglementaires qui mettent en œuvre la Convention seront renseignées de manière spécifique dans les commentaires formulés sous chaque article de la Convention.

G.Données statistiques sur les cas de disparition forcée

33.L’État ne dispose pas de données statistiques de cette nature.

III.Commentaires spécifiques à chaque article de la Convention

Article 1

A.Mesures d’ordre législatif et administratif pour garantir qu’il ne puisse pas être dérogé au droit de ne pas être l’objet d’une disparition forcée pendant tout état d’exception

34.L’article 52 de la Constitution dispose  :

« Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité du territoire national ou l’exécution des engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate, et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ou des institutions est interrompu, le Président de la République dispose de pouvoirs exceptionnels.

Il peut, après en avoir informé la Nation par un message, prendre toute mesure tendant à établir le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions et à assurer la sauvegarde de la Nation.

Il ne peut, en vertu des pouvoirs exceptionnels, procéder à une révision constitutionnelle.

L’Assemblée nationale se réunit de plein droit.

Elle est saisie pour ratification, dans les quinze jours de leur promulgation, des mesures de nature législative mises en vigueur par le Président. L’Assemblée peut les amender ou les rejeter à l’occasion du vote de la loi de ratification. Ces mesures deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale dans ledit délai.

Elle ne peut être dissoute pendant l’exercice des pouvoirs exceptionnels. Lorsque ceux-ci sont exercés après la dissolution de l’Assemblée nationale, la date des scrutins fixée par le décret de dissolution ne peut être reportée, sauf cas de force majeure constaté par le conseil constitutionnel. »

35.De son côté, l’article 69 de la Constitution dispose :

« L’État de siège, comme l’état d’urgence, est décrété par le Président de la République. L’Assemblée nationale se réunit alors de plein droit, si elle n’est en session. Le décret proclamant l’état de siège ou l’état d’urgence cesse d’être en vigueur après douze jours, à moins que l’Assemblée nationale, saisie par le Président de la République, n’en ait autorisé la prorogation. Les modalités d’application de l’état de siège et de l’état d’urgence sont déterminées par la loi. »

36.Le droit sénégalais ne permet aucune dérogation aux droits et libertés fondamentaux garantis par la Constitution – qu’un acte de disparition forcée violerait – en cas d’état d’exception, quelle qu’en soit la forme.

37.Par ailleurs, les dispositions internationales directement applicables en droit sénégalais auxquelles un acte de disparition forcée contreviendrait ne peuvent faire l’objet d’une dérogation que dans une mesure très limitée et suivant des conditions de fond et de procédure (voir art. 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques). Le Sénégal n’a jamais fait usage de cette faculté. S’il le faisait, le législateur devrait alors fixer les normes dérogatoires. Celles-ci devraient être notifiées, au Secrétaire général des Nations Unies. La nécessité et la proportionnalité des mesures dérogatoires adoptées pourraient alors faire l’objet d’un contrôle international.

38.Il y a lieu de préciser également qu’en cas de conflit armé, le droit international humanitaire serait d’application. Or, celui-ci interdit les disparitions forcées, organise le régime de la détention de manière très détaillée et impose plusieurs mesures générales de traçabilité des individus et le Sénégal est partie à toutes les conventions de Genève.

B.Législation et pratiques en ce qui concerne le terrorisme, les situations d’urgence, la sécurité nationale ou d’autres motifs ayant une incidence sur l’application effective de l’interdiction de disparition forcée

39.Aucune législation, ni aucune pratique particulière ne porte atteinte à l’application effective de l’interdiction de disparition forcée.

40.Le Sénégal a mis en place un système de lutte contre le terrorisme qui s’articule autour d’un cadre juridique, d’un cadre institutionnel et de dispositions visant à améliorer la coopération internationale.

41.Il s’est doté, depuis le 12 février 2007, de dispositions en matière de lutte contre le terrorisme. Il s’agit de la loi no 2007-01 incriminant les actes de terrorisme et la loi no 2007‑04 du 12 février 2007 modifiant le Code de procédure pénale relative à l’enquête, la poursuite et le jugement en matière de lutte contre les actes de terrorisme.

42.Article premier : Il est inséré, après l’article 279 du Code pénal, une section VII au chapitre IV du titre I du livre 3ème intitulée : « Des actes de terrorisme » et comportant les dispositions suivantes :

Article 279-1 : « Constituent des actes de terrorisme, lorsqu’ils sont commis intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler l’ordre public ou le fonctionnement normal des institutions nationales ou internationales, par l’intimidation ou la terreur, les infractions suivantes :

1.les attentats et complots visés par les articles 72 à 76 et 84 du présent Code;

2.les crimes commis par participation à un mouvement insurrectionnel visés par les articles 85, 86 et 87 du présent Code;

3.les violences ou voies de fait commises contre les personnes et les destructions ou dégradations commises lors de rassemblements et visées par l’article 98 du présent Code;

4.les enlèvements et séquestrations prévus par les articles 334 à 337 du présent Code;

5.les destructions, dégradations, dommages visés aux articles 406 à 409 du présent Code;

6.la dégradation des biens appartenant à l’État ou intéressant la chose publique prévue par l’article 225 du présent Code;

7.l’association de malfaiteurs prévue par les articles 238 à 240 du présent Code;

8.1es atteintes à la vie prévues par les articles 280, 281, 284, 285 et 286 du présent Code;

9.les menaces prévues par les articles 290 à 293 du présent Code;

10.les blessures et coups volontaires prévus par les articles 294, 295, 296, 297, 297 bis, 298 du présent Code;

11.la fabrication ou la détention d’armes prohibées prévue par l’article 302 du Code pénal et par la loi no 66-03 du 18 janvier 1966;

12.les vols et extorsions prévus par les articles 364 et 372 du présent Code ».

43.L’article 279-2 du Code pénal s’intéresse au terrorisme biologique :

« Constitue un acte de terrorisme, lorsqu’il est commis intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public ou le fonctionnement normal des institutions par l’intimidation ou la terreur, le fait d’introduire dans l’atmosphère, sur le sol, dans le sous-sol ou dans les eaux une substance de nature à mettre en péril la santé de l’homme ou des animaux ou le milieu naturel ».

Article 279-3 : « Constitue un acte de terrorisme, le fait de financer directement ou indirectement une entreprise terroriste en fournissant, en réunissant ou en gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin, dans l’intention de voir ces fonds, valeurs ou biens utilisés ou en sachant qu’ils sont destinés à être utilisés, en tout ou partie en vue de commettre un acte terroriste ».

Article 279-4 : « Toute personne coupable d’actes de terrorisme au sens des articles 279-1, 279-2, et 279-3 du présent Code est passible de la peine des travaux forcés à perpétuité. Si le coupable assure la direction ou le contrôle d’une personne morale et agit en cette qualité, la licence, l’autorisation ou l’agrément de la personne morale est définitivement retiré ».

Article 279-5 : « Sera puni d’un emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende de 100 000 francs à 1 000 000 de francs quiconque aura, par les moyens énoncés à l’article 284 du présent Code, fait l’apologie des crimes visés par les articles 279-1, 279-2 et 279-3 du même code ».

44.Est passible de la même peine mentionnée à l’alinéa 2 de l’article 279-4 la personne morale dont le dirigeant ou le gérant s’est rendu coupable des faits visés à l’alinéa précédent.

Article 2 : « Dans toutes les dispositions antérieures à la loi no 2004-38 où la peine de mort est prévue, les travaux forcés à perpétuité lui sont substitués ».

45.La loi no 2007-02 du 12 février 2007 a aussi intégré dans notre Code pénal les articles 431-1, 431-2, 431-3, 431-4 et 431-5 traitant des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et d’autres crimes relevant du droit international tels que visés par la Convention de La Haye de 1954, celle de 1976 et 1980, qui n’étaient pas spécifiés dans notre droit répressif.

46.Les personnes suspectées d’être auteurs d’infractions terroristes sont traitées selon le droit commun et se voient appliquer l’ensemble des règles procédurales pertinentes. Ces personnes jouissent de droits identiques par rapport à tout accusé lors de l’interrogatoire et des audiences, y compris en ce qui concerne la possibilité d’introduire des recours contre des décisions rendues à leur encontre. Cependant, au regard de la nature des infractions terroristes, certaines méthodes spécifiques d’enquête propres aux infractions graves, sont applicables aux faits visés par l’article 279-1 du Code pénal. Aucune d’elle n’est susceptible d’entraîner ou de constituer un acte de disparition forcée.

47.L’article 677-24 du Code de procédure pénale prévoit à cet effet : « Les crimes visés à la section 7 du chapitre IV du titre I du livre troisième du Code pénal, seront poursuivis, instruits et jugés selon les règles du Code de procédure pénale sous réserve des dispositions ci-après ».

48.L’article 677-25 du Code de procédure pénale :

« L’action publique pour les crimes définis à la section visée à l’article précédent se prescrit par trente ans. Les peines prononcées pour les crimes sus indiqués se prescrivent par quarante ans révolus à compter de la date où la décision est devenue définitive ».

49.L’article 677-26 du Code de procédure pénale :

«Les visites et les perquisitions peuvent être effectuées à toutes heures de jour et de nuit, sur autorisation écrite du juge saisi ou du procureur de la République, même sans le consentement de la personne au domicile de laquelle elles ont lieu :

1.lorsqu’il y a crime flagrant;

2.lorsqu’il existe un risque sérieux de disparition de preuves ou indices;

3.lorsqu’il existe des présomptions qu’une ou plusieurs personnes se trouvant dans les locaux ou la visite ou la perquisition doit avoir lieu, se préparent à commettre des actes de terrorisme.

Lorsque l’opération est effectuée dans le ressort d’un tribunal régional autre que celui de Dakar, le magistrat saisi avise sur le champ le Procureur de la République de Dakar. Celui-ci peut dessaisir l’officier de police judiciaire spécialisé dans la lutte contre les actes de terrorisme ».

50.L’article 677-27 du Code de procédure pénale : « Les dispositions de l’article 55 du présent code relatives à la garde à vue concernant les crimes et délits contre la sûreté de l’État sont applicables en matière de lutte contre les actes de terrorisme ». C’est-à-dire les délais de garde à vue sont doublés.

51.Nous pouvons aussi ajouter dans ce registre la loi no 2005-02 du 25 avril 2005 relative à la traite des personnes et pratiques assimilées et à la protection des victimes qui incrimine les faits de trafic d’êtres humains et d’exploitation assimilable à la servitude, y compris les faits criminels de prélèvement d’organes humains.

Article 2

Définition de la disparition forcée en droit interne ou dispositions invoquées à défaut

52.En l’état actuel du droit sénégalais, la disparition forcée est incriminée en tant qu’infraction autonome lorsqu’elle constitue un crime contre l’humanité. Il est renvoyé à cet égard aux commentaires formulés sous l’article 5 de la Convention.

53.La disparition forcée ne constitue pas, en revanche, dans l’état actuel du droit interne, une infraction autonome de droit commun.

54.Toutefois, elle peut être composée d’actes déjà incriminés par le Code pénal sénégalais comme la torture, les violences ou voies de fait commises contre les personnes et les destructions ou dégradations commises lors des rassemblements (art. 98 du Code pénal), les atteintes à la vie prévues par les articles 280, 281, 284, 285 et 286 du Code pénal, les attentats et complots visés par les articles 72 à 76 et 84 du Code pénal, les enlèvements de personnes et séquestrations prévus par les articles 334 à 337 du Code pénal, les blessures et coups volontaires prévus par les articles 294, 295, 296, 297 et suivants du Code pénal, les attentats à la liberté qui incriminent la détention illégale ou arbitraire commises par des fonctionnaires publics, les traitements inhumains, etc.

55.En passant en revue la législation du Code pénal sénégalais, on se rend compte que même en l’absence d’incrimination formelle de la disparition forcée, il peut être fait appel à d’autres textes pour réprimer les actes qui en seraient constitutifs.

56.La loi no 96-15 du 28 août 1996, complétant les dispositions du Code pénal par l’insertion de l’article 295-1, reprend en effet textuellement la définition de la torture telle que résultant de l’article premier de la Convention contre la torture.

57.Ainsi, l’article 295-1 dispose :

« Constituent des tortures, les blessures, coups, violences physiques ou mentales ou autres voies de fait volontairement exercés par un agent de la Fonction publique ou par toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec consentement exprès ou tacite, soit dans le but d’obtenir des renseignements ou des aveux, de faire subir des représailles, ou de procéder à des actes d’intimidation, soit dans un but de discrimination quelconque. La tentative est punie comme l’infraction consommée. Les personnes visées au premier alinéa coupables de torture ou de tentative seront punies d’un emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende de 100.000 à 500.000 F. Aucune circonstance exceptionnelle quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout acte d’exception, ne pourra être invoquée pour justifier la torture. L’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne pourra être invoqué pour justifier la torture ».

58.L’article 166 du Code pénal prévoit aussi :

« Lorsqu’un fonctionnaire ou un officier public, un administrateur, un agent ou un préposé du Gouvernement ou de la police, un exécuteur des mandats de justice ou jugements, un commandant en chef ou en sous-ordre de la force publique, aura, sans motif légitime, usé ou fait user de violences envers les personnes dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, il sera puni selon la nature et la gravité de ces violences, et en élevant la peine suivant la règle posée par l’article 178 ».

59.L’article 106 du Code pénal s’intéresse aux actes des agents de l’État coupables d’actes arbitraires ou attentatoires en disposant :

« Lorsqu’un fonctionnaire public, un agent, ou un préposé ou un membre du Gouvernement, aura ordonné ou fait quelque acte arbitraire, ou attentatoire soit à la liberté individuelle, soit aux droits civiques d’un ou de plusieurs citoyens, soit à la Constitution, il sera condamné à la peine de la dégradation civique. Si néanmoins il justifie qu’il a agi par ordre de ses supérieurs pour des objets du ressort de ceux-ci, sur lesquels il leur était dû l’obéissance hiérarchique, il sera exempt de la peine, laquelle sera, dans ce cas, appliquée seulement aux supérieurs qui auront donné l’ordre ».

60.L’article 110 du Code pénal punit quant à lui l’inaction des agents publics pour constater les détentions illégales ou arbitraires :

« Les fonctionnaires publics chargés de la police administrative ou judiciaire, qui auront refusé ou négligé de déférer à une réclamation légale tendant à constater les détentions illégales et arbitraires, soit dans les maisons destinées à la garde des détenues, soit partout ailleurs, et qui ne justifieront pas les avoir dénoncées à l’autorité supérieure, seront punis d’un emprisonnement de cinq à dix ans, et tenus des dommages-intérêts, lesquels seront réglés comme il est dit dans l’article 108 ».

61.L’article 47 du Code pénal punit la complexité des auteurs coupables d’infractions contre les personnes :

« Ceux qui, connaissant la conduite criminelle des malfaiteurs exerçant des brigandages ou des violences contre la sûreté de l’État, la paix publique, les personnes ou les propriétés, fournissent habituellement logement, lieu de retraite ou de réunion, seront punis comme leurs complices. Ceux qui, en dehors des cas prévus ci-dessus, auront sciemment recelé une personne qu’ils savaient avoir commis un crime ou qu’ils savaient recherchée de ce fait par la justice ou qui auront soustrait ou tenté de soustraire le criminel à l’arrestation ou aux recherches, ou l’auront aidé à se cacher ou prendre la fuite, seront punis d’un emprisonnement de deux mois à trois ans et d’une amende de 25.000 francs à 1 million de francs ou de l’une de ces deux peines seulement, le tout sans préjudice des peines plus fortes s’il y échet. Sont exceptés des dispositions de l’alinéa précédent les parents ou alliés du criminel jusqu’au quatrième degré inclusivement ».

62.L’article 48 du Code pénal s’intéresse à la non-dénonciation des crimes :

« Sans préjudice de l’application des articles 88 et 89 du présent Code, sera puni d’un emprisonnement de deux mois à trois ans et d’une amende de 25.000 francs à 1 million de francs ou de l’une de ces deux peines seulement, celui qui, ayant connaissance d’un crime déjà tenté ou consommé, n’aura pas, alors qu’il était encore possible d’en prévenir ou limiter les effets ou qu’on pouvait penser que les coupables ou l’un d’eux commettraient de nouveaux crimes qu’une dénonciation pourrait prévenir, averti aussitôt les autorités administratives ou judiciaires. Sont exceptés des dispositions du présent article les parents ou alliés, jusqu’au quatrième degré inclusivement, des auteurs ou complices du crime ou de la tentative sauf en ce qui concerne les crimes commis sur les mineurs de quinze ans ».

63.L’article 49 du Code pénal permet de prévenir les infractions y compris celles relatives aux atteintes contre l’intégrité corporelle en punissant l’abstention d’empêcher la commission de l’infraction ou la non-assistance aux personnes en danger :

« Sans préjudice de l’application, le cas échéant, des peines plus fortes prévues par le présent Code et les lois spéciales, sera puni d’un emprisonnement de trois mois à cinq ans et d’une amende de 25.000 francs à 1 million de francs, ou de l’une de ces deux peines seulement, quiconque, pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un fait qualifié crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne, s’abstient volontairement de le faire. Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ni pour les tiers, il pouvait lui prêter, soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours... »

64.Par ailleurs le Code pénal sénégalais prévoit d’autres dispositions dissuasives punissant sévèrement les atteintes volontaires à l’intégrité physique de la personne et notamment des personnes vulnérables.

65.En effet, avant la ratification de la Convention contre la torture, le titre 2 du livre premier du Code pénal sénégalais du 21 juin 1965, traitant des crimes et délits contre les particuliers, prévoyait et punissait à l’article 294 alinéa premier « d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 20.000 à 250.000 francs, tout individu qui, volontairement aura causé des blessures ou porté des coups ou commis toute autre violence ou voie de fait, s’il est résulté de ces sortes de violences une maladie ou incapacité totale de travail personnel pendant plus de vingt jours ». L’alinéa 2 du même texte dispose que « quand les violences ci-dessus exprimées auront été suivies de mort, mutilation, amputation ou privation de l’usage d’un membre, cécité, perte d’un œil ou d’autres infirmités permanentes, le coupable sera puni d’un emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende de 20.000 à 200.000 francs ».

66.Les articles 106, 296, 297, 298 et 299 du Code pénal prévoient et punissent les mêmes actes lorsque ceux-ci auront occasionné une incapacité inférieure à celle prévue à l’alinéa précédent, ou commis sur un ascendant, descendant ou un mineur au-dessous de l’âge de quinze ans.

67.En vue de rassembler tous les éléments matériels de l’infraction de disparition forcée en un même ensemble, les infractions connexes ne les contenant pas tous, ou pas entièrement, en tenant compte de la gravité du phénomène de disparition forcée, il est prévu de modifier le droit sénégalais pour ériger la disparition forcée en infraction autonome.

68.En attendant l’entrée en vigueur de cette modification législative, un acte de disparition forcée peut être poursuivi sur la base des dispositions mentionnées ci-dessus.

Article 3

Comment l’État interdit les comportements définis à l’article 2 de la Convention et poursuit de tels faits quand ils sont commis par des agents non étatiques

69.Les actes définis à l’article 2 de la Convention, s’ils sont commis par des personnes ou des groupes qui agissent sans l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, peuvent, selon les cas, constituer des actes de torture, des traitements inhumains, des enlèvements et de recel de mineurs ou d’autres personnes vulnérables. Ils peuvent alors être poursuivis en vertu du Code pénal. En toute hypothèse, des actes de disparition forcée constituent des atteintes à la liberté individuelle incriminées par le Code pénal comme déjà mentionné.

Article 4

70.Il est renvoyé aux commentaires formulés sous les articles 2 et 3 de la Convention.

71.Le Sénégal tiendra le Comité informé de la modification prévue du Code pénal et des étapes de la procédure visant celle-ci.

Article 5

A.Définition de la disparition forcée constitutive de crime contre l’humanité

72.L’article 431-2 du Code pénal du Sénégal prévoit :

« Constitue un crime contre l’humanité, l’un des actes ci-après commis à l’occasion d’une attaque généralisée ou systématiquement lancée contre toute population civile.

1.Le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée ou toute forme de violence sexuelle de gravité comparable.

2.L’homicide volontaire.

3.L’extermination.

4.La déportation.

5.Le crime d’apartheid.

6.La réduction en esclavage ou la pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, d’enlèvement de personnes suivi de leur disparition.

7.La torture ou les actes inhumains causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique et psychique inspirés par des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste ».

73.Le crime de disparition forcée constitue un crime contre l’humanité dans les cas où les faits sont déjà constitutifs de crimes contre l’humanité au regard des règles pertinentes du droit international.

74.L’incrimination de cette infraction internationale trouve sa source dans le droit international coutumier. Sa définition a été récemment codifiée à l’article 7 du Statut de la Cour pénale internationale ratifié par le Sénégal, le 2 février 1999. Celui-ci a été transposé en droit pénal sénégalais à l’article 431-2 du Code pénal qui reprend les termes de celui-ci pour définir le crime contre l’humanité. Celui-ci peut se matérialiser, entre autres, par des disparitions forcées.

75.En ce qui concerne la qualité de l’auteur de l’infraction, il est utile de noter que le crime contre l’humanité, tel que défini à l’article 7 du Statut de la Cour pénale internationale, peut être commis dans une certaine mesure, par des agents non étatiques. En effet, l’article 7, paragraphe 2 précise, que l’attaque contre une population civile constitutive de crime contre l’humanité est celle effectuée « en application ou dans la poursuite de la politique d’un État ou d’une organisation ayant pour but une telle attaque ».

76.Il ressort des paragraphes ci-dessus que le crime de disparition forcée comme crime contre l’humanité est adéquatement couvert par le droit pénal sénégalais. Aucune mesure de transposition en droit sénégalais sur ce point n’est nécessaire.

B.Conséquences prévues dans le droit interne et impact sur d’autres articles de la Convention

77.Selon l’article 5 de la Convention, lorsque les disparitions forcées sont constitutives de crimes contre l’humanité, il convient d’y appliquer les conséquences juridiques prévues par le droit international.

a)Article 6 de la Convention – Responsabilité pénale

78.Il y a lieu de se référer aux dispositions pertinentes du Statut de la Cour pénale internationale, soit l’article 25-3 en ce qui concerne l’article 6, paragraphe 1, alinéa a, de la Convention, l’article 28 du Statut en ce qui concerne l’article 6, paragraphe 1, alinéa b, et l’article 33 du Statut en ce qui concerne l’article 6, paragraphe 2, de la Convention. Ces dispositions reflètent le droit international coutumier codifié.

79.Leur transposition en droit interne est assurée par les articles 295-1, 106 et suivants du Code pénal. Plus précisément, les articles 106, 107 couvrent les différentes formes de perpétration et de participation à l’infraction visées à l’article 6, paragraphe 1, alinéa a, de la Convention; l’article 295-1 sur la torture couvre la responsabilité du supérieur hiérarchique visée à l’article 6, paragraphe 1, alinéa b de la Convention. L’alinéa 2 couvre la non-exonération de responsabilité pour ordre de la loi ou du supérieur visé à l’article 6, paragraphe 2, de la Convention.

b)Article 7 – Peines

80.Le droit international applicable, visé à l’article 5 de la Convention, ne semble pas établir de standard spécifique en matière de peines.

81.En droit interne, le Code pénal stipule que les crimes contre l’humanité, tels que définis à l’article 432-1 du même code, sont punis des travaux forcés à perpétuité. Cette peine s’applique aux disparitions forcées constitutives de crimes contre l’humanité.

c)Article 8 – Prescription

82.Le Sénégal est d’avis que le droit pénal international contient une règle coutumière spécifique relative à l’imprescriptibilité des violations graves de droit international humanitaire (à savoir les crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre).

83.Il peut également être fait référence à la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, adoptée au sein des Nations Unies, le 26 novembre 1968 dont le premier article pose le principe de l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité.

84.Celle-ci est consacrée en droit pénal sénégalais à l’article 7 alinéa 4 du Code de procédure pénale qui stipule que les crimes définis aux articles 431-1 à 431-5 du Code pénal sont par leur nature imprescriptibles. Ces articles concernent le crime de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité.

85.Par ailleurs, l’imprescriptibilité concerne aussi les violations graves du droit international humanitaire.

d)Article 9 – Compétence

86.Le Sénégal est d’avis que l’obligation de réprimer les crimes contre l’humanité en droit national et d’adopter les mesures propres à permettre leur répression par les cours et tribunaux nationaux trouve sa source dans le droit international coutumier. La pratique pertinente à cet égard se manifeste, notamment, à travers les mesures adoptées par les États au niveau national et les actes des organisations internationales comme les résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité des Nations Unies relatives à l’incrimination et à la répression des crimes contre l’humanité. Les fondements de cette obligation ont été exposés de manière extensive par le Sénégal dans le cadre des procédures devant la Cour internationale de justice dansl’Affaire relative à des questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal) et appliqués dans les poursuites intentéespar les chambres africaines extraordinaires chargées de juger Hissène HABRE au Sénégal.

87.En outre, le paragraphe 10 du préambule du Statut de la Cour pénale internationale consacre l’existence de cette règle coutumière en précisant que « la Cour pénale internationale dont le présent Statut porte création est complémentaire des juridictions pénales nationales ».

88.Ces règles spécifiques relatives à l’obligation d’établir une compétence juridictionnelle territoriale et extraterritoriale pour permettre la répression des crimes contre l’humanité ne diffèrent pas des dispositions contenues dans l’article 9 de la Convention. Il est donc renvoyé aux commentaires formulés sous cet article.

e)Article 11 – Aut dedere, aut judicare

89.Comme indiqué au point d ci-dessus, l’obligation de poursuivre les auteurs de crimes contre l’humanité trouvés sur le territoire du Sénégal trouve sa source dans le droit international coutumier. Cette règle est identique à celle contenue à l’article 11 de la Convention. Il est donc renvoyé aux commentaires formulés sous cet article.

90.L’article 669 du Code de procédure pénale introduit par la loi no 2007-05 du 12 février 2007 prévoit :

« Tout étranger qui, hors du territoire de la république s’est vu reproché d’être l’auteur ou le complice d’un des crimes visés aux articles 431-1 à 431-5 du Code pénal, d’un crime ou délit d’attentat à la sûreté de l’État ou de contrefaçon du sceau de l’État, de monnaies nationales ayant cours ou d’actes visés aux articles 279-1 à 279-3, 295-1, du Code pénal peut être poursuivi et jugé d’après les dispositions des lois sénégalaises ou applicables au Sénégal, s’il est arrêté au Sénégal ou si une victime réside sur le territoire de la République du Sénégal, ou si le gouvernement obtient son extradition ».

f)Article 14 – Entraide judiciaire en matière pénale

91.Il ne semble pas exister en droit international d’obligation spécifique relative à l’entraide judiciaire concernant la poursuite des crimes contre l’humanité. Il est donc renvoyé aux dispositions générales évoquées sous l’article 14 de la Convention.

g)Article 15 – Assistance aux victimes

92.Il n’y a pas de règles spécifiques, en droit international ou en droit sénégalais, concernant l’assistance aux victimes de crimes de disparitions forcées constitutifs de crimes contre l’humanité en particulier.

93.S’appliquent par conséquent les règles générales relatives à l’assistance aux victimes en droit sénégalais dont font état les commentaires formulés sous les articles 15 et 24 de la Convention.

Article 6

A.Modes de responsabilité pénale (incluant la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique)

94.Le présent commentaire portera uniquement sur les modes de responsabilité associés à une disparition forcée non constitutive d’un crime contre l’humanité. Pour les modes de responsabilité associés à la disparition forcée constitutive d’un crime contre l’humanité, il est renvoyé aux commentaires formulés sous l’article 5 de la Convention.

95.Les articles 2, 3, 45 et 46 du Code pénal énoncent les modes de responsabilité applicables à toutes les infractions, et ce compris les infractions qu’impliquent des actes de disparition forcée. Ils visent les personnes qui tentent de commettre, commettent, ordonnent, commanditent, sont complices ou participent à une infraction. Ces modes correspondent à ceux énoncés à l’article 6, paragraphe 1, de la Convention.

96.Si la responsabilité du supérieur hiérarchique, telle que définie par la Convention, ne constitue pas un mode de responsabilité distinct pour les infractions de droit commun, elle est toutefois mise en œuvre en droit interne par deux biais. L’ordre du supérieur peut constituer soit une infraction en tant que telle en vertu de l’article 106 du Code pénal, soit un mode de responsabilité inclus dans la participation et la complicité consacrés par les articles 45 et 46 du Code pénal. En effet, la jurisprudence sénégalaise a précisé qu’une abstention peut entraîner une participation punissable lorsque l’auteur a un devoir positif d’agir et/ou lorsqu’en raison des circonstances, son abstention consciente et volontaire constitue un encouragement positif à la perpétration d’une infraction ou traduit l’intention de coopérer directement à cette exécution en contribuant à la permettre ou à la faciliter, ou encore lorsqu’il a rendu matériellement possible la réalisation de l’infraction projetée (art. 49 al. 2 du Code pénal, art. 307 du Code pénal).

97.Ériger la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique en un mode de responsabilité distinct n’est ni nécessaire ni souhaitable. Associer au crime de disparition forcée (ou aux infractions connexes) l’énumération réalisée par la Convention des modes de responsabilité compromettrait la cohérence du droit pénal sénégalais : une telle énumération pourrait prêter à une dangereuse interprétation a contrario soutenant que la responsabilité du supérieur hiérarchique serait exclue pour les autres crimes de droit commun et de droit international dont la mise en œuvre en droit sénégalais n’a pas compris une telle énumération.

B.Devoir d’obéissance, ordre d’un supérieur comme cause de justification et ordre illégal

98.En l’état actuel du droit sénégalais, un ordre de disparition forcée serait illégal et engagerait la responsabilité du supérieur hiérarchique qui l’a donné. Aux termes des articles 106, 110 et 111 du Code pénal. Le Code pénal ferait, en outre, obligation aux fonctionnaires qui en ont connaissance de le dénoncer. Quant aux subordonnés ayant reçu un tel ordre, ils auraient l’obligation de s’abstenir de l’exécuter.

99.Pour les membres des services de police, cette obligation d’abstention est consacrée par le statut disciplinaire des membres du personnel des services de police. Pour les membres des forces armées, il faut se référer au Code de justice militaire (art. 168) et au décret no 90-1159 du 12 octobre 1990 portant règlement de discipline générale dans les forces armées (art. 34 et suivants).

100.Concrètement, le subordonné qui refuse l’ordre sur la base de son statut, de son code de déontologie et du cadre légal interne et international applicable porte cette décision à la connaissance de son supérieur et n’agit pas. Si, par la suite, il fait l’objet de poursuites disciplinaires ou pénales, il pourra évoquer l’exception qui a justifié son refus d’obéir.

101.Si, au contraire, le subordonné exécute l’ordre de disparition forcée, sa responsabilité pourra être engagée sur le plan disciplinaire en vertu des dispositions exposées ci-dessus et sur le plan pénal en vertu des articles énumérés dans le commentaire formulé sous les articles 2 et 5 de la Convention.

102.Ledit subordonné ne pourrait pas justifier l’infraction commise en invoquant l’ordre de son supérieur. En effet, le Code pénal, en son article 315, ne reconnaît pas le commandement de l’autorité publique comme un motif légitime que si ledit commandement est ordonné par la loi et autorisé par l’autorité légitime. Or, à la lumière de la loi, entendue ici au sens large, incluant donc les dispositions internationales directement applicables, la disparition forcée est manifestement interdite. Ce raisonnement est valable que la disparition forcée soit ou non constitutive d’un crime contre l’humanité, même si en ce qui concerne ce dernier, c’est expressément que le Code pénal exclut que l’ordre du supérieur puisse servir de justification.

Article 7

A.Sanctions pénales

103.Pour la disparition forcée constitutive d’un crime contre l’humanité, il est renvoyé aux commentaires formulés sous l’article 5 de la Convention.

104.En ce qui concerne les infractions de droit commun, en attendant l’entrée en vigueur d’une modification législative reconnaissant la disparition forcée comme une infraction autonome, le Sénégal renseignera ici les peines associées aux infractions connexes à cet acte :

•Torture (Code pénal, art. 295-1) : cinq à dix ans de prison et une amende de 100 000 à 500 000 francs;

•Détention illégale et arbitraire par des fonctionnaires publics (Code pénal art. 106, la dégradation civique est prononcée. Si l’acte arbitraire ou attentatoire à la liberté individuelle a été fait d’après une fausse signature, la peine des travaux forcés à temps de dix à vingt ans est prononcée;

•Arrestations illégales et séquestrations (art. 106, 334 du Code pénal);

•Le gage de personne (art. 334 du Code pénal);

•La prise d’otage (art. 337 du Code pénal);

•Enlèvement, recel de mineur, délaissement d’enfant, no représentation d’enfant (art. 338 à 349 du Code pénal).

Article 334 du Code pénal :

«Seront punis de la peine des travaux forcés à temps de dix à vingt ans ceux qui, sans ordre des autorités constituées et hors les cas où la loi ordonne de saisir des prévenus, auront arrêté, détenu ou séquestré des personnes quelconques.

Quiconque aura prêté un lieu pour exécuter la détention ou séquestration subira la même peine.

Seront également punis de la même peine ceux qui auront conclu une convention ayant pour objet d’aliéner soit à titre gratuit, soit à titre onéreux, la liberté d’une tierce personne. La confiscation de l’argent, des objets ou valeurs reçus en exécution de ladite convention sera toujours prononcée. Le maximum de la peine sera toujours prononcé si la personne faisant l’objet de la convention est âgée de moins de quinze ans.

Quiconque aura mis ou reçu une personne en gage, quel qu’en soit le motif, sera puni d’un emprisonnement d’un mois à deux ans et d’une amende de 2.000 à 150.000 francs ou de l’une de ces peines seulement. La peine d’emprisonnement pourra être portée à cinq ans si la personne mise ou reçue en gage est âgée de moins de quinze ans.

Les coupables pourront en outre dans tous les cas privés des droits mentionnés en l’article 34 pendant cinq ans au moins et dix ans au plus ».

Article 335 du Code pénal : « Si la détention ou séquestration a duré plus d’un mois, la peine sera celle des travaux forcés à perpétuité ».

Article 336 du Code pénal :

« La peine sera réduite à l’emprisonnement d’un an à cinq ans, si le coupable des délits mentionnés en l’article 334, non encore poursuivis de fait, ont rendu la liberté à la personne arrêtée, séquestrée ou détenue, avant le dixième jour accompli depuis celui de l’arrestation, détention ou séquestration. Les coupables pourront néanmoins être interdits de séjour pendant cinq à dix ans ».

Article 337 du Code pénal :

« Dans chacun des deux cas suivants :

Si l’arrestation a été exécutée avec un faux costume, sous un faux nom, ou sur un faux ordre de l’autorité publique;

Si l’individu arrêté, détenu ou séquestré, a été menacé de la mort.

Les coupables seront punis des travaux forcés à perpétuité.

Mais la peine sera celle de la mort, si les personnes arrêtées, détenues ou séquestrées ont été soumises à des tortures corporelles ».

Article 337 bis (loi no 76-02 du 25 mars 1976) :

« Dans le cas où la personne, quel que soit son âge, a été arrêtée, détenue ou séquestrée comme otage, soit pour préparer ou faciliter la commission d’un crime ou d’un délit, soit pour favoriser la fuite ou assurer l’impunité des auteurs ou complices d’un crime ou d’un délit, soit pour répondre du paiement d’une rançon, de l’exécution d’un ordre ou d’une condition, le coupable sera puni de la peine de mort.

Toutefois, la peine sera celle des travaux forcés à temps de dix à vingt ans, si la personne arrêtée, détenue ou séquestrée comme otage est libérée volontairement, sans qu’il y ait eu exécution d’aucun ordre ou réalisation d’aucune condition, avant le cinquième jour accompli depuis celui de l’arrestation, de la détention ou de la séquestration.

Le bénéfice des circonstances atténuantes ne pourra pas être accordé aux accusés reconnus coupables du crime spécifié à l’alinéa premier lorsqu’il est résulté de la prise d’otage la mort d’une personne quelconque ou celle de la personne prise en otage, que la mort soit survenue alors que cette personne était entre les mains de ses ravisseurs ou à la suite des blessures ou des violences subies au cours de son enlèvement.

Lorsque la prise d’otage n’aura entraîné la mort d’aucune personne et que le bénéfice des circonstances atténuantes aura été accordé aux accusés reconnus coupables du crime spécifié à l’alinéa 1er, la peine des travaux forcés à perpétuité sera obligatoirement prononcée, nonobstant les dispositions de l’article 432, alinéa 2 ».

Articles 338 à 349 du Code pénal :

«Les coupables d’enlèvement, de recel, ou de suppression d’un enfant, de substitution d’un enfant à une femme qui ne sera pas accouchée, seront punis d’un emprisonnement de cinq à dix ans. Seront punis de la même peine ceux qui, étant chargés d’un enfant, ne le représenteront point aux personnes qui auront le droit de le réclamer ».

Article 339 du Code pénal :

« Toute personne qui, ayant assisté à un accouchement, n’aura pas fait la déclaration à elle prescrite par la réglementation de l’état civil, sera punie d’un emprisonnement d’un mois à six mois et d’une amende de 20.000 à 75.000 francs ».

Article 340 du Code pénal :

« Toute personne qui, ayant trouvé un enfant nouveau-né, ne l’aura pas remis à l’officier de l’état-civil, sera punie des peines portées au précédent article. La présente disposition n’est point applicable à celui qui aura consenti à se charger de l’enfant et qui aurait fait sa déclaration à cet égard devant l’autorité administrative du lieu où l’enfant a été trouvé ».

Article 341 du Code pénal :

« Ceux qui auront exposé ou fait exposer, délaissé ou fait délaisser, en un lieu solitaire, un enfant ou un incapable, hors d’état de se protéger eux-mêmes à raison de leur état physique ou mental, seront, pour ce seul fait, condamnés à un emprisonnement d’un an à trois ans et à une amende de 20.000 à 200.000 francs ».

Article 342 du Code pénal :

« La peine portée au précédent article sera de deux à cinq ans et l’amende de 20.000 à 400.000 francs, contre les ascendants ou toutes les autres personnes ayant autorité sur l’enfant ou l’incapable, ou en ayant la garde ».

Article 343 du Code pénal :

« S’il est résulté de l’exposition ou du délaissement une maladie ou incapacité totale de plus de vingt jours, le maximum de la peine sera appliquée. Si l’enfant ou l’incapable est demeuré mutilé ou estropié ou s’il est resté atteint d’une infirmité permanente, les coupables subiront la peine d’emprisonnement de cinq à dix ans. Si les coupables sont les personnes mentionnées à l’article 342, la peine sera de dix ans d’emprisonnement. Lorsque l’exposition ou le délaissement dans un lieu solitaire aura occasionné la mort, l’action sera considérée comme meurtre ».

Article 344 du Code pénal :

« Ceux qui auront exposé ou fait exposer, délaissé ou fait délaisser, en un lieu non solitaire, un enfant ou un incapable hors d’état de se protéger eux-mêmes en raison de leur état physique ou mental, seront, pour ce seul fait, condamnés à un emprisonnement de trois mois à un an et à une amende de 20.000 à 200.000 francs. Si les coupables sont les personnes mentionnées à l’article 342, les peines seront portées au double ».

Article 345 du Code pénal :

« S’il est résulté de l’exposition ou du délaissement une maladie ou incapacité totale de plus de vingt jours, ou une des infirmités prévues par l’article 294 alinéa 2, les coupables subiront un emprisonnement d’un an à cinq ans et une amende de 20.000 à 200.000 francs.

Si la mort a été occasionnée sans intention de la donner, la peine sera celle de la détention criminelle de cinq à dix ans.

Si les coupables sont les personnes mentionnées à l’article 342, la peine sera, dans le premier cas, celle d’un emprisonnement de cinq à dix ans, et dans le second cas, celle des travaux forcés à temps de dix à vingt ans ».

Article 346 du Code pénal :

« Quiconque aura, par fraude ou violence, enlevé ou fait enlever des mineurs, ou les aura entraînés, détournés, ou déplacés ou les aura fait entraîner, détourner ou déplacer, des lieux où ils étaient mis par ceux à l’autorité ou à la direction desquels ils étaient soumis ou confiés, subira la peine des travaux forcés à temps de cinq à dix ans ».

Article 347 du Code pénal (loi no 76-02 du 25 mars 1976) :

« Si le mineur ainsi enlevé ou détourné est âgé de moins de quinze ans, la peine sera celle des travaux forcés à perpétuité.

Toutefois, la peine sera celle des travaux forcés de cinq à dix ans si le mineur est retrouvé vivant avant qu’ait été rendu l’arrêt de condamnation.

L’enlèvement emportera la peine de mort s’il a été suivi de la mort du mineur ».

Article 348 du Code pénal :

« Celui qui, sans fraude ni violence, aura enlevé ou détourné, ou tenté d’enlever ou de détourner un mineur de dix-huit ans, sera puni d’un emprisonnement de deux à cinq ans et d’une amende de 20.000 à 200.000 francs.

Lorsqu’une mineure ainsi enlevée ou détournée aura épousé son ravisseur, celui-ci ne pourra être poursuivi que sur la plainte des personnes qui ont qualité pour demander l’annulation du mariage et ne pourra être condamné qu’après que cette annulation aura été prononcée ».

Article 349 du Code pénal :

« Quand il aura été statué sur la garde d’un mineur par décision de justice, provisoire ou définitive, le père, la mère ou toute personne qui ne représentera pas ce mineur à ceux qui ont le droit de le réclamer ou qui, même sans fraude ou violence l’enlèvera ou le détournera ou le fera enlever ou détourner des mains de ceux auxquels sa garde aura été confiée, ou des lieux ou ces derniers l’auront placé, sera puni d’un emprisonnement de deux mois à deux ans et d’une amende de 20.000 à 200.000 francs.

Si le coupable a été déclaré déchu de la puissance paternelle, l’emprisonnement pourra être élevé jusqu’à trois ans ».

105.S’ajoute aux peines de privation de liberté et aux peines financières énumérées ci-dessus, l’interdiction de certains droits politiques et civils conformément à l’article 34 du Code pénal.

106.Lorsque le droit sénégalais sera modifié pour incriminer l’acte de disparition forcée de manière autonome, des peines spécifiques seront attachées à cette infraction. Celles-ci seront établies de manière à sauvegarder la cohérence du système répressif existant et adopteront les standards fixés pour les crimes les plus graves, tel que le requiert la Convention.

B.Sanctions maximales prévues dans le Code pénal

107.La peine prévue pour la disparition forcée constitutive d’un crime contre l’humanité est les travaux forcés à perpétuité.

108.La peine maximale que peut impliquer, en l’état actuel du droit sénégalais, un acte de disparition forcée non constitutif d’un crime contre l’humanité est variable. Se référer aux sanctions prévues par le Code pénal (p. 17 à 21 du rapport).

C.Circonstances atténuantes ou aggravantes

109.À l’égard des infractions mentionnées au point A, le Code pénal prévoit des circonstances aggravantes fondées sur le statut de l’auteur, la vulnérabilité de la victime.

110.Les circonstances atténuantes spécifiquement établies sont, quant à elles, motivées par le souci d’une libération rapide de la victime. Par ailleurs, une réduction de peine en raison d’autres circonstances atténuantes peut être décidée en vertu de l’article 433 du Code pénal et de la loi du 29 décembre 2000 sur l’exécution et l’aménagement des peines privatives de liberté.

111.Lorsque le droit sénégalais sera modifié pour incriminer l’acte de disparition forcée de manière autonome, des circonstances aggravantes et atténuantes spécifiques seront précisées. Celles-ci seront établies de manière à sauvegarder la cohérence du système répressif existant. Elles s’appuieront donc sur des motifs similaires à ceux évoqués ci-dessus.

D.Sanctions disciplinaires

a)Services de police

112.Outre les mécanismes prévus sur le plan pénal, les manquements des membres des services de police peuvent être sanctionnés à travers les procédures disciplinaires établies par la loi de mars 2009 portant statut disciplinaire des membres du personnel des services de police et son décret d’application.

113.L’autorité disciplinaire ne doit, en principe, pas attendre le juge pénal pour sanctionner une transgression disciplinaire pouvant également constituer une infraction pénale. Elle est néanmoins liée par les décisions du juge pénal quant à l’existence des faits ainsi qu’à la culpabilité de l’auteur. C’est pourquoi, une sanction disciplinaire infligée pour des faits que le juge pénal estime ultérieurement ne pas avoir existé ou dont l’auteur était, selon le juge pénal, en état de démence au moment des faits, devra être retirée. À l’inverse, la décision du ministère public de ne pas poursuivre ou l’irrecevabilité des poursuites déclarée par le juge pénal en raison de la prescription ou de l’extinction de l’action publique suite au paiement d’une somme d’argent ne lient pas l’autorité disciplinaire.

b)Forces armées

114.Outre les mécanismes prévus sur le plan pénal, les manquements des membres des forces armées peuvent être sanctionnés à travers des procédures disciplinaires en vertu du décret no 90-1159 du 12 octobre 1990 portant règlement de discipline générale dans les Forces armées, lequel prévoit, que les militaires doivent, en toutes circonstances « s’abstenir de se livrer à toute activité qui est en opposition avec la Constitution et les lois sénégalaises ».

115.Cependant, aucune punition disciplinaire ne peut être infligée à un militaire :

•Pour des faits identiques à ceux pour lesquels il a été condamné par les juridictions pénales, même si cette infraction constitue une transgression disciplinaire;

•Lorsqu’il a été déclaré non coupable des faits qui lui sont reprochés par une juridiction pénale.

116.Si, en revanche, l’information judiciaire dans le cadre d’une action pénale a été classée sans suite, le dossier est transmis au chef de corps de l’intéressé. Dans ce cas, l’autorité militaire apprécie le caractère disciplinaire des faits. S’il y a transgression disciplinaire, l’autorité militaire conserve son droit de punir disciplinairement.

117.Le cas échéant, des mesures statutaires peuvent être prononcées à l’encontre d’un militaire comme :

•Le retrait temporaire d’emploi par mesure disciplinaire;

•Le retrait définitif d’emploi par radiation des corps de l’armée.

Article 8

A.Prescription de l’action pénale et des peines

118.Il ressort du Code de procédure pénale sénégalais les dispositions suivantes :

Article 7 du Code de procédure pénale :

« En matière de crime, l’action publique se prescrit par dix années révolues à compter du jour où le crime a été commis si dans cet intervalle, il n’a été fait aucun acte d’instruction ou de poursuite.

S’il en a été effectué dans cet intervalle, elle ne se prescrit qu’après dix années révolues à compter du dernier acte. Il en est ainsi même à l’égard des personnes qui ne seraient pas impliquées dans cet acte d’instruction ou de poursuite.

La prescription est suspendue par tout obstacle de droit ou de fait empêchant l’exercice de l’action publique ».

Les crimes définis aux articles 431-1 à 431-5 du Code pénal sont par leur nature imprescriptibles » (loi no 2007-05 du 12 février 2007).

Article 8 du Code de procédure pénale :

« En matière de délit, la prescription de l’action publique est de trois années révolues; elle s’accomplit selon les distinctions spécifiées à l’article précédent.

Toutefois, en matière de détournement de deniers publics, la prescription est de 7 années révolues à compter du jour où le fait délictueux a été commis ».

Article 9 du Code de procédure pénale : « En matière de contravention, la prescription de l’action publique est d’une année révolue; elle s’accomplit selon les distinctions spécifiées à l’article 7 ».

Article 10 du Code de procédure pénale :

« L’action civile ne peut être engagée après l’expiration du délai de prescription de l’action publique.

Toutefois, lorsqu’il a été définitivement statué sur l’action publique, et si une condamnation pénale a été prononcée, l’action civile se prescrit par dix ans.

L’action civile est soumise à tous autres égards aux règles du Code des obligations civiles et commerciales ».

119.Ces dispositions tendent à assurer un équilibre entre le droit de la victime à un recours effectif et le droit de la personne poursuivie, présumée innocente, d’être jugée dans un délai raisonnable garantissant notamment la fiabilité des preuves.

120.Ces normes sont applicables à toutes les infractions qu’implique un acte de disparition forcée.

121.Ces mêmes dispositions seront également applicables à l’acte de disparition forcée lorsqu’il sera incriminé de manière autonome.

B.Imprescriptibilité des crimes contre l’humanité

122.Le principe est posé par l’article 7 du Code de procédure pénale déjà cité.

C.Point de départ de la prescription

123.Pour les infractions continues – qui sont celles qui visent la création d’une situation délictueuse et son maintien –, la prescription ne commence à courir qu’à partir de la cessation de l’infraction, c’est-à-dire lorsque l’état délictueux prend fin.

124.La nature continue d’une infraction n’est jamais précisée expressément dans les textes législatifs. C’est aux juridictions qu’il revient de se prononcer sur ce point.

125.Par conséquent, lorsque le droit sénégalais sera modifié pour incriminer de manière autonome l’acte de disparition forcée, il ne sera pas nécessaire de préciser, dans la définition de cette infraction, son caractère continu. D’une part, il ne fait pas de doute que celui-ci sera reconnu par la jurisprudence. D’autre part, l’inclure dans le libellé de l’infraction pourrait prêter à une dangereuse interprétation a contrario concernant les autres infractions continues existantes qui ne sont pas définies explicitement comme telles par le Code pénal, ce, à moins de modifier la définition de toutes les infractions existantes concernées.

D.Comment l’État partie garantit que la prescription ne s’applique pas aux actions pénales, civiles ou administratives engagées par les victimes dans l’exercicedu droit à un recours effectif

126.Le Titre préliminaire du Code de procédure pénale, en ses articles 6 et suivants, reconnaît à certaines circonstances un effet suspensif ou interruptif par rapport à la prescription afin de sauvegarder le droit des victimes à un recours effectif. Ces causes s’appliquent à toutes les infractions qu’implique un acte de disparition forcée. De même, seront-elles applicables à l’infraction de disparition forcée lorsque celle-ci sera introduite dans le Code pénal.

127.Quant à l’action civile résultant d’une infraction, celle-ci bien que régie par les dispositions propres du Code des obligations civiles et commerciales, ne peut se prescrire avant l’action publique, comme le précise l’article 10 du Code de procédure pénale qui stipule :

«L’action civile ne peut être engagée après l’expiration du délai de prescription de l’action publique.

Toutefois, lorsqu’il a été définitivement statué sur l’action publique, et si une condamnation pénale a été prononcée, l’action civile se prescrit par dix ans.

L’action civile est soumise à tous autres égards aux règles du Code des obligations civiles et commerciales ».

128.Le droit au recours effectif de la victime est ainsi également garanti quant à l’action en réparation du préjudice subi.

129.L’article 3 du Code de procédure pénale prévoit à ce titre que « L’action civile peut être exercée en même temps que l’action publique et devant la même juridiction. Elle est recevable pour tous chefs de dommages aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découlent des faits, objets de la poursuite. La partie lésée peut poursuivre devant la juridiction répressive, outre la réparation du dommage découlant du fait, poursuivi, celle de tous autres dommages résultant directement de la faute de l’auteur de l’infraction ».

E.Recours effectifs ouverts en rapport avec la prescription

130.Durant le délai de prescription, les victimes d’une disparition forcée peuvent s’adresser aux autorités judiciaires compétentes.

131.La chambre d’accusation exerce un contrôle sur le cours de l’instruction en vertu des articles 185 à 217 du Code de procédure pénale.

132.Si les victimes d’une infraction se heurtent à un dysfonctionnement dans le traitement de leur plainte, elles peuvent s’adresser au Procureur général ou au Procureur de la République.

133.Enfin, un recours devant la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est également toujours envisageable pour le plaignant dans le respect des conditions de recevabilité imposée à une requête. Il est à noter à cet égard que ladite Cour n’exige pas l’épuisement des voies de recours internes.

Article 9

A.Mesures prises pour établir la compétence dans les cas visés aux paragraphes 1 et 2

134.Le droit sénégalais, en son état actuel, couvre déjà les titres de compétence énumérés par la Convention en ses articles 1 et 2. En effet, outre la compétence territoriale des juridictions sénégalaises, le Titre 12 du Code de procédure pénale ménage plusieurs formes de compétence extraterritoriale. Le dispositif prévu à l’article 669du Code de procédure pénale prévoit : « Tout étranger qui, hors du territoire de la république s’est vu reproché d’être l’auteur ou le complice d’un des crimes visés aux articles 431-1 à 431-5 du Code pénal, d’un crime ou délit d’attentat à la sûreté de l’État ou de contrefaçon du sceau de l’État, de monnaies nationales ayant cours ou d’actes visés aux articles 279-1 à 279-3, 295‑1 du Code pénal peut être poursuivi et jugé d’après les dispositions des lois sénégalaises ou applicables au Sénégal, s’il est arrêté au Sénégal ou si une victime réside sur le territoire de la république du Sénégal, ou si le gouvernement obtient son extradition ».

135.Cet article permet d’engager l’action publique découlant directement de la règle établie à l’article 9, paragraphe 2, de la Convention.

B.Textes juridiques, y compris tout traité prévoyant l’entraide judiciaire, qui s’appliquent pour garantir la compétence aux fins de connaître des disparitions forcées

136.Il est renvoyé aux commentaires formulés sous le présent article, au point A, ainsi que sous l’article 14 de la Convention.

C.Affaires comportant l’infraction de disparition forcée dans lesquelles une demande d’extradition judiciaire a été présentée par l’État partie ou lui a été présentée

137.Les services du ministère de la Justice n’ont pas été amenés à traiter de dossier de disparition forcée. Il n’y a dès lors pas d’exemple d’extradition accordée ou refusée.

Article 10

Dispositions législatives internes qui régissent notamment la détention de cette personne ou d’autres mesures de sûreté prises pour s’assurer de sa présence; droit de l’intéressé à l’assistance de son consulat

138.Les articles 127 et suivants du Code de procédure pénale relatifs à la détention provisoire de même que les articles 45 et suivants du même code permettent l’arrestation d’une personne surprise en flagrant délit ou crime flagrant de même que l’arrestation, sur décision du procureur de la République, d’une personne à l’égard de laquelle il existe des indices de culpabilité relatifs à un crime ou à un délit. Les modalités et la durée de cette privation de liberté ainsi que les droits de l’intéressé dans le cadre de cette procédure sont déterminés avec précision.

139.En ce qui concerne plus particulièrement le droit des détenus étrangers de contacter leurs autorités consulaires, le Sénégal est signataire de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques et consulaires et cet instrument contient l’obligation pour le pays d’accueil d’informer le consulat de la personne étrangère en cas de poursuite ou de condamnation.

140.Le droit interne sénégalais est muet sur cette question quand bien même, à la demande du détenu, les autorités de l’administration pénitentiaire informent les consulats.

141.Il serait souhaitable de prévoir dans le droit interne une disposition qui consacrerait l’obligation d’information et le droit de toute personne d’origine étrangère à être assistée par son consulat en cas de condamnation ou de poursuite.

Article 11

A.Cadre juridique qui permet aux tribunaux nationaux d’exercer la compétence universelle sur l’infraction de disparition forcée

142.Il est renvoyé aux commentaires formulés sous l’article 9 de la Convention, au point A. L’article 669 du Titre du Code de procédure pénale, qui y est évoqué, permet d’engager l’action publique découlant directement de la règle établie à l’article 11 de la Convention.

B.Autorités compétentes chargées de l’application des différents éléments de l’article 11

143.Il s’agit, d’une part, des autorités qui interviennent dans les dossiers d’extradition et, d’autre part, des autorités « compétentes pour l’exercice de l’action publique ».

C.Procès équitable et règles de preuve

144.Une fois que la compétence extraterritoriale des tribunaux sénégalais est établie à l’égard d’une infraction, le droit sénégalais garantit à la personne inculpée un procès équitable et exclut toute différence de traitement dans la procédure, et ce compris en matière de preuve (Code de procédure pénale).

D.Mesures qui garantissent le droit à un procès équitable à tous les stades de la procédure

145.Il est rappelé que le Sénégal reconnaît la primauté du droit international sur le droit interne et l’applicabilité directe des dispositions contenues dans les instruments internationaux de protection des droits fondamentaux auxquels il est partie.

146.Le Sénégal garantit le droit au procès équitable consacré par les articles 14 et 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’article 7 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, dans tous ses aspects, que ceux-ci aient été expressément inclus dans le libellé de ces dispositions ou qu’ils aient été dégagés par la jurisprudence.

147.C’est ainsi que le droit sénégalais consacre l’égalité de tous devant la loi, le droit d’accès à un tribunal indépendant et impartial, la publicité des audiences, la présomption d’innocence, le respect des droits de la défense, le principe de la légalité des infractions et des peines, l’obligation de motiver les jugements, le droit de recours en matière pénale et le principe de non bis in idem.

148.Plutôt que de rendre compte de toutes les dispositions pertinentes du droit interne, il conviendrait de souligner la volonté du législateur dans les nouvelles réformes envisagées de permettre à la personne gardée à vue d’être assistée par son avocat dès le début de la mesure.

E.Autorités compétentes pour enquêter et poursuivre des faits présumés de disparition forcée

149.Le droit sénégalais connaît deux mécanismes distincts d’enquête : l’enquête préliminaire et l’instruction.

150.L’enquête préliminaire a pour objet la recherche des infractions, des auteurs et des preuves. Elle peut être entreprise de manière tant réactive – en cas de dénonciation ou de plainte – que proactive. Elle est conduite sous la direction et l’autorité du procureur de la République. Elle peut donner lieu dans certains cas à des mesures de contrainte telles que la garde à vue.

151.L’instruction est une procédure judiciaire ne pouvant avoir pour objet que la recherche des auteurs et des preuves. Elle est conduite sous la direction et l’autorité du juge d’instruction qui en assume la responsabilité. Dans le cadre d’une instruction, des mesures de contrainte entravant l’exercice des droits et des libertés individuels peuvent être réalisées (perquisitions, obligation de témoigner, détention provisoire, etc.).

152.L’instruction peut constituer la suite logique ou le développement de l’enquête préliminaire. La poursuite par voie de citation directe par le ministère public en matière de délits et de crimes correctionnalisables peut néanmoins s’appuyer sur la seule enquête préliminaire si, à la lumière des éléments recueillis, l’instruction n’apparaît pas nécessaire.

153.L’exercice de l’action publique appartient au ministère public, même lorsque l’auteur présumé de l’infraction est un militaire. La seule particularité de cette situation est la suivante : si l’enquête préliminaire est classée sans suite, le dossier pourrait être transmis au corps de l’intéressé qui pourra alors organiser une «enquête » à joindre au dossier disciplinaire ou statutaire.

Article 12

A.Procédure suivie et dispositifs utilisés par les autorités compétentes pour élucider une affaire et établir les faits concernant une disparition forcée

154.Ce sont les mêmes procédures prévues par le Code de procédure pénale en matière d’enquête et d’instruction qui sont utilisées pour élucider une affaire et établir des faits constitutifs de disparition forcée (enlèvement, séquestration, détention arbitraire, violences, voies de fait, rapt, etc.).

B.Mécanismes dont disposent les particuliers qui allèguent qu’une personne a été l’objet d’une disparition forcée

155.Le droit sénégalais consacre le droit de dénoncer une infraction, de déposer une plainte et de se constituer partie civile. Dénoncer une infraction est un droit.

156.L’article premier du Code de procédure pénale est alors ainsi conçu :

« L’action publique pour l’application des peines est mise en mouvement et exercée par les magistrats ou les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi. Cette action peut aussi être mise en mouvement par la partie lésée, dans les conditions déterminées par le présent code ».

157.L’article 32 du Code de procédure pénale dispose aussi :

« Le Procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner ».

158.Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit, est tenu d’en donner avis sans délai au Procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs (loi no 85-25 du 27 février 1985).

159.Dénoncer une infraction est aussi dans certains cas, un devoir. L’article 48 du Code pénal punit d’un emprisonnement de deux mois à trois ans et d’une amende de 25 000 F à un million de francs ou de l’une de ces deux peines seulement, celui qui, ayant connaissance d’un crime déjà tenté ou consommé, n’aura pas, alors qu’il était encore possible d’en prévenir ou limiter les effets ou qu’on pouvait penser que les coupables ou l’un deux commettrait de nouveaux crimes qu’une dénonciation pourrait prévenir, n’aurait pas averti aussitôt les autorités administratives ou judiciaires.

C.Possibilité pour tout plaignant de s’adresser à des autorités indépendantes et impartiales, en donnant des renseignements sur tout obstacle discriminatoire qui entraîne la rupture de l’égalité de tous devant la loi, et toutes règles ou pratiques qui empêchent que les victimes ne soient l’objet de harcèlement ou ne subissent un nouveau traumatisme

160.Les services de police et les autorités judiciaires sont tenus, dans la réalisation de leurs tâches, au respect du principe d’égalité et de non-discrimination dont la Constitution est gardienne (art. 10 et 11) à l’instar d’autres instruments de droit international comme la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Il s’agit d’ailleurs là d’une des valeurs fondamentales au sein de l’Union africaine. La supervision du respect de cette norme peut dès lors être réalisée non seulement par les autorités nationales, mais aussi par des juridictions internationales comme la Cour de Justice de la CEDEAO.

161.L’article 3 de la loi no 81-70 du 10 décembre 1981, en exécution des obligations de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, prévoit de punir.

« Toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique ».

162.L’article 166 bis du Code pénal stipule par ailleurs :

« Tout agent de l’ordre administratif et judiciaire, tout agent investi d’un mandat électif, ou agent des collectivités publiques, tout agent ou préposé de l’État, des établissements publics, des sociétés nationales, des sociétés d’économie mixte ou des personnes morales bénéficiant du concours financier de la puissance publique, qui aura refusé sans motif légitime à une personne physique ou morale, le bénéfice d’un droit pour cause de discrimination raciale, ethnique ou religieuse, sera puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans et d’une amende de 10.000 à 2.000.000 de francs ».

163.Les principes d’indépendance et d’impartialité du juge permettent aussi le respect de cette norme. Ces principes se confondent en un principe général de droit, ancré dans l’article 91 de la Constitution, et est une composante essentielle du droit à un procès équitable consacré par l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’article 7 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

164.Une personne alléguant d’une atteinte aux principes d’impartialité, d’égalité et de non-discrimination lors du traitement de sa plainte peut s’adresser au procureur pour violation de l’article 166 bis déjà cité.

165.Soulignons ici qu’il y a, au Sénégal, des maisons de justice chargées d’aider les victimes, en cas de nécessité, à surmonter les conséquences de l’infraction. Elles peuvent leur accorder une aide psychosociale ou une aide pratique et leur fournir les informations nécessaires.

D.Recours ouverts au plaignant si les autorités compétentes refusent d’ouvrir une enquête sur l’affaire

166.Le ministère public apprécie la suite à donner à une dénonciation et à une plainte : celle-ci sera en général une information, ce, à moins que la dénonciation ou la plainte n’apparaisse d’emblée mal fondée, auquel cas elle sera classée sans suite par une décision motivée.

167.Si, en revanche, le plaignant se constitue partie civile devant le juge d’instruction, celui-ci est tenu d’instruire après réquisition du parquet. La juridiction du juge d’instruction s’arrête aux actes d’instruction par lesquels il peut soit conclure par un non-lieu ou par une ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement.

E.Dispositifs garantissant la protection contre toute forme d’intimidation ou de mauvais traitements des plaignants, de leurs représentants, des témoins et de toute autre personne qui participe à l’enquête, aux poursuites et aux procès

168.De manière générale, l’intimidation, les violences et voies de fait, les menaces, les mauvais traitements de toutes sortes sont incriminés par le droit pénal. Les personnes qui en sont victimes peuvent donc dénoncer ces faits conformément à la loi pénale.

169.De manière plus particulière, il convient de préciser que le Code pénal prévoit diverses mesures de protection des personnes impliquées dans l’enquête. En outre, plusieurs dispositions du Code pénal et du code de procédure pénale contribuent à prévenir et à sanctionner les atteintes portées à l’action de la justice comme l’entrave à la justice, la dénonciation calomnieuse, la violation du secret de l’instruction, le recel de documents administratifs, le faux témoignage, la subornation de témoin, le faux en écritures publiques, la citation abusive etc.

F.Données statistiques quant au nombre de plaintes pour disparition forcée déposées auprès des autorités nationales et renseignements sur les sections qui peuvent exister au sein des forces de police, des organes de poursuite ou autres, dont les personnels sont spécifiquement formés pour ouvrir des enquêtes dans des affaires de disparition forcée

170.Aucune plainte pour disparition forcée telle que définie par l’article 2 de la Convention n’a été répertoriée.

171.Il n’existe pas, au Sénégal, de service spécialisé en disparitions forcées telles que définies par l’article 2 de la Convention. Il y a néanmoins la coopération policière ou judiciaire qui peut intervenir comme appui sur demande d’un État lorsqu’un cas de disparition doit être élucidé.

G.Accès des autorités compétentes aux lieux de détention

172.Le Code de procédure pénale dote les responsables de l’enquête préliminaire et de l’instruction de moyens nécessaires à la réalisation de leurs tâches, et ce compris, comme le requiert la Convention, l’accès, sans restriction, aux lieux de détention officiels (art. 83 à 87 du Code de procédure pénale, art. 142 à 142 du même code et art. 212 et 213) ainsi que l’accès aux lieux privés.

H.Mesures prévues par la loi pour écarter les suspects de tout poste où ils seraient en mesure d’influer sur le cours de l’enquête ou de menacer des personnes qui participent à des enquêtes

173.L’impartialité s’oppose à ce que l’enquête préliminaire ou l’instruction soit menée ou exécutée par un membre des services de police, du ministère public, ou un juge d’instruction qui est lui-même soupçonné des faits délictueux en cause.

174.Comme le commentaire formulé au point C le détaille, l’impartialité est un principe général de droit bien ancré dont la méconnaissance peut être sanctionnée par des organes nationaux, au niveau pénal et disciplinaire, et par des organes internationaux.

175.En ce qui concerne les policiers, leur statut impose explicitement aux membres du personnel impliqués personnellement dans une affaire de s’abstenir de la traiter.

176.Quant aux juges et membres du ministère public, le Code de procédure pénale prévoit des causes de récusation tendant à sauvegarder, non seulement l’impartialité, mais également l’apparence d’impartialité.

177.Les articles 650 à 655 du Code de procédure pénale traitent de la question de la récusation des membres d’un tribunal.

Article 13

A.Dispositions législatives nationales qui font de la disparition forcée une infraction donnant lieu à extradition dans tous les traités conclus avec tous les États, traités d’extradition conclus dans lesquels la disparition forcée figure au nombre des infractions donnant lieu à extradition et obstacles éventuellement rencontrés dans la mise en œuvre de ces traités

178.La disparition forcée n’est pas expressément prévue comme une infraction donnant lieu à extradition dans les traités en vigueur. Elle est toutefois implicitement couverte par la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

179.L’article 13 de la Convention dispose :

« Pour les besoins de l’extradition entre États parties, le crime de disparition forcée n’est pas considérée comme une infraction politique, une infraction connexe à une infraction politique ou une infraction inspirée par des mobiles politiques. En conséquence, une demande d’extradition fondée sur une telle infraction ne peut être refusée pour ce seul motif ».

180.Le crime de disparition forcée est de plein droit compris au nombre des infractions donnant lieu à extradition dans tout traité d’extradition conclu entre des États parties avant l’entrée en vigueur de la présente Convention.

181.Les États parties s’engagent à inclure le crime de disparition forcée au nombre des infractions qui justifient l’extradition dans tout traité d’extradition à conclure par la suite entre eux.

182.Tout État partie qui assujettit l’extradition à l’existence d’un traité peut, s’il reçoit une demande d’extradition d’un autre État auquel il n’est pas lié par un traité, considérer la présente convention comme la base juridique de l’extradition en ce qui concerne l’infraction de disparition forcée.

183.Les États parties qui n’assujettissent pas l’extradition à l’existence d’un traité reconnaissent le crime de disparition forcée comme susceptible d’extradition entre eux.

184.L’extradition est, dans tous les cas, subordonnée aux conditions prévues par le droit de l’État partie requis ou par les traités d’extradition applicables, y compris, notamment, aux conditions concernant la peine minimale requise pour extrader et aux motifs pour lesquels l’État partie requis peut refuser l’extradition ou l’assujettir à certaines conditions.

185.Aucune disposition de la présente Convention ne doit être interprétée comme faisant obligation à l’État partie requis d’extrader s’il y a de sérieuses raisons de penser que la demande a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son origine ethnique, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, ou que donner suite à cette demande causerait un préjudice à cette personne pour l’une quelconque de ces raisons.

186.Les conventions d’extradition plus anciennes qui datent de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle contiennent une liste limitative des infractions pour lesquelles l’extradition peut être accordée. Dans la mesure où un délit plus récent comme la participation à une organisation criminelle, le trafic et la traite des êtres humains, le blanchiment, la corruption et donc également la disparition forcée n’apparaît pas dans ces listes, l’extradition est en principe impossible sauf traités ou conventions de coopération judiciaire entre deux pays. Au Sénégal, c’est la loi no 71-77 du 28 décembre 1971 qui organise l’extradition et en l’absence de traités, les conditions, la procédure et les effets de l’extradition sont déterminés par cette loi.

187.Notre pays a conclu beaucoup de conventions de coopération judiciaire :

•Dans le cadre de l’Union africaine et malgache (UAM) Sénégal, Centrafrique, Cameroun, Bénin, Burkina Faso, Niger, Tchad, Gabon, Congo, Côte d’Ivoire, Madagascar, Mauritanie. Convention du 12 septembre 1961 – JOS 1967, page 900 et S;

•Guinée Conakry : Convention du 22 juin 1962 – JOS 1966, page 420;

•Tunisie : Convention du 13 avril 1954 – JOS 1988, page 201 et S;

•Mali : Convention du 8 avril 1965-JOS 1959, page 136 et S;

•Maroc : Convention du 3 juillet 1967 – JOS 1986, page 136 et S;

•Gambie : Convention du 28 avril 1973 – JOS 1983, page 960 et S;

•France : Convention du 29 mars 1974 – JOS 1987, page 182 et S;

•Guinée-Bissau : Convention du 8 janvier 1975 – JOS 1986, page 118 et suivantes;

•Convention du 17 avril 1984 – JOS 1986, page 94;

•Les États liés par l’Accord de non-agression et d’assistance en matière de défense (ANAD). Mali, Mauritanie, Niger, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Sénégal, Togo. Convention du 21 avril 1987 – JOS 1988, page 103.

188.Un acte de disparition forcée pourra donner lieu à extradition s’il est qualifié sous une ou plusieurs infractions existantes. L’évaluation de la double incrimination est un exercice abstrait. Il suffit que les faits soient punissables en droit sénégalais et qu’ils répondent à l’incrimination minimum, indépendamment de la qualification.

189.Les faits qui peuvent donner lieu à l’extradition, qu’il s’agisse de la demander ou de l’accorder sont les suivants selon l’article 4 de la loi no 71-77 du 28 décembre 1971 :

« 1. Tous les faits punis des peines criminelles par la loi de l’État requérant;

2. Les faits punis de peines correctionnelles, quand le maximum de la peine encourue, aux termes de cette loi, est de deux ans ou au-dessus, ou s’il s’agit d’un condamné, quand la peine prononcée par la juridiction de l’État requérant est égale ou supérieure à deux mois d’emprisonnement.

En aucun cas l’extradition n’est accordée par le Gouvernement Sénégalais si le fait n’est pas puni par la loi Sénégalaise d’une peine criminelle ou correctionnelle.

Les faits constitutifs de tentative ou de complicité sont soumis aux règles précédentes à condition qu’ils soient punissables d’après la loi de l’État requérant et d’après celle de l’État requis.

Si la demande a pour objet plusieurs infractions commises par l’individu réclamé et qui n’ont pas encore été jugés, l’extradition n’est accordée que si le maximum de la peine encourue, d’après la loi de l’État requérant, pour l’ensemble de ces infractions, est égal ou supérieur à deux ans d’emprisonnement.

Si l’individu réclamé a été antérieurement l’objet, en quelque pays que ce soit, d’une condamnation définitive à deux ans d’emprisonnement, ou plus, pour délit de droit commun, l’extradition est accordée, suivant les règles précédentes, c’est-à-dire seulement pour les crimes ou délits mais sans égard au taux de la peine encourue prononcée pour la dernière infraction.

Les dispositions précédentes s’appliquent aux infractions commises par les militaires, marins ou assimilés lorsqu’elles sont punies par la loi sénégalaise comme infraction de droit commun.

Il n’est pas innové quand à la pratique et à la remise des marins déserteurs. »

B.Exemples de coopération entre les États dans lesquels la Convention a servi de fondement pour l’extradition, et cas dans lesquels l’État a accordé l’extradition d’une personne soupçonnée d’avoir commis l’une des infractions visées plus haut

190.Aucun exemple d’extradition fondée sur la Convention n’a été rapporté.

C.Infraction politique

191.L’article 5 de la loi no 71-77 du 28 décembre 1971 dispose :

« L’extradition n’est pas accordée :

1. Lorsque l’individu, objet de la demande, est national sénégalais, la qualité de national étant appréciée à l’époque de l’infraction pour laquelle l’extradition est requise;

2. Lorsque le crime ou délit a un caractère politique ou lorsqu’il résulte des circonstances que l’extradition est demandée dans un but politique. En ce qui concerne les actes commis au cours d’une insurrection ou d’une guerre civile ou par l’un ou l’autre des partis engagés dans la lutte et dans l’intérêt de sa cause, ils ne pourront donner lieu à l’extradition que s’ils constituent des actes de barbaries odieuses et de vandalisme défendus suivant les lois de la guerre, et seulement lorsque la guerre civile a pris fin;

3. Lorsque les crimes ou délits ont été commis au Sénégal;

4. Lorsque, d’après les lois de l’État requérant ou celle de l’État requis, la prescription de l’action s’est trouvée acquise antérieurement à la demande de l’extradition, ou la prescription de la peine antérieurement à l’arrestation de l’individu réclamé et d’une façon générale toutes les fois que l’action publique sera éteinte. »

192.Il n’y a pas encore d’application au Sénégal d’une extradition fondée sur des mobiles politiques.

D.Autorité qui statue sur une demande d’extradition et critères arrêtés pour ce faire

193.Il ressort des articles 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18 de la loi no 71-77 du 28 décembre 1971 les dispositions suivantes :

Article 9 de la loi no 71-77 du 28 décembre 1971 :

« Toute demande d’extradition est adressée au Gouvernement sénégalais par voie diplomatique et accompagnée, soit d’un jugement ou d’un arrêt de condamnation, même par défaut ou par contumace, soit d’un acte de procédure criminelle décrétant formellement ou opérant de plein droit le renvoi de l’inculpé ou de l’accusé devant la juridiction répressive, soit d’un mandat d’arrêt ou de tout autre ayant la même force et décerné par l’autorité judiciaire, pourvu que ces derniers actes renferment l’indication précise du fait pour lequel ils sont délivrés et la date de ce fait.

Les pièces ci-dessus mentionnées doivent être produites en original ou en expédition authentique.

Le Gouvernement requérant doit produire en même temps la copie des textes de loi applicables au fait incriminé. Il peut joindre un exposé des faits de la cause ».

Article 10 de la loi no 71-77 du 28 décembre 1971 :

« La demande d’extradition est, après vérification des pièces, transmise avec le dossier, par le Ministre des Affaires étrangères au Ministre de la justice, qui s’adresse de la régularité de la requête lui donne telles suites que de droit ».

Article 11 de la loi no 71-77 du 28 décembre 1971 :

« Dans les vingt-quatre heures de l’arrestation, il est procédé, par les soins du Procureur Général de la République ou d’un membre de son parquet, à un interrogatoire d’identité dont il est dressé procès-verbal ».

Article 12 de la loi no 71-77 du 28 décembre 1971 :

« L’étranger est transféré dans le plus bref délai et écroué à la maison d’arrêt du chef de lieu de la cour d’appel dans le ressort de laquelle il a été arrêté ».

Article 13 de la loi no 71-77 du 28 décembre 1971 :

« Les pièces produites à l’appui de la demande d’extradition sont en même temps transmises par le Procureur de la République au Procureur général. Dans les vingt-quatre heures de leur réception, le titre, en vertu duquel l’arrestation aura lieu, est notifié à l’étranger. Le Procureur général, ou un membre de son parquet, procède dans le même délai, à un interrogatoire dont il est dressé procès-verbal ».

Article 14 de la loi no 71-77 du 28 décembre 1971 :

« La chambre d’accusation est saisie sur le champ des procès-verbaux susvisés et de tous autres documents. L’étranger comparaît devant elle dans un délai maximum de huit jours, à compter de la notification des pièces. Sur la demande du ministère public ou du comparant, un délai supplémentaire de huit jours peut être accordé, avant les débats. Il est ensuite procédé à un interrogatoire dont le procès-verbal est dressé. L’audience est publique, à moins qu’il n’en soit décidé autrement, sur la demande du parquet ou du comparant. Le ministère public et l’intéressé sont entendus. Celui-ci peut se faire assister d’un avocat et d’un interprète. Il peut être mis en liberté provisoire à tout moment de la procédure, et conformément aux règles qui gouvernent la matière ».

Article 15 de la loi no 71-77 du 28 décembre 1971 :

« Si, lors de sa comparution, l’intéressé déclare renoncer au bénéfice de la présente loi et consent formellement à être livré aux autorités du pays requérant, il est donné acte par la Cour de cette déclaration. Copie de cette décision est transmise sans retard par les soins du Procureur général au Ministre de la justice, pour toutes fins utiles ».

Article 16 de la loi no 71-77 du 28 décembre 1971 :

« Dans le cas contraire, la chambre d’accusation donne son avis motivé sur la demande d’extradition.

Cet avis est favorable, si la cour estime que les conditions légales sont remplies, ou qu’il n’y a pas erreur évidente.

Le dossier doit être envoyé au Ministère de la justice dans un délai de huit jours à dater de l’expiration des délais prévus à l’article 14 ».

Article 17 de la loi no 71-77 du 28 décembre 1971 :

« Si l’avis motivé de la chambre d’accusation repousse la demande d’extradition, celle-ci ne peut être accordée ».

Article 18 de la loi no 71-77 du 28 décembre 1971 :

« Dans le cas contraire, l’extradition peut être autorisé par décret. Si, dans le délai d’un mois à compter de la notification de cet acte, l’extradé n’a pas été reçu par les agents de la puissance requérante, il est mis liberté et ne peut être réclamé pour la même cause ».

194.L’autorité compétente pour statuer sur une demande d’extradition est la chambre d’accusation.

195.Les critères de base de chaque extradition sont les suivants :

•Le seuil de peine;

•La double incrimination;

•La non-prescription de l’action publique en droit sénégalais et en droit étranger;

•Les faits ne constituent pas une infraction politique ou connexe à une telle infraction;

•Les faits sont constitutifs de crime ou de délit punis d’une peine criminelle ou correctionnelle.

Article 14

A.Traité ou disposition d’entraide judiciaire applicable à la disparition forcée

196.L’entraide judiciaire interétatique peut s’appuyer sur des traités multilatéraux, des traités bilatéraux ou sur une base ad hoc. En effet, en l’absence d’un traité spécifique utile, le dispositif législatif sénégalais permet l’entraide judiciaire la plus large possible, sous réserve de réciprocité.

197.Le Sénégal a en effet signé beaucoup de conventions de coopération judiciaire sur le plan régional (les pays membres de la CEDEAO et de l’Union africaine) et sur le plan international (France, États-Unis, etc.).

198.Le Sénégal est aussi membre de l’INTERPOL et est très actif dans la coopération policière entre États.

199.En 2007, le législateur sénégalais a introduit dans le Code de procédure pénale un Titre XIV intitulé «Des Relations avec la Cour pénale internationale » spécialement dédié à l’entraide judiciaire au titre du statut de la Cour pénale internationale (loi no 2007-5 du 12 février 2007, art. 677-1 à 677-23 du Code de procédure pénale).

200.En tout état de cause, le Sénégal peut convenir de coopérer pénalement dans un dossier, et ce compris un dossier de « disparition forcée ».

B.Exemples concrets de cette entraide

201.Aucune application n’est connue à ce jour pour des faits qualifiés de disparition forcée.

Article 15

A.Tout nouvel accord que l’État partie a conclu ou modifié de façon à assurer une coopération pour porter assistance aux victimes de disparition forcée et pour faciliter leur recherche

202.Aucun accord n’a été conclu ayant pour objet spécifique la coopération dans l’assistance apportée aux victimes de disparition forcée en particulier.

203.Il est renvoyé, d’une part, aux commentaires généraux sur la coopération internationale en matière pénale formulés sous l’article 14 de la Convention, et, d’autre part, aux références relatives à toutes les disparitions, données dans le commentaire formulé sous l’article 24 de la Convention. L’appui et l’assistance aux victimes dont il est question incluent des mesures d’entraide internationale pertinentes dans des cas de disparition forcée : signalements, contacts pendant l’enquête, réactions en cas de localisation de la personne disparue et coopération avec des organisations accompagnant les proches de la personne disparue. Sont réalisées ainsi la centralisation et la transmission des informations relatives aux disparitions souhaitées par la Communauté internationale à travers l’article 15 de la Convention.

B.Cas dans lesquels ce type de coopération a été accordé et mesures prises en ce sens

204.Aucun exemple de coopération pour des faits qualifiés de disparition forcée n’a été rapporté.

Article 16

A.Législation nationale en ce qui concerne cette interdiction, y compris, outre le risque de disparition forcée, le risque d’autres formes d’atteintes graves à la vie et à l’intégrité de la personne

205.Le principe de non-refoulement liait déjà le Sénégal avant qu’il ne ratifie la Convention, ce, aux termes d’autres instruments internationaux auxquels il est partie : la Convention relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 (art. 33), la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (art. 3), la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (art. 12).

206.L’interdiction de transférer une personne vivant sous la juridiction sénégalaise à un autre État lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire que celle-ci y sera soumise à un risque réel d’atteintes notamment à la vie ou à l’intégrité physique s’applique en temps de paix comme en temps de conflit armé, quels que soient le fondement juridique, la forme (extradition, refoulement, transfèrement, etc.) et les modalités de transfert. Il s’agit là d’une norme internationale qui prime sur le droit interne et dont l’applicabilité directe ne fait pas de doute.

B.Effet éventuel de la législation et des pratiques concernant le terrorisme, les situations d’urgence, la sécurité nationale ou d’autres motifs que l’État peut avoir mises en place

207.Pas d’application.

C.Autorité qui décide de l’extradition, de l’expulsion, du renvoi ou du refoulement d’un individu, critères appliqués et procédure suivie

a)Extraditions

208.Les extraditions interviennent toujours à la suite d’une demande d’extradition. Avant qu’une décision soit prise concernant l’extradition (sous la forme d’un arrêt de la chambre d’accusation), l’individu est arrêté à la diligence du Procureur général ou d’un membre de son parquet, et il est soumis à un interrogatoire d’identité dont il est dressé procès-verbal. Il est ensuite transféré dans le plus bref délai et écroué à la maison d’arrêt du chef-lieu de la Cour d’appel du ressort. La suite de la procédure est organisée par les articles 13 à 18 du Code de procédure pénale déjà mentionnés.

b)Le droit d’asile

209.Il concerne toute personne étrangère réfugiée au Sénégal au sens de la loi no 68-27 du 24 juillet 1968 portant statut des réfugiés, au sens de l’article premier de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 complétée par le Protocole adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies, le 16 décembre 1966. Pour chaque étape de la procédure d’asile, le demandeur doit s’adresser à la Commission nationale d’éligibilité (CNE) présidée par un magistrat et comprenant les représentants des principaux services intéressés et le représentant du Haut-Commissariat aux réfugiés siégeant en qualité d’observateur.

c)Le refoulement

210.Cette procédure s’applique à tout étranger ne remplissant pas les conditions requises pour son entrée au Sénégal. En effet, aux termes de l’article premier du décret no 71-860 du 28 juillet 1971, tout étranger, pour être admis à pénétrer sur le territoire sénégalais, doit présenter :

•Un passeport ou titre de voyage en cours de validité;

•Un visa d’entrée sauf dispense;

•Une des garanties de rapatriement prévues par le titre IV du décret ou encore soit un billet aller-retour ou circulaire, soit un titre de transport pour une destination extérieure au Sénégal;

•Un certificat international de vaccination exigé par les règlements sanitaires.

211.Tout étranger ne remplissant pas ces conditions est refoulé à la charge du transporteur qui l’a accepté comme passager.

d)La reconduite

212.Elle vise l’étranger ayant pénétré au Sénégal par ses propres moyens sans remplir les conditions exigées pour l’entrée sur le territoire national. Lorsqu’il est interpellé à la suite d’un contrôle, il est reconduit à la frontière d’entrée.

e)Le laissez-passer

213.C’est une pratique instaurée en 1992 entre le Sénégal et la Mauritanie à la suite des négociations de paix qui ont suivi les événements de 1989. Il s’agit d’une autorisation délivrée par les autorités administratives frontalières sur présentation de l’équivalent de 50 euros. Cette autorisation permet aux ressortissants des deux pays de circuler librement mais en empruntant des points de passage officiels bien précis.

f)Les apatrides

214.Ce sont des personnes qui ne peuvent être soumises à une procédure de reconduite en raison de leur statut, d’autant plus que le Sénégal est signataire de la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et celle de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.

g)La rétention administrative

215.C’est une mesure administrative qui précède le refoulement, la reconduite ou l’expulsion. Elle a lieu dans les locaux de la Police des frontières ou dans ceux fixés par le Ministère de l’Intérieur.

D.Formation reçue par les agents de l’État chargés d’expulser, renvoyer ou extrader des étrangers

216.Les forces de police et de la gendarmerie sont les agents de l’État chargés d’expulser, renvoyer ou extrader les étrangers à la suite de mesures judiciaires ou administratives.

217.Ces agents sont tenus de respecter d’une part, les droits humains et d’autre part, de contribuer au respect des instruments internationaux et régionaux ratifiés par l’État. Ils se doivent de veiller à l’application de la législation nationale interne, particulièrement celle régissant les procédures applicables aux étrangers au niveau des frontières.

218.Les agents de la police et de la gendarmerie sont formés aux droits de l’homme dès leur formation de base. Il s’agit là d’une tradition bien ancrée dans toutes les écoles et centres de formation.

Article 17

A.Droit fondamental à la liberté individuelle, exceptions permises et garanties de non-clandestinité

219.Le droit sénégalais consacre un droit à la liberté et à la sûreté pour toute personne sous la juridiction ou sur le territoire sénégalais. Cette norme est établie par divers instruments internationaux de protection des droits fondamentaux ratifiés par le Sénégal et par la Constitution, en son article 7. Une exception à la liberté individuelle n’est permise que si elle est prévue par la loi. Or, en déterminant avec précision les conditions ainsi que les modalités selon lesquelles une privation de liberté est permise et en réprimant les violations portées à ces dispositions, la loi sénégalaise garantit que celle-ci soit officielle et visible.

220.Les formes légales de privation de liberté sur le territoire sénégalais sont les suivantes :

•La rétention administrative;

•La garde à vue d’un individu en cas de flagrance en vue de le conduire devant un magistrat compétent;

•La détention provisoire;

•L’emprisonnement après condamnation définitive ou détention judiciaire;

•L’internement pour raisons médicales sur décision judiciaire;

•Le placement de jeunes en centre fermé.

221.Dans tous les cas, le droit sénégalais prévient la clandestinité ou la séquestration en imposant que toute privation de liberté s’effectue dans des lieux officiellement reconnus, réglementés, et contrôlés.

222.Le Code pénal, en son article 106, engage d’ailleurs la responsabilité pénale des agents publics qui auront retenu ou fait retenir une personne hors des lieux déterminés par le gouvernement ou par l’administration publique, ou même ordonné ou fait quelque acte arbitraire ou attentatoire à la liberté individuelle. Le Code pénal en son article 110 punit aussi « Les fonctionnaires publics chargés de la police administrative ou judiciaire, qui auront refusé ou négligé de déférer à une réclamation légale tendant à constater les détentions illégales et arbitraires, soit dans les maisons destinées à la garde des détenus, soit partout ailleurs, et qui ne justifieront pas les avoir dénoncées à l’autorité supérieure ».

223.Les éléments demandés par le Comité seront renseignés ci-dessous à l’égard de chacune des formes précitées de privation de liberté. Seront également précisés les situations dans lesquelles les autorités sénégalaises ont la compétence de détenir en dehors du territoire national.

B.Garde à vue, détention provisoire et condamnation définitive

a)Autorités compétentes et conditions

224.La garde à vue est une mesure par laquelle l’officier de police judiciaire peut être amené à garder à sa disposition une ou plusieurs personnes. Elle est minutieusement réglementée par le Code de procédure pénale en ses articles 55 et suivants. Il est donné à toute personne faisant l’objet d’une telle arrestation les motifs de celle-ci, sa durée maximale ou sa prorogation, la possibilité de se faire assister par un avocat en cas de prorogation du délai de garde à vue et un médecin en cas de nécessité.

225.La garde à vue des personnes permet leur mise à la disposition de l’autorité judiciaire. Cette mesure ne peut intervenir que lorsqu’il existe des indices sérieux de culpabilité, de crime ou de délit. La garde à vue en cas de flagrance s’appuie sur les articles 45 et suivants du Code de procédure pénale. La décision d’arrestation est prise par l’officier de police judiciaire sous le contrôle du Procureur de la République sans préjudice des mesures conservatoires à prendre par les membres des services de police afin d’éviter la fuite de la personne arrêtée.

226.La détention provisoire est ordonnée par un magistrat et est fondée sur le mandat de dépôt. Le décernement de celui-ci est réservé au juge d’instruction moyennant le respect des conditions de fond et de forme établies par le Code de procédure pénale en ses articles 127 et suivants.

227.La détention judiciaire ou l’emprisonnement est la seule mesure qui a pour objectif la répression; elle intervient donc après une condamnation nécessairement prononcée par un tribunal ou une cour. Ces conditions sont principalement régies par le Code de procédure pénale (art. 678 à 707-36).

b)Registres

228.Le Sénégal assure une surveillance stricte sur les procédures relatives à la détention et le traitement des personnes arrêtées, détenues ou emprisonnées.

229.Le droit sénégalais requiert que toute privation de liberté doit être enregistrée dans des registres officiels.

230.Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 55 du Code de procédure pénale :

« La mesure de garde à vue s’applique sous le contrôle effectif du Procureur de la République, de son délégué ou le cas échéant du Président du tribunal départemental investi des pouvoirs du Procureur de la République.

Dans tous les lieux où elle s’applique, les officiers de police judiciaire sont astreints à la tenue d’un registre de garde à vue côté et paraphé par le parquet qui est présent à toutes les réquisitions des magistrats chargés du contrôle de la mesure ».

231.Les articles 55 et suivants du Code de procédure pénale confèrent donc aux autorités judiciaires des pouvoirs de contrôle et de sanction efficaces. Par ailleurs, les règles minima de traitement des détenus ont largement inspiré le régime pénitentiaire sénégalais (décret no 2001-362 du 4 mai 2001 relatif aux procédures d’exécution et d’aménagement des sanctions pénales).

232.La torture étant généralement le fait d’agents publics, surtout au moment des premières phases de l’enquête préliminaire, la loi sénégalaise a prévu la possibilité pour les victimes d’abus de la part d’officiers de police judiciaire, lors de la garde à vue, de saisir directement la Chambre d’accusation de la Cour d’appel, formation surveillant les activités de tous les officiers de police judiciaire pour constater ces abus et prendre les mesures adéquates pour les sanctionner.

233.Ce mécanisme a également une valeur préventive dans la mesure où le retrait de la qualité d’Officier de police judiciaire par la chambre d’accusation ôtera toute la substance aux missions de tels agents publics.

234.Il faut rappeler qu’avant cette réforme, seul le Procureur Général près la Cour d’appel pouvait saisir la Chambre d’accusation de tels abus.

235.Aux termes de l’article 685 du Code de procédure pénale :

« La mise à exécution des décisions judiciaires prononçant une peine privative de liberté ou ordonnant une incarcération provisoire, la garde et l’entretien des personnes qui, dans les cas déterminés par la loi, doivent être placées ou maintenues en détention en vertu ou à la suite de décisions de justice sont assurés par l’administration pénitentiaire ».

236.En ce qui concerne les prisons, la réglementation pénitentiaire, conformément, aux dispositions des articles 694 et suivants du Code de procédure pénale, prévoit un registre d’écrou pour chaque établissement pénitentiaire.

237.En conformité avec l’ensemble des règles minima pour le traitement des détenus, alinéa 1 du paragraphe 7, ledit registre doit contenir les informations sur l’admission, le transfert et la libération de chaque détenu et inclure la signature du détenu à chacune de ces étapes. Le registre doit aussi inclure l’autorité responsable du transfert, la durée maximale prescrite de la détention, la date à laquelle les détenus peuvent prétendre à une libération conditionnelle.

238.Article 694 du Code de procédure pénale :

« Tout établissement pénitentiaire est pourvu d’un registre d’écrou signé et paraphé à toutes les pages par le Procureur de la République.

Tout exécuteur d’arrêt ou de jugement de condamnation, d’ordonnance de prise de corps, de mandat de dépôt ou d’arrêt, de mandat d’amener lorsque ce mandat doit être suivi d’incarcération provisoire, ou d’ordre d’arrestation établi conformément à la loi, est tenu, avant de remettre au chef d’établissement la personne qu’il conduit, de faire inscrire sur le registre l’acte dont il est porteur; l’acte de remise est écrit devant lui; le tout est signé tant par lui que par le chef de l’établissement qui lui remet une copie signée de lui pour sa décharge.

En cas d’exécution volontaire de la peine, le chef d’établissement recopie sur le registre d’écrou l’extrait de l’arrêt ou du jugement de condamnation qui lui a été transmis par le Procureur général ou par le Procureur de la République.

En toute hypothèse, avis de l’écrou est donné par le chef de l’établissement, selon le cas, au Procureur général ou au Procureur de la République.

Le registre d’écrou mentionne également en regard de l’acte de remise la date de la sortie du détenu ainsi que s’il y a lieu, la décision ou le texte de la loi motivant la libération ».

Article 695 du Code de procédure pénale :

«Nul agent de l’administration ne peut, à peine d’être poursuivi et puni comme coupable de détention arbitraire, recevoir ni retenir aucune personne qu’en vertu d’un arrêt ou d’un jugement de condamnation, d’une ordonnance de prise de corps, d’un mandat de dépôt ou d’arrêt, d’un mandat d’amener, lorsque ce mandat doit être suivi d’incarcération provisoire, ou d’un ordre d’arrestation établi conformément à la loi et sans que l’inscription sur le registre d’écrou prévu à l’article précédent ait été faite ».

Article 696 du Code de procédure pénale :

« Si quelque détenu use de menaces, injures ou violences, ou commet une infraction à la discipline, il peut être enfermé seul dans une cellule aménagée à cet effet ou même être soumis à des moyens de coercition en cas de fureur ou de violence grave, sans préjudice des poursuites auxquelles il peut y avoir lieu ».

c)Contacts avec l’extérieur

239.La loi susmentionnée sur la détention provisoire ainsi que les règlements intérieurs des établissements pénitentiaires assurent au détenu le droit d’entretenir des contacts avec l’extérieur. Tout détenu (condamné, prévenu) a le droit d’avoir des contacts avec le monde extérieur, dans les limites fixées. Il peut ainsi correspondre avec l’extérieur par courrier, utiliser le téléphone, avoir des contacts avec son avocat et, s’il s’agit d’un étranger, avec ses autorités diplomatiques et consulaires, ainsi que recevoir les visites de sa famille et d’autres personnes justifiant d’un intérêt pour lui.

240.Aussi, le placement à l’extérieur qui permet au condamné d’être employé en dehors d’un établissement pénitentiaire à des travaux contrôlés par l’administration comme le régime de la semi-liberté octroyé par le Comité de l’aménagement des peines permettent au condamné d’entretenir des contacts avec l’extérieur.

241.Il en est de même de la permission de sortir qui autorise un condamné à s’absenter d’un établissement pénitentiaire pendant une période de temps déterminée qui s’impute sur la durée de la peine en cours d’exécution.

242.Elle a pour objet de préparer la réinsertion professionnelle ou sociale du condamné, de maintenir ses liens familiaux ou de lui permettre d’accomplir une obligation exigeant sa présence.

d)Recours

243.Lors de la première comparution, le juge d’instruction contrôle la légalité, la régularité et la nécessité de la détention préventive. Par la suite, il peut réévaluer la nécessité de celle-ci sur demande de l’inculpé ou même sur sa propre initiative. Les décisions du juge d’instruction peuvent faire l’objet d’un recours devant la chambre d’accusation. Le jugement de condamnation à une peine privative de liberté rendu en premier ressort est, quant à lui, susceptible de recours suivant le Code de procédure pénale.

244.En ce qui concerne les recours ouverts aux autres personnes, il peut être souligné que tout individu qui soupçonnerait une privation de liberté illégale, donc une infraction, peut la dénoncer, porter plainte et, s’il a subi un préjudice causé par cette infraction, se constituer partie civile.

e)Autorités de contrôle

245.Les lieux de détention peuvent être inspectés par diverses autorités : visites du juge de l’application des peines, des membres de la commission pénitentiaire consultative d’aménagement des peines, du juge d’instruction, des procureurs, du Président ainsi que les membres de la chambre d’accusation, des membres de l’administration pénitentiaire et des membres des services internes de contrôle des services de police.

246.Dans le sens de respecter ses engagements internationaux, notamment, ceux contenus dans le Protocole additionnel à la Convention contre la torture ratifié le 20 septembre 2006, le Sénégal a également fait adopter, par son Assemblée nationale, la loi no 2009-13 du 2 mars 2009 mettant en place un nouveau mécanisme de prévention de la torture désigné sous la dénomination d’Observateur national des lieux de privation de liberté.

247.Cette loi a été élaborée en étroite concertation avec la société civile, dans le cadre du respect de l’obligation faite aux États parties d’établir des mécanismes nationaux de prévention de la torture. Cette institution, jouissant d’une totale autonomie, a pour objectifs, notamment, de prévenir les actes de torture dans ces lieux de détention et de s’assurer que ces derniers sont conformes aux standards internationaux.

248.Aux termes de la loi no 2009-13 du 2 mars 2009 instituant l’observateur national des lieux de privation de liberté et du décret d’application no 2011-842 du 16 juin 2011, l’observateur national a pour mission de :

•Visiter à tout moment tout lieu du territoire de la République du Sénégal placé sous sa juridiction ou sous son contrôle où se trouvent où pourraient se trouver des personnes privées de liberté sur l’ordre d’une autorité publique ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite ainsi que tout établissement de santé habilité à recevoir des patients hospitalisés sans leur consentement;

•D’émettre des avis et de formuler des recommandations aux autorités publiques;

•De proposer au Gouvernement toute modification des dispositions législatives et réglementaires applicables.

249.L’observateur national des lieux de privation de liberté sera l’interlocuteur privilégié du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du Comité contre la torture des Nations Unies.

250.Dans l’exercice de ses fonctions, l’observateur national est assisté d’observateurs délégués qu’il choisit librement et d’un personnel administratif. L’observateur national dispose d’un siège affecté par l’État du Sénégal et d’un budget d’installation.

251.Pour garantir son indépendance totale par rapport au pouvoir exécutif, l’article 12 du décret no 2011-842 du 16 juin 2011 portant application de la loi no 2009-13 du 2 mars 2009 instituant l’observateur national des lieux de privation de liberté lui assure une autonomie budgétaire, une indépendance par rapport aux autres autorités étatiques, un mandat unique de cinq ans non renouvelable et auquel il ne peut être mis fin avant son expiration et un pouvoir de recrutement de son propre personnel administratif.

252.Toutes ces actions sont tant préventives (et dissuasives de toute privation arbitraire de liberté) que répressives si des manquements devaient être constatés.

f)Plaintes

253.Les décisions portant sur les conditions de détention sont susceptibles d’une réclamation tant auprès du régisseur de l’établissement pénitentiaire qu’auprès du directeur de l’administration pénitentiaire.

254.Ces décisions peuvent aussi être portées auprès du juge de l’application des peines ou de la commission pénitentiaire consultative d’aménagement des peines du lieu de détention.

255.Et les décisions de nature administrative peuvent être déférées devant la chambre administrative de la Cour suprême.

C.Internement pour raisons médicales sur décision judiciaire

a)Autorités compétentes et conditions

256.Le Président du tribunal pour enfant statuant par jugement en chambre du conseil peut décider de la remise de celui-ci à un établissement sanitaire.

257.De même le Code des drogues prescrit l’injonction thérapeutique comme peine pour les consommateurs d’habitude.

b)Registres, contacts avec l’extérieur et plaintes

258.Les règles applicables aux internés dans les établissements pénitentiaires sont les mêmes que celles applicables aux autres internés.

c)Recours

259.Des recours sont ouverts contre les décisions rejetant la demande de mise en liberté provisoire du juge d’instruction.

d)Autorités de contrôle

260.Pour les établissements d’internement relevant de l’autorité du Ministère de la Justice (prison, centre d’adaptation sociale), les instances de contrôle sont les mêmes que pour les prisons.

261.Pour les autres lieux de détention, l’observateur national des lieux de privation de liberté est effectivement compétent.

D.Rétention administrative des étrangers en situation irrégulière

a)Autorités compétentes et conditions

262.Aux termes de l’article 2 du décret no 71-860 du 28 juillet 1971 :

« Les visas d’entrée au Sénégal sont délivrés par le Ministre de l’Intérieur et, sur délégation de celui-ci, par les agents diplomatiques ou consulaires sénégalais ou ceux ayant pouvoir de représenter le Sénégal dans ce domaine. Ces visas sont accordés avec ou sans consultation préalable du Ministre de l’Intérieur, dans les conditions fixées par celui-ci ».

263.Le visa d’entrée mentionne la durée, soit de l’autorisation de séjour, soit de l’autorisation d’établissement accordé à l’étranger.

264.Si, à la frontière, l’étranger ne satisfait pas aux conditions d’accès au territoire sénégalais et de séjour, il fera l’objet d’une décision de refoulement à la charge du transporteur qui l’a accepté comme passager et en cas d’impossibilité de refoulement immédiat, l’étranger peut être autorisé à séjourner provisoirement dans la localité d’arrivée, aux frais et sous la responsabilité du transporteur. Celui-ci est alors tenu de le conduire dans le plus bref délai hors des frontières.

265.S’il s’agit d’un étranger ayant pénétré au Sénégal par ses propres moyens, il est reconduit à la frontière d’entrée.

266.Les articles 34, 35, 36, 37 et 38 du décret du 28 juillet 1971 précité réglementent l’expulsion des étrangers du Sénégal :

« L’expulsion d’un étranger est prononcée par arrêté du Ministre de l’Intérieur. Cet arrêté fixe la durée du délai à l’expiration duquel l’étranger sera contraint de quitter le territoire national s’il ne l’a déjà fait. Ce délai part de la date à laquelle l’arrêté d’expulsion est notifié à celui qui en fait l’objet.

La notification d’un arrêté d’expulsion entraîne le retrait immédiat de la carte d’identité d’étranger.

L’arrêté d’expulsion peut, le cas échéant, être rapporté dans les mêmes formes. La notification de cette décision entraîne la restitution à l’intéressé de sa carte d’identité d’étranger.

Dans les cas où la mesure d’expulsion a été prise à la suite d’une condamnation devenue définitive, elle n’est exécutoire qu’après l’accomplissement de la peine.

Le délai fixé par l’arrêté d’expulsion part de la date d’élargissement du condamné.

Dans le cas où un étranger faisant l’objet d’un arrêté d’expulsion est dans l’impossibilité matérielle de quitter le territoire national, il peut, jusqu’à ce qu’il soit en mesure de le faire, être astreint par décision du Ministre de l’Intérieur à résider dans les lieux qui lui sont fixés et à se présenter périodiquement au contrôle du service de police ou de gendarmerie de la localité de résidence.

Est interdit le retour, sur le territoire national, de tout étranger ayant fait l’objet d’un arrêté d’expulsion, si cet arrêté n’a pas été préalablement rapporté ».

267.Aux termes de la loi no 71-10 du 25 janvier 1971 relative aux conditions d’admission, de séjour et d’établissement des étrangers :

« L’étranger peut être expulsé s’il a été condamné pour crime ou délit, ou si sa conduite, dans son ensemble, et ses actes permettent de conclure qu’il ne veut pas s’adapter à l’ordre établi, en cas d’ingérences graves et manifestes dans les affaires intérieures du Sénégal et enfin s’il ne peut plus subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille ».

268.Cette même loi précise par ailleurs, que l’étranger qui fait l’objet d’une mesure d’expulsion doit quitter le territoire dans le délai imparti par la décision d’expulsion. À défaut, il sera refoulé, sans préjudice des peines prévues à l’article 11 de la loi précitée.

L’article 11 :

« Est passible d’un emprisonnement de 2 mois à 2 ans et d’une amende de 20.000 à 100.000 francs ou de l’une de ces deux peines seulement l’étranger qui :

•Entre ou revient au Sénégal malgré l’interdiction qui lui a été notifiée;

•Séjourne ou s’établit au Sénégal sans avoir reçu l’autorisation appropriée ou après l’expiration du délai fixé par l’autorisation;

•Obtient l’autorisation de séjour ou d’établissement grâce à des garanties de rapatriement illusoires ou à la dissimilation de faits essentiels, sans préjudice des peines prévues par les articles 137 à 138 du Code pénal ».

269.En conclusion, les étrangers peuvent faire l’objet d’une mesure privative de liberté en attente de leur expulsion, pour les motifs évoqués ci-dessus.

270.Le recours à la détention n’est toutefois pas systématique. Il a lieu en dernier ressort sauf lorsque l’intéressé peut représenter un danger pour l’ordre public ou la sécurité nationale ou qu’il ne satisfait pas aux conditions d’entrée déterminées par le décret no 71-860 du 28 juillet 1971.

b)Registres

271.Les étrangers, en attente d’expulsion, et gardés dans les locaux des commissariats de police figurent sur les registres de leurs services.

272.Enfin, tout étranger dont la présence sur le territoire sénégalais est connue des services du ministère de l’Intérieur, dispose d’une carte d’identité d’étranger.

c)Contacts avec l’extérieur

273.L’étranger en détention administrative peut disposer notamment d’une assistance consulaire et médicale.

274.Les contacts qu’il peut entretenir avec le monde extérieur ne se limitent pas à ce cadre. Le droit à la vie privée et familiale est en effet généralement assuré.

d)Recours

275.Les étrangers disposent de recours auprès du pouvoir judiciaire pour contester les arrêtés d’expulsion. Ils peuvent s’adresser à la Cour suprême d’un recours pour excès de pouvoir. À noter que ce recours est suspensif de la décision d’expulsion.

e)Autorités de contrôle

276.Des acteurs externes comme le procureur, l’observateur national des lieux de privation de liberté ont accès aux commissariats de police.

f)Plaintes

277.L’étranger peut introduire une plainte s’il est victime d’infractions comme la torture ou les mauvais traitements comme n’importe quel national.

E.Placement de jeunes en centre fermé sur décision judiciaire

278.Le jeune mineur en danger ou en conflit avec la loi peut être confié provisoirement ou après jugement à un établissement hospitalier, un établissement médical ou médico pédagogique ou même à un internat approprié aux mineurs délinquants d’âge scolaire. Il peut également être placé dans un centre d’accueil d’une institution publique ou privée.

279.Le Code des drogues prévoit aussi l’injonction thérapeutique pour les prévenus en matière de drogue.

a)Autorités compétentes et conditions

280.Un jeune mineur est renvoyé vers le parquet lorsqu’il se trouve en danger ou lorsqu’il a commis un fait qualifié d’infraction. Le Parquet peut décider de renvoyer le jeune mineur vers le tribunal pour enfant. En vertu des articles 565 et suivants du Code de procédure pénale, le tribunal pour enfant évalue si le mineur, pour sa guérison ou sa rééducation peut être placé dans un établissement sanitaire, dans des centres d’adaptation sociale qui sont des centres fermés.

281.Le mineur a le droit d’être entendu avant que le juge prenne une décision et à chaque nouvelle décision.

282.Dans chaque décision de placement, le juge doit fixer la durée du placement du mineur qu’il consigne dans une ordonnance de garde provisoire ou dans un jugement.

283.L’accueil d’un jeune en régime fermé ne peut se faire donc qu’en exécution d’une décision judiciaire.

b)Registres

284.Les jeunes placés figurent dans les registres des tribunaux pour enfants et dans ceux des structures d’accueil. Il est donc aisé d’avoir des informations les concernant.

c)Contacts avec l’extérieur

285.Le jeune mineur qui est placé dans un centre fermé garde ses contacts avec sa famille. Il peut même bénéficier de permission de sortie pour aller rendre visite à sa famille.

d)Recours

286.Les décisions du tribunal pour enfant sont susceptibles d’appel ou d’opposition.

287.Le mineur peut interjeter appel contre toute décision du juge, contre une ordonnance ou un jugement, mais aussi par exemple contre une interdiction de rendre visite à son parent ou à la personne responsable de son éducation.

288.Il faut rappeler que les décisions de garde peuvent toujours être modifiées selon l’évolution de la situation du mineur.

e)Autorités de contrôle

289.Les centres d’accueil sont des institutions publiques. Ils peuvent donc être inspectés par les autorités administratives dont ils dépendent. Le parquet, le juge, les services sociaux peuvent aussi veiller sur le fonctionnement effectif et efficace des services.

290.Les centres d’adaptation sociale sont placés sous l’autorité de la direction de l’éducation surveillée et de la protection sociale.

f)Plaintes

291.Il va de soi que le mineur placé en régime fermé a le droit de faire formuler par un avocat ou par ses parents des réclamations quant à ses conditions de vie et ses droits.

F.Piraterie maritime

292.La loi no 2002-22 du 16 août 2002 portant Code de la Marine marchande aborde les questions liées au respect des droits de la défense (voies de recours contre les sanctions disciplinaires – conseil de discipline), les infractions nouvelles issues des impératifs de protection des personnes et des biens (sécurité) de la nature et de l’environnement (pollution marine).

293.Le Code de la Marine marchande donne compétence aux commandants de navires battant pavillon sénégalais d’arrêter et de détenir des pirates présumés en vue de poursuites par les autorités judiciaires sénégalaises ou étrangères.

294.Durant la participation d’un navire de guerre sénégalais à une opération anti-piraterie, une facilité de détention temporaire est prévue à bord pour la détention temporaire de pirates présumés, dans l’attente de leur transfert aux autorités judiciaires ou de leur libération. En toute circonstance, les personnes privées de liberté sont traitées humainement et ont droit au respect de leur personne, honneur, convictions et pratiques religieuses. Les personnes privées de liberté ont, entre autres, droit à de la nourriture et de l’eau potable de qualité et en quantité suffisante. L’assistance médicale peut être fournie immédiatement. L’accès à un avocat est possible en cas de poursuites au Sénégal.

G.Prisonniers de guerre dans le cadre d’une opération militaire à l’étranger

295.Le Ministère des Forces Armées intègre les obligations découlant du droit sénégalais et des textes internationaux, au premier rang desquelles les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels, dans les directives données aux forces sénégalaises engagées en opération à l’étranger.

296.Toute détention au cours d’une opération militaire fait l’objet d’un rapport circonstancié auprès des autorités hiérarchiques. Les procédures relatives au traitement des personnes retenues font explicitement mention des informations à transmettre aux organismes extérieurs, notamment au Comité international de la Croix-Rouge.

297.Des militaires formés au droit international humanitaire peuvent servir de conseillers juridiques et sont, dans la mesure du possible, déployés en opération en appui du commandement militaire. Ils sont donc en mesure d’attirer l’attention du commandement sur tout acte ou toute procédure qui serait en contradiction avec les normes de droit international et/ou national.

298.De plus, des procédures définissant les conditions de détention, libération, transfert et les contacts à prendre avec les autorités diplomatiques ou locales sont détaillées dans des directives pratiques en cas de commandement international.

Article 18

A.Législation garantissant le droit des tiers d’accéder à l’information

299.L’accès de tiers aux informations susceptibles de prévenir la disparition forcée d’une personne privée de liberté est garanti.

300.En cas de détention administrative, la loi prévoit, que l’officier de police judiciaire, qui procède à cette mesure de privation de liberté, en informe dans les plus brefs délais le procureur dont il relève.

301.En cas d’arrestation dans des situations de flagrance, le Code de procédure pénale réglemente la garde à vue et la détention provisoire. Ce code exige de l’officier de police judiciaire qu’il en informe immédiatement le procureur de la République en cas de garde à vue. En matière de détention provisoire toute personne privée de liberté a le droit de constituer avocat et peut bénéficier de l’assistance judiciaire pour s’attacher les services d’un avocat.

302.Le décret no 66-1081 du 31 décembre 1966 portant organisation et régime des établissements pénitentiaires, modifié et complété par les décrets no 68-583 du 28 mai 1968 et no 86-1466 du 28 novembre 1986 ainsi que la loi no 2000-39 du 29 décembre 2000 relative à l’aménagement des peines privatives de liberté organisent, quant à eux, les contacts des détenus avec le monde extérieur.

303.La loi sénégalaise consacre dès lors davantage le droit de la personne privée de liberté d’avertir plutôt que celui du tiers d’être averti. Ce droit semble donc conçu différemment par rapport à l’article 18 de la Convention et a une portée, à première vue, plus limitée puisque l’information est donnée à certains agents de la fonction publique et à une personne de confiance, non à « toute personne ayant un intérêt légitime pour cette information », comme le requiert la Convention.

304.Toutefois, les dispositions susmentionnées sont à considérer en combinaison avec la supervision des lieux de privation de liberté par les autorités habilitées par la loi et la possibilité pour toute personne justifiant d’un intérêt légitime de s’enquérir des informations essentielles relatives à la détention soit auprès de l’avocat du détenu – lequel sera en mesure de fournir ces renseignements tout en assurant le respect de la vie privée du détenu, soit auprès du détenu lui-même qui a droit aux contacts avec l’extérieur (voir commentaires formulés sous l’article 17 de la Convention). L’objectif poursuivi à travers l’article 18 tel que le commentent la doctrine est dès lors atteint.

305.Le même raisonnement est valable pour les étrangers maintenus en détention provisoire puisqu’ils entretiennent librement des contacts avec leur avocat ainsi qu’avec leur famille (voir commentaires formulés sous l’article 17 de la Convention).

306.L’équilibre ainsi dressé entre l’information des proches, d’une part, et le respect de la vie privée de la personne détenue, d’autre part, n’est pas sans rappeler l’article 36 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires, lequel prévoit l’activation de la protection consulaire à la demande de la personne concernée par la mesure privative de liberté.

307.Si une personne justifiant d’un intérêt légitime n’obtient pas les informations souhaitées à travers les mécanismes évoqués ci-dessus, il lui reste la possibilité de les obtenir en acquérant la qualité de partie civile suivant les procédures renseignées dans le commentaire formulé sous l’article 24 de la Convention.

B.Restrictions éventuelles

308.Aux termes de l’article 103 du Code de procédure pénale « lorsque le juge d’instruction croit devoir prescrire à l’égard d’un inculpé une interdiction de communiquer, il ne peut le faire que pour une période de dix jours seulement. En aucun cas cette interdiction ne saurait s’appliquer au conseil de l’inculpé ».

309.Les restrictions susceptibles d’être imposées à la communication de la personne privée de liberté de manière générale aux termes de cet article du Code de procédure pénale correspondent aux dérogations permises par le paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention.

310.Précisons que si un suspect arrêté dans le cadre d’une opération de lutte contre la piraterie maritime souhaite exercer le droit d’avertir une personne de confiance ou sa famille, rien ne s’y opposera. En outre, possibilité lui est aussi offerte de constituer avocat conformément aux dispositions de l’article 101 du Code de procédure pénale. Pour différer cette communication pour la durée nécessaire à la protection des intérêts de l’enquête, soit jusqu’au moment de son arrivée au Sénégal, l’accord du juge d’instruction doit être obtenu sur ce point. Ce dernier doit prendre une décision motivée (risque de disparition de preuves, risque de collusion, risque de soustraction à l’action de la justice).

C.Législation visant à assurer la protection des personnes qui demandent des renseignements et qui participent à l’enquête

311.Les personnes susceptibles de demander des informations relatives à la privation de liberté d’un individu sont protégées, à l’instar de tout individu, contre les intimidations et les actes de violence qui sont sanctionnés par le Code pénal. Quant à la protection des personnes qui participent à l’enquête, il est renvoyé aux commentaires formulés sous l’article 12 de la Convention, au point E.

Article 19

A.Procédures pour obtenir, utiliser et stocker des données génétiques ou des informations médicales

312.L’identification par analyse génétique en matière pénale au Sénégal n’est pas encore régie par une loi. Toutefois, il existe un projet de loi sur la création de banque des empreintes génétiques. Selon ce projet, il s’agit de mettre en place une banque nationale de données génétiques qui a pour but de permettre aux forces de l’ordre et de la sécurité nationale de disposer d’un outil efficace pour identifier les auteurs présumés d’actes criminels ou autres infractions désignées d’une part, et de rechercher plus efficacement les personnes disparues, d’autre part. Les objectifs de cette loi sont :

•L’utilisation des tests d’ADN pour déterminer les empreintes génétiques facilite l’arrestation et la condamnation d’auteurs d’actes criminels;

•L’utilisation de profils d’identification génétique permet d’exonérer rapidement les individus non impliqués dans un crime donné;

•La banque de données pour personnes disparues facilitera les enquêtes dans le cas de recherche d’enfants et d’individus disparus;

•Les données ainsi que les échantillons corporels prélevés ne peuvent être utilisées que pour établir les profils génétiques pour servir à l’application de la présente loi à l’exclusion de toute autre utilisation qui n’y est pas autorisée;

•Les renseignements sur les personnes inscrites dans la banque sont confidentiels et protégés par la présente loi.

B.Dispositions assurant la protection des données personnelles

313.Outre le secret de l’enquête préliminaire (art. 49, 50 et 55 bis du Code de procédure pénale), celui de l’instruction ainsi que le secret professionnel (art. 363 du Code pénal), la protection des données à caractère personnel recueillies durant une enquête ou durant une privation de liberté est garantie par l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la loi no 2012 du 25 janvier 2008 portant sur la protection des données à caractère personnel. L’accès aux données médicales réglementé par l’arrêté no 005776/MSP/DES du 17 juillet 2001 du Ministre de la Santé et de la prévention portant charte du malade dans les établissements publics de santé hospitalier précise en son article 7 que « le malade a droit au respect de sa vie privée, ... ainsi que la confidentialité des informations personnelles médicales et sociale le concernant ».

314.Il est à noter qu’il existe une Commission de protection des données à caractère personnel dont la mission est d’informer les personnes concernées et les responsables de traitement de leurs droits et obligations et s’assurer que les TIC ne comportent pas de menace au regard des libertés publiques et de la vie privée.

C.Banques de données génétiques

315.Il n’existe pas encore de banques de données génétiques. La création d’une banque nationale est à l’étude comme déjà indiquée.

316.Cependant, il existe un centre de diagnostic et de recherche en médecine moléculaire, qui est un laboratoire d’identification humaine installé à Dakar. Ce centre est le premier centre privé d’identification humaine en Afrique. Il a été fondé en 2003 et certifié ISO en 2009. Il dispose d’un laboratoire spécialisé de biologie moléculaire qui peut procéder à une analyse biologique médicale et à l’identification humaine grâce à des tests d’ADN. Les prestations du centre de diagnostic et de recherche en médecine moléculaire sont diverses :

•Analyses médicales;

•Scènes de crime;

•Tests d’ADN pour cas de viol;

•Tests d’ADN pour cas de meurtre;

•Tests d’ADN pour cas de vol;

•Tests d’ADN de personnes disparues;

•Banques d’ADN.

317.La police, la gendarmerie font appel à ses services de même que le public et le privé (assurances, IPM, Ambassades).

Article 20

A.Restrictions éventuelles à l’accès des tiers à l’information visée par l’article 17 de la Convention

318.Il est renvoyé aux commentaires formulés sous l’article 18 de la Convention, au point B.

B.Recours disponibles

319.En cas de rétention administrative, la loi ne prévoit pas de recours judiciaire contre la décision motivée ou non motivée de l’officier de police judiciaire de ne pas donner suite à la demande formulée par la personne concernée d’avertir une personne de confiance. Cette décision n’est pas pour autant laissée à l’arbitraire puisque les actions de la police peuvent faire l’objet de plusieurs formes de contrôle (services de contrôle interne et externe, parquet, juge d’instruction). Un tiers pourra éventuellement saisir l’observateur national des lieux de privation de liberté par rapport à une information à laquelle il n’aurait pas eu accès.

320.En cas de détention provisoire, au-delà d’un seuil de dix jours d’interdiction de communication, il est possible d’intenter un recours judiciaire contre l’ordonnance motivée prise par le juge d’instruction de prolonger l’interdiction de la personne de confiance. La même loi donne, en revanche, à l’inculpé le droit d’introduire auprès de la chambre d’accusation qui statue sur la détention provisoire une requête en vue de la modification ou de la levée des éventuelles mesures restreignant la communication du détenu avec des tiers.

321.Si le droit sénégalais ne prévoit pas un recours judiciaire spécifique pour les tiers cherchant à obtenir l’accès aux informations tels que visés à l’article 18, paragraphe 1, de la Convention, il garantit cependant à toute personne qui soupçonne une infraction le droit de dénoncer celle-ci, de porter plainte et, si elle a subi un préjudice causé par cette infraction, de se constituer partie civile ou de se déclarer personne lésée.

Article 21

A.Dispositions législatives permettant de vérifier la libération effective et pratique

322.Le droit sénégalais assure l’effectivité de la libération, tel que le requiert l’article 21 de la Convention, par diverses mesures comme l’enregistrement de celle-ci dans les registres officiels (levée de l’écrou dans les établissements pénitentiaires) mentionnés dans le commentaire formulé sous l’article 17 de la Convention et sa notification aussi bien à l’intéressé qu’aux avocats.

323.Quant aux personnes appréhendées par les membres des forces armées sénégalaises dans le cadre d’un mandat international, celles-ci sont, le cas échéant, remises en liberté dans le respect du droit international et des procédures (Organisation des Nations Unies, Union africaine, CEDEAO) en vigueur lors des opérations militaires à l’étranger. Le principe de non-refoulement tel que défini dans les commentaires formulés sous l’article 16 est strictement respecté.

B.Autorités compétentes pour superviser la remise en liberté conformément à la législation nationale et au droit international applicable

324.La supervision de la remise en liberté des détenus peut être réalisée par des autorités nationales pénitentiaires, judiciaires, et, le cas échéant, militaires. Elle fait l’objet d’un contrôle hiérarchique interne. Elle peut également faire l’objet du contrôle externe de diverses institutions internationales dont la compétence a été reconnue par le Sénégal, comme par exemple le CICR si la détention visée a eu lieu dans le cadre d’un conflit armé international.

Article 22

A.Textes législatifs applicables pour garantir que toute personne privée de liberté ou toute autre personne ayant un intérêt légitime ait le droit de faire recours devant un tribunal

325.Le droit sénégalais garantit le droit de toute personne privée de liberté d’introduire un recours mettant en cause la légalité de la décision qui a donné lieu à ladite privation. Il est renvoyé à cet égard aux commentaires formulés sous l’article 17 de la Convention.

326.Il s’agit là d’un droit ancré non seulement dans la loi sénégalaise, mais également dans les instruments internationaux de protection des droits fondamentaux auxquels le Sénégal est partie, comme la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

B.Dispositifs en place pour empêcher : i) la privation illégale de liberté, ii) le manquement à l’obligation d’enregistrer la privation de liberté et iii) le refus de donner des renseignements sur la privation de liberté ou la fourniture de renseignements inexacts, et sanctions prévues

327.Une entrave au bon fonctionnement de la justice est passible de sanctions pénales, disciplinaires ou statutaires telles que décrites dans le commentaire formulé sous l’article 7 de la Convention.

328.Ainsi, le Code pénal engage la responsabilité pénale des agents publics qui auront illégalement ou arbitrairement arrêté ou fait arrêter, détenu ou fait détenir une ou plusieurs personnes, ou qui, en ayant le pouvoir, auront négligé ou refusé de faire cesser une détention illégale portée à leur connaissance, ou encore qui auront refusé d’exhiber leurs registres tel que le requiert la loi.

329.Le Code de procédure pénale engage la responsabilité pénale pour détention arbitraire de tout gardien qui aura omis de faire enregistrer la privation de liberté dans ses registres ou qui aura refusé soit de montrer le détenu dans les situations où la loi le requiert, soit d’exhiber ses registres.

C.Législation interdisant de donner des ordres prescrivant, autorisant ou encourageant la disparition forcée et garantissant que quiconque refuse d’obtempérer à un tel ordre ne soit pas sanctionné

330.Il est renvoyé aux commentaires formulés sous l’article 6 de la Convention, au point B.

Article 23

A.Programmes de formation

331.Les personnels au sein des services de police, des établissements pénitentiaires, des centres fermés pour jeunes ainsi que des forces armées sénégalaises restent soumis, dans l’exercice de leurs missions, au cadre juridique sénégalais et international, et dès lors aux dispositions protectrices des droits de l’homme qu’il intègre.

332.La mise en œuvre effective de ces dispositions est assurée à travers un Code de déontologie, un Code de conduite ou un règlement intérieur pour certains de ces agents, et à travers une formation initiale et continue pour tous les agents.

333.Les formations reçues ne traitent pas spécifiquement de la Convention. Néanmoins, le respect du cadre légal enseigné implique l’interdiction d’actes constituant une disparition forcée, y contribuant ou dont il peut découler une disparition forcée. Les sanctions pénales, disciplinaires et statutaires en cas de méconnaissance de ces normes sont également abordées.

334.Les formations suivies par les personnes chargées de l’application des lois ont déjà été renseignées par le Sénégal dans le cadre de ses rapports au Comité contre la torture. Ces informations restent pertinentes.

335.En ce qui concerne plus particulièrement le personnel des forces armées, il y a lieu de préciser que celui-ci reçoit des formations en droit international humanitaire, en droit de l’homme et en droit pénal. S’il est vrai que la formation du personnel des forces armées n’intègre pas encore spécifiquement la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, il convient de souligner que cette problématique est néanmoins abordée dans le cadre de la formation générale.

B.Obligation de signaler les cas de disparition forcée

336.L’article 32 du Code de procédure pénale du Sénégal précise : « le Procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner. Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit, est tenu d’en donner avis sans délai au Procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs... ».

337.D’un autre côté, l’article 48 du Code pénal punit « d’un emprisonnement de deux mois à trois ans et d’une amende de 25.000 à 1.000.000 de francs ou de l’une de ces deux peines seulement, celui qui, ayant connaissance d’un crime déjà tenté ou consommé, n’aura pas alors qu’il était encore possible d’en prévenir ou limiter les effets ou qu’on pouvait penser que les coupables ou l’un d’eux commettraient de nouveaux crimes qu’une dénonciation pourrait prévenir, averti aussitôt les autorités administratives ou judiciaires ».

338.L’article 110 du même code déjà visé dans les commentaires est de la même veine.

339.C’est dire qu’il est donc fait obligation aux agents publics qui auraient eu connaissance d’une infraction d’en informer immédiatement le ministère public. Les crimes ou délits constatés au sein d’un lieu de privation de liberté peuvent être signalés à la justice directement auprès du procureur de la République ou de l’observateur national des lieux de privation de liberté.

Article 24

A.Accueil et assistance aux victimes, et association des victimes aux recherches

340.L’attention portée dans le cadre de la procédure pénale aux victimes est significative, ce, quel que soit leur statut. La victime s’entend en effet de toute personne, physique ou morale, qui a subi un préjudice résultant d’une infraction.

B.Données génétiques

341.La loi sénégalaise ne prévoit pas de dispositifs pour recueillir systématiquement de données ante mortem relatives aux personnes disparues et à leurs proches. Toutefois, il est envisageable d’implanter au Sénégal une banque de données génétiques qui pourra prévoir pareils dispositifs.

C.Droits de la victime

342.Toute victime d’un dommage causé par une infraction peut en effet se constituer partie civile conformément aux articles 1, 2, 3, 4 et 5 du Code de procédure pénale et devenir ainsi partie à la procédure. Elle peut également acquérir le statut de «partie civile » conformément à l’article 71 du Code de procédure pénale et alors être dotée de droits spécifiques dont celui d’accéder à l’information aux différents stades de la procédure pénale.

343.Le droit à la réparation est consacré par les articles du Code de procédure pénale précités et par l’article 44 du Code pénal. En ce qui concerne la réparation pour détention illégale, le Sénégal est lié par le Code des obligations de l’Administration. Toute faute de service ou toute faute d’un agent dans l’exercice de ses fonctions est sanctionnée et peut ouvrir droit à une indemnité fixée par le juge administratif.

344.Il peut cependant être envisagé dans le cadre des réformes en cours que la réparation puisse être assurée par un fonds spécial d’aide aux victimes d’actes intentionnels de violence dans le cas où elle ne peut être réalisée de façon effective et suffisante par l’auteur ou le civilement responsable.

D.Régime juridique de l’absent

345.Le Code de la famille organise deux régimes qui encadrent les personnes disparues. L’article 16 du Code de la famille donne les définitions suivantes : « l’absent est la personne dont le manque de nouvelles rend l’existence incertaine. Le disparu est la personne dont l’absence s’est produite dans des circonstances mettant sa vie en danger, sans que son corps ait pu être retrouvé ».

346.Si l’on se réfère au libellé de l’article 2 de la Convention, seul l’examen du régime de l’absence garantira les droits et obligations des personnes disparues et de leurs proches dont il est question au paragraphe 6 de l’article 24 de la Convention.

347.Les règles applicables à l’absence sont fixées par les articles 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23 et suivants du Code de la famille.

348.Le législateur a décomposé le régime légal afférent aux absents en trois phases, aux contenus fort différents : la demande de déclaration de présomption d’absence (art. 17 du Code de la famille), la déclaration de présomption d’absence (art. 21 du Code de la famille) et la déclaration d’absence proprement dite (art. 22 du Code de la famille). Chacune de ces phases correspond à l’écoulement d’un certain temps depuis l’absence de la personne (en ce qui concerne la demande de déclaration de présomption d’absence, un an depuis la réception des dernières nouvelles; en ce qui concerne la déclaration de présomption d’absence, un an après le dépôt de la requête; et pour ce qui est de la déclaration d’absence, elle intervient deux ans après le jugement déclaratif de présomption d’absence).

349.Au fil du temps, les chances de vie de la personne absente s’amenuisent et la protection des intérêts en jeu doit évoluer. Alors que la balance penche en faveur de la personne absente pendant la phase de constatation de la présomption d’absence, elle penche plutôt en faveur de ses proches pendant la phase de déclaration d’absence.

350.Pour chaque phase, le Code de la famille arrête des mesures de publicité destinées à rechercher et localiser la personne disparue.

a)La demande de déclaration de présomption d’absence

351.Plusieurs mécanismes de protection de la personne présumée absente sont prévus par la loi sénégalaise comme cela ressort des articles du Code de la famille :

« Dès que la réception des dernières nouvelles remonte à plus d’un an, tout intéressé, et le ministère public par voie d’action, peuvent former une demande de déclaration de présomption d’absence. La demande est introduite par simple requête devant le tribunal régional du dernier domicile connu du présumé absent ou de sa dernière résidence. La requête est alors communiquée au parquet qui fait diligenter une enquête sur le sort du présumé absent et prend toutes mesures utiles à la publication de la demande, notamment par voie de presse écrite et de radiodiffusion, même à l’étranger, s’il y a lieu. Dès le dépôt de la demande, le tribunal désigne un administrateur provisoire des biens qui peut être le conjoint resté au foyer, le curateur aux intérêts absents, le mandataire laissé par celui dont on est sans nouvelles ou toute autre personne de son choix. S’il y a des enfants mineurs, le tribunal les déclare soumis au régime de l’administration légale ou de la tutelle. Dès son entrée en fonction, l’administrateur provisoire doit établir et déposer au greffe du tribunal régional un inventaire des biens appartenant à l’absent présumé. Il a le pouvoir de faire les actes conservatoires et de pure administration. S’il y a urgence et nécessité dûment constatées, il peut être autorisé à faire des actes de disposition dans les conditions fixées par ordonnance. À tout moment, à la requête du ministère public ou de tout intéressé, il peut être procédé, dans les formes suivies pour la nomination, à la révocation et au remplacement éventuel de l’administrateur provisoire ».

b)La déclaration de présomption d’absence

352.Aux termes de l’article 21 du Code de la famille :

« Un an après le dépôt de la requête, le tribunal, suivant les résultats de l’enquête, pourra déclarer la présomption d’absence. Le jugement confirme les effets du dépôt de la requête et les prolonge jusqu’à la déclaration d’absence ».

353.Vu les intérêts qui sont en jeu, le législateur a prévu une série de mécanismes de publicité qui concernent toute décision qui affecte l’absent.

c)La déclaration d’absence et la déclaration de décès de l’absent

354.« Deux ans après le jugement déclaratif de présomption d’absence, le tribunal pourra être saisi d’une demande en déclaration d’absence. Le jugement déclaratif d’absence permet au conjoint de demander le divorce pour cause d’absence. Les pouvoirs de l’administrateur provisoire sont étendus aux actes d’aliénation à titre onéreux des biens de l’absent. Cependant, préalablement à toute aliénation amiable, l’administrateur provisoire devra faire expertiser le bien sur ordonnance du président du tribunal. Dix ans après les dernières nouvelles, tout intéressé pourra introduire devant le tribunal qui a déclaré l’absence une demande en déclaration de décès. Il sera procédé à une enquête complémentaire à la diligence du parquet. Le jugement déclare le décès au jour prononcé et le dispositif en est transcrit sur les registres de l’état-civil du dernier domicile de l’absent, en marge de son acte de naissance et, éventuellement, de son acte de mariage. La succession de l’absent déclaré décédé s’ouvre au lieu de son dernier domicile ».

355.Les effets patrimoniaux et extrapatrimoniaux de la déclaration de décès de l’absent sont précisés aux articles 26, 27 et 28 du Code de la famille :

« Les jugements déclaratifs du décès de l’absent et du disparu ont la même valeur probante que les actes de décès. Sil l’absent reparaît avant le jugement déclaratif de décès, il reprend la totalité de ses biens dès qu’il en fait la demande. L’administrateur provisoire lui rend compte de sa gestion. Les actes d’aliénation régulièrement conclus lui sont opposables. Si l’absent ou le disparu reparaît après le jugement déclaratif de décès, il reprend ses biens dans l’état où ils se trouvent sans pouvoir prétendre à la restitution des biens aliénés. Lorsque l’absent reparaît après le jugement déclaratif de décès, le nouveau mariage de son conjoint lui est opposable. Il en est de même du divorce que le conjoint aurait obtenu après le jugement déclaratif d’absence. Quel que soit le moment où l’absent ou le disparu reparaît, les enfants cessent d’être soumis au régime de l’administration légale ou de tutelle. Dans le cas de divorce ou de remariage opposable au conjoint qui reparaît, le juge statuera sur la garde des enfants au mieux de leur intérêt ».

E.Associations de victimes

356.Le droit d’association est garanti à toute personne par l’article 12 de la Constitution. Des lois spéciales confèrent, en outre, aux associations et organisations non gouvernementales reconnues d’utilité publique et qui peuvent être agréées à ces fins le droit d’assister des victimes dans certaines procédures.

Article 25

A.Législation

357.Le Code pénal érige en infractions plusieurs comportements qui participeraient à la disparition forcée d’un enfant :

•L’enlèvement d’un mineur (art. 346, 347, 348, 349 du Code pénal);

•Délaissement d’un enfant (art. 341 du Code pénal);

•Les activités frauduleuses liées aux données attestant de l’identité de l’enfant et au rétablissement de son identité : le faux en écriture (art. 194 et 195107) et la falsification de l’état civil d’un enfant (art. 361 à 363).

•Les coupables d’enlèvement, de recel, ou de suppression d’un enfant, de substitution d’un enfant à un autre, ou de supposition d’un enfant à une femme qui ne sera pas accouchée, d’abandon de famille (art. 338 à 350 du Code pénal).

B.Dispositifs en place pour la recherche et l’identification d’enfants disparus et procédures à suivre pour les rendre à leur famille d’origine

358.La recherche et l’identification des enfants disparus ne sont pas spécifiquement régies par la loi ou des directives. Toutefois, comme pour les adultes, les infractions commises à l’égard des enfants sont punies par la loi et par ricochet, la recherche et l’identification vont de pair avec les enquêtes ouvertes.

C.Procédures garantissant le droit des enfants disparus d’obtenir le rétablissement de leur identité

359.Aux termes de l’article 30 du Code de la famille : « Toutes les naissances, tous les mariages et tous les décès sont inscrits sous forme d’acte sur les registres de l’état-civil. Les autres faits ou actes concernant l’état des personnes font l’objet d’une mention aux registres ».

360.La surveillance de l’état-civil est assurée par le juge du tribunal départemental et par le Procureur de la République. L’article 37 du même code réglemente les déclarations irrégulières en prévoyant :

« L’officier de l’état civil est tenu de recevoir toutes les déclarations faites pour la rédaction des actes. Si une déclaration lui semble contraire à la loi, il doit en aviser immédiatement le Procureur de la République qui agit s’il y a lieu en rectification ou en action d’état ».

361.Si la plainte du chef de faux ou pour irrégularité grave de l’acte aboutit à une condamnation, les actes de l’état civil qui concernent l’enfant sont radicalement nuls et doivent être reconstitués. La reconstitution sera ordonnée d’office par la juridiction répressive. Or, l’état de la personne qui n’est pas établi par des actes de l’état civil, ne peut être reconstitué – ou constitué si l’état n’a jamais été acté dans ce genre d’acte – que par le biais d’une décision judiciaire déclarative d’état civil et ce, conformément aux principes procéduraux énoncés dans le Code de procédure civile et dans le Code de la famille. La décision tiendra lieu d’acte d’état civil une fois sa transcription opérée sur les registres de l’année courante, avec une mention en marge de la date à laquelle elle aurait dû figurer.

362.Dans la mesure où cette matière concerne l’ordre public, le ministère public est en droit d’exercer l’action qui rétablira – ou établira – l’état civil de l’enfant.

D.Programmes visant à aider les adultes qui soupçonnent qu’ils sont enfants de parents disparus à établir leur véritable identité

363.La Convention sur l’adoption internationale a été signée et ratifiée par le Sénégal. Elle n’a pas été cependant totalement domestiquée en droit interne par des mesures de réforme législatives. En réformant l’adoption, il peut être envisagé que les autorités compétentes doivent veiller à conserver les informations qu’elles détiennent sur les origines de l’adopté pour permettre à ce dernier de découvrir ses origines et qu’elles assurent l’accès de l’adopté ou de son représentant à ces informations, avec les conseils appropriés.

364.Il est possible d’entreprendre, le cas échéant, une procédure en reconnaissance ou établissement de paternité conformément au droit national applicable.

E.Procédures en place pour garantir aux familles le droit de rechercher des enfants victimes de disparition forcée; procédures en place pour réexaminer, et si nécessaire annuler, l’adoption d’enfants qui a pour origine un acte de disparition forcée

a)L’adoption

365.La Convention du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale adoptée le 29 mai 1993 et entrée en vigueur le 1er mai 1995, a été signée et ratifiée par le Sénégal. Mais cette entrée en vigueur n’a pas encore modifié la réglementation relative à l’adoption sur toute une série de points, tant pour l’adoption nationale que pour l’adoption internationale. Toutefois, en droit interne sénégalais (Code de la famille), les fondements de toute adoption sont les suivants : l’adoption doit se fonder sur des justes motifs et, si elle porte sur un enfant, l’adoption ne peut avoir lieu que dans son intérêt supérieur et dans le respect des droits fondamentaux qui lui sont reconnus en droit international.

366.Aux termes de la Convention précitée, une adoption internationale ne peut être réalisée qu’avec l’accord de l’autorité centrale. Or, cette autorité n’est pas encore instituée au Sénégal.

367.L’absence d’une autorité centrale ne facilite pas la collaboration avec les pays d’accueil pour évaluer les situations qui sont faites aux enfants sénégalais objet d’une adoption internationale.

368.Le Sénégal connaît tant l’adoption simple que l’adoption plénière.

369.L’adoption simple ou limitée, dans le cadre de laquelle les liens continuent d’exister avec la famille biologique, est possible tant pour les mineurs que pour les majeurs. En effet, aux termes de l’article 244 du Code de la famille :

« L’adoption limitée est permise sans conditions d’âge en la personne de l’adopté. Si l’adopté est âgé de plus de 15 ans, il doit consentir personnellement à l’adoption ».

370.Elle peut être révoquée pour des motifs très graves. La demande de révocation peut être introduite par les adoptants, par l’adopté si ce dernier est encore mineur ou par le procureur de la République. En effet l’article 253 du Code de la famille stipule :

« L’adoption peut être révoquée, s’il est justifié de motifs graves, par décision du Tribunal rendue à la demande de l’adoptant ou de l’adopté et, si ce dernier est encore mineur, du Procureur de la République. Néanmoins aucune demande de révocation n’est recevable lorsque l’adopté est encore âgé de moins de 15 ans révolus. Le jugement rendu par le Tribunal compétent en vertu du droit commun, à la suite de la procédure ordinaire, après audition du ministère public, doit être motivé. Dès qu’il n’est plus susceptible de voies de recours, le ministère public procède aux formalités prévues par l’article 58, alinéas 1 et 5 pour mention complémentaire en marge de l’acte de naissance. La révocation fait cesser pour l’avenir tous les effets de l’adoption. Les biens donnés à l’adopté par l’adoptant font retour à celui-ci ou à ses héritiers dans l’état où ils se trouvent à la date de la révocation, sans préjudice des droits acquis par les tiers ».

371.L’adoption plénière rompt tous les liens avec la famille biologique et est irrévocable (art. 243 du Code de la famille).

372.Lorsqu’un enfant a atteint l’âge de 15 ans, il doit consentir à son adoption (nationale).

b)La révocation de l’adoption

373.Les deux formes d’adoption peuvent être révoquées, mais uniquement s’il existe des indices suffisants tendant à démontrer que l’adoption a été établie à la suite d’un enlèvement, d’une vente ou d’une traite d’enfant. La révocation peut être poursuivie par le ministère public ou par une personne appartenant au conseil de famille.

374.Si la preuve des faits susmentionnés est établie, le tribunal déclare que l’adoption cesse de produire ses effets à partir de la transcription du dispositif de la décision de révocation sur les registres de l’état civil.

375.Les articles 840 et suivants du Code de la famille sont relatifs à l’application de la loi dans l’espace et aux conflits de lois au Sénégal.

376.Il ressort de l’article 844 du Code de la famille :

« La filiation légitime et la légitimation sont régies par la loi qui gouverne les effets du mariage. La filiation naturelle est régie par la loi nationale de la mère et, en cas de reconnaissance, par celle du père. En cas de nationalité différente de l’enfant et de ses parents prétendus, la loi applicable est celle de l’enfant. En cas de changement de nationalité de l’enfant devant résulter de l’établissement de sa filiation, celui-ci peut se placer au moment qui lui est le plus favorable pour déterminer la loi applicable. Les conditions de l’adoption exigées de l’adoptant et de l’adopté sont régies par leur loi nationale respective. Ils doivent satisfaire aux conditions établies par l’une et l’autre loi lorsqu’elles les concernent tous les deux. Lorsque l’adoption est demandée par deux époux, les conditions exigées des adoptants sont régies par la loi qui gouverne les effets du mariage. Les effets de l’adoption sont régis par la loi nationale de l’adoptant et, lorsqu’elle a été consentie par deux époux, par la loi qui gouverne les effets du mariage ».

377.Par ailleurs, en vertu de l’article 853 du Code de la famille, les juridictions sénégalaises sont compétentes pour prononcer la révocation d’une adoption, à condition que l’adoptant, l’un des adoptants ou l’adopté soit sénégalais ou ait sa résidence habituelle au Sénégal au moment de l’introduction de la demande, si l’adoption a été établie au Sénégal ou si une décision judiciaire établissant l’adoption a été reconnue ou déclarée exécutoire au Sénégal.

378.En conclusion, les juridictions sénégalaises seraient compétentes pour prononcer la révocation d’une adoption établie au Sénégal ou à l’étranger suite à une disparition forcée. Le ministère public aurait même l’obligation d’agir. Suite à la révocation de l’adoption, les autorités publiques compétentes sénégalaises devraient prendre à l’égard de l’enfant les mesures utiles que commande son intérêt supérieur.

c)L’annulation de l’adoption

379.L’adoption ne peut être attaquée par voie de nullité. Le droit sénégalais parle plutôt de révocation pour justes motifs. La nullité d’une adoption ne peut être prononcée au Sénégal, même si le droit de l’État où elle a été établie le permet. De même, une décision étrangère annulant une adoption ne peut produire d’effets au Sénégal.

380.Le principe de la révocation au lieu de l’annulation est de nature à renforcer la sécurité juridique et à éviter que l’on revienne trop facilement sur une adoption; que des fraudes avaient en effet été constatées à ce niveau dans la pratique; que cela ne faisait cependant pas obstacle à la possibilité de revenir sur des adoptions obtenues par des moyens répréhensibles, dans la mesure où l’on pouvait recourir à la procédure de révocation.

F.Coopération avec d’autres États à la recherche ou à l’identification d’enfants de parents disparus

381.Il est renvoyé aux commentaires formulés sous l’article 14 de la Convention.

G.Législation nationale et procédures qui garantissent que dans toutes les actions concernant des enfants, qu’elles soient engagées par des institutions publiques, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant soit la considération primordiale

382.Le Sénégal a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant et la Charte africaine du bien-être de l’enfant qui prévoient que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être primordial dans toute décision le concernant.

383.En ce qui concerne plus particulièrement l’adoption, le Code de la famille prévoit que l’adoption ne peut avoir lieu que s’il y a de justes motifs et si elle présente des avantages pour l’adopté. En outre, la loi ajoute que peuvent être adoptés, les enfants pour lesquels les père et mère ou le conseil de famille ont valablement consenti à l’adoption et les enfants déclarés abandonnés. La combinaison de ces articles renvoie à l’intérêt supérieur dans toute procédure de filiation.

H.Façon dont les enfants capables de discernement exercent le droit d’exprimer librement leur opinion dans toutes les questions relativesà une disparition forcée qui les concernent

384.De manière générale, le nouveau Code de procédure pénale dispose que dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut être entendu; il précise les modalités à suivre à cet égard.

I.Données statistiques montrant les cas de disparition forcée

385.De telles statistiques n’ont pas été établies par les autorités sénégalaises.